Revue francophone d’information en sciences de la santé
Numéro Club de Recherche Clinique du Québec 54e réunion annuelle-2012
Vol.2 n°2
NUMÉRO CRCQ
Remerciements Nous remercions notre partenaire financier principal, le Fonds de recherche du Québec-Santé.
Nous remercions chaleureusement Dr Jean-Jacques Lebrun, professeur au département de médecine, division d’oncologie médicale, hôpital Royal Victoria, centre universitaire de santé McGill, Président du CRCQ 2012, pour avoir accepté notre invitation pour la rédaction de l’éditorial.
Image de couverture : Régulation des voies de signalisation des cytokines par les tyrosines phosphatases PTP1B et TCPTP. Signalisation en aval des récepteurs cytokines jusqu’a leurs cibles transcriptionnelles. Les deux modulateurs négatifs tyrosines phosphatases PTP1B et TC-PTP inhibent indépendamment ou simultanément les voies de signalisations des cytokines. Figure réalisée par Dr Noriko Uetani du laboratoire du Dr Michel Tremblay.
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Table des matières Éditorial 3
Retour sur la 54e réunion annuelle du Club de Recherches Cliniques du Québec Jean-Jacques Lebrun
ÉDITEUR Société de la revue Médecine Sciences 5022, chemin de la Côte-des-Neiges Montréal, Québec, H3V1G6 Canada DIRECTRICE GÉNÉRALE Anne-Laure Nouvion RÉDACTRICE EN CHEF Danielle Jacques ADJOINTE À LA DIRECTION Clémence Cireau
Revues 7
Jonathan B. Béland, James E. Duverger, Philippe Comtois
24
TC-PTP, un modulateur clé du système immunitaire Stéphanie Bussières-Marmen, Michel L.Tremblay
38
Les dynamiques calciques : côté lumineux de la signalisation endothéliale Chimène Charbel, Fanny Toussaint et Jonathan Ledoux
53
ADJOINTE À L’ÉDITION Anik Tia-Samson ISSN :1927-5897
Génie tissulaire appliqué à l’activité électrique cardiaque autonome : une alternative au pacemaker électronique
Les granules de stress à ARN : une question de vie ou de mort Laetitia Coudert, Rachid Mazroui
72
[email protected]
Les interactions de la corticostimuline (ACTH) avec son récepteur MC2 : nouvelles connaissances et perspectives Nicole Gallo-Payet
93
Immunothérapie pour le traitement de la sclérose latérale amyotrophique Audrey Labarre, Bastien Paré, Lydia Touzel-Deschènes, François Gros-Louis
108
Les interactions BHE/leucocytes en sclérose en plaques Catherine Larochelle, Alexandre Prat
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ÉDITORIAL
Retour sur la 54e réunion annuelle du Club de Recherches Cliniques du Québec
Professeur Jean-Jacques Lebrun Président du CRCQ 2012
Chères et chers collègues,
C
haque année, le Club de Recherches Cliniques du Québec (CRCQ) organise un colloque de trois jours, dont la mission est de permettre à ses membres ainsi qu’à leurs étudiants gradués et stagiaires postdoctoraux de présenter leurs travaux scientifiques dans le domaine
de la recherche médicale. Ce congrès réunit un grand nombre de scientifiques, venant principalement
des différentes universités francophones du Québec et de la France. Le CRCQ se distingue également particulièrement par l›encadrement privilégié offert aux étudiants gradués et stagiaires postdoctoraux, pour qui les frais d’inscription sont gratuits. Cette année, le congrès annuel s’est déroulé au complexe hôtelier « Estrimont Suites et Spa » dans la magnifique région du mont Orford, les 11-13 octobre derniers. Comme par le passé, cette année Vol.2 n°2
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encore, nous avons eu un excellent programme scientifique, très dense et d’une très grande variété. Nous avons eu 12 séances comprenant des présentations orales faites par des professeurs, étudiants gradués, et stagiaires postdoctoraux (8 présentations orales par séance) ainsi que plusieurs sessions de présentations par affiche, qui toutes ont permis de refléter, à sa juste valeur, l’excellence de la qualité scientifique au sein de la communauté francophone au Québec. Parmi les moments forts, on retiendra l’ouverture du congrès avec la présentation de la conférencière invitée par le président, la Dre Nicole Gallo-Payet et son brillant exposé sur son programme et ses travaux de recherche en endocrinologie de la glande surrénale. Les prix habituels du CRCQ ont bien évidemment été attribués lors de notre réunion annuelle. Ces prix prestigieux incluent le très attendu prix Michel Sarrazin qui est octroyé afin de souligner la carrière scientifique et la contribution exceptionnelle d›un professeur québécois chevronné. Cette année, le prix «Michel Sarrazin» a été remis au Dr Michel Tremblay de l’Université McGill. Lors de la remise du prix, le Dr Tremblay nous a présenté ses travaux sur le rôle des protéines tyrosines phosphatases dans les maladies humaines et leurs enjeux biologiques et pharmacologiques. Autre prix prestigieux du CRCQ, le prix du mentor scientifique a été remis cette année au Dre Gallo-Payet de l’Université Sherbrooke. Plusieurs anciens étudiants de la Dre Gallo-Payet sont venus rendre hommage à leur directrice de thèse et ont ainsi pu témoigner de ses excellentes qualités de mentorat. Nous avons également assisté à la remise du prix André-Dupont, attribué à un jeune professeur, établi depuis moins de 10 années et dont la carrière a été stellaire. Cette année, le Prix André Dupont a été remis au Dr Alexandre Pratt du Centre de recherche du CHUM de l’Université de Montréal. Nouveauté cette année, la mise en place d’une session « rencontre avec les professeurs ». Les étudiants ont ainsi eu l’opportunité de rencontrer le récipiendaire du prix André-Dupont lors d’une session de discussion au cours de laquelle ils ont pu discuter de son parcours universitaire, de son cheminement de carrière, de ses projets de recherche ainsi que de son expérience en tant que jeune professeur ayant démarré son propre laboratoire dans une université canadienne. Vol.2 n°2
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Pour la traditionnelle matinée des chercheurs boursiers, 6 jeunes professeurs venant des différentes universités du Québec et ayant moins de 10 ans de carrière ont été sélectionnés par le comité exécutif du CRCQ pour venir présenter leurs travaux de recherche. Cette matinée a été un franc succès avec un programme scientifique tout aussi varié qu’excellent. Les 6 professeurs sélectionnés par le comité exécutif sont les Drs Marie-France Hivert, Rachid Mazroui, Jonathan Ledoux, Marie-Josée Boucher, Philippe Comtois et François Gros-Louis. Comme vous le savez, le CRCQ se distingue plus particulièrement par l›encadrement privilégié offert aux étudiants gradués qui en sont, dans plusieurs cas, à leurs premières armes dans la participation à des congrès scientifiques. Cette expérience développe leur sens critique et les prépare pour des congrès internationaux où ils contribueront à un meilleur rayonnement de la recherche biomédicale effectuée au Québec. Des prix sont par ailleurs réservés et remis à des étudiants; le Prix Hans Selye qui récompense les meilleures présentations par affiche, remis cette année à M. Bruno Johnson (étudiant au Ph.D.) et M. Adrien Moreau (étudiant au Ph.D.) ainsi que le prix Jacques Genest, attribué pour la meilleure présentation orale, remis cette année à Mme Sophie Mathieu (étudiante au Ph.D.). Enfin, autre nouveauté cette année, le comité exécutif du CRCQ a instauré un partenariat avec la revue scientifique francophone Médecine Sciences Amérique (MSA). Cette collaboration implique, entre autres, l’édition d’un numéro spécial MSA/CRCQ post-congrès dans lequel nous publierons chaque année, une série d’articles révisés par les pairs et sélectionnés à partir des présentations de nos lauréats, conférenciers invités ainsi que parmi les sessions orales et par affiche. Vous pourrez notamment retrouver dans ce numéro spécial MSA/CRCQ des articles de revues rédigés par les jeunes professeurs universitaires boursiers mentionnés précédemment. Au nom de tout l’exécutif du CRCQ, il nous a fait plaisir de vous accueillir à Estrimont Suites et Spa et nous vous souhaitons une bonne lecture de ce numéro spécial MSA/CRCQ. Cordialement, Professeur Jean-Jacques Lebrun Vol.2 n°2
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REVUE
Génie tissulaire appliqué à l’activité électrique cardiaque autonome : une alternative au pacemaker électronique ? Tissue engineering applied to cardiac autonomous activity: an alternative to electronic pacemaker? Jonathan B. Béland, James E. Duverger, Philippe Comtois Centre de Recherche, Institut de Cardiologie, Montréal, Canada Département de Physiologie / Institut de Génie biomédical, Université de Montréal Correspondance Philippe Comtois, PhD Centre de Recherche, Institut de Cardiologie 5000 Bélanger Montréal, Québec, H1T 1C8 Canada 514 376-3330 poste 2615
[email protected]
Date de réception : 31 octobre 2012 Date d’acceptation : 17 avril 2013
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Résumé La bradycardie, un rythme anormalement lent du cœur, constitue un trouble du rythme assez courant ayant pour traitement l’implantation de pacemakers électroniques. Sachant que leur utilisation comporte des limitations importantes, le développement d’un feuillet de cellules pacemakers biologiques est une option à envisager parmi les approches possibles. Ainsi, les propriétés d’automaticité de cardiomyocytes et ultimement de cellules pluripotentes peuvent être optimisées in vitro avant d’être attachées au myocarde. Nous présentons, ici, les principes de générations d’automaticité électrique cardiaque et l’influence qu’a l’environnement de culture sur ce mécanisme autonome.
Summary Bradycardia is a common heart disease characterized by a slow activation rate that can be treated by the implantation of electronic pacemaker devices pacing the myocardium. Because these devices have several important limitations, the development of biological pacemaker patches based on tissue engineering could be very interesting among the possible approaches. Cardiomyocytes, and ultimately pluripotent cells, autonomous activity can be optimized in vitro to reach targeted rhythms through ion channel remodelling. The engineered tissue could then be grafted to the myocardium where functional electrical coupling would lead to entrainment. This review paper presents the basic principles of cardiac automaticity and the influence of in vitro environment on this autonomous mechanism.
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Mécanismes responsables de l’automaticité électrique cardiaque et troubles de rythme
P
our réaliser ces fonctions biologiques,
de l’échangeur sodium-calcium (INCX), le courant
le cœur compte sur le bon fonction-
calcique transitoire (ICaT) et le courant calcique
nement de son système électrique.
de type L (ICaL) provoquant un flux net de cations
L’activité électrique est initiée du nœud sinusal,
entrant dans la cellule durant la diastole qui dé-
le pacemaker naturel du cœur, et se propage
polarisent la membrane jusqu’au seuil d’activa-
de façon ordonnée via le système de conduc-
tion. Une dépolarisation diastolique est favori-
tion. La formation du potentiel d’action (PA) à
sée dans les cardiomyocytes (CM) autonomes
l’origine de l’activité électrique autonome est
par la réduction de IK1 et Ito, la désactivation de IKr,
possible grâce à différents courants ioniques
l’augmentation de ICaL [1] et l’activation de If [2].
(I) dont la dynamique et la perméabilité spé-
Le courant If, contrôlé par l’AMPc, activé par la
cifique en font des joueurs importants à diffé-
stimulation des récepteurs β-adrénergique et
rentes phases (figure 1A). Au niveau cellulaire,
inhibé par la stimulation des récepteurs musca-
l’automaticité repose sur trois mécanismes inti-
riniques de type M2, représente un mécanisme
mement couplés aux horloges : membranaire,
important du système nerveux autonome dans
calcique et mécanique (figure1B). Une horloge
la régulation du rythme cardiaque [3]. If circule à
est un mécanisme autonome capable de géné-
travers les Hyperpolarization Cyclic Nucleotide-
rer des PA et de maintenir le rythme d’activation
gated channel (HCN), des canaux qui s’activent
en absence de toute stimulation électrique ou
lors de l’hyperpolarisation. Chez les mammi-
humorale.
fères, quatre sous-unités homologues existent
L’horloge membranaire résulte de la
(HCN1-4) formant des tétramères distincts
synergie de plusieurs courants membranaires,
ayant des propriétés biophysiques différentes.
notamment: le courant pacemaker If, les cou-
Le canal formé par HCN4 est prédominant dans
rants potassiques sortants (IK1 et Ito), le courant
le nœud sinusal ; selon des résultats obtenus
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Figure 1 (A) Exemple d’un potentiel d’action enregistré par microélectrode et rôle des courants ioniques ( ↑ : sortant ↓ : entrant) À un potentiel autour de -70 mV, une certaine perméabilité aux courants ICaT (courant calcique entrant transitoire) et INCX (courant de l’échangeur Na+/Ca2+) est présente. La dépolarisation est induite par le courant sodique entrant (INa) qui est suivi d’une repolarisation rapide produite par l’inactivation de INa et l’activation du courant potassique transitoire sortant indépendant du Ca2+ (Ito). Il s’ensuit une phase d’équilibre entre ICaL (courant Ca2+ lent) entrant et le courant potassique IKur (courant potassique ultra rapide) sortant. La repolarisation est ensuite produite par des courants potassiques (IK) (IKr : composante rapide du courant potassique sortant tardif de rectification IK. IKs : composante lente du courant potassique sortant tardif de rectification IK.). Le maintien du potentiel de repos ainsi que de la phase de dépolarisation lente est dû à IK1 (courant potassique à rectification entrante) et If (courant pacemaker). (B) Schéma simplifié d’un cardiomyocyte Horloge membranaire : synergie de courants membranaires permettant la dépolarisation durant la diastole. Horloge calcique : oscillation de la [Ca2+] intracellulaire. Le sous-espace est l’espace sous-membranaire où la concentration locale de calcium est plus élevée; aussi connu sous le terme « espace dyadique ». Horloge mécanique : mécanisme permettant l›adaptation rapide du rythme suite à la déformation mécanique. ICSE : courant généré par les canaux sensibles à l’étirement. RyR : récepteur des canaux à ryanodine. SERCA : pompe Ca2+-ATPase du réticulum sarcoplasmique. Vol.2 n°2
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dans un modèle de souris déficiente en HCN4,
lulaires. L’oscillation du Ca2+ est indépendante
il n’est pas essentiel à l’obtention de l’automati-
de ICaL et INCX et du potentiel transmembranaire ;
cité ; il sert plutôt à sa stabilisation [4]. Le canal
elle persiste quand ces courants sont bloqués
formé par HCN2 est moins fortement exprimé
et que le potentiel est fixé par voltage imposé
dans le nœud sinusal que celui de HCN4, il sert
[7]. Les contractions cessent dans les CM de
en complément et prend la relève dans le cas
souris néonatales quand les RyR et IP3R sont
d’une déficience du canal formé par HCN4 [4].
inhibés simultanément [7]. Les oscillations du
Du point de vue fonctionnel, If permet la dépo-
Ca2+ peuvent interagir avec l’échangeur Na+/
larisation lente lors de la diastole qui active IcaT
Ca2+ (NCX); le courant entrant dépolarise la cel-
et qui prend le relais d’If tout en activant INCX.
lule jusqu’au seuil d’activation et initie le PA [7].
Quand le potentiel d’activation de ICaL est atteint,
Les horloges membranaires et calciques n’ex-
le PA est initié. Le rôle joué par If a été démontré
pliquent pas la rapidité de l’adaptation du rythme
expérimentalement par l’arrêt [5] ou le ralen-
cardiaque aux changements de contraintes mé-
tissement de l’activité autonome dans les CM
caniques telles que la charge hémodynamique.
quand il est inhibé par mutation des canaux
Le cœur même ex vivo adapte son rythme car-
HCN ou par blocage pharmacologique par l’iva-
diaque autonome très rapidement. Cette ré-
bradine) [6].
ponse chronotrope positive est indépendante du
De son côté, l’horloge calcique résulte
système adrénergique et cholinergique [8]. Elle
des oscillations de la concentration interne de
est aussi indépendante de l’activation neurale
Ca2+ ([Ca2+]i) de la cellule. Le réticulum sarco-
intra ou extracardiaque que ce soit pour le cœur
plasmique relâche spontanément de petites
entier ou à différents niveaux isolés tels le tissu
quantités de Ca2+ qui se lient localement aux
auriculaire [9], le nœud sinusal [10] et même la
récepteurs à ryanodine (RyR) et à l’inositol-tri-
cellule du nœud sinusal [11]. Ce phénomène,
phosphate (IP3R), amplifiant le phénomène de
appelé horloge mécanique, repose sur la ré-
relâche jusqu’à l’initiation de contractions cel-
troaction mécano-électrique qui décrit la régu-
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lation interne liant l’environnement mécanique
figure 2B, où leur étirement uniaxial aigu induit
du CM avec son activité électrique [12]. Cette
l’accélération de leur fréquence autonome.
régulation par les contraintes mécaniques est
La flexibilité et la robustesse de l’auto-
aussi existante dans des monocouches de CM
maticité sont rendues possibles grâce au cou-
de rats néonataux (figure 2A) avec activité auto-
plage intime des trois horloges. La communau-
nome. Un exemple de réponse est présenté à la
té scientifique a longtemps été divisée sur la
Figure 2 (A) Projection maximale de cardiomyocytes de rats néonataux in vitro marqués pour le noyau (DAPI : en bleu) et pour l’actine (Phalloïdin Alexa-555 en rouge) réalisée par microscopie confocale. (B) Exemple de la présence de l’horloge mécanique dans des feuillets de cardiomyocytes néonataux en culture. La fréquence (évaluée par vidéomicroscopie) avant étirement (ligne bleue) est rapidement augmentée suite à un étirement de 30% (ligne rouge) avant de redescendre.
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source primaire de l’automaticité oscillant entre
turbation transitoire ou persistante du rythme
l’horloge membranaire et l’horloge calcique [13].
cardiaque normal. Ainsi, une augmentation de
Récemment, il semble que l’idée du couplage
ICaL et INCX durant la période diastolique provoque
important entre les deux horloges mène au
une surcharge de calcium libre intracellulaire qui
consensus [14]. Ainsi, l’oscillation de la [Ca2+]i a
est une source majeure des post-dépolarisation
besoin de NCX pour générer le PA. D’un autre
retardées. Des dépolarisations précoces de la
côté, l’entrée de Ca2+ via ICaL et ICaT rehausse la
phase 2 et de la phase 3 peuvent également
[Ca2+]i, qui active les RyR et IP3R. Cependant, le
survenir par une augmentation de ICaL et une di-
concept d’horloge mécanique est relativement
minution de IK1 respectivement. Le syndrome de
récent et l’importance de son rôle reste à confir-
dysfonction sinusale est un trouble de rythme af-
mer. Cette horloge serait aussi couplée aux
fectant autant les hommes que les femmes [24].
deux autres horloges. Ainsi, la sensibilité à la
Un patient sur 600 (de plus de 65 ans avec pa-
stimulation mécanique a été reportée dans les
thologie cardiaque) en est affecté. Il est souvent
canaux ioniques d’If [15, 16], INa [17], ICaL [18], INCX
lié à un processus dégénératif, une fibrose du
[19], IK [20], tous reliés à l’horloge membranaire.
nœud sinusal, affectant également des sections
D’autre part, l’horloge mécanique est couplée à
adjacentes du système de conduction comme le
l’horloge calcique en favorisant l’augmentation
nœud auriculo-ventriculaire et les faisceaux de
de la [Ca2+]i par une éventuelle élévation de la
Hiss causant des troubles dans l’automaticité et
probabilité d’ouverture des RyR [21], une aug-
dans la propagation électrique [25]. Chez l’en-
mentation de la fuite de Ca2+ du réticulum sar-
fant, ce rare syndrome est associé à des malfor-
coplasmique [22] et une diminution du taux de
mations cardiaques congénitales pouvant cau-
recapture [23] (figure 1B).
ser des anomalies du système de conduction,
Le déséquilibre des horloges mène à des
à une hypertonie vagale ou à des complications
conséquences importantes, notamment des
post-chirurgies [24, 26]. Le syndrome de dys-
troubles de rythme se manifestant par une per-
fonction sinusale peut également être causé par
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des mutations des canaux ioniques et des jonc-
une augmentation de la durée du PA et de dimi-
tions communicantes qui ont pour effet d’induire
nuer la vitesse de conduction [24].
L’implantation de pacemakers, les complications associées et les alternatives possibles L’implantation de pacemaker (PM) est de plus
que chez l’adolescent, les électrodes sont plus
en plus utilisée pour contrer les troubles de
souvent implantées dans l’endocarde car elles
rythme et diminuer la mortalité et la morbidité
demandent une chirurgie moins complexe [28].
associées [27]. La technologie a beaucoup
Chez l’enfant, le PM monochambre est privilé-
évolué depuis l’implantation du premier PM
gié; il est plus petit et a une durée de vie su-
en 1958 passant d’un module très simpliste à
périeure [28]. L’utilisation de PM est associée
des systèmes comportant des électrodes mul-
à un fardeau important pour le système de la
tichambres pouvant induire des fréquences
santé lorsque les PM deviennent défectueux et
de stimulation variables s’adaptant, grâce à
doivent être remplacés. Les limitations liées aux
des algorithmes performants, aux besoins du
PM électroniques pourraient être surpassées
patient [26]. Plusieurs limitations sont encore
chez certains patients si un regain de la fonction
associées à leur utilisation. Par exemple, la
automatique, via génie tissulaire, était possible.
durée de vie des batteries varie entre 3 et 15
Par contre, les difficultés associées à la dispo-
ans et dépend du nombre d’actions, de la fré-
nibilité de CM humains et à la perte significative
quence et de l’intensité qui sera requise pour
de CM après une transplantation font en sorte
stimuler adéquatement le cœur. Chez l’enfant,
de limiter cette réalisation [29].
les électrodes sont généralement positionnées
Toutefois, l’utilisation de la culture cellulaire est
dans l’épicarde afin d’éviter d’obstruer la circu-
une option avantageuse pour réparer ou rem-
lation vasculaire et pour éviter d’affecter l’inté-
placer le tissu dysfonctionnel. L’ensemence-
grité de la valve auriculo-ventriculaire alors
ment de cellules souches embryonnaires hu-
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maines dérivées en CM sur un support poreux
tion fonctionnelle en ce qui a trait à la perfusion
biodégradable permet de créer une construc-
du cœur constituant un résultat prometteur afin
tion tissulaire qui a pu être greffée in vivo sur
d’enrayer la limite d’épaisseur de la construc-
un cœur de rat. L’épaisseur de la construction
tion. Toutefois, les propriétés électriques (cou-
reste une limitation due au principe de diffusion
plage avec les autres CM ou activité autonome)
limitant la survie des cellules à une distance de
de même que les propriétés mécaniques (force
quelques centaines de micromètres du capil-
de contraction) du greffon restent encore à être
laire le plus près [30]. Récemment, l’utilisation
étudiées. Le type cellulaire utilisé ne permet
de tri-culture (cellules souches embryonnaires
pas non plus l’utilisation actuelle en clinique.
dérivées en CM + cellules endothéliales + fibro-
L’utilisation de cellules pluripotentes provenant
blastes embryonnaires) a permis de former un
de l’hôte dont on induirait la différenciation en
tissu vascularisé. L’accumulation de billes fluo-
lignée cardiaque autonome permettrait d’éviter
rescentes dans le myocarde de l’hôte et dans
les troubles de rejet et constituerait une avenue
le greffon, suite à l’injection de billes fluores-
intéressante pour former un feuillet de cellules
centes dans le ventricule, montre une intégra-
optimisées appelé biopacemaker (BPM) [29].
