Mme M, 28 ans

Frissons et sueurs. • Douleurs cervicales, dysphagie, torticolis, trismus. • Angine. • Adénopathie, tuméfaction, induration le long du SCM. • Dyspnée et polypnée ...
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Mme M, 28 ans Club 93, 3 avril 2018 Aki BABA, DES Médecine interne-Immunologie clinique Service de Médecine Interne et Maladies Infectieuses, Hôpital Robert Ballanger, Aulnay sous Bois

Antécédents et traitement • Aucun antécédent médical • Aucun antécédent chirurgical • G2P2, deux enfants en bas âge en bonne santé • Familiaux • Diabète de type 2 et HTA chez la mère • Diabète de type 2 chez le père • Pas d’allergie rapportée à l’interrogatoire • Aucun traitement au long cours

Mode de vie • Vit avec son mari et ses 2 enfants à Montfermeil • Employée à la SNCF • Autonome pour tous les actes de la vie quotidienne • Pas d’intoxication alcoolo-tabagique, pas de consommation de stupéfiants • Dernier voyage : Au Maroc du 18 novembre au 23 novembre 2017

Histoire de la maladie (1) • Lundi 27 novembre : • • • • •

Odynopaghie Fièvre objectivée à 42°C avec frissons importants Un fils avec les mêmes symptômes Consultation du médecin traitant : TDR négatif Prescription de Paracétamol et d’un AINS pendant 3 jours

• Vendredi 1er décembre • Nouvelle consultation chez le médecin traitant, apparition d’un dyspnée • TDR négatif • Prescription d’Amoxicilline et bilan biologique

Histoire de la maladie (2) • Bilan biologique du 2 décembre : • Syndrome inflammatoire biologique avec CRP 460mg/L

• Consultation aux urgences de Ballanger le 2 décembre : • PA 141/72mmHg, FC 146/min • Température 39,3°C, Saturation 97% en air ambiant • Cliniquement : • Aspect d’angine érythémateuse unilatérale droite • Douleurs cervicales droites

• Biologiquement : • Hyperleucocytose à 20G/L à prédominance PNN • CRP 300mg/L

Histoire de la maladie (3) • Mise sous PYOSTACINE et retour à domicile

Histoire de la maladie (4) • Alerte de l’équipe mobile d’infectiologie par l’équipe de bactériologie • Un flacon anaérobie pousse en 49h et retrouve un Bacille Gram Négatif • Pas de pousse du flacon aérobie

QUELS DIAGNOSTICS POUVEZ VOUS EVOQUER ?

Histoire de la maladie (5) • Rappel de la patiente • Aux urgences le 5 décembre • PA 139/81 FC 120/min Température 39,3°C Saturation 96% en air ambiant • Cliniquement : • Polypnée >30/min, dyspnée au moindre effort et orthopnée à l’interrogatoire • Examen cardio-vasculaire normal, pas de signe d’insuffisance cardiaque droite • Auscultation pulmonaire normale • Amygdale droite érythémateuse ponctuée de tâches blanches • Otalgie droite • Aspect inflammatoire de la région cervicale droite

Histoire de la maladie (6) • Biologiquement • NFS GB 20,1G/L dont 16,33 PNN, Hb 12,4g/dL. Pas de lymphopénie. Pas d’hyperéosinophilie. Frottis normal. • Ionogramme : Na+ 133mmol/L, K+ 3,4mmol/L, Créatinémie 41µmol/L • CRP 171mg/L • Beta HCG négatifs • Une paire d’hémoculture prélevée

QUEL DIAGNOSTIC FINAL EVOQUEZ VOUS ? QUELS EXAMENS COMPLEMENTAIRES FAITES-VOUS ?

Radio de thorax

Scanner cervico-thoracique (1)

Scanner cervico-thoracique (2)

Scanner cervico-thoracique (3)

Scanner cervico-thoracique (4)

Scanner cervico-thoracique (5)

Scanner cervico-thoracique (6)

QUEL EST LE DIAGNOSTIC FINAL ?

C’EST DONC UN SYNDROME DE LEMIERRE…

Syndrome de Lemierre

Syndrome de Lemierre

• Mortalité importante : 2 patients ont survécu

Le « Lemierre » aujourd’hui • Infection oropharyngée compliquée d’une thrombophlébite septique de la veine jugulaire interne associée à des embols septiques pulmonaires • Variantes en fonction : • • • •

Germe Localisation secondaire septique Point de départ infectieux initial Vaisseau concerné

Epidémiologie • Maladie rare, « Maladie oubliée » dans les années 60 • Incidence stable au 21ème siècle • Etudes rétrospectives danoises en 1998-2001 et 2010-2014 • Mais probablement sous estimée actuellement • En recrudescence selon certaines études • Maladie du sujet jeune

Clinique • Dans les suites d’un épisode infectieux ORL • Fièvre élevée • Frissons et sueurs • Douleurs cervicales, dysphagie, torticolis, trismus • Angine • Adénopathie, tuméfaction, induration le long du SCM

• Dyspnée et polypnée

Diagnostic • Hémocultures • Longues à pousser • Attention à l’antibiothérapie préalable

• Radio de thorax (10% de faux-négatifs) • Echo doppler cervical • Scanner cervicothoracique avec injection de produit de contraste • TEP Scanner • Cartographie précoce des lésions secondaires • Difficile d’accès

Bactériologie : F. Necrophorum • Germe anaérobie • Non sporulé • Bacille Gram Négatif • Commensal de la cavité orale, flore vaginale et du tube digestif • Pouvoir pathogène • • • •

2ème cause d’angine bactérienne surtout chez le sujet jeune Syndrome de Lemierre Angine de Vincent …

• Souvent sensible à l’Amoxicilline (50%) • Sensibilité à : Clindamycine, Métronidazole, Carbapenemes et aux associations Pénicilline + Beta-Lactamases

Antiobiogramme chez Mme M Antibiotique

Sensibilité

Amoxicilline

S

AUGMENTIN

S

Pipéracilline-Tazobactam

S

Imipénème

S

Clindamycine

S

Pristinamycine

S

Ofloxacine

I

Rifampicine

S

Métronidazole

S

Germes impliqués 137 cas Entre 2010 et 2015

Localisations secondaires

Prise en charge • 2 questions majeures • Quelle antibiothérapie? • Anticoagulation ou Pas anticoagulation ?

• Traitement chirurgical ou non ? • Drainage des collections abcédées • Ligature-exérèse de la veine jugulaire interne

Antibiothérapie (1) • Pas d’étude prospective contrôlée et randomisée • Doit couvrir au moins le Streptocoque et le Fusobacterium Necrophorum • Dans la littérature l’antibiothérapie probabiliste comprend : • C3G+ Métronidazole • Pipéracilline/Tazobactam • Plus rarement • Imipénem • Moxifloxacine

Antibiothérapie (2) • Voie IV initialement pendant 2 à 3 semaines • Au moins jusqu’à l’amélioration clinique et biologique • Amélioration parfois lente

• Durée du traitement • 15 jours à 6 semaines selon les auteurs

Anticoagulation (1) • Aucune étude contrôlée • Pourquoi anticoaguler ou ne pas anticoaguler ? • Limiter l’extension de la thrombose (en particulier rétrograde) • Augmenter la dissémination septique

• Très dépendant du spécialiste • De 0 à 6 mois d’anticoagulation, surtout par HBPM • Analogie avec la thrombophlébite septique des vaisseaux pelviens

Anticoagulation (2) • L’anticoagulation ne peut pas être recommandée du fait des données limitées • Thrombophlébite septique pelvienne : • Essai contrôlé randomisé • Petit effectif • Pas de différence

• Syndrome de Lemierre • Enfants/adultes • Petits effectifs • Pas de différence dans les évènements thrombotiques

Chez Madame M • 6 jours de bithérapie par Amoxicilline + Métronidazole IV • Puis Métronidazole IV seul pour une durée de 3 semaines de traitement IV • Et Métronidazole PO pour une durée de 3 semaines supplémentaires • Anticoagulation efficace par INNOHEP pour une durée de 6 semaines au total

Evolution clinico-biologique • Très rapidement favorable • En consultation le 08/01 à environ 1 mois de l’hospitalisation • Examen clinique normal hormis des micro-adénopathies sous angullomaxillaires droites • Gorge propre • NFS 13,9 g/dL • CRP négative

• Décision de continuer comme prévu, une antibiothérapie de 6 semaines au total associée à une anticoagulation efficace

Conclusion • Point de départ ORL, angine le plus souvent • Thrombophlébite septique de la veine jugulaire interne • Emboles septiques pulmonaires • Maladie rare du sujet jeune et sain • Fusobacterium Necrophorum souvent mais pas toujours • Morbimortalité importante (Mortalité : 2%)

• Prise en charge non-consensuelle pluridisciplinaire • Antibiothérapie avec bithérapie IV initialement • Anticoagulation réservée à certains cas