Les nouvelles frontières de l'open innovation - Entreprise Globale

Dans l'automobile, l'électronique ou l'aéronautique, les fournisseurs de composants et de pièces détachées ont, eux, été invités par leurs donneurs d'ordre à ...
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Les nouvelles frontières de l’open innovation Jean-Yves Huwart / Entreprise Globale En partenariat avec Awex

Rapport Open Innovation / Awex

Table des matières 1. Pourquoi l’open innovation

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La genèse de l’industrialisation de l’innovation Les laboratoires-citadelles des années 1960 L’ouverture comme réponse à la complexité Sous-traitance et marché de la propriété intellectuelle 2012, un plus grand besoin d‘ouverture, encore… “Pourquoi l’open innovation s’impose chez nous?” : Interview - Didier Malherbe, Administrateur délégué UCB Belgique

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2. Une approche à multiples facettes

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Glissement de paradigme Les différents visages de l’open innovation Définitions souples et restrictives

3. Une brève cartographie de l’open innovation

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Clusters et pôles de compétitivité C.E.S.A.R – Porto Digital (Recife, Brésil) L’innovation avec les fournisseurs Atol rapatrie sa production en France pour co-innover avec ses sous-traitants Innovation avec les concurrents Un modèle de co-opétition dans le secteur des panneaux solaires Idea Markets et communautés d’innovation Precyse reçoit 33 suggestions utiles collectées en 90 jours La co-création et le crowdsourcing Tchibo-Ideas.de, un exemple de co-création C2C Le Henkel innovation Challenge : un concours d’innovation sur les réseaux sociaux Le Pepsi Refresh Project : co-innover dans le domaine du marketing Swisscom Labs : « user-driven innovation » Une grande marge de progression en matière d’open innovation dans de très nombreux secteurs

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4. Un état d’esprit approprié

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L’importance d’un cadre de confiance – L’exemple de l’accord Texas A&M / Awex p42 Le rôle positif des « connecteurs » p45 Comment Xerox pratique l’open innovation de six façons différentes et simultanées p47

5. Les PME et l’open innovation

“ Le PME ont tout à gagner de l’open innovation, même si elles ne doivent pas oublier d’être prudentes”: Interview - Jeffrey Baumgartner, consultant-expert de l’innovation collaborative dans les PME : Internalisation de la R&D des PME L’influence du modèle open source Les petites structures sont comme des grandes grâce au crowdsourcing

Conclusion

Photo de couverture : Fiat Mio CC Source : Fiatmio.br

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1. Pourquoi l’open innovation “Si vous voulez mettre le doigt sur de grandes idées, vous devez en avoir beaucoup.” Thomas Edison

La genèse de l’industrialisation de l’innovation Thomas Edison, né en 1847, fut l’un des innovateurs les plus prolifiques de l’ère moderne. L’Humanité lui doit les téléscripteurs, les micros pour les premiers téléphones, le phonographe ou, bien sûr, l’ampoule électrique. Les historiens s’entendent pour dire qu’Edison est à l’orgine de l’industrialisation de l’innovation. Au cours de sa carrière, Edison déposa plus d’un millier de brevets. Cette fécondité, l’inventeur la doit à une curiosité sans borne. Edison avait l’habitude de collaborer avec des acteurs très divers dans les domaines tant scientifiques qu’économiques et politiques. Le destin d’Edison n’aurait jamais été le même si ce dernier n’avait systématiquement associé à ses explorations des partenaires tiers.

L’un des premiers prototypes d’ampoule à incandescence développé par Thomas Edison

Tout au long de sa vie, l’inventeur américain n’envisagea jamais l’innovation comme une démarche purement isolée1. S’il fut bien un impulseur, ses inventions ont la plupart du temps bénéficié des inputs de collaborateurs brillants dont il s’entourait et de partenaires extérieurs. Les biographies de Thomas Edison racontent ainsi qu’il passait une grande partie de ses journées et de ses soirées à réseauter avec autant de personnes que possible. Pour l’ampoule à incandescence2, Thomas Edison partit d’un prototypes vieux de vingt ans qu’il persista sans relâche à améliorer. Au bout de quelque 6.000 essais différents et un an et demi de travail, Edison trouva la solution3. L’inventeur ne s’arrêta toutefois pas en chemin. Sans un réseau électrique et un parc de générateurs, l’ampoule à incendescence n’avait aucun intérêt. Thomas Edison s’associa donc avec des experts en réseau et des industriels pour mettre au point le premier réseau électrique intégral. Non seulement il mit au point une technologie nouvelle. Mais grâce à ses contacts, il put également contribuer à bâtir l’ensemble de la filière électrique. L’aventure du téléscripteur, du

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Même si, avec plus de 60 chercheurs sous sa responsabilité directe à Menlo Park, dans l’Etat du New Jersey, Thomas Edison a créé le premier laboratoire industriel de l’Histoire. Invention qui rendit la première Edison célèbre. 3 problème des prototypes d’ampoules précédants était que la durée de vie du filament n’était que de quelques heures. L’invention était donc inexploitable en situation d’utilisation réelle. En utilisant de la fibre de bambou, il put porter la durée de vie du filament d’une ampoule à plus de 600 heures. Cette dernière devenait ainsi commercialisable. 2

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phonographe voire même du cinéma furent à peine différentes. A la fin de sa vie, Thomas Edison dirigeait un empire industriel ainsi que l’un des plus importants regroupements de scientifiques et d’ingénieurs du globe.

Les laboratoires-citadelles des années 1960 A partir de l’époque Edison, les activités d’innovation au sein des entreprises se sont professionnalisées. L’image d’Epinal du savant génial et échevelé, enfermé jour et nuit dans son laboratoire, a laissé la place à des équipes organisées. La recherche s’est organisée autour de protocoles. Des départements Innovation à part entière ont vu le jour dans les organisations industrielles, avec leurs propres budgets, leurs propres recrutements, dans lesquels furent logées les tâches relatives à la recherche et à l’innovation. La recherche s’est “taylorisée”. Ce faisant, toutefois, les équipes spécifiquement dédiées à l’innovation se sont parfois isolées du reste de l’organisation. Les tâches liées à l’innovation furent réservées à des profils d’employés et de cadres bien définis et identifiés au sein de l’organisation, et non à l’ensemble des salariés. Encore moins à des intervenants extérieurs. Les départements d’innovation se sont transformés en citadelle, protégeant des cohortes de chercheurs isolés du monde extérieur. Cette évolution correspondait alors, à un contexte historique. Les priorités étaient dissemblables. En période de forte croissance, en effet, dans les années 50 et 60, l’enjeu, pour la plupart des entreprises industrielles, était de conquérir de nouveaux marchés de masse. La concurrence était moins rude. L’environnement économique était plus prévisible. Les entreprises pouvaient gérer leur processus d’innovation de façon linéaire, en se basant sur simple analyse des rapports coût/ bénéfice. A partir des années 70, toutefois, la crise est apparue. Le contexte économique s’est durci. Les projets d’innovation ont été dotés d’échéances plus précises. Des objectifs à plus court terme se sont imposés. Dans les années 80, les principes de la gestion de la qualité inspirés du « miracle » industriel japonais ont intégré les méthodes de gestion de l’innovation des entreprises européennes et américaines. L’amélioration de la qualité et des performances des produits existants est devenue l’une des priorités des labos et des ingénieurs. Avec l’intensification de la mondialisation, dans les années 90, les entreprises ont investi dans des systèmes sophistiqués visant à raccourcir les distances entre leurs clients et leurs fournisseurs

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(optimisation de la supply chain). La priorité en matière d’innovation a glissé vers la recherche des réductions de coûts, aux dépens, parfois, de l’innovation de produits.

L’ouverture comme réponse à la complexité L’économie et les processus industriels n’ont cessé, depuis, de se complexifier. La digitalisation de l’information a accéléré les cycles d’innovation, dans le même temps qu’elle rendait les consommateurs plus critiques. De nou acteurs ont pris leur essor en Asie et dans d’autres pays émergents. Les marchés sont devenus plus concurrentiels et plus volatiles. Les offres de produits se sont enrichies. Dans les produits alimentaires, les boissons, les céréales ou les articles de confection, par exemple, la variété des articles proposée aux consommateurs augmente de 25% par an1. En 2010, les fabricants de combinés portables commercialisaient 900 modèles différents de téléphones portables en plus qu’en 2001… Les technologies sont plus complexes. Un « Smartphone » moderne est couvert pas près de 300 brevets différents, dans des domaines très variables qui vont des modules radios à la structure informatique ou aux économiseurs de batteries. Cette inflation de nouveaux produits toujours plus intégrés nécessite, désormais, des approches multidisciplinaires. Pour les entreprises s’arc-boutant sur la maîtrise de A à Z, en interne, de leurs processus d’innovation, les choses sont devenues plus compliquées. En même temps, elles sont tenues, pour rester compétitives, de garder contact avec des matières toujours plus hétéroclites. L’unique moyen, pour nombre d’entre elles, de relever les défis modernes de l’innovation consiste à s’ouvrir. A mettre en œuvre des collaborations. A embrasser les principes et la dynamique de l’open Innovation.

Sous-traitance et marché de la propriété intellectuelle Certes, l’open innovation n’est pas une nouveauté pour certaines entreprises. Depuis les années 90, certaines grandes entreprises réduisent et sous-traitent une partie de leurs efforts en R&D.

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McKinsey Quarterly

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ETATS-UNIS : ÉVOLUTION DE LA PART DE LA R&D SUPPORTÉE PAR LES GRANDES ENTREPRISES DEPUIS LES ANNÉES 60 A

90% 85% 80% 75% 70% 65% 60% 55% 50% 45% 40% 1960

Pourcentage de la R&D industrielle aux mains des grandes entreprises américaines (+ de 10.000 salariés)

B

2,0% 2,0%

Investissements en R&D des grandes entreprises en pourcentage du PIB américain

1,5% A

Pourcentage de la R&D industrielle aux américain.

B

Pourcentage du PIB américain.

1,0%

1970

1980

1990

2000

0,5% 2010

Source : Open Innovation in Europe effects, determinants and Policy, Oslo, July 19th 2011

Les investisseurs financiers ont incité les capitaines d’industrie à se détourner du modèle du conglomérat industriel, pour se concentrer sur certaines tâches plus spécifiques. Ainsi, aux Etats-Unis, la part des dépenses R&D assumées par les entreprises de plus de 10.000 employés a fondu, entre 1990 et 2000, de 77% à 53% du total de dépenses de R&D dans l’industrie américaine (voir graphique). Les investissements en R&D au sens large ont néanmoins continué de croître. Selon les cas, l’ouverture des processus d’innovation s’est toutefois opérée de façon très différente. Dans certains secteurs, comme les technologies de l’information ou les biotechnologies, le développement rapide du marché du capital-risque permit de transférer une partie du risque d’innovation vers des petites structures agiles et très innovantes (startups, spinoffs, etc.). Dans l’automobile, l’électronique ou l’aéronautique, les fournisseurs de composants et de pièces détachées ont, eux, été invités par leurs donneurs d’ordre à prendre en charge une partie des frais de développement. L’innovation est devenue, pour ces sous-traitants, une composante essentielle de leur relation contractuelle avec les grands ensembliers. Le mouvement d’externalisation de quelques grandes marques a permis aux fournisseurs, comme Valéo, Delphi, HTC ou FlexTronics, de se transformer en véritables multinationales, au point, parfois, de renverser le rapport de force. Les fournisseurs de premier ou second rang fixent désormais souvent le tempo de l’innovation de leurs clients constructeurs. Parallèlement, un marché de la propriété intellectuelle s’est développé. En Europe, 17% des brevets déposés par les entreprises ne sont pas exploités. Plutôt que de laisser ces actifs dormir dans les tiroirs, leurs propriétaires les ont mis en vente.

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Les Programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique sont pluri-annuels (FP1,.. FP6, FP7, etc.). Le premier a démarré en 1984 et s’est clôturé en 1988. Il était doté de 3,5 milliards d’euros. Le FP8 s’étalera de 2014 à 2020 et devrait être crédité de 80 milliards d’euros. 6 Les critères d’attribution des fonds impose la formation de consortia incluant la participation d’acteurs venus de plusieurs Etats membres différents.

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Un shopping de la propriété intellectuelle s’est ainsi développé. Les universités, elles-mêmes, ont adopté des stratégies de vente ou de cession des technologies développées en leur sein, via la commercialisation de licences et/ou de royalties. Les autorités publiques, pour leur part, ont encouragé le déploiement, au niveau local, de pôles scientifiques et de recherche spécialisés, afin de compenser les dégâts causés par la désindustrialisation de larges zones économiques d’Europe ou d’Amérique du Nord. Les centres de recherche, les clusters, les partenariats publics-privés avec les universités, les contrats de recherche, les chèques-innovation et autres instruments de soutien à l’innovation ont ainsi vu le rôle au fur et à mesure des années. En Europe, le renforcement du rôle des fonds européens de soutien à l’innovation et à la recherche, comme le Programme Cadre Européen5, a stimulé la mise en place de collaborations structurelles entre les opérateurs de différents Etats membres6. Le réseau européen EEN (Enterprise Europe Network), par exemple, met en relation des centres d’innovation européens afin de féconder de nouvelles opportunités. La recherche fondamentale et l’innovation précompétitive se retrouvent intégrés dans des réseaux de partenariats englobant opérateurs privés externes.

