Lymphœdème du membre supérieur après un cancer du sein

tomie),.la.surcharge.pondérale.lors.du.cancer.du.sein,.la.prise. de.poids.après.le.traitement.du.cancer.et.la.diminution.d'.activité. après.la.chirurgie.du.sein.(6).
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La vie après un cancer du sein : quelle guérison ?

Lymphœdème du membre supérieur après un cancer du sein Upper limb lymphedema after breast cancer treatment Mots-clés : Lymphœdème – Cancer – Sein – Traitement. Keywords: Lymphedema – Cancer – Breast – Treatment. S. Vignes*

L

es lymphœdèmes du membre supérieur secondaires au traitement du cancer du sein représentent la principale cause des lymphœdèmes en France. Le système lymphatique a pour fonction de réabsorber les liquides et les protéines interstitiels à partir des capillaires lymphatiques initiaux. Au cours des lymphœdèmes, la pression dans les capillaires lymphatiques augmente, faisant apparaître une accumulation de protéines, de liquide interstitiel et de métabolites cellulaires dans l’ espace extracellulaire. Secondairement apparaissent un afflux de macrophages stimulant la production de collagène par les fibroblastes, ainsi qu’ une activation des kératinocytes et des adipocytes. L’ évolution se fait donc vers un épaississement et une fibrose cutanés irréversibles (1).

Diagnostic, fréquence et facteurs de risque Une différence volumétrique de 10 % entre les deux membres supérieurs confirme le lymphœdème (2) et une différence périmétrique de 2 cm permet de poser le diagnostic en consultation. La fréquence est estimée actuellement entre 15 et 28 % après curage axillaire classique et entre 2,5 et 6,9 % après technique du ganglion sentinelle (3-5). Les principaux facteurs de risque de développement d’ un lymphœdème sont le nombre de ganglions enlevés lors du curage axillaire, la radiothérapie – en particulier sur les aires ganglionnaires axillaires –, la mammectomie (contre tumorectomie), la surcharge pondérale lors du cancer du sein, la prise de poids après le traitement du cancer et la diminution d’ activité après la chirurgie du sein (6).

Examen clinique Les lymphœdèmes débutent préférentiellement au niveau proximal ou au niveau du coude et peuvent s’ étendre vers l’ avantbras et la main. Cependant, ils peuvent aussi d’ emblée toucher la main et avoir une extension ascendante. Il est fréquent d’ observer * Unité de lymphologie, Centre national de référence des maladies ­vasculaires rares, hôpital Cognacq-Jay, Paris.

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un lymphœdème de la paroi thoracique latérale ou du sein. La peau peut être souple (évoquant une composante adipeuse plus importante que la composante liquidienne) ou au contraire tendue, prendre le godet après une pression prolongée, ou présenter un aspect éléphantiasique. L’ impression de lourdeur ou de pesanteur est le symptôme le plus fréquemment rapporté. La douleur est beaucoup plus rare et doit faire rechercher une pathologie associée (thrombose veineuse profonde, pathologie ostéo-articulaire de l’ épaule, neuropathie), mais surtout une récidive axillaire du cancer. Avant tout traitement, il est indispensable de mesurer le volume du lymphœdème. La technique de référence reste la volumétrie à eau. Cette méthode, considérée comme idéale, est peu utilisée en pratique courante au profit de mesures volumétriques estimées par calcul. En effet, les mesures périmétriques prises à intervalles réguliers (tous les 5 ou 10 cm) permettent de calculer un volume en millilitres par assimilation des segments de membres à des troncs de cônes selon la formule suivante : h(C2 + Cc + c2)/12π où C est la grande circonférence du cône, c la petite et h l’ intervalle entre deux mesures. Cette méthode est très fiable et reproductible (7). Lors des consultations, les mesures périmétriques prises avec des repères constants permettent de suivre l’ évolution du lymphœdème.

Examens complémentaires Le diagnostic de lymphœdème est avant tout clinique. En dehors des explorations concernant le suivi oncologique, un échoDoppler est systématique lors de l’ apparition ou de l’ aggravation du lymphœdème à la recherche d’ une thrombose veineuse profonde (axillaire, sous-clavière) ou de sténose veineuse postradique.

Complications Complications infectieuses Le lymphœdème du membre inférieur représente le principal facteur de risque de survenue d’ un érysipèle, estimé à 70 fois par rapport aux patients témoins (8). Pour les lymphœdèmes du membre supérieur, les portes d’ entrée (griffure, blessure septique, soins de manucure, piqûre d’ insecte, brûlure) sont rarement retrou31es Journées de la SFSPM, Lyon, novembre 2009

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vées. L’ érysipèle atteint la zone du lymphœdème et peut s’ étendre au sein et à la paroi thoracique. Le nombre d’ érysipèles varie d’ un épisode unique à des récidives fréquentes.