Transformation des cellules pluripotentes en cellules PM Différentes techniques peuvent être utilisées
et fonctionnelles semblables au tissu d’origine.
pour induire un remodelage protéique qui affec-
Le cœur, in vivo, est assujetti à deux types de
tera la physiologie de cellules pluripotentes,
stimulation principalement : électrique et méca-
soit : contrôler l’environnement de culture, uti-
nique. Ainsi, les conditions de culture doivent
liser la biologie moléculaire ou utiliser la thé-
être similaires à l’environnement in vivo puisque
rapie génique. Le contrôle de l’environnement
les cellules pluripotentes induites en CM seront
est important afin d’amener les cellules à avoir,
affectées par la présence ou l’absence de ces
idéalement, des caractéristiques structurelles
stimuli.
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NUMÉRO CRCQ Effets de la stimulation électrique Il existe deux méthodes de stimulation élec-
ils adoptent une forme arrondie et un remode-
trique : locale et globale. La stimulation locale
lage de l’actine et de la troponine-I provoque
se fait par injection de courant en un point précis
une perte progressive des propriétés contrac-
du milieu extra- ou intracellulaire à l’aide d’une
tiles [33]. D’un point de vue fonctionnel, les CM
électrode générant l’activation de cellule locale
soumis à la stimulation électrique ont une plus
et la propagation à toutes les cellules intercon-
grande amplitude de contraction synchronisée,
nectées. D’un autre côté, la stimulation globale
une plus grande fréquence maximale d’entraî-
dépolarise l’ensemble des cellules par l’applica-
nement [32] et sont moins hypertrophiés [34].
tion d’un champ électrique issu de la différence
La stimulation électrique permet la génération
de potentiel entre deux électrodes parallèles;
de contractions régulières qui optimise la ges-
cette forme de stimulation est à favoriser dans
tion interne du Ca2+ [35], la densité et la fonction
notre cas, car elle facilite l’enlignement ordonné
des canaux calciques de type L (CCL); élément
des cellules qui, par séparation de charges du
clé de l’horloge membranaire. Parallèlement, un
cytosol, se comportent comme des dipôles s’ali-
rythme irrégulier ou trop rapide provoque une
gnant dans la direction du champ [31].
régulation à la baisse de ICaL [36] et de la pompe
Lorsque des CM de rats néonataux sont cultivés
SERCA [37] et pourrait donc influencer la fré-
in vitro, la stimulation électrique affecte la géo-
quence d’activation. Ainsi, la fréquence d’acti-
métrie, l’alignement des sarcomères et la distri-
vation du BPM pourrait dépendre de l’expres-
bution spatiale des connexines (Cx)-43 et des
sion de canaux ioniques qui peut être modifiée
mitochondries [32]. Sans stimulation électrique,
par stimulation électrique [36].
Effets de la stimulation mécanique Dans un CM, l’activité électrique est directe-
tion. Toutefois, la littérature révèle de plus
ment reliée à l’activité mécanique par un prin-
en plus la présence d’une rétroaction méca-
cipe appelé le couplage excitation-contrac-
no-électrique [38] due aux canaux sensibles
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à l’étirement (CSE). Conséquemment à leur
de HCN2 [15] et pourrait ainsi produire un PA
fonction, les CM sont soumis à des chan-
qui provient purement d’une activation méca-
gements dynamiques extrêmes en termes
nique. Il a également été montré que des CM
de stress et d’étirement [39] et constituent
soumis à un étirement du support flexible de
donc des cibles intéressantes afin d’étudier
culture (in vitro) ou à une surcharge de vo-
l’impact de la rétroaction mécano-électrique
lume (in vivo) vont modifier l’expression de
puisque l’impossibilité de s’adapter mènera
certaines protéines, facteurs de croissance
au développement de pathologies comme
et cytokines, favorisant le développement de
l’hypertrophie cardiaque [40].
l’hypertrophie cardiaque [44]. L’hypertrophie
Une activation des CSE permet de tra-
cellulaire peut faire varier la fréquence auto-
duire une activité mécanique en signal élec-
nome par le prolongement du PA [45], l’aug-
trique. De manière générale, l’étirement pro-
mentation de la capacité membranaire et la
voque l’ouverture des canaux dépolarisant la
diminution de ICaL [46]. Ainsi, lorsque les CM
cellule au repos par l’entrée de Na+ et de Ca2+.
sont cultivés in vitro, il s’avère important de
L’entrée de Ca2+ accentue l’entrée de Na+ via
procéder à un renouvellement adéquat du mi-
NCX qui dépolarise le potentiel membranaire
lieu de culture afin de diminuer l’impact de la
parfois jusqu’au seuil initiant le PA [41]. L’éti-
sécrétion d’agents sur le développement de
rement peut induire des extrasystoles et de
l’hypertrophie cellulaire.
l’activité spontanée dans les CM ventricu-
Le rôle des Cx est de connecter le milieu
laires [42]. Il produit une augmentation de IK1
intracellulaire de CM pour permettre à l’acti-
via une surexpression des canaux K+ à rec-
vité électrique de se propager rapidement et
tification entrante et ce remodelage est res-
de manière ordonnée. Ainsi, une diminution
ponsable du raccourcissement de la durée du
des niveaux de Cx augmente la résistance in-
PA dans des CM auriculaires [43]. De plus,
tercellulaire pouvant contribuer à perturber la
l’étirement augmente If via une surexpression
conduction électrique [44]. L’étirement semble
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moduler la propagation électrique en surexpri-
de la stimulation électrique et mécanique sur le
mant Cx-43 produisant une augmentation de la
remodelage des canaux ioniques et la conduc-
vitesse de conduction [44]. Les effets connus
tion intercellulaire sont résumés au tableau I.
Vers l’optimisation de l’activité électrique autonome des biopacemakers Il est facile de constater qu’il reste encore
génique. Par exemple, T-Box factor 3 (TBX3),
plusieurs étapes avant d’arriver à produire un
un facteur de transcription nécessaire au dé-
BPM optimisé pour une utilisation en clinique.
veloppement de plusieurs tissus, pourrait être
Un aperçu de l’approche de génie tissulaire pri-
ré-exprimé pour reprogrammer les cellules du
vilégiée pour produire un BPM optimisé est pré-
BPM en cellules pacemakers. Des études in
senté à la figure 3. Des cellules pluripotentes,
vitro ont révélé que TBX3 réduit la conduction
par exemple, des fibroblastes de la peau sont
intercellulaire, INa et IK1 [47] favorisant l’auto-
isolés de sujets atteints de troubles de rythme
maticité. Le BPM est ensuite détaché de son
et reprogrammés via des facteurs de transcrip-
support de fabrication et étendu sur la partie
tion dans un état de cellules souches embryon-
d’intérêt du myocarde pour une période de 10
naires [29]; les cellules sont ensuite ensemen-
à 15 minutes afin de permettre l’adhésion de
cées et différentiées en cellules cardiaques
ce dernier et ce, sans suture [48]. Le greffon
dans un environnement in vitro contrôlé par
pourrait ainsi améliorer les fonctions automa-
des processus de stimulation automatisés.
tiques. Dans ce contexte, grâce au génie tis-
Les cellules n’ayant pas d’automaticité d’un
sulaire, les limitations des PM électroniques
point de vue électrique devront être transfor-
pourraient être surpassées par l’utilisation
mées avant ou après la greffe par thérapie
des PM biologiques.
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Courant
If
ICa
Effet de la stimulation électrique
Effet de la stimulation mécanique
Baisse de l’expression de HCN2 et HCN4 de plus de 50 % suite à une stimulation électrique rapide pour reproduire l’effet d’une tachyarythmie [16]
Diminution de If de 40 % chez des lapins avec insuffisance cardiaque causée par la présence d’une surcharge de volume et de pression [49]
ICaL est augmenté de 14 % par la stimulation électrique rapide dans les cardiomyocytes auriculaires de rats [50]
ICaL est augmenté de 19 % dans les cardiomyocytes de l’épicarde de rats dans un modèle de surcharge de pression [18] L’expression des canaux neuronaux Nav1.1 et Nav1.3 exprimés dans les cardiomyocytes est doublée dans le nœud sinusal durant l’insuffisance cardiaque associée avec une surcharge volumique et de pression [17]
INa
INCX
La densité de INCX est augmentée dans cardiomyocytes de patients avec fibrillation auriculaire (possiblement causée par l’activation électrique rapide) [19]
IK
Régulation à la hausse de IKr par stimulation rapide dans les cellules auriculaires HL-1 [36]
Accélère l’activation dépendante du voltage et ralenti l’inactivation via la sous-unité Kv des canaux K+ [20] La densité de IK1 et IKur est significativement augmentée dans les cardiomyocytes auriculaires de rats néonataux et la densité de Ito est significativement diminuée [43]
Augmente la conduction électrique intercellulaire en concentrant les connexines-43 aux extrémités des cellules [32]
Augmente la conduction électrique intercellulaire par la surexpression de connexines-43 [44]
Conduction intercellulaire
Tableau 1 Remodelage des courants ioniques et de la conduction intercellulaire par la stimulation électrique / mécanique
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Figure 3 Approche de génie tissulaire privilégiée pour création de tissu de remplacement Des cellules pluripotentes sont prélevées de sujets atteints de troubles du rythme. Ces cellules pluripotentes sont ensuite soumises à différents agents et à différentes stimulations contrôlées afin de produire par génie tissulaire un tissu de remplacement optimisé qui peut être greffé au myocarde de ce même patient atteint de troubles de rythme. BioMol : biologie moléculaire, SM : stimulation mécanique, SE : stimulation électrique, Tx gènes : thérapie génique.
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Glossaire [Ca2+]i : concentration intracellulaire de calcium
NCX : échangeur Na+/ Ca2+ NS :
nœud sinusal
BPM : biopacemaker
PA :
potentiel d’action
CCL :
PM :
pacemaker
RS :
réticulum sarcoplasmique
canaux calciques de type L
HCN : Hyperpolarization Cyclic
I:
Nucleotide-gated channel
RyR : récepteurs à ryanodine
courant
TBX3 : T-Box factor 3
IP3R : récepteurs à l’inositol-Triphosphate
Remerciements et financements Les auteurs remercient les réviseurs pour la révi-
Québec en santé, de la fondation de l’Institut de Car-
sion du manuscrit. Cet article de revue a été réalisé
diologie de Montréal et du Conseil de recherches en
grâce aux subventions du Fond de recherche du
sciences naturelles et en génie du Canada.
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REVUE
TC-PTP, un modulateur clé du système immunitaire T-cell Protein Tyrosine phosphatase (TC-PTP), a key player in immunity Stéphanie Bussières-Marmen, Michel L. Tremblay Centre de Recherche sur le Cancer Rosalind et Morris Goodman Département de Biochimie, Université McGill, Montréal
Correspondance Michel L.Tremblay, PhD Centre de Recherche sur le Cancer Rosalind et Morris Goodman Université McGill, local 601 Montréal, Québec, H3A 1A3 Canada 514 398-8280
[email protected]
Date de réception : Date d’acceptation :
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Résumé TC-PTP (PTPN2) est une protéine tyrosine phosphatase fortement exprimée dans le système hématopoïétique et qui assure une diversité de rôles dans le développement et la réponse immunitaires. Nommée en référence aux cellules T, dans lesquelles elle a été découverte, elle est présente de façon ubiquitaire chez les mammifères. De récentes études génomiques ont établi un lien entre cette phosphatase et certaines maladies auto-immunes. D’ailleurs les souris génétiquement déficientes en TCPTP ont permis d’identifier son rôle de régulateur négatif des sentiers de signalisation, tel Jak1/3-STAT, dans un grand nombre de cellules hématopoïétiques. Ces découvertes positionnent donc TC-PTP comme une enzyme clé dans la modulation du système immunitaire ainsi qu’un gène important dans plusieurs maladies auto-immunes humaines.
Summary T-Cell Protein Tyrosine phosphatase (TC-PTP, gene name PTPN2) is a protein tyrosine phosphatase highly expressed in hematopoietic tissues. Genome wide association studies have linked this phosphatase to several autoimmune diseases in humans. In accordance, TC-PTP knock-out (KO) mice succumb to severe anemia, systemic inflammation and splenomegaly within 3-5 weeks of birth. The characterization of the KO mouse model helped clarify TC-PTP’s role in different immune cell lineages. In vivo studies also demonstrated the negative regulatory role of TC-PTP in different signalling pathways important in immune development such as Jak1-3-STAT. Hence the phosphatase is a key player in the modulation of the immune system and its study will provide some understanding of how the gene PTPN2 is linked to autoimmune disease in humans.
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NUMÉRO CRCQ Introduction
P
our assurer leur développement et
Cette phosphatase, aussi connue sous
leur activation, les cellules du système
le nom de PTPN2 (nom du gène), a été clo-
immunitaire dépendent de façon es-
née à partir d’ARN messagers de cellules T
sentielle d’un réseau de signalisation induit par
humaines, ce qui est à l’origine de son nom [3].
différentes cytokines. La phosphorylation tem-
Sa fonction n’est cependant pas restreinte aux
poraire des acides aminés (aa) tyrosines chez
lymphocytes T et elle est présente de façon ubi-
plusieurs protéines de cette signalisation est
quitaire, quoique fortement exprimée dans les
une modification post-translationnelle néces-
cellules du système hématopoïétique. Trois iso-
saire à la propagation des signaux de l’extérieur
formes de TC-PTP sont exprimées chez la sou-
de la cellule jusqu’au noyau cellulaire. Cette
ris mPtpn2-001 (382aa), mPtpn2-002 (406aa)
modification post-translationnelle peut mener à
et mPtpn2-003 (363aa), codant respective-
l’activation ou à l’inhibition du signal. Au cours
ment pour des protéines de poids moléculaires
des dernières années, de nombreuses études
de 45kDa, 48kDa et 42.3kDa. Chez l’humain,
ont démontré l’importance des récepteurs tyro-
plus de 15 épissages différents ont été identi-
sines kinases en tant qu’immunorégulateurs [1].
fiés et pas moins de cinq isoformes protéiques
Les protéines tyrosines phosphatases (PTP)
sont prédites. Cependant comme chez la sou-
qui déphosphorylent ces résidus assurent des
ris, seules trois formes humaines majeures de
rôles tout aussi significatifs et leur absence peut
PTPN2 sont présentes : hPtpn2-001 (353aa),
mener à divers dysfonctionnements tels que
hPtpn2-002 (415aa) et hPtpn2-003 (387aa). Il
le développement de cancers [2]. C’est entre
faut souligner que les deux formes Ptpn2-001
autres le cas de la protéine tyrosine phospha-
et Ptpn2-002 diffèrent en raison de l’épissage
tase des cellules T (TC-PTP), qui remplit diffé-
alternatif du dernier exon lors de la transcrip-
rentes fonctions chez de nombreuses cellules
tion du gène. L’isoforme de 45kDa (Ptpn2-001)
du système immunitaire dont, comme son nom
est localisée dans le noyau alors que celle de
l’indique, les lymphocytes T (Figure 1).
48kDa (Ptpn2-002) se retrouve au niveau du
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Figure 1 Schéma des rôles de TC-PTP dans les différentes lignées hématopoïétiques TC-PTP affecte différentes lignées hématopoïétiques au niveau de la moelle osseuse, du thymus et des tissus périphériques. Les lignées positivement régulées par la phosphatase sont encadrées en vert et celles négativement régulées le sont en rouge.
réticulum endoplasmique. Au cours des der-
déséquilibre dans la signalisation des Jak/STAT
nières années, plusieurs substrats de TC-PTP
contribue au développement de différents dys-
ont été identifiés : Jak/STAT, EGFR, IR, PDGFR
fonctionnements immunitaires [12]. Ainsi, par
et autres [4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11] (Tableau I).
l’entremise des substrats qu’elle affecte, TC-
Les Jak/STAT sont particulièrement d’intérêt
PTP joue un rôle de régulateur de l’activation
dans l’analyse du rôle joué par la phosphatase
des cellules du système immunitaire. Égale-
dans la signalisation immunitaire (Figure 2). Un
ment, une délétion de PTPN2 a récemment été
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NUMÉRO CRCQ observée chez certains patients atteints de leu-
ce lien entre TC-PTP et le système immunitaire
cémie lymphoblastique aiguë des lymphocytes
en démontrant une association entre un polymor-
T, confirmant ainsi l’implication de TC-PTP dans
phisme nucléotidique (SNP) localisé au locus de
le système immunitaire [13, 14].
PTPN2 (rs2542151) et trois maladies auto-im-
De plus, au cours des dernières années,
munes : le diabète de type 1, l’arthrite rhumatoïde
de nombreuses études génomiques ont renforcé
et la maladie de Crohn [15] (Figure 3 et Tableau II).
Substrats
Type cellulaire
Références
Jak 1 Jak 3 STAT 1
Cellules Cos7
[ 4] Curr Biol 2002, 12:446-453
Cellules 293T Lignée d’ostéosarcome Humaine (U2OS) Hépatocytes
[5] Mol Cell Biol 2002, 22:5662-5668
STAT 3 STAT 5a+5b STAT 6 IR EGFR p52Shc PDGFR CSF-1R Lck Fyn C3G
Cellules épitheliales mammaires (COMMA-1D) Lymphomes diffus à grandes cellules B Cellules 293 Cellules Cos Fibroblastes embryonnaires murins Macrophages Cellules Cos1
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Tableau I Les substrats directs de TC-PTP Ce tableau indique les différents substrats de TC-PTP identifiés grâce à une technique qui consiste à muter la phosphatase d’intérêt afin qu’elle soit catalytiquement inactive mais conserve tout de même sa capacité à lier son substrat. Les cellules dans lesquelles ces substrats ont été identifiés ainsi que les articles de référence sont indiqués.
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Figure 2 Schéma illustrant l’implication de TC-PTP dans les réseaux de signalisation Jak-STAT TC-PTP cible et déphosphoryle les résidus de tyrosine de différents acteurs des réseaux de signalisation Jak-STAT : Jak 1-3, STAT 1-3-5a/b-6. TC-PTP affecte ainsi l’expression de nombreux gènes régulés par ces réseaux.
Figure 3 Localisation des SNP associés à différentes maladies auto-immunes dans le locus de PTPN2 De multiples études génomiques ont identifié plusieurs SNP liés au développement de diverses maladies auto-immunes chez l’humain. Les SNP localisés dans la région chromosomale 18p11 (locus de PTPN2) sont illustrés. (Voir Tableau II pour l’information concernant ces SNP.) Vol.2 n°2
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SNP
Position dans le Allèle gène ciblée
Association aux maladies
Références
rs7234029
Intron 1
CD, UC JIA
PLoS ONE 2012, 7(3):e33682
A/G
Arthritis Rheum 2010, 62(11) :3265-76.
rs478582
Intron 3
T/C
T1D, Maladie de Graves
Nature Genetics 2007, 39(7): 857-864.
rs1893217
Intron 7
T/C
T1D, RA, Maladie de Graves JIA
Nature Genetics 2007, 39(7):857-864.
RA
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rs2847297
Intron 8
A/G
rs2542151
5.5 kb en aval du T/G gène
Arthritis Rheum 2012, 62(11):3265-76.
Tableau II Les SNP localisés au locus de PTPN2 et leurs associations avec différentes maladies auto-immunes Différents SNP liés à diverses maladies auto-immunes chez l’humain ont été localisés au locus de PTPN2 (18p11). Le numéro du SNP, sa localisation dans le locus, l’allèle ciblé, la maladie associée et les articles de référence sont identifiés. CD : maladie de Crohn, UC : colite ulcéreuse, JIA : arthrite idiopathique juvénile, T1D : diabète de type 1, RA : arthrite rhumatoïde.
Caractérisation de la souris génétiquement modifiée déficiente en TC-PTP La première souris knock-out (KO, -/-) pour un
survivent que de trois à cinq semaines. La splé-
gène de la famille des PTP fut la souris PTPN2
nomégalie et la lymphadénopathie observées
générée par notre laboratoire [16]. Ces souris
chez l’animal sont en partie expliquées par une
naissent avec un rapport respectant les règles
augmentation du nombre total de cellules avec
de l’hérédité mendélienne, précisant que la
altération des proportions des différentes lignées
perte de TC-PTP n’est pas létale pour l’embryon.
hématopoïétiques dans ces organes. Ce modèle
Les souris de tous génotypes ne démontrent
murin permet donc d’étudier l’implication de TC-
aucune anomalie sévère à la naissance, et ce
PTP dans le développement et l’activation de
n’est qu’à la deuxième semaine que les souris
différentes lignées hématopoïétiques. Les sou-
KO se démarquent par leur petite taille, leur pos-
ris hétérozygotes pour l’expression de TC-PTP
ture voutée et leurs poils hérissés. Ces souris
démontrent un phénotype semblable aux souris
souffrent d’anémie, d’inflammation sévère, et ne
contrôles dites sauvages (WT).
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TC-PTP et le développement des érythrocytes Comme mentionné précédemment, la souris KO
partiellement expliquée par un stroma déficient
souffre d’anémie. Un bas niveau d’hématocrite
dans la moelle osseuse. De plus, une amplifi-
et une absence d’auto-anticorps IgM dans la cir-
cation de la production de globules rouges est
culation sanguine de l’animal (déterminée par
notée au niveau de la rate, responsable d’une
le test de Coombs) caractérisent cette anémie.
augmentation du volume de la pulpe rouge et
L’analyse histologique de la moelle osseuse
expliquant en partie la splénomégalie observée
démontre une diminution du nombre de cellules
chez l’animal. Ce phénomène indique que la
stromales. L’intégrité de la moelle osseuse étant
rate ne semble pas pouvoir compenser l’incapa-
sévèrement affectée, l’environnement de syn-
cité de la moelle osseuse à assurer une érythro-
thèse des cellules (sécrétions ambiantes et ad-
poïèse appropriée. Ces résultats démontrent
hésions) devient inadéquat à leur bon dévelop-
l’implication nécessaire de TC-PTP dans le dé-
pement. Ainsi, l’érythropoïèse défectueuse est
veloppement des érythrocytes [16].
TC-PTP et les leucocytes myéloïdes Dans la rate des souris homozygotes déficientes
a été démontrée responsable de cette inhibi-
en TC-PTP, la prolifération des lymphocytes T
tion. En stimulant les cellules Gr1+ des souris
est inhibée, mais ce phénomène est en partie
TC-PTP KO avec l’interféron-gamma (IFN-γ),
contré lorsque ceux-ci sont stimulés in vitro [17].
on constate une augmentation des niveaux de
Cette observation a mené à l’étude des diffé-
protéine nitrique oxyde synthase (iNOS) et de
rents groupes cellulaires présents dans la rate
la production d’oxyde nitrique (NO). C’est cette
qui pourraient être responsables de cet effet.
production de NO qui bloque la prolifération des
C’est la population positive pour le marqueur
lymphocytes T, tel que validé par l’utilisation d’in-
Gr1, regroupant les macrophages, les cellules
hibiteurs de NO permettant le rétablissement de
tueuses naturelles (NK) et les neutrophiles, qui
la prolifération des cellules. Il a aussi été noté
Vol.2 n°2
STÉPHANIE BUSSIÈRES-MARMEN ET COLL. 31
NUMÉRO CRCQ
que les macrophages sans TC-PTP, cellules
substrats directs de TC-PTP [19]. CSF-1 étant
appartenant au groupe Gr1+ mentionné, pré-
un facteur de croissance primaire pour la pro-
sentent une augmentation de l’expression du
lifération et la différentiation des macrophages,
marqueur d’activation CD80, signe d’une hype-
l’hyperphosphorylation de CSF1R chez les
ractivation de ces cellules [17].
macrophages TC-PTP -/- semble expliquer leur
L’analyse histologique des tissus des
prolifération dérégulée.
souris TC-PTP -/- permet de constater l’infiltra-
Différents tests clonogéniques utilisant
tion des macrophages aussi bien au niveau des
les cellules progénitrices de la moelle osseuse
tissus lymphoïdes (rate) que non-lymphoïdes
des souris KO ont démontré la préférence de
(reins). Ces tissus possèdent aussi de très
ces dernières à se différencier en lignées mono-
hauts niveaux d’expression d’ARN messagers
nucléaires phagocytaires telles que les macro-
de l’IFN-γ, d’IL12 et de NO, tous d’importants
phages [17]. La perte de TC-PTP mène donc
marqueurs du processus d’inflammation [18].
