Les vingt ans de la Charte Les vingt ans de la Charte et la Com m

Président de l'Association Internationale de Gérontologie et Gériatrie pour la Région Europe ... Médecins, juristes, soignants, directeurs, psychologues, syndicalistes .... Adrien Zeller, Secrétaire d'État à la Sécurité Sociale, et livrée en 1987.
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_________ R. Moulias Président de la Commission « Droits et Libertés » de la Fondation Nationale de Gérontologie Président de l’Association Internationale de Gérontologie et Gériatrie pour la Région Europe (IAGG – European Region) En 1985, j’avais été frappé par le développement de l’âgisme et par celui du curieux lobby appelant à faire disparaître le mourant plutôt que de soulager sa douleur et ses souffrances et que de l’accompagner dans le respect de sa personne. Le « droit de mourir dans la dignité » s’était curieusement dévoyé, comme si la mort naturelle était indigne, comme si la maladie et l’infirmité rendaient indigne. Cette négation de la Dignité de celui devenu dépendant d’autrui rencontrait le soutien enthousiaste de quelques médias. Le silence gêné de ceux qui étaient au contact quotidien des personnes malades ne pouvait durer. Il paraissait indispensable que, sous l’égide d’un organisme représentatif, des experts de toutes disciplines et sensibilités puissent défendre les Droits et les Libertés de ceux qui ne pouvaient s’exprimer, de ceux qui n’avaient personne pour les représenter : les vieilles personnes, en particulier celles frappées d’incapacités, de handicaps ou devenues dépendantes. Sur la proposition du Pr Paul Berthaux, Françoise Forette et Anne Fontaine, respectivement Directeur et Secrétaire Générale, m’offrirent de créer au sein de la Fondation Nationale de Gérontologie une Commission chargée de travailler sur ces thèmes et de produire des documents et des avis. Médecins, juristes, soignants, directeurs, psychologues, syndicalistes commencèrent à se réunir et à réfléchir sur les atteintes aux droits et libertés qui pouvaient résulter des trois altérations qu’étaient l’âge, la maladie, le handicap. Pourquoi la Commission ? Dans la loi, les vieilles personnes ont les mêmes droits - et devoirs - que toute autre personne. Dans les faits, il faut nuancer. Celles qui sont « dépendantes » ne peuvent s’exprimer, sous réserve du fonctionnement des instances consultatives officielles (Conseil de maison en 1978 ; Conseil d’établissement en 1985 ; Conseil de la vie sociale en 2004). Professionnels et familles parlent à leur place (y compris dans ces instances), surtout de mesures d’assistance et de précautions à prendre à leur endroit. La majorité, celles qui restent parfaitement autonomes et responsables d’elles-mêmes, n’est pas écoutée spontanément. Depuis cette époque, il y eut de nombreux progrès. Cependant, le vieillard valide et autonome reste-t-il aux yeux de tous un citoyen à part entière ? Et le vieillard dépendant d’autrui, pour vivre ou survivre, que lui reste-t-il de sa citoyenneté ?