Figure 1. Bandages peu élastiques du membre supérieur gauche : capitonnage de mousse NN®, puis application de la bande peu élastique Somos®.

Complications psychologiques et qualité de vie Le retentissement psychologique et la qualité de vie ont été bien étudiés. Les femmes présentent davantage de signes d’ anxiété, de syndromes dépressifs, de problèmes sexuels et sociaux, ou d’ aggravation de maladies psychiatriques préexistantes. La qualité de vie des femmes opérées de cancer du sein est d’ autant moins bonne qu’ il existe un lymphœdème associé à d’ autres problèmes du membre supérieur (douleurs, raideur, limitation de la mobilité de l’ épaule, neuropathie) [9].

Lymphangiosarcome Ces tumeurs malignes ont été décrites initialement en 1948 par Stewart et Treves. Elles sont très rares, avec une fréquence estimée à 0,03 %. Le pronostic reste très mauvais avec des survies inférieures à 5 % malgré les différents traitements proposés (amputation du membre, radiothérapie externe, polychimiothérapie systémique) [10].

Traitement : la physiothérapie complète décongestive La physiothérapie complète décongestive représente l’ élément essentiel du traitement des lymphœdèmes (11, 12). Elle se divise en deux phases (13) : • la première phase, dite “intensive”, est destinée à réduire le volume du lymphœdème ; • la deuxième phase, dite “d’ entretien”, vise à maintenir le volume réduit à long terme (tableau).

Bandages peu élastiques multicouches Les bandages représentent l’ élément essentiel du traitement destiné à réduire le volume du lymphœdème. Il s’ agit de poser des bandes à allongement court ( 36 mmHg) peuvent être proposées. Dans la plupart des cas, les compressions sont réalisées sur mesure par un orthésiste ou un pharmacien orthopédiste et sont changées tous les 3 à 4 mois en raison de leur perte d’ efficacité.

Soins de peau, prévention des érysipèles

L’ objectif de ces mesures de prévention est d’ éviter l’ aggravation du lymphœdème. Ces mesures de prévention reposent le plus souvent sur des données consensuelles mais empiriques et ne sont que partiellement étayées par des études bibliographiques. Les conseils les plus classiques sont d’ éviter les activités répétitives (repassage, lavage de vitres, etc.), la prise de la pression artérielle, le prélèvement sanguin, le port de charges lourdes, le port de vêtements serrés sur le membre atteint, les sacs en bandoulière ou les sacs à dos. L’ existence d’ un surpoids en phase préopératoire et la prise de poids en phase postopératoire sont deux facteurs de risque de la survenue du lymphœdème. De même, la fréquence des lymphœdèmes les plus volumineux est supérieure chez les obèses. La prise en charge nutritionnelle, nécessaire pour favoriser un amaigrissement, est donc fondamentale dans la stratégie de traitement du lymphœdème (17). Il est très souvent recommandé aux patientes d’ éviter les efforts physiques violents et/ou répétitifs ou le port de charges lourdes. Cependant, ces conseils, là encore, sont le plus souvent empiriques et toutes les études ne sont pas concordantes. Un article de synthèse tend à montrer que les activités physiques incluant le membre lymphœdémateux apportent plus de bénéfices qu’ elles n’ entraînent de complications ou d’ aggravation du lymphœdème. Il semble donc souhaitable de ne pas diminuer l’ activité physique après le traitement d’ un cancer du sein mais plutôt de la personnaliser, sachant qu’ une activité physique modérée permet de diminuer les symptômes d’ anxiété ou de dépression (18). L’ utilisation de la pressothérapie pneumatique reste controversée. Les différentes études sont toutes de qualité médiocre, excepté celle de Szuba et al. (19), qui montre un effet additif à court terme de la pressothérapie pneumatique avec les bandages peu élastiques multicouches. De nombreuses techniques chirurgicales ont été proposées pour traiter les lymphœdèmes : anastomoses lymphoveineuses, greffe de canaux lymphatiques, transfert ganglionnaire, liposuccion. Les indications sont rares et difficiles à poser car elles ne sont pas consensuelles et ces différentes chirurgies font toujours l’ objet de doute quant à leur efficacité et leur innocuité. ■

Toute effraction cutanée, même minime, peut représenter une porte d’ entrée infectieuse : griffure, morsure, brûlure, piqûre d’ insecte ou d’ aiguille à coudre, acupuncture. Le port de gants est vivement recommandé dans les situations à risque de blessures : jardinage, prise de plat chaud, etc. Les érysipèles peuvent être récidivants (plus de 3 épisodes) et peuvent participer à l’ augmentation du volume du lymphœdème. Dans cette situation, la Conférence de consensus sur la prise en charge des érysipèles et fasciites nécrosantes propose d’ instaurer une antibioprophylaxie par une pénicilline à libération prolongée comme l’ Extencilline®, à la dose de 2,4 MUI toutes les 2-3 semaines (ou par pénicilline V orale), en l’ absence d’ allergie à la pénicilline. La durée de la prophylaxie n’ est pas définie, mais une durée prolongée (plus de 1 ou 2 ans) semble nécessaire. Il est également important d’ hydrater la peau, dont la sécheresse est majorée par les compressions élastiques.

Compression élastique La compression (aussi appelée “contention”) n’ est pas facilement acceptée, car il s’ agit de dispositifs contraignants et peu esthétiques, mais indispensables au long cours pour maintenir le bénéfice obtenu après la réduction de volume obtenue par les bandages peu élastiques (16). Il n’ est généralement pas conseillé de la garder la nuit. Le type de compression doit être adapté au

Figure 2. Manchon avec mitaine attenante.

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Autres mesures

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Références bibliographiques [1] Szuba A, Rockson SG. Lymphedema: anatomy, physiology and pathogenesis. Vasc Med 1997;2:321-6. [2] Armer JM, Stewart BR. A comparison of four diagnostic criteria for lymphedema in a post-breast cancer population. Lymphat Res Biol 2005;3: 208-17. [3] Clark B, Sitzia J, Harlo W. Incidence and risk of arm oedema following treatment for breast cancer: a three-year follow-up study. QJM 2005;98:343-8. [4] Wilke LG, McCall LM, Posther KE et al. Surgical complications associated with sentinel lymph node biopsy: results from a prospective international cooperative group trial. Ann Surg Oncol 2006;13:491-500. [5] Langer I, Guller U, Berclaz G et al. Morbidity of sentinel lymph node biopsy (SLN) alone versus SLN and completion axillary lymph node dissection after breast cancer surgery: a prospective swiss multicenter study on 659 patients. Ann Surg 2007;245:452-61. [6] Arrault M, Vignes S. Facteurs de risque de développement d’ un lymphœdème du membre supérieur après traitement du cancer du sein. Bull Cancer 2006;93:1001-6. [7] Megens AM, Harris SR, Kim-Sing C, McKenzie DC. Measurement of upper extremity volume in women after axillary dissection for breast cancer. Arch Phys Med Rehabil 2001;82:1639-44. [8] Dupuy A, Benchikhi H, Roujeau JC et al. Risk factors for erysipelas of the leg (cellulitis): case-control study. BMJ 1999;318:1591-94. [9] McWayne J, Heiney SP. Psychologic and social sequelae of secondary lymphedema. Cancer 2005;104:457-66. [10] Abraham JA, Hornicek FJ, Kaufman AM et al. Treatment and outcome of 82 patients with angiosarcoma. Ann Surg Oncol 2007;14:1953-67. [11] Harris SR, Hugi MR, Olivotto IA, Levine M, Steering Committee for Clinical Practice Guidelines for the Care and Treatment of Breast Cancer. Clinical practice guidelines for the care and treatment of breast cancer: 11. Lymphedema. CMAJ 2001;164:191-9. [12] Lymphoedema Framework. Best practice for the management of lymphoedema. International consensus. London 2006: MEP Ltd. [13] Cheville AL, McGarvey CL, Petrek JA, Russo SA, Taylor ME, Thiadens SR. Lymphedema management. Semin Radiat Oncol 2003;13:290-301. [14] Ko DS, Lerner R, Klose G, Cosimi AB. Effective treatment of lymphedema of the extremities. Arch Surg 1998;133:452-8. [15] McNeely ML, Magee DJ, Lees AW, Bagnall KM, Haykowsky M, Hanson J. The addition of manual lymph drainage to compression therapy for breast cancer related lymphedema: a randomized controlled trial. Breast Cancer Res Treat 2004;86:95-106. [16] Vignes S, Porcher R, Arrault M, Dupuy A. Long-term management of breast cancer-related lymphedema after intensive decongestive physiotherapy. Breast Cancer Res Treat 2007;101:285-90. [17] Shaw C, Mortimer P, Judd PA. A randomized controlled trial of weight reduction as a treatment for breast cancer-related lymphedema. Cancer 2007;110:1868-74. [18] Bicego D, Brown K, Ruddick M, Storey D, Wong C, Harris SR. Exercise for women with or at risk for breast cancer-related lymphedema. Phys Ther 2006;86:1398-405. [19] Szuba A, Achalu R, Rockson SG. Decongestive lymphatic therapy for patients with breast carcinoma-associated lymphedema. A randomized, prospective study of a role for adjunctive intermittent pneumatic compression. Cancer 2002;95:2260-7.

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