Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

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Institut de recherche et d’informations socio-économiques

Septembre 2014

Rapport de recherche

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec Francis Fortier, chercheur Simon Tremblay-Pepin, chercheur

1710, rue Beaudry, bureau 3.4, Montréal (Québec) H2L 3E7 514 789-2409 · www.iris-recherche.qc.ca

ISBN 978-2-923011-49-3 Institut de recherche et d’informations socio-économiques 1710, rue Beaudry, bureau 3.4, Montréal (Québec) H2L 3E7  514 789-2409 · www.iris-recherche.qc.ca Mise en page Molotov communications

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Remerciements Les auteurs tiennent à remercier un ensemble de personnes sans qui l’étude n’aurait pu être. Les commentaires de l’équipe de chercheur·e·s de l’IRIS et les corrections de Martin Dufresne et de Danielle Maire ont rehaussé la qualité de cette étude, tant au niveau de la forme que du fond. Nous leur transmettons tous nos remerciements. Toutes les erreurs se trouvant encore néanmoins dans ce texte relèvent de l’entière responsabilité des auteurs.

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Sommaire La question de l’impôt et des taxes demeure un enjeu de réflexion important au Québec, en particulier depuis l’amorce d’une révolution tarifaire en 2010 par le gouvernement libéral. Pour augmenter ses revenus, mais surtout pour rendre plus « compétitif » le régime fiscal québécois, le gouvernement du Québec a récemment mis sur pied une commission de révision de son régime fiscal, dirigée par le fiscaliste Luc Godbout. Le gouvernement a répété qu’il favoriserait la réduction des crédits d’impôt et qu’il comptait hausser l’apport des taxes à la consommation. Ces options ne sont pas sans lien avec les positions défendues par Luc Godbout dans ses publications. En agissant ainsi, explique-t-il, nous suivrions l’exemple des pays scandinaves, dont les niveaux de taxation à la consommation sont plus élevés que les nôtres. Luc Godbout affirme également qu’il est possible d’annuler le caractère régressif des taxes à la consommation par un système de crédits d’impôt. Cette étude contredit ces affirmations.

Principales conclusions • Il est juste d’affirmer qu’en regard des autres pays de l’OCDE, dont les pays scandinaves, le Québec utilise davantage l’impôt sur le revenu que les taxes à la consommation.

• C’est dire qu’une éventuelle augmentation des taxes à la consommation se ferait dans un contexte plus inégalitaire au Québec que dans les pays scandinaves. • Or, on défend dans l’espace public que les taxes à la consommation ne sont pas régressives.

• S’il est en effet intéressant de comparer le Québec aux pays scandinaves, il faut d’abord rappeler que le Québec a un taux de pression fiscale moindre – et bien plus proche de la moyenne de l’OCDE que de celle des pays scandinaves.

• En réalité, les taxes à la consommation affichaient jusqu’en 2009 un taux unique, appelant de chaque ménage la même contribution, soit environ 6,5 %. • Les nouvelles données rendues disponibles par Statistique Canada pour la période 2010-2012 documentent sans conteste le caractère régressif de ces taxes, quelle que soit la méthode d’analyse. Entre 2010 et 2012, le 20 % le plus pauvre a un taux d’effort plus d’une fois et demie plus grand que celui du 20 % le plus riche.

• De plus, il est faux d’affirmer qu’en cas d’une hausse de la TVQ, le Québec suivrait la tendance observée dans les pays scandinaves. En fait, dans les dernières années, la majorité de ceux-ci ont préféré diminuer la proportion des recettes fiscales provenant de l’impôt des particuliers et des taxes à la consommation pour augmenter celle issue de l’impôt des sociétés et des cotisations sociales.

• Comme les ménages pauvres dépensent déjà plus que leur revenu disponible, toute hausse de taxe qui ne serait pas compensée par une hausse égale de revenu viendrait augmenter l’endettement des ménages, qui est déjà préoccupant au Québec.

• On doit aussi constater que les marchés de l’emploi sont plus égalitaires dans ces pays qu’au Québec. • Bien que si le bas niveau d’inégalité des revenus liés au marché du travail des pays scandinaves autoriserait chez ceux-ci une fiscalité moins progressive, on constate tout de même que leur régime fiscal et l’intervention de l’État contribuent à une meilleure redistribution que celle observée au Québec. 5

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Table des matières

Remerciements

3

Sommaire

5

Principales conclusions

5

Table des matières

6

Liste des graphiques

9

Liste des tableaux

11

Liste des sigles

12

Introduction

13

Chapitre 1 Sur quoi repose le « retard » du Québec ?

15

1.1 Comment mesure-t-on le « retard » ?

15

1.2 Le Québec face à la moyenne de l’OCDE

15

1.3 Les pays scandinaves et la tendance de l’OCDE

16

1.4 De quel retard pour le Québec parlons-nous vraiment ?

19

Chapitre 2 Les limites d’une analyse basée sur le poids de la fiscalité et la structure fiscale

21

2.1 Les limites explicatives des différences observées dans le temps et entre les pays

21

2.2 Les angles morts des outils de comparaison

22

Chapitre 3 Le Québec a-t-il une structure économique et fiscale semblable à celle des pays scandinaves ?

23

3.1 Outils d’analyse et de comparaison des inégalités de revenu

24

3.2 Marché du travail et inégalités au Québec et en Scandinavie

25

3.3 L’action de l’État

27

Chapitre 4 Les taxes à la consommation sont-elles régressives ?

30

4.1 La taxe de vente du Québec

30

4.2 La taxe sur les carburants

35

4.3 La taxe sur les boissons alcooliques

37

4.4 L’impôt sur le tabac

38

4.5 L’ensemble des taxes à la consommation

39

6

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Conclusion

43

Notes de fin de document

45

Lexique

47

Annexe 1 – TVQ

51

Annexe 2 – Taxe sur les carburants

52

Annexe 3 – Taxe sur les boissons alcooliques9

53

Annexe 4 – Impôt sur le tabac

54

Annexe 5 – Ensemble des taxes à la consommation

55

7

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Liste des graphiques

graphique 1

graphique 2

graphique 3

graphique 4

graphique 5

graphique 6

graphique 7

graphique 8

graphique 9

graphique 10

graphique 11

graphique 12

graphique 13

Comparaison de l’évolution du poids de la fiscalité, Québec et moyenne de l’OCDE (1981, 2001, 2011)

15

Comparaison de la répartition des recettes selon la structure fiscale, Québec et moyenne de l’OCDE (1981 et 2011)

16

Comparaison de l’évolution du poids de la fiscalité du Québec et des pays scandinaves (1981-2011)

17

Utilisation des taxes à la consommation et le coefficient de Gini (2011)

23

Utilisation des taxes à la consommation et le coefficient de Gini (2011), sans les États-Unis

23

Indice de Gini avant impôt et transferts pour les personnes en âge de travailler, Québec et pays scandinaves (2011)

25

Comparaison du rapport interdécile du salaire brut (D5/D1), Québec (2012) et pays scandinaves (2011)

26

Comparaison du rapport interdécile du salaire brut (D9/D5), Québec (2012) et pays scandinaves (2011)

27

Comparaison du rapport interdécile du salaire brut (D9/D1), Québec (2012) et pays scandinaves (2011)

27

Indice de Gini du revenu disponible des personnes en âge de travailler, Québec et pays scandinaves (2011)

29

Comparaison du rapport interdécile du revenu disponible (D5/D1), population en âge de travailler, Québec (2009) et pays scandinaves (2011)

29

Comparaison du rapport interdécile du revenu disponible (D9/D5), population en âge de travailler, Québec (2009) et pays scandinaves (2011)

29

Comparaison du rapport interdécile du revenu disponible (D9/D1), population en âge de travailler, Québec (2009) et pays scandinaves (2011)

29

graphique 14

Évolution des revenus totaux avant impôt et cotisations, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012) 31

graphique 15

Taux d’imposition effectif fédéral et provincial, moyenne par quintile, Québec (1997-2012) 9

31

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 16

graphique 17

graphique 18

graphique 19

graphique 20

graphique 21

graphique 22

graphique 23

graphique 24

graphique 25

graphique 26

graphique 27

graphique 28

graphique 29

graphique 30

graphique 31

graphique 32

Dépenses taxables des ménages, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

32

Taux effectif d’imposition des taxes à la consommation pour chacun des quintiles de revenus (Méthode CFFP), Québec (2008)

33

Taux effectif d’imposition des taxes à la consommation pour chacun des quintiles de revenus (Méthode IRIS), Québec (2008)

33

Taux effectif moyen de la TVQ pour chacun des quintiles, Québec (2005, 2006)

34

Taux effectif moyen de l’impôt provincial et fédéral sur le revenu pour chacun des quintiles, Québec (2005, 2006)

35

Taux effectif moyen de la TVQ pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

35

Prix de l’essence à la pompe dans la région de Montréal, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

35

Montant consacrés à l’achat d’essence, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

36

Taux effectif moyen de la taxe sur les carburants pour chacun des quintiles, Québec (1998, 2005)

36

Taux effectif moyen de la taxe sur les carburants pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

36

Montant consacré à l’achat de boissons alcoolisées, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

37

Taux effectif moyen de la taxe sur les boissons alcooliques pour chacun des quintiles, Québec (1999, 2003)

37

Taux effectif moyen de la taxe sur les boissons alcooliques pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

38

Montant consacré à l’achat de cigarettes et autres produits du tabac, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2011 (1997-2011)

38

Taux effectif moyen de l’impôt sur le tabac pour chacun des quintiles, Québec (1997, 2004)

39

Taux effectif moyen de l’impôt sur le tabac pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011)

39

Taux effectif moyen de l’ensemble des taxes à la consommation pour chacun des quintiles, Québec (2004, 2006)

39

10

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 33

graphique 34

graphique 35

graphique 36

Taux effectif moyen de l’ensemble des taxes à la consommation pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

40

Taux effectif moyen de l’ensemble des taxes à la consommation pour chacun des quintiles (Méthode CFFP), Québec (2011)

40

Évolution des revenus disponibles et des dépenses taxables des premier et cinquième quintiles, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2009)

41

Part du revenu disponible consacrée aux dépenses courantes, par quintile (1997-2009), Québec

41

Liste des tableaux tableau 1

Pression fiscale, différence avec la moyenne de l’OCDE, Québec et pays scandinaves (1981, 2001, 2011)

17

tableau 2

Structure fiscale, Québec et pays scandinaves : l’impôt des particuliers 18

tableau 3

Structure fiscale, Québec et pays scandinaves : les taxes à la consommation 18

tableau 4

Structure fiscale, Québec et pays scandinaves : l’impôt et les cotisations de sécurité sociale

18

Récapitulatif des taux de pression fiscale et des proportions des types de prélèvement, Québec, pays scandinaves et OCDE (2011)

19

tableau 6

Taux effectif par quintile de la TVQ (1997, 2009)

51

tableau 7

Taux effectif par quintile de la taxe sur les carburants (1997 à 2009)

52

Taux effectif par quintile de la taxe sur les boissons alcooliques (1997 à 2009)

53

tableau 9

Taux effectif par quintile de l’impôt sur le tabac (1997 à 2009)

54

tableau 10

Taux effectif par quintile de l’ensemble des taxes à la consommation (1997 à 2009)

55

tableau 5

tableau 8

11

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Liste des sigles

CFFP

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke

EDM

Enquête sur les dépenses des ménages

EDTR

Enquête sur la dynamique du travail et du revenu

Epa

Enquête sur la population active

ISQ

Institut de la statistique du Québec

OCDE

Organisation de Coopération et de Développement Économiques

PIB

Produit intérieur brut

TPS

Taxe sur les produits et services

TVQ

Taxe de vente du Québec

12

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Introduction En réaction à la crise de 2008 et à ses effets sur les finances publiques, le gouvernement du Québec a tenté de réduire son déficit de différentes façons. La voie d’abord privilégiée a été une réduction de la croissance des dépenses de l’État. Comme nous l’avions annoncé1, cette stratégie n’a pas eu les effets escomptés en ce qu’elle a contrecarré toute chance de reprise de l’économie québécoise. Lors de son dernier budget, le gouvernement du Québec a donc revu sa stratégie et a mandaté une équipe de spécialistes dans une commission appelée à réviser la fiscalité québécoise pour la rendre plus « compétitive » en favorisant les taxes à la consommation*a au détriment de l’impôt et aller chercher de nouveaux revenus équivalents à 650 M$2. Il est intéressant de constater que le gouvernement se penche sur des stratégies de hausse de ses revenus. Il pourrait le faire par une réduction des crédits d’impôt, dont ceux accordés aux entreprises. Par contre, les publications récentes du professeur Luc Godbout, nommé par le gouvernement à la tête de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise pour accroître l’efficacité, l’équité et la compétitivité du régime fiscal, nous laissent croire que cette commission cherchera plutôt cette compétitivité dans une hausse des taxes à la consommation3. Selon le fiscaliste, ces taxes sont moins régressives qu’on le croit, et le Québec aurait un retard à rattraper face aux pays scandinaves – et au reste de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – en ce domaine. Il croit que cela lui permettrait de renflouer les coffres du gouvernement tout en conservant une structure fiscale à la fois compétitive et relativement juste. Il n’est d’ailleurs pas le seul à défendre cette thèse qui fait de plus en plus d’adeptes4. De plus, le mandat même de la commission comprend l’invitation à « examiner la possibilité de revoir l’équilibre entre les différents modes de taxation »5. Il est donc important d’étudier de plus près cet enjeu. La présente étude a pour objet de vérifier les prémisses servant de base aux travaux de la commission. Nous tenterons d’abord de situer le « retard » du Québec en matière de taxes à la consommation. Ensuite, nous aborderons les différences structurelles importantes entre les pays scandinaves et le Québec ; on n’en tient généralement pas compte, mais elles sont essentielles pour comprendre les conséquences d’une hausse des taxes à la consommation. Pour terminer, nous étudierons le caractère régressif ou non des taxes à la consommation déjà en place au Québec.

a

Les mots suivi d’un astérisque sont définis dans le lexique. 13

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Chapitre 1

de toute autre forme d’impôt. Ces deux mesures serviront, dans les analyses du CFFP, à comparer dans un premier temps le Québec avec les autres pays de l’OCDE (dont les pays scandinaves) et à analyser, en second lieu, les diverses tendances évolutives, tant pour le poids de la fiscalité que pour les modes d’imposition, depuis 1981.

Sur quoi repose le « retard » du Québec ? Dans ce chapitre, nous exposons les bases de l’affirmation selon laquelle le Québec aurait un retard à combler, en matière de taxes à la consommation. Ce retard nous démarquerait des pays de OCDE, mais plus spécifiquement des pays scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège et Suède). Les travaux de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke, dont ceux de Luc Godbout, offrent les analyses les plus substantielles sur la question et défendent la thèse du retard à combler. Par contre, comme nous allons le voir, le poids de la fiscalité observé au Québec est plus proche de ceux des pays de l’OCDE que des records atteints dans les pays scandinaves. Le taux de pression fiscale* du Québec est donc plus bas que ceux observés dans les pays scandinaves. De plus, les travaux de la CFFP tendent à conclure trop rapidement à une tendance homogène des réformes fiscales à l’œuvre dans les pays scandinaves, et ce, tant au niveau des taux de pression fiscale que des modifications apportées à leur structure fiscale. Nous conclurons ce chapitre en démontrant que le « modèle scandinave » affiche un parcours différent de celui de l’OCDE pour ce qui est de l’évolution de la taxation entre 1981 et 2011 : celle-ci procède en direction inverse.

1.2 Le Québec face à la moyenne de l’OCDE La présente étude souhaite principalement vérifier la justification d’un appel au rattrapage fiscal du Québec face aux pays scandinaves, mais il n’est pas sans intérêt de fouiller la comparaison qu’établit la CFFP entre le Québec et la moyenne de l’OCDE, surtout en ce qui a trait aux particularités du régime fiscal québécois face à l’OCDE. Plusieurs études offrent des analyses plus détaillées7, mais ce que nous tenons à démontrer est la plus ou moins grande validité de la thèse voulant que le Québec se démarque des tendances de la majorité des pays de l’OCDE. En analysant le poids de la fiscalité au graphique 1, nous observons que le Québec présente un taux fiscal légèrement plus élevé que celui de l’OCDE. En 2011, les revenus provenant de la fiscalité représentent 34,1 % du PIB pour la moyenne de l’OCDE alors que pour le Québec, cette proportion est de 36,1 % du PIB. graphique 1 Comparaison de l’évolution du poids de la fiscalité, Québec et moyenne de l’OCDE (1981, 2001, 2011)

39 % 37 %

1.1 Comment mesure-t-on le « retard » ? Pour arriver à la conclusion d’un retard du Québec, les travaux de la CFFP font surtout appel à deux mesures : le taux de pression fiscale et la répartition des recettes selon la structure fiscale.

38,3 %

OCDE Québec

36,1 % 34,7 %

35 % 33,5 %

34,1 %

33 % 31,5 % 31 %

[L]e taux de pression fiscale est mesuré, dans chaque pays, par le rapport existant entre le volume des prélèvements obligatoires et le PIB. Il est l’indicateur le plus fréquemment utilisé pour déterminer le poids de la fiscalité. Ce rapport indique la part de la richesse nationale accaparée par la fiscalité6.

29 % 27 %

En d’autres termes, le taux de pression fiscalea mesure le pourcentage du PIB que représentent les différents impôts et taxes (tous paliers de gouvernement confondus), tandis que la répartition des recettes selon la structure fiscale expose la proportion des différents modes de prélèvement fiscaux par l’État. On calculera ainsi quels pourcentages des recettes proviennent de l’impôt des particuliers, de l’impôt des sociétés, des taxes à la consommation, des cotisations de sécurité sociale, de l’impôt sur le patrimoine et

25 %

1981

2001

2011

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 8.