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Quelle place dans la Cité ? - Avec les contraintes économiques des dernières décennies, la retraite de « droit » est devenue un « devoir » de quitter sa place. Mal préparée, elle a abouti souvent à une mort sociale. L’activité physique, psychique et sociale, meilleure barrière contre les pertes de capacités, ainsi que les activités bénévoles sont partagées de façon inéquitable au cours de la retraite. Seule une minorité de personnes, volontaristes, parvient à y accéder malgré les obstacles. - La perte de revenu qui accompagne la retraite s’accentue au veuvage. La personne ne peut encore disposer librement de ses biens pour sa succession. Au début de la période que nous évoquons, le veuf ou la veuve pouvait encore voir son logis, qu’il avait acheté par son travail, vendu par ses enfants. Les difficultés pour emprunter demeurent, en dépit des gains d’espérance de vie. - La culture des anciens est aussi celle de leur époque. Comment trouver accès aux journaux, radios, télévisions, cinémas, webs qui cherchent d’abord , aujourd’hui, à capter un public de jeunes actifs ? - Il existe de véritables campagnes de presse qui reviennent à provoquer des discriminations par l’âge. Les plus banales concernent la conduite automobile, d’autres le logement, de plus perverses les ressources, le droit aux soins, voire le droit de vote ! Le plus souvent ces campagnes sont basées sur des allégations erronées ou des amalgames typiques du racisme. La vieillesse reste confondue dans beaucoup d’esprits, notamment dans les médias et chez des décideurs encore trop nombreux, avec les maladies dégénératives. - Une insidieuse culpabilisation continue à sévir : les vieux coûtent cher par leurs retraites ; ils augmentent les dépenses de santé ; ils encombrent inutilement les hôpitaux ; ils ont plus de patrimoine ; ils ont des tarifs préférentiels dans les transports … et autres allégations non ou mal fondées ou mesquineries qui leur reprochent leur existence même. Quand arrive la maladie - L’âge reste un obstacle à l’accès aux soins. Il fait encore nier la maladie : « A son âge, c’est normal… ». Des soins sont refusés, non sur des contre - indications, mais sur la seule notion d’âge. Malgré des avancées significatives et nombreuses : formation des médecins et des soignants, services spécialisés, l’accès à la compétence reste souvent problématique ou trop tardif. - Lorsque la mort arrive, l’abandon thérapeutique ou l’obstination irraisonnée restent bien plus fréquents qu’un accompagnement respectueux et digne. Quand survient le handicap ou quand la personne devient dépendante - La discrimination par la loi persiste. Au dessous de 60 ans on est « handicapé », au dessus « dépendant », sans que ces deux termes soient réellement définis. Dans ce domaine, la fin des discriminations par l’âge, si elle est prévue par la loi, n’est pas encore advenue. Pire, dans beaucoup d’esprits, les incapacités restent la conséquence de l’âge – donc inéluctables- et non celle de maladies invalidantes. La reconnaissance de ces dernières permettrait de rendre compte à la fois de l’évolutivité de ces handicaps et des possibilités de prévention pour nombre d’entre eux.

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- Compensation des incapacités, prévention, formation des personnels de l’aide à leur mission, prise en charge financière : les progrès accomplis sont larges, mais ils demeurent incomplets. Ceci est dû en grande partie à la persistance de concepts obsolètes. Décideurs et médias, supposés éclairer le public, n’arrivent pas à dissocier la vieillesse, période physiologique de l’existence, des incapacités liées à des maladies dont la fréquence croît avec l’âge. L’âgisme garde toute sa place : pourquoi tant de dépenses pour des « bouches inutiles » est un raisonnement toujours trop entendu ou sous-entendu ! Comment la Commission agit ? Pour faire entendre ses réflexions, la Commission a choisi trois moyens d’action Des colloques, organisés par la FNG Ils ont porté sur : - Les Droits et Libertés Les thèmes suivants furent traités : Droits et Libertés de la vieille personne avec la présentation des objectifs de la Commission; le rappel des droits de la personne accueillie en institution ; les problèmes de ressources financières et d’utilisation du patrimoine au profit de la personne; le droit de vivre chez soi, dans le respect et de conserver ses espaces de liberté ; l’accès aux soins et les soins aux mourants, ce qui était à l’époque des sujets encore plus brûlants qu’aujourd’hui [Gérontologie et Société n° 42 – 1987] - L’entrée en institution Le problème a-t-il tellement évolué ? Comment préserver une liberté de choix, définir le consentement ?quelles garanties pour celui qui ne peut pas choisir lui-même ? Pour la première fois, on se penchait sur les conséquences délétères des « placements » non consentis. Préfigurant la future « personne de confiance », on envisageait le rôle d’un « référent » lors de cette décision [Gérontologie et Société n° 53 – 1989] - La protection juridique des personnes âgées Les besoins et les limites des protections juridiques : leurs lacunes étaient examinées avant que se lance la Commission Favard. Les notions d’abus de faiblesse, de consentement aux soins, du recueil du consentement des personnes vulnérables et des « incapables majeurs » y étaient discutées, en comparaison avec des exemples étrangers. Le colloque a développé des propositions pratiques réglementaires et législatives [Gérontologie et Société n° 59 – 1991] - Des expériences concrètes de protection juridique Le même thème fut repris sous des aspects concernant la pratique quotidienne : tutelle : mandat judiciaire, rôle des tuteurs publics ; procédures d’alertes et de conciliation : rôle des associations tutélaires, des services sociaux, des comités d’éthique, des Commissions de conciliation ; protection à domicile ; protection en institution avec des références à des exemples étrangers. [Gérontologie et Société – n° spécial – 1993] - La mort du vieillard et les soins de fin de vie Aujourd’hui, le progrès fait que la mort concerne surtout les vieillards. Ils n’en sont pas moins le plus souvent abandonnés, isolés, lors de ce passage. Causes et lieux de décès, approche et diagnostic de l’approche de la mort ; services de soins palliatifs et traitements palliatifs ; accompagnement à domicile et en institution, rites et cérémonies ; deuil de la famille ; souffrance et formation des personnels étaient à l’époque des thèmes novateurs [Gérontologie et Société – n° spécial – 1995] 3

- l’Agisme : vers un racisme anti-vieux La naissance du concept, son contexte sociologique et psychologique; sa présence dans le monde du travail et en politique, son développement en médecine et dans les organismes sociaux ; ses aspects financiers ont été étudiés. Dans la lutte contre l’âgisme quelle place pour le bénévolat et le maintien d’une utilité sociale ? [1996]. - Age et Protection Les mandats et la représentation de la personne ; le consentement et le refus, leurs degrés et les degrés de vulnérabilité; vivre sa vie à domicile ; vivre sa vie en institution ont été l’objet de débats et de recommandations [1998]. - Les Enjeux de la formation Ce colloque préparé, n’a pas pu avoir lieu, mais a été l’objet d’une publication dans Gérontologie et Société en 2007 [Gérontologie et Société n° 118]. Des écrits Comme on vient de le rappeler, les actes des colloques ont été repris par l’organe de la FNG : « Gérontologie et Société ». Les membres de la Commission ont par ailleurs diffusé leurs réflexions et positions par des articles individuels dans cette même revue, dans la « Revue de Gérontologie », dans d’autres publications périodiques comme dans de nombreux ouvrages. Des congrès Lors des congrès internationaux de gérontologie de l’International Association of Gerontology & Geriatrics (IAGG) et de l’IAGG-Region Europe, ou lors des congrès nationaux, des orateurs de la Commission ont développé quelques-uns de ces thèmes. Actions issues de la Commission Avis et consultations La Commission ou ses membres sont consultés sur des problèmes de maltraitances, de refus de sanctions contre des personnels malveillants, de refus d’appliquer des droits civiques. Des avis ou des textes leur sont demandés sur des problèmes de bonnes pratiques ou de conflits entre libertés et principe de précaution. Association Droits et Libertés (ADeL) Elle a été créée en 1992 par Jean Autexier, membre de la Commission, pour diffuser ce type d’actions plus largement et de façon plus systématisée. Après plusieurs années de fonctionnement, son activité a été reprise en 2000 dans le giron de la FNG. Alma- France Allo- maltraitance- personnes âgées (Alma-France) Ce réseau de centres d’écoute de la maltraitance a été créé en 1994 par le Pr Robert Hugonot, un des fondateurs de la Commission. Ce réseau de centres d’écoute, d’analyse et de traitement des situations de maltraitances couvre aujourd’hui la majorité du territoire. Près de 800 volontaires de toutes compétences professionnelles médicales, sociales, juridiques, psychologiques et des coordonnateurs salariés s’y emploient à écouter, conseiller, rasséréner les personnes âgées en souffrance ou victimes de négligences, abus ou violences. Depuis 2003, il dispose d’un numéro d’écoute national. Cette expérience encore unique au monde dispose du plus large ensemble de données existant sur ce sujet délicat.

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L’année 2007 offrira l’occasion de nouer des partenariats avec des associations ayant la même préoccupation telles que l’AFBAH (Association Francilienne pour la Bientraitance des Aînés et/ou Handicapés). « La Charte des Droits et Libertés des personnes âgées en situation de handicap ou de dépendance » C’est le nom de la dernière version 2007. La première version, « Charte des Droits et Libertés de la Personne Agée Dépendante », fut mise au point en 1986 avec l’encouragement de M. Adrien Zeller, Secrétaire d’État à la Sécurité Sociale, et livrée en 1987. La diffusion en fut immédiatement assurée par le ministère en charge des affaires sociales à tous les établissements médico-sociaux pour personnes âgées et à tous les services à domicile. Ses 14 articles furent publiés par les divers journaux gériatriques. Elle fut traduite et publiée en allemand, anglais, espagnol, italien et portugais et présentée aux sociétés espagnole et italienne de gériatrie et gérontologie. Elle a été à l’origine de nombreux travaux. Elle est devenue un élément de référence dans les soins et aides aux personnes « dépendantes ». - En 1997, elle a été mise à jour et republiée. Intégrée par la suite dans des textes officiels, elle a servi de modèle à de nombreuses chartes adaptées à d’autres besoins. Le dernier avatar qui s’en est inspiré est la « Charte Alzheimer Ethique et Société » de l’Espace Ethique AP-HP parue en septembre 2007. - 2007 : La dernière version est publiée pour saluer les vingt ans de la Charte. Tout en gardant sa structure en 14 articles, elle a été profondément remaniée pour prendre en compte les incontestables progrès de ces vingt dernières années, mais aussi les résistances qui perdurent, pas seulement dans le grand public. On peut voir dans la Charte l’action principale de la Commission, le justificatif de sa création. Il était du devoir de la FNG de produire un tel document et de donner un avis sur les principaux problèmes liés à la vieillesse et à son nouvel aspect, la longévité. Progrès et tâches restantes Depuis vingt ans, les progrès se sont accumulés dans tous les domaines de la gérontologie et de la gériatrie : biologique et médical, sociologique et psychologique, économique, organisationnel et même éthique. Il serait fastidieux de les énumérer. Les reconnaître doit rendre optimiste pour les immenses chantiers qui restent ouverts. Cependant, le regard de la société reste négatif. La société n’a pas encore pris conscience de la chance de la longévité pour tous- ou pour une large majorité. La vieillesse cherche encore son sens. Son utilité sociale lui est encore refusée. La vieillesse, âge de l’accomplissement, ne reste vue que sous un regard d’assistance et de précaution au mieux, de fardeau et d’exclusion au pire. Merci à tous les membres de la Commission de leurs apports au cours de ces vingt ans de travaux accomplis avec franc-parler et convivialité. Sans la richesse de leurs réflexions et de leurs motivations, rien n’aurait pu se faire. La Commission Droits et Libertés a encore du travail pour les années à venir !

5 novembre 2007 5

! (Membres actuels et anciens membres ayant participé à la mise à jour de la charte)

M. Jean ABBAD

ALMA 86

M. Jean AUTEXIER

CHU Poitiers

Dr Hervé BECK

ALMA Paris

M. Michel BILLÉ

AFDAH (∗)

Pr. François BLANCHARD

AFDAH / CHU Reims

Mme Odile BLANCHARD

CRAM Alsace Moselle

M. Jean DETOLLE

ALMA France / GERIAPA

Dr. Marie-Bernard DILIGENT

CHS, Jury les Metz

Maître Albert ÉVRARD

Avocat Bruxelles

Dr. Monique FERRY

CHU de Valence ; CDPRV (∗∗)

M. Emmanuel HIRSCH

Espace éthique AP-HP

M. Jean-Michel HÔTE

FNG

Pr. Robert HUGONOT

ALMA France

Pr. Francis KUNTZMANN

GIP « Alsace Gérontologie Formation »

Mme Geneviève LAROQUE

FNG

Dr. Florence NIDIER-LATOUR

Hôpital Broca – Paris / CMRR Ile-de-France

Mme Colette LÉONE

Paris

Dr. Myriam LE SOMMER-PÈRE

CHU de Bordeaux

Pr. Robert MOULIAS

Président de la Commission

Dr. Bernard PETER

Mulhouse

Dr. Louis PLOTON

AFDAH / Université Lumière Lyon II

Pr. Olivier RODAT

ALMA France / Hôpital Saint Jacques – Nantes

M. Michel SIDER

IRDAGE (∗∗∗)



Association Francophone des Droits de l’Homme Agé. Centre Départemental de Prévention pour Réussir son Vieillissement -Valence ∗∗∗ Institut de Recherche et de Développement en Gérontologie N.B. : En ce qui concerne les appartenances institutionnelles des membres de la Commission, qui ont pu changer au cours des travaux, nous avons retenu les plus récentes. ∗∗

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