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2012, un plus grand besoin d‘ouverture, encore… Si ces évolutions récentes ont substantiellement enrichi les processus d’innovation, un nouveau chapitre semble désormais s’ouvrir. La croissance économique molle des vingt dernières années en Europe, ajoutée à l’échec relatif de la stratégie de Lisbonne 2000-20107, amène les responsables européens à envisager une nécessaire évolution des modèles d’innovation. Cette réflexion se justifie d’autant plus que le contexte économico-technologique a changé. En un peu plus de dix ans, internet a modifié les modes d’interactions entre les acteurs. L’information est devenue surabondante, disponible en un instant où que l’on se trouve sur le Globe. Parallèlement, le cercle des acteurs pertinents dans le domaine de l’innovation s’est élargi. Les pays émergents sont à présent des acteurs à part entière du progrès technologique mondial. Enfin, la compréhension des dynamiques propres de l’innovation a évolué et s’est affinée, ces dernières années. Longtemps, l’innovation fut perçue comme un processus linéaire. L’augmentation des dépenses en R&D, pensait-on, assurait un retour sur investissement proportionnel aux montants engagés. Or, le parcours de certains pays réputés pour l’importance de leurs investissements en R&D, comme la Suède ou le Japon, a montré les limites de cette vision. Malgré leurs efforts, ces derniers n’enregistrent plus de performances économiques supérieures à celles de leurs pairs, balayant ainsi certaines perceptions jusque là bien ancrées. En fait, à côté de l’innovation dure (« hard »), qui recouvre les aspects liés à la technologie, à la recherche scientifique, aux essais de mise en production industrielle, l’innovation possède une dimension «  soft  » au moins aussi critique. Cette dernière prend en compte des aspects comme la création de nouveaux services, le design, l’innovation de business modèle, les relations humaines… L’innovation ne se décrète pas. Pas plus qu’elle ne se manufacture selon des recettes toutes faites. L’innovation naît d’une alchimie, faite d’essais et d’erreurs, de hasards, de recherche d’information et de relations interpersonnelles… La proximité avec le marché accroît, par ailleurs, la qualité de l’innovation. Une technologie qui ne répond pas à un besoin, qui n’anticipe pas un nouvel usage, qui ne s’adapte pas à son public et à son contexte d’utilisation, perd rapidement toute valeur économique. Qu’importe le degré de sophistication de cette dernière.

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La stratégie de Lisbonne visait à faire de l’économie européenne l’économie la plus compétitive du monde à l’horizon 2010. Faute d’indicateurs pertinents, de cohérence et de suivi effectif des mesures, cette stratégie à échoué. http://fr.wikipedia.org/wiki/Strat%C3%A9gie_de_Lisbonne

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Dans ce cadre, ouvrir les processus d’innovation devient un atout. Les autorités européennes, à travers les voix des commissaires européennes respectivement en charge de la Recherche, Máire Geoghegan-Quinn, ou des Technologies numériques, Nellie Kroes, commencent à défendre cette vision plus ouverte de l’innovation. Nellie Kroes, par exemple, a reconnu la valeur de l’ « open source »8 dans l’économie moderne. Les navigateurs internet, reconnaît-elle, les applications mobiles, les systèmes opérationnels pour serveurs informatiques les plus populaires de la planète tournent aujourd’hui, souvent, sur des plates-formes mises au point en open source9. Sans cette forme d’innovation ouverte, le monde des nouvelles technologies tel que nous le connaissons de nos jours ne serait sans doute pas aussi avancé. D’où la volonté de la commissaire de protéger et de mettre en avant ces approches ouvertes. Plus largement, la digitalisation des échanges d’information concerne aujourd’hui tous les «  knowledge workers  » et donc tous les innovateurs. Ces dynamiques d’échange ouvrent de nouvelles perspectives de collaboration. L’émergence des réseaux sociaux permet à des individus de se trouver dans le cadre de thématiques d’innovation partagées, indépendamment de liens préexistants entre les structures auxquelles ils appartiennent. Ils démultiplient ainsi les opportunités de connexion, sans prérequis sectoriels ou nécessité d’une proximité géographique10. En vue de gagner des marchés à l’étranger, les entreprises doivent être en mesure d’accroître leurs capacités de collaborer avec d’autres acteurs internationaux sur le plan de la R&D, du testing ou encore de l’exploration de nouveaux marchés. Encore une fois, ce défi nécessite une dynamique d’ouverture : ouverture des processus, ouverture des organisations, mais aussi, ouverture des mentalités. Tout cela dans un environnement technologique et économique global. A côté de formes de collaboration classiques, vieilles parfois de plusieurs décennies, de nouvelles pratiques émergent. Dans la prochaine partie, nous passerons en revue certaines des nouvelles approches qui se développent dans le domaine de l’open innovation. Certaines permettent d’accélérer la phase de prototypage. D’autres donnent l’occasion de recueillir plus rapidement les feedbacks des utilisateurs. Ils permettent de multiplier les partenariats qui, souvent, grâce aux réseaux, se multiplient et se traduisent par une augmentation du nombre des opportunités commerciales qui se présentent dans d’autres secteurs ou d’autres pays…

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Les codes sources des logiciels sont libres d’utilisation par n’importe qui, sans frais. Et chacun peut apporter ses modifications. Une partie de l’innovation dans le domaine informatique repose sur des communautés de développeurs indépendants qui se coordonnent sur internet pour travailler sur des projets communs dont ils ne cherchent pas à protéger les droits d’utilisation, pour se rémunérer sur la vente de licence. Leur motivation repose, en général, sur leur passion et à leur volonté d’accroître leur expérience/expertise personnelle. Ils valoriseront ensuite celle-ci, autrement (en prestant des services ou en développant d’autres produits). 10 Les plus récentes initiatives de l’Union européenne, telles que le « European Design Innovation Initiative (EDII)”, visent à supporter davantage l’innovation non technologique ainsi qu’une plus grande proximité entre les utilisateurs, les chercheurs, les ingénieurs et les innovateurs au sens large. 9

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«  Indeed, we need to ask ourselves some pretty profound uestions about how best to foster innovation in the early 21st century. It may be by promoting the growing trend towards greater openness. On the other hand, firms will inevitably vary in terms of how open they want to be, depending on their line of business. »11 Máire Geoghegan-Quinn « (…) I am talking about providing the European research and innovation community with a platform that allows large scale experimentation and evaluation of smart service concepts under real-life conditions. (…) The real challenge here is the now clichéd shift from working in silos to collaborations. (…) Openness is central to the success of the initiative. (…) Take San Francisco and the issue of public sector information. In the second half of 2010 San Francisco created regulations mandating open data, and made some software development tools available to the public. Citizens have taken ownership of these facilities and created numerous applications that use the city’s data. The next step is a shared process in which knowledge is made available openly and transparently for all to develop Internet-based products and services on the new platform. »12 Nellie Kroes

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La commissaire européenne en charge de la Recherche, 5 mars 2010, Innovation Summit, Lisbon Council http://ec.europa.eu/ireland/press_office/speeches-press_releases/geoghegan-quinn-innovation-summit-mar10_en.htm 12 Neelie Kroes, Vice-President of the European Commission responsible for the Digital Agenda “Unlocking the digital future through Open Innovation”, 4th pan-European Intellectual Property Summit Brussels, 3 December 2010

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“Pourquoi l’open innovation s’impose chez nous?”

Interview - Didier Malherbe

Deuxièmement, les autorités de régulation, dans le monde, sont de plus en plus strictes et demandent, aujourd’hui, des garanties croissantes. Troisièmement, nous sommes désormais dans une industrie où nous devons être globaux dès le départ. On ne peut plus se permettre de développer une molécule seulement pour l’Europe et les Etats-Unis. Il faut également intégrer le Brésil, la Chine, la Russie... Didier Malherbe Administrateur délégué UCB Belgique

Le groupe pharmaceutique belge UCB occupe 11.000 personnes dans le monde. Ses spécialités sont l’immunologie et les maladies neuronales. Chaque année, la firme dépense 700 millions d’euros en recherche & développement (R&D).

Les tests cliniques, dès lors, sont plus longs et coûteux. Il faut tenir compte des paramètres physiologiques de chaque région du monde. La forte augmentation des investissements en R&D, induite par tous ces éléments, nous incite à ouvrir les processus d’innovation pour partager davantage les risques et impliquer davantage d’acteurs...

Didier Malherbe, administrateur délégué d’UCB Belgique, explique en quoi l’open innnovation s’est imposée à l’entreprise.

Quelle forme prend l’open innovation au sein du groupe? Pour l’open innovation s’est-elle imposée au groupe UCB ? D’abord parce que l’innovation coûte de plus en plus cher. Quand je suis arrivé chez UCB, tout le processus de développement d’une molécule représentait un investissement d’environ 1 milliard de dollars US. Cinq ans plus tard, nous sommes à 2 milliards de dollars US.

Pour quelles raisons ? D’abord, il ne s’agit plus aujourd’hui de découvrir les remèdes contre quelques grandes maladies. Nous entrons sur le territoire de pathologies plus complexes, comme Alzheimer ou Parkinson, que nous ne pouvons encore guérir…

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En premier lieu, on l’applique en interne, en rompant les silos. Dès qu’une piste d’innovation se précise pour le développement d’une molécule, des groupes de travail multidisciplinaires se forment. On implique directement des chercheurs, avec des responsables marketing, des directeurs de projets, des experts en financements, etc. Nous ouvrons, par ailleurs, les processus d’innovation vers l’extérieur. Que ce soit au niveau des tests cliniques, de la recherche ou du déploiement commercial, nous cherchons chaque fois à nous associer avec d’autres. On partage ainsi les risques. Le groupe américain Amgen, par exemple, travaille avec UCB sur la phase 3 d’un médicament sur l’osthéoporose. La nécessité est apparue assez tôt, sur base des informations émises par nos laboratoires. Comme nous avons également un certain nombre de pistes de recherche prometteuses en la matière et que nos

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ressources ne sont pas infinies, le fait de collaborer avec des tiers nous permet de mener nos explorations plus loin.

des stars de l’epilepsie, par exemple, est devenu un tout petit monde, qui ne connaît plus les frontières...

Enfin, une troisième forme d’open innovation touche les investissements en recherche fondamentale. Nous nouons des accords avec les universités, notamment dans le cadre de partenariats publics-privés soutenus par les pouvoirs publics. Cela nous permet d’accéder à des projets de recherche très tôt dans le développement.

Au cours des cinq dernières, l’évolution la plus marquante est bien que la planète semble devenue un village. La référence n’est plus le binôme Europe-Etats-Unis auquel on pouvait ajouter le Japon. Désormais, notre environnement direct est multipolaire. L’Inde, la Russie et d’autres deviennent des interlocuteurs importants dans notre industrie. Le pôle asiatique prend une importance majeure... Cela nous oblige à rencontrer un maximum d’opérateurs à travers le globe. De rencontrer des parcs scientifiques chinois, de nous adapter à d’autres modes de pensée. De collaborer. D’imaginer de nouveaux accords... La maîtrise des soft skils est extrêmement importantes pour pouvoir nouer la confiance, indispensable en matière d’open innovation.

Comment trouver et nouer les contacts avec des partenaires externes, en matière d’innovation ? C’est toute la problématique du travail de business development. D’une part, nous sommes en quête constante de nouvelles molécules, développées par d’autres compagnies, et dont les licences sont à vendre. Dans les cas où ce sont des molécules que nous détenons et développons, nous nous mettons à l’affût d’équipes de recherche actives dans le domaines pour collaborer avec nous. On se trouve beaucoup via les congrès, les lectures de revues spécialisées et, bien sûr, internet. Les affinités humaines demeurent essentielles. Si les relations sont bonnes avec les interlocuteurs de certains universités, par exemple, les projets de collaboration auront sans doute des chances de se répéter. Cela dit, comme notre univers est également global, nous aurons tendance à rechercher les meilleurs à ce niveau. Vu qu’UCB s’est spécialisé, ces dernières année, sur les maladies du système nerveux central, il est plus facile de trouver les experts dans les domaines qui nous intéressent, d’où qu’ils viennent, de Chine, d’Europe ou du Canada... La qualité des scientifique et leur focus nous permet de concrétiser les contacts nécessaires.

Que change l’évolution de nouveaux outils web dans votre approche en matière d’open innovation ? L’information est ouverte à tous. Quelqu’un qui souhaite se faire connaître peut se rendre visible sans trop de difficultés. L’univers

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Va-t-on, chez UCB, vers toujours plus d’ouverture dans les processus d’innovation ? Certainement. L’ouverture interviendra plus tôt, plus rapidement. Elle sera davantage multisectorielle. Nous devons réfléchir de plus en plus au delà du médicament. Nous devons réfléchir aux appareils médicaux, aux nouvelles façons d’avaler un médicaments, aux autres instruments d’injection, etc. A titre d’exemple, nous développons des auto-injecteurs pour permettre aux patients de se signer eux-mêmes. Nous devons nous poser des questions telles que celle de savoir si nous ne devrions pas travailler avec des acteurs hors de notre secteur. Un producteur de plastique, des producteurs informatiques comme Apple ou HP, demain, par exemple, afin que le patient n’oublie pas de prendre son traitement ou ne se trompe pas de dosage. Nous ne nous posions pas ce type de question aussi systématiquement, voici trois ans. L’évolution des technologies rend désormais possible des rapprochements entres des secteurs que l’on ne pensait pas réalisables hier. Les nanotechnologies, par exemple, pour mieux diffuser les principes actifs dans le corps.

Est-ce qu’un travail sur la culture d’entreprise est nécessaire pour entrer dans une logique d’open innovation ?

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Les gens commencent à comprendre qu’il faut avoir une vision à 360° et qu’il faut se préparer mentalement à mettre en oeuvre tous les partenariats possibles. Cela ne vaut pas que pour les entreprises, d’ailleurs. Les universités aussi, par exemple, ont changé leur vision des choses, en se détachant peu à peu de la sacro-sainte pureté académique. Elles ont compris qu’elles ne pouvaient continuer à vivre en vase clos. Cela leur a ouvert un nouvel appétit pour la protection et à la commercialisation de leur propriété intellectuelle.

L’innovation dans un groupe comme UCB vient-elle également, de plus en plus, de plus petites structures, comme des startups ou des spinoffs universitaires ? Les équipes de business development passent en revue des initiatives de ce genre, des produits développés par des startups qui n’ont pas d’intention de commercialiser le produit de leur recherche. D’autres cèdent l’utilisation de leur technologie en échange du paiement de royalties. L’entrepreneurship innovant se développe beaucoup plus vite dans les petites structures agiles, c’est clair... Les associer, d’une façon ou d’une autre, fait donc, effectivement, partie de notre stratégie. Au lieu de devoir engager des équipes chez nous, on trouve les briques de recherche qui nous manquent là où elles ont déjà été partiellement développées, voire testées.

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2. Une approche à multiples facettes Glissement de paradigme Cela ne surprendra personne : le marché des micro-processeurs a beaucoup bougé, ces dernières années. Depuis plus de vingt ans, le géant américain Intel est le leader incontestable des semiconducteurs pour ordinateurs, avec près de 86% du marché mondial des PC équipés de ses célèbres puces. Pourtant, Intel perd de sa superbe. Le groupe californien, en effet, a raté le virage des téléphones portables, des décodeurs pour télévisions ou des tablettes digitales. En fait, Intel s’est laissé voler la vedette par un acteur beaucoup plus petit que lui: ARM. Groupe originaire du Royaume-Uni, ARM équipe en microprocesseurs la plupart des smartphones et des tablettes vendues dans le globe. Apple, Google ou les fabricants asiatiques d’équipements électronique se fournissent auprès de lui. Sur quoi se joue la différence ? La firme britannique s’est focalisée sur la vente de son savoir-faire immatériel. ARM conçoit l’architecture interne des processeurs. Grande divergence avec Intel : elle ne fabrique pas ceux-ci... La production est laissée à des fondeurs indépendants, Samsung ou Texas Instruments, par exemple. ARM tire ses revenus du paiement LES PARCOURS RÉUSSI DE LA SOCIÉTÉ ARM 573

600

743

500

52% Royalties

12% Autres

LICENCES

400

de licences de royalties sur la vente de chaque appareil intégrant des processeurs dont l’architecture s’appuie sur son travail de design. Une excellente gestion de ses droits de propriété intellectuelle à laquelle s’ajoute un réseau de prestataires et de partenaires commerciaux extrêmement étendus assure à l’entreprise la collecte de son dû. Ce modèle d’innovation centré sur la dimension immatérielle plaît beaucoup aux 200 équipementiers électroniques qui collaborent, dans le globe, avec ARM. A la différence d’Intel, qui produit et vend des semiconducteurs standardisés, les processeurs développés par ARM sont “customizés” pour chaque produit final. ARM offre du quasi surmesure. La firme peut, à l’envi, ajouter des caractéristiques ou ôter des fonctionnalités inutiles qui consomment de l’énergie. Pas besoin de fonctionnalités GPS, par exemple, pour un appareil photo HD... Cette souplesse plaît particulièrement aux grandes marques de l’électronique, dont la production est de toute façon, aujourd’hui, en grande partie sous-traitée auprès de “contract manufacturers”. ARM est presque 70 plus petit qu’Intel13. La premier n’en fait pas moins désormais trembler le groupe californien. ARM a bâti son succès sur une approche ouverte et décentralisée, maîtrisant à la perfection la gestion des réseaux et des partenariats externes. Son modèle semble plus en phase avec les équilibres qui se forment en ce début de XXIème siècle. De son côté, Intel incarne le modèle d’innovation et de développement industriel de la fin du XXème siècle.

6,1

300

MILLIARDS DE PUCES

200 100 90,5 Jan 2009

2,5

Le cours de l’action A Londres, en pence

36% Licences

PUCES ARM PAR TELEPHONE

29 sept. 2011

Les chiffres clefs En 2010

Les secteurs

Répartition du chiffre d’affaires du premier semestre 2011

La flexibilité du modèle d’innovation permet une offre technologique mieux adaptée aux besoins spécifiques des différents marchés modernes. Selon le cabinet spécialisé ABI Research, ARM pourrait rafler plus de 50% du marché global des microprocesseurs, informatique comprise, d’ici 2014.

Source : Les Echos

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2.000 personnes dans le monde, pour 489 millions de dollars US de chiffre d’affaires pour ARM, contre 35 milliards de dollars US à Intel et 82.500 personnes.

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Les différents visages de l’open innovation L’histoire de ARM est-elle une success story de l’innovation ouverte ? Indéniablement. Si ARM est sollicité, c’est d’abord parce que ses clients (HTC, Asus, Apple, etc.) ne cherchent plus à contrôler l’intégralité de leurs processus de développement et de fabrication. Le Taïwanais Asus, lui-même, s’est transformé, en une poignée d’années, de sous-traitant de quelques grands fabricants de l’électronique en leader du marché des Netbooks. Le groupe a fondé cette métamorphose sur sa capacité à fédérer diverses compétences venant de l’extérieur, à les organiser pour concevoir et assembler un tout nouveau produit. De la feuille à dessin au produit final, le délai écoulé s’est incroyablement raccourci. L’innovation ouverte offre aux entreprises l’opportunité de décupler leur capacité de réaction et de développement rapide. La notion d’open innovation présente, cela dit, des facettes mutliples. Il existe de nombreuses façons de mettre en pratique les principes de l’open innovation. Chaque entreprise peut trouver la sienne propre. ARM, pour sa part, travaille sur un modèle essentiellement porté sur la vente de sa propriété intellectuelle à des tiers (via des systèmes de licences et de royalties). L’avionneur EADS/Airbus, lui, partage les risques d’innovation avec ses fournisseurs de composants. Le géant américain des produits de grande consommation Procter & Gamble (P&G)14 gère des unités de veille commerciale et technologique extrêmement pointues qui lui permettent d’identifier, dans des zones reculées du monde, les détenteurs (PME, individus, université,…) d’un procédé spécifique ou d’un savoir-faire à haute valeur ajoutée pouvant lui être utile. La firme les contacte. Négocie un partenariat avec eux ainsi qu’un modèle de rétribution. P&G réemballe ensuite l’ensemble dans un nouveau produit intégrant la technologie ou l’approche sous revue, avant de le commercialiser dans le monde entier. La célèbre balayette jettable Swiffer, par exemple, est le fruit d’une collaboration semblable entre P&G et un petit fabricant japonais de tissus électrostatiques. La crème Olaz, autre marque phare de la multinationale américaine, est née des travaux de recherche d’une PME française, récupérés ensuite par P&G.

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Dans le cadre de son programme Connect & Develop.

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Pour P&G, cette ouverture est synonyme d’amélioration de ses processus d’innovation et donc de mise sur le marché plus rapide. Les partenaires de la firme américaine, pour leur part, trouvent en P&G un spécialiste du marketing et de la distribution de masse au niveau mondial, susceptible de tailler en diamant la technologie brute développée initialement par eux. P&G leur ouvrent ainsi la porte des marchés globaux. Le groupe Daimler, en Allemagne, pratique l’open innovation sous une autre forme. En 2008-2009, le groupe automobile a mis sur pied une compétition visant à donner à des designers en herbe l’occasion de créer la ligne du prochain modèle de la micro-voiture Smart. Ce projet, baptisé Daimler Smart Car, soumit aux internautes tous les outils de conception assistée par ordinateur pour dessiner la future version de la deux-places de Daimler. Quelque 8.000 participants prirent part au concours organisé sur une plate-forme en ligne. Daimler recueillit quelque 50.000 idées différentes en six semaines. Ces dernières alimentèrent précieusement la réflexion des équipes design du constructeur automobile. En Belgique, Open ERP est une jeune société informatique active dans le développement de solutions logicielles de gestion d’entreprise (comptabilité, gestion de flux, CRM, etc.). La PME compte des milliers de clients. Elle ne dépense pourtant quasi rien en recherche & développement (R&D). Des centaines de développeurs à travers le monde, réunis au sein de communautés d’initiés, consacrent des heures, chaque semaine, à développer la plate-forme. Gratuitement. Open ERP est une solution open source. Cette dernière n’appartient à personne, si ce n’est à la communauté de ses développeurs volontaires. La PME belge se rémunère en vendant des services d’installation et de personnalisation du logiciel. Open ERP valorise son expertise de la sorte. En 2010, la société a levé plus de 3 millions d’euros de capital auprès d’investisseurs. Citons, pour finir, le géant mondial de la mobilophonie Vodafone. La firme britannique a grandi à coup d’acquisitions. Mais au début des années 2000, de nombreux cloisonnements limitaient les opportunités de croiser les expériences différentes propres à différents départements et profils d’individus. Les dynamiques d’innovation en souffraient. Afin de contourner cet embonpoint, Vodafone choisit d’initier une série de collaborations avec de plus petits partenaires, dans les pays émergents, notamment. Le groupe de Bristol a ainsi soutenu, par exemple, indirectement, le développement de M-Pesa, un système de paiement par téléphone mobile très performant au Kenya. Vodafone a également constitué son propre fond de capital-risque interne, qui lui permettent d’entrer au capital de startups innovantes. Plus récemment, Vodafone a mis sur pied une plate-forme internet destinée à recueillir les idées et suggestions de personnes extérieures à l’entreprise. Betavine, le nom de la plate-forme,

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Business Week, 9 avril 2009 http://www.businessweek.com/magazine/content/09_16/b4127052262113_page_2.htm

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s’adresse à des développeurs, à des innovateurs qui veulent suggérer un projet ou à des utilisateurs heureux de pouvoir tester de nouveaux prototypes en échange d’un feedback. La plateforme Betavine supporte les échanges entre des communautés au niveau international. Elle organise aussi des concours avec des écoles d’Afrique, du Moyen-Orient ou du Royaume-Uni. Plusieurs applications mobiles de premier plan, liées par exemple à la collecte d’informations climatiques pour les agriculteurs, ont vu le jour grâce à cette plate-forme.

Définitions souples et restrictives Toutes ces initiatives peuvent, de près ou de loin, se réclamer des principes de l’open innovation. Encore une fois, l’approche déployée par chacune de ces entreprises diffère grandement, selon les cas. Nous avons évoqué comment, au XIXème siècle, Thomas Edison faisait un usage intensif du dépôt, de l’achat et de la vente de brevets. Le principe de la structuration d’écosystèmes locaux à travers les clusters est un autre visage de l’innovation ouverte. Si les clusters entrent, selon nous, dans le cadre du concept de l’open innovation, d’aucuns défendent, notamment dans le monde académique, une définition plus restrictive.

Grâce à la plate-forme collaborative Bétavine, Vodafone a soutenu le

Une étude sur l’open Innovation, commanditée par la Commission européenne et rendue publique en juillet 201116, propose la définition suivante : “La recherche d’information/connaissance à l’extérieur, la sous-traitance des efforts de recherche et d’innovation auprès de tiers (recherche contractuelle, notamment), les collaborations directes et la commercialisation externe”.

développement de dizaines de services innovants sur le mobile en Afrique

Les auteurs identifient donc quatre dimensions principales en matière d’open innovation. “We were a bit naive thinking everything could be done inhouse. Now the only way to create a fertile environment for innovation is to have open platforms and leverage them.” Vittorio Colao, CEO Vodafone Group, 200915

L’étude européenne s’intéresse, cependant, davantage aux dimensions liée à la recherche et développement (R&D). Or, comme on l’a vu, l’innovation déborde largement des seuls aspects techniques et technologiques (hard). Les auteurs du rapport soulignent néanmoins l’impact positif incontestable de la collaboration directe sur la qualité et les performances en matière d’innovation. Une entreprise qui collabore directement avec des tiers dans un processus d’innovation accroît ses chances de mieux valoriser le produit de cette innovation par rapport à un modèle où elle se limite à collecter de l’information. Ou à confier les tâches de développement à l’extérieur.

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« Open Innovation in Europe: effects, determinants and Policy » Report Prepared for: European Commission Directorate-General Enterprise Unit D1 Policy Development for Industrial Innovation, Project consortium : Austrian Institute of Economic Research, WIFO, Vienna, (coordination), Fraunhofer Institut für System- und Innovationsforschung, ISI, Karlsruhe, Greenovate! Europe, Brussels, NIFU, Oslo, UNU-Merit, Maastricht, MCI Innsbruck, Innsbruck, (subcontractor). Oslo, July 19 2011

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Henry Chesbrough, professeur à l’Université de Berkeley, en Californie, propose lui une définition plus souple de l’open innovation : “Pour les entreprises, dit-il, l’open innovation consiste, d’une part, à pouvoir intégrer beaucoup plus rapidement en interne des apports venant de l’extérieur, afin de stimuler et accélérer leurs processus d’innovation. D’autre part, l’open innovation consiste également pour les entreprises à identifier les innovations ou les compétences en interne qui ne sont pas exploitées afin de les valoriser avec des tiers.”

« L’innovation n’est plus seulement

En 2006, Henry Chesbrough a fortement popularisé le concept de l’open Innovation, grâce à son livre “Open Innovation : Researching a New Paradigm”18. Le professeur de Berkeley insiste justement, lui, sur l’importance d’aborder l’innovation au delà de sa seule dimension R&D. Et donc de l’ouvrir à d’autres disciplines, pratiques et états de pensée19.

une affaire de blouses blanches. Les processus d’innovation doivent s’ouvrir davantage. »

Selon Henry Chesbrough, l’open innovation englobe à présent bien plus de pratiques que lors de la sortie de son premier livre, au milieu des années 200020.

Henry Chesbrough, Executive Director Center for Open Innovation, Berkeley __ Source : http://facultybio.haas.berkeley.edu/facultylist/chesbrough-henry

“Au début de mes travaux, explique Henry Chesbrough, on parlait, pour l’essentiel, du cas de l’entreprise X ou de l’entreprise Y qui avaient ouvert leur centre de R&D pour autoriser des partenariats avec des tiers à tel et tel endroit. Entre-temps, de nouveaux outils et de nouvelles plates-formes digitales sont apparues. Ces dernières permettent à plus de personnes et plus de profils d’interagir les uns avec les autres”. “De nos jours, les idées des employés, par exemple, peuvent être plus facilement écoutées et leurs idées valorisées ailleurs. Cela offre l’avantage de réduire leur frustration de n’être jamais entendu dans leur propre organisation”. Dans les années 90 et 2000, les entreprises se sont focalisées sur l’optimisation de leurs processus et de la chaîne logistique d’approvisionnement. Ces méthodes et ces techniques ont depuis fait le tour du monde. Elles sont désormais partagées par la plupart des opérateurs à travers le monde. Elles ne sont plus un facteur différenciateur. Les relais de croissance de demain passent donc, selon Chesbrough, par la relance des dynamiques d’innovation. Comment ? Par une plus grande ouverture de l’organisation et une plus grande proximité avec les clients, répond Henry Chesbrough.

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Open Innovation: Researching a New Paradigm (Oxford, 2006) « En 2003, se souvient Henry Chesbrough, lorsque que je faisais une recherche sur Google à propos du terme ‘Open Innovation’, je tombais sur 200 résultats. Huit ans plus tard, Google extrait plus de 13 millions de ressources”. 20 “L’open innovation comme un profond changement de méthode, de philosophie et d’approche de dynamiques d’innovation”. 19

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LISIÈRE FLOUE

DÉVELOPPEMENT COMMERCIALISATION

L’open innovation peut aussi inclure des clients, des voisins, des communautés d’experts, voire Monsieur et Madame Toutlemonde, grâce, notamment, aux outils digitaux.

Modèle R&D fermé

Revenus réalisés sur coeur de marché

Open innovation

Revenus réalisés sur coeur de marché

4 2

5

Nouvelles sources de revenus

3

1 1 Idées et technologies venant de l'extérieur

Enfin, la vente de propriété intellectuelle22, les contrats de recherche ou la collecte systématique d’informations constituent aujourd’hui une pratique d’open innovation bien rodée. Les opérateurs économiques ont la possibilité de s’aventurer plus loin et de s’ouvrir encore davantage. Les logiques économiques et industrielles qui peuvent alimenter la croissance et l’expansion internationale sont en train de changer.

2 Acquisition d'actifs immatériels et de propriété intellectuelle 3 Vente d'actifs immatériels et de propriété intellectuelle 4 Vente Intégration dans des produits partagés 5 Création de spinouts immatériels et de propriété intellectuelle

Source: Bax & Willems Consulting Venturing

L’innovation n’est plus seulement une affaire de blouses blanches, martèle-t-il. Les processus d’innovation doivent s’ouvrir davantage. Cette ouverture passe, entre autres, par l’acceptation de nouveaux modèles économiques ainsi que par le développement intégré de nouveaux services21. Tous les employés de l’entreprise peuvent participer d’une façon ou d’une autre à ces dynamiques créatives. Les employés ne sont d’ailleurs pas les seuls concernés. Les fournisseurs, également, sont invités à collaborer au processus d’innovation. Tout comme les centres de recherche, les universités, sans oublier les clusters ou les pôles de compétitivité dans lequels les Grandes entreprises les PME et startups peuvent resserrer leurs liens et leurs échanges.

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« Le groupe pharmaceutique belge Janssen Pharmaceutica, fondé en 1953, est aujourd’hui l’un des premiers innovateurs du pays. Si l’entreprise était née à notre époque, observe Philippe Lachapelle, directeur des partenariats internationaux à l’Awex, Janssen Pharmaceutica ne se serait sans doute par créée de la même façon. Les modèles économiques des grands groupes changent. Ils préfèrent travailler avec des partenaires locaux. Cela leur permet aujourd’hui de tester de nouveaux paradigmes, sans devoir encourir seuls le risque d’un important investissement ». «  Certes, la logique de l’open innovation n’est pas sans risque, poursuit Philippe Lachapelle. Toute la difficulté réside dans le fait d’identifier la limite jusqu’à laquelle il faut aller en matière d’ouverture. Cette limite dépend souvent de son positionnement stratégique et de là où on se trouve… » Dans la partie qui suit, nous passerons en revue les différentes formes que peut prendre l’open innovation.

Le dernier livre du professeur de Berkeley, sorti en janvier 2011, s’intitule “Open Services Innovation- Rethinking your business to grow and compete in a new Era”. Jossey-Bass, 2011 Exemple cité par le professeur de Berkeley : la compagnie américaine Xerox. La firme a rencore beacoup de copier, mais il offre aussi managed print services à travers le monde. Il facture seulement les copies imprimées et livrées. Un client se moque de devoir gérer l’équipment chez lui. C’est aussi un changement. 22 Des plates-formes existent, comme Acquitech, en Wallonie.

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3. Une brève cartographie de l’open innovation 1. Clusters et pôles de compétitivité «  Un cluster d’entreprises est une concentration géographique d’opérateurs économiques interconnectés, de fournisseurs et d’acteurs institutionnels dans un domaine particulier ». Michael Porter, professeur à la Harvard Business School, a théorisé cette approche des clusters (grappes, en français) d’entreprises voici près de trente ans. Des dizaines de clusters sont aujourd’hui opérationnels dans la plupart des régions d’Europe. Citons le cluster de la nano-électronique en Grèce ou la Solar Valley à Thalheim, en Allemagne, pour ne prendre que deux exemples parmi des dizaines. Les clusters ne sont pas nouveaux au sens où l’approche fut mise en œuvre parfois très tôt, dans certains pays. Dans le Nord de l’Italie, à Brescia ou en Vénétie, les acteurs n’ont pas attendu Michael Porter pour bâtir des clusters très dynamiques23, dans l’agro-alimentaire, la confection ou les articles de sport. Au Royaume-Uni, les autorités de la région de Cambridge ont commencé dès les années 80 à structurer un vaste cluster couvrant les soins de santé. Le modèle de clusters va parfois plus loin qu’une simple mise en relation organisée. C’est le cas en Wallonie et en France, où s’est développé le concept de pôles de compétitivité24. Outre le fait d’organiser des rencontres entre acteurs d’un même secteur économico-technologique, un pôle de compétitivité favorise les collaborations concrètes entre universités, grandes entreprises et PME à travers le financement de projets d’innovation concrets25. La dynamique entrepreneuriale et innovante qu’engendre les clusters, quelle que soit leurs formes, a nourri la création de centaines de milliers d’emplois en Europe. Les clusters sont aussi des aimants pour attirer les investissements étrangers. La présence d’une constellation d’acteurs spécialisés dans une discipline et fortement interconnectés assure la disponibilité de ressources humaines indispensables à la croissance d’un futur investissement. Les clusters continueront sans doute à jouer un rôle majeur dans le développement économique des pays européens, dans les années à venir. Les entreprises qui se tiendront à l’écart de ces réseaux d’acteurs risquent de se retrouver éloignées des évolutions futures dans leur propre secteur. Cet isolement peut leur devenir dommageable. 23

La forte concentration de connaissances et de compétences spécifiques à un secteur d’activité, d’une part, l’excellent maillage, la facilité d’accès et la communication ouverte entre les acteurs autochtones, d’autres, ont permis le regroupement des forces et des dynamiques innovantes. 24 Les six pôles de compétitivité wallons sont Mecatech, Biowin, Skywin, Wagrallim, Wallonia Logistics et WinGreen. 25 A côté des pôles de compétitivité, la Wallonie soutien également l’animation de clusters à part entière, tels que Infopôle-ClusterTIC, Twist, etc. dans des secteurs aussi divers que l’énergie, l’informatique ou les nouveaux matériaux.

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Notons que le modèle du cluster n’est plus, aujourd’hui, nécessairement limité à un bassin géographique local. Les clusters se mettent désormais en relation les uns avec les autres26. D’aucuns parlent désormais de la formation de méga-clusters. Le Royaume-Uni, tout entier, par exemple, se définit désormais comme un méga-cluster dans le domaine des biotechnologies27. Les clusters s’internationalisent aussi. Dans les zones frontalières. Mais aussi bien au-delà. Parfois à des milliers de kilomètres. Les pays émergents, eux-mêmes, comme le Brésil, la Chine ou l’Inde, adoptent des stratégies de formation de clusters, selon des schémas qui leur sont propres (lire l’exemple de Recife). Les clusters sont des outils stratégiques de l’innovation moderne. Ils fécondent les collaborations entre opérateurs susceptibles d’innover et de créer des projets ensemble. Reste que les clusters peuvent aussi, parfois, induire quelques inconvénients. La philosophie qui sous-tend l’existence du cluster demeure relativement exclusive, propre à une discipline ou un secteur, ce qui peut attiser le risque de repli thématique. C’est ce que reproche, entre autres, Gunjan Bhardwaj, professeur de management de la croissance et de l’innovation à la European Business School (EBS) : « Les décideurs politiques, dit–il, devraient revoir certaines priorités afin d’accroître les bénéfices potentiels pour leur région ou leur pays de s’inscrire dans des réseaux plus ouverts. Ils offriront ainsi à leurs entreprises un cadre différent pour leur permettre de générer des innovations plus radicales et créatives. » Dès lors, outre l’appartenance à un cluster spécialisé, il sera intéressant d’engager parallèlement des relations avec des réseaux/clusters ouverts à d’autres thématiques. Des clusters dans d’autres pays peuvent également s’avérer une porte d’entrée pour nouer le contact avec d’éventuels futurs partenaires étrangers.

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En Europe, un observatoire européen des clusters a d’ailleurs vu le jour. L’industrie biotech britannique représente, à elle seule, 20% du portefeuille des produits biotech européen…

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C.E.S.A.R

Porto Digital (Recife, Brésil)

A Recife, dans le nord-est du Brésil, un cluster régional a pris, en quelques années, une dimension nationale et internationale. L’incubateur C.E.S.A.R. (Recife Center for Advanced Studies and Systems), a vu le jour à Recife, en 1996, sous l’impulsion de différents professeurs de l’Université fédérale de Pernambuco28. Porto Digital, par ailleurs, est une initiative publique soutenue par l’Etat de Pernambuco, dont Recife est la capitale. Un écosystème digital très dynamique a germé des efforts conjoints de ces deux opérateurs. Grâce à eux, Recife est devenu le cœur de l’innovation digitale au Brésil. Porto Digital compte aujourd’hui 173 entités membres, dont 143 entreprises privées, pour un chiffre d’affaires annuel de 431 millions de dollars US. L’impact de l’écosysème fut considérable pour cet Etat rural et pauvre du nord-est du Brésil. Entre 2001 et 2009, le poids du secteur des technologies de l’information dans le PIB de l’Etat du Pernambuco est passé de 1,6% du PIB à 4%. D’ici 2020, le gouvernement local espère atteindre les 10%. Recife, grâce à sa dynamique de cluster, deviendra alors une technopole digitale mondiale. Aujourd’hui, Porto Digital et C.E.S.A.R. donnent de l’emploi à des centaines de chercheurs, spécialisés dans les technologies de l’information. Ils développent des processus, des services, des produits ou des composants technologiques utilisables dans des domaines divers comme les télécommunications, l’énergie, la finance… Le cluster est également un extraordinaire moteur commercial bien au-delà des limites de Recife. Un peu plus de quinze ans après sa création, les clients locaux ne représentent plus que 2% du chiffre d’affaires de C.E.S.A.R. Mieux, Porto Digital est reconnu comme un bassin de talents mondial dans des niches comme les jeu, la sécurité électronique et d’autres. De grandes marques globales, telles que Microsoft, Motorola, Nokia, Alcatel, ou encore Dell, s’installent à Recife pour collaborer avec les acteurs de l’écosystème local. Coca Cola y a fait développer un jeu publicitaire. Cette intégration internationale donne à Porto Digital un rôle de tête de pont pour les entreprises et startups membres du cluster. Elle donne aussi l’opportunité aux acteurs brésiliens du digital

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http://thenextweb.com/la/2011/05/22/why-brazils-most-innovative-institution-comes-from-recife/?awesm=tnw.to_18R8R&utm_content=spreadus_master&utm_medium=tnw.toother&utm_source=direct-tnw.to , http://www.businessweek.com/magazine/content/05_30/b3944085_mz058.htm

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de se faire connaître et de nouer des accords commerciaux avec des clients non-nationaux. Le client final est, dans ce cas, en Chine, en Inde, en Israël, aux Etats-Unis, en Angola ou en Europe. Les acteurs de Porto Digital ont participé au projet de télévision digitale lancé par l’Union Européenne. En contrepartie, C.E.S.A.R. a ramené de nouvelles connaissances qui lui ont permis de contribuer au développement de la première chaîne de télévision interactive lancée au Brésil.

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2. L ’innovation avec les fournisseurs L’innovation avec les fournisseurs a beaucoup gagné en popularité. Ces dernières années, elle fut l’un des facteurs de changement les plus marquants dans l’industrie moderne. En cause : la difficulté grandissante de maîtriser des processus d’innovation de plus en plus complexes, rapides et pluridisciplinaires, d’une part ; la volonté de répartir les risques financiers relatifs aux investissements en innovation sur un plus grand nombre d’acteurs, d’autre part.

POURCENTAGE DES INVESTISSEMENTS EN R&D DES ENTREPRISES AMÉRICAINES EFFECTUÉS À L'ÉTRANGER, PAR SECTEUR (2008) Pharmacie Semiconducteurs Informatique Chimie Equipements électriques Textiles et vêtements Automobile 0%

10%

20%

30%

40%

50%

Source : National Science Foundation, Business R&D and Innovation Survey

Dans l’industrie électronique, les groupes comme Philips, Dell, Hewlett-Packard ou Motorola sous-traitent depuis longtemps une partie de la conception technique de leurs appareils, principalement en Asie (Taïwan, Corée du Sud, Japon, Chine, Inde…). Les grandes marques se sont concentrées sur le rôle d’ensemblier. Elles ont transféré une partie de la responsabilité en matière d’innovation à des sous-traitants qualifiés de original-design manufacturer (OMD). Certains de ces OMD - tels que les Taïwanais Foxconn, HTC, Flextronics ou Quanta – se sont transformés en véritables multinationales. Ils maîtrisent aujourd’hui l’intégralité de la conception technique de certains produits électroniques (télévision, téléphones portables, etc.). Pour les grandes marques internationales, l’innovation passe parfois par un simple shopping auprès de ces géants industriels. Ces derniers leur proposent régulièrement de nouvelles solutions technologiques, incluant le développement, la production en masse et la livraison. Si, à la fin des années 90, le groupe informatique Apple, par exemple, a pu s’aventurer sur le terrain des baladeurs musicaux (iPod) puis de la mobilophonie (iPhone), malgré une absence d’expérience dans ce domaine, l’entreprise californienne le doit notamment à l’essor des OMD. Ce transfert des activités d’innovation vers les sous-traitants n’est pas propre aux secteurs de l’électronique, professionnelle ou grand public. Dans le domaine des sciences du vivant, les sous-traitants offrent des prestations de plus en plus sophistiquées, tout comme dans les secteurs de l’automobile ou de l’aéronautique29.

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L’optimisation de la chaîne d’approvisionnement n’est plus cantonnée aux questions de production et de distribution. La logique s’étend désormais aux tâches propres au processus d’innovation30. En 2008, aux Etats-Unis, la sous-traitance des efforts d’innovation représentait déjà plus de 20à 25% du total des investissements en R&D (voir le graphique ci-dessous). Le secteur automobile est, aujourd’hui, sans doute l’un de ceux qui est allé le plus loin dans l’externalisation de ses processus d’innovation. Comme dans l’électronique, les constructeurs automobiles soustraitent non seulement la production de parties complètes de systèmes. Une grande partie de l’innovation embarquée dans les voitures neuves est le fruit des investissements R&D de soustraitants tels que Bosch, Valeo, Delphi ou Visteon. Ces fournisseurs de premier ordre occupent plusieurs milliers de personnes dans le monde, maîtrisent de A à Z la conception et la production de sous-systèmes - l’injection motorisée pour Bosch, par exemple, ou les modules de commande électronique pour Valeo…- que Peugeot-Citroën, Ford ou Fiat n’ont plus qu’à intégrer sur la ligne d’assemblage. Si les constructeurs conçoivent les véhicules dans les grandes lignes, l’innovation des sous-ensembles est du ressort de ces sous-traitants intégrés. Et ces derniers, eux-mêmes, s’appuient sur de plus petits sous-traitants en deuxième ligne et troisième ligne. La chaîne de l’innovation se retrouve ainsi éclatée, à l’instar de la chaîne de production ou de la chaîne logistique31.

Outsourcing Innovation, Business Week, 21 Mars 2005 Même si des variations subsistent selon les secteurs. 31 R&D : Vers la co-traitance, Le Nouvel Economiste, 16/02/2011 Pour ces raisons, le comportement des acheteurs dans les grands groupes nécessite aujourd’hui de changer, également, à ce niveau, pour passer la logique du rapport de force à une logique de collaboration. 30

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Le scénario est à peine différent dans le secteur de l’aéronautique. Pour la production de son 787 Dreamliner, par exemple, Boeing a mis au point un modèle de sous-traitance, à la fois sur la production et la co-innovation, reposant sur un nombre limité de cinquante sous-traitants stratégiques, répartis à travers le monde32. Chaque sous-traitant est responsable d’un sous-système de l’avion. Ce partenaire contractuel est tenu de s’occuper à la fois du développement et de la production (voir graphique). De gigantesques pièces détachées (empennage, nez, etc.) voyagent ainsi à travers le monde jusqu’au hangar d’assemblage33. Spirit Aerosystem fournit à Boeing le nez du B787, le sous-traitant prenant en

Les sous-traitants de premier ordre prennent en charge la gestion des processus d’innovation, pour le système qui les concerne, avec des partenaires qui leur sont propres. Au total, 5.400 usines sont englobées dans ce vaste réseau. Cette évolution vers une chaine d’approvisionnement globale, impliquant les fournisseurs dans le processus d’innovation, est doublement importante pour les PME. En particulier les PME actives dans la production de produits semi-finis. Disposer de la capacité de participer aux processus d’innovation devient un argument commercial à part entière dans les négociations commerciales avec les donneurs d’ordre34.

charge le développement d’une partie du système __ Source : Spirit Aerosystem

LES PARTIES DU BOEING 787 DÉVELOPPÉES ET PRODUITES PAR DES SOUS-TRAITANTS AUTOUR DU GLOBE

Forward fuselage Spirit, U.S.

Forward fuselage II

Fixes and movable leading edge

Kawasaki, Japan

Center fuselage

Spirit, U.S.

Alenia, Italy

Wing

Mitsubishi, Japan

Wing tips

KAL-ASD, Korea

La taille limitée d’une organisation n’est plus un frein pour décrocher un contrat international. Les clusters, les programmes de recherche publics-privés, les nouvelles formes modernes d’open innovation (voir plus loin) sont autant de façon, pour une PME, de déployer à son tour ses propres capacités d’innovation.

Movable trailing edge

Une nouvelle culture de la collaboration se diffuse, aujourd’hui, dans le monde des petites et moyennes entreprises. N’importe quelle PME peut aujourd’hui prendre l’initiative d’actions de co-innovation avec des partenaires, des fournisseurs voire des concurrents.

Cargo-access doors

Aft Fuselage Vought, U.S.

Boeing, Australia

Horizontal stabilizer Alenia, Italy

Passenger-entry doors Latecoere, France

Engine

Rolls-Royce, U.K. and GE, U.S.

Tail fin

Boeing, U.S.

Engine housings Goodrich, U.S.

C’est ce que font de plus en plus d’acteurs, à l’instar du lunetier français Atol. Grâce à cette approche collaborative, Atol a pu se recréer un écosystème innovant en France et redéfinir son modèle économique. 32

Saab, Sweden

Landing gear Messier-Dowty, U.K.

Landing-geardoors Center Boeing, Canada wing box

Fuji, Japan

Main landing-gear wheel well Kawasaki, Japan

Source : Boeing

http://www.businessinsider.com/dreamliner-supply-chain-2011-9?op=1 Le 787 Dreamliner accuse trois années de retard au niveau de ses livraisons aux transporteurs aériens. Les problèmes tiennent toutefois davantage à la gestion de la chaîne logistique qu’à la qualité de l’innovation produite par les fournisseurs extérieurs. 34 En France, 80% des entreprises investissent dans leur innovation. L’organisation des efforts en la matière reste toutefois très isolée et trop peu intégrés, tant en interne qu’en externe, selon une étude du consultant Lowendalmasaï, en octobre 2011. 33

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Atol

rapatrie sa production en France pour co-innover avec ses sous-traitants

Au début des années 2000, le fabricant de lunettes Atol, basé dans le Jura français, avait pris la décision de délocaliser sa production en Chine. Cinq ans plus tard, la firme fit marche arrière et rapatria une partie de sa production en Europe. But : gagner en proximité avec ses partenaires afin d’améliorer les processus de co-innovation avec eux. Grâce à cette démarche de co-innovation, Atol a pu concevoir de nouveaux produits plus originaux et monter en gamme. La mise au point de branches interchangeables « clipables », entre autres, lui a permis d’élever le prix de vente des lunettes à 200 euros. La firme a ainsi pu viabiliser le retour du dispositif de production en Europe. La possibilité d’entrer dans une dimension de partenariats étroits avec les fournisseurs, et de co-innover avec eux, était indispensable. Le gain justifiait le risque lié à la hausse des coûts de production consécutive au retour dans des usines de l’Hexagone. « En France, nous n’avons pas la barrière de la langue, justifie néanmoins Philippe Peyrard, Pdg du groupe d’Atol35. Nos sous-traitants savent ce que nous souhaitons. Leur savoir-faire leur permet de trouver des solutions, de nous faire des propositions. C’est ainsi que nous avons pu baisser le coût de revient de nos lunettes à montures métalliques, en concevant des modèles sans vis ni soudures ». Si le groupe a relocalisé sa production dans le Jura, c’est surtout, aussi, parce que les industriels locaux s’inscrivaient eux-mêmes dans une démarche d’ouverture et de co-innovation. « Pour y avoir déjà travaillé, je savais que les industriels locaux pouvaient innover davantage, et nous apporter une valeur ajoutée stratégique pour nous démarquer de la concurrence », explique Philippe Peyrard36. Atol s’est inscrite dans une politique de customisation et de design qui renforce l’importance de la réactivité, de la vitesse de création, de la mise en production et, donc, de partenariats ouverts très souples.

Source : http://www.opticiens-atol.com/img/pages/ collections/tae2/tae2_branches_background.jpg

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Atol mise plus que jamais sur le Made in France, Le Figaro, 26/08/2011 Idem

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3. I nnovation avec les concurrents

rester à la pointe des développements les plus récents dans les métiers informatiques. Les compagnies commerciales se livrent par la suite bataille sur le terrain de la prestation de services.

Depuis les guildes et les corporations, les collaborations entre entreprises sont légion. Pensons, plus récemment, aux fédérations professionnelles qui existent dans toutes les industries37. De même, les coopérations visant à définir collectivement de nouveaux standards techniques au sein d’une même profession, dans les chemins de fer ou dans le secteur de l’électricité.

Complexité technologique, immaturité des marchés émergents, globalisation… En amont du bras de fer concurrentiel, les raisons de s’entendre et de coopérer à la mise en place d’un terrain de jeu technologique commun ne manquent plus. L’innovation avec les concurrents est devenue fréquente au stade de la recherche précompétitive, au niveau de la recherche fondamentale.

En matière d’innovation, ces collaborations initiales pavent de plus en plus souvent le futur de toute une industrie nouvelle, qui n’aurait pas éclos sans ce consensus de départ.

Certes, les discussions entre opérateurs concurrents ne se font pas toujours sans heurts.

La création, en 1982, de la Semiconductor Research Corp fut sans doute déterminante, par exemple, pour l’essor de l’industrie des semi-conducteurs. Trente ans après sa mise sur pied, cette communauté collaborative regroupe quantité d’acteurs spécialisés, dont 237 universités. Ces acteurs ont mis leurs moyens en commun pour générer un socle de savoirs partagés. Tous les membres du consortium ont pu profiter d’une base solide sur laquelle ils ont pu construire leurs produits respectifs. Les groupes Intel et AMD, les principaux acteurs au niveau du secteur informatique, avant de devenir de féroces concurrents, ont planté leurs racines dans cette vaste initiative d’innovation collaborative. De même, l’incroyable succès du modèle open source, en informatique, a démontré les vertus et l’efficacité des modèles ouverts et collaboratifs. Le système opérationnel Linux (adversaire du Windows de Microsoft) ou le navigateur web Mozilla Firefox, deux des platesformes les plus utilisées dans l’informatique moderne, sont nés dans les communautés open source. De nouveaux outils informatiques complexes, réclamant la construction d’un savoir cumulatif (chaque version se basant sur la précédente), n’auraient peut-être jamais vu le jour sans ces collaborations ouvertes. Certains industriels ne s’y trompent plus. Les géants informatiques IBM et Sun Microsystems, par exemple, ont apporté et apportent encore une contribution importante au développement de l’environnement open source. Cette implication est précieuse pour

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Rappelons-nous de la longue lutte entre les fabricants d’électronique grand public japonais et européens, dans les années 80, pour imposer la norme VHS dans les magnétoscopes. Ou la bagarre qui opposa Européens et Américains, dans les années 90, pour l’adoption de la norme GSM, à l’aube de l’explosion du marché de la mobilophonie. Des entreprises concurrentes peuvent aussi joindre leurs forces sur un segment de marché afin d’accélérer le développement d’un nouveau champ d’innovation. Le partenariat signé au mois d’août 2011 entre les constructeurs automobiles Ford et Toyota pour codévelopper un train de motorisation hybride pour les utilitaires, entre dans cette catégorie38. Signalons, enfin, une autre forme d’innovation ouverte apparue ces dernières années, dans laquelle une entreprise supporte le développement d’un écosystème concurrentiel… pour des tiers. L’opérateur, par exemple, met à disposition une plateforme technique dont il laisse toutes les spécificités ouvertes. Les constructeurs de consoles de jeux utilisent ce procédé pour soutenir l’apparition d’une large communauté de développeurs indépendants. La PlayStation de Sony, dans une certaine mesure, ou, surtout, le App Store pour l’iPhone d’Apple, ou le Android Store de Google, opèrent ainsi. Cette approche favorise la création d’un écosystème d’innovateurs autour de soi. Ce dernier aura plus de valeur pour l’entreprise, estiment-ils, que le fait de se bâtir une citadelle, en voulant contrôler la chaîne de valeur de A à Z.

Elles défendent les intérêts communs des acteurs du secteur concerné. Mais elles s’assurent également d’une forme de veille et de l’échange des meilleures pratiques entre les différents membres. 38 Ford to Join With Toyota to Develop Hybrid Pickup Trucks, SUVs, Bloomberg, 23/08/2011

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Un modèle de co-opétition dans le secteur des panneaux solaires

La co-opétition est une pratique tout à fait adaptée pour les PME. En 2008, Clipsol et Jacques Giordano Industries, deux fabricants de panneaux solaires thermiques français, ont mis sur pied une collaboration en vue de faire face à la concurrence étrangère. Objectif du partenariat39 : partager les connaissances et coordonner les efforts d’innovation pour améliorer le rendement des panneaux et réfléchir à un système de stockage de l’énergie. L’approche s’avéra fructueuse au point que, trois ans plus tard, le partenariat accueillit d’autres opérateurs, tels le Commissariat à l’Energie Atomique, l’Institut National de l’Energie Solaire et le Centre National de la Recherche Scientifique. Les pouvoirs publics, eux-mêmes, finalement, décidèrent de débloquer un budget pour soutenir l’initiative. Au départ, cette démarche coopérative permit à Clipsol et à Jacques Giordano Industries de mutualiser certains achats de matières premières (verre, aluminium, plastiques,…). Par la suite, ensemble, ils ont mis en commun leurs compétences pour mettre au point des améliorations à leurs produits. Ainsi, les deux PME ont renforcé leurs positions concurrentielles respectives, grâce à des meilleurs produits (meilleur rendement, prix moindre), par rapport aux autres producteurs européens, hors de l’Hexagone40. Cette collaboration entre opérateurs d’un même secteur, présents sur des marchés qui se chevauchent, leur a également permis de s’insérer plus facilement dans des programmes de soutien et d’aide à la recherche, en collaboration avec des centres d’innovation publics ou privés ainsi que des universités, dans le cadre notamment des pôles de compétitivité français.

Source : www.clipsol.com

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http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/dossier/0201396664069/0201396464586-les-pme-decouvrent-l-innovation-ouverte-168381.php Entre 2008 à 2009, le chiffre d’affaires consolidé de Giordano est passé de 50 à 54,5 millions d’euros. Quant à Clipsol, elle a fait progresser son chiffre d’affaires de 14,6 millions d’euros en 2008 à 26 millions en 2009.

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4. Idea Markets et communautés d’innovation Jusqu’ici, nous avons évoqué des formes d’innovation qui mettaient en relation des organisations qui se connaissaient au départ, avant de collaborer. Les nouvelles plates-formes digitales ouvertes permettent à des individus n’ayant jamais été en contact les uns avec les autres d’innover ensemble. Que ce soit sur de micro-projets ou dans une perspective de plus long terme. Voici quelques années, des espaces virtuels dédiés à l’innovation collaborative sont apparus sur la Toile. Aux Etats-Unis, où ils ont en premier fait leur apparition, ces sites internet ont été baptisés : idea markets. Les idea markets s’apparentent à des foires aux idées virtuelles. N’importe quelle entreprise confrontée à un écueil qu’elle ne parvient pas à surmonter peut expliquer le problème sur une plate-forme en ligne. Objectif : laisser un tiers, quelque part dans le monde, proposer une réponse ou une solution. Le site internet Innocentive.com est l’un des plus anciens idea markets publics. Un des plus connus dans le monde, également. Innocentive met chaque jour en relation des milliers de « solution seekers » avec près de 200.000 « problem solvers ». Une grande partie sont des scientifiques. Les « solvers », fixent eux-mêmes le prix de leur intervention. De 5.000 dollars US à 100.000 dollars US, par exemple. Tous les domaines et types de problèmes peuvent être couverts, que ce soit la recherche d’un processus de synthèse pour une protéine ou la nécessité de trouver un nouvel élément pour la conception d’une lentille de téléscope, etc. Innocentive augmente les chances de trouver une solution pour un coût marginal. Les plates-formes d’innovation ouvertes ne sont pas LA formule miracle… Il n’empêche : le taux de succès sur Innocentive tournerait, aujourd’hui, autour de 40%. Autrement dit, dans quatre cas sur dix, les solutions apportées s’avèreraient répondre de façon optimale à une problématique donnée... Les contributions restantes n’amènent, en général, qu’une solution partielle. Toujours bonnes à prendre, parfois. Les idea markets gagnent en force. Hypios, une autre plate-forme ouverte de résolution de problème, recense à présent 150.000 scientifiques inscrits. En 2010, un appel y fut lancé, par exemple, pour trouver une solution en vue d’étanchéifier la fuite de pétrole consécutive à l’explosion d’une plate-forme pétrolière de BP dans le Golfe du Mexique. Une question relative à l’extraction pétrolière et au colmatage en eau froide trouva une réponse grâce à la proposition d’un spécialiste du ciment.

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La transdisciplinarité des solutions proposées stimule la créativité, insistent les fondateurs de Hypios. Innoget, NineSigma, IdeaConnection, Innovation Exchange sont d’autres exemples de idea markets en ligne. A côté des idea markets indépendants, les réseaux sociaux digitaux deviennent aussi des lieux d’échange d’idées et de feedbacks professionnels. Certains sous-services disponibles sur les réseaux sociaux permettent, eux aussi, de poster une question ou un problème à résoudre. Ainsi, le service « Answers » du réseau social LinkedIn donne la possibilité à chaque inscrit de poser une question et de solliciter la créativité de contributeurs tiers. WikiAnswers ou Yahoo Answers, des services identiques, recensent, eux, plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs. Quora, un autre site spécialisé dans la résolution de questions, utilise lui l’approche du microblogging (comparable à Twitter), avec le même objectif. A ce jour, Quora compte plus de un demi-million d’utilisateurs. Les questions pointues posées sur ces forums sont en général traitées par des professionnels relativement spécialisés. D’autres communautés spécialisées se forment par ailleurs, indépendamment, sur le Net. Les participants se trouvent en fonction de leurs spécialités ou de leurs centres d’intérêt et non pas à partir d’une question lancée à la cantonade numérique. Là aussi, les réseaux sociaux LinkedIn, Xing, Viadeo, Facebook, Ning jouent un rôle grandissant pour supporter les échanges au sein de ces communautés thématiques. Ces espaces de discussions virtuels peuvent se transformer en véritables écosystèmes digitaux, dans lesquels des internaute du monde entier partagent des informations, des idées ou simplement entrent en contacts avec d’autres professionnels. Les participants s’alimentent mutuellement. Ils améliorent leur capacité de veille. Ils suscitent de nouvelles opportunités de partenariats, dans le cadre de développements nouveaux, avec des opérateurs situés dans d’autres régions du monde. Enfin, des plates-formes d’échange indépendantes émergent également en dehors des réseaux sociaux. Syndicom, par exemple, en est une. Syndicom est une plate-forme sur laquelle des chirurgiens du dos échangent sur des questions liées aux nouvelles thérapies, à la mise au point de nouveaux protocoles, etc. Festo Engineering est une autre plate-forme en ligne, gérée depuis la Californie, destinée aux professionnels des technologies photovoltaïques. Chaque membre de ces communautés spécialisées profite de ces rencontres et discussions virtuelles pour enrichir ses propres approches et procédures.

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Precyse

Reçoit 33 suggestions utiles collectées en 90 jours

Precyse Technologies est une société américaine spécialisée dans les technologies RFID (système d’identification par radio fréquence). A l’instar de nombreuses entreprises de pointe, Precyse était à la recherche d’un moyen d’améliorer la durée de vie de ses batteries sur ses produits sans fil. Un des responsables de l’entreprise a expliqué le « défi » sur un Idea Market. Pas loin de 500 contributeurs répondirent à l’appel, originaires de 64 pays différents. Après 90 jours, Precyse avait collecté un total 33 propositions utiles. L’une des idées suggérait de récupérer une partie de l’énergie diffusée dans les ondes radios afin de limiter l’utilisation de la batterie. Cette solution fut retenue. Son auteur fut rémunéré. En procédant seule, la PME aurait mis beaucoup plus de temps et n’aurait sans doute pas imaginé une option aussi originale qu’efficace… Source : Precyse Technologies

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5. L a co-création et le crowdsourcing Comme on l’a vu, les outils digitaux offrent de nouvelles opportunités de partager et puiser dans le potentiel créatif d’une population de professionnels actifs sur internet. Il est toutefois possible d’aller un cran plus loin, encore, dans l’ouverture des processus d’innovation… en ouvrant la dynamique à n’importe quel individu qui le souhaite. Expert ou non. «  S’il y a plus d’idées et d’intuition dans plusieurs cerveaux que dans un seul, la population la plus créative ne peut être que le monde… » Tel est le principe du crowdsourcing. Laisser la foule s’emparer et participer à sa propre dynamique d’innovation. Il s’agit de la forme ultime de l’open innovation. Certes, les concours d’innovation promettant un prix important à l’auteur d’un exploit technique exceptionnel ou au concepteur d’une solution révolutionnaire, d’où qu’il ou elle vienne, sont nés voici bien longtemps. Charles Lindbergh, par exemple, en 1927, inaugura la première traversée aérienne sans escale de l’océan Atlantique motivé par la récompense promise par un homme d’affaires américain à quiconque réussirait la prouesse. Les mondes digitaux, néanmoins, démultiplient considérablement les occasions d’impliquer l’homme de la rue dans des processus d’innovation jusqu’ici relativement clos. Se tourner vers la population au sens large présente comme premier avantage de pouvoir se rapprocher au maximum de ses clients. Le processus d’innovation est ainsi mené au plus près du marché. Les retours d’expérience des utilisateurs sont immédiats. Autre atout : les inputs donnés à la dynamique d’innovation sont plus diversifiées. Le processus est plus créatif. Le fruit de ces efforts sont moins prévisibles, donc susceptibles de se démarquer davantage de la concurrence. Sans compter que le processus d’idéation (génération d’idées) est aussi, potentiellement, moins coûteux. Enfin, ce travail de création ouverte aux inputs et idées de clients et autres individus intéressés permet de resserrer les liens entre

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une marque et son public grâce au phénomène d’appropriation. Dans certaines entreprises, l’ouverture du processus d’innovation à la population des internautes vise aussi, pour cette raison, un objectif marketing. Bref, un nombre croissant d’entreprises se tournent, de nos jours, vers le crowdsourcing. Selon le Economist Intelligence Unit, 75% des grandes entreprises jugent que leurs clients sont une source majeure d’idées neuves41. Celles qui mettent réellement ce principe en pratique ne sont toutefois, encore, qu’une minorité. Bien que les expérimentations se multiplient. Certaines fois de manière plus structurelle. Depuis plusieurs années, la firme danoise Lego met en ligne un outil de conception 3D utilisable par quiconque pour imaginer de nouvelles scènes lego. Quelques uns des meilleurs projets sont transformés en boîtes de jeu vendues dans le commerce. Les contributeurs peuvent espérer percevoir des royalties sur les ventes. Le groupe Fiat, lui, a récemment inauguré un programme de crowdsourcing pour le développement d’un nouveau modèle: la MIO. Cette voiture compacte est destinée au marché brésilien. Les internautes lusophones peuvent soumettre leurs idées au sujet de l’esthétique, du profil techniques, de la voiture. Ils sont aussi appelés à voter pour les meilleures propositions. Fiat qualifie cette action d’approche open-source appliquée à l’automobile. Dans l’agro-alimentaire, le groupe Danone, le thés Tetley, le fabricant de boissons VitaminWater, ont également élaboré des stratégies de consultation de leurs clients et mis en place des programmes pour leur permettre de participer à la co-création de nouveaux goûts ou produits. Le fabricant d’outillage domestique Fiskars est un fervent adepte du crowdsourcing. L’entreprise entretient plusieurs forums digitaux en ligne sur lesquels elle collecte les réactions et commentaires de ses clients. Ces informations sont instantanément traitées par les départements concernés qui intègrent, en général, immédiatement celles-ci afin de remplir le « tuyau » d’innovation. Dans l’industrie et les activités inter-entreprises (B2B) également,

http://www.levidepoches.blogs.com/contagiousideas/2011/03/co-creation-communities-can-be-goldmines-for-brands-by-justin-pearse.html

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le crowdsourcing gagne en popularité. Le conglomérat industriel General Electric (GE) a récemment lancé un concours majeur baptisé : «  GE open-innovation  ». L’action est dotée d’un budget de 200 millions de dollars US. Objectif poursuivi : accélérer le développement du groupe dans le domaine des technologies vertes. Le public pourra voter pour les meilleures pistes et idées. Les suggestions les plus intéressantes seront récompensées d’un prix de 100.000 dollars US et plus… Les startups les plus prometteuses, repérées dans ce cadre, sont censées bénéficier d’investissements généreux de la part de GE. Source : Fiatmio.br

«  Nous voulons puiser dans le potentiel de la cloud industry  », indique sur le site web du projet Jeffrey Immelt, le CEO de GE, faisant référence au cloud computing, l’informatique distribuée qui révolutionne aujourd’hui le secteur IT. «  De notre côté, nous avons besoin de votre capacité d’innovation. De votre côté, vous avez besoin de notre taille, pour atteindre les marchés  », clame-t-il. La société américaine de location de films en ligne Netflix a, elle, offert des récompenses aux développeurs lui ayant soumis les suggestions les plus pertinentes pour améliorer son système de recommandation automatique baptisé Cinematch. Le crowdsourcing s’imposera-t-il un jour comme une façon naturelle d’organiser l’innovation d’une entreprise, peut-on penser ? Pour n’importe quel individu ou n’importe quelle PME sur la planète, le développement du crowdsourcing constitue une extraordinaire

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opportunité de profiter de l’ouverture de grandes entreprises ou d’autres PME à la collaboration. Guetter ces ouvertures entrera sans doute, de plus en plus, aux tâches dévolues aux personnes en charge de l’innovation au sein des organisations. En ce qui concerne la pratique du crowdsourcing par les PME elles-mêmes, pour garnir leur portefeuille d’innovation, il s’agit bien sûr, là aussi, d’une option à envisager. Le crowdsourcing nécessitera cependant l’adoption d’un état d’esprit et d’une forme d’organisation beaucoup plus souple, transparente et flexible. Autant en être conscient.

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Tchibo-Ideas.de Un exemple de co-création C2C

Tchibo est une chaîne de café allemande fondée en 1949. La marque propose une large gamme de produits allant du café aux vêtements et aux voyages, en passant par les équipements ménagers, etc. En 2008, Tchibo a créé la plateforme de co-création communautaire « Tchibo-Ideas.de ». La firme y recense les problèmes signalés par les consommateurs, ainsi que les solutions que ces derniers proposent. Quelque 9.000 membres sont ainsi mis en relation par la marque. Aucune sélection préalable n’est opérée sur les problèmes énoncés. Tchibo se concentre sur le travail d’animation de la plateforme. Chaque mois, la marque récompense trois produits plébiscités par la communauté. Et chaque année, les experts de Tchibo élisent une idée, qui fera l’objet d’une commercialisation exclusivement réservée aux magasins Tchibo. Les points de vente Tchibo ont la caractéristique de renouveler leur offre de produits chaque semaine. D’autre part, elle présente des produits essentiellement pratiques. Pour Tchibo, s’intéresser au plus près à l’avis des consommateurs est donc particulièrement approprié. Les échanges par le biais de cette plate-forme transparente, accessible et ouverte au dialogue, nourrissent un vivier d’idées. Emergent des tendances et des individus pour les soutenir (influenceurs). Tchibo n’a plus qu’à s’en inspirer, pour mettre ensuite en production des produits constamment adaptés aux goûts des clients, et concevoir un marketing plus efficace. En un temps record, Tchibo met sur le marché les meilleures idées, sous sa propre marque. De leur côté, les participants tirent profit d’un nouvel environnement pour l’échange d’expériences. Cet espace C2C (consommateur à consommateur), basé sur l’humain, parle de choses vécues, rend service et apporte aussi un apprentissage. Une internationalisation de la plateforme42 devrait permettre de développer encore cet espace créatif et l’expansion de valeur qu’il génère. Le but étant de fédérer une communauté de consommateurs toujours plus diversifiée et interconnectée. Le lauréat du concours Tchibo-Ideas est récompensé. __ Source : VisualOrgasm http://www.flickr.com/photos/ visualorgasm/3529152246/sizes/m/in/photostream/

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www.tchibo-Ideas.com

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Le Henkel Innovation Challenge : Un concours d’innovation sur les réseaux sociaux

La groupe allemand Henkel43, spécialiste des produits d’entretien, fonde aujourd’hui sa stratégie R&D, dit-il, de plus en plus « sur l’écoute attentive des besoins des clients et des consommateurs »43. En matière de développement durable, en instaurant un dialogue permanent avec toutes les parties prenantes, à l’échelle locale, régionale, nationale ou mondiale. Le «  Henkel Innovation Challenge  », un jeu-concours créé en 2007, vise à fournir en idées innovantes les différentes marques du groupe. Par équipes de deux ou trois, des étudiants de tous pays préparent pour leur idée un business plan comportant des aspects de marketing, finance et distribution. Ils sont accompagnés par un mentor - un manager de Henkel - qui leur donne l’occasion de se familiariser avec la manière dont le Groupe Henkel envisage son business. Les gagnants remportent un tour du monde, et la possibilité de rencontrer Kasper Rorsted, le patron de Henkel. Le concours s’appuie sur un site web dédié, dont les contenus sont relayés sur les réseaux sociaux Twitter, Youtube et Facebook. La Fan Page Facebook comptabilise cinq mille fans. Le Henkel Innovation Challenge est organisé dans plusieurs pays et dispose même de son “merchandising” __ Source : APA-OTS http://www.flickr.com/photos/apaots/5053837092/ sizes/m/in/photostream/

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Henkel figure parmi les 500 entreprises au monde réalisant le plus gros chiffre d’affaire. Son activité globale (tous secteurs confondus) a généré un profit de 2,27 milliards de dollars US pour l’exercice 2010. 44 http://www.henkel.com/cps/rde/xchg/henkel_hic/hs.xsl/772_HIC_HTML.htm

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Le Pepsi Refresh Project : Co-innover dans le domaine marketing

En avril 2010, le groupe Pepsi lance aux Etats-Unis «  PepsiCo10  », un incubateur interne de startups45. Ce programme se présente sous la forme d’un concours destiné aux jeunes startups. Son but est de dénicher les meilleurs talents pour en faire de futurs partenaires du groupe. Il vise des projets innovants appliqués aux médias sociaux, marketing mobile, jeu et vidéo numériques, ambiant marketing ou marketing d’expérience. Le défi sous-jacent à ce programme est donc celui d’innover en matière de communication, publicité et marketing. Les participants proposent un projet d’application en ligne. Ils ajoutent une brève description de l’expérience de l’entreprise et de sa vision. Vingt projets sont sélectionnés par le jury de PepsiCo. Ceux-ci sont invités à présenter leur business plan à l’occasion d’un sommet réunissant plusieurs centaines d’employés et de partenaires du groupe. Parmi eux, des sociétés de capital risque. Au final, 400 idées innovantes ont été proposées. PepsiCo10 propose aux dix entreprises gagnantes de consacrer un an au développement d’un programme pilote pour une des marques du groupe. Une bourse de 10.000 dollars US récompense les élus. Aucun investissement n’est dû de la part de PepsiCo ni de ses partenaires. Seule contrepartie : le mentorat par un manager de la marque, et l’accès aux relations publiques et sociétés médias de PepsiCo. Le retour sur investissement attendu par ces startups est surtout un gain en termes de visibilité et de réputation. Avoir travaillé pour une grande marque est censé prouver la valeur de leur propre business model. PepsiCo a poursuivi dans cette voie en lançant, par la suite, le Pepsi Refresh Project. Ce programme américain qualifié par PepsiCo de « Corporate Citizen » propose de recueillir les idées des citoyens, associations et entreprises pour changer le monde.

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http://www.pepsico10.com/

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PepsiCo a de cette façon, en quelque sorte, « crowdsourcé » son programme de Corporate Social Responsibility. Au total, Pepsi Refresh Project (édition 2010), représente un investissement de 20 millions de dollars. Au total, 7500 nouvelles idées ont été soumises, lesquelles ont recueilli près de 45 millions de votes. Quelques 800.000 fans supplémentaires se sont inscrits sur la page du groupe sur Facebook.

Source : http://www.flickr.com/photos/ rahulsthirdeye/5130417157/sizes/m/in/photostream/

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Swisscom Labs « User-driven innovation »

Swisscom est le premier opérateur de télécommunications de Suisse. Il est aussi le premier à lancer un « laboratoire virtuel » accessible en ligne, à l’instar des grands éditeurs de logiciels46. « Swisscom Labs » est né en 2006. Caractéristique première : l’interactivité avec l’utilisateur. Selon les termes utilisés par le groupe helvète, le processus d’innovation vise à capturer les idées au moment de leur éclosion, au cœur de l’expérience de l’utilisateur. Conçue comme un véritable laboratoire d’expériences, l’interface web encourage les échanges. Il est possible de poster des commentaires et avis ; de participer aux forums de discussion ; de proposer des idées de test concernant les smartphones et Internet ; de découvrir les nouveautés de partenaires tels que Vodafone, des universités ou des startups ; de tester des produits en version bêta ; de participer à des essais ; ou encore de se tenir au courant des dernières tendances... Les développeurs peuvent aussi mettre en ligne des applications en phase de test afin de susciter des commentaires et recueillir des feedbacks sur celles-ci. En mars 2010, le lancement d’un concours d’idées a permis la collecte de plus de 270 idées. La communauté vote pour les idées envoyées, sur le principe du « like » de Facebook (« j’aime »). Différents prix sont attribués. Le Prix de la communauté, par exemple, est réservé à l’idée qui remporte le plus grand nombre de « likes ». Le Prix du jury Swisscom Labs allant à l’idée élue par le jury de Swisscom Labs. Voter pour une idée est aussi récompensé. Le concours est gratuit. Toute personne ayant participé au vote a une chance de gagner un prix. En se rapprochant de l’expérience du client, souligne Swisscom, le groupe peut intégrer plus rapidement les technologies innovantes issues de parties tierces. En interne, un observatoire des utilisateurs constitués de sociologues suit désormais cette expérience sur de longues périodes. Les modes de comportements du consommateur sont étudiés au plus près de leurs changements et tendances. Source : http://www.swisscom.ch/content/ swisscom/fr/ghq/Portraet/Social_Media_und_RSS/ jcr%3acontent/narrowpar/textimage_8/image.170. jpg/1306228601204.jpg

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http://labs.swisscom.ch/ideas

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Une grande marge de progression en matière d’open innovation dans de très nombreux secteurs A l’occasion de l’étude qu’elle vient de publier fin mai 2011 sur «  Les grandes entreprises françaises et l’Open Innovation  », la société de conseils Bluenove révèlait de grandes disparités de pratiques d’innovation entre secteurs d’activité en France47. En 2009-2010, les besoins des grandes entreprises françaises en matière d’open innovation (OI) ont enregistré un taux de croissance de 40%. Pour Bluenove, ceci prouve qu’elles ont intégré les concepts et sont passées à la pratique. « Cependant, les entreprises continuent à voir l’open innovation plutôt comme un outil que comme un projet d’entreprise ». En ce qui concerne la mise en pratique concrète de l’open innovation, le secteur de l’IT et des Télécommunications domine de loin tous les autres secteurs. Ce dernier représente à lui seul 67,6 % de l’activité OI (en termes de chiffre d’affaire). Le secteur cosmétique et pharmaceutique n’en représente déjà plus que 9,3%, suivi de près par celui des médias et du contenu (6,9%), celui de la culture et des loisirs (5,2%), et celui de l’énergie (5%). Les secteurs à la traîne sont : la distribution (1,9%), l’industrie

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http://www.bluenove.com/en/tag/open-innovation/

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(1,7%), le conseil (1,6%), l’éducation et l’administration (0,6%), et les autres services (0,2%). Si, dans un certain nombre de secteurs, l’open innovation est perçue comme une évolution inévitable, 87,9% d’entre elles observent que cette ouverture les expose à un risque de vol de propriété intellectuelle ou de « reverse engineering » de brevet… La plupart d’entre elles estiment néanmoins qu’elles seront en mesure de gérer ce risque en prenant les mesures de précaution nécessaires. Les grandes entreprises françaises interrogées par Bluenove sont conscientes des difficultés qui se poseront dans le cadre des collaborations qu’elles mèneront en phase d’innovation avec des tiers. Pour quelque 69.8% des répondantes, les problèmes pourront être causés par des problèmes liés aux différences culturelles. 70% craignent les écueils liés à la gestion des équipes à distance. Trois-quarts jugent que les employés hésiteront à partager leurs idées, de peur de s’exposer personnellement ou de s’en faire voler la paternité.

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4. Un état d’esprit approprié L’innovation n’est pas une science exacte. C’est d’abord une dynamique humaine, qui nécessite échanges, discussions et partages entre des individus. L’innovation est également un processus dans lequel les émotions jouent un rôle déterminant. L’innovation en vase clos est un leurre. La dimension humaine est fondamentale. Et ce n’est pas nouveau. Les grands savants de l’ère moderne ne peuvent se passer d’échanges personnels avec leurs pairs. Depuis le début du 20ème siècle, par exemple, les plus grands physiciens de la planète se réunissent tous les trois ans à Bruxelles lors des grandes conférences Solvay. Marie Curie, Niels Bohr, Albert Einstein... Ces séminaires sont chargés de tensions, d’affections ou d’inimitiés entre les participants. Les émotions qu’inspirent les uns et les autres ou la confiance sont autant d’éléments fondamentaux qui influencent directement la réussite ou non des démarches inscrites dans l’esprit de l’open innovation. L’open innovation nécessite donc, à la base, un état d’esprit particulier, une attitude et une forte capacité à nouer des relations humaines non ambigües. L’open innovation n’est fertile que sur un socle de confiance que seuls les échanges personnels participent à construire. Nous allons voir dans cette partie comment la dimension humaine joue son rôle au niveau des attitudes et des esprits, à travers deux exemples : l’accord Awex/ Texas A&M et le rôle de connecteur du Sirris. Grâce au témoignage de Xerox Europe, nous verrons également comment les principes de l’open innovation peuvent être aujourd’hui simultanément mis en oeuvre par une entreprise à différents niveaux.

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L’importance d’un cadre de confiance L’exemple de l’accord Texas A&M / Awex La route à travers la pleine du Texas semble interminable. La route, tour à tour rectiligne puis sinueuse, s’étire au milieu de vastes prairies parsemées de bosquets, de fermes et de rares derricks plongeant leur longue trompe d’acier dans les entrailles du sous-sol texan. Au bout de deux heures de trajet, les panneaux indicateurs indiquent l’arrivée à Collège Station, le campus de Texas A&M, l’un des deux plus vastes systèmes universitaires de l’Etat. La matière grise est tout à l’oeuvre dans ce coin du Texas, perdu dans le centre de l’Etat, entre Houston et Austin. L’université est un archipel de bâtiments épars, entourés de parkings et de pelouses soigneusement entretenues. La Région wallonne, à travers l’Awex, et le système universitaire de Texas A&M se sont liés d’amitié, voici quelques années. La Wallonie et l’Université texane48 semblent avoir compris, avant d’autres, que le cavalier seul et l’isolement étaient synonymes de manque à gagner. Pour les deux partenaires, la collaboration permet aujourd’hui d’aller plus vite, et plus loin. “Voici cinq ans, notre principale préoccupation était de maximiser la vente de licenses sur ses technologies brevettées, entame Brett Cornwell, directeur OTC (Office of technology commercialisation) du système universitaire Texas A&M. Nous remplissions nos tuyaux avec un maximum de brevets, à l’instar de la plupart des institutions académiques. Depuis lors, poursuitil, nous avons compris que la commercialisation de la technologie va bien au-delà de la vente de licences. Nous avons compris que la collaboration accroît grandement le potentiel de valorisation de notre recherche....C’est la raison pour laquelle Texas A&M a noué des partenariats privilégiés avec l’Awex, mais aussi avec l’Université de Tsinghua de Pékin et le Kiwinet de Nouvelle-Zélande.” Il ne suffit toutefois pas d’apposer un paraphe au bas d’un accord pour rendre la collaboration opérante. Cette dernière requiert, pour être fertile et fructueuse, une attitude ouverte et une empathie réelle entre les individus. « Il faut du temps et de fréquents allers et retours pour que la confiance s’installe explique, Philippe Lachapelle, directeur des Partenariats internationaux à l’Awex. Les partenaires doivent apprendre à se connaître personnellement. Il faut communiquer beaucoup pour se faire connaître. Il faut beaucoup de persévérance, de travail et la construction d’un capital relationnel… »49 Ce tissu relationnel et personnel, bâti par une poignées d’individus, a permis la germination de différents projets de collaboration. Le cœur du partenariat wallo-texan repose sur le concept : « Born Big ». En joignant les forces des uns et des autres, de façon ouverte, ces innovateurs jouissent tout à coup d’une empreinte globale.

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Coulé dans un mémorandum of agreement. Dans le cas du partenariat Texas A&M / Awex, le travail de mise en œuvre a requis un minimum de deux visites par an au Texas. Et inversement de leur côté.

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Dans un premier temps, ce réseau international leur permet de puiser dans de nouvelles ressources intellectuelles disponibles pour mener des projets d’innovation plus ambitieux. Pas la suite, en phase de développement, les partenaires peuvent rapidement tester la sensibilité de tel produit ou service aux variétés culturelles et aux spécificités légales ou commerciales propres à chaque continent. Ainsi, ils peuvent adapter directement ceux-ci avant leur mise sur le marché. Ainsi, un innovateur belge ou américain peut, directement, mettre sur pied une stratégie commerciale globale. Il évite ainsi la politique de déploiement commercial par cercles concentriques, dont le défaut est de laisser longtemps les marchés non couverts à la merci de potentiels concurrents. “Aujourd’hui, ce partenariat avec la Wallonie est une véritable tête de pont pour nous aider à trouver des débouchés à nos technologies en Europe, affirme Guy Diedrich, vice-chancellor de Texas A&M, qui négocia le premier la mise sur pied de l’accord cadre avec la Wallonie. Nos technologies, nos spinoffs, nos entreprises, disposent via la Wallonie d’un promontoire pour tester et affiner leurs propres produits et services en fonction de la perception qu’en auront les Européens, différente des réactions éventuelles que nous pourrions obtenir dans notre biotope américain. Beaucoup de startups d’ici veulent aller en Europe. Or, sans cette phase d’expérimentation et de prise de contact avec le marché européen, elles risquent d’essuyer rapidement des échecs faute de disposer des bons réseaux et d’adapter leurs produits aux perceptions locales”. “La logique Born Big est une reconnaissance que nous ne disposons pas de toutes les solutions chez nous, ajoute Guy Diederich. C’est un exercice d’humilité qui ouvre, en fait, un immense champ d’opportunités. Nous sommes en train de créer une sorte d’écosystème avec la Wallonie, Kiwinet, Tsingshua,... On se rencontre régulièrement et des liens de confiance se tissent ”. Le partenariat Awex/ Texas A&M s’inscrit dans l’esprit de l’open innovation. Les collaborations peuvent s’enclencher très rapidement, quand la technologie concernée n’est encore qu’en phase de pré-développement. Illustration avec Lisam, une entreprise wallonne ayant conclu un partenariat dans le cadre de l’accord-cadre Awex/Texas A&M. Lisam développe des logiciels dédiés à la gestion des accidents

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chimiques. Texas A&M dispose justement d’un centre de recherche en matière d’accidents chimiques. L’alliance était évidente. Texas A&M a investi, avec la maison-mère, dans la création d’une filiale américaine. Quelques mois plus tard, la première vente est conclue. Huit à neuf cas semblables sont en gestation, selon Brett Cornwell. Belcim est un autre exemple. Cette entreprise belge développe des logiciels de simulation. Ces derniers sont adaptés pour la simulation des processus d’exploration pétrolière en eaux très profondes. Le marché potentiel est important. Une très grande partie des nouveaux gisements pétroliers découverts ces dernières années le sont à des profondeurs de plusieurs milliers de mètres sous la surface des océans. Le système Belcim n’est toutefois pas encore au point. De nombreuses versions sont encore nécessaires avant de pouvoir le vendre aux compagnies pétrolières. Dans le cadre du partenariat, les acteurs wallons ont présenté le projet aux Texans. Ces derniers s’y sont ralliés et ont accepté d’y consacrer des moyens communs. Le processus de développement et de commercialisation à grande échelle s’en est trouvé nettement accéléré. Le risque qu’un concurrent mette sur le marché une solution concurrente qui réduirait fortement les revenus que peuvent escompter les partenaires à terme se trouve ainsi réduit… «  Désormais, si j’identifie chez nous une technologie dont le potentiel est global, je peux appeler l’université de Tsinghua à Pékin de même que l’Awex en Europe, poursuit Guy Diedrich. Tsingshua peut nous dire qu’ils n’ont pas encore apporté de contribution au projet précis, mais qu’ils sont avec nous. Idem avec les partenaires en Wallonie. Philippe Lachapelle peut me contacter pour attirer mon attention sur une entreprise wallonne qui cherche à préparer son développement en parallèle aux Etats-Unis et voir si nous voulons en être… » Dans un modèle classique, démarrer la commercialisation d’une technologie en Chine prendrait au minimum deux ans. Juste pour monter le dossier, analyser la situation du marché, trouver les collaborateurs, les avocats, etc. S’ajoutent les risques liés à la copie, notamment. Tous ces éléments rendent l’opération très lourde et incertaine…

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«  Dans notre modèle de collaboration ouverte, vous pouvez compter sur un partenaire en Chine dès les premières phases de maturation de la technologie, argue-t-on chez Texas A&M. Un partenaire avec une structure, des ressources financières, un réseau… Si Tsinghua dit d’accord, cela devient une collaboration à 50/50. Si l’Awex dit je marche, également, cela devient un partenariat à trois. Une startup devient directement Born big. Si l’ensemble est bien géré, l’effet peut être exponentiel ». Encore une fois, cette forme de collaboration très large et fertile ne fonctionne que si elle est sous-tendue par des relations de confiance étroites instituées entre les différentes personnes et organisations parties prenantes.

Guy Diedrich, Vice-Chancellor de Texas A&M

«  Désormais, les relations et la communication sont devenues très fluides entre nous. Presque liquide, note Guy Diedrich. Bâtir des relations comme celles-là est absolument critique. Je sais que, quand j’appelle Philippe, je trouve un partenaire fiable et compétent. De son côté, il sait qu’avec nous, il ne perdra pas son temps On se connaît suffisamment bien ». Cela dit, si les relations personnelles sont fondamentales au début, petit à petit, avec l’expérience, la confiance gagne les institutions elles-mêmes, ajoute-t-il. Dès lors, même si les personnes changent, les liens structurels subsistent. « Les partenariats ne sont pas exