Marseille, une ville sous-équipée

chiatre Marcel Ruffo. Elle fonctionne grâce à .... cel Pagnol, est inscrit depuis 1996 à l'in- ventaire des ... dez-vous Pagnol tous les dimanches, mais aussi des ...
2MB taille 0 téléchargements 89 vues
Actualité

Marseille, une ville sous-équipée Cinéma et territoire

1 L'Alhambra 2 Le Bonneveine 3 Les 3 Palmes 4 Le Prado 5 Le César 6 Le Chambord 7 Les Variétés 8 Le Pathé Madeleine

Deuxième ville de France, Marseille, préfecture des Bouches-du-Rhône et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, compte, intra-muros, près de 900 000 habitants et son agglomération, la troisième en France, rassemble 1,6 million de personnes. Pourtant la cité phocéenne, située à une vingtaine de kilomètres de La Ciotat, berceau du cinéma, souffre d’un réel déficit en salles de cinéma proposant une programmation art et essai, malgré un public potentiel de 300 000 spectateurs.

DR

H Selon la Géographie du cinéma du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), Marseille comptait en 2012 huit établissements réalisant 2,94 millions d’entrées et 18,89 M€ de recettes guichet. Cinquième ville de France en termes de fréquentation derrière Paris, Lyon, Lille et Bordeaux, Marseille, avec un indice de fréquentation de 2,93, est très en dessous de sa voisine Aix-en-Provence (141 000 habitants), qui pointait à 6,68 séances par spectateur en 2012. Avec seulement 8 147 fauteuils, à peine plus que Montpellier, la ville est encore sous-équipée comparée à Lyon (18 044 fauteuils). Panorama des forces en présence et des projets d’implantation en gestation. Les quartiers Nord Seule salle des quartiers nord (XVe et XVIe arrondissement, VIIIe secteur), l’Alhambra, dirigé par William Benedetto, réalise entre 35 000 et 52 000 entrées et se classe dans les quinze premiers cinémas mono-écran de France. Ce cinéma fermé dans les années 80 doit sa renaissance à une alliance politique entre Gaston Defferre, maire PS de la ville jusqu’à sa disparition en 1986, et le Parti communiste (PC). En échange de son soutien, le PC négocie des crédits pour bâtir un équipement culturel. Les murs de l’Alhambra sont achetés par la mairie et la salle rouvre dans les années 90. L’Alhambra a été rénové, la salle de 232 fauteuils est gradinée et équipée d’un écran de 12 m de base. Elle constitue un écrin pour les films d’auteur. Sa vocation reste le développement de l’action culturelle dans les quartiers dits difficiles. “Avec près de 100 000 habitants dans le VIII e secteur, nous sommes le seul lieu culturel. Notre travail se développe sur plusieurs axes. Nous proposons une programmation plutôt art et essai avec quelques films grand public”, explique William Benedetto. Offrant un plein tarif à 5 €, la salle ne programme que peu de sorties nationales. Après avoir décroché les labels art et essai, jeune public, elle espère être classée recherche et patrimoine en 2014. “Nous effectuons un important travail avec le public scolaire en participant aux dispositifs Ecole, Collège et Lycée au

Bien que comptant près de 900 000 habitants, Marseille n'a que huit salles de cinéma.

cinéma. Nous avons aussi mis sur pied un dispositif à destination des maternelles et une version allégée d’Ecole au cinéma”, poursuit le directeur de l'Alhambra. Son public scolaire va de 3 à 20 ans, et de septembre et juin, les séances scolaires ont lieu tous les matins et après-midi. La salle est gérée par l’association Ciné Marseille, présidée par le pédopsychiatre Marcel Ruffo. Elle fonctionne grâce à une convention d’occupation avec la ville. Rénové en 2012 et numérisé, l’Alhambra a un budget annuel se situant entre 750 000 € et 800 000 €, dont 50 % en provenance de la ville, 25 % de recettes billetterie et 25 % du conseil régional et de l'Etat. Son équipe se compose de dix temps plein. “Je reçois de l’argent public, d’où des tarifs bas, j’affrète aussi les cars pour faire venir les scolaires”, précise William Benedetto. Dans ses cartons figure le projet d’une seconde salle pour renforcer son action auprès des scolaires et garder plus longtemps les films. Avec son grand hall et ses espaces de restauration, le cinéma organise des cinés repas, apéros, des anniversaires… Avec une moyenne de quatre films par semaine, près de 200 films sont joués par an. Considérée comme une salle de catégorie A (plus de 200 000 habitants), elle a toutefois une dérogation qui lui donne accès aux copies de l’Agence de diffusion régionale du cinéma (ADRC).

William Benedetto n'entend pas s'arrêter là et souhaiterait ouvrir un second Alhambra dans les quartiers Sud, au cœur du parc Salvatore. Il s’agirait d’“un lieu de cinéma mixte, un projet innovant entre l’hôpital et la ville, qui permettrait aux malades d’aller au cinéma. L’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille doit choisir la parcelle, la ville est partante. Nous sommes à la phase de l’étude juridique. C’est une reconnaissance du modèle de l’Alhambra, de la salle de proximité de quartier”, conclut l'exploitant. Les cinémas du centre Situé en haut de la Canebière, le Pathé Madeleine, dans le IVe arrondissement, compte huit salles et 1 300 fauteuils. Avec des pics le week-end, il réalise de 300 000 à 340 000 entrées par an. Ce cinéma de centre-ville, programmé par Olivier Grandjean et son équipe, attire une clientèle captive grâce à un large choix d’horaires, des versions VO/VF/3D ainsi que des séances pour les handicapés sensoriels. Un ciné-club est également proposé. La salle participe aux dispositifs Ecole et Lycée au cinéma. Elle organise aussi des séances de hors-film avec les représentations du Bolchoï ou de Connaissance du Monde. “Le Pathé Madeleine est un lieu de sortie

et de vie”, souligne sa directrice Karyn Pinatel. A l’origine, ce site accueillait une salle unique, comme il en existait une centaine à Marseille. Bâti en 1938, le cinéma est doté d’une façade artdéco avec une avancée en marquise et trône à un coin de rue. En 1982, il passe à huit salles comptant entre 460 et 48 fauteuils. Côté concurrence, la programmation plus tournée vers la VO est différente des autres multiplexes de la ville. Appréciant aussi l’accessibilité en tramway et en métro, son public, avant tout familial, est très large. Deux salles, gérées par Metro Art, société parisienne présidée par Galeshka Moravioff, les Variétés (Ier arrondissement), cinq écrans sur la Canebière, et le César (VIe arrondissement), trois écrans sur la place Castellane, étaient jusqu’à l’an dernier classées art et essai. Suite à la perte de ce label (et des subventions qui y sont liées), un appel a été déposé auprès du CNC, qui n’a pas encore rendu sa décision publique. Celleci devait pourtant être annoncée en septembre dernier… Malgré une programmation art et essai pointue, il semblerait que l’état de vétusté des salles et des soucis de communication avec les distributeurs soient à l’origine de ce déclassement. Ces établissements, dirigés par Linda Mekboul et Anne Jeannes, ont réalisé 126 000 (Variétés) et 79 000 entrées (César) en 2013. Le groupe de Raoul Aubert Marseille compte deux salles de centre-ville appartenant au groupe dirigé par Raoul Aubert (UGC Méditerranée, 52 écrans dans toute la France), le Prado (VIe arrondissement), 11 écrans, et le Chambord (VIIIe arrondissement), 4 écrans. Situé à 50 mètres du César, le Prado totalise près de 480 000 entrées par an et table sur 530 000 à 550 000 entrées à fin 2015. Ouvert en 1984, il compte à la base six écrans, puis, après un rachat, est étendu à onze salles, allant de 330 à 80 fauteuils. “Le site a été entièrement refait, du sol au plafond. Les travaux ont coûté 3 M€. Il reste juste la façade à terminer”, précise ­Frédéric ­P errin, directeur du Prado depuis trois ans, après plus de vingt ans chez ­Pathé. Dans ses salles noires et rouges, il accueille une population amatrice de films commerciaux à qui il propose de plus en plus en films en VO. Le Prado est aussi partenaire de plusieurs festivals, dont la reprise du ­Festival du film chinois de Paris ou le Festival du film israélien, en tandem avec les Variétés. L’un de ses points forts est l’opéra (Côté Diffusion). L’ouverture des 3 Palmes dans le centre Bleu Capelette risque de changer la donne. “Nous conserverons les spectateurs qui ne vont jamais dans des multiplexes. Je transformerai la programmation, avec un axe encore plus porté vers la VO. La demande des distributeurs est très forte pour placer

7 mai 2014 / Cahier des exploitants n°140

12

12_CDE_140_ACTU_MARSEILLE_BAT2.indd 12

02/05/2014 14:51

“Le challenge est que le spectateur oublie qu'il est dans un centre commercial.” Christian Miquelis, père de Cédric, programme le Chambord et le Prado. “Avec le Chambord, nous avons voulu redonner de la magie aux spectateurs”, glisse Cédric Miquelis. Le chemin n’a pas toujours été facile, le cinéma n’ayant pas une bonne réputation. “Des distributeurs comme Wild Bunch nous ont fait confiance sur des sorties alors que nous étions catalogués comme cinéma de continuation”, poursuit-il. Le pari a été gagnant, le Chambord a triplé sa fréquentation hebdomadaire, avec plus de 12 000 entrées par semaine ! “L’année 2014 a bien démarré, nous espérons atteindre les 110 000 entrées”, conclut son directeur. Un second 3 Palmes Proche de l’autoroute A50, construit en novembre 1997, les 3 Palmes, dans le quartier de la Valentine (XIe arrondissement), compte 11 écrans et 2 400 fauteuils. Le multiplexe attire près de 1,1 million de spectateurs par an. Dirigé par Didier Tarizzo, les 3 Palmes est doté d’une forte qualité sonore. L’exploitation devrait entrer dans un programme de rénovation dans les six

Entièrement rénové, le Prado accueille de plus en plus de festivals.

mois à venir. Pour enrichir son offre de films, un second établissement devrait naître dans le centre commercial Bleu Capelette, situé dans le Xe arrondissement. Comme pour le premier multiplexe, Didier Tarizzo est associé aux cinémas Gaumont-Pathé pour ce 3 Palmes doté de 12 salles et 2 800 fauteuils. La famille Durbec-Tarizzo possède 55 % des parts et Gaumont-Pathé 45 %. “Le centre Bleu Capelette est en construction, la coque vide nous sera livrée et nous avons confié au cabinet marseillais ILR l’aménagement du site”, précise ­Didier Tarizzo. C'est un centre commercial classique de 40 000 m2 sur trois niveaux. Le cinéma se situe au troisième, là où sont accueillis loisirs et restaurants, autour d'une grande terrasse. “Le challenge est qu’une fois le seuil du cinéma franchi, le spectateur oublie qu’il est dans un centre commercial”, explique le directeur. Côté fréquentation, il table sur 800 000 entrées par an. “Le but est de considérer les deux multiplexes comme un ensemble de 23 salles, et d’augmenter notre offre de films, car nous ne pouvons pas tout proposer. L’idée serait aussi de diffuser des films un peu plus art et essai”, poursuit-il.

d’exploitation du CNC. Equipée en numérique depuis le 12 février, elle est gérée en délégation de service public par l’association de la C ­ inémathèque de Marseille, dont elle est la salle secondaire. La programmation est essentiellement tournée vers les films de patrimoine, avec notamment des rendez-vous Pagnol tous les dimanches, mais aussi des films du label Disney ­Heritage. “Il n’est pas simple d’obtenir des sorties nationales. Notre ambition est d’atteindre 10 000 entrées”, avoue ­Sébastien Catel, programmateur. Autre salle atypique en passe d’être pérennisée : le théâtre du Gyptis redevient un cinéma de quartier sous l'égide de la Friche de la Belle de Mai. Jusqu’au 8 juin, cette salle de 300 places propose les Ciné Dimanche, des projections gratuites. Fermée ensuite pour travaux, elle devrait rouvrir en octobre sous la forme d'une vraie salle de quartier. En projet Le groupe parisien MK2 avait un moment eu des velléités à Marseille, mais il semble avoir renoncé. Deux multiplexes sont quant à eux, après force pérégrinations administratives, en bonne voie. Le groupe rochelais CGR, dirigé par Jocelyn Bouyssy, semble le plus avancé. Il a obtenu le 9 avril son autorisation commerciale au niveau national, sans avoir à constater de nouveau recours. Prévu dans l’immense centre commercial Grand Littoral, en pleine rénovation, dans les quartiers Nord (XVIe arrondissement), le Mega CGR devrait compter

Sites atypiques Didier Tarizzo gère également un autre site : le Bonneveine, situé dans le VIIIe arrondissement. Avec cinq petites salles pour 800 fauteuils, ce cinéma a totalisé 161 483 entrées en 2013. Installé dans un centre commercial, il était déjà programmé par le père de Didier Tarizzo et propose des films grand public généralistes. Il est entièrement équipé en 3D. Parmi les salles nouvelles, citons celle du château de la Buzine (XIe arrondissement). Avec ses 345 fauteuils et son écran unique, elle fait partie de la ­M aison des cinématographies de la ­M éditerranée. Ce château du XVIIe siècle, qui fut la propriété de Marcel Pagnol, est inscrit depuis 1996 à l'inventaire des monuments historiques. Après un concours d’architecture, sa rénovation a été lancée en 2007. La salle de cinéma existe depuis le 17 juin 2011. Elle a obtenu en 2013 son autorisation

dix salles et 1 745 fauteuils. “Il existe un déficit de salles dans cette zone. Après la fermeture de l’UGC [16 salles], le centre commercial a lancé un appel d’offres que nous avons remporté”, indique Robert Laborie, directeur du développement de CGR. Le multiplexe ne sera pas au même endroit que l’UGC qui, après des glissements de terrain, avait dû fermer en 1999. CGR espère attirer entre 600 000 et 850 000 spectateurs, selon l’arrivée ou non du projet porté par EuropaCorp. La coque du Mega CGR sera construite par Corio (Philippe Cottin) et l’aménagement intérieur signé par l’architecte Bertrand Pourier. “Le cinéma, sur trois niveaux, sera au centre d’un pôle de loisirs. Nous espérons ouvrir d’ici à la mi-2016. Le budget est de 8 M€. Nous sommes à l’étape du dépôt du permis de construire”, précise Robert Laborie. Le second projet, sur lequel Europa­ Corp n’a pas désiré s’exprimer, est celui annoncé lors de l’ouverture du premier multiplexe du groupe, à Aéroville, en région parisienne. La major française fondée par Luc Besson a obtenu son autorisation administrative d’implantation en février, mais, “n’a à ce stade aucune information, ni photo à communiquer à propos d’Euromed”. Ce cinéma est, en tout cas, annoncé comme un multiplexe doté de 14 salles, 2 800 places (architectes MP&A) pour un coût de 10 M€. Il sera situé à proximité du complexe de commerces et de bureaux Euromed Center. Ayant abandonné l’idée de se présenter sous la forme d’un dauphin, il serait au stade du dépôt de permis de construire. La salle qui pâtirait le plus de ces deux nouvelles implantations serait, sans nul doute, le Pathé Plan de Campagne, situé à une quarantaine de minutes de la Cité phocéenne. Véritable aspirateur à entrées des quartiers Nord, il affiche près de 1,5 million de spectateurs par an. En outre, il aura aussi à subir la concurrence du CGR, de 12 salles et 2 500 fauteuils, prévu à Vitrolles, dont l’ouverture est annoncée pour le premier semestre 2015. Comme toujours, Marseille ne fait pas dans la demi-mesure. Du sous-­ équipement au suréquipement, il n’y a qu’un pas ! Si toutes ces nouvelles propositions voient le jour, elles devraient permettre, à minima, à la ville de rattraper son retard en matière d’offre cinématographique… Emma Deleva

Le futur 3 Palmes Bleu Capelette devrait ouvrir avant la fin 2016. DR

leurs films, même si c’est toujours compliqué de les avoir en VO. Le numérique ne nous a pas ouvert les portes du bonheur ”, analyse Frédéric Perrin. Autre salle située dans le “Neuilly de Marseille”, le Chambord est géré depuis deux ans par Cédric Miquelis. Après une année 2013 à 85 500 entrées, la salle est sur la bonne voie. “Du 1er janvier au 29 avril, nous avons une hausse de 31 000 entrées par rapport à l’an dernier”, déclare le directeur du Chambord. “C’est la force de notre cinéma, nous récoltons les fruits d’une meilleure communication en interne, de l’action de la nouvelle équipe qui a mis en place de nombreuses animations : avant-premières, soirées événementielles musicales, après-midi théâtre, showcase, spectacle de Noël, concert de jazz, opéra, etc. L’idée est de faire du Chambord un cinéma music-hall londonien”, souligne-t-il. S’il n’est pas un cinéma art et essai, le Chambord propose des films en VO, mais aussi des films français populaires et grand public. “Auparavant, le Chambord était la salle de continuation du Prado. Nous avons voulu qu’il soit un cinéma à part entière et diffuse des sorties nationales”, explique Cédric Miquelis. La salle 1, dite Prestige, et la salle 2, ont été entièrement rénovées, les 3 et 4 le seront en juin. Le budget des travaux se porte à près de 700 000 €. “Nous allons créer un espace confiserie, mais surtout un salon de thé, le Chambord Café, dans le hall.” Le but est de séduire la population chic du quartier. Jusqu'ici plutôt senior, la clientèle s’est enrichie depuis deux ans et reste très bourgeoise. Elle comprend en journée un public féminin, étudiant et CSP+.

DR

Actualité

7 mai 2014 / Cahier des exploitants n°140

14

12_CDE_140_ACTU_MARSEILLE_BAT2.indd 14

02/05/2014 14:51