à une augmentation de la prolifération et de la
Lorsqu’ils sont stimulés aux lipopolysaccha-
sensibilité des macrophages ainsi qu’à une pré-
rides (LPS) in vivo ou in vitro, les macrophages
férence des cellules progénitrices à l’engage-
TC-PTP -/- produisent, tout comme le groupe
ment vers le développement de lignées mono-
de cellules Gr1+ précédemment décrit, de très
cytiques. Par conséquent, TC-PTP assure un
hauts niveaux d’iNOS et de NO. Afin de com-
rôle d’inhibiteur chez cette lignée cellulaire et
prendre l’hypersensibilité des macrophages TC-
prévient l’inflammation qui découle habituelle-
PTP -/-, les mécanismes de signalisation ont été
ment de l’hyperactivation de ces cellules.
étudiés et CSF1R a été identifié comme l’un des
TC-PTP et les leucocytes lymphoïdes : cellules B La moelle osseuse des souris TC-PTP -/- démontre une diminution du nombre total des cellules hématopoïétiques; plus précisément ciblées sont les celVol.2 n°2
lules pré-B, les cellules immatures B et les cellules stromales [16]. Au cours de leur développement STÉPHANIE BUSSIÈRES-MARMEN ET COLL. 32
NUMÉRO CRCQ dans la moelle osseuse, les cellules progénitrices B
est surprenant compte tenu du fait que la perte de
souffrent d’une obstruction durant leur transition de
TC-PTP mène généralement à une augmenta-
petites cellules pré-B à cellules B immatures. Ces
tion de la phosphorylation de ses substrats. Tou-
deux sous-types cellulaires présentent d’ailleurs une
tefois, au niveau des cellules pré-B TC-PTP -/-,
augmentation de l’expression du marqueur de mort
une diminution de l’expression du récepteur IL7
cellulaire Annexin V. Des études de co-culture ont dé-
contribue à cette hypophosphorylation de Jak1 et
montré que l’obstruction observée dans le processus
STAT5. Pour ce qui est des cellules stromales
de maturation des cellules B est expliquée par une
de la moelle osseuse, elles sécrètent de grande
déficience au niveau de l’environnement dans lequel
quantité d’IFN-γ, cytokine reconnue pour dimi-
celles-ci se développent, mais aussi au niveau des
nuer la sensibilité des cellules B à une stimula-
cellules elles-mêmes [20].
tion à l’IL7 [22]. Ainsi, la perte de TC-PTP chez
Les cellules pré-B TC-PTP -/- stimulées
les cellules B mène à une diminution du nombre
in vitro avec l’interleukine 7 (IL7) prolifèrent plus
d’IL7R et à une baisse de sensibilité à l’IL7
lentement que les cellules pré-B WT. En effet, la
causée par l’importante concentration d’IFN-γ
baisse de sensibilité des cellules à l’IL7 est expli-
dans l’environnement. Ces deux phénomènes
quée par une diminution de la phosphorylation des
expliquent la diminution de la prolifération des
facteurs Jak1 et STAT5 qui assurent la signalisa-
cellules B ainsi que le blocage dans leur pro-
tion du récepteur IL7 (IL7R) [21]. Ce phénomène
cessus de maturation.
TC-PTP et les leucocytes lymphoïdes : cellules T L’inflammation systémique observée chez la sou-
absolus de cellules T ne sont pas affectés; par
ris KO mène à une atrophie du thymus. L’ana-
contre, leur pourcentage est diminué en raison
lyse du thymus de ces souris indique une dimi-
de l’augmentation des autres types cellulaires,
nution du nombre de cellules T doubles positives
dont le nombre s’accroît [16].
(DP) mais aucun effet apparent sur les cellules
Comme mentionné précédemment, la
simples positives. Du côté de la rate, les niveaux
capacité de proliférer des cellules T dans la rate
Vol.2 n°2
STÉPHANIE BUSSIÈRES-MARMEN ET COLL. 33
NUMÉRO CRCQ des souris TC-PTP KO est inhibée. Cette capa-
la signalisation du récepteur des cellules T
cité est partiellement restituée lorsque les cel-
(TCR), qui assure la survie et la sélection de
lules KO sont isolées et stimulées in vitro, mais
ce type cellulaire, a été réalisée. TC-PTP joue
les cellules KO sont tout de même encore 2 à
un rôle de régulateur négatif du TCR en inhi-
3 fois moins prolifératrices que les cellules WT
bant la signalisation de certains membres de la
lorsqu’elles sont isolées et stimulées [17]. L’inhi-
famille des kinases Src. Deux importants parti-
bition générée par l’environnement présent dans
cipants de cette signalisation, Lck et Fyn, ont
la rate ainsi que celle notée au niveau de la cel-
été identifiés comme substrats de TC-PTP.
lule T elle-même démontrent un rôle intrinsèque
Cette implication au niveau du TCR affecte
et extrinsèque de TC-PTP dans le développe-
le développement des cellules T, mais aus-
ment des cellules T, tout comme dans celui des
si leur fonction en périphérie. Au niveau du
cellules B. Pour ce qui est des cellules T en
développement dans le thymus, l’induction
périphérie, une augmentation de la proportion
significative du TCR et l’altération de la si-
des lymphocytes T mémoires est notée chez la
gnalisation des cytokines, causée par la perte
souris KO [16].
de TC-PTP, mènent à une augmentation des
Pour décoder le rôle de la phosphatase
cellules T SP CD8+ et CD4+. En périphérie,
au niveau de la prolifération et de l’activation
les ratios de cellules T effectrices et mémoires
des cellules T et éliminer le facteur environne-
sont augmentés, ce qui peut mener à une perte
mental causé par la perte globale de TC-PTP
de la tolérance immunitaire chez l’animal.
chez l’animal, un modèle de souris KO condi-
Ainsi, dans le modèle avec la perte condi-
tionnel a été généré [23]. La perte de TC-PTP
tionnelle de TC-PTP, la phosphatase contribue à
chez cette souris conditionnelle est restreinte
la régulation de la sélection positive des cellules T
aux lymphocytes T et débute dès la formation
durant leur développement dans le thymus sans
des DN. C’est avec ce modèle que l’étude de
affecter la sélection négative. Ce phénomène
l’implication de la phosphatase au niveau de
semble moins présent chez la souris avec un KO
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STÉPHANIE BUSSIÈRES-MARMEN ET COLL. 34
NUMÉRO CRCQ
de TC-PTP généralisé en raison de la déficience
notamment des glucocorticoïdes, modulateurs
stromale qui affecte de nombreux composants,
reconnus des DP.
Conclusion et perspectives En ciblant différentes cascades de signa-
PTP dans le développement et l’activation
lisation, TC-PTP affecte le développement
des lymphocytes T [23].
et l’activation de multiples types cellulaires
Les phénotypes observés dans les diffé-
jouant des rôles majeurs dans le système
rentes cellules immunitaires du modèle de souris
hématopoïétique. La perte totale de la
TC-PTP KO ne font que renforcer les liens entre
phosphatase chez la souris mène à une
PTPN2 et certaines maladies auto-immunes
inflammation généralisée causée en partie
établis par des études génomiques. Déjà, de ré-
par l’hyper-activation des macrophages,
centes études effectuées dans notre laboratoire
à une anémie partiellement expliquée par
ont démontré l’implication de la phosphatase
une moelle osseuse défectueuse et à une
dans le développement de la maladie de Crohn
diminution de la prolifération et de l’activa-
[24] et de l’arthrite rhumatoïde [25]. Toutefois,
t ion des lymphocytes T et B [16]. La souris
plusieurs questions sur les mécanismes de
TC-PTP KO permet de démontrer comment
contrôle influençant l’expression et l’action de
la phosphatase affecte l’environnement
cette tyrosine phosphatase restent à résoudre
des différents types cellulaires en main-
afin de pouvoir utiliser ce gène comme biomar-
tenant une stabilité dans la production et
queur et cible thérapeutique en médecine per-
la réponse des cytokines. Des modèles de
sonnalisée [26]. Notamment, la compréhension
souris KO conditionnel doivent être utilisés
de la fonction anti-inflammatoire de TC-PTP se-
afin de mieux comprendre le phénomène
rait d’une grande aide dans le développement
cellulaire engendré par la perte de TC-PTP,
de traitements spécifiques aux patients possé-
comme démontré par l’étude du rôle de TC-
dant le SNP dans le locus PTPN2.
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STÉPHANIE BUSSIÈRES-MARMEN ET COLL. 35
NUMÉRO CRCQ Remerciements et financements
bué à l’avancement des recherches sur TC-PTP.
Les auteurs remercient le département de biochi-
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’in-
mie de l’Université McGill ainsi que la Société Ca-
térêts concernant les données publiées dans
nadienne du Cancer pour les fonds qui ont contri-
cet article.
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REVUE
Les dynamiques calciques : côté lumineux de la signalisation endothéliale Calcium dynamics: Bright Side of endothelial signalling Chimène Charbel, Fanny Toussaint, Jonathan Ledoux Centre de recherche Institut de Cardiologie de Montréal
Correspondance Jonathan Ledoux, Ph.D. 5000 Bélanger Montréal, Québec, H1T 1C8 Canada 514 376-3330 poste 2476
[email protected]
Date de réception : 31 octobre 2012 Date d’acceptation : 29 avril 2013
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Résumé De nombreuses fonctions endothéliales dépendent du Ca2+ cytoplasmique libre, démontrant l’importance d’un contrôle fin de l’homéostasie calcique. La signalisation calcique endothéliale présente d’importantes dynamiques avec des cinétiques et une distribution intracellulaire distinctes. D’une part, les dynamiques calciques « globales » consistent en d’importantes variations cytoplasmiques de Ca2+ libre prenant fréquemment la forme de vagues calciques. D’autre part, de récentes études ont caractérisé des dynamiques calciques présentant une propagation spatiale limitée. Les Ca2+ blips, puffs, wavelets, sparklets ainsi que les pulsars calciques sont définis par une faible dispersion et une distribution intracellulaire unique. Les rôles physiologiques potentiels de ces dynamiques calciques endothéliales engendrent un intérêt marqué pour l’élucidation des mécanismes régulateurs de ces dynamiques.
Summary Fine-tuning of endothelial Ca2+ homeostasis is critical for the numerous Ca2+-dependent endothelial functions. Intracellular Ca2+ signalling found in endothelial cells is highly dynamic and shows distinct kinetics and intracellular distributions. Global Ca2+ dynamics are characterized by an increase in Ca2+ levels throughout the cytoplasm and generally associated with Ca2+ waves. On the other hand, recent studies showed intracellular Ca2+ dynamics with limited propagation. These Ca2+ blips, puffs, wavelets, sparklets and pulsars are characterized by a limited spreading of the Ca2+ signal and a unique intracellular localization. Growing interest in the elucidation of the regulatory mechanisms of these endothelial Ca2+ dynamics is prompted by their potential physiological roles.
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C’
est en 1980 que le Dr Robert
rose et l’hypertension artérielle a clairement été
F. Furchgott a levé le voile sur
établie [2, 3].
l’importance de l’endothélium
Le développement d’indicateurs fluo-
dans la fonction vasculaire [1]. Jusqu’alors,
rescents (Indo-1, Fura-2) par le groupe du Dr
l’endothélium n’était perçu qu’en tant que mo-
Roger Y. Tsien a permis l’étude de l’homéosta-
nocouche cellulaire formant une simple bar-
sie calcique [4]. De plus, l’accessibilité grandis-
rière physique passive. Cette étude pionnière
sante de la microscopie confocale et de nou-
marqua une nouvelle ère, où l’endothélium est
veaux indicateurs (Fluo-4) [5] ont accru l’intérêt
dorénavant reconnu comme un élément central
envers la caractérisation de l’homéostasie cal-
de la fonction vasculaire. Outre le contrôle du
cique endothéliale. Les protéines responsables
tonus vasculaire, l’endothélium est un acteur
de l’homéostasie calcique sont situées tant au
prépondérant de l’angiogenèse, de la perméa-
niveau de la membrane plasmique que du réti-
bilité vasculaire et de la réponse inflammatoire.
culum endoplasmique (RE). Le RE, à titre de
Ces différentes fonctions ont en commun leur
réserve intracellulaire de Ca2+ séquestre une
dépendance envers le calcium intracellulaire,
importante quantité de Ca2+ (environ 500 μM,
attestant donc de l’importance de l’homéosta-
[6]) et permet sa libération rapide et potentielle-
sie calcique endothéliale. D’ailleurs, une per-
ment très circonscrite via les récepteurs à l’IP3
turbation de l’homéostasie calcique se traduit
(IP3Rs). D’autre part, les cellules endothéliales
par une altération des fonctions endothéliales,
(CEs) expriment à la membrane plasmique plu-
notamment la régulation du tonus vasculaire,
sieurs canaux perméables au Ca2+ tels que
entre autres via la synthèse d’oxyde nitrique
les canaux ORAI1 et « transient receptor po-
(NO) et de facteurs hyperpolarisants dérivés de
tential » (TRP), permettant un influx calcique.
l’endothélium (EDHF). En effet, la corrélation
Inversement, des pompes ATPase (PMCA à la
entre la dysfonction endothéliale et les mala-
membrane plasmique et SERCA au RE) ainsi
dies cardiovasculaires telles que l’athérosclé-
que des échangeurs sodium/calcium (NCX)
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CHIMÈNE CHARBEL ET COLL. 40
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permettent d’expulser le Ca2+ du cytoplasme
cale représente en tant que cible thérapeutique
et de maintenir un niveau relativement faible
potentielle aux pathologies vasculaires. En
(Ca2+ intracellulaire libre ≈ 100 nM). Une clas-
effet, plusieurs pathologies cardiovasculaires
sification des dynamiques calciques endothé-
semblent intimement liées à une dysfonction en-
liales en fonction de la ségrégation du signal
dothéliale associée à une perturbation de l’ho-
permet d’établir deux catégories : les variations
méostasie calcique (revue [7, 8]). Par exemple,
globales et locales de Ca2+ libre intracellulaire.
une dyshoméostasie calcique endothéliale est
Ces deux catégories se distinguent principale-
associée à l’inflammation chronique, l’hyperten-
ment par la dispersion et la durée du signal cal-
sion, le diabète et l’athérosclérose [9-14]. Des
cique, puisqu’elles impliquent essentiellement
composantes majeures de l’homéostasie cal-
les mêmes effecteurs. De plus, la signalisation
cique endothéliale telles que les TRP, SERCA
calcique globale est généralement stimulée par
et IP3Rs ont par ailleurs été intimement liées à
un agoniste tel que l’acétylcholine (ACh) ou bra-
l’hypertension [15]. Les dynamiques calciques
dykinine (Bk) alors que la signalisation locale
globales constituent donc un élément inhérent
est spontanée. Notons toutefois que des ago-
à l’étude des pathologies vasculaires. D’autre
nistes peuvent évidemment stimuler ou moduler
part, de récentes évidences suggèrent un rôle
les dynamiques calciques locales.
physiologique important de la signalisation cal-
Cet article tentera d’établir l’essentiel de
cique locale, mais une corrélation directe avec
ces signalisations tout en soulignant le carac-
les différentes pathologies cardiovasculaires
tère excitant de la recherche dans ce domaine
reste à identifier.
et l’aspect prometteur que la signalisation lo-
Signalisation globale L’importance primordiale de la régulation de la
([Ca2+]i) pour de nombreuses fonctions endo-
concentration intracellulaire globale en Ca2+
théliales est démontrée par l’implication de
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NUMÉRO CRCQ
plusieurs processus physiopathologiques. Par
vera des IP3Rs adjacents [21] et génèrera ainsi
exemple, les forces de cisaillements engendrées
une succession d’activation de IP3R constituant
par le flux sanguin ou encore le stress oxydant
des « vagues calciques » [18, 22] (Figure 1).
participent à la régulation du Ca2+ global [16,
Une importante augmentation du [Ca2+]i lors de
17]. L’homéostasie calcique globale de l’endo-
la phase initiale résulte en la déplétion des ré-
thélium est donc une thématique de recherche
serves en Ca2+ du RE. Cette déplétion active le
cardiovasculaire incontournable. L’étude des
processus appelé SOCE (Store-Operated Ca2+
dynamiques calciques endothéliales fut d’abord
Entry), responsable du maintien de l’augmenta-
concentrée sur la caractérisation de l’augmen-
tion globale en [Ca2+]i lors de la seconde phase
tation globale de Ca2+ induite par des ago-
par l’activation d’un influx soutenu en Ca2+
nistes endothéliaux (acétylcholine, bradykinine,
d’origine extracellulaire. De récentes études
etc.) [18]. L’augmentation du [Ca2+]i induite par
suggèrent qu’une combinaison de canaux
ces agonistes présente un patron temporel de
ORAI1 et TRP seraient responsables de cet
type biphasique. La première phase correspond
influx calcique [23-25] (Figure 1). Par ailleurs,
à une augmentation marquée et rapide mais
les mécanismes physiologiques responsables
transitoire du Ca2+, suivie d’une phase plus
du contrôle du tonus vasculaire sont notamment
longue où le [Ca2+]i est maintenu au-dessus
activés par une augmentation globale en Ca2+.
des valeurs initiales. Brièvement, l’activation
Effectivement, l’augmentation globale de Ca2+
des récepteurs membranaires par les agonistes
induite par les agonistes endothéliaux active
endothéliaux, principalement couplés aux pro-
la NO synthase d’origine endothéliale (eNOS)
téines G, induit la formation d’IP3 [19]. Il en
[26] engendrant la production de NO, puissant
résulte alors l’activation rapide de récepteurs à
vasodilatateur [9, 27]. L’EDHF, un ensemble de
l’IP3 (IP3Rs) du RE qui engendre une « libéra-
différents mécanismes parfois complémentaires
tion de Ca2+ induite par le Ca2+ »[20]. En effet,
qui provoque l’hyperpolarisation et la relaxa-
la libération de Ca2+ par quelques IP3Rs acti-
tion des cellules musculaires lisses vasculaires
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Figure 1. Signalisation calcique globale de l’endothélium vasculaire La signalisation calcique globale débute généralement par la liaison d’un agoniste, tel que l’acétylcholine, à son récepteur membranaire couplé aux protéines G (1). Cette activation mène à la production d’IP3 via la phospholipase C (PLC), permettant l’activation des récepteurs à l’IP3 (IP3Rs) et la libération du Ca2+ contenu dans le RE (3). La Ca2+ libéré par quelques IP3Rs activera par la suite des récepteurs adjacents (libération de Ca2+ induite par le Ca2+) générant ainsi une vague calcique (4). Cette vague calcique peut également dans un second temps provoquer une déplétion du RE en Ca2+ (5). Cette chute du niveau de Ca2+ du RE induit un changement de conformation de STIM1 (6) permettant un rapprochement de la membrane plasmique et donc l’activation des canaux perméables au Ca2+ tels que les TRP et ORAI (7). Il en résulte alors une augmentation générale du Ca2+ cytoplasmique libre. RCPG : Récepteur couplé aux protéines G, PLC : Phospholipase C, IP3 : Inositol 1,4,5-triphosphate, Ca2+ : Calcium, IP3Rs : Récepteurs à l’IP3, Extra. : Milieu extracellulaire, Cyto. : Milieu cytoplasmique.
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(CMLVs), ainsi que la prostacycline (PGI2), sont
dans l’EDHF [28, 29] (revue [30]). L’hyperpolari-
également tributaires du [Ca2+]i. Il a en outre
sation des CEs ainsi induite par l’augmentation
été suggéré que l’activation des canaux potas-
globale du Ca2+ libre est ensuite transmise via
siques Ca2+-dépendant (Kca2.3, Kca3.1) loca-
les jonctions Gap aux CMLVs sous-jacentes,
lisés à la membrane plasmique serait impliquée
engendrant ainsi leur relaxation [29].
Signalisation calcique locale Bien que les études de la signalisation calcique
tique de Ca2+ via les IP3Rs. Il est toutefois
endothéliales aient été originalement dirigées
clair que l’intensité du signal varie en fonction
sur la compréhension des variations globales
de la concentration cytoplasmique et locale en
du niveau de Ca2+ libre cytoplasmique, il appa-
IP3, probablement responsable des différences
raît désormais que des modifications locales de
entre les types de signaux locaux. À de faibles
la concentration en Ca2+ libre peuvent avoir un
concentrations en IP3, l’ouverture d’un seul
impact important sur la fonction endothéliale.
IP3R provoque les « Ca2+ blips » (Figure 2.A)
Ce type de signalisation calcique est caracté-
[31, 32, 34, 35]. Les Ca2+ blips sont sponta-
risé par des augmentations de Ca2+ sponta-
nés, ne durent qu’environ 100 msec, présentent
nées et transitoires avec une dispersion limitée.
une amplitude d’environ 23 nM dans les CEs
Cette faible propagation du signal, accompa-
en culture d’artères pulmonaires bovines [36] et
gnée d’une localisation intracellulaire définie
sont probablement présents dans tous les types
et précise, permettrait de moduler finement les
d’endothéliums [37, 38]. Une concentration
fonctions cellulaires [31-33]. En effet, plusieurs
légèrement supérieure en IP3 ou en Ca2+ en-
types d’événements calciques locaux se dis-
gendre le recrutement de quelques IP3Rs grou-
tinguent par leurs amplitudes et durées, mais
pés, générant ainsi un « Ca2+ puff » [35, 36].
également par leur localisation particulière.