En ce qui concerne l’évolution du poids de la fiscalité depuis 1981, le Québec suit la même tendance que la moyenne de l’OCDE, c’est-à-dire que lorsque ce poids augmente dans l’OCDE, il augmente aussi au Québec. De plus, comme la baisse du poids de la fiscalité a été plus marquée au Québec que dans l’OCDE entre 2001 et 2011, cela

a On parle souvent du « poids de la fiscalité » comme synonyme du taux de pression fiscale. Dans cette étude, nous ne faisons pas de distinction entre ces deux expressions. 15

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 2

Ce que les travaux du CFFP mettent en exergue sur le plan des transformations fiscales, c’est que le Québec n’aurait pas suivi la tendance à la diminution des impôts des particu4,8 % 6,2 % 26,2 % liers et à l’augmentation des taxes de vente et d’accise. Le graphique 2 nous expose la tendance de l’OCDE à privilégier une baisse des impôts des 4,7 % 8,3 % 22,2 % particuliers et une hausse des taxes à la consommation. Ainsi, pour l’OCDE, entre 1981 et 2011, la proportion moyenne de l’impôt des parti8,8 % 7,2 % 15,3 % culiers est passée de 31,2 % à 24,1 % de l’ensemble des revenus fiscaux. Ce transfert n’a pas seulement visé les taxes à la consommation, mais ce 12,9 % 9,1 % 10,1 % mode de ponction fiscale est passé d’une proportion de 22,2  % en 1981 à 28,2  % en Taxes à la consommation 2011. Le Québec a suivi cette Autre impôt tendance, mais de manière moins prononcée. Alors que l’impôt des particuliers passait de 37,1 % en 1981 à 35,6 % en 2011, les taxes à la consommation ont monté de 18,2 % à 19 % entre 1981 et 2011. Par conséquent, lorsqu’il est fait référence à un rattrapage du Québec face à l’OCDE, ce n’est pas du poids fiscal (proportion du PIB) dont il est question, mais d’une hausse du poids des taxes à la consommation en regard de l’ensemble des recettes fiscales*.

Comparaison de la répartition des recettes selon la structure fiscale, Québec et moyenne de l’OCDE (1981 et 2011)

OCDE 2011

24,1 %

28,2 %

10,5 %

OCDE 1981

31,2 %

24,2 %

9,5 %

Québec 2011

35,6 %

14,1 %

19,0 %

Québec 1981

37,1 %

12,6 %

18,2 %

Impôt sur le revenu des particuliers

Impôt des sociétés

Cotisations de sécurité sociale

Impôt sur le patrimoine

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 14.

manifesterait un effort plus important à cet égard. La nécessité d’une commission sur la fiscalité afin d’augmenter les revenus de l’État québécois n’est peut-être pas étrangère à cette baisse importante des revenus fiscaux observée depuis 2001. Il est même légitime de se questionner sur les décisions politiques visant à réduire plus rapidement que les pays de l’OCDE le poids de la fiscalité : les gouvernements du Québec et du Canada n’ont-ils pas engendré cette nécessité d’augmenter les revenus ? N’est-ce pas un aveu partiel de l’échec de la stratégie de la compétition fiscale ? Faute de données de l’OCDE plus récentes que celles de 2011, il est impossible de procéder à une analyse comparative plus à jour, qui inclurait entre autres pour le Québec l’implantation du nouveau palier d’imposition, la hausse de 1 % de la TVQ et les hausses des taxes sur l’essence, l’alcool et le tabac. « Chaque fois, [ le Québec ] obtient la réduction la plus marquée au sein de l’ensemble des juridictions comparées [ G7 et pays scandinaves ]8. » Par conséquent, en ce qui concerne le poids de la fiscalité, le Québec suit la même tendance, avec un peu plus de vigueur depuis 2001, que la moyenne des pays de l’OCDE. Cependant, selon le CFFP, c’est à une autre tendance qu’il faudrait prêter attention.

1.3 Les pays scandinaves et la tendance de l’OCDE Pour nous convaincre de la pertinence de hausser les taxes à la consommation, plusieurs analyses du CFFP 9 désignent les pays scandinaves comme ceux qui, malgré leur réputation de modèle de social-démocratie, auraient suivi les mêmes tendances que l’OCDE. Nous verrons dans cette section qu’en fait, les pays scandinaves n’ont pas tous suivi la même tendance en matière de pression fiscale. De plus, pour ce qui est de la structure fiscale, ce seraient plutôt les pays de l’OCDE qui auraient rattrapé les pays scandinaves plutôt que l’inverse lorsque l’on s’intéresse au poids des taxes à la consommation. En effet, la majorité des pays scandinaves (à l’exception de la Suède) ont maintenu ou réduit la part de ces taxes, alors que la moyenne de l’OCDE l’a augmentée. Cette tendance ne figure pas dans les constats de la CFFP. Au final, tout ce qui semble importer pour ces analystes est la

16

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 3 Comparaison de l’évolution du poids de la fiscalité du Québec et des pays scandinaves (1981-2011)

tableau 1

Pression fiscale, différence avec la moyenne de l’OCDE, Québec et pays scandinaves (1981, 2001, 2011)

55 %

50 %

45 %

40 %

1981

2001

2011

Danemark

11,3 %

13,8 %

13,6 %

Finlande

6,3 %

10,1 %

9,6 %

Norvège

12,4 %

8,2 %

8,4 %

Suède

16,2 %

14,7 %

10,1 %

Québec

2,0 %

3,6 %

2,0 %

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 10. Calculs des auteurs.

35 %

relativement stables. Il y a donc là un premier constat empirique : bien qu’ils aient des taux de pression fiscale beaucoup plus élevés que la moyenne de l’OCDE, les pays scandinaves ne forment pas un groupe homogène en ce qui a trait à l’évolution de leur pression fiscale au cours des 30 dernières années, en particulier quand ce taux est comparé à l’historique de la moyenne de l’OCDE. Les pays scandinaves possèdent des structures fiscales relativement similaires, notamment lorsqu’on analyse la place de l’impôt des particuliers et des taxes à la consommation dans la structure fiscale nationale, comme le montrent les tableaux 2 et 3. On note la spécificité du Danemark au chapitre de l’impôt des particuliers. Il représente plus de 50 % des revenus fiscaux danois, ce qui fait de ce pays une exception évidente. Par conséquent, nous nous attarderons surtout aux autres pays scandinaves pour l’analyse de l’évolution de l’impôt des particuliers. Analysons dans un premier temps la place qu’occupe l’impôt des particuliers dans l’ensemble des recettes fiscales et les modifications apportées à ce mode de taxation depuis 1981. En 2011, l’impôt des particuliers composait entre 23,2  % et 29,3% des recettes pour les pays scandinaves (en excluant le Danemark). Ces proportions sont moins importantes que celle observée au Québec (35,6 %). Le seul pays où cette proportion est semblable à la moyenne de l’OCDE est la Norvège.a Nous pouvons constater, au tableau 2, la tendance à laquelle les travaux de la CFFP font référence. Tous les pays scandinaves ont diminué leur proportion de l’impôt des particuliers entre 1981 et 2011, en suivant plus ou moins la tendance des pays membres de l’OCDE. Pour la moyenne de l’OCDE, la diminution est d’environ 7 points de pourcentage. La Finlande

Finlande

Norvège

Suède

Moyenne OCDE

Québec

09 20 11

07

20

05

20

03

Danemark

20

01

20

99

20

97

19

95

19

93

19

91

19

89

19

87

19

85

19

83

19

19

19

81

30 %

Source : Statistique OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 10 (pour le Québec).

proportion plus élevée de taxes à la consommation perçues dans les pays scandinaves comparativement au Québec. Comme le montre le graphique 3, les pays scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège, Suède) n’ont pas nécessairement suivi la même tendance que le Québec pour ce qui est du poids de leur fiscalité en regard du PIB. D’abord, tous ces pays affichaient encore en 2011 une pression fiscale nettement plus importante que le Québec. Alors que ce taux est de 36,1 % au Québec, les taux des pays scandinaves varient entre 42,5 % et 47,7 %. Le Québec a un taux de pression fiscale qui s’apparente bien plus à la moyenne de l’OCDE (34,1 %) qu’aux pays scandinaves. C’est en analysant l’évolution du taux de pression face à la moyenne de l’OCDE, indiquée au tableau 1, que l’hétérogénéité des pays scandinaves devient plus visible. Tel qu’expliqué précédemment, la performance du Québec suit une courbe similaire à celle de l’OCDE : lorsque la pression fiscale est à la baisse dans la moyenne des pays membres, elle l’est également au Québec, et vice-versa. Mais cette tendance n’est pas commune à tous les pays scandinaves. Alors que le Danemark et la Finlande, à l’instar de l’OCDE, ont augmenté leur taux de pression fiscale entre 1981 et 2001, la Norvège et la Suède l’ont diminué. Pour la période entre 2001 et 2011, où le taux moyen de pression fiscale des pays de l’OCDE était à la baisse, seule la Suède a suivi cette tendance, les autres pays scandinaves restant

 

a Par contre, comme nous l’avons vu, les taux de pression fiscale sont plus importants dans les pays scandinaves. Ce qui veut dire que, même si les proportions sont plus basses au Québec, le pourcentage du PIB que représente l’impôt des particuliers est similaire au Québec et dans les pays scandinaves. 17

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

tableau 2

Structure fiscale, Québec et pays scandinaves : l’impôt des particuliers Pourcentage du total Différence avec la des recettes 1981 moyenne de l’OCDE 1981

Pourcentage du total Différence avec la des recettes 2011 moyenne de l’OCDE 2011

Évolution entre 1981 et 2011

Danemark

52,9 %

21,7 %

50,7 %

26,6 %

-2,2 %

Finlande

36,8 %

5,6 %

29,3 %

5,2 %

-7,5 %

Norvège

26,6 %

-4,6 %

23,2 %

-0,9 %

-3,4 %

Suède

40,0 %

8,8 %

27,7 %

3,6 %

-12,3 %

Québec

37,1 %

5,9 %

35,6 %

11,5 %

-1,5 %

Moyenne de l’OCDE

31,2 %

-

24,1 %

-

-7,1 %

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 14. Calculs des auteurs. tableau 3

Structure fiscale, Québec et pays scandinaves : les taxes à la consommation Pourcentage du total Différence avec la des recettes 1981 moyenne de l’OCDE 1981

Pourcentage du total Différence avec la des recettes 2011 moyenne de l’OCDE 2011

Évolution entre 1981 et 2011

Danemark

34,7 %

10,5 %

29,4 %

1,2 %

-5,3 %

Finlande

30,0 %

5,8 %

29,5 %

1,3 %

-0,5 %

Norvège

29,2 %

5,0 %

24,7 %

-3,5 %

-4,5 %

Suède

21,2 %

-3,0 %

27,4 %

-0,8 %

6,2 %

Québec

18,2 %

-6,0 %

19,0 %

-9,2 %

0,8 %

Moyenne de l’OCDE

24,2 %

-

28,2 %

-

4,0 %

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 14. Calculs des auteurs.

a diminué sa proportion d’autant de points, tandis que la Norvège l’a diminué de 3,4 points. C’est la Suède qui a orchestré le changement le plus significatif, passant de 40 % à 27,7 %. Par conséquent, le Québec, qui a réduit sa proportion d’impôt des particuliers de 1,5 point, n’a pas suivi la tendance de l’OCDE et des pays scandinaves. Mais est-ce que cela signifie pour autant que les pays scandinaves ont transféré cette baisse de la proportion de l’impôt de particuliers en une hausse de la proportion de leurs taxes à la consommation ? Avant d’analyser la tendance évolutive de la proportion des taxes à la consommation, exposons la situation actuelle pour les pays scandinaves et le Québec en regard de la moyenne de l’OCDE. Comme le montre le tableau 3, pratiquement tous les pays scandinaves ont une proportion des taxes à la consommation proche de la moyenne des pays de l’OCDE. Les proportions pour le Danemark, la Finlande et la Suède varient entre 27,4 % et 29,5 %, alors que la moyenne de l’OCDE est de 28 %. En ce qui concerne

tableau 4 Structure fiscale, Québec et pays scandinaves : l’impôt et les cotisations de sécurité sociale

Impôt des sociétés

Cotisations de sécurité sociale

 

1981

2011 

1981

2011 

Danemark

2,8 %

6,3 %

1,7 %

2,1 %

Finlande

4,1 %

6,3 %

23,0 %

28,9 %

Norvège

16,6 %

25,4 %

21,0 %

22,3 %

Suède

5,5 %

17,4 %

30,0 %

22,9 %

Moyenne de l’OCDE

9,5 %

10,5 %

22,2 %

26,2 %

Québec

12,6 %

14,1 %

10,0 %

15,3 %

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 14. 18

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

la Norvège, celle-ci affiche une proportion inférieure de montre le tableau 4, ces augmentations de la part de 3,5 points à la moyenne de l’OCDE. Comme pour l’impôt l’impôt des sociétés varient entre 3 et 12 points de des particuliers, c’est le Québec qui fait figure d’exception pourcentage, dans des proportions non homogènes avec une proportion de 19  %. Cela révèle le portrait entre les pays scandinaves. L’apport des cotisations aujourd’hui, mais sans nous permettre de conclure si les sociales est lui aussi important dans la majorité des pays scandinaves ont suivi la tendance de l’OCDE ; pour le pays scandinaves (sauf le Danemark). Cet apport est savoir, il faut observer l’évolution de cette proportion. moins important au Québec (15,3 %) que dans les pays En fait, ce que nous observons entre 1981 et 2011, c’est un scandinaves et même que dans la moyenne des pays de rattrapage de l’OCDE sur les pays scandinaves qui s’effectue l’OCDE. Sa proportion varie entre 22 % et 29 % dans les en partie par une augmentation de la proportion des taxes à pays scandinaves (sauf pour le Danemark). S’il y a une la consommation pour la moyenne de l’OCDE, conjuguée à tendance à dégager de l’évolution de la structure fiscale une diminution de cette proportion chez certains pays des pays scandinaves, elle se tient à une réduction de la scandinaves. Ainsi, l’OCDE serait passée d’une proportion proportion des taxes à la consommation et de l’impôt de 24,2 % des taxes à la consommation en 1981 à une prodes particuliers et à un apport accru de l’impôt des portion de 28,2 % en 2011. Si nous analysons les pays scansociétés et des cotisations sociales. C’est une tendance dinaves, nous observons encore une fois (comme pour le que le Québec n’a pas suivie, et que l’on ne s’attend pas à taux de pression fiscale) qu’ils ne forment pas un groupe voir mise de l’avant par la CFFP et les analystes néolibéhomogène. À l’instar des 19 % du Québec, la Finlande a préraux de cette conjoncture. servé une proportion stable des taxes à la consommation (près de 30  %) sur l’ensemble des revenus de l’État. Par 1.4 De quel retard pour le Québec parlons-nous vraiment ? contre, le Danemark et la Norvège ont réduit d’environ 5 points leur proportion des taxes à la consommation. Seule L’analyse détaillée des chiffres qu’utilise la CFFP nous perla Suède a suivi la direction de la moyenne de l’OCDE, faimet de proposer quelques conclusions préalables en ce qui sant elle aussi augmenter sa proportion, qui est passée de concerne les structures fiscales des pays scandinaves et du 21,2 % à 27,4 %. Québec. Comme le montre le tableau 5, le Québec affiche L’analyse comparative de l’évolution de la structure fisaujourd’hui un taux de pression fiscale qui est plus proche cale des pays scandinaves et de l’OCDE démontre d’un côté de la moyenne de l’OCDE que les taux observés dans les un recul des pays scandinaves au niveau de la proportion pays scandinaves. de l’impôt des particuliers et, de l’autre, un rattrapage de tableau 5 Récapitulatif des taux de pression fiscale et des proportions des types de prélèl’OCDE en ce qui concerne vement, Québec, pays scandinaves et OCDE (2011) les taxes à la consommation. Cet élément peut sembler Taux de pression Impôts des Taxes à la Impôt des Cotisations fiscale particuliers consommation sociétés sociales anodin, mais il permet de constater les limites de l’afDanemark 47,7 % 50,7 % 29,4 % 6,3 % 2,1 % firmation voulant que les 43,7 % 29,3 % 29,5 % 6,3 % 28,9 % pays scandinaves aient suivi Finlande la tendance vers un relèveNorvège 42,5 % 23,2 % 24,7 % 25,4 % 22,3 % ment accru des taxes à la 44,2 % 27,7 % 27,4 % 17,4 % 22,9 % consommation adoptée par Suède les pays de l’OCDE. Ces derQuébec 36,1 % 35,6 % 19,0 % 14,1 % 15,3 % niers optaient déjà en 1981 pour une proportion de Moyenne de 34,1 % 24,1 % 28,2 % 10,5 % 26,2 % taxes à la consommation l’OCDE plus élevée qu’ailleurs. Et aujourd’hui, dans la majo- Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 14. rité des pays scandinaves, le choix fiscal consiste principalement à réduire la De plus, puisque le Québec a préservé une structure fiscale part des taxes et impôts incombant spécifiquement relativement similaire entre 1981 et 2011 en ce qui aux individus en percevant plus d’impôts auprès des a trait à la proportion de l’impôt des particuliers et des taxes à sociétés et par les cotisations sociales. a Comme le la consommation, et comme l’OCDE a diminué la proportion des impôts et augmenté celle des taxes, l’on remarque a Comme cette note repose sur l’analyse de l’impôt des particuliers et des taxes à la consommation, nous ne faisons que souligner cette réalité

empirique qui est absente de l’analyse dans les principaux travaux de la CFFP. 19

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

aujourd’hui une différence importante entre le poids de ces deux modes de prélèvements fiscaux. Différence que nous observons également lorsque le Québec est comparé aux pays scandinaves.  Dans les pays scandinaves, la proportion des taxes et celle des impôts s’apparentent toutes deux à celles de l’OCDE, ce qui n’est pas le cas pour le Québec. Mais cette tendance à l’uniformisation des structures fiscales entre les pays scandinaves et l’OCDE ne provient pas de modifications similaires de part et d’autre. Alors que la majorité des pays scandinaves diminuaient ou maintenaient leur proportion des taxes à la consommation, l’OCDE l’augmentait. C’est à ce double mouvement que l’on doit la similarité observée. Bien que les travaux de la CFFP étudient les transformations historiques des structures fiscales, la diminution du recours aux taxes à la consommation dans les pays scandinaves (sauf la Suède) n’est jamais prise en compte dans leurs conclusions et recommandations. Mais si la seule chose qui importe est que le Québec calque sa fiscalité sur la moyenne de l’OCDE, à quoi bon tenir compte de l’évolution de ces paramètres dans les pays scandinaves ? C’est que les modifications fiscales de l’OCDE en matière de taxes à la consommation font état d’une évolution inverse à celle proposée et observée dans les pays scandinaves. Ces derniers réduisent l’apport des taxes à la consommation, alors qu’il augmente pour la moyenne de l’OCDE. Notons aussi que les études en question ne soulignent pas du tout la place plus importante de l’impôt des sociétés et des cotisations sociales dans la structure fiscale scandinave, un élément pourtant essentiel des transformations fiscales en cours. En somme, l’utilisation des mots « retard » et « rattrapage » tentent d’accréditer l’idée que le Québec résisterait à un progrès auquel même les pays scandinaves auraient emboîté le pas. Mais les données historiques démentent ce portrait. Parler de la nécessité d’un rattrapage québécois de la moyenne de l’OCDE pour ce qui est de la proportion des taxes à la consommation, en sous-entendant que c’est la voie qu’ont choisie les pays scandinaves, ne trouve pas de validation dans les données utilisées, mais semble participer plutôt d’une rhétorique appuyant un choix politique : celui d’augmenter les taxes à la consommation.