Ces « Ca2+ puffs » ont une durée ≤1 sec et une
La signalisation calcique locale est gé-
amplitude supérieure (50 à 100 nM) à celle des
néralement initiée par une libération stochas-
Ca2+ blips, sans toutefois déclencher une pro-
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NUMÉRO CRCQ Figure 2. Signalisations calciques locales de l’endothélium vasculaire
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(A) Les « Ca2+ blips » et « Ca2+ puffs ». Le Ca2+ blips résulte de l’activation d’un seul IP3R, provoquant une sortie Ca2+du RE. De plus fortes concentrations d’IP3, favorisent le recrutement de plusieurs IP3Rs et engendre l’apparition de Ca2+ puffs. (B) Les « Ca2+ wavelets ». Les wavelets apparaissent à proximité des PMEs, permettant ainsi une communication intime entre les CEs et les CMLs. L’ouverture des IP3Rs du RE localisés dans les PMEs engendre une augmentation localisée de Ca2+. Les wavelets vont donc activer les canaux Kca2.3 et 3.1, hyperpolarisant ainsi les CEs. La présence de jonctions communicantes Gap au niveau des PMEs permet la transmission de l’hyperpolarisation des CEs aux CMLs, provoquant une vasodilatation. (C) Les « Ca2+ sparklets ». L’influx de Ca2+ du milieu extracellulaire dans la CE via les canaux TRPV4, localisés aux extrémités de la cellule et dans les PMEs. Cette augmentation de Ca2+ localisée peut activer les canaux Kca2.3 et 3.1, engendrant une hyperpolarisation des CEs qui est transmise aux CMLs via les jonctions communicantes Gap. Cette signalisation calcique peut également être impliquée dans la régulation du tonus vasculaire. (D) Les pulsars calciques. Les pulsars calciques se distinguent par leur augmentation de Ca2+ circonscrit dans les PMEs. Cette caractéristique lui permet d’être impliqué dans la régulation du tonus vasculaire en ciblant des protéines localisées à l’intérieur de ces projections. L’activation des canaux KCa3.1 génère une hyperpolarisation des CEs transmise aux CMLs, provoquant une vasodilatation. La régulation du tonus vasculaire se fait également par la production de NO, stimulée suite à l’activation et le recrutement de CaMKII au niveau de PMEs. R : Récepteur, Ca2 : Calcium, K : Potassium, IP : Inositol 1,4,5-triphosphate, IP3R : Récepteurs à l’IP3, Kc : Canaux potassiques calcium-dépendant, TRPV : Transient Receptor Potential Channel » de la famille des Vanilloïdes, CaMKI : Protéine Kinase II dépendante du complexe calcium/ calmoduline, eNO : oxyde nitrique synthase d’origine endothéliale, N : oxyde nitrique, PME : Projections myoendothéliales.
CHIMÈNE CHARBEL ET COLL. 45
NUMÉRO CRCQ
pagation du signal dans la cellule (Figure 2.A)
interrompue résultant de l’ouverture de IP3Rs
[35, 36]. Enfin, le recrutement de plusieurs
[40]. Cette augmentation de Ca2+ libre s’avère
de ces événements ou d’un nombre accru de
d’amplitude plus élevée que celle des Ca2+
IP3Rs pourrait être l’élément déclencheur de
puffs (Figure 2B) [33, 40]. Tran et coll. suggèrent
vagues calciques, tel que décrit dans la section
que les wavelets participent au contrôle du to-
précédente [32, 35, 39]. Il est important de ne
nus vasculaire dans les artères nourrissant le
pas limiter l’étude de ces dynamiques calciques
muscle squelettique [40]. Les wavelets sont lo-
à leur fonction de précurseurs d’une signalisa-
calisés à proximité des projections myoendothé-
tion calcique globale. Le rôle fondamental des
liales (PMEs), structures formées de projections
Ca2+ blips et Ca2+ puffs dans les processus
cellulaires entre les CEs et les CMLVs [40]. Ces
physiologiques tels que l’exocytose ou encore
PMEs permettent une communication intime
l’activation de certains canaux ioniques [31-33]
entre les deux types cellulaires [40, 41] par la
est sans équivoque. La restriction spatiale du
présence de jonctions communicantes de type
signal calcique observée dans ces événements
Gap facilitant l’échange de seconds messagers
permet de cibler des protéines importantes pour
tels que l’IP3 et le Ca2+ [42, 43]. Ces PMEs re-
la régulation de différents processus cellulaires
présentent donc un lieu privilégié d’interactions
endothéliaux, sans affecter l’ensemble des
bidirectionnelles entre les CEs et les CMLVs.
mécanismes sensibles au Ca2+, ce qui repré-
Généralement, la signalisation calcique
sente un atout considérable. Cette spécificité du
locale consiste en des libérations du Ca2+
signal présente également un avantage énergé-
contenu dans le RE. Exception à la règle et pré-
tique important puisque moins de protéines et
cédemment identifiés dans les cellules muscu-
d’ions sont nécessaires dans une action locale
laires lisses et cardiaques grâce au TIRF (fluo-
pour générer un effet équivalent.
rescence à réflexion totale interne ; permet la
Récemment identifié, le « Ca2+ wave-
visualisation d’influx calcique directement sous
let » est défini comme étant une vague calcique
la membrane [44]), les « Ca2+ sparklets » ont
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CHIMÈNE CHARBEL ET COLL. 46
NUMÉRO CRCQ
récemment été observés dans l’endothélium
Parmi les dynamiques calciques endo-
d’artères mésentériques de souris (Figure 2.C)
théliales traitées dans cet article et présentant
[45]. Les sparklets résultent de l’ouverture d’un
une localisation intracellulaire définie (wavelets
canal pour permettre l’influx de Ca2+ dans le cy-
et sparklets), le pulsar calcique fut historique-
toplasme. Contrairement aux sparklets des myo-
ment le premier identifié. Les pulsars résultent
cytes, les sparklets endothéliaux ne résultent
de l’activation spontanée de IP3Rs situées dans
pas de l’ouverture de canaux Ca2+ voltage-dé-
les PMEs et peuvent être impliqués dans la régu-
pendants, mais plutôt du canal cationique peu
lation du tonus vasculaire (Figure 2.D) [47]. Les
sélectif TRPV4 [45]. Ce canal TRP de la famille
cinétiques et fréquences des pulsars diffèrent
des Vanilloïdes est exprimé à la membrane plas-
des autres signalisations calciques locales (ta-
mique d’artères de résistance. Il est intéressant
bleau 1). Les pulsars représentent en fait la pre-
de noter une distribution préférentielle de ces
mière évidence évoquant une architecture intra-
canaux TRPV4 dans les extrémités et les PMEs
cellulaire permettant une signalisation calcique
des cellules endothéliale [45]. Le Ca2+ péné-
locale structurée et répétitive. Cette signalisa-
trant la cellule via ces sparklets endothéliaux (ou
tion présente l’avantage important de moduler
TRPV4-sparklets) [46] active les canaux KCa2.3
des voies de signalisation sensibles au Ca2+
et KCa3.1, ce qui provoque l’hyperpolarisation
dans ces régions cellulaires définies, sans pour
de la membrane des CEs [45]. Sonkusare et coll.
autant affecter les autres fonctions cellulaires
suggèrent donc que ces sparklets participent à
telles que la régulation génique. D’ailleurs,
la vasodilatation artérielle via une hyperpolarisa-
leur localisation suggère un rôle prépondérant
tion transmise aux CMLs par les jonctions Gap
dans le contrôle du tonus vasculaire via l’acti-
[45]. Ainsi, les sparklets contribueraient signifi-
vation de canaux KCa3.1 [47, 48]. En effet, ces
cativement au contrôle du tonus vasculaire par
canaux potassiques, composante majeure de
leur contribution à l’EDHF, ayant ainsi un impact
l’EDHF, sont également situés dans ces PMEs
physiologique potentiellement important.
et peuvent mener à l’hyperpolarisation des cel-
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Durée (s)
Surface (μm2)
Amplitude (F/F0)
Ca blips[36]
0,100
1-3
0,3
Ca2+ puffs[35]
1,00
2-4
50-500 (nM)
Wavelets[40]
0,48
51,61
Sparklets[45]
0,037
11,2
0,19-0,29
Pulsars calciques[47]
0,257
15,9
1,77
2+
-
Tableau 1. Comparaison entre les caractéristiques des différentes signalisations calciques iocales Les valeurs publiées proviennent des cellules endothéliales en culture pour les Ca2+ blips, des oocytes de Xenopus pour les Ca2+ puffs, des cellules endothéliales d’artères de muscle squelettique de rat pour les wavelets, des cellules endothéliales d’artères mésentériques de souris pour les sparklets et les pulsars calciques.
lules musculaires lisses via les jonctions Gap
le Ca2+ et localisées dans les PMEs [49]. Par
ou par la génération d’un « nuage potassique ».
exemple, la protéine kinase II dépendante du
En effet, les pulsars calciques hyperpolarisent
complexe calcium/calmoduline (CaMKII) est
la membrane plasmique endothéliale par l’acti-
une enzyme possédant la capacité unique de
vation de canaux KCa3.1 [47].
décoder les différentes oscillations calciques
Toutefois, puisque ces dynamiques cal-
intracellulaires [50]. Une signalisation calcique
ciques locales ont récemment été identifiées,
telle que le pulsar pourrait donc être un activa-
peu d’informations sont disponibles sur leurs
teur de CaMKII, advenant sa localisation dans
mécanismes régulateurs. D’autre part, outre
les PMEs. De plus, le niveau d’activation et
l’impact des sparklets et des pulsars sur la mem-
donc les cibles de CaMKII pourraient varier se-
brane plasmique endothéliale, des rôles physio-
lon la fréquence de pulsars. La stimulation des
logiques supplémentaires de ces signalisations
pulsars calciques engendre d’ailleurs un recru-
demeurent à être caractérisés. Néanmoins,
tement de CaMKII au niveau des PMEs associé
outre les canaux KCa3.1, les pulsars calciques
à une augmentation de la production de NO, qui
peuvent cibler d’autres protéines activées par
serait en partie CaMKII-dépendante [49]. Ainsi,
Vol.2 n°2
CHIMÈNE CHARBEL ET COLL. 48
NUMÉRO CRCQ les pulsars calciques joueraient un rôle physio-
par l’activation de CaMKII. Il reste désormais à
logique important au niveau de la régulation du
identifier les mécanismes contrôlant ces signali-
tonus vasculaire en agissant sur le potentiel
sations calciques locales et les autres voies de
membranaire, via l’activation de KCa3.1, mais
signalisation qu’elles modulent.
également en modulant la production de NO
Conclusion Le Ca2+, ssecond messager fondamental et
local impliquent généralement la voie de l’IP3
élément essentiel à la fonction cellulaire, joue
pour provoquer une augmentation localisée de
un rôle prépondérant dans le contrôle du tonus
Ca2+ avec des amplitudes et des durées diffé-
vasculaire. Afin d’exercer un contrôle fin, les
rentes caractéristiques. (Tableau 1). Toutefois,
CEs sont pourvues d’une variété de signalisa-
aucune méthode quantitative ne permet actuel-
tions calciques ayant de cinétiques et des dis-
lement de quantifier la concentration en Ca2+i
tributions différentes. Ces caractéristiques leur
libre impliqué dans ces signalisations calciques
permettent de jouer des rôles complémentaires
endothéliales. D’autre part, leur vraisemblable
et ainsi de moduler finement les fonctions endo-
importance dans la régulation du tonus vascu-
théliales. Alors qu’une augmentation globale et
laire représente un attrait supplémentaire favo-
soutenue du Ca2+ intracellulaire endothélial a
risant l’étude spécifique de chacune des signali-
fait l’objet d’études depuis quelques décennies,
sations calciques locales. En effet, ces signaux
un intérêt grandissant est concentré sur les dy-
calciques de plus faibles amplitudes peuvent
namiques calciques locales (Ca2+ blips, Ca2+
générer une réponse physiologique aussi im-
puff, Ca2+ wavelets, Ca2+ sparklets et pulsars
portante que la signalisation globale, puisque
calciques). Les différents types de dynamiques
focalisés. Ces mécanismes permettent donc un
calciques (globales ou locales) peuvent em-
avantage considérable au niveau de l’économie
prunter des voies similaires. Semblables aux
d’énergie de la cellule, les protéines spécifiques
vagues calciques, les signalisations de type
localisées à proximité de ces signaux peuvent
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CHIMÈNE CHARBEL ET COLL. 49
NUMÉRO CRCQ avoir un impact important sur les fonctions cellu-
cique locale demeure à déterminer en condi-
laires. Ces signalisations sont donc impliquées
tions pathologiques. De par le rôle potentiel
dans le maintien de l’équilibre contraction-re-
important de ces dynamiques, il est fort pro-
laxation au niveau vasculaire, mais les méca-
bable qu’une altération des caractéristiques des
nismes contrôlant ces dynamiques demeurent
signalisations locales soit présente en patholo-
à explorer. Par ailleurs, les voies de signalisa-
gie vasculaire. Ces voies de signalisation loca-
tions activées par ces dynamiques locales ont
lisées représentent donc d’intéressantes ave-
été peu caractérisées jusqu’à présent. Des évi-
nues de cibles thérapeutiques potentielles pour
dences montrent toutefois que CaMKII est un
le traitement de pathologies vasculaires telles
candidat idéal pour décoder ces variations de
que l’hypertension.
Ca2+. De plus, l’impact de la signalisation cal-
Remerciements et financements Ce travail fut possible grâce au soutien des organismes subventionnaires IRSC, FRQS et FMCC.
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REVUE
Les granules de stress à ARN : une question de vie ou de mort Stress Granules: A matter of life and death Laetitia Coudert, Rachid Mazroui Département de Biologie Moléculaire, Biochimie Médicale, et Pathologie, Faculté de Médecine, Université Laval, Centre de Recherche CHUQ /St-François d’Assise
Correspondance Rachid Mazroui 10, rue de l’Espinay Québec, Québec, G1L 3L5 Canada 418 525-4444 poste 53752
[email protected]
Date de réception :
6 novembre 2013
Date d’acceptation : 28 janvier 2013
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LAETITIA COUDERT ET COLL. 53
NUMÉRO CRCQ
Résumé Suite au stress, les cellules eucaryotes activent des mécanismes de défense pour s’adapter aux conditions extrêmes imposées par le stress, leur permettant de survivre. Un des mécanismes de défense activés en conditions de stress implique la formation de « granules de stress (SG) » correspondant à des corps cytoplasmiques où des ARNm sont recrutés en condition de stress. La séquestration de certaines molécules de signalisation dans les SG inactive des voies de mort cellulaire, permettant la survie cellulaire. Les SG permettent aussi la protection des ARNm codant pour des fonctions de survie. Une fois le stress éliminé, les ARNm protégés ainsi accumulés sont massivement traduits en protéines de survie assurant la survie cellulaire. Les SG apparaissent donc comme des entités pro-survie, qui, dans le contexte du processus cancéreux peuvent promouvoir la résistance au stress induit par les traitements thérapeutiques, induisant une chimiorésistance. Dans cette revue, les mécanismes de formation des SG sont discutés ainsi que leur rôle dans le contexte de la résistance des cellules cancéreuses aux traitements thérapeutiques.
Summary When exposed to environmental stresses, cells rapidly activate pathways that induce a coordinated response of mRNA translation and turnover that confers protection against stress-induced damage and promotes their survival. One of these pathways involves the induction of stress granules (SG); cytoplasmic bodies where specific mRNAs and proteins are recruited. The sequestration of specific signaling molecules, in SG, could inactivate cellular death programs, leading to the cellular survival. SG can also assure the protection of mRNAs coding for survival functions. Once the inducing stress is relieved, accumulated mRNAs are massively translated in proteins, leading to cellular survival. SG seem thus to play key role in cell resistance to stress. Recent advances suggest that the pro-survival function of SG could account for resistance of cancer cells to the stress generated by chemotherapy, inducing chemoresistance. In this review, we discuss recent advances of the role played by SG in promoting cancer cells resistance to therapeutic conditions as well as the molecular mechanisms leading to their formation.
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LAETITIA COUDERT ET COLL. 54
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La formation des granules de stress : un événement évolutif et conservé
L
es granules de stress (SG) sont des en-
tion évolutive de la formation des SG témoigne
tités cytoplasmiques non-membranaires
d’un rôle important de leur formation dans la
généralement associées au réseau de
réponse cellulaire au stress.
microtubules. Les SG appartiennent à la famille
La formation des SG chez les cellules de mam-
des granules à ARN [1] qui sont connus comme
mifères fut observée en réponse à plusieurs
étant des sites de stockage des ARNm. À la dif-
types de stress. Ceux-ci incluent le choc ther-
férence des autres granules à ARN, les SG ne
mique et le stress oxydatif [8], l’infection virale
sont détectées qu’en condition de stress, sug-
[9], les radiations ionisantes [10] ainsi que les
gérant un rôle spécifique de la formation des SG
traitements chimiothérapeutiques [11]. Dans
dans les conditions de croissance cellulaire dé-
la plupart de ces études, la formation des SG
favorables. La formation des SG est conservée
fut présentée comme un événement important
entre les espèces. On peut les observer chez
permettant une survie cellulaire face au stress.
les chloroplastes de plante [2], les levures Sac-
Nous avons montré, dans le cas du stress gé-
charomyces cerevisiae [3] et Saccharomyces
néré par les drogues anticancéreuses, que la
pombe [4], chez le protozoaire Trypanosoma
formation des SG engendrait une résistance
brucei [5] ainsi que chez le métazoaire Caeno-
des cellules cancéreuses à la mort cellulaire,
rhabditis elegans [6]. On retrouve aussi les SG
constituant ainsi un mécanisme de résistance
chez la Drosophila melanogaster, tel que dé-
thérapeutique [11, 12]. La majorité des stress
montré récemment par notre laboratoire, réité-
induisant la formation des SG inhibent l’initiation
rant les observations du laboratoire de P. Silver
de la traduction des ARNm. Dans ce contexte,
[7]. De plus, nos résultats récents montrent pour
il fut suggéré que les SG pouvaient servir de
la première fois la formation de SG au sein de
sites où les ARNm sont stockés, sous forme
tissus isolés de la drosophile. Cette conserva-
non-traduite. Une fois le stress éliminé, les SG
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se désassemblent et relâchent ces ARNm qui
de survie, permettant à la cellule de recouvrir
peuvent être rapidement traduits en protéines
du stress subit.
Composition et rôle des SG dans le contrôle de l’expression des ARNm Les SG sont très dynamiques ; leurs composantes
des oligos-dT) que plus de 70 % des ARNm to-
y entrent et sortent continuellement comme l’ont
taux sont recrutés au niveau des SG formées
démontrées les études de photoblanchissement
dans les cellules de mammifères en condition de
(Figure 1). Ce dynamisme a rendu difficile la ca-
stress. Cependant, seule une dizaine d’ARNm
ractérisation biochimique des SG. La quasi-totalité
a été formellement localisée par hybridation in
des composantes des SG fut identifiée par des
situ spécifique au niveau des SG. Cette catégo-
études de localisation cellulaire. On distingue deux
rie inclue les ARNm de c-Myc et de beta-actine
types de composantes des SG: les composantes
[21], de GAPDH [12, 21], des transcripts régu-
‘’core’’ et les molécules de signalisation qui sont
lés par HIF-1 [10], et des ARNm TOP codant les
recrutées aux SG par le biais des composantes
protéines ribosomales [22]. La localisation de
core [1, 13, 14]. Les composantes core des SG
ces ARNm au niveau des SG corrèle avec leur
incluent les facteurs d’initiation de la traduction [8,
accumulation. Récemment, on a démontré que
15-18] et les petites sous-unités ribosomales [19,
la localisation de l’ARNm codant pour la protéine
20]. Les grandes sous-unités ribosomales ainsi
p21 est quantitativement (~80 %) recrutée au
que certains facteurs d’élongation de la traduction
niveau des SG (Figure 2), où il s’accumule suite
sont absents des SG. Ceci exclue la possibilité
à sa stabilisation [12]. La suppression des SG
que les SG soient des sites de la traduction active
prévient la stabilisation de l’ARNm p21, indui-
des ARNm ; les SG seraient plutôt des sites où la
sant ainsi sa dégradation rapide. Ces résultats
traduction des ARNm est réprimée.
démontrent un rôle important des SG dans la
Des études menées par plusieurs laboratoires ont
protection de la dégradation de certains ARNm,
déterminé grâce à l’hybridation in situ (en utilisant
principalement ceux ayant une très courte durée
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Figure 1 Les SG sont dynamiques. Les cellules HeLa exprimant le marqueur GFP-FMRP des SG ont été traitées avec l’arsenite pour induire la formation des SG. Les SG ont été ‘’photoblanchis’’ à l’aide de lasers (A ; la zone photoblanchie est indiquée par une flèche). L’intensité de la fluorescence récupérée après le ‘’photoblanchiment’’ est ensuite mesurée (B). Noter que le recouvrement de 50% de la fluorescence se fait en moins d’une minute, démontrant un va et viens rapide des composantes des SG. Analyse produite au sein de notre laboratoire.
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Figure 2 Bortezomib induit l’accumulation de l’ARNm p21 dans les SG comme démontré par la fluorescence locale (FISH). Les cellules HeLa ont été traitées avec le bortezomib (2 μM) pour induire la formation des SG. Après fixation et perméabilisation, les cellules ont été incubées avec une sonde ARN anti-sens marquée au Alexa fluor 488 pour détecter l’ARNm p21, ou avec une sonde contrôle sens marquée avec de l’Alexa fluor 488. Les SG ont été détectées en utilisant des anticorps spécifiques de la protéine du retard mental fragile X (Fragile X Mental Retardation Protein; FMRP), l’un des marqueurs des SG. Le pourcentage des SG contenant l’ARNm p21 est indiqué.
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de vie, induisant leur accumulation en condition
protéine permettant la dégradation des ARNm
de stress. La localisation des ARNm labiles
dans le cytoplasme des cellules en condition
dans les SG serait donc un événement critique
de croissance normale [25, 26]. La localisation
permettant à ces ARNm d’échapper à l’action
de CUGBP1 dans les SG paraît donc critique
de la machinerie de dégradation des ARNm.
pour la stabilisation de ses ARNm cibles tels
Dans ce contexte, il est important de noter que
que p21. La localisation dans ces granules des
la plupart des enzymes de dégradation des
protéines liant l’ARN pourrait donc jouer un rôle
ARNm sont exclues des SG. Les SG serviraient
clé dans l’accumulation de leurs ARNm cibles
donc de barrière physique contre les enzymes
en induisant leur localisation au niveau de ces
de dégradation des ARNm, ce qui favoriserait
mêmes SG. Il serait surprenant cependant que
la stabilisation des ARNm labiles présents dans
CUGBP1 soit le seul facteur responsable de
les SG [18, 23]. Des analyses à grande échelle
l’accumulation de l’ARNm p21 dans les SG. Des
d’expression du génome des cellules ne pou-
études futures sont nécessaires pour détermi-
vant pas former les SG devraient aider à identi-
ner comment les ARNm spécifiques, incluant
fier les ARNm dont l’accumulation dépend de la
celui codant pour p21, sont stabilisés au niveau
formation des SG.
de ces granules.
En accord avec le concept de la protection de
En plus des protéines stabilisatrices des ARNm,
la dégradation des ARNm labiles par les SG,
certaines composantes des SG sont connues
plusieurs protéines connues comme étant sta-
comme étant inhibitrices de la traduction, ce
bilisatrices d’ARN se retrouvent dans les SG.
qui supporte l’hypothèse selon laquelle les SG
Celles-ci incluent HuR [24], FMRP [20], et TIA
servent de sites de répression de la traduction.
[8]. On a démontré que la protéine CUGBP1
Cette hypothèse fut cependant défiée par une
est responsable de la localisation de l’ARNm
étude récente réalisée chez la levure [3]. En ef-
p21, induisant son accumulation dans les SG
fet, les auteurs ont montré que des souches de
[12]. CUGBP1 fut par contre décrite comme une
levure mutantes, incapables de former les SG,
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ont maintenu leur capacité à réprimer la traduc-
montré que le traitement court (4 h) des cellules
tion des ARNm en condition de stress. Ce résul-
avec des inhibiteurs de protéasome induit la
tat n’exclut cependant pas que les SG soient
formation des SG, où l’ARNm p21 s’accumule.
importantes pour la répression de la traduction
La séquestration de cet ARNm dans les SG
des ARNm de façon spécifique. Dans ce sens,
empêche cependant son expression comme
on a pu établir un modèle cellulaire (Figure 3)
le démontrent nos analyses en western blot.
pour vérifier l’implication des SG dans la régu-
L’ARNm p21 ainsi accumulé est relargué au
lation de la traduction de l’ARNm p21 [12]. On a
niveau du cytoplasme pour être traduit suite au
Figure 3 Rôle potentiel des SG dans la régulation de l’expression de l’ARNm p21 Le traitement des cellules HeLa avec les inhibiteurs de protéasome pour 3-4 h induit la formation des SG, où l’ARNm p21 s’accumule. À cause de sa séquestration dans les SG, l’ARNm p21 n’est pas traduit. Le traitement prolongé (8-10 h) des cellules avec les inhibiteurs du protéasome induit une dépolymérisation des SG qui libèrent le pool accumulé de l’ARNm p21 qui sera massivement traduit en protéines. Vol.2 n°2
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désassemblage des SG qui se produit pendant
position [27, 28]. Le séquençage à haut débit
un traitement prolongé (8 h) avec les inhibiteurs
de ces ARNm isolés a permis d’identifier ceux
de protéasome. Cette étude suggère donc que
présents dans ces granules et faisant donc po-
la séquestration des ARNm au niveau des SG
tentiellement partie des SG. Des études futures
inhibe leur traduction. Deux études récentes ont
devraient confirmer leur localisation dans les
pu reconstituer in vitro des granules à ARN res-
SG, mais surtout d’établir le rôle des SG dans la
semblant aux granules de stress par leur com-
répression de leur traduction.
Initiation de la traduction et formation des granules de stress Chez les cellules eucaryotes, la traduction
eIF4E est responsable de la reconnaissance
consiste en trois étapes : l’initiation, l’élonga-
des ARNm en se liant sur leur structure coiffe
tion et la terminaison. L’initiation de la traduction
(5’-m7GpppN). Pendant l’initiation de la traduc-
est un processus hautement régulé notamment
tion, eIF4G joue un rôle de protéine échafau-
durant la réponse au stress [29]. Cette étape
dage pour recruter le 43S à l’ARNm grâce à son
consiste en un assemblage successif d’une
interaction simultanée avec eIF3, lui-même lié
dizaine de facteurs d’initiation de la traduction
au 43S et à eIF4E complexé avec l’ARNm. Ceci
(eIFs) formant des complexes avec les sous-
conduit à la formation du complexe de pré-ini-
unités ribosomales et l’ARNm [30]. Cette étape
tiation 48S. Les facteurs eIF4F et eIF2α sont
débute par la formation du complexe tertiaire
alors relâchés et la sous-unité ribosomale 60S
eIF2.GTP.Met-tRNAiMet et son recrutement à la
est recrutée pour former le ribosome 80S qui
sous-unité ribosomale 40S, formant le complexe
est compétent pour démarrer la traduction. En
de pré-initiation 43S. L’étape suivante est l’asso-
condition de stress, l’initiation de la traduction
ciation du 43S à l’ARNm par le biais des facteurs
est régulée principalement par la phosphoryla-
eIF4F and eIF3. Le complexe eIF4F est compo-
tion du facteur eIF2α [29], événement égale-
sé de trois facteurs : le eIF4E, eIF4G et le eIF4A.
ment clé dans la formation des SG [8, 31].
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Mécanismes de formation des SG : lien fonctionnel avec l’inhibition de l’initiation de la traduction Formation des SG dépendante de la phosphorylation du facteur eIF2α La phosphorylation du facteur eIF2α est la pre-
ponse aux infections viraux [9, 17] alors que la
mière voie de signalisation démontrée comme
PKR-like endoplasmic reticulum kinase (PERK)
étant impliquée dans la formation des SG [8].
est responsable de la formation des SG en
La plupart des stress menant à la formation des
condition du stress du réticulum endoplasmique
SG sont connus comme étant des stress qui
[16]. La protéine general control non-derepres-
induisent la phosphorylation du facteur eIF2α
sible-2 (GCN2) est impliquée dans l’induction
au niveau de la serine 51 [11, 14]. Cette phos-
des SG en condition d’inhibition du protéasome
phorylation d’eIF2α empêche l’association du
dans les cellules embryonnaires fibroblastiques
facteur eIF2 avec le GTP et inhibe par consé-
de souris [33]. Enfin, la protéine heme-regula-
quent la formation du complexe tertiaire eIF2.
ted Inhibitor HRI semble être responsable de la
GTP.Met-tRNAiMet [29]. S’en suit une accumu-
formation des SG en condition d’arsenite [31].
lation de complexes d’initiation de la traduction
Nous avons également démontré le rôle majeur
déficients et incompétents pour la traduction;
de la protéine HRI dans la formation des SG
l’accumulation de ces complexes donnant lieu
en condition de traitement chimiothérapeutique
à l’assemblage des SG [19, 32]. La phospho-
des cellules cancéreuses, via la phosphoryla-
rylation d’eIF2α apparaît donc comme un évé-
tion d’eIF2α [11]. Les kinases de stress pour-
nement clé dans l’induction de la formation des
raient donc jouer un rôle non-soupçonné dans
SG en condition de stress. Cette modification
la chimiorésistance, en induisant la formation
de eIF2α est induite par quatre kinases de
des SG. Nos études en cours permettront de
stress dont le rôle dans la formation des SG est
déterminer si HRI pourrait être une cible théra-
aussi bien établi. La protéine kinase R (PKR)
peutique pour le traitement des cancers chimio-
est impliquée dans la formation des SG en ré-
résistants.
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Formation des SG dépendantes des autres facteurs d’initiation de la traduction Plusieurs inhibiteurs de l’initiation de la traduc-
formation des SG. Notre étude a confirmé que
tion furent récemment développés. Pateamine
l’inactivation des autres facteurs d’initiation de
A et Hippuristanol ciblent le facteur d’initiation
la traduction tels que eIF4B, eIF4H ainsi qu’eIF2
de la traduction eIF4A [34, 35], 4EG-I inactive
était suffisante pour induire la formation des SG.
le facteur eIF4E [36], tandis que MDMP bloque
Cependant, on a identifié dans ce travail [18]
l’association entre la sous-unité ribosomale 60S
deux étapes de l’initiation de la traduction, à sa-
avec la 40S [37]. Notre étude pionnière [17],
voir la formation du facteur eIF4F et celle du re-
appuyée par des études menées par plusieurs
crutement de la sous-unité ribosomale 60S, dont
laboratoires, a démontré que l’inactivation du
l’inhibition n’induit pas la formation des SG. Ceci
facteur eIF4A (soit par la Pateamine A ou par
démontre que les mécanismes de formation des
l’Hippuristanol) est suffisante pour induire la for-
SG et ceux régulant l’inhibition de l’initiation de la
mation des SG dans les cellules en culture sans
traduction peuvent être non couplés. L’initiation
pour autant induire la phosphorylation du fac-
de la traduction étant une cible privilégiée dans
teur eIF2α. Ces études démontrent donc l’exis-
le traitement du cancer [38-43] , notre étude a
tence de voies de formation alternatives des SG
ainsi révélé deux étapes clés de l’initiation de la
(autre que la voie de formation eIF2α-phospho-
traduction qui peuvent être ciblées sans induire
dépendante) et mettent en lumière le concept
la formation des SG et la résistance à la mort
selon lequel la formation des SG est intimement
cellulaire qui lui est associée. Nous poursuivons
liée à l’inhibition de l’initiation de la traduction.
nos études pour déterminer si l’inactivation de
La formation des SG ne dépendrait donc pas
la cible thérapeutique eIF4E ainsi que sa voie
exclusivement d’un apport de stress à la cellule.
régulatrice mTOR peut prévenir la formation des
Plus récemment, un criblage des facteurs
SG lors de traitements chimiothérapeutiques,
d’initiation de la traduction a été réalisé pour
sensibilisant ainsi les cellules cancéreuses ré-
déterminer ceux dont l’inactivation induisait la
sistantes à la mort cellulaire.
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Rôle des SG dans la survie cellulaire Plusieurs études ont documenté le rôle des SG
SG dans la survie cellulaire : la séquestration
dans la résistance des cellules aux effets délé-
des molécules de signalisation de mort cellu-
tères du stress, induisant leur survie. Deux mo-
laire et la surexpression des facteurs de survie
dèles furent élaborés pour expliquer le rôle des
cellulaire.
Modèle de résistance par séquestration des molécules de signalisation : TRAF2 La protéine TRAF2 fait partie d’un complexe
la séquestration de TRAF2 au niveau des SG
TNFR1 composé du récepteur du TNFα, de la
(induites par le choc hyperthermique) rend le
protéine adaptatrice TRADD, et de la kinase
complexe TNFR1 inactif et donc incapable d’ac-
RIP1 [44]. L’activation de ce complexe est cru-
tiver les réactions pro-inflammatoires de mort
ciale pour transmettre les signaux menant à
cellulaire NF-kB. Ces travaux suggèrent un rôle
l’activation du facteur pro-inflammatoire NF-kB.
cyto-protecteur des SG lors du processus d’in-
L’étude de l’équipe de Jang [45] montre que
flammation menant à l’apoptose.
RACK1 (Receptor for Activated C-Kinase1) La protéine RACK1 sert de protéine d’échafau-
gues génotoxiques de type Etoposide), RACK1
dage et d’activation pour plusieurs kinases telles
se localise dans les SG [47]. Cette séques-
que la protéine kinase C (PKC) et certaines ki-
tration de RACK1 au sein des SG prévient sa
nases (MTK1, MKK7) impliquées dans la voie
liaison avec la kinase MTK1 (faisant partie de
de signalisation JNK/MAPK. Elle joue un rôle
la voie apoptotique p38 et JNK-MAPK). Ceci
critique dans différents processus biologiques
inhibe l’activation de la voie MTK1-MAPK et
tels que la croissance, la migration et la différen-
subséquemment empêche l’entrée en apoptose
ciation cellulaire [46]. Lorsque la cellule subit un
de la cellule. Ces travaux ont donc établi que la
stress (c.-à-d. hypoxie, rayons ionisants, dro-
formation des SG peut interférer avec l’activa-
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tion des voies de signalisation de mort cellulaire
clés, permettant ainsi aux cellules de survivre
en séquestrant des molécules de signalisation
en cas de stress.
RSK2 (Serine/Thréonine p90 ribosomal S6 kinase 2) RSK2 est un facteur régulant différents aspects du
par le biais de TIA-1 au niveau des SG [49]. Ainsi
processus de prolifération et de survie cellulaire.
séquestré, RSK2 ne peut plus s’accumuler dans
Il modifie des protéines cibles telles que p27kip1,
le noyau et ne peut donc plus induire l’expression
TIF-1A [48] par phosphorylation. De plus, il relaie
de la cycline D1 ; un des facteurs clés régulant la
à l’intérieur des cellules certains signaux extracel-
phase G1 du cycle cellulaire. De plus, RSK2 (de
lulaires, notamment ceux induits par les facteurs
concert avec TIA-1) semble promouvoir la forma-
de croissance contrôlant la prolifération cellulaire.
tion des SG en condition des stress, permettant
En condition de stress oxydatif, RSK2 est recruté
ainsi à la cellule stressée de survivre.
Modèle de résistance par surexpression des facteurs de survie ARNm induit par l’hypoxie Il a été démontré que la radiothérapie des tu-
désassemblage des SG, relâchant le pool accu-
meurs induit la formation des SG suite aux
mulé des ARNm alors massivement traduits en
conditions hypoxiques crées par les radiations
cytokines telles que le VEGF. Ces dernières as-
[10]. Parallèlement à la formation des SG, l’état
surent la survie des cellules endothéliales per-
hypoxique des cellules active la transcription
mettant la vascularisation de la tumeur, lui assu-
spécifique d’ARNm codant pour des cytokines
rant une résistance aux radiations. Cette étude
de survie. Lors de la radiation de la tumeur, ces
établissant un lien entre la formation des SG et
ARNm sont recrutés au niveau des SG où ils
la radiorésistance des tumeurs nous amène à
sont protégés de la dégradation et où ils s’accu-
considérer ce « lien fonctionnel» comme une
mulent. Le mécanisme de reoxygénation des
potentielle cible thérapeutique pour le traite-
tumeurs qui fait suite à la radiation permet le
ment des cancers radio-résistants.
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ARNm codant pour les protéines du cycle cellulaire La protéine p21 (Cyclin-dependent kinase inh-
impliquait la surexpression de la protéine p21
bitor) inhibe le cycle cellulaire en phase G1. De
facilitée par les SG [12]. Dans ces travaux, nous
ce fait, elle est impliquée dans la différenciation
avons d’abord montré qu’un traitement court
cellulaire et la sénescence et fut originellement
(4 h) des cellules cancéreuses au bortezomib
décrite comme inhibitrice de la progression tu-
(2uM) induisait la formation des SG, constituant
morale [50-52]. D’autres études ont cependant
la première démonstration que les drogues anti-
révélé un rôle anti-apoptotique de la protéine
cancéreuses peuvent conduire à la formation
p21 [53-55]. Il fut démontré que les conditions
des SG. La formation des SG, en condition de
de stress, incluant le traitement thérapeutique
bortezomib (2uM) est réversible, car les SG se
anti-cancer, induisaient une surexpression de
désassemblent suite à un traitement prolongé
la protéine. La surproduction de protéine p21
(> 8 h) avec cet agent chémothérapeutique.
inhibe ensuite l’activité de la machinerie apop-
De plus, la suppression des SG en éliminant le
totique, permettant la résistance des cellules à
facteur HRI sensibilise les cellules cancéreuses
la mort engendrée par le stress [53, 56]. Nous
chimiorésistantes au traitement bortezomib,
avons récemment identifié un mécanisme per-
suggérant un rôle important de la formation des
mettant la surexpression de la protéine p21 lors
SG dans cette chimiorésistance.
de traitement avec l’agent chimiothérapeutique bortezomib [12].
Notre étude subséquente a révélé un rôle majeur des SG dans la stabilisation et l’accumu-
Le bortezomib (de son nom clinique
lation de l’ARNm p21, induisant ainsi la surex-
Velcade) est un agent approuvé pour le trai-
pression de la protéine p21. Nos études d’hy-
tement des tumeurs liquides [57, 58], de type
bridation in situ ont montré que plus de 80 %
« inhibiteurs du protéasome ». Les tumeurs so-
de l’ARNm p21 produit s’accumulait dans les
lides sont résistantes au bortezomib [59, 60] et
SG. Cette accumulation dépend de la protéine
nous avons observé que cette chimiorésistance
CUGBP1 qui permet la stabilisation de l’ARNm
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NUMÉRO CRCQ
p21 dans les SG. Ce pool d’ARNm p21 ainsi ac-
non publiés) ont identifié d’autres ARNm dont
cumulé est relâché dans le cytoplasme après la
la surexpression en condition de bortezomib
dépolymérisation des SG où il va abondement
dépend des SG. L’étude du rôle des protéines
être converti en protéine. La surproduction de
codées par ces ARNm dans la chimiorésistance
p21 interfère avec la mort cellulaire, induisant
est en cours et pourrait aboutir à l’identification
ainsi une chimiorésistance. Notre travail a donc
de nouvelles cibles thérapeutiques. Il est très
révélé la protéine p21 comme cible thérapeu-
peu probable que ce mécanisme de chimioré-
tique pour le traitement de cancer résistant au
sistance, médié par les SG, soit spécifique au
bortezomib. Le développement de drogues qui
bortezomib. Des études sont en cours pour
empêcherait la formation des SG de façon spé-
identifier des agents chimiothérapeutiques in-
cifique serait aussi une approche prometteuse
duisant la formation des SG tout en permettant
pour le traitement de cancers résistants. En plus
aux cellules cancéreuses de survivre à ces trai-
de l’ARNm p21, nos données récentes (encore
tements.
Conclusion L’exposition des cellules au stress peut pertur-
être qualifié de pro-survie. De par cette capa-
ber le déroulement de processus intracellulaires
cité, les SG peuvent participer aux décisions «
essentiels. En effet, la formation des SG corrèle
de vie ou de mort » des cellules en détresse,
généralement avec une diminution globale de
en régulant de façon sélective l’activation des
la traduction et la répression ciblée d’ARNm
protéines de signalisation ainsi que l’expression
particuliers tels que ceux codant pour des fonc-
des ARNm impliqués dans la survie cellulaire et
tions du cycle cellulaire ou de la survie. Dans ce
l’apoptose. Ceci est particulièrement important
contexte particulier de stress, l’assemblage des
dans le cadre de la résistance des cellules can-
SG représente vraisemblablement un méca-
céreuses aux thérapies. Cependant, les événe-
nisme d’adaptation cellulaire important pouvant
ments moléculaires menant à leur assemblage/
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désassemblage ne sont pas encore totalement
lopper des drogues pouvant cibler spécifique-
connus. Il serait donc primordial d’explorer ces
ment la formation des SG. L’utilisation de ces
mécanismes afin d’avoir une meilleure com-
suppresseurs des SG pourrait être combinée
préhension de la biogenèse des SG. Par cette
aux traitements conventionnels pour prévenir la
connaissance, nous serions capables de déve-
chimiorésistance.
Remerciements et Financements Cette revue est supportée par la subvention
rat au laboratoire de R. Mazroui. R. Mazroui est
Conseil de recherches en sciences naturelles et
récipiendaire de la bourse salariale Nouveaux
en génie du Canada (MOP-CG095386) de R.
chercheur IRSC.
Mazroui. L. Coudert est une étudiante au docto-
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REVUE
Les interactions de la corticostimuline (ACTH) avec son récepteur MC2 : Nouvelles connaissances et perspectives ACTH-MC2R interactions: overview, new findings and perspectives Nicole Gallo-Payet Service d’endocrinologie, Département de Médecine, Faculté de Médecine et des sciences de la santé Université de Sherbrooke et Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel
Correspondance Nicole Gallo-Payet, PhD 3001, 12e avenue Nord, Sherbrooke, Québec, J1H 5N4 Canada 819 564-5243
[email protected]
Date de réception : 30 octobre 2012 Date d’acceptation : 11 janvier 2013 Vol.2 n°2
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Résumé En stimulant la synthèse des corticostéroïdes, l’hormone corticostimuline (ACTH) joue un rôle primordial dans l’homéostasie et la gestion du stress. Après une courte introduction sur les effets physiologiques et pathologiques engendrés par l’ACTH, la revue abordera les relations structure-fonction ACTH-récepteur MC2, ainsi que les voies de signalisation et la régulation fonctionnelle du R-MC2. Le développement de composés antagonistes compétitifs, qui lieraient le R-MC2 avec une grande sélectivité, mais sans induire d’activité biologique, serait très utile pour traiter les pathologies liées à des niveaux élevés d’ACTH (maladie de Cushing, sécrétion ectopique d’ACTH, hyperplasie congénitale des surrénales).
Summary By stimulating adrenal corticosteroid synthesis, the adrenocorticotropic hormone ACTH plays a pivotal role in homeostasis and stress response. In this review, we will discuss structure-activity relationships between ACTH and its receptor MC2, signaling pathways and regulation of the MC2R. Finally, we will discuss the opportunity to develop ACTH antagonists with high affinity for MC2R but unable to stimulate cAMP production. Such tools would be therapeutically useful for the treatment of conditions involving excess ACTH, such as Cushing’s disease, ectopic ACTH secretion or congenital adrenal hyperplasia.
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Introduction
L’
hormone corticostimuline (ACTH)
comportementales qui peuvent déboucher sur
joue un rôle majeur dans la physio-
diverses complications cardiométaboliques [4-7]
logie du cortex surrénalien en stimu-
(Figure 1). L’ACTH exerce son action en se liant
lant toutes les étapes conduisant à la produc-
à son récepteur MC2 (R-MC2) [2, 8] et en utilisant
tion des corticostéroïdes dans les trois zones du
l’AMPc comme second messager [9-13]. Cepen-
cortex. Les minéralocorticoïdes (principalement
dant, les mécanismes d’action de l’ACTH sont
l’aldostérone, produite par la zone glomérulée/
plus complexes que la simple relation ACTH-ré-
zona glomerulosa), jouent un rôle clé dans l’ho-
cepteur MC2-AMPc- corticostéroïdes [14].
méostasie hydrominérale, les glucocorticoïdes
Pathologies associées à une hypersé-
(dont le cortisol chez l’homme, produit par les
crétion d’ACTH - La maladie de Cushing (adé-
zones fasciculée et réticulée/zonae fascicu-
nome hypophysaire hypersécrétant d’ACTH) ou
lata et reticularis) jouent un rôle important dans
la sécrétion ectopique d’ACTH par une tumeur
l’homéostasie métabolique et les androgènes
extra-hypophysaire provoquent une stimulation
surrénaliens (dont la déhydroépiandrostérone
excessive du cortex surrénalien. L’augmentation
produite par la zone réticulée/zona reticularis),
chronique d’ACTH plasmatique entraîne une hy-
servent de précurseurs pour les androgènes et
perplasie bilatérale des glandes surrénales, avec
estrogènes circulants [1-3]. L’axe hypothalamo-
disparition des rythmes circadiens de l’ACTH et
hypophyso-surrénalien, par l’intermédiaire de
des glucocorticoïdes. Les traitements sont soit
l’ACTH et du cortisol est également bien connu
la résection sélective de l’adénome corticotrope
pour son rôle dans la gestion du stress. Cepen-
ou de la tumeur extra-hypophysaire, soit l’usage
dant, des augmentations soutenues d’ACTH et
de bloqueurs des voies de synthèse de la sté-
de cortisol conduisent notamment à des per-
roïdogenèse (metyrapone, mitotane ou ketoco-
turbations de leur cycle nycthéméral de sécré-
nazole). Cependant, ces composés ont des effi-
tion, s’accompagnant de plusieurs modifications
cacités parfois incomplètes et leur usage peut
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Stress
glucocorticoïdes
surpoids
Perte de Sommeil
Prise alimentaire
Figure 1. Implication des glandes surrénales dans plusieurs désordres métaboliques Dessin inspiré de Roberge et coll., 2007 [7].
s’accompagner d’effets secondaires [15]. Une Nicole Gallo-Payet-Revue MSA Interaction ACTH-récepteur ACTH
la corticolibérine (CRH) et de l’ACTH, menant
autre maladie liée à des hauts taux d’ACTH est
à une augmentation sélective de la production
l’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS)
des androgènes surrénaliens [16]. Le traitement
(causée par un déficit enzymatique, principa-
par des glucocorticoïdes (GC) à dose physiolo-
lement de l’enzyme 21-hydroxylase, impliquée
gique n’arrive pas à supprimer l’excès d’ACTH
dans la synthèse du cortisol). Le déficit en corti-
et les taux d’androgènes restent donc élevés,
sol a pour conséquence une perte de rétroaction
ce qui a pour effet de viriliser les patientes avec
négative, ce qui provoque une augmentation de
HCS et d’accélérer la maturation osseuse de
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tous les patients, qui perdent ainsi 6 à 8 cm de
19]. Ainsi, dans ces trois exemples de patholo-
taille finale adulte [17]. D’un autre côté, l’usage
gies, développer un antagoniste dirigé contre le
de doses supraphysiologiques de GC peut
R-MC2 permettrait d’agir directement au niveau
réduire les taux d’ACTH, mais au prix d’effets
de la liaison de l’ACTH à son récepteur, sans
indésirables liés à l’hypercorticisme (hypergly-
entrer dans les multiples actions intracellulaires
cémie, hypertension artérielle, ostéoporose
induites par l’activation du complexe hormone-
et croissance réduite). D’autres pathologies,
récepteur. Ceci souligne le grand intérêt d’une
comme l’hyperaldostéronisme primaire, sont
étude détaillée des interactions de l’ACTH avec
associées à une surexpression du R-MC2 [18,
son récepteur MC2.
Les relations structure-fonction – ACTH-R-MC2 Après la découverte de l’AMPcyclique comme
que s’accumuler. Ce n’est qu’avec le clonage
second messager de l’ACTH en 1958 [20], les
du récepteur en 1992 [8], suivi du clonage de la
premières études de liaison hormone-récepteur
protéine d’échafaudage, Melanocortin 2 Recep-
ont été réalisées en 1970 par Robert Lefkowitz
tor Accessory Protein (MRAP) en 2005 [22], que
(prix Nobel de chimie 2012) [21]. Malgré ces
quelques-unes des particularités de R-MC2 ont
débuts prometteurs, les embûches n’ont fait
été élucidées.
L’ACTH : une partenaire exigeante L’ACTH fait partie de la grande famille des pep-
dorphines et les mélanocortines. La POMC est
tides issus du précurseur pro-opio-mélanocor-
exprimée au niveau des lobes antérieur et inter-
tine (POMC) identifié en 1979 par les groupes
médiaire de l’hypophyse, de plusieurs régions
de Michel Chrétien [23] et Nakanishi [24]. Suite
du cerveau et plusieurs tissus périphériques
à des clivages par des enzymes convertases
[25, 26]. L’ACTH correspond aux acides ami-
spécifiques, la POMC va générer trois familles
nés (a.a.) 138-176 de la POMC [26] , et peut
de peptides : les fragments N-terminaux, les en-
être clivée par la convertase PC2 pour donner
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l’αMSH (a.a. 1-13 de l’ACTH) [26] (Figure 2).
(@ 10%), alors que la production d’AMPc né-
Les travaux de structure-fonction effectués
cessiterait une plus grande occupation des sites
dans les années 1970-1980 ont permis l’identifi-
(« a single site-receptor model ») [30, 33]. Le
cation des a.a. de la molécule d’ACTH qui sont
troisième concept implique que la région 15-24
essentiels à la production de l’AMPc et ceux
serait critique pour la liaison de l’ACTH à son
essentiels à la liaison à son récepteur [27, 28].
récepteur, ce qui expliquerait pourquoi l’a-MSH
Ces études ont montré que certains fragments
(a.a. 1-13) n’a pas d’effet sur les cellules cortico-
de l’ACTH étaient non seulement inactifs d’un
surrénaliennes. Deux informations se dégagent
point de vue biologique, mais agissaient comme
de ces études. Une première séquence, appe-
antagonistes des effets de l’ACTH, notamment
lée « message », essentielle pour la production
le fragment 7-38 de l’ACTH(1-39) appelé Cor-
d’AMPc, correspond aux a.a, 6 à 9 de l’ACTH et
ticotropin-Inhibiting Peptide (CIP) [29-32] (pour
de l’a-MSH (séquence HFRW ; His6-Phe7-Arg8-
revue, voir [27]). De ces études sont nés trois
Trp9). Une seconde séquence (KKRR (Lys15-
grands concepts. L’un d’eux, issu des études
Lys16-Arg17-Arg18) serait la séquence minimale
action-dose,
fragments
essentielle à la liaison de l’ACTH à son récep-
ACTH(1-10) et ACTH(11-24) utilisaient deux
teur. Elle a été appelée « adresse » (Figure 2).
sites récepteurs distincts, l’un utilisant l’AMPc
Ainsi, ces deux séquences sont nécessaires à
comme second messager, l’autre possiblement
la réponse à l’ACTH en permettant d’une part la
le calcium. Ces deux voies de signalisation se-
reconnaissance et la liaison au récepteur, puis
raient complémentaires pour induire la pleine
d’autre part son activation et la production intra-
réponse corticotrope (« dual receptor model»).
cellulaire d’AMPc.
suggérait
que
les
Le second concept est basé sur la notion de ré-
Après les premières études de Lefkowitz
cepteurs de réserve. La stimulation de sécrétion
et coll. [21], la synthèse de l’analogue Phe2,
de corticostérone ne nécessiterait que l’occupa-
Nle4-ACTH(1-39), iodé sur la résidu tyrosine 23
tion d’une faible proportion des sites récepteurs
a permis d’obtenir une hormone marquée qui
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NUMÉRO CRCQ
Figure 2
A
Proopiomélanocortine (POMC) (1-241) PC1/2
N-POMC (Pro-J-MSH)
(1-39)
PC1/2
N-POMC1-52
PC1/2
ACTH
E-lipotropine (LPH) (42-134)
PC2
PC2
Joint Peptide
J-LPH D-MSH (1-13)
PC2
CLIP
EE-endorphine
PC2
N-POMC1-49 E-MSH
J-MSH
B
Suffisants pour lier et stimuler MC1R, MC3R, MC4R et MC5R
Met-Enkephaline
Sélectivité du MC2R
SYSMEHFRWGKPVGKKRRPVKVYP 1
6 7 8 9
11 13
15 16 17 18
24
Peptide avec activité antagoniste
Figure 2. Formation et propriétés de l’hormone corticotropine (ACTH) A Le précurseur pro-opio-mélanocortine (POMC) subit des clivages par des enzymes qui génèrent trois familles de peptides actifs, les fragments N-terminaux, les endorphines et les mélanocortines. CLIP, Corticotrin-like intermediate peptide. B Les études de structure-fonction ont permis l’identification des acides aminés essentiels à la production de l’AMPc et ceux essentiels à la liaison de l’ACTH à son récepteur MC2. Par ailleurs, ces études ont permis d’identifier un fragment se comportant comme un antagoniste compétitif de l’ACTH. Adapté de Dores et coll., 2009 (A) [7] et de Irani et coll., 2004 [82] (B).
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conservait son activité biologique, puisque
cité, et un autre de plus faible affinité (Kd = 10
celle-ci implique la tyrosine en position 2,
nM), mais de forte capacité [35-37]. L’iden-
laissée intacte dans cette formulation [34].
tité et le rôle exact de ces sites demeurent
Avec un tel peptide iodé, plusieurs études ont
toujours controversés [10, 12, 14, 38]. Les
mis en évidence la présence de deux sites
hypothèses des deux sites émises par divers
de liaison - un de haute affinité (constante de
groupes [30, 33, 39-41] sont donc toujours
dissociation Kd = 10 pM), mais de faible capa-
d’actualité [42].
Signalisation intracellulaire de l’ACTH - pas si simple que cela Une des grandes énigmes de la signalisation de
co-surrénaliennes sont caractérisées par un po-
l’ACTH est le décalage entre la concentration
tentiel de repos négatif (variant de -40 à -70 mV
de demi-effet maximal (EC50) pour la stimulation
selon les études). L’application d’ACTH induit
de la stéroïdogénèse (entre 10 et 50 pmol/l) et
une dépolarisation de la membrane créée par
celle pour la production de l’AMPc est (voisin de
l’inhibition de canaux potassiques [48, 49], mais
1 nmol/l) [39], ce qui indique que l’ACTH utilise
aussi la phosphorylation PKA-dépendante des
d’autres médiateurs intracellulaires que l’AMPc.
canaux calciques voltage-dépendants de type
En fait, une stimulation de la stéroïdogénèse
L (cellules glomérulées) [50, 51] ou une action
par l’ACTH peut être observée dans des condi-
sur des canaux de type T (cellules fasciculées)
tions où aucune production d’AMPc n’est détec-
[52, 53] et/ou de canaux chlore [54, 55]. Plus
table [40]. Le calcium semble être ce premier
récemment, des études ont montré que l’ACTH
« second messager » [40, 43-46]. Ce dernier
induisait également la synthèse de ces canaux
intervient dans l’activation d’au moins trois pro-
calciques et potassiques [56, 57]. Au total, la ré-
téines clés de la stéroïdogénèse, soit StAR,
ponse soutenue et intense de l’ACTH s’explique
cytochrome P450scc et 3b-HSD [47]. Comme
par la mise en jeu de plusieurs isoformes d’ade-
plusieurs cellules excitables, les cellules corti-
nylyl cyclases [58], l’inhibition transitoire de la
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phosphodiestérase PDE2, l’intervention des
pase A2 et la production d’inositols phosphates
sous-unités βg des protéines Gi, la production
[14] (Figure 3).
de GMPc ainsi que l’activation de la phospholi-
ACTH
AC 5 5/6 Ds
AC 3 Ca2+
AC 2/4 EJJ E
P
EJJ E PLC PLA2
ATP GMPc
InsPs DAG
AMP cAMP
KA A PKA
Ca2+ C
PDE2
AMP Aldostérone Cortisol Androgènes
Figure 3. Principales voies de signalisation mises en jeu par l’action de l’ACTH sur les cellules corticosurrénaliennes L’ACTH induit une production d’AMPc via la protéine Gs et l’activation séquentielle de plusieurs adenylyl cyclases, celles insensibles au Ca2+ (AC5/6), sensibles au Ca2+ (AC1/3) et celles activées par les sous-unités g des protéines G. L’AMPc généré active la protéine kinase A qui phosphoryle les canaux calciques de type L et permet un influx de Ca2+. Parallèlement, la production de GMPc entraîne une inhibition de l’activité de la phosphodiestérase PDE2. Ces actions combinées expliquent l’accumulation importante d’AMPc. D’autres voies sont mobilisées, comme les voies des phospholipases A2 et C. Adapté de Gallo-Payet et coll. 2001 [52] et de GalloPayet et Payet, 2003 [14]. Vol.2 n°2
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Les propriétés moléculaires du R-ACTH, MC2 Clonage des récepteurs aux mélanocortines Cinq récepteurs sont actuellement répertoriés.
d’homologie avec les autres RCPGs de classe A
Le récepteur MC1 de l’a-MSH a été cloné en
et leurs structures primaires sont parmi les plus
1992 par les groupes de Jarl Wikberg [59] et
petites des RCPGs, variant de 297 à 360 aa
Roger Cone [60], lequel a cloné simultanément
comparativement à 413 a.a. pour le β2AR. Le
le récepteur MC2 de l’ACTH [8]. Malgré leur
gène codant pour le R-MC2 humain ne présente
structure voisine, les récepteurs des mélano-
que 40% d’homologie avec les récepteurs MC1,
cortines déclenchent des effets spécifiques et
MC3, MC4 et MC5 [13, 28, 60]. Le R-MC2R est
diversifiés. Bien qu’ils appartiennent à la classe
surtout exprimé au niveau des glandes surré-
A et à la sous-classe A12 des RCPGs, les R-
nales [2, 12, 61], mais aussi au niveau des adi-
MCs présentent plusieurs caractéristiques qui
pocytes où il contrôle la lipolyse [62]. L’ACTH
les distinguent des autres RCPG, d’où la créa-
(1-39) et l’a-MSH activent de façon égale les
tion d’une nouvelle famille, les récepteurs aux
R-MC1, MC3, MC4 et MC5, mais le R-MC2 ne
mélanocortines. Ils ne possèdent que 40-60%
peut être activé que par l’ACTH [8, 63].
Propriétés du récepteur MC2 Toutes les informations et prédictions des an-
pétitifs, ne déplaçant toutefois que 60 à 70%
nées 70 [31-33, 64, 65] ont été validées grâce
de la liaison du traceur [41]. Les études plus
à des expressions hétérologues des MC1R
récentes, utilisant les méthodologies de substi-
et MC2R [41, 63]. En particulier, les peptides
tution (alanin-scan) et mutagenèse dirigée ont
ACTH(1-24), (1-39) et (1-17) présentent des
confirmé que la séquence KKRR était impor-
propriétés agonistes, alors que les peptides
tante pour la liaison ACTH-R-MC2 (construc-
ACTH(11-24) [32] et ACTH(7-38) (CIP) [29]
tion K15A et R17A inactives), mais aussi que
se comportent comme des antagonistes com-
le remplacement des a.a.15 et 18 par une
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glutamine (K15Q, R17Q) étaient capables de
donc de la sélectivité de liaison ACTH-R-MC2
restaurer l’activité du complexe ACTH-R-MC2
[68]. Cependant, aucune étude de modélisation
[66]. Des études de constructions chimériques
et de cristallographie n’a encore été publiée
entre R-MC2 et R-MC4 [42, 67, 68] ont mis en
pour confirmer ou infirmer l’hypothèse selon
évidence que le 1er segment transmembranaire
laquelle la liaison de la séquence « adresse »
du R-MC2 est important pour l’expression
KKRR de l’ACTH entraîne un changement de
membranaire du récepteur et que les 2e et 3e
conformation du récepteur, qui permet à la sé-
segments transmembranaires sont importants
quence « message » HFRW de l’ACTH de se
pour la signalisation MRAP-dépendante et
lier au récepteur.
Régulation fonctionnelle du récepteur MC2 Contrairement à la plupart des voies de signa-
transfectée dans les cellules HEK était retenue
lisation des RCPGs, l’ACTH induit une aug-
dans un compartiment intracellulaire [70-72].
mentation du nombre de récepteurs MC2 et,
Les auteurs en ont déduit que l’expression fonc-
à plus long terme, une augmentation de son
tionnelle du R-MC2 nécessitait soit des cellules
expression [37, 69]. La recherche dans le do-
d’origine surrénalienne, soit la coexpression
maine de la régulation fonctionnelle du R-MC2
d’un autre MCR ou d’une protéine chaperone.
a été sérieusement freinée par le manque de
En 2005, l’équipe de Adrian J Clark a identifié
système d’expression hétérologue approprié.
la protéine MRAP, essentielle à l’expression
Les tentatives pour exprimer le R-MC2 dans
fonctionnelle du R-MC2 [22, 73]. Le travail de
les lignées cellulaires utilisées couramment
l’équipe Clark a conclu que MRAP était le fac-
pour les RCPGs dits « classiques » ont toutes
teur responsable de l’adressage à la membrane
échoué [10, 12]. Les premières études avaient
et donc de l’expression fonctionnelle du MC2R
utilisé l’ADNc du R-MC2 étiqueté avec la GFP
[22]. Dans notre laboratoire, nous avons adopté
(green fluorescent protein). Cette construction
la stratégie de couplage de l’ADNc du R-MC2
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humain (R-hMC2) avec l’épitope c-Myc en N-
impliquées dans la désensibilisation du R-MC2.
terminal. Nos premières études réalisées avec
Cependant, seule la PKA est impliquée dans
les cellules HEK293 montraient que le récep-
l’internalisation du récepteur, puisqu’une préin-
teur Myc-hMC2 était exprimé à la membrane
cubation avec du H89 bloque ce phénomène,
plasmique alors que le récepteur GFP-hMC2
alors que le GF109203X est sans effet [74].
était retenu dans des compartiments intracellu-
Pour étudier de façon précise la régu-
laires. Ces résultats indiquent que la petite taille
lation fonctionnelle du récepteur, nous avons
du MC2R (297 a.a.) ne permet pas l’utilisation de
développé un modèle de lignées cellulaires iso-
GFP comme protéine d’étiquetage. Par contre,
géniques (HEK293/FRT) exprimant le R-hMC2,
ce récepteur n’était pas fonctionnel en termes
ainsi que les isoformes humaines, MRAPa et
de production d’AMPc [74]. En revanche, dans
MRAPb, que nous avons clonées à partir de
des cellules M3 (lignée de mélanome de sou-
surrénales fœtales humaines [72]. Le R-hMC2
ris), le R-Myc-hMC2 est exprimé à la membrane
s’exprime à la membrane en absence des
plasmique, est fonctionnel (production d’AMPc)
MRAPs, mais celles-ci sont indispensables à
et présente la même puissance que le récepteur
la production d’AMPc induite par l’ACTH. Les
endogène du cortex surrénalien. Les études de
résultats montrent aussi que les MRAPs mo-
régulation fonctionnelle ont montré qu’une sti-
dulent différemment la sensibilité et la produc-
mulation soutenue avec l’ACTH s’accompagne
tion maximale d’AMPc [72]Plusieurs travaux ont
d’abord d’une désensibilisation, suivie d’une
documenté les propriétés structurales et fonc-
internalisation durant les 30 premières minutes
tionnelles des MRAPs [75-78]. En générant des
de stimulation, puis d’un recyclage partiel à la
mutants correspondant à chacune des régions
membrane. La préincubation des cellules avec
de MRAPa et MRAPb, nous avons observé
les inhibiteurs de protéine kinase A (H89) ou de
que la région N-terminale seule est peu expri-
protéine kinase C (GF109203X) annule cette
mée à la membrane par rapport à la molécule
désensibilisation, indiquant que ces kinases sont
complète, que la portion conservée est suffi-
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sante à induire une expression fonctionnelle
et d’internalisation de ces mutants ont permis
du R-MC2 et que les portions divergentes sont
d’identifier des a.a. importants pour l’expression
impliquées dans une modulation spécifique de
et la régulation fonctionnelle de MC2R. Ainsi, la
l’affinité et de la réponse maximale à l’ACTH
mutation T143A indique qu’un seul acide aminé
[79]. En utilisant ce modèle, nous avons éga-
peut bloquer l’adressage membranaire et donc
lement montré une co-internalisation de hMC2
la fonction du récepteur. Contrairement au ré-
et des isoformes MRAPa et β. De la population
cepteur natif, l’adressage à la membrane plas-
des récepteurs internalisés, environ un tiers est
mique des mutants T143S et T143D semble dé-
recyclé vers la membrane plasmique et une
pendre presque exclusivement de l’expression
certaine proportion est aussi dégradée [80]
de MRAPa/β. Par ailleurs, les mutants T131A,
(Figure 4). Pour déterminer les sites du R-MC2
T131D, S140D et S280D sont résistants à l’in-
importants pour sa fonctionnalité, nous avons
ternalisation induite par l’ACTH et sont forte-
généré des récepteurs mutés pour tous les
ment exprimés à la membrane plasmique [80].
résidus Ser et Thr intracellulaires des boucles
Ces travaux indiquent que la boucle i2 est cru-
i2, i3 et portion C-terminale [80]. Les analyses
ciale pour l’expression de R-MC2 et sa régula-
d’expression de surface, de production d’AMPc
tion fonctionnelle [80] (Figure 5).
Faire du neuf avec du vieux – Retour sur le passé Grâce au travail concerté de plusieurs cher-
HFRW, essentielle à l’activité fonctionnelle. Des
cheurs [81], nous avons établi les causes d’une
peptides mutants ont été synthétisés et nous
déficience en glucocorticoïdes causée par une
avons comparé leurs propriétés avec celles des
ACTH inactive, mais immunoréactive. Nous
formes natives d’ACTH (liaison au R-MC2) ou
avons montré que la déficience était due à une
NDP-MSH (liaison aux R-MC4 et R-MC1) pour
mutation du gène de la POMC (p.R145C). Cet
leur capacité à lier leurs récepteurs respectifs et
a.a. (ACTH p.R8C) est situé dans la séquence
à stimuler la production d’AMPc. Nos résultats
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ACTH MRAPD MRAPE
MC 2
Plasma membrane
P
Rab4 Recyclage rapide
Rab5 Rab11 Recyclage lent
Rab7 Dégradation lysosomale minime
Figure 4. Schéma de la régulation fonctionnelle du récepteur de l’ACTH (R-MC2) Après l’exposition à de fortes doses d’ACTH (100 nM), le complexe ACTH/R-MC2/MRAPα/β est internalisé. Une proportion de ces récepteurs est recyclée vers la membrane plasmique, soit de façon rapide, via les endosomes associés à Rab4, soit de façon lente via les endosomes associés à Rab5 et Rab11. Une certaine proportion est aussi dégradée via les endosomes associés à Rab7. Les études ont été réalisées dans des cellules HEK293 exprimant de façon stable le récepteur ACTH humain (hMC2R) et ses protéines partenaires, les Melanocortin 2 Receptor Accessory Protein (MRAPa et MRAPβ). Dessin inspiré de Roy et coll. 2011 [80] et Roy et coll. 2012 [84].
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MC2R
N-ter.
147 131 143
C-ter.
Figure 5. Mise en évidence d’acides aminés essentiels à la liaison de l’ACTH à son récepteur MC2 et à sa fonctionnalit A Les acides aminés Ser/Thr importants pour l’expression et la fonctionnalité du récepteur MC2 sont localisés dans la seconde boucle intracellulaire. B Mesure d’expression de surface et de production d’AMPc dans des cellules HEK293 exprimant de façon stable MRAPb et divers mutants du R-MC2 humain. Un scan Ala/Asp (A/D) de tous les Ser/Thr (S/T) intracellulaires a été réalisé. Les mutations T147D et T143A abolissent l’expression de surface et la fonctionnalité de hMC2. Par contre, les mutations T131A et T131D empêchent l’internalisation de MC2R et produisent ainsi une stimulation en AMPc semblable à celle obtenue avec le récepteur sauvage. Adapté de Roy et coll. Mol Endocrinol., 2011 [80]. Vol.2 n°2
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indiquent que le peptide ACTH muté (ACTH-
pétitifs. De tels outils seraient très utiles pour
R8C) non seulement ne stimule pas la produc-
traiter les pathologies liées à des excès d’ACTH
tion d’AMPc, mais ne se lie pas non plus au
circulante (maladie de Cushing, sécrétion ecto-
R-MC2, alors que les études antérieures attri-
pique d’ACTH et syndrome d’HCS) ou à une
buaient à la séquence HFRW le rôle de « mes-
expression augmentée du R-MC2 (hyperal-
sage », mais que la région « adresse » était
dostéronisme primaire). Dans les deux cas, les
située plus en aval (KKRR; a.a. 15-18). Nos
traitements disponibles actuellement contreba-
études effectuées sur des modèles complète-
lancent à peine les effets secondaires engen-
ment humains remettent donc en question les
drés sur le métabolisme général [15]. Les outils
résultats classiques de structure-fonction, obte-
actuels et les nouvelles méthodes d’exploration
nus jusqu’alors chez des modèles murins ou
et d’exploitation devraient permettre le dévelop-
bovins.
pement de tels composés, liant le R-MC2 avec
Notre modèle pourrait être utilisé pour développer des composés antagonistes com-
une haute affinité tout en inhibant la réponse biologique induite par l’ACTH.
Remerciements et financements Je tiens à exprimer mes remerciements à tous les
Pinard, ainsi que mes collègues Marcel D Payet
étudiants, étudiantes et stagiaires postdoctoraux
et Johnny Deladöey pour la lecture et critiques
qui ont participé aux études sur les mécanismes
bienveillantes, ainsi que pour leur précieuse
d’action de l’ACTH et les propriétés fonctionnelles
collaboration. Les travaux effectués sur l’ACTH
du R-MC2. Par ordre d’ancienneté : Thierry
sont financés par les Instituts de Recherche en
Durroux, Eric Tremblay, Mylène Côté, Alzbeta
Santé du Canada et par la Chaire de recherche
Chorvatova, Zuzana Kilianova, Simon Roy et
du Canada en Endocrinologie de la Glande
Sandra Pinard. Je remercie Lucie Chouinard,
surrénale.
Lyne Bilodeau, Marie-Odile Guimond et Sandra Vol.2 n°2
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NICOLE GALLO-PAYET 91
NUMÉRO CRCQ
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REVUE
L’immunothérapie pour le traitement de la sclérose latérale amyotrophique Immunization approaches for the treatment of Amyotrophic Lateral Sclerosis Audrey Labarre, Bastien Paré, Lydia Touzel-Deschènes et François Gros-Louis Laboratoire d’Organogénèse Expérimentale (LOEX) Centre de recherche du CHU de Québec
Correspondance François Gros-Louis Hôpital de l’Enfant-Jésus (Bureau R-211) 1401, 18e rue Québec, Québec, G1J 1Z4 Canada 418 990-8255 poste 1708
[email protected]
Date de réception : 31 octobre 2012 Date d’acceptation : 5 avril 2013
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Résumé La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie encore incurable caractérisée par la dégénérescence sélective des neurones moteurs du cerveau et de la moelle épinière. Des mutations dans le gène SOD1 sont l’une des principales causes génétiques connues associées à la SLA familiale. La découverte d’un mécanisme pathogénique basé sur la sécrétion de la SOD1 mutante a mené au développement de différentes stratégies d’immunisation afin de réduire les niveaux de la SOD1 mutante dans le système nerveux. Les protocoles d’immunisation développés ont tous mené au prolongement de la survie des souris transgéniques exprimant la SOD1 mutante. Le développement d’une immunothérapie efficace et sans danger pour le patient pourrait donc devenir une approche envisageable pour le traitement de la SLA.
Summary Amyotrophic lateral sclerosis (SLA) is an adult-onset neurodegenerative disease characterized by loss of motor neurons in the brain and spinal cord. Mutations in the SOD1 gene are amongst the major known genetic causes associated with familial ALS. The discovery of a secretion pathway for mutant SOD1 increased the possibility of using immunization approaches to reduce the burden of toxic SOD1 species in the nervous system. Both active and passive immunization protocols were successful in delaying the onset of disease and prolonging survival in immunized transgenic mice expressing mutant SOD1. Harnessing the immune system through immunization approaches might offer therefore promising future therapeutic avenues.
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Introduction
L
a Sclérose Latérale Amyotrophique
gène SOD1 trouvées chez les patients SLAF,
(SLA) est une maladie caractérisée par
ont déjà été générés (tableau 1). Dans tous ces
la dégénérescence sélective des neu-
modèles de souris, on observe la mort massive
rones moteurs du cerveau et de la moelle épi-
des neurones moteurs de la moelle épinière et la
nière. Elle se déclenche généralement à l’âge
perte d’axones myélinisés dans les racines ven-
adulte, entraînant une paralysie progressive et
trales motrices menant à des déficits moteurs,
la mort dans les 3 à 5 ans suivant l’apparition
de l’atrophie musculaire et à une paralysie fa-
des premiers symptômes. Environ 10% des cas
tale. En plus de la dégénérescence neuronale
de SLA sont familiaux (SLAF) et 90% sont spo-
observée chez ces modèles murins, on observe
radiques (SLAS) [1]. À l’heure actuelle, des mu-
également, de façon similaire à la pathologie
tations dans les gènes SOD1, TARDBP, FUS/
humaine, une astrocytose et une microgliose
TLS et C9ORF72 sont les principales causes
dans les tissus lésés. En dépit de ces similitudes
clairement identifiées de la SLAF [2-6]. Toute-
histopathologiques, le moment d’apparition des
fois, pour la plupart des cas de SLA, c.-à-d. les
premiers symptômes, la progression et la sévé-
cas sporadiques, les causes demeurent tou-
rité de la maladie diffèrent souvent de façon
jours inconnues. De façon intéressante, il a été
drastique. À ce jour, les chercheurs n’ont pas
démontré que les cas sporadiques partageraient
encore été en mesure d’établir une corrélation
avec les cas familiaux une voie pathogénique
entre ces différences phénotypiques et l’activité
commune impliquant le mauvais repliement de
enzymatique de SOD1, pouvant varier selon la
la protéine SOD1 [7]. Plus de 150 différentes
nature de la mutation, ou encore avec la sta-
mutations faux-sens dans le gène SOD1 ont été
bilité des différentes protéines SOD1 mutantes.
identifiées.
SOD1 est une importante métalloprotéine res-
Plusieurs modèles de souris transgé-
ponsable en quelque sorte de la défense contre
niques, surexprimant des mutations dans le
le stress oxydatif et la production de radicaux
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Lignée Publication originale Promoteur Expression du transgène Dégénération neurone moteur Stabilité de la protéine Début des symptômes Progression de la maladie Accumulation SOD1 mal repliée
G93Ahigh
G93Alow
G37R
G85R
hWT-SOD1
Sod1 KO
Gurney et al., Science 1994
Alexander et al., Brain Res Mol Brain Res 2004
Wong et al., Neuron 1995
Bruijn et al., Neuron 1997
Bruijn et al., Science 1998
Reaume et al., Nat Genet. 1996
hSOD1 Élevée Ubiquitaire
hSOD1 Faible Ubiquitaire
hSOD1 Faible Ubiquitaire
hSOD1 Faible Ubiquitaire
hSOD1
---
Élevée Ubiquitaire
---
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Stable
Stable
Stable
Réduite
Stable
---
Tôt 3-4 mois Modérée (3 semaines)
Tardif 6-7 mois Lente (8 à 9 semaines)
Tardif 11 mois Lente (4 à 6 semaines)
Tardif 7,5 mois Rapide (2 semaines)
---
---
---
---
Élevée
Élevée
Modérée
Modérée
Aucune
Aucune
--- : ne s’applique pas
Tableau 1. Souris transgénique SOD1 couramment utilisées pour l’étude de la SLA
libres lors de la respiration cellulaire. La grande
plutôt que d’une perte de fonction. De plus, les
variabilité dans l’activité enzymatique associée
souris transgéniques surexprimant de façon
aux différents mutants SOD1 et l’absence de
ubiquitaire diverses mutations du gène SOD1
dysfonctionnement moteur ou autres signes de
humain développent une neurodégénéres-
dégénération chez des souris knock-out (KO)
cence qui est similaire à la maladie humaine
pour le gène Sod1, rend la perte de la fonction
[10-13]. Toutefois, des souris transgéniques
un mécanisme pathogénique peu probable [8,
surexprimant à un niveau similaire la protéine
9]. Ces résultats suggèrent donc que la toxicité
SOD1 humaine de type sauvage (tgSOD1wt) ne
des divers mutants SOD1 viendrait d’un gain
développent pas la maladie [14]. Bien que ces
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modèles impliquent la protéine SOD1 mutante
avec le gain de propriétés toxiques associé
dans le développement de la dégénérescence
aux mutations du gène SOD1, suggérant que
des motoneurones, le mécanisme par lequel
l’adoption d’une mauvaise conformation pour-
SOD1 mutante provoque une dégénérescence
rait induire une forme de toxicité associée à la
spécifique des motoneurones, en l’absence de
protéine SOD1 ainsi modifiée. Plusieurs effets
pathologie dans d’autres tissus ou organes,
délétères peuvent résulter de l’interaction de
reste encore mal compris. Étonnamment, les
la protéine SOD1 mal repliée avec des com-
souris transgéniques exprimant de façon spéci-
posants cellulaires essentiels (figure 1). Des
fique la SOD1 mutante seulement dans les neu-
études ont démontré qu’une fraction de SOD1
rones (NFL-SOD1G37R) ne développent pas
mutante pouvait être transférée via le réseau
la maladie [15]. De plus, des études avec des
réticulum endoplasmique (RE)-Golgi. De plus,
souris SOD1 mutantes chimériques démontrent
les chromogranines, protéines abondantes
que la toxicité de la SOD1 mutante n’est pas
dans les neurones moteurs, les interneurones
uniquement intrinsèque aux motoneurones [16].
et les astrocytes activés, pourraient agir en tant
Diverses hypothèses ont été proposées
que protéines chaperonnes afin de promouvoir
comme contributeurs potentiels de la mala-
la sécrétion de SOD1 mal repliée [17, 18]. La
die, telles que les dommages oxydatifs, l’exci-
protéine SOD1 mutante extracellulaire pour-
totoxicité, les anomalies mitochondriales, la
rait alors induire une microgliose et la mort des
neuroinflammation et l’autophagie, mais ces
motoneurones [18]. Un tel mécanisme patho-
derniers pourraient être secondaires au pro-
génique, basé sur la toxicité de SOD1 mutante
cessus de neurodégénérescence. L’hypothèse
sécrétée, est en lien avec les conclusions selon
la plus vraisemblable à ce jour est que la toxi-
lesquelles la maladie n’est pas strictement in-
cité de la protéine SOD1 mutante serait liée à
trinsèque aux neurones moteurs et que la toxi-
un mauvais repliement tertiaire de la protéine
cité se propage d’une cellule à une autre [16,
[7]. Cette hypothèse est pleinement compatible
19, 20]. Toutefois, même si un tel modèle est
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Figure 1. Modèle de toxicité associé au mauvais repliement de la protéine SOD1 et à son agrégation Dans des conditions normales, le monomère réduit (non métallé) de SOD1 se dimérise avec lui-même avant que les ions métalliques du cuivre (Cu) et de zinc (Zn) puissent s’incorporer au dimère. La formation de ponts disulfures intramoléculaires permet ensuite la stabilisation de l’enzyme. Le mauvais repliement de la protéine SOD1 par divers facteurs qui favorisent la conversion des monomères réduits vers sa forme mal repliée mène à la formation de petits et de gros agrégats protéiques avec des propriétés toxiques.
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intéressant et suggère que SOD1 mal repliée
murins transgéniques ont démontré que la ré-
peut induire le mauvais repliement de SOD1WT
ponse immunitaire pourrait jouer un rôle impor-
(protéine sauvage), la vulnérabilité sélective des
tant dans le processus de dégénération [21-24].
neurones moteurs dans la SLA reste énigma-
Le système immunitaire pourrait avoir des effets
tique. Les défis dans l’avenir sont donc d’iden-
bénéfiques ou indésirables selon le contexte.
tifier quels sont les dommages somatiques pro-
Récemment, des approches expérimentales
voquant un changement de conformation de la
visant à induire une réponse immunitaire humo-
protéine SOD1, de découvrir des façons de pré-
rale chez les modèles murins de SLA ont connu
venir le mauvais repliement de cette protéine et
des effets bénéfiques. Dans cet article, nous
de limiter sa propagation à travers le système
ferons une revue et discuterons de la manière
nerveux.
dont l’activation du système immunitaire via des
Bien que la SLA ne soit pas considérée
approches d’immunisation pourrait offrir des
comme une maladie déclenchée par le système
avenues thérapeutiques prometteuses dans la
immunitaire, des études utilisant des modèles
SLA.
Éléments cruciaux à considérer pour le développement d’une immunothérapie L’immunisation est l’action conférant l’immu-
(vaccination) est l’induction d’une réponse im-
nité, soit par injection d’antigènes (immunisa-
munitaire efficace contre l’antigène ciblé sans
tion active) soit par injection de sérum conte-
effets secondaires indésirables. Toutefois, une
nant des anticorps spécifiques (immunisation
telle stratégie d’immunisation doit être considé-
passive) (figure 2). Actuellement, les réponses
rée avec précaution avant d’établir des essais
immunes indésirables constituent un problème
cliniques chez l’humain étant donné le risque
majeur dans la thérapie par immunisation. Un
élevé de développement d’effets secondaires
élément souhaitable pour le développement
incontrôlables. En effet, même si certains résul-
d’une immunothérapie par immunisation active
tats bénéfiques ont été notés, une étude clinique
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NUMÉRO CRCQ Immunisation active
Périphérie
Immunisation passive
Cellules B
Jonction serrée
BHE
Cellules endothéliales
Membrane basale
1 Astrocytes activés
SNC
2
Microglie activée 3
1
2
2 2 Microglie activée
Neurone moteur
2
Anticorps anti-SOD1 SOD1 mutante/mal repliée
1) Phagocytose médiée par le fragment Fc 2) Neutralisation de SOD1 mutante/mal repliée extracellulaire 3) Neutralisation de SOD1 mutante/mal repliée à l'intérieur des neurones moteurs
Figure 2. Réaction immunitaire spécifique résultant de différentes stratégies d’immunisation L’immunisation passive avec des anticorps spécifiques contre la SOD1 mutante/mal repliée pouvant être administrés à la périphérie ou directement dans le SNC. L’immunisation active avec la protéine SOD1 mutante permet de déclencher une réponse immunitaire humorale et la production d’anticorps par les lymphocytes B. La barrière hémato-encéphalique (BHE), formée des jonctions serrées entre les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins dans le SNC, empêche le passage des macromolécules et des agents pathogènes entre la circulation sanguine et le SNC. Dans les deux modes d’immunisation, une petite fraction d’anticorps périphériques peut traverser la BHE et provoquer différents effets bénéfiques par le biais de divers mécanismes potentiels (1 à 3). Vol.2 n°2
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de phase 2 sur l’administration de l’antigène Ab
immunisation passive semblent donc plus ap-
chez les patients atteints de la maladie d’Alzhei-
propriées dans le développement d’immunothé-
mer a été interrompue, étant donné que 6% des
rapie spécifique puisque l’administration d’anti-
sujets de l’étude sont décédés d’une ménin-
corps peut être facilement stoppée advenant
go-encéphalite aigüe suite au traitement [25].
l’apparition d’effets secondaires indésirables.
Pour des raisons de sécurité, les approches par
Les approches d’immunisation pour la SLA causée par des mutations dans le gène SOD1 Le mauvais repliement de protéines est une
SLA sporadique n’ayant aucune mutation dans
caractéristique commune à plusieurs maladies
le gène SOD1 [7]. Cette découverte fondamen-
neurodégénératives. Dans la SLA, les diffé-
tale nous a permis d’établir pour la première fois
rentes mutations dans le gène SOD1 semblent
un lien possible entre la SLA familiale et la SLA
favoriser l’adoption de conformations anor-
sporadique ainsi que l’existence potentielle d’un
males, par les protéines mutantes ainsi pro-
mécanisme physiopathologique commun aux
duites, se traduisant en général par la formation
deux formes de la maladie, impliquant le replie-
d’agrégats cellulaires. En effet, des agrégats de
ment tertiaire anormal de la protéine SOD1. Le
SOD1 ont été détectés dans les cas de SLAF
mauvais repliement de SOD1 pourrait donc être
causée par des mutations dans le gène SOD1
la cause centrale de la maladie, par un méca-
et dans les diverses souris transgéniques SOD1
nisme qui reste à être déterminé.
mutantes [26]. De plus, grâce à la production
Suite à la découverte d’un mécanisme
d’anticorps spécifiques à certaines formes mal
pathogénique basé sur la toxicité de la protéine
repliées adoptées par la protéine SOD1, nous
mutante SOD1 sécrétée [18], plusieurs straté-
avons récemment démontré que l’on pouvait
gies d’immunisation ont été développées afin
détecter SOD1 mal repliée dans des cas de
de réduire l’accumulation de SOD1 mutante ex-
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NUMÉRO CRCQ
tracellulaire. Ainsi, des protocoles d’immunisa-
n’est pas idéale pour neutraliser la très grande
tion active et passive ont été décrits et montrent
quantité de SOD1 mutante présente dans le
tous des effets thérapeutiques bénéfiques chez
système nerveux central (SNC) puisque seule
les souris immunisées [27-30]. En effet, des
une fraction des anticorps produits passera la
protocoles d’immunisation active en adminis-
barrière hémato-encéphalique. En revanche,
trant soit la protéine recombinante SOD1 mutée
l’immunisation passive par administration d’an-
(G93A), soit la protéine SOD1 WT non métal-
ticorps spécifiques anti-SOD1 mal repliée chez
lée (apoSOD1) et mal repliée, ou soit un pep-
des souris SOD1G93Ahigh, directement dans le
tide ciblant l’interface de dimérisation de SOD1
SNC, a permis de prolonger significativement
aux souris transgéniques SOD1G37R ou SOD-
la survie des souris immunisées et de retarder
1G93Alow (souris exprimant de façon modérée
l’apparition des premiers symptômes [27]. Les
la protéine SOD1 mutée) ont permis de pro-
anticorps anti-SOD1 mal repliée, reconnais-
longer significativement la survie et de retarder
sant spécifiquement la protéine SOD1 mutante/
l’apparition des premiers symptômes des souris
mal repliée et non la forme sauvage native, de-
immunisées [28-30]. Toutefois, cette approche
viennent donc des outils moléculaires uniques
n’a pas permis d’obtenir des effets bénéfiques
pour étudier l’influence du mauvais repliement
importants chez la souris SOD1G93Ahigh pré-
de SOD1 dans la pathogenèse de la maladie et
sentant un haut niveau d’expression de la pro-
ouvre la porte au développement d’une immu-
téine SOD1 mutée. Ceci n’est pas surprenant
nothérapie de type passive pour le traitement
compte tenu du niveau excessivement élevé
de la SLA.
de la protéine SOD1 mutée dans ce dernier
Les mécanismes exacts qui confèrent les
modèle animal comparativement aux souris
effets bénéfiques observés lors des différents
transgéniques SOD1G37R et SOD1G93Alow
protocoles d’immunisation ne sont pas encore
(tableau 1). En effet, une immunisation péri-
entièrement compris. En raison de l’existence
phérique (sous cutanée, intrapéritonéale, etc.)
de la protéine SOD1 mutante extracellulaire, il
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est présumé que la phagocytose par les cel-
tie pour assurer une protection [27]. Cependant,
lules microgliales, induite par le fragment Fc,
l’administration de l’anticorps intact (Fc + Fab)
permettrait d’induire une opsonisation subsé-
est plus efficace pour prolonger la survie des
quente ou l’activation du complément afin de
souris immunisées que le fragment Fab seul.
réduire la toxicité associée à SOD1 mutante. Il
Cette donnée suggère que des mécanismes
a également été démontré que l’internalisation
différents, comme la phagocytose induite par
des anticorps dans les neurones moteurs de la
le fragment Fc et la neutralisation des épitopes
moelle épinière, suite à l’injection d’anticorps
toxiques par simple liaison de l’anticorps à la
anti-SOD1 mal repliée, pourrait favoriser la
SOD1 mutante, peuvent travailler de concert
neutralisation des propriétés toxiques de SOD1
pour atténuer la sévérité de la maladie. Cette
mutante à l’intérieur des neurones moteurs,
découverte ouvre donc la porte pour l’utilisation
diminuer l’accumulation de SOD1 mutante et
de fragments fonctionnels d’anticorps à domaine
la formation d’agrégats, ainsi que d’abaisser la
unique (scFv), aussi appelés « intrabodies ».
neuroinflammation [27]. De façon intéressante,
L’utilisation de ces « intrabodies » offre certains
l’immunisation passive à l’aide du fragment Fab
avantages pour le développement d’une immu-
des anticorps anti-SOD1 mal repliée a mené à
nothérapie, en raison de leur poids moléculaire
un prolongement notable de la durée de vie des
plus faible, une immunogénicité réduite et une
souris immunisées suggérant que le fragment
meilleure pénétration dans le système nerveux.
Fc des anticorps utilisés est dispensable en par-
Discussion et perspectives futures L’activation du système immunitaire par le biais
beaucoup de mise au point à faire avant de pas-
de l’immunisation passive représente une ave-
ser de la souris vers la mise en place d’essais cli-
nue thérapeutique intéressante pour les per-
niques chez les humains. Pour le moment, l’im-
sonnes atteintes de SLA. Par contre, il reste
munisation active n’apparaît pas être l’approche
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la plus appropriée compte tenu du risque trop
duisant 10 à 20 fois plus de SOD1 mutante/
élevé d’effets secondaires incontrôlables qui lui
mal repliée que les patients (une seule copie du
sont associés [25]. Toutefois, le développement
gène étant défectueux), l’immunothérapie sera
d’une immunothérapie de type passive pour le
t’elle encore plus efficace dans un contexte
traitement de la SLA va demander une quantité
où l’expression de la protéine mutante/mal re-
importante d’anticorps monoclonaux humani-
pliée est beaucoup moins extrême? L’évalua-
sés et dirigés contre la protéine SOD1 mutante/
tion d’une autre question s’impose quant à la
mal repliée. Idéalement, ces anticorps devraient
voie
reconnaître spécifiquement la protéine SOD1
beaucoup d’autres agents thérapeutiques, les
mal repliée, peu importe sa conformation, sans
anticorps ont une longue demi-vie et un faible
toutefois reconnaître la forme native de type
taux de pénétration dans le système nerveux
sauvage. Ce cas de figure permettrait alors de
central lorsqu’ils sont administrés en périphérie.
développer un traitement prophylactique effi-
Le recours à des injections intrathécales via un
cace pour la majorité des cas de SLAF associés
système implantable, employées pour le traite-
aux multiples mutations décrites dans ce gène,
ment de douleurs chroniques réfractaires, pour-
ainsi que pour les cas de SLAS associés à la
rait représenter une alternative à court terme.
SOD1 mal repliée.
Toutefois, le coût de l’injection quotidienne pen-
d‘administration des anticorps. Comme
Plusieurs autres questions demeurent
dant plusieurs années d’une grande quantité
encore en suspens pour le développement opti-
d’anticorps monoclonaux humanisés coûteux
mal d’une immunothérapie dans le traitement
à produire, devient un facteur limitant impor-
de la SLA. Les résultats obtenus chez la souris
tant à prendre en considération. Le développe-
seront–ils applicables à l’humain ? Comment la
ment d’anticorps fonctionnels à domaine unique
longévité accrue de 10% observée en moyenne
(scFv) de petite taille et moins immunogéniques
chez la souris immunisée va-t-elle se traduire
capables de traverser aisément la barrière hé-
chez les patients? Les souris SLA-SOD1 pro-
mato-encéphalique laissent toutefois entrevoir
Vol.2 n°2
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une alternative efficace aux anticorps conven-
Le manque d’outil diagnostique ou de biomar-
tionnels. Quel serait le meilleur moment pour
queurs de progression permettant un diagnostic
commencer la thérapie? Les résultats obtenus
précoce de la SLA sporadique devient donc un
lors ces protocoles d’immunisation faits chez la
inconvénient majeur pour un traitement avant
souris suggèrent que le plus tôt serait le mieux.
l’apparition des premiers symptômes.
Conclusion L’immunothérapie offre des perspectives pro-
administration intrathécale d’anticorps monoclo-
metteuses pour le traitement de la SLA familiale
naux spécifiques à la protéine SOD1 mutante/
associée à des mutations dans le gène SOD1
mal repliée est concevable pour la vaste majorité
mais également pour le traitement de la SLA
des patients. Le développement d’outils nova-
sporadique. En effet, il a été démontré que la
teurs et l’identification de biomarqueurs pour le
protéine SOD1 mal repliée a été détectée dans
diagnostic précoce de la SLA sont donc des voies
une fraction importante des cas de SLA spora-
de recherche inévitables dans les années à ve-
diques ne présentant aucune mutation dans le
nir. Pour les cas de SLA familiale sans mutations
gène SOD1. En faisant fi du caractère invasif de
SOD1, des stratégies d’immunisation similaires
la méthode d’injection et du coût de production
pourraient être envisagées en ciblant les autres
des anticorps, un traitement prophylactique par
gènes identifiés et associés à la SLA familiale.
Remerciements et financements Les recherches du Dr François Gros-Louis sont
niveau 2 en biomodélisation et traitement des
supportées par le Fond de recherche du Qué-
maladies neurodégénératives. Madame Audrey
bec en santé (FRQS), par la Fondation GO et
Labarre est récipiendaire d’une bourse d’étude
par la Fondation des hôpitaux Enfant-Jésus et
octroyée par la Faculté de médecine de l’Uni-
St-Sacrement. De plus, le Dr Gros-Louis est ti-
versité Laval. Les auteurs ne déclarent aucun
tulaire d’une Chaire de recherche du Canada de
conflit d’intérêts.
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REVUE
Les interactions BHE/leucocytes dans la sclérose en plaques BBB-Leukocyte Interactions in Multiple Sclerosis Catherine Larochelle1,2 et Alexandre Prat1,2 Laboratoire de recherche en neuroimmunologie, Centre d’excellence en neuromique, CRCHUM, Hôpital Notre-Dame, Faculté de médecine, Université de Montréal 2 Clinique des maladies démyélinisantes, CHUM-Hôpital Notre-Dame, Département de neurologie, Faculté de médecine, 1
Université de Montréal
Correspondance Alexandre Prat, MD, PhD Directeur de l’axe des neurosciences CHUM-Hôpital Notre-Dame 1560 Sherbrooke East, Montréal, Québec, H2L 4M1 Canada 514 890-8000 poste 24734
[email protected]
Date de réception : 29 novembre 2012 Date d’acceptation : 1 février 2013
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Résumé Près de 150 ans après sa description clinique, la cause exacte de la sclérose en plaques (SEP), une maladie inflammatoire du système nerveux central (SNC), demeure inconnue. La contribution du système immunitaire périphérique à la formation des plaques est toutefois indéniable, et la compréhension croissante des mécanismes moléculaires sous-tendant l’infiltration du SNC par des leucocytes inflammatoires a permis de nombreuses avancées thérapeutiques. Cet article propose une revue des connaissances actuelles concernant l’interaction des cellules du système immunitaire périphérique avec la barrière hémo-encéphalique (BHE), un événement crucial dans la genèse des lésions du SNC observées dans la SEP.
Summary Nearly 150 years after its clinical description by Charcot, the exact cause of Multiple Sclerosis, an inflammatory disorder of the central nervous system, still remains elusive. The contribution of the peripheral immune system to lesion formation is however undeniable, and the understanding of the molecular mechanisms underlying the infiltration of the central nervous system by inflammatory leukocytes has led to numerous therapeutic advances. This review article focuses on the interactions between peripheral immune cells and blood-brain barrier endothelial cells, a crucial early event in Multiple Sclerosis lesion formation.
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Introduction
E
n 1866, à Paris, Charcot décrit une
lique (BHE), constitue l’événement initial ou un
nouvelle entité clinique qui se mani-
phénomène secondaire à une dysfonction du
feste par des symptômes neurolo-
compartiment central [1]. Néanmoins, la com-
giques intermittents, variés et récurrents, et
préhension croissante des mécanismes molé-
est associée en pathologie à des plaques de
culaires sous-tendant l’infiltration du SNC par
démyélinisation au niveau du système nerveux
des leucocytes inflammatoires et la formation
central (SNC). Il lui donne le nom de sclérose en
subséquente des ‘plaques’ a permis de nom-
plaques (SEP). Près de 150 ans plus tard, bien
breuses avancées tant au niveau des connais-
que l’on attribue généralement les symptômes
sances concernant la pathophysiologie de la
de la SEP à une action inappropriée du système
SEP que du traitement pharmacologique de ses
immunitaire entraînant une atteinte de la myé-
manifestations cliniques. Cet article propose
line et des axones du SNC, la cause exacte de
une revue des connaissances actuelles concer-
la SEP demeure inconnue. Le débat demeure à
nant l’interaction des cellules immunitaires avec
savoir si l’entrée de cellules immunitaires péri-
la BHE, un événement considéré crucial dans
phériques dans le SNC, normalement restreinte
la genèse des lésions du SNC observées dans
par la présence de la barrière hémo-encépha-
la SEP.
La SEP est une maladie inflammatoire du SNC associée à une perte de fonction de la BHE La SEP est une maladie inflammatoire du SNC
système immunitaire au développement de la
caractérisée par la présence de zones multifo-
SEP. Premièrement, les facteurs génétiques
cales d’infiltration leucocytaire et de démyélini-
associés au risque de développer la SEP sont
sation. Bien que la nature auto-immune de la
majoritairement impliqués dans la fonction
SEP ne soit toujours pas confirmée, plusieurs
immunitaire [2], le facteur génétique associé
facteurs appuient la contribution majeure du
au plus grand effet sur la susceptibilité (risque
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relatif 3.08) étant l’haplotype Human Leuko-
à des infiltrats immunitaires périvasculaires [7,
cyte Antigen (HLA)-DR, associé au complexe
8]. Ces leucocytes inflammatoires infiltrants re-
majeur d’histocompatibilité classe II [3]. Deu-
lâchent des facteurs toxiques et des molécules
xièmement, 90% des patients souffrant de SEP
inflammatoires qui activent et endommagent les
présentent des bandes oligoclonales au sein
cellules résidentes du SNC [9]. Ils sont donc lar-
du liquide céphalo-rachidien, témoignant d’une
gement considérés responsables du dommage
production d’anticorps au sein du SNC. Dans la
subi par les cellules gliales et neuronales, et
même veine, une étude récente suggère qu’un
subséquemment des symptômes cliniques neu-
anticorps anti-canal potassique KIR4.1 poten-
rologiques récurrents et/ou cumulatifs obser-
tiellement pathogénique serait retrouvé chez
vés chez les patients souffrant de la SEP. Dif-
46.9% des patients SEP [4]. Troisièmement, un
férentes sous-populations leucocytaires ont été
modèle animal de la SEP, l’encéphalite autoim-
incriminées dans la formation de lésions dans
mune expérimentale (EAE), est basé sur l’acti-
la SEP, dont les lymphocytes THelper, les lympho-
vation du système immunitaire périphérique en
cytes Tcytotoxiques, les cellules dendritiques et les
présence d’antigènes originaires du SNC [5]. Fi-
lymphocytes B [7, 8]. Quelle que soit leur na-
nalement, les traitements démontrés efficaces
ture, les leucocytes inflammatoires doivent tout
dans la SEP sont des immunosuppresseurs ou
d’abord pénétrer au sein du SNC et augmenter
des immunomodulateurs, tels les corticosté-
la perméabilité de la BHE pour être pathogé-
roïdes, la mitoxantrone, l’acétate de glatiramer,
niques dans la SEP [10]. La déstabilisation de la
les interférons bêta ou plus récemment le fingo-
BHE et l’infiltration périvasculaire de leucocytes
limod [6].
au niveau du SNC sont en effet considérées
Au niveau histopathologique, les plaques de
comme des événements précurseurs dans la
SEP sont caractérisées par de la démyélinisa-
formation des lésions de SEP, tel que démontré
tion, de la perte axonale, une gliose réactionnelle
par i) la présence de rehaussement des lésions
et une dysfonction focale de la BHE, associées
après injection de gadolinium, observé en ima-
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gerie par résonance magnétique [11, 12] et ii) la
suite aux traitements immunomodulateurs ou
diminution de l’incidence de nouvelles lésions
immunosuppresseurs.
La barrière hémo-encéphalique (BHE) Le SNC est considéré comme ‘immunoprivilé-
tionnelles. Les complexes macromoléculaires
gié’ puisque la présence de la BHE restreint la
formés par les JS sont attachés aux filaments
circulation des molécules et des cellules de la
d’actine du cytosquelette de la cellule endo-
périphérie vers le SNC [13]. En effet, les capil-
théliale par des molécules adaptatrices dont
laires et veinules post-capillaires du SNC sont
les zona occludens 1, 2 et 3, la cinguline et la
tapissés de cellules endothéliales spécialisées
protéine sérine kinase dépendante du calcium.
qui forment la première couche de la BHE. Cet
Les JA quant à elles sont formées de protéines
endothélium n’est pas fenêtré, présente une
telles que la cadhérine vasculaire-endothéliale
faible activité pinocytaire et exprime plusieurs
et sont liées au cytosquelette par des caténines.
molécules impliquées dans l’efflux de média-
En formant des complexes intercellulaires sem-
teurs solubles vers le sang [10, 14-17]. Il en-
blables à des fermetures éclair, les TJ et les AJ
trave donc fortement la diffusion transcellulaire
limitent la perméabilité intercellulaire de l’endo-
des éléments du sang vers le SNC et expulse
thélium capillaire du SNC.
activement les métabolites toxiques [18]. Les
Apposée à l’endothélium spécialisé de
cellules endothéliales de la BHE expriment éga-
la BHE, une lame basale endothéliale, formée
lement des molécules de jonctions serrées (JS)
de protéines de la matrice extracellulaire telles
et de jonctions adhérentes (JA) (figure 1) [10,
que les laminines 8 et 10 et le collagène type IV,
13, 14, 19-21]. Les JS sont formées par des
pose aussi entrave à la circulation moléculaire
protéines transmembranaires qui lient deux cel-
et cellulaire de la périphérie vers le SNC. Cette
lules endothéliales adjacentes. Ces protéines
lame basale délimite la première bordure de
appartiennent à la famille des claudines, des
l’espace périvasculaire [13, 22]. Des péricytes
occludines et des molécules d’adhérence jonc-
enchâssés à l’intérieur de cette lame basale
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Figure 1. Les étapes de la transmigration leucocytaire du sang périphérique vers le SNC 1- En condition physiologique, la BHE et les lymphocytes expriment peu de molécules d’adhérence/ligands. L’accès des leucocytes au SNC est hautement limité. 2- En condition inflammatoire, une augmentation de l’expression de molécules d’adhérence et de leurs ligands favorise les interactions BHE/leucocytes. Ces interactions mènent à l’adhérence des leucocytes à la BHE et à l’augmentation d’avidité des ligands leucocytaires, via les chimiokines. Les leucocytes activés sécrètent des cytokines pro-inflammatoires qui participent à l’activation endothéliale et leucocytaire, et qui favorisent le recrutement d’autres cellules immunitaires. 3- La sécrétion de cytokines et de métalloprotéinases matricielles par les leucocytes activés affecte l’intégrité des jonctions serrées et de la matrice extracellulaire, favorisant la migration intercellulaire et trans-matricielle. 4- Une fois l’espace périvasculaire atteint, les lymphocytes devront être réactivés par des cellules présentatrice d’antigène avant de pouvoir franchir la glia limitans. Les molécules inflammatoires sécrétées par les leucocytes vont activer la microglie et les astrocytes adjacents, qui contribuent à l’activation et la déstabilisation de la BHE et au recrutement d’autres cellules immunitaires.
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soutiennent quant à eux le développement [23]
la glia limitans périvasculaire, qui complète la
et le maintien des propriétés de la BHE [24].
barrière hémo-encéphalique [10, 26]. Les astro-
Entre autres, les péricytes régulent la formation
cytes eux-mêmes jouent un rôle majeur de gui-
des vaisseaux, la transcytose endothéliale, l’or-
dance et support aux cellules endothéliales de
ganisation structurelle des jonctions serrées et
la BHE. Ils influencent également la fonction de
l’apposition des pieds astrocytaires [23, 25], en
la BHE par la sécrétion de facteurs solubles qui
plus d’influencer l’expression de certaines mo-
promeuvent la stabilité et l’étanchéité de la BHE
lécules d’adhérence [23].
[26]. En condition inflammatoire comme dans la
Une deuxième lame basale dite paren-
SEP, les astrocytes peuvent toutefois également
chymateuse, formée de protéines telles que le
sécréter des molécules pro-inflammatoires qui
dystroglycan et les laminines 1 et 2, constitue
participent à la déstabilisation de la BHE et au
l’autre bordure de l’espace périvasculaire. Avec
recrutement et à l’activation de cellules immuni-
les pieds astrocytaires, qui enrobent plus de
taires [10, 26, 27].
90% des micro-vaisseaux du SNC, elle forme
Les étapes de la transmigration leucocytaire vers le SNC La présence de la BHE empêche la libre circu-
l’endothélium, avec leurs ligands, exprimés
lation de leucocytes du sang vers le comparti-
par les leucocytes. Les étapes classiques de
ment du SNC. Pour réussir à pénétrer à travers
la migration ont été décrites comme 1-roule-
la BHE jusqu’à l’espace périvasculaire, les leu-
ment-adhérence-capture, 2-activation, 3- arrêt/
cocytes doivent effectuer plusieurs étapes, cha-
rampement, 4- transmigration/diapédèse. Les
cune impliquant un échange avec les cellules
interactions entre la forme activée de l’intégrine
endothéliales de la BHE [18]. Cette diapédèse
a4b1 exprimée par les leucocytes et VCAM-
s’effectue via l’interaction séquentielle et concer-
1 exprimée par l’endothélium de la BHE sont
tée de molécules d’adhérence, exprimées par
considérées cruciales pour l’étape de capture et
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l’adhérence ferme aux micro-vaisseaux du SNC.
poussées cliniques et l’apparition de nouvelles
L’interaction entre la forme activée de LFA-1
plaques [6].
et ICAM-1 serait quant à elle impliquée dans
Après le passage à travers la BHE, le leu-
l’adhérence ferme, le rampement, la polarisa-
cocyte doit traverser la lame basale endothéliale
tion et l’extravasation des leucocytes à travers
avant de gagner l’espace périvasculaire. L’inte-
la BHE [18, 28]. L’activation des intégrines a4b1
raction des leucocytes avec les composantes
et LFA-1 exprimées à la surface des leukocytes
de la membrane basale joue également un rôle
est une étape cruciale dépendante de l’immobi-
dans la migration lymphocytaire, puisque la
lisation de chimiokines à la surface luminale de
composition en laminines semble influencer la
l’endothélium de la BHE. Via l’interaction avec
capacité de former des infiltrats inflammatoires
les récepteurs de chimiokines couplés à la pro-
[22]. Une étude récente rapportant l’interaction
téine G exprimés par les leukocytes, les chimio-
de MCAM, une molécule d’adhérence exprimée
kines induisent une signalisation intracellulaire
par les lymphocytes TH17 encéphalitogéniques
rapide qui résulte en l’activation des intégrines,
[31], avec la laminine 8 (a4b1g1) fournit une piste
augmentant l’avidité de ces dernières pour leur
quant à la nature de ces interactions [32]. Par ail-
ligand endothélial (respectivement VCAM-1 et
leurs, l’expression d’enzymes ayant la capacité
ICAM-1) [29, 30]. De nombreuses autres mo-
de dégrader les protéines de la matrice extracel-
lécules d’adhérence jouent également un rôle
lulaire, les métalloprotéinases matricielles pro-
dans la migration de certaines sous-populations
téiques (MMPs), serait plus marquée chez les
leucocytaires distinctes [10]. La pertinence cli-
patients SEP [10] et corrélerait avec la capacité
nique des interactions leucocytes/BHE dans la
leucocytaire d’invasion du SNC. Une fois dans
SEP est mise en évidence par l’efficacité thé-
l’espace périvasculaire, les leucocytes devront
rapeutique du médicament Natalizumab, un
d’abord être réactivés par des macrophages ou
anticorps monoclonal qui bloque l’interaction
des cellules dendritiques périvasculaires leur
a4b1/VCAM-1 et qui réduit de façon notable les
présentant un antigène spécifique avant d’être
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en mesure d’envahir le parenchyme cérébral en
que les lymphocytes T activés peuvent migrer
traversant la glia limitans [9], un processus lar-
vers le SNC sans égard à leur antigène spéci-
gement dépendant de la production de MMPs
fique [34]. La migration leucocytaire elle-même
par les leucocytes [33].
augmente la perméabilité de la BHE, favorisant
La BHE exprime constitutivement peu
ainsi l’infiltration leucocytaire subséquente. Par
de molécules d’adhérence, et en condition phy-
le biais de cytokines inflammatoires et d’en-
siologique très peu de cellules immunitaires ont
zymes MMPs, les cellules immunitaires peuvent
donc accès au SNC. Les lymphocytes T naïfs ou
donc parvenir à influencer la fonction des cel-
quiescents ne peuvent atteindre le parenchyme
lules endothéliales de la BHE [10].
cérébral, mais il a été précédemment démontré
Les interactions leucocytes-BHE Différents sous-types de leucocytes ont été im-
Par la suite, les lymphocytes CD4 TH17, carac-
pliqués dans la physiopathologie de la SEP et la
térisés par la production d’IL-17 sous la régula-
médiation du dommage dans le compartiment
tion du facteur de transcription RORc, ont été
du SNC. Plusieurs groupes se sont intéressés
décrits comme hautement inflammatoires et as-
aux processus régulant l’entrée dans le SNC de
sociés avec la SEP et l’EAE [9]. Des études plus
sous-populations leucocytaires inflammatoires
récentes ont permis de constater que les TH17
dans la SEP, en particulier les lymphocytes CD4
encéphalitogéniques produisent non seulement
TH17, les lymphocytes CD8 T cytotoxiques et
de l’IL-17 mais aussi de l’interféron-g et du
les cellules présentatrices d’antigènes.
GM-CSF, et expriment à la fois T-bet et RORc
Les lymphocytes CD4 TH1, caractérisés par la
[35-37]. Notre groupe a pu démontrer que les
production d’interféron-ɣ sous la régulation du
lymphocytes TH17 [38], en particulier les TH17
facteur de transcription T-bet, ont été longtemps
qui produisent également de l’interféron-g [39],
considérés comme responsables de la maladie.
migrent plus efficacement à travers la BHE que
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les lymphocytes TH1. Plusieurs raisons sous-
TH17 double-positives en induisant l’expression
tendent ce phénomène, entre autres la produc-
de molécules d’adhérence par les cellules en-
tion d’IL-17 et d’autres cytokines pro-inflamma-
dothéliales de la BHE, entre autres la molécule
toires comme l’IL-22 et l’interféron-g, qui activent
ICAM-1 mais également la molécule MCAM,
et déstabilisent l’endothélium cérébral. En effet,
aussi exprimée par les lymphocytes CD4 ayant
les cellules endothéliales de la BHE possèdent
la capacité de produire de l’IL-17 [31]. MCAM
des récepteurs pour l’IL-17, l’IL-22 [38] et l’inter-
peut présenter des interactions homophiliques
féron-g [10].
(MCAM/MCAM), et il a été démontré que l’inac-
L’IL-17 agit en augmentant significati-
tivation de MCAM permet de restreindre la mi-
vement la perméabilité de la BHE par le biais
gration des lymphocytes TH17 à travers la BHE
d’une diminution de l’expression d’occludine et
[31]. Puisque MCAM peut aussi présenter des
une perturbation de l’expression et de l’organi-
interactions hétérophiliques (MCAM/laminine 8)
sation de zona occludens-1 [38, 40], deux molé-
[32] et est associée à l’expression de la molé-
cules impliquées dans la formation des JS de la
cule ‘extracellular MMP inducer’ (EMMPRIN/
BHE. L’IL-17 augmenterait également la sécré-
CD147) [31], MCAM est probablement égale-
tion de CCL2 et CXCL8 par l’endothélium de la
ment impliquée dans le passage des TH17 à tra-
BHE [38], des chimiokines qui vont promouvoir
vers la membrane basale endothéliale.
le recrutement et la migration de lymphocytes
Bien que moins largement étudiés que
et de cellules présentatrices d’antigènes. Une
les CD4, les lymphocytes CD8 T cytotoxiques
augmentation de la formation dans les cellules
sont néanmoins retrouvés dans les lésions de
endothéliales d’espèces réactives de l’oxygène
SEP et dans le CSF des patients atteints de
affectant la machinerie contractile des cellules
SEP [41, 42]. À l’image des CD4, nous avons
endothéliales est également observée sous l’in-
pu démontrer que les CD8 qui ont la capacité
fluence de l’IL-17 [40]. L’interféron-g contribue
de transmigrer à travers la BHE produisent de
également à la capacité migratoire élevée des
l’IL-17 et de l’interféron-g, en plus de l’enzyme
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lytique granzyme B [42]. En présence de blo-
laire, dont la réponse va à son tour influencer
queurs des intégrines a4, bien que leur capa-
le phénotype des lymphocytes avec qui elles
cité à adhérer à la BHE ne semble limitée que
vont interagir [46]. Les MMPs sécrétées par les
temporairement [43], leur capacité de migration
cellules myéloïdes périvasculaires vont égale-
à travers la BHE est significativement réduite in
ment participer à la formation de brèches dans
vitro et in vivo [42].
la glia limitans [33], favorisant ainsi l’entrée de
Une fois dans l’espace périvasculaire, les
leucocytes au sein du parenchyme cérébral et
lymphocytes devront interagir avec des cellules
ultimement la formation de plaques caractéris-
présentatrices d’antigènes avant d’atteindre le
tiques de la SEP.
niveau d’activation nécessaire pour pénétrer la
L’impact des péricytes sur les interac-
glia limitans. Les cellules présentatrices d’anti-
tions BHE/leucocytes dans la SEP est encore
gène utilisent également des molécules d’adhé-
méconnu. Outre leur influence dans la formation
rence pour passer à travers la BHE, entre autres
et le maintien de la BHE, des études semblent
ALCAM, aussi utilisée par les lymphocytes ex-
démontrer des propriétés anti-inflammatoires et
primant CD6 [44], et Ninjurin-1, spécifique à la
pro-regénératrices via la phagocytose [47] de
migration des cellules myéloïdes à travers la
débris de myéline, l’inhibition des lymphocytes T
BBB [45]. Les cytokines sécrétées par l’endo-
activés et la sécrétion d’IL-10 [48]. Toutefois, en
thélium de la BHE vont influencer le phénotype
fonction du milieu, les péricytes auraient égale-
des cellules myéloïdes de l’espace périvascu-
ment la capacité de sécréter des cytokines proinflammatoires et des MMPs [49, 50].
Conclusion Chez les patients souffrant de SEP, les interac-
avec le médicament Natalizumab, on observe
tions BHE/leucocytes sont impliquées dans la
une réduction de la formation de nouvelles lé-
transmigration des leucocytes vers le paren-
sions inflammatoires démyélinisantes caracté-
chyme cérébral. En bloquant ces interactions
ristiques de la SEP ainsi qu’une diminution de
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la fréquence des poussées cliniques. Toutefois,
d’adhérence impliquées spécifiquement dans
la cible du Natalizumab, l’intégrine a4, est expri-
la transmigration de sous-populations leucocy-
mée par une vaste proportion des leucocytes
taires inflammatoires et encéphalitogéniques
et des complications infectieuses sérieuses
vers le SNC, afin de réduire la formation de
peuvent survenir en cours de traitement [51].
lésions SEP sans entraver les processus nor-
Il est donc primordial d’identifier des molécules
maux d’immunosurveillance du SNC.
Remerciements et financements Le laboratoire du Dr Prat est financé par des oc-
Sénior) des Fonds de la Recherche du Québec-
trois provenant de la Société Canadienne de la
Santé. La Dre Larochelle est la récipiendaire
Sclérose en Plaques et des Instituts Canadiens
d’une bourse post-doctorale de la Société Ca-
de Recherche en Santé. Le Dr Prat est le réci-
nadienne de la Sclérose en Plaques.
piendaire d’une Bourse de Carrière (Chercheur
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