20

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Chapitre 2

l’origine du changement observé. Le recours à la moyenne de l’OCDE pose également un problème statistique. Celle-ci n’est pas pondérée, ce qui veut dire qu’un petit pays comme l’Islande y a exactement le même poids que les États-Unis dans le calcul de la moyenne. Cela réduit grandement la validité statistique et scientifique d’une telle moyenne dans une analyse visant à comprendre les dynamiques de transformations fiscales internationales. Les comparaisons entre pays présenteront plus de validité. Autre problème : les taux de pression fiscale cités ne font pas de distinction entre les prélèvements fiscaux effectués dans les secteurs public et privé. Cette indistinction grève également les proportions des différents modes fiscaux. « Le taux de pression fiscale n’est pas un indicateur des prélèvements nets opérés sur l’activité économique privée12. » Ce qu’il faut comprendre, c’est que les différents paliers de gouvernement ne font pas que récolter des taxes et impôts du secteur privé et des individus, ils en paient également. En conséquence, plus un État est un employeur et un consommateur central dans l’économie nationale, plus sa participation sera importantea. C’est pourquoi il faut se garder du raccourci analytique consistant à croire que le taux de pression fiscale représente le taux de pression fiscale que l’État applique aux individus et aux entreprises privées. L’utilisation que fait la CFFP de la répartition des recettes dans la structure fiscale13 vise à contourner un autre écueil du taux de pression fiscale. Celui-ci n’offre pas de portrait des différents types de prélèvement. Mais cet outil de comparaison comporte également certaines limites qui doivent être exposées. Comme pour le taux de pression fiscale, la répartition des recettes par types de prélèvements se présente principalement sous la forme d’une proportion. Un poids différent entre deux périodes n’implique pas nécessairement une modification du type de prélèvement concerné. Si, par exemple, les taxes à la consommation sont passées de 10 % à 20 % des prélèvements sur une période de 20 ans, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il y a eu augmentation des taxes. Il se peut par exemple que les impôts des particuliers et des sociétés aient diminué sans que les taxes à la consommation aient été modifiées, d’où une baisse de l’ensemble des revenus de l’État, qui se traduit automatiquement par une augmentation de la proportion des taxes à la consommation. En somme, il ne faut pas voir une baisse ou une hausse de la proportion d’une catégorie comme reflétant une modification directe de cette catégorie. Par ailleurs, si l’on compare deux pays et que l’on remarque chez l’un une proportion plus élevée des taxes à la consommation, cela ne

Les limites d’une analyse basée sur le poids de la fiscalité et la structure fiscale Comme nous l’avons exposé dans le chapitre précédent, l’idée d’un retard du Québec avancée par le CFFP repose principalement sur la comparaison de deux paramètres, soit le taux de pression fiscale et la répartition des recettes dans la structure fiscale. Ces outils de comparaison comportent des limites analytiques qu’il est impératif de souligner afin d’éviter des conclusions trop hâtives ou partielles. Toutes les critiques méthodologiques et analytiques contenues dans ce chapitre ne visent pas spécifiquement les travaux du CFFP. Mais, vu l’ascendant accordé aux travaux de la Chaire, la classe politique québécoise a tendance à s’y référer directement sans en percevoir les risques d’écueils analytiques. Ce chapitre vise donc à mettre en exergue les limites grevant ces outils de comparaison afin de ne pas entamer le débat public entourant les politiques fiscales sur la base de fausses prémisses et de conclusions que les travaux de la CFFP ne contiennent pas. D’ailleurs, la majorité des mises en garde exposées ici figurent également dans leurs travaux10 ; mais leur rappel s’impose. Pour ce faire, nous détaillerons deux perspectives critiques des outils utilisés. La première concerne les limites explicatives d’un tel exercice de comparaison. La seconde expose plutôt les angles morts analytiques qui sont inhérents à l’utilisation de tels outils de comparaison.

2.1 Les limites explicatives des différences observées dans le temps et entre les pays Le taux de pression fiscale (ou poids de la fiscalité) utilisé aux fins de comparaison entre le Québec et les pays de l’OCDE ou dans le temps ne désigne qu’une chose : la proportion des revenus fiscaux par rapport au PIB. Mais une augmentation ou une diminution de ce taux, constatée dans le temps ou entre deux territoires, n’implique pas nécessairement une évolution fiscale nationale. Il faut comprendre que dans l’examen d’une proportion, toute augmentation ou diminution absolue de ses variables va modifier la proportion en question. En termes plus concrets, si l’on observe une diminution de 1 % du taux de pression fiscale au Québec entre deux années, il y a principalement deux explications possibles. La plus intuitive est de conclure que les taxes et impôts ont diminué. Mais il se peut aussi que la différence observée tienne à une augmentation du PIB. En somme, « [ l ]e taux de pression fiscale est autant tributaire des variations du PIB que de celles des recettes fiscales ».11 Il faut par conséquent poursuivre l’analyse pour repérer

a Il faut par contre noter que les revenus des entreprises étatiques ne sont pas inclus dans le calcul. Par exemple, les profits (dividendes versés au gouvernement) d’Hydro-Québec ne sont pas pris en compte dans le calcul du taux de pression fiscale, mais les charges fiscales de ses employé·e·s le sont. 21

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

veut pas dire que ce pays perçoit plus de taxes à la consommation que l’autre. Tout ce que cela veut dire, et les travaux de la CFFP en font état, c’est qu’un État a fait le choix d’utiliser davantage un mode fiscal qu’un autre ; mais, comme il s’agit d’une proportion, le montant absolu de taxe payé peut être plus petit même si sa proportion de l’ensemble des prélèvements est plus grande.

2.2 Les angles morts des outils de comparaison Au-delà des risques de comparaisons fautives entre le Québec et les pays scandinaves que nous venons d’exposer, il faut également noter l’absence au dossier de certains aspects importants du domaine fiscal. Nous soulignerons deux angles morts des comparaisons traitées ici, pourtant souvent tenus pour importants dans les débats entourant la fiscalité des individus. Le premier élément est la répartition dans la population du fardeau fiscal, soit qui paie de l’impôt. Il y a, à ce sujet, plusieurs études qui comparent les charges fiscales des ménages entre le Québec et d’autres pays ou provinces canadiennes. Encore une fois, l’utilisation des mots « retard » et « rattrapage » viennent nourrir l’idée que le Québec résisterait au progrès14. Bien que ces études aboutissent à des conclusions différentes, elles concluent toutes que la charge fiscale au Québec est plus basse que celle observée dans les pays scandinaves. Une réflexion sur l’impôt et les taxes des individus ne peut faire l’économie de conclusions antérieures, surtout lorsqu’elles sont encore valides. Le second élément qui n’est pas pris en compte est le mécanisme de redistribution existant dans les pays à l’étude. Le taux de pression fiscale et la répartition des recettes selon la structure fiscale ne prennent en compte que le financement de l’État par l’entremise de la fiscalité. La manière dont sont utilisés ces revenus est totalement absente de l’analyse et éclipse de ce fait la fonction redistributive de la fiscalité15. On nous donne le poids fiscal, mais sans préciser si les revenus en cause sont bien utilisés. C’est dire qu’un poids fiscal inférieur ou supérieur ne nous apprend rien des effets concrets de l’impôt. Ces quelques mises en garde sur d’éventuelles erreurs d’analyse d’une simple comparaison des taux de pression fiscale et des proportions des recettes fiscales n’ont rien d’exhaustif. Mais ces erreurs nous semblent être les plus communes. Elles démontrent également l’utilité limitée de ces deux outils. Il faut les prendre pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des instruments permettant d’arriver à un portrait général intéressant de la fiscalité du Québec et des pays scandinaves. Cependant, prendre des décisions politiques de changements fiscaux sur la seule base de telles mesures statistiques serait hasardeux. Il est nécessaire d’y ajouter d’autres éléments d’analyse qui offrent une lecture plus détaillée des spécificités nationales de la conjoncture québécoise.

22

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Chapitre 3

Utilisation des taxes à la consommation et le coefficient de Gini (2011)

Le Québec a-t-il une structure économique et fiscale semblable à celle des pays scandinaves ?

3,5 États-Unis

R 2 = 0,3225

Moins de taxes

graphique 4

3,0

2,5 Canada Québec

2,0 Danemark 1,5

Italie Finlande Allemagne Suède Norvège France

1,0

0,5 0,40 0,38 0,36 0,34 0,32 0,30 0,28 0,26 0,24 0,22 0,20 Plus d’inégalités

Plus de taxes

Royaume-Uni

Ratio IR/IC

L’idée d’un rattrapage fiscal, soit principalement un glissement de l’impôt des particuliers vers une plus grande part des taxes à la consommation, repose sur un portrait comparatif qui ne prend pas ou très peu en considération ce qui se passe en amont et en aval de l’action fiscale du gouvernement. Le type de prélèvement fiscal* basé sur des taxes de vente et d’accise est par essence régressif16, c’est-àdire que, dans une application intégrale, plus le revenu augmente, plus le poids fiscal diminuea. De plus, les décisions de modifications fiscales ne touchent pas tous les groupes d’individus de la même manière et peuvent même engendrer plus d’inégalités, même si ces changements semblent marginaux. C’est ce qu’a récemment démontré à Ottawa le Directeur parlementaire du budget, à propos de différentes réformes orchestrées par le gouvernement fédéral depuis 200517. De plus, le Québec, à l’instar de la majorité des pays de l’OCDE dont les pays scandinaves18, a connu une hausse des écarts de revenus au cours des 30 dernières années19. Quel lien existe-t-il entre les inégalités de revenu et les taxes à la consommation ? Selon Stéphane Paquin et Luc Godbout :

Moins d’inégalités

Coefficient de Gini

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org ; Institut de la statistique du Québec (ISQ), www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/ revenu/inegalite-revenu (pour le Québec).

Utilisation des taxes à la consommation et le coefficient de Gini (2011), sans les États-Unis 2,5 R = 0,0001 2

[ l ]orsque l’on regarde la corrélation entre pays qui utilisent largement la taxe de vente et les inégalités de revenus mesurées par l’indice de Gini, on constate la relation inverse. [ … ] Les pays qui utilisent largement les taxes à la consommation tendent à être moins inégalitaires.20

Moins de taxes

graphique 5

2,0

Canada Québec Danemark

Au graphique 4, nous avons reproduit et mis à jour le graphique auquel les deux chercheurs font référence.b Globalement, au regard du graphique et de l’analyse partielle que les auteurs en font, nous pourrions croire qu’il y a une relation de cause à effet entre les inégalités (coefficient de Gini*) et une plus grande utilisation des taxes à la consommation (ratio IR/IC*). Il existe par contre plusieurs problèmes avec ce graphique, tant au niveau statistique qu’au niveau analytique. Le premier problème statistique qu’il est nécessaire de souligner est au niveau de la force de la corrélation. Si l’on peut voir une droite de régression qui tend à présenter une corrélation inverse (c’est-à-dire que plus le coefficient de Gini est bas, plus l’utilisation des taxes à la consommation est élevée),

Royaume-Uni

Allemagne Finlande Suède France Norvège

1,0

Ratio IR/IC

1,5

Italie

0,36

0,34

Plus d’inégalités

0,32

0,30

0,28

0,26

Coefficient de Gini

0,24

0,22

0 0,20

Plus de taxes

0,5

Moins d’inégalités

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org ; ISQ, www.stat.gouv.qc.ca/ statistiques/conditions-vie-societe/revenu/inegalite-revenu (pour le Québec).

il faut aussi noter que la plupart des points sont relativement éloignés de cette droite. Ce qui veut dire que la corrélation n’est pas très forte et c’est d’ailleurs ce qu’expose le coefficient de détermination* R2 de 0,3225. Plus le R2 est près de 0, moins cette corrélation est importante. Et surtout, les résultats sont parfois tronqués en statistique par une donnée dite

a Nous verrons plus loin que, malgré ce qu’affirme le CFFP, c’est toujours le cas au Québec. b De plus, nous y avons également ajouté le coefficient de détermination (R2) qui permet de mesurer la qualité de la régression linéaire simple. Le R2 se situe entre 0 et 1. Plus il est près de 1, plus la corrélation est forte. 23

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

aberrante. Dans le cas qui nous occupe, cette corrélation est engendrée par les États-Unis qui se démarquent particulièrement des autres pays à l’étude. Si l’on reproduit le même graphique sans ceux-ci, nous arrivons avec un résultat complètement différent, comme le montre le graphique 5. Dans le graphique 5, il n’y a aucune corrélation, le coefficient de déterminant (R2) se trouvant très près de 0. En fait, ce graphique permettrait de conclure qu’il n’y a aucune corrélation entre les deux variables, et ce, seulement s’il y avait un intérêt empirique de les mettre en corrélation. C’est ce qui pose le deuxième problème de l’utilisation d’un tel graphique. Il faut comprendre que le graphique 4 est utilisé par Paquin et Godbout pour prévenir les arguments des critiques de l’aspect régressif des taxes à la consommation. « Une autre crainte [ … ] est basée sur l’idée que les taxes à la consommation sont fondamentalement régressives dans la mesure où la part du revenu consommé décroît avec la hausse des revenus. »21 Leur seule réponse dans ce texte est de montrer le graphique en soulignant que les pays qui utilisent le plus les taxes à la consommation sont des pays avec les plus bas coefficients de Gini. Ce qui laisse sous-entendre, en particulier avec l’utilisation d’une corrélation comme outil statistique de la démonstration, que si l’on veut préserver un bas coefficient de Gini, nous pouvons utiliser plus de taxes à la consommation. Pourtant, nul besoin d’un outil statistique pour comprendre que lorsque l’on mesure les inégalités de revenu après impôt et transferts, les taxes à la consommation ne font pas partie de l’équation, car elles n’affectent pas le revenu disponible, mais bien les dépenses faites à partir de celui-ci. Donc, que ces taxes augmentent ou diminuent, le coefficient de Gini ne sera pas affecté. Par exemple, si une personne a un revenu après impôt et transferts de 25 000 $ en 2012 et que l’on augmente la TVQ de 1 % en 2013 alors que si cette personne conserve le même salaire avec le même nombre d’heures, elle aura encore un revenu de 25 000 $ en 2013, et ce, nonobstant la hausse de la taxe. En somme, les revenus après impôt et transferts sur lesquels repose l’indice de Gini sont calculés « avant taxe ». Comme les deux mesures (Gini et l’utilisation des taxes à la consommation) ne partagent aucune relation, il n’y a aucune raison valide ni au niveau statistique, ni au niveau analytique d’utiliser une régression linéaire. Par conséquent, il est tout à fait légitime de se questionner sur la validité méthodologique de l’utilisation même de cet outil statisitque par les deux auteurs.. S’il faut mettre en lien et analyser les questions des inégalités de revenu et de la taxation, c’est dans un tout autre registre que nous devons le faire. Nous devons d’abord voir si la structure fiscale et économique du Québec et des pays scandinaves sont ou non égalitaires. Ensuite, il faut établir si les taxes à la consommation sont effectivement régressives ou non. Voilà ce qui nous permettra d’établir la pertinence ou non de hausser ces taxes.

Il est donc primordial d’analyser les structures des inégalités nationales du Québec et des pays scandinaves ainsi que les effets de redistribution sur le revenu disponible des différents régimes fiscaux. Ceci va nous permettre, dans un premier temps, de comprendre pourquoi, malgré une proportion de taxes à la consommation plus importante que le Québec, et ce, depuis plus de 30 ans, les pays scandinaves présentent moins d’inégalités socio-économiques que le Québec22. En second lieu, cette analyse permettra en partie de comprendre qu’un virage vers les taxes à la consommation au Québec risque d’engendrer des effets substantiellement plus régressifs que ce qui est observé dans les pays scandinaves. Ces effets plus importants seraient le corollaire d’une structure plus inégalitaire au Québec des revenus à la fois dans le marché du travail et dans la répartition des revenus après les impôts et les transferts que dans les pays scandinaves.

3.1 Outils d’analyse et de comparaison des inégalités de revenu Il existe une foule d’outils pour mesurer les inégalités23. Aucun ne fait pleinement consensus, ni ne fournit un portrait complet de ce que l’on veut mesurer. L’utilisation d’une seule mesure offrirait donc une lecture trop partielle. De plus, comme le présent chapire entend comparer le Québec et les pays scandinaves, il est nécessaire d’utiliser des outils qui sont à la fois disponibles et reconnus comme fiables. À l’instar de l’OCDE, nous ferons ici appel à la mesure du coefficient de Gini et au rapport interdécile*a. Le coefficient (ou indice) de Gini est probablement la mesure des inégalités la plus utilisée. Même si son calcul est relativement complexe, son interprétation est somme toute assez simple : Les valeurs du coefficient de Gini varient entre 0 et 1. Une valeur de zéro indique que le revenu est également divisé entre les membres de la population : toutes les unités recevant exactement le même montant de revenu. Par contre, un coefficient de Gini de 1 dénote une distribution parfaitement inégale au sein de laquelle une unité possède l’ensemble du revenu de l’économie. Une diminution de la valeur du coefficient de Gini peut, dans une large mesure, être interprétée comme une diminution de l’inégalité, et vice versa24.

Le coefficient de Gini offre donc un portrait d’ensemble de la distribution et comporte aussi l’avantage d’être applicable à différentes populations (population active, population en âge de travailler…) et à différentes sources de revenus (revenu du marché, revenu disponible…). Mais il comporte aussi des désavantages et des limites. Le premier désavantage est sa a Dans la documentation concernant les outils d’analyse des inégalités, l’on croise également le ratio interdécile, dont le calcul est légèrement différent (le ratio est établi à partir des revenus médians des déciles D1 et D9 plutôt que des limites supérieures). Mais l’interprétation des résultats s’effectue sur les mêmes bases que pour le rapport interdéciles. Nous avons ici privilégié le rapport au ratio pour la simple raison d’arrimer notre méthodologie à celle utilisée par l’OCDE en vue d’une normalisation des mesures. 24

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

présentation relativement abstraite des inégalités. Par exemple, puisque le coefficient se trouve entre 0 et 1, une différence entre deux Gini de 0,25 semble dans l’absolu bien faible, malgré qu’elle représente une différence très importante, soit 25 % du coefficient total. De plus, ce coefficient ne donne pas un portrait très clair de la distribution interne des inégalités, ni de la proportion des inégalités entre les différents groupes de revenus. C’est principalement pour ces deux raisons qu’il faut y ajouter d’autres outils de mesure afin de dresser un portrait plus complet et précis. Pour brosser une version plus complète de la comparaison entre le Québec et les pays scandinaves que ce que donnerait une analyse exclusive des inégalités au moyen de l’indice de Gini, nous comparerons également les rapports interdéciles. Les déciles* sont une répartition en fonction du revenu de la population en 10 tranches égales. Ainsi, le premier décile (D1) est formé du 10 % le plus pauvre. Le dixième décile (D10) est le 10 % le plus riche de la population. Les rapports interdéciles permettent de mesurer l’étendue des différences de revenus entre ces différents déciles. Dans la présente étude, nous examinerons trois rapports interdéciles. « Le rapport interdécile D9/D1 est le rapport de la valeur supérieure du neuvième décile [ … ] à celle du premier décile. Le rapport interdécile D5/D1 est le rapport du revenu médian à la valeur supérieure du premier décile »25. Nous analyserons également le rapport interdécile D9/D5. Le rapport interdécile D9/D1 est donc une mesure de la dispersion entre le revenu maximal de l’avant-dernier décile des plus hauts revenus (D9)a et celui du premier décile (D1). Quant aux rapports D5/D1 et D9/D5, ils mesurent la différence entre la population ayant un revenu médian (D5) et celle des personnes les plus pauvres (D1) et les plus riches (D9). De manière plus concrète, un rapport interdécile (D5/D1) qui serait de 2 voudrait dire que les revenus médians de la population sont le double du maximum gagné dans le premier décile (D1). Le rapport interdécile permet donc de cibler plus spécifiquement dans quelles tranches de revenu se retrouvent les inégalités identifiées avec l’indice de Gini, tout en permettant d’offrir un portrait plus concret de la situation en mesurant la distance entre différentes tranches de la population. L’analyse est d’ordre comparatif, nous ne tentons pas de déterminer ici si les inégalités au Québec sont d’une dimension acceptable ou non. Ce n’est pas l’objet de la présente étude et nous avons présenté ailleurs les dynamiques historiques des inégalités.26

3.2 Marché du travail et inégalités au Québec et en Scandinavie Si l’on souhaite comparer les inégalités de revenu avant l’effet de la redistribution, un premier portrait se dégage de l’indice de Gini représenté au graphique 6. L’indice de Gini que nous avons privilégié pour cette analyse est celui portant sur la population âgée entre 16 et 65 ans et s’applique sur le revenu avant impôt et transferts. Le choix de retirer les personnes de plus de 65 ans s’explique en raison des inégalités internes très importantes de ce groupe lorsque l’on ne considère pas les transfertsb. Ceci tient surtout au fait que pour plusieurs des personnes de ce groupe d’âge, la principale source de revenu provient de transferts provinciaux ou fédéraux, sous forme de pensions. Les inclure dans l’analyse ne facilitait pas un premier regard sur la structure des revenus liés au marché de l’emploi. 6 Indice de Gini avant impôt et transferts pour les personnes en âge de travailler, Québec et pays scandinaves (2011)

graphique

1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4

0,389

0,421

0,443 0,392

0,371

Norvège

Suède

0,3 0,2 0,1 0 Danemark

Finlande

Québec

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; ISQ, www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/inegalite-revenu (pour le Québec).

Le premier constat est que, dans tous les cas, l’indice de Gini est plus élevé au Québec que dans les pays scandinaves. La différence entre le Québec (0,443) et la Finlande (0,421) est la moins prononcée, avec une différence de 0,022. Mais cette différence atteint près de 0,072 avec la Suède. Rappelons encore une fois que même si cette différence semble bien peu, elle demeure significative, et nous pouvons avancer que le Québec connaît une plus grande inégalité des revenus avant impôt et transferts que la majorité des pays scandinaves en ce

a Vu ce type de calcul, il n’est malheureusement pas possible de calculer le rapport avec le dernier décile. Puisque le calcul se fait à partir du revenu fermant le décile, la limite supérieure du dernier décile serait celui de la personne gagnant le plus au pays. Il est possible de la calculer pour le Québec avec la médiane du dernier décile, mais ces données ne sont pas disponibles pour les pays scandinaves. Il est par conséquent évident que cet outil de mesure comporte un biais important, du fait de soustraire de l’analyse les 10 % les plus riches de la population, biais qu’il faut garder en tête lors de l’analyse.

b Si l’on mesurait l’indice de Gini pour cette population de plus de 65 ans avant l’action des impôts et des transferts pour le Québec, l’indice de Gini serait d’environ 0,71. 25

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

qui concerne la population en âge de travailler. C’est dire que le marché de l’emploi y serait donc plus inégalitaire. Cependant, comme tous les outils, le coefficient de Gini a ses limites et il ne faut pas juger trop rapidement : il peut y avoir d’autres facteurs explicatifs. La définition de la population visée, c’est-à-dire « en âge de travailler », ne signifie pas que toutes ces personnes travaillent. Toutefois, si l’on compare les taux d’activité et les taux d’emploi, la différence entre le Québec et les pays scandinaves n’est pas assez importante pour avoir un grand impact sur l’indice de Gini. L’écart le plus important pour le taux d’activité est observé avec le Danemark (80,3 %), avec une différence de plus ou moins 3 %. Le Québec à même un taux d’activité plus élevé que la Suède, soit de près de 4 points de pourcentage. En ce qui concerne le taux d’emploi, le Québec devance la Finlande d’environ 2 %, mais présente un retard quasi similaire sur la Suède qui a le taux d’emploi le plus élevé, soit près de 80 %27. En fait, la comparaison des taux d’activité et d’emploi au Québec avec ceux des pays scandinaves fait valoir que le Québec ne se démarque pas particulièrement dans un sens ou dans l’autre. Par conséquent, puisque la différence entre les indices de Gini observés au graphique 6 ne peut s’expliquer par le dynamisme du marché de l’emploi, on peut légitimement supposer que l’indice présente des inégalités sur le marché du travail, c’est-à-dire sur le revenu des individus. C’est ce que nous vérifierons maintenant avec l’analyse des rapports interdéciles. Contrairement à l’analyse de l’indice de Gini, la comparaison des rapports interdéciles s’effectue sur la population en emploi et ne prend pas en compte d’autres revenus que ceux qui lui sont associés. Par exemple, le rapport interdécile que nous étudions ici n’intègre pas les revenus de dividendes ou de capital. Le rapport interdécile permet donc de comparer les différences entre le Québec et les pays scandinaves sur le plan du salaire bruta. C’est à proprement parler une analyse ne portant que sur le marché du travail salarié. Comme on le constate aux graphiques 7, 8 et 9, pour chacun des trois rapports (D5/D1, D9/D5 et D9/D1), le Québec présente une plus grande inégalité de répartition des revenus provenant de l’emploi. Mais les écarts entre le Québec et les pays scandinaves ne sont pas toujours aussi marqués : ils changent selon les déciles comparés. Le premier rapport interdécile faisant l’objet de notre comparaison est celui du 1er et du 5e décile. Rappelons que le rapport avec le 5e décile équivaut à calculer un rapport sur la base de la médiane de la population. Ce qui veut dire que, dans le graphique 7, on compare le plus haut salaire du premier décile avec le salaire qui sépare en deux parties égales l’ensemble des salaires. Dans le cas du Québec, en 2012, le

plus haut salaire accessible pour les gens du premier décile (environ 10 $ l’heure) est deux fois moindre que le salaire que perçoit (un peu moins de 20  $ l’heure) la personne avec le plus haut salaire du 5e décile. Si nous comparons la situation avec l’équivalent dans les pays scandinaves, nous observons que leurs plus bas salaires se rapprochent plus de la médiane qu’au Québec. Bien que ce soit la Suède qui présente le plus bas rapport interdécile D5/D1 avec un rapport de 1,66, les autres pays affichent des salaires bruts pour le premier décile qui sont situés plus près du centre de la distribution des salaires qu’au Québec. Il y a donc une plus grande disparité des salaires au Québec. graphique 7

Comparaison du rapport interdécile du salaire brut (D5/D1), Québec (2012) et pays scandinaves (2011)

2,5

2,0

Québec 1,97 1,67 1,48

1,5

1,58 1,39

1,0

0,5

0

Danemark

Finlande

Norvège

Suède

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Statistique Canada, Enquête sur la population active (EPA) (pour le Québec). Calculs des auteurs.

Le graphique 8, pour sa part, montre que la différence entre le Québec et les pays scandinaves est un peu moindre en ce qui concerne le rapport entre le 5e et le 9e décile. Ce rapport interdécile présente une certaine similarité des inégalités de salaire entre le Danemark, la Finlande et la Suède puisque les rapports sont presque identiques, se situant entre 1,66 et 1,75. La Norvège, avec un rapport de 1,48, présente un moins grand écart entre les hauts salaires et le salaire brut médian. C’est au niveau du rapport interdécile D9/D1 du graphique 9 que le Québec se démarque le plus des pays scandinaves : c’est là que les inégalités du marché du travail sont les plus apparentes. Ainsi, au Québec, le salaire brut maximal pouvant être obtenu dans l’avant-dernier décile est presque trois fois et demi celui du 1er décile. Aucun des pays scandinaves n’atteint un rapport de 3 ; la Suède et la Norvège affichent même des rapports de 2,31.

a Nous ne parlons pas d’un revenu brut. Le salaire brut est analysé selon un dénominateur commun pour toutes les unités à l’étude. Dans ce cas précis, c’est le salaire horaire qui devient le dénominateur commun. Ainsi, le nombre d’heures travaillées (temps plein ou partiel, heures supplémentaires…) n’influe pas sur le rapport. Ce qui est analysé, c’est la structure hétérogène des salaires dans un marché du travail national. 26

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

fait que la limite inférieure de salaire pour le dernier décile est proportionnellement plus élevée au Québec que dans les pays scandinaves. En conclusion, le Québec possède un marché du travail qui redistribue moins bien la richesse que celui des pays scandinaves. Cela signifie que les différences salariales y sont plus grandes : les petits salariés y gagnent moins, tant par rapport à la classe moyenne qu’aux plus riches, comme l’indiquent les rapports interdéciles. L’indice de Gini nous indique également que la richesse totale est moins bien distribuée par le marché du travail au Québec que dans les pays scandinaves. Comparons maintenant l’action de l’État en matière de redistribution, en Scandinavie et au Québec.

graphique 8

Comparaison du rapport interdécile du salaire brut (D9/D5), Québec (2012) et pays scandinaves (2011)

2,5

2,0

Québec 1,95 1,69

1,75

1,66 1,48

1,5

1,0

0,5

0

Danemark

Finlande

Norvège

3.3 L’action de l’État Limiter au revenu brut et au salaire brut l’analyse des inégalités de revenu ne permet pas de dresser un portrait du rôle que joue l’État pour compenser les inégalités du marché du travail. Dans cette section, nous effectuons une analyse comparative des revenus après impôt et transferts entre le Québec et les pays scandinaves. Ainsi, c’est un portrait des inégalités du revenu disponible qui est pris en compte, puisque seul ce revenu nous permet d’anticiper l’effet sur les inégalités de revenu qu’aurait le choix politique de hausser les revenus de l’État québécois par le biais des taxes à la consommation. Nous avons montré plus haut que l’indice de Gini est plus élevé au Québec que dans les pays scandinaves lorsque nous l’appliquons au revenu avant impôt. Au graphique 10, nous observons le même phénomène pour l’indice de Gini après impôt et transferts. Comme on le constate, la différence entre le Québec et les pays scandinaves est assez importante et atteint presque 0,1 sur l’indice de Gini. Nous pouvons aussi constater la réduction des inégalités du fait de l’action de l’État. Le Québec et la Suède réduisent leur indice de Gini de manière assez similaire. Mais la différence est plus importante pour le Danemark et la Finlande : parmi les pays scandinaves, ce sont ces deux pays qui font le plus usage de l’impôt des particuliers dans leur structure fiscale. En d’autres termes, malgré une disparité plus faible des revenus provenant du marché du travail, la majorité des pays scandinaves réussissent à réduire de manière plus substantielle que le Québec les disparités du revenu disponible dans la population en âge de travailler. L’indice de Gini, encore une fois, ne nous offre qu’un portrait partiel. Comme nous l’avons fait pour les salaires bruts, nous reprenons ici l’analyse comparative du rapport interdécile. Comme pour l’analyse précédente, nous n’y soumettons qu’une partie de la population. Cette fois, nous étudions le rapport interdécile du revenu disponible (après impôt et transferts) pour toute la population en âge de travailler. Ceci nous permet d’étudier spécifiquement

Suède

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Statistique Canada, EPA (pour le Québec). Calculs des auteurs. graphique 9

Comparaison du rapport interdécile du salaire brut (D9/D1), Québec (2012) et pays scandinaves (2011)

4,0 3,5 3,0

Québec 3,38 2,81 2,58

2,5

2,34

2,31

Norvège

Suède

2,0 1,5 1,0 0,5 0 Danemark

Finlande

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Statistique Canada, EPA (pour le Québec). Calculs des auteurs.

L’analyse comparative des rapports interdéciles explique en partie les différences observées en comparant les indices de Gini qui mesurent le niveau de concentration de richesse. Toute la richesse ne passe pas par le marché du travail, mais la structure du marché du travail pour le Québec tend à favoriser une distribution des revenus plus inégalitaire. Cependant, il n’est pas possible de comparer, ni de calculer des rapports avec le dernier décile (décile qui est pris en compte par le coefficient de Gini). Tout porte cependant à croire que l’inclusion du 10 % le plus riche dans les rapports interdéciles amplifierait encore les divergences, du 27

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

la fonction redistributive de l’État face aux inégalités du marché du travail. Aux graphiques 11, 12 et 13, on voit que le rapport interdécile sur le revenu disponible indique, entre le Québec et les pays scandinaves, des différences similaires à ce qui a été observé pour les salaires bruts. Le Québec demeure plus inégalitaire que tous les pays scandinaves. Les différences entre le Québec et les pays scandinaves observées au moyen du rapport entre le 1er et le 5e décile au graphique 11a sont plus importantes que celles observées au graphique 12, entre le 9e et le 5e décile. Les différences de ces deux rapports varient entre 0,30 et 0,50 pour D5/D1 et entre 0,15 et 0,25 pour D9/D5. En fait, si nous comparons ces différences avec celles observées pour les rapports de salaires bruts, le Québec demeure malgré tout à la traîne face aux pays scandinaves. Cette affirmation se confirme lorsqu’on analyse le rapport entre le 9e et le 1er décile présenté au graphique 13. L’analyse comparative de la structure des inégalités entre le Québec et les pays scandinaves conduit à deux constats. Le premier est que la structure actuelle du marché québécois du travail génère une plus grande disparité des salaires bruts que ce qui est observé dans les pays scandinaves. Deuxièmement, se juxtapose à ces inégalités plus prégnantes des salaires au Québec une action redistributrice de l’État moins vigoureuse que celle attribuable aux pays scandinaves. Par conséquent, une éventuelle hausse des taxes à la consommation ne se ferait pas dans un contexte similaire à celui des pays scandinaves, mais dans un contexte plus inégalitaire sur le plan des revenus disponibles.

a À l’instar du rapport interdécile du salaire brut, une différence de deux années sur l’année de référence pour la comparaison n’engendre pas de problème méthodologique, puisque les paramètres de la redistribution ne peuvent changer drastiquement dans un aussi court laps de temps. 28

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 10 Indice de Gini du revenu disponible des personnes en âge de travailler, Québec et pays scandinaves (2011)

graphique 12

Comparaison du rapport interdécile du revenu disponible (D9/D5), population en âge de travailler, Québec (2009) et pays scandinaves (2011)

1,0

2,0

0,9

1,8

0,8

1,6

0,7

1,4

0,6

1,2

0,5

0,3

0,250

0,268

0,392

0,371 0,353

0,4

0,1

0,2 Danemark

Finlande

Norvège

Suède

1,60

1,70

0,6

0,2

0

1,70

0,8

0,268

0,260

1,60

1,0

0,443

0,421

0,389

0,4

Québec 1,85

0

Québec

Danemark

Finlande

Norvège

Suède

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Statistique Canada, EDTR (pour le Québec). Calculs des auteurs.

Indice de Gini après impôt et transferts Indice de Gini avant impôt Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; ISQ www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/inegalite-revenu (pour le Québec). Calculs des auteurs.

graphique 11

Comparaison du rapport interdécile du revenu disponible (D5/D1), population en âge de travailler, Québec (2009) et pays scandinaves (2011)

graphique 13

Comparaison du rapport interdécile du revenu disponible (D9/D1), population en âge de travailler, Québec (2009) et pays scandinaves (2011)

3,0

2,5

2,0

5,0 4,5

Québec 2,40

1,90

2,00

2,00

Québec 4,43

4,0

2,10

3,5 3,0

1,5

3,30

3,30

3,50

2,90

2,5 2,0

1,0

1,5 0,5

1,0 0,5

0 Danemark

Finlande

Norvège

0

Suède

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) (pour le Québec).

Danemark

Finlande

Norvège

Suède

Sources : Statistiques OCDE, http://stats.oecd.org (pour les pays scandinaves) ; Statistique Canada, EDTR (pour le Québec). Calculs des auteurs.

29

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Chapitre 4

revenu de la personne qui les paie. Ainsi, si une personne très riche et une personne très pauvre font l’achat du même produit, elles paient le même montant de taxes. Cet effet prend de l’ampleur lorsqu’on tient compte de l’ensemble des dépenses taxables d’une personne ou d’un ménage. Le montant total des taxes à payer par une personne pauvre grèvera plus son revenu que si elle était riche. La part du revenu consacré à payer des taxes à la consommation est ce que l’on nomme le taux effectif*. Pour contrebalancer cet effet régressif imposé aux personnes les moins fortunées, le gouvernement du Québec a mis en place deux mesures : la détaxation de certains produits de base et un crédit d’impôt remboursable pour la TVQ. Ces mesures ne prétendent contrebalancer que l’effet de la TVQa; il n’existe pas de mesure équivalente pour compenser les autres taxes à la consommation que nous analyserons plus loin. Cela dit, ces modes de diminution de la régressivité ont une certaine efficacité, à tel point qu’elles permettent au CFFP d’affirmer qu’en tenant compte de ces mesures, la taxe de vente du Québec devient un mode de taxation au « caractère progressif »28. Ce constat, on le comprend aisément, sert à justifier leur recommandation selon laquelle le Québec ne devrait pas augmenter son impôt sur le revenu tant qu’il affiche un « retard » sur d’autres territoires au chapitre des taxes à la consommation. Si l’analyse proposée par les fiscalistes de l’Université de Sherbrooke semble tenir à prime abord, elle pose d’importants problèmes à trois titres que nous développerons ici. D’abord, nous analyserons l’évolution historique de ces modes de taxation, au lieu de nous en tenir aux données d’une seule année comme le fait le CFFP. Ensuite, nous centrerons notre analyse sur le cas du Québec, en évitant de confondre l’action de ce gouvernement avec celle de l’administration fédérale. Enfin, nous tenterons de distinguer si ce sont bien les mesures que le CFFP met de l’avant qui ont un effet déterminant sur la progressivité de ces taxes, ou si ce sont plutôt des éléments qui ne sont pas pris en compte dans leur étude.

Les taxes à la consommation sontelles régressives ? En analysant plus spécifiquement les revenus après impôt et transferts, nous voyons que le Québec préserve, en fin de compte, une structure des revenus plus inégalitaire que celle observée dans les pays scandinaves. Non seulement le marché du travail est-il plus inégalitaire chez nous que dans les pays scandinaves, mais le Québec reste également plus inégalitaire suite à l’action de l’État. Il faut bien comprendre que lorsque l’on compare le revenu disponible, les taxes à la consommation ne sont pas prises en considération dans l’analyse des inégalités. Bien qu’il soit vrai que, dans les pays scandinaves, les taxes à la consommation pèsent plus lourd dans l’ensemble des revenus de l’État qu’au Québec, leur marché du travail et leur politique de redistribution ont le potentiel de minimiser l’impact de l’aspect régressif de ces taxes. Par conséquent, si le Québec procède à un « rattrapage » en matière de hausse des taxes à la consommation pour rejoindre celles des pays scandinaves, il appliquera une mesure régressive sur une société plus inégalitaire, le Québec, que celles qu’il prend pour modèle. De plus, il ne faut pas oublier que plusieurs de ces pays ont, depuis 1981, opté pour une diminution de la proportion des taxes à la consommation, une approche qui semble plus à même de contrer une augmentation des écarts de richesses engendrée par la structure du marché. Cependant, comme nous le verrons, le CFFP n’y voit pas de problème, affirmant que les taxes à la consommation seraient rendues progressives par des mesures compensatoires mises en place par l’État. Ce dernier chapitre de notre étude a pour but de vérifier cette assertion. Le Québec compte une variété de taxes à la consommation. La première à venir à l’esprit est, bien sûr, la taxe de vente du Québec (TVQ), appliquée à la plupart des produits et services en vente au Québec. Pour couvrir l’ensemble des taxes à la consommation dont la plupart des consommateurs et consommatrices doivent s’acquitter fréquemment, il est nécessaire d’y ajouter la taxe sur les carburants, la taxe sur les boissons alcooliques et l’impôt sur le tabac. Dans le but de vérifier le caractère régressif des taxes à la consommation, nous évaluerons d’abord la TVQ pour ensuite nous pencher sur ces autres taxes à la consommation. Rappelons que les taxes à la consommation fonctionnent généralement en imposant un montant à verser au gouvernement pour une quantité donnée d’un bien ou d’un service acheté (taxe d’accise) ou pour une part du montant d’une vente (taxe de vente). On qualifie généralement ces taxes de régressives parce qu’elles ne sont pas proportionnelles au

4.1 La taxe de vente du Québec En reprenant la méthodologie de calcul de la TVQ élaborée par le CFFP29, nous nous sommes penchés sur les données de 1997 à 2012 de l’Enquête des dépenses des ménages (EDM) de Statistique Canada. Nous avons observé sur ces 15 années l’évolution des revenus, des dépenses et des niveaux de taxation des cinq quintiles* de la population québécoise. Les quintiles ont la même fonction que les déciles, mais ils divisent la population en tranches de 20  % plutôt que de 10 %. Ainsi, le premier quintile correspond au 20 % le plus pauvre et le cinquième quintile, au 20 % le plus riche. a Au niveau fédéral, il existe des mesures similaires liées à la taxe sur les produits et services (TPS). 30

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Malheureusement, des changements apportés à l’EDM en 2010 ont causé une rupture de données30 qui nous oblige à soit marquer la rupture dans nos graphiques, soit à analyser les séries en deux graphiques différents (1997-2009 et 2010-2012). Voyons d’abord comment, selon cette enquête, les revenus des différents quintiles ont évolué.

une croissance moyenne de 9,1  % entre 1997 et 2009 et de 0,8 % entre 2010 et 2012 (0,66 % par année sur 15 ans). Enfin, le quintile supérieur a connu une croissance de 11,8 % entre 1997 et 2009 et de 1,4 % entre 2010 et 2012 en plus de l’inflation (0,88 % par année sur 15 ans). Le quintile le plus riche a donc vu son revenu croître deux fois plus vite que le quintile le plus pauvre. Nous avons montré ailleurs que cette croissance a été encore plus importante pour le 1 % le plus riche de la population 31. Maintenant que nous avons établi l’évolution du revenu des différents quintiles, voyons ce qu’il en est de l’impôt sur le revenu, un élément essentiel pour savoir quelle quantité d’argent est disponible pour les dépenses de chaque ménage. Pour ce faire, nous allons observer l’évolution du taux d’imposition effectif, soit la part du revenu des ménages qu’ils versent en impôts aux gouvernements provincial et fédéralb.

graphique 14

Évolution des revenus totaux avant impôt et cotisations, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

180 000 $ 160 000 $ 140 000 $ 120 000 $ 100 000 $

graphique 15

Taux d’imposition effectif fédéral et provincial, moyenne par quintile, Québec (1997-2012)

80 000 $ 60 000 $

35 %

40 000 $

30 %

20 000 $

25 %

00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11 20 12 Quintile 3

15 % 10 %

Sources : Statistique Canada, Enquête sur les dépenses des ménages (EDM), tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022. Calculs des auteurs.

5%

Quintile 2

Quintile 4

Quintile 5

12

11

20

10

20

09

20

08

20

07

20

06

20

05

Quintile 1

20

04

20

03

20

02

20

01

20

00

20

97 19

99

0%

Il est intéressant de se pencher sur les revenus quand il est question de taxes à la consommation, car c’est en fonction du revenu qu’on est en mesure de dépenser et donc d’être taxé. Le graphique 14 montre l’évolution du revenu total (donc après transferts gouvernementaux*, mais avant impôt) en dollars constants de 2012, soit des montants qui sont ajustés à l’inflation. On constate que la situation n’a pas été la même pour tout le monde au Québeca. On pourrait diviser la population en trois. Le premier quintile, soit le 20 % le plus pauvre, dont la ligne paraît étale sur le graphique, a un revenu en relative stagnation depuis 15 ans, avec une croissance d’à peine 6,3 % en plus de l’inflation de 1997 à 2009 et une diminution de 0,1 % de 2010 à 2012 (soit une croissance moyenne de 0,42 % par année sur 15 ans). Les trois quintiles du centre ont connu une augmentation de revenu un peu plus substantielle – d’ailleurs croissante en fonction de la richesse – avec

20

Quintile 5

98

Quintile 2

Quintile 4

19

Quintile 1

19

99

20 %

20

19

19

19

97 98

0$

Quintile 3

Sources : Statistique Canada, EDM, Tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022. Calculs des auteurs.

Même si la rupture de série brouille la lecture du graphique 15, on constate clairement la tendance à la baisse des taux d’imposition à partir de l’an 2000. Voilà l’effet conjugué des réductions d’impôt octroyées tant au niveau fédéral que provincial sous forme de diminution des taux, de rajustement des paliers et de mise en place de crédits b L’EDM n’est pas l’enquête la plus précise pour mesurer le taux d’imposition ; d’autres données provenant directement des rapports d’impôt sont plus fiables. Cependant, pour assurer la concordance des données sur une période de 15 ans, nous tenterons tout au long de cette démonstration de nous en tenir autant que possible aux données de la même enquête.

a Il est important, pour ce faire, de garder à l’esprit la rupture de données dont nous venons de parler et de ne pas établir de continuité entre 2009 et 2010. 31

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

d’impôt. À partir de 2010, il semble y avoir une remontée, mais les données sont trop peu nombreuses pour documenter une tendance. Cependant, de 2000 à 2009 où se produit la période la plus marquée de diminution d’impôt, on note qu’elle affecte différemment les différents secteurs de la population. Les deux premiers quintiles voient leur taux d’imposition stagner (une diminution de 0,59 point de pourcentage) alors que l’impôt des trois quintiles les plus riches baisse en moyenne de 4,9 points de pourcentage. Là encore, nous avons montré ailleurs que la diminution a été encore plus importante pour le 1 % le plus riche32. Avec ces données en tête, il nous est maintenant possible de comprendre l’évolution des dépenses taxables des ménages, qui n’est bien sûr qu’une partie de leurs dépenses, car beaucoup des dépenses touchant l’alimentation et le logement en sont exclues33.

taxables de 36,4 % au-delà de l’inflation de 1997 à 2009 et une diminution de 5,9 % de 2010 à 2012. C’est à même ces dépenses taxables qu’est perçue la TVQ. Pour déterminer si son caractère est régressif ou progressif, il est nécessaire de mettre cette taxe en rapport avec le revenu disponible des ménages, soit leur revenu après paiement de l’impôt et des cotisations sociales. Un mode d’imposition progressif croîtra avec les revenus, un mode régressif fera l’inverse. Nous étudierons la progressivité de la TVQ sur deux périodes distinctes, à cause de la rupture de données que présente l’EDM. Cependant, c’est ici que nous arrivons à un désaccord méthodologique important avec l’étude du CFFP, lié au calcul du crédit d’impôt remboursable pour la TVQ. Comme le signale avec raison le CFFP, il est impossible d’isoler cette variable dans l’EDM. Le CFFP va donc répérer ce crédit d’impôt dans une autre enquête, soit l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR)34. C’est une méthode peu orthodoxe – on préfère de loin travailler avec les chiffres d’une seule enquête pour s’assurer qu’ils soient comparables entre eux – mais les auteur·e·s nous assurent de la compatibilité des deux enquêtes35. Ils déduisent ensuite ce crédit d’impôt du montant total de taxes payées. Ce procédé semble tout à fait défendable à première vue. Cependant, lorsqu’on observe l’étude plus en détail, il devient plus contestable. En fait, ce que les deux auteur·e·s omettent de signaler, c’est que l’EDM tient compte du crédit d’impôt, mais dans le calcul du revenu des ménages. En effet, cette enquête utilise le revenu total qui inclue les transferts gouvernementaux. Les crédits d’impôt pour la TPS et la TVQ sont compris dans ces transferts, comme le signale le guide d’utilisateur auquel les auteurs font référence36. Or, sans le mentionner dans le textea , les auteur·e·s ont donc procédé également à une soustraction du crédit d’impôt extrait de l’EDTR du revenu proposé par l’EDM pour compenser le fait qu’ils ont tenu compte du crédit en le réduisant des dépenses taxables. Donc au lieu de considérer le crédit d’impôt remboursable comme une augmentation du revenu, ils le considèrent comme une diminution de la quantité de TVQ payée. Cette façon de procéder pose deux problèmes importants à nos yeux. D’abord, les auteur·e·s, sans avertir ceux et celles qui les lisent, prennent la voie la plus complexe sans mentionner qu’il existe une façon plus simple d’arriver à leur fin et que cette voie plus simple contredit leurs thèses. C’est le deuxième problème : ces crédits d’impôt remboursables se présentent, du point de vue des contribuables,

graphique 16

Dépenses taxables des ménages, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

70 000 $ 60 000 $ 50 000 $ 40 000 $ 30 000 $ 20 000 $ 10 000 $

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 4

Quintile 5

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20

09

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07

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03

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02

20

01

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00

20

99

20

98

19

19

19

97

0$

Quintile 3

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableaux 203-0022 et 026-0001. Calculs des auteurs.

Comme on le voit au graphique 16, la population du Québec se divise en trois, pour les dépenses comme c’était le cas, plus haut, pour les revenus. D’abord, le quintile le plus pauvre qui a vu ses dépenses taxables rester inchangées en dollars constants (une augmentation de 3  % entre 1997 et 2009 est compensée par une diminution de 3,2 % entre 2010 et 2012). Puis, les quintiles du centre, qui ont vu les leurs croître de 22,6 % en moyenne entre 1997 et 2009 et diminuer de 4,3 % de 2010 à 2012. Enfin, le quintile supérieur de revenu se distingue à nouveau avec une croissance de ses dépenses

a Pour le constater, il nous aura fallu comparer leurs chiffres avec ceux de l’enquête en question et poser la question directement aux auteur·e·s, ce qu’il est peu probable que beaucoup de gens fassent. (La réponse nous est parvenue dans un courriel de Suzie St-Cerny daté du 15 août 2014.) 32

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

comme une augmentation du revenu et non comme une réduction des taxes à la consommation. Voyons notre premier problème, que pose la méthodologie de Luc Godbout et Suzie St-Cerny. On pourrait croire qu’il n’y pas de différence importante entre imputer un même montant au revenu total ou au montant de taxe payé : au final, c’est du même montant dont il est question. Pour les contribuables, c’est bel et bien le cas. Cependant, quand on met ces deux montants en rapport (taxes payées / revenu disponible), l’effet de l’opération change dramatiquement. Réduire le montant de taxe payé a un effet important sur un petit numérateur, tandis qu’augmenter le revenu total a un effet modeste sur un grand dénominateur. Pour nous convaincre de l’importance de ce choix méthodologique, reprenons les chiffres de l’étude de Godbout et St-Cerny, d’abord en réduisant le montant de taxe comme le propose le CFFP et ensuite en augmentant le revenu disponible. Cela nous permettra de constater l’importance des différences entre les deux modes de mesure. D’abord, reproduisons au graphique 17 la courbe de progressivité à laquelle arrive le CFFP dans son étude.

différence est de taille en ce qui concerne la progressivité des taxes. D’un côté, le CFFP nous présente un mode de taxation semi-progressif (car il l’est uniquement pour les deux premiers quintiles) alors qu’on peut aussi y voir un taux de taxation unique, ce qui fait une différence majeure pour les moins fortunés. graphique 18

Taux effectif d’imposition des taxes à la consommation pour chacun des quintiles de revenus (Méthode IRIS), Québec (2008)

8% 7% 6% 5% 4% 3% 2%

17 Taux effectif d’imposition des taxes à la consommation pour chacun des quintiles de revenus (Méthode CFFP), Québec (2008)

graphique

1% 0%

8%

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La perception du caractère

7%

régressif des taxes à la consommation au Québec est-elle fondée ?, op. cit., p. 31.

6%

Ce choix méthodologique étant important, nous détaillerons ici le deuxième argument selon lequel il nous semble préférable de considérer le crédit d’impôt comme une hausse du revenu et non comme une réduction du montant de taxe payé. En premier lieu, il s’agit, avec les données que nous avons, de la méthode de calcul la plus simple et la plus élégante : le crédit est déjà compris dans le revenu, ainsi nous en tenons compte et nous n’avons pas besoin de faire appel à une autre enquête, avec les risques d’erreur que cela comporte. En second lieu, le calculer ainsi correspond davantage à ce qui se passe dans la réalité. Comment fonctionne le crédit d’impôt remboursable pour la TVQ ? Tout le monde paie le même montant de taxe au moment de l’achat, cependant, grâce au crédit d’impôt, certaines personnes reçoivent une somme du gouvernement pour augmenter leur revenu disponible. Le crédit d’impôt en question peut tout à fait servir à l’achat de biens détaxés, ou il peut servir à payer des dépenses faites hors de l’État où s’appliquent les taxes. Personne ne reçoit de rabais de taxes directement à l’achat, personne ne voit le prix de ses achats diminuer directement. Le niveau du crédit n’a aucun lien explicite avec le niveau des dépenses taxables et il n’y a aucune condition d’achat à

5% 4% 3% 2% 1% 0%

Quintile 1

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

Source : Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La perception du caractère

régressif des taxes à la consommation au Québec est-elle fondée ?, op. cit., p. 31.

Voyons maintenant la même courbe, mais en considérant le crédit d’impôt comme une augmentation de revenu et non une diminution de dépense, c’est ce que présente le graphique 18. Comme on le voit, d’un graphique présentant une progressivité pour les deux premiers quintiles, on passe à un taux semblable pour tous les quintiles, soit un taux unique, une forme que nous reverrons dans les prochains graphiques. La 33

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

remplir pour obtenir le crédit, une personne y a droit même si elle ne paie aucune TVQ pendant toute l’année, la seule chose qui importe c’est le niveau de ses revenus. Le gouvernement tend d’ailleurs à confirmer cette approche en ajoutant ce crédit à d’autres avec la mise en place du crédit pour solidarité qui le transforme en allocation mensuelle pour les plus pauvres. Si nous convenons avec Luc Godbout et Suzie St-Cerny pour dire qu’il est primordial de tenir compte de ce crédit d’impôt, nous croyons qu’il faut le concevoir comme une hausse du revenu plutôt qu’une diminution de dépensesa. Dans les calculs qui suivent, nous utiliserons donc exactement les mêmes données que le CFFP, mais en nous limitant au cas du Québec (puisque c’est l’action de ce gouvernement que nous souhaitons étudier) et en nous abstenant de faire appel à une autre étude pour modifier la somme de taxes payées par un crédit d’impôt déjà présent dans le montant du revenub. La première tranche de données que nous allons étudier s’étend de 1997 à 2009, période où le taux de la TVQ reste stable et où le crédit d’impôt remboursable connaît une hausse en 1998 et une indexation à partir de 2002. Comme il s’agit de données moyennes et qu’il est statistiquement impropre de faire une moyenne à partir de données qui sont déjà des moyennes, nous devons présenter plusieurs courbes. Pour que le graphique demeure lisible, nous ne présenterons pas les courbes de l’ensemble des années, mais uniquement celle qui présente le plus petit écart-type et celle qui présente le plus grandc. Nous croyons ainsi pouvoir situer en un coup d’œil la courbe de progressivité de chaque mesure fiscale. Le graphique 19 présente donc la part du revenu consacrée par quintile au paiement de la TVQ. Les courbes de progressivité de cette période sont à la fois extrêmement variées et très semblables. Variées parce que leur forme avantage parfois un des quintiles et parfois l’autre, comme le montre le graphique 19 où le premier quintile est celui qui a le poids de taxes le plus élevé en 2006, alors qu’il a l’avant-dernier en 2005. Cependant, cette

variété advient dans une marge très peu changeante : tous les quintiles paient à peu près la même proportion de leur revenu en taxes à la consommation. Sur ces 12 ans, les taux pour tous les quintiles fluctuent entre 4,04 % et 5,72 %, une très faible marge. On peut donc affirmer que, pour cette période, les taxes à la consommation présentent un taux de taxation unique. Rappelons qu’un impôt à taux unique n’est pas un impôt progressif. graphique 19

Taux effectif moyen de la TVQ pour chacun des quintiles, Québec (2005, 2006)

6%

5%

4%

3%

2%

1%

0%

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

2005 (plus petit écart-type) 2006 (plus grand écart-type) Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022 ; Ministère des Finances du Québec, Dépenses fiscales, 2002, 2005, 2010 et 2013. Calculs des auteurs.

Aux fins de comparaison, voyons au graphique 20 ce qu’est un impôt véritablement progressif, en observant pour les mêmes deux années la progressivité de l’impôt sur le revenu. Sans prétendre que le système d’imposition sur le revenu est parfait, il démontre clairement ce qu’est un impôt progressif. Les plus riches paient une part de leur revenu sept fois plus élevée que ce que paient les plus pauvres. À l’inverse, on ne peut affirmer que la TVQ de 1997 à 2009 était progressive : il s’agissait simplement d’un taux unique d’imposition, les plus riches consacrant la même part de leur revenu à des taxes que les plus pauvres. Or, comme les plus pauvres gagnent des revenus beaucoup plus bas que les plus riches, ceux-ci consacrent une grande part de leur revenu à la consommation de besoins essentiels, tandis que les plus fortunés ont davantage de marge de manœuvre pour consommer des biens de luxe. Ainsi, cette taxe est concrètement plus lourde à porter pour les plus pauvres que les plus riches.

a Considérer les crédits d’impôts remboursable comme des augmentation de revenu ou comme des réduction d’impôt est sujet à débat, comme on peut le voir dans Kesselman, Jonathan R. et Ron Cheung, « Tax Incidence, Progressivity, and Inequality in Canada », Revue Fiscale Canadienne, vol. 52, no 3, 2004, p.742 et p.775. Il est étonnant de voir les deux auteurs faire un choix sur cette question sans s’expliquer plus avant. b En fait, en concordance avec les arguments que nous venons de donner, Statistique Canada considère aussi les crédits d’impôts provinciaux et fédéraux comme des transferts qui font augmenter le revenu disponible et dont on doit tenir compte si on veut considérer le poids des taxes sur les revenus. c Comme il est question de progressivité, nous considérons que cette mesure de dispersion, qui mesure la variance dans un ensemble de données, nous permet de repérer celles qui auront la progressivité ou la régressivité la plus et la moins marquée. On pourra cependant consulter l’ensemble des données pour toutes les années à l’Annexe 1. 34

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Si l’on ne peut comparer les taux entre les deux graphiques, le mode de calcul des revenus et des dépenses ayant changé, on peut cependant en comparer la courbe de progressivité. On ne peut, non plus, commenter la transition entre ces données, car la rupture de données de l’EDM joue un rôle important dans cette transformation, notamment en termes de variation du revenu des plus riches et des plus pauvres. Cependant, alors que cette variation est moins présente dans les quintiles centraux, on peut y voir le caractère régressif de la TVQ se confirmer. Cela dit, abstenons-nous de commenter la transition d’une série de données à l’autre, mais concentrons-nous sur l’état actuel de la situation, en fonction des données disponibles. Malgré la hausse du crédit d’impôt, la TVQ est, de 2010 à 2012, une taxe carrément régressive. En effet, les plus pauvres consacrent une proportion de leurs revenus une fois et demie plus grande que les plus riches pour acquitter la TVQ. Cependant, comme nous l’avons mentionné plus tôt, la TVQ n’est pas la seule taxe à la consommation, ni la seule que le gouvernement a récemment augmentée. Voyons quelle est l’évolution de ces autres taxes avant d’examiner le portrait global des taxes à la consommation au Québec.

graphique 20

Taux effectif moyen de l’impôt provincial et fédéral sur le revenu pour chacun des quintiles, Québec (2005, 2006)

30 % 2005 2006

20 %

15 %

10 %

5%

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022. Calculs des auteurs.

Comme nous l’avons déjà mentionné, les données de l’EDM changent à partir de 2010. C’est aussi l’année où le gouvernement annonce une hausse de la TVQ pour compenser la baisse de la TPS adoptée par le gouvernement fédéral à partir de 2007, tout en augmentant sensiblement le crédit remboursable pour la TVQ et en l’incluant dans le crédit d’impôt pour solidarité37. Le graphique 21 dépeint la nouvelle configuration de progressivité de la TVQ.

4.2 La taxe sur les carburants Les taxes que nous étudierons maintenant concernent des dépenses très spécifiques et des montants beaucoup plus faibles que les considérations précédentes. Cependant, comme nous le verrons, ces taxes ont quand même, à terme, une incidence sur les revenus de la population. Commençons par la taxe sur les carburants, régulièrement payées par un grand nombre de Québécois·es. Voyons d’abord la variation du prix de l’essence à la pompe au graphique 22.

graphique 21

Taux effectif moyen de la TVQ pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

graphique 22

Prix de l’essence à la pompe dans la région de Montréal, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

8% 7%

1,60 $

6%

1,40 $

5%

1,20 $

4%

1,00 $

3%

0,80 $

2%

0,60 $

1%

0,40 $

2011

Quintile 4

0,20 $

Quintile 5

0$

2012

19

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022, et Ministère des Finances du Québec, Dépenses fiscales, 2002, 2005, 2010 et 2013. Calculs des auteurs.

00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11 20 12

2010

Quintile 3

99

Quintile 2

20

Quintile 1

97 98

0%

19

0%

19

25 %

Source : Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0009. 35

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Le prix de l’essence à la pompe a beaucoup augmenté ces dernières années. Il est passé de 0,84 $ le litre à 1,36 $ en dollars constants. Le graphique 23 montre que les montants dépensés en essence ont connu une croissance similaire. En effet, dans la période 1997-2009, alors que le prix de l’essence croissait de 24 %, l’ensemble des quintiles voyaient leurs dépenses en essence augmenter suivant des taux de 18,2  % à 26,2  %. Malheureusement, les données pour la période 2010-2012 sont trop peu nombreuses et trop changeantes pour qu’on puisse y déceler une tendance claire. Le prix de l’essence, lui, a cru de 20,6  % durant cette seule période ; comme nous le verrons, l’intervention du gouvernement n’y est pas étrangère.

maximal atteint sur cette période étant 1,1  % et le point minimal étant 0,35 %. La taxe sur les carburants a donc tendance, au cours de cette période, à reproduire le modèle de la taxe à taux unique constaté pour la TVQ, avec un désavantage pour les gens ayant des revenus moyens. graphique 24

Taux effectif moyen de la taxe sur les carburants pour chacun des quintiles, Québec (1998, 2005)

1,2 %

1,0 %

0,8 % graphique 23

Montant consacrés à l’achat d’essence, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

0,6 %

4 500 $

0,4 %

4 000 $ 0,2 %

3 500 $ 3 000 $

0%

2 500 $

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

2005 (plus petit écart-type)

2 000 $

1998 (plus grand écart-type)

1 500 $ Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableaux 203-0022 et 326-0009. Calculs des auteurs.

1 000 $ 500 $

graphique 25 Taux effectif moyen de la taxe sur les carburants pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 4

Quintile 5

12

11

20

10

20

09

20

08

20

07

20

06

20

05

20

04

20

03

20

02

20

01

20

00

20

99

20

98

19

19

19

97

0$

0,9 %

Quintile 3

0,8 %

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableaux 203-0022 et 326-0009. Calculs des auteurs.

0,7 % 0,6 %

La taxe sur les carburants du gouvernement du Québec – une taxe d’accise qui s’applique sur chaque litre consommé – a connu assez peu de fluctuation dans les 15 années étudiées. De 1997 à 2009, elle est restée stable à 0,152 $ le litre. Le graphique 24 présente la courbe de progressivité de cette taxe pendant cette période. De 1997 à 2009, la courbe de progressivité de la taxe sur les carburants prend la forme d’une clochea. Les plus avantagés sont les plus pauvres et les plus riches, tandis que les plus désavantagés sont les gens ayant des revenus moyens. Il est quand même bon de souligner que, comme pour la TVQ, il s’agit de variations dans une très petite marge, le point

0,5 % 0,4 % 0,3 % 0,2 % 0,1 % 0%

Quintile 1 2010

Quintile 2 2011

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

2012

Sources : Statistique Canada, Enquête sur les dépenses des ménages, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableau 203-0022, 326-0009. Calculs des auteurs.

a Afin de le constater pour les autres années de cette période, on consultera l’Annexe 2. 36

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

En 2010, avec la révolution tarifaire intégrée au budget du ministre des Finances de l’époque, Raymond Bachand, la taxe sur les carburants a augmenté d’un cent par année pour atteindre 0,182 $ en 2012. Le graphique 25 montre la progressivité de cette mesure fiscale pour la période 2010-2012. Les données disponibles pour 2010-2012 font état d’une taxe régressive. Comme mentionné plus haut, on ne peut commenter la transition entre ces courbes, mais le caractère régressif de la taxe est évident. En 2011, le quintile le plus pauvre devait faire un effort 44 % plus élevé que le quintile le plus riche. En 2012, une situation similaire avait lieu, mais cette fois pour le deuxième quintile.

série avec la moyenne des trois années de la fin, on arrive plutôt à un taux de croissance de 41 %). Comme pour l’essence, les données de la période 2010-2012 sont trop peu nombreuses et trop fluctuantes pour pouvoir en dégager une tendance. La taxe sur l’alcool s’applique sur chaque litre d’alcool vendu de façon différenciée selon deux critères : le type d’alcool (vin, bière et spiritueux) et le lieu de vente (magasin ou établissement licencié). Ainsi, un litre de vin ne sera pas taxé de la même façon qu’un litre de bière, et un litre de bière vendu en magasin ne sera pas taxé de la même façon qu’un litre de bière vendu au restaurant. Les taux de taxation ont été stables de 1997 à 2005, année où ils ont été augmentés. On constate que la croissance des dépenses du deuxième quintile se manifeste d’ailleurs à partir de 2005. En 2012, ces taux ont été à nouveau augmentés, puis réajustés en 2014a. Voyons d’abord, au graphique 27, la courbe de progressivité pour la période 1997-2009.

4.3 La taxe sur les boissons alcooliques Le gouvernement du Québec perçoit, en plus de la TVQ, une taxe d’accise sur chaque litre d’alcool vendu sur son territoire. Voyons d’abord, au graphique 26, l’évolution de la consommation d’alcool au Québec selon l’EDM.

graphique 27

Taux effectif moyen de la taxe sur les boissons alcooliques pour chacun des quintiles, Québec (1999, 2003)

26 Montant consacré à l’achat de boissons alcoolisées, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2012)

0,18 %

graphique

0,16 % 0,14 %

3 000 $

0,12 % 2 500 $

0,10 % 0,08 %

2 000 $

0,06 % 1 500 $

0,04 % 0,02 %

1 000 $

0% 500 $

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

1999 (plus petit écart-type) 2003 (plus grand écart-type)

00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11 20 12

99

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableaux 203-0022 et 183-0006. Estimations et calculs des auteurs.

20

19

19

19

97 98

0$

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 4

Quintile 5

Quintile 3

On reconnaît ici les lignes étales que nous avons constatées précédemment. Comme pour la TVQ et la taxe sur les carburants, les boissons alcooliques a été de 1997 à 2009 une taxe à taux uniqueb. L’ensemble des quintiles ont vu leur contribution fluctuer très peu entre un maximum de 0,22 % de leurs revenus et un minimum de 0,12 %. Le graphique 28 nous indique qu’entre 2010 et 2012, la situation est relativement uniforme.

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022. Calculs des auteurs.

De 1997 à 2009, la consommation d’alcool n’a pas connu de grandes variations en dollars constants pour les trois quintiles supérieurs. Par contre, la croissance a été beaucoup plus importante pour les quintiles les plus pauvres. Le deuxième quintile a vu ses dépenses en alcool croître de 28 % et le premier quintile, de 73 % (mais ce taux est surtout l’effet de la donnée de 2009, qui pourrait être une aberration statistique ; si on compare la moyenne des trois années du début de la

a Nous ne tiendrons pas compte de cette ultime modification ici, puisque nos données ne vont pas jusque-là. b On peut le constater à la lecture de l’ensemble des données pour cette période, à l’Annexe 3. 37

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

dépensent près du double de ce montant la même année). Comme pour les cas précédents, il est impossible de situer une tendance dans la deuxième période de notre graphique, surtout que l’EDM de 2012 n’offre aucune donnée sur les dépenses en cigarettes.

28 Taux effectif moyen de la taxe sur les boissons alcooliques pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

graphique

0,25 %

0,20 %

graphique 29

Montant consacré à l’achat de cigarettes et autres produits du tabac, moyenne par quintile, Québec, en dollars constants de 2011 (1997-2011)

0,15 %

1 600 $ 1 400 $

0,10 %

1 200 $ 0,05 %

0%

1 000 $ 800 $ Quintile 1 2010

Quintile 2 2011

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

600 $

2012 400 $

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableaux 203-0022 et 183-0006. Estimations et calculs des auteurs.

200 $

Si on peut noter l’apparition d’une légère tendance à la régressivité, l’élément essentiel reste le peu de fluctuation d’un quintile à l’autre. La taxe est donc régressive, mais très légèrement ; là encore elle s’approche plus d’un taux de taxation uniforme.

19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11

0$

4.4 L’impôt sur le tabac L’impôt sur le tabac, plus encore que les taxes sur l’essence et les boissons alcooliques, a un caractère aussi bien politique qu’économique. Son niveau doit être ajusté face à deux objectifs contradictoires : décourager la consommation pour des raisons de santé publique sans pour autant encourager la contrebande. C’est en raison de ce deuxième phénomène qu’au milieu des années 1990, l’impôt sur le tabac a été largement abaissé, tant au fédéral qu’au provincial. Par la suite, le gouvernement du Québec a repris cet espace de taxation en augmentant annuellement l’impôt sur le tabac de 1996 à 2003 (sauf en 2000, où le taux est resté inchangé), le faisant passer de 5,34  $ le carton de 200 cigarettes à 20,60  $ ; une croissance de 286 % en 7 ans. Comme le montre le graphique 29, à la suite de cette hausse de prix et d’une campagne de sensibilisation gouvernementale aux dangers du tabagisme, on constate une importante diminution de la consommation. La réduction de cette dépense est très importante dans les quatre quintiles supérieurs, variant de 17 % à 35 % entre 1997 et 2009. Pour le quintile le plus pauvre, la diminution de la consommation est moins importante (10 %), mais la consommation moyenne n’était pas très élevée au départ, à 516  $ constants de 2012 (le quatrième et le cinquième quintile

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 4

Quintile 5

Quintile 3

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableau 203-0022. Calculs des auteurs.

Il est également intéressant de noter que l’achat de produits du tabac est le seul cas observé jusqu’ici où les profils de consommation ne suivent pas systématiquement l’ordre des quintiles. Ainsi, le quatrième quintile a, en moyenne, une dépense plus élevée à ce chapitre que le cinquième quintile de 1997 à 2009 et la consommation du troisième quintile est pratiquement équivalente au cinquième. Voyons ce que l’évolution particulière de cette taxe et de la consommation en question ont comme effet sur sa progressivité, en commençant par la période allant de 1997 à 2009. Sur cette période, la taxe est très clairement régressive, comme le montre le graphique 30a. En 2004, le quintile le plus pauvre doit faire trois fois et demi l’effort fourni par le quintile le plus riche. Comme on peut le voir au graphique 31, cette tendance s’observe également pour les deux années 2010 et 2011. Bref, si la cigarette et donc la taxe qui la concerne prennent de moins en moins d’espace dans les dépenses des Québécois·es, ce mode de taxation demeure fortement régressif, car il affecte plus durement les plus pauvres, même si ceux-ci fument moins, en moyenne, que les plus riches. a 38

Pour l’ensemble des données de cette période, on consultera l’Annexe 4.

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

4.5 L’ensemble des taxes à la consommation Réunissons maintenant toutes ces données pour évaluer la progressivité de l’ensemble des taxes à la consommation appliquées par le gouvernement du Québec et pour mesurer leur progressivité. Commençons par la période de 19972009 au graphique 32.

graphique 30

Taux effectif moyen de l’impôt sur le tabac pour chacun des quintiles, Québec (1997, 2004)

1,4 % 1,2 % 1,0 %

graphique 32

Taux effectif moyen de l’ensemble des taxes à la consommation pour chacun des quintiles, Québec (2004, 2006)

0,8 %

8%

0,6 %

7%

0,4 %

6%

0,2 %

5% 0%

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

4%

1997 (plus petit écart-type) 2004 (plus grand écart-type)

3% 2%

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableau 203-0022 ; Revenu Québec et Ministère des Finances du Québec, Mémoire présenté à la commission des finances publiques sur l’étude des mesures pour contrer la consommation de tabac de contrebande, septembre 2011. Estimations et calculs des auteurs.

1% 0%

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

2004 (plus petit écart-type) graphique 31

Taux effectif moyen de l’impôt sur le tabac pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011)

2006 (plus grand écart-type) Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableaux 203-0022, 183-0006, 326-0009 ; Revenu Québec et Ministère des Finances du Québec, Mémoire présenté à la commission des finances publiques sur l’étude des mesures pour contrer la consommation de tabac de contrebande, septembre 2011. Estimations et calculs des auteurs.

0,6 % 2010 2011

0,5 %

Les courbes présentées au graphique 32 rappellent plusieurs courbes vues précédemment : les taxes à la consommation se présentent le plus souvent, dans la période allant de 1997 à 2009, comme des taxes à taux unique (à l’instar de l’année 2004), mais parfois également comme des taxes clairement régressives (comme en 2006)a. Dans les deux cas, cela avantage les plus fortunés et désavantage les moins fortunés. Étudions la progressivité de ces taxes depuis les hausses de certains taux à partir de 2010. Le graphique 33b nous montre que les taxes à la consommation sont clairement régressives, de façon encore plus pénalisante pour les plus pauvres. Entre 2010 et 2012, le 20 % le plus pauvre a un taux d’effort plus d’une fois et demi plus grand que celui du 20 % le plus riche. Pour vérifier que ce n’est pas notre méthodologie qui tend à favoriser cette conclusion, appliquons le mode de calcul proposé par Godbout et St-Cerny, mais en mettant

0,4 %

0,3 %

0,2 %

0,1 %

0% Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM tableau 203-0022 ; Revenu Québec et Ministère des Finances du Québec, Mémoire présenté à la commission des finances publiques sur l’étude des mesures pour contrer la consommation de tabac de contrebande, septembre 2011. Estimations et calculs des auteurs.

a

Pour l’ensemble des données sur cette période, on consultera l’annexe 5.

b Rappelons que pour l’année 2012, les données concernant l’impôt sur le tabac ne sont pas disponibles. 39

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 33

Taux effectif moyen de l’ensemble des taxes à la consommation pour chacun des quintiles, Québec (2010, 2011, 2012)

graphique 34

Taux effectif moyen de l’ensemble des taxes à la consommation pour chacun des quintiles (Méthode CFFP), Québec (2011)

10 %

7%

9%

6%

8% 5%

7%

4%

6% 5%

3%

4% 2%

3% 2%

1%

1%

0%

0%

Quintile 1 2010

Quintile 2 2011

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableaux 203-0022, 183-000 et 326-0009 ; Revenu Québec et Ministère des Finances du Québec, Mémoire présenté à la commission des finances sur l’étude des mesures pour contrer la consommation de tabac de contrebande, septembre 2011 ; Luc Godbout et Suzie St-Cerny, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 24-26. Estimations et calculs des auteurs.

2012

Sources : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009 et CANSIM, tableaux 203-0022, 183-0006 et 326-0009 ; Revenu Québec et Ministère des Finances du Québec, Mémoire présenté à la commission des finances publique sur l’étude des mesures pour contrer la consommation de tabac de contrebande, septembre 2011. Estimations et calculs des auteurs.

l’accent sur l’intervention du gouvernement du Québeca. Le graphique 34 en présente le résultat, qui se concentre sur l’année 2011 comme c’est celle pour laquelle les informations sur la consommation de cigarette sont disponibles. Comme on le constate, même en utilisant cette méthode qui ne correspond pas à la réalité du crédit d’impôt pour le consommateur et qui accentue le caractère progressif de la mesure, les taxes à la consommation québécoises demeurent régressives. En effet, les plus pauvres font un effort de 26,7 % supérieur à celui des plus riches. Bref, contrairement à ce qu’affirme le CFFP, ces taxes ne sont pas progressives. De 1997 à 2009, elles prenaient généralement la forme d’une taxe à taux effectif unique et parfois celle d’une taxe régressive. Depuis 2010, les nouvelles données rendues disponibles par Statistique Canada nous montrent que ces taxes sont carrément régressivesb. La

thèse suivant laquelle les taxes à la consommation seraient des mesures progressives est clairement infirmée. Dans ce contexte, défendre leur hausse équivaut à vouloir taxer les plus pauvres au profit des plus fortunés. Par ailleurs, nous pouvons avancer une hypothèse explicative du caractère régressif des taxes à la consommation au Québec. En effet, l’élément essentiel qui est au cœur des variations de progressivité des taxes à la consommation nous semble être l’évolution des revenus et dépenses des ménages – qui sont très peu discutés par Godbout et St-Cerny – et non la présence ou l’absence de crédit d’impôt. Le graphique 35 couvre la période la plus longue étudiée (1997-2009) et compare l’évolution des revenus disponibles (donc après transferts, impôt et cotisations) et des dépenses du premier et du cinquième quintile. Alors que les plus riches ont vu leurs revenus croître de 17  % et leurs dépenses augmenter de 36  % en dollars constants, les plus pauvres ont connu des hausses respectives de 3 % et 4 %. Pendant que les plus riches dégageaient un revenu disponible de plus en plus grand, ce revenu stagnait chez les ménages les plus pauvres. Alors qu’on pourrait penser qu’en cas de hausse de taxe, ceux et celles qui n’ont pas les moyens de dépenser plus vont réduire leur consommation de biens taxables, cette solution n’est simplement pas

a L’étude de Godbout et St-Cerny se penche sur la TPS et la TVQ, en faisant abstraction des autres taxes à la consommation. Comme nous nous concentrons sur l’action du Québec, nous avons mis à jour le niveau du crédit d’impôt accordé en bonifiant les données de Godbout et St-Cerny, et nous avons procédé selon leur méthode de réduire le montant de taxes payées de ce montant et d’en tenir compte dans le revenu. Cependant, le crédit d’impôt pour la TPS reste considéré dans les transferts inclus dans le revenu. b Il est bon de rappeler ici que la période où ont eu lieu la plupart des hausses de taxes correspond également à la rupture de données dans l’étude que nous utilisons. Il est donc difficile de départager l’effet de l’une et de l’autre. Chose certaine cependant, comme le montre le

graphique 33 avec les données d’aujourd’hui, les taxes à la consommation sont clairement régressives. 40

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

graphique 35

Évolution des revenus disponibles et des dépenses taxables des premier et cinquième quintiles, Québec, en dollars constants de 2012 (1997-2009)

graphique 36

Part du revenu disponible consacrée aux dépenses courantes, par quintile (1997-2009), Québec

160 %

120 000 $ 140 % 100 000 $

120 % 100 %

80 000 $

80 % 60 000 $ 60 % 40 000 $

40 % 20 %

20 000 $

00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09

99

20

98

19

19 06 20 07 20 08 20 09

05

20

04

20

03

20

02

20

01

20

00

20

99

20

98

19

97

19

19

19

97

0% 0$

Dépenses taxables Quintile 1

Dépenses taxables Quintile 5

Revenus disponibles Quintile 1

Revenus disponibles Quintile 5

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 4

Quintile 5

Quintile 3

Source : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009. Calculs des auteurs.

Source : Statistique Canada, EDM, tableaux détaillés, 1997-2009. Calculs des auteurs.

possible pour les quintiles les plus pauvres. C’est ce que montre le graphique 36 qui illustre la part des revenus disponibles occupés par les dépenses courantesa. Comme on le voit, pour les deux quintiles inférieurs, la consommation courante est nettement plus importante que les revenus disponiblesb. Le troisième quintile dépense à peu près la totalité de son revenu disponible en dépenses courantes, tandis que les plus hauts revenus ont une certaine marge de manœuvre, qui atteint environ 20 % de leur revenu disponible dans le cas du cinquième quintile. Qu’arrive-t-il alors lorsque survient une hausse de taxe ? Les ménages les plus pauvres peuvent-ils diminuer conséquemment leur consommation pour éviter de payer plus ? Il est évident que non : s’ils étaient en mesure de diminuer leur consommation courante, ils l’auraient fait depuis un moment déjà puisque leurs dépenses dépassent largement leurs revenus et qu’on ne peut supposer que 20 % de la population se

mettrait volontairement dans une situation constante d’endettement. On peut donc supposer que les deux premiers quintiles ont atteint un niveau de dépense incompressible, en bas duquel ils ne peuvent plus descendre sans nuire considérablement à leur qualité de vie. Que se passe-t-il alors quand les niveaux de taxation augmentent sans que les salaires croissent ? Les ménages les plus pauvres se trouvent à dépenser davantage en taxes et s’endettent pour le faire. En haussant les taxes à la consommation, l’État encourage donc une hausse de l’endettement des ménages. C’est l’évolution des revenus qui est la donnée centrale pour comprendre l’effet d’une éventuelle montée des taxes à la consommation sur la population la plus pauvre. Toute hausse de taxe qui dépassera une hausse de revenu ajoutera à l’endettement des plus pauvres. Les plus riches auront la possibilité de faire fluctuer leur consommation en fonction de leurs besoins, de leurs désirs et de leurs choix. Mais dans le contexte d’un revenu des plus pauvres qui stagne et d’un revenu des plus fortunés qui s’accroît, il est également évident qu’une telle taxe sera de plus en plus régressive. Bref, continuer dans la direction d’une hausse des taxes à la consommation, sans s’attaquer à la question de la stagnation des salaires ou sans augmenter la redistribution par l’impôt sur le revenu, signifiera continuer d’exiger des plus pauvres qu’ils modèrent leur consommation, tout en laissant les plus riches consommer davantage alors que les taxes exigent d’eux un effort fiscal moindre.

a Les données pour 2010-2012 tendent à confirmer cette situation d’endettement, mais à des niveaux encore plus importants. Il est prématuré cependant d’affirmer quoi que ce soit avec seulement trois années disponibles. b On peut se demander comment des ménages survivent en dépensant systématiquement plus que leurs revenus. Formulons quelques hypothèses à cet égard. La première et la plus évidente nous semble bien entendu l’endettement, que nous avons étudié dans d’autres publications. On pourrait y ajouter d’autres explications, par exemple l’aide des parents à des étudiant·e·s après leur départ du domicile familial. Bien sûr, des phénomènes comme le travail au noir ou la mobilité entre les quintiles peuvent aussi expliquer comment des gens parviennent à survivre dans cette situation. 41

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Conclusion Cette étude a passé en revue deux arguments. Selon le premier, le Québec devrait se lancer sur la voie de la hausse des taxes à la consommation pour y suivre l’OCDE, mais surtout les pays scandinaves. Pour le second, cela se ferait sans peine, car les taxes à la consommation ne seraient pas, au final, régressives comme on le dit souvent. Notre étude a démontré les failles importantes de ces deux arguments. Contrairement à ce que le premier argument laisse croire, les pays scandinaves ne sont pas du tout en train de hausser leur proportion de taxes à la consommation. En fait, sur la question de l’imposition, ils ne constituent pas un groupe homogène et n’ont d’ailleurs pas du tout connu la même évolution. En ce moment, on peut plutôt constater qu’ils procèdent à une diminution de la taxation des individus, alors que l’imposition des sociétés et les cotisations sociales occupent une part croissante de leur structure fiscale. Par ailleurs, ces pays ont un marché du travail plus égalitaire que celui du Québec. Les différences entre les salaires des dirigeant·e·s et celui des simples employé·e·s sont beaucoup moins marquées qu’au Québec. De plus, leur système d’imposition du revenu est plus fonctionnel que celui du Québec et répartit mieux la richesse. Leurs taxes à la consommation s’appliquent donc dans le contexte d’une plus grande égalité sociale. Bref, les pays scandinaves ne sont pas en train de faire une plus grande place aux taxes à la consommation dans leur structure fiscale, et celles qu’ils possèdent déjà sont appliquées dans un cadre plus égalitaire que celui du Québec. Quant au second de ces arguments, il repose sur un choix méthodologique contestable. Nous avons vu qu’en appliquant un mode de calcul plus simple et plus proche de la réalité de l’action gouvernementale, les taxes à la consommation se révèlent, de 1997 à 2009, comme des mesures à taux unique, soit un mode de taxation désavantageux pour les personnes les plus pauvres. De 2010 à 2012, elles sont carrément régressives. Cela signifie que les personnes les plus pauvres doivent faire un effort plus important par rapport à leurs revenus que les personnes les plus riches. Dans ce contexte, il apparaît que la proposition d’augmenter les taxes à la consommation est au final une politique publique qui renforcerait les inégalités sociales au Québec, alors que celles-ci vont déjà s’aggravant. La conséquence directe d’une telle hausse des inégalités serait un accroissement de l’endettement des ménages. Il nous semble donc préférable que le gouvernement s’abstienne d’adopter une telle politique.

43

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

2011, www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/ chaire-fiscalite/documents/Taxes_a_la_consommation/Taxesconsommation-Final.pdf.

Notes de fin de document 1

Éric PINEAULT, Cette fois, est-ce différent ? La reprise financiarisée au Canada et au Québec, Rapport de recherche, Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), juin 2013, www. iris-recherche.qc.ca/publications/reprise-financiarisee.

2

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan budgétaire 2014-2015, février 2014, p. A13, www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/ 2014-2015/fr/documents/Planbudgetaire.pdf.

3

4

6

Luc GODBOUT et Suzie ST-CERNY, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, Document de travail, CFFP, mai 2014, p. 4, www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/Cahiers-derecherche/Bilan_fiscalite_2014-04-30.pdf.

7

Luc GODBOUT et Mathieu ARSENEAU, Le dosage des impôts au sein de la structure fiscale québécoise : Le déplacement de la taxation des revenus vers la consommation, Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), mars 2005, www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2005s-11.pdf ; Luc GODBOUT et Pierre BELTRAME, Fiscalité comparée : Comparaison de l’importance des recettes fiscales par rapport au PIB – le Québec en regard du G7, de l’OCDE et de l’UE, Document de travail, CFFP, novembre 2006, www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/Cahiers-de-recherche/ Fiscalite_comparee_Comparaison_de_l_importance_des_ recettes_fiscales_par_rapport_au_PIB_le_Quebec_en_regard_du_G7_de_l_OCDE_et_de_l_UE.pdf ; GODBOUT et ST-CERNY, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, op. cit. ; GODBOUT, ST-CERNY et PAQUIN, Une contribution accrue des taxes à la consommation : la voie à suivre pour le Québec ?, op. cit. ; Stéphane PAQUIN, Jean-Patrick BRADY, Pier-Luc LÉVESQUE et Luc GODBOUT, Indicateurs économiques et sociaux : La performance au Québec et dans les pays scandinaves, Document de travail, CFFP, mai 2013, www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chairefiscalite/documents/Cahiers-de-recherche/etude_Quebec_ et_pays_scandinaves.pdf ; Luc GODBOUT et Suzie ST-CERNY, La perception du caractère régressif des taxes à la consommation au Québec est‐elle fondée ?, Document de travail, CFFP, mars

9

Ibid. l’importance des recettes fiscales par rapport au PIB – le Québec en regard du G7, de l’OCDE et de l’UE, op. cit., p. 7-12.

11 Ibid., p. 8. 12 Alain EUZÉBY, « Les prélèvements obligatoires sont-ils exces-

sifs ? », Droit social, vol. 47, n° 4, Paris, 1994, p. 321, cité dans GODBOUT et BELTRAME, Fiscalité comparée : Comparaison de l’importance des recettes fiscales par rapport au PIB – le Québec en regard du G7, de l’OCDE et de l’UE, op. cit., p. 7. 13 GODBOUT et ST-CERNY, La fiscalité au Québec : un regard com-

En commençant par le ministre des Finances, Carlos Leitão, qui trouve cette idée « très prometteuse » : Charles LECAVALIER, « Moins d’impôts et plus de taxes, dit Leitao », Le Journal de Montréal, 12 juin 2014. On note aussi les commentateurs économiques qui ont repris les conclusions des diverses études de la CFFP, comme Francis VAILLE, « Vive la TVQ… », La Presse, 30 janvier 2012, mais aussi la récente publication de l’ouvrage de Stéphane PAQUIN, Social-démocratie 2.0 : Le Québec comparé aux pays scandinaves, Montréal, PUM, 2014, qui reprend ces thèses et qui est préfacé par Pierre Fortin. www.examenfiscalite.gouv.qc.ca/mandat/

GODBOUT et ST-CERNY, La fiscalité au Québec : un regard comparatif pour guider son renouvellement, op. cit., p. 9.

10 GODBOUT et BELTRAME, Fiscalité comparée : Comparaison de

Luc GODBOUT, Suzie ST-CERNY et Stéphane PAQUIN, Une contribution accrue des taxes à la consommation : la voie à suivre pour le Québec ?, Document de travail, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke (CFFP), mars 2011, www.usherbrooke.ca/chairefiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/Taxes_a_ la_consommation/Dosage-Final.pdf ;

5

8

paratif pour guider son renouvellement, op. cit. 14 Francis FORTIER et Simon TREMBLAY-PEPIN, Les Québecois-es :

les plus imposé-e-s en Amérique du Nord ?, Note socio-économique, IRIS, février 2013 ; Luc GODBOUT, Suzie ST-CERNY et Michaël ROBERT-ANGERS, Entre un poids élevé de l’impôt sur le revenu et une charge fiscale nette faible : où se positionne le Québec ?, Document de travail, CFFP, 2013, www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/Cahiers-de-recherche/ 2013-04_CFN_Quebec_G7_2012.pdf ; Luc GODBOUT, Suzie ST-CERNY et Michaël ROBERT-ANGERS, La charge fiscale nette en 2009 : une position compétitive pour le Québec combinée à une forte progressivité et à une solide prise en compte de la situation familiale, Document de travail, CFFP, juin 2011, hwww.usherbrooke. ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/ Cahiers-de-recherche/La-charge-fiscale-nette-2009.pdf. 15 Emmanuel SAEZ, Pour une révolution fiscale : un impôt sur le re-

venu pour le XXIe siècle, Paris, Le Seuil, 2011 ; Marc LEE et Iglika IVANOVA, Fairness by Design : A Framework for Tax Reform in Canada, Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), 2013, www.policyalternatives.ca/publications/reports/fairness-design. 16 GODBOUT et ST-CERNY, La perception du caractère régressif des

taxes à la consommation au Québec est‐elle fondée ?, op. cit., p. 6. 17 BUREAU DU DIRECTEUR PARLEMENTAIRE DU BUDGET,

Analyse des recettes et de l’impact distributif des changements fiscaux fédéraux : 2005 à 2013, mai 2014, www.pbo-dpb.gc.ca/ files/files/Tax_Report_Presentation_FR.pdf. 18 OCDE, Toujours plus d’inégalité : Pourquoi les écarts de

revenus se creusent, Éditions OCDE, 2012, http://dx.doi. org/10.1787/9789264119550-fr. 19 Eve-Lyne COUTURIER et Bertrand SCHEPPER, Qui s’enrichit, qui

s’appauvrit – 1976-2006, IRIS, mai 2010, www.iris-recherche. qc.ca/publications/qui_s8217enrichit_qui_s8217appauvrit_-_ 1976-2006. 20 Stéphane PAQUIN et Luc GODBOUT, La TVA sociale, une idée

pour le Québec ?, Document de travail, CFFP, mars 2011, repris dans Stéphane PAQUIN (dir.), Social-démocratie 2.0 : Le Québec comparé aux pays scandinaves, Montréal, PUM, 2014, p. 209. 45

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl%20 ?Function=getM ainChange&InstaId=15492&SurvId=3508&SurvVer=2&SD DS=3508 (consulté le 11 septembre 2014).

21 Ibid., p. 22-23. 22 PAQUIN et autres, Indicateurs économiques et sociaux : La perfor-

mance au Québec et dans les pays scandinaves, op. cit., p. 22.

31 POSCA et TREMBLAY-PEPIN, Les inégalités : le 1 % au Québec,

23 CENTRE D’ÉTUDE SUR LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION

op. cit.

(CEPE), Prendre la mesure de la pauvreté : proposition d’indicateurs de pauvreté, d’inégalités et d’exclusion sociale afin de mesurer les progrès réalisés au Québec, Avis au ministre, 2009, www.cepe. gouv.qc.ca/publications/pdf/Avis_CEPE.pdf ; Alex COBHAM et Andy SUMNER, Is It All About the Tails ? The Palma Measure of Income Inequality, Working Paper, Center for Global Development (CGD), 2013, www.cgdev.org/publication/it-all-abouttails-palma-measure-income-inequality.

32 Ibid. 33 Pour connaître la liste des produits exemptés de taxe : « Pro-

duits alimentaires de base », Revenu Québec, www.revenuquebec.ca/fr/citoyen/taxes/tpstvq/alimentation/alimentationbase. aspx (consulté le 11 septembre 2014). 34 GODBOUT et ST-CERNY, La perception du caractère régressif des

taxes à la consommation au Québec est-elle fondée ?, op. cit., p. 19.

24 « Concepts analytiques : Coefficient de Gini », Statistique

Canada, www.statcan.gc.ca/pub/75f0011x/2011001/notes/ analytical-analytiques-fra.htm#a10 (consulté le 11 septembre 2014).

35 Ibid. 36 STATISTIQUE CANADA, Guide de l’utilisateur, Enquête sur

les dépenses des ménages, 2-008, Division de la statistique du revenu, décembre 2009, p. 13-14, www.statcan.gc.ca/ pub/62f0026m/62f0026m2009002-fra.pdf. Sous la rubrique « Revenu moyen du ménage avant impôt », on peut lire : « Comprend le revenu total que le ménage a reçu au cours de l’année de référence, le revenu provenant de salaires et traitements, le revenu provenant d’un travail autonome, les montants nets de loyer, les intérêts et les dividendes, toutes les pensions, les indemnités d’accident du travail et les prestations d’assurance-emploi, les suppléments d’aide sociale et du revenu, les prestations fiscales pour enfants, les crédits de la taxe sur les produits et services, les crédits de taxe de vente harmonisée, les crédits d’impôt provinciaux et divers encaissements de revenus réguliers. » Nous soulignons.

25 OCDE, « Inégalité des revenus », dans Panorama des statistiques

de l’OCDE 2010 : Économie, environnement et société, Éditions OCDE, 2011, http://dx.doi.org/10.1787/factbook-2010-fr. 26 COUTURIER et SCHEPPER, Qui s’enrichit, qui s’appauvrit –

1976-2006, op. cit. ; Julia POSCA et Simon TREMBLAY-PEPIN, Les inégalités : le 1 % au Québec, IRIS, octobre 2013, www. iris-recherche.qc.ca/publications/1pourcent ; Paul-André LAPOINTE, Au Québec, est-ce que l’enrichissement profite vraiment à tout le monde ?, IRIS, août 2014, www.iris-recherche.qc.ca/publications/enrichissement. 27 PAQUIN et autres, Indicateurs économiques et sociaux : La perfor-

mance au Québec et dans les pays scandinaves, op. cit., p. 12.

37 Francis FORTIER, Crédit d’impôt pour solidarité : une mesure de lutte

28 GODBOUT et ST-CERNY, La perception du caractère régressif des

contre la pauvreté ?, IRIS, décembre 2012, www.iris-recherche. qc.ca/publications/cis.

taxes à la consommation au Québec est-elle fondée ?, op. cit., p. 31. 29 Ibid., p. 14-19, 31. La seule différence tient au calcul des

dépenses taxables. Nous nous sommes concentrés sur la TVQ sans tenir compte de la TPS – ce qui change le nombre de biens non taxables –, mais la différence est mineure. En refaisant le calcul pour 2008, l’année utilisée par Godbout et St-Cerny, nous arrivons aux mêmes dépenses taxables à moins de 2 % près. Nous avons aussi décidé de ne pas tenir compte des « autres recettes monétaires » que Godbout et St-Cerny considèrent dans leur calcul, car c’est un montant très fluctuant qui n’est pas disponible pour toute la période. Là où nos méthodes diffèrent, c’est au calcul du crédit d’impôt remboursable pour la TVQ. Nous expliquons en quoi plus loin. 30 « Une nouvelle méthodologie qui combine l’utilisation d’un

questionnaire et d’un journal pour collecter les dépenses des ménages a été instaurée pour l’enquête de 2010. Les périodes de référence ont été réduites pour plusieurs items de dépenses et la collecte est effectuée en continu au cours de l’année. Bien que les dépenses recueillies depuis l’EDM 2010 soient similaires à celles des années antérieures, les changements apportés aux méthodes de collecte des données, de traitement et d’estimation ont causé une rupture dans les séries de données. Par conséquent, il faut faire preuve de prudence au moment de comparer les données de l’EDM depuis 2010 à celles d’années antérieures, à moins d’indication contraire. » Tiré de : « Résumé chronologique des changements – Enquête sur les dépenses des ménages (EDM) », Statistique Canada, 46

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Lexique

Recettes fiscales Désigne l’ensemble des revenus provenant des taxes, des impôts et des cotisations sociales obligatoires de tous les paliers de gouvernement sur un territoire donné.

Coefficient de détermination (R2) Outil statistique qui permet de mesurer la qualité de la régression linéaire simple. Le R2 se situe entre 0 et 1. Plus il est près de 1, plus la corrélation est forte.

Taux de pression fiscale ou poids de la fiscalité Le terme de « poids de la fiscalité » est souvent utilisé comme synonyme à « taux de pression fiscale ». Il représente la proportion des recettes fiscales sur le PIB.

Décile Les déciles sont une répartition en fonction du revenu de la population en 10 tranches égales. Ainsi, le premier décile (D1) est formé du 10 % le plus pauvre. Le dixième décile (D10) est le 10  % le plus riche de la population.

Taux effectif Le taux effectif est le taux d’imposition réellement payé par un individu ou une société. Ce taux représente la proportion de l’impôt payé sur l’ensemble des revenus bruts.

Indice ou coefficient de Gini Selon Statistique Canada, « les valeurs du coefficient de Gini varient entre 0 et 1. Une valeur de zéro indique que le revenu est également divisé entre les membres de la population : toutes les unités recevant exactement le même montant de revenu. Par contre, un coefficient de Gini de 1 dénote une distribution parfaitement inégale au sein de laquelle une unité possède l’ensemble du revenu de l’économie. Une diminution de la valeur du coefficient de Gini peut, dans une large mesure, être interprétée comme une diminution de l’inégalité, et vice versa. »

Taxes à la consommation Montant à verser au gouvernement pour une quantité donnée d’un bien ou d’un service acheté (taxe d’accise) ou pour une part du montant d’une vente (taxe de vente).

Transferts gouvernementaux L’ensemble des paiements tels que les prestations fiscales et crédits d’impôt pour enfants, les prestations d’assurance-emploi, les pensions de vieillesse, les prestations de bien-être social, les bourses et subventions de recherche, les prestations d’indemnisation des accidents de travail, les subventions aux Autochtones et à leurs organisations, les pensions versées en vertu du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec et les allocations aux anciens combattants.

Prélèvement fiscal Prélèvement obligatoire d’un gouvernement qui prend principalement la forme d’impôt sur le revenu des particuliers, d’impôt des sociétés et de cotisations sociales.

Quintile Divise la population en 5 tranches égales. Ainsi, le premier quintile (Q1) correspond au 20  % le plus pauvre et le cinquième quintile (Q5), au 20 % le plus riche.

Rapport interdécile Les rapports interdéciles permettent de mesurer l’étendue des différences de revenus entre des déciles donnés.

Ratio IR/IC Le ratio IR/IC est la proportion du PIB que représentent les impôts sur le revenu qui est divisée par le pourcentage du PIB que représentent les taxes à la consommation.

47

Annexes

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Annexe 1 – TVQ

tableau 6

Taux effectif par quintile de la TVQ (1997, 2009)

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

1997

5,20 %

5,40 %

5,60 %

5,49 %

4,98 %

1998

4,77 %

5,31 %

5,44 %

5,18 %

4,73 %

1999

4,41 %

5,05 %

5,10 %

4,81 %

4,75 %

2000

4,74 %

5,27 %

5,30 %

5,36 %

5,28 %

2001

4,61 %

5,33 %

5,42 %

5,16 %

5,22 %

2002

5,14 %

5,25 %

5,72 %

5,37 %

4,96 %

2003

4,60 %

4,96 %

5,31 %

5,48 %

4,97 %

2004

4,63 %

4,93 %

5,10 %

5,28 %

5,15 %

2005

4,83 %

4,81 %

5,14 %

5,17 %

4,76 %

2006

5,46 %

5,27 %

5,06 %

5,03 %

4,50 %

2007

4,44 %

4,70 %

4,91 %

4,74 %

4,43 %

2008

4,43 %

4,84 %

4,94 % 8

4,81 %

4,62 %

2009

4,04 %

4,68 %

4,75 %

4,55 %

4,55 %

51

Tracé de la courbe

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Annexe 2 – Taxe sur les carburants

tableau 7

Taux effectif par quintile de la taxe sur les carburants (1997 à 2009)

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

1997

0,65 %

0,99 %

1,10 %

1,05 %

0,88 %

1998

0,57 %

0,99 %

1,08 %

1,07 %

0,84 %

1999

0,68 %

1,01 %

1,03 %

0,99 %

0,85 %

2000

0,53 %

0,85 %

1,03 %

1,02 %

0,79 %

2001

0,58 %

0,81 %

0,95 %

0,82 %

0,69 %

2002

0,66 %

0,95 %

1,05 %

0,99 %

0,73 %

2003

0,59 %

0,82 %

0,87 %

0,91 %

0,70 %

2004

0,68 %

0,74 %

0,87 %

0,79 %

0,68 %

2005

0,59 %

0,70 %

0,79 %

0,84 %

0,57 %

2006

0,55 %

0,71 %

0,73 %

0,72 %

0,52 %

2007

0,50 %

0,65 %

0,76 %

0,72 %

0,52 %

2008

0,35 %

0,58 %

0,64 %

0,59 %

0,45 %

2009

0,48 %

0,69 %

0,74 %

0,72 %

0,55 %

52

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Annexe 3 – Taxe sur les boissons alcooliques9

tableau 8

Taux effectif par quintile de la taxe sur les boissons alcooliques (1997 à 2009)

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

1997

0,16 %

0,17 %

0,16 %

0,16 %

0,14 %

1998

0,17 %

0,15 %

0,17 %

0,16 %

0,14 %

1999

0,16 %

0,15 %

0,16 %

0,16 %

0,16 %

2000

0,19 %

0,16 %

0,16 %

0,14 %

0,16 %

2001

0,14 %

0,15 %

0,16 %

0,15 %

0,14 %

2002

0,15 %

0,15 %

0,15 %

0,14 %

0,15 %

2003

0,17 %

0,14 %

0,15 %

0,14 %

0,13 %

2004

0,13 %

0,15 %

0,16 %

0,14 %

0,13 %

2005

0,19 %

0,15 %

0,16 %

0,15 %

0,13 %

2006

0,20 %

0,17 %

0,17 %

0,12 %

0,13 %

2007

0,16 %

0,18 %

0,16 %

0,14 %

0,12 %

2008

0,16 %

0,16 %

0,14 %

0,13 %

0,13 %

2009

0,22 %

0,16 %

0,14 %

0,14 %

0,12 %

53

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Annexe 4 – Impôt sur le tabac

tableau 9

Taux effectif par quintile de l’impôt sur le tabac (1997 à 2009)

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

1997

0,62 %

0,49 %

0,41 %

0,33 %

0,26 %

1998

0,85 %

0,69 %

0,59 %

0,49 %

0,30 %

1999

0,89 %

0,62 %

0,59 %

0,40 %

0,33 %

2000

0,70 %

0,61 %

0,50 %

0,42 %

0,27 %

2001

0,97 %

0,82 %

0,79 %

0,53 %

0,44 %

2002

1,16 %

1,03 %

0,61 %

0,89 %

0,49 %

2003

1,05 %

1,02 %

0,79 %

0,76 %

0,48 %

2004

1,17 %

0,88 %

0,81 %

0,60 %

0,33 %

2005

0,84 %

0,57 %

0,71 %

0,43 %

0,24 %

2006

0,92 %

0,70 %

0,48 %

0,40 %

0,26 %

2007

0,70 %

0,58 %

0,47 %

0,41 %

0,21 %

2008

0,66 %

0,53 %

0,38 %

0,36 %

0,27 %

2009

0,85 %

0,47 %

0,46 %

0,33 %

0,22 %

54

Les taxes à la consommation et les inégalités au Québec

Annexe 5 – Ensemble des taxes à la consommation

tableau 10

Taux effectif par quintile de l’ensemble des taxes à la consommation (1997 à 2009)

Quintile 1

Quintile 2

Quintile 3

Quintile 4

Quintile 5

1997

6,63%

7,05%

7,27%

7,02%

6,26%

1998

6,13%

6,94%

7,10%

6,74%

5,97%

1999

6,09%

6,89%

6,88%

6,44%

6,06%

2000

6,35%

6,89%

7,08%

6,92%

6,57%

2001

6,03%

6,89%

7,03%

6,55%

6,32%

2002

6,92%

7,17%

7,72%

7,03%

6,28%

2003

6,51%

6,95%

6,95%

7,42%

6,30%

2004

6,49%

6,84%

6,93%

6,97%

6,44%

2005

6,78%

6,55%

6,89%

6,76%

5,79%

2006

7,06%

6,72%

6,67%

6,31%

5,39%

2007

6,02%

6,23%

6,31%

5,99%

5,33%

2008

5,63%

6,16%

6,19%

5,94%

5,41%

2009

5,40%

6,07%

6,01%

5,78%

5,49%

55

L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), un institut de recherche indépendant et progressiste, a été fondé à l’automne 2000. Son équipe de chercheur·e·s se positionne sur les grands enjeux socio-économiques de l’heure et offre ses services aux groupes communautaires et aux syndicats pour des projets de recherche spécifiques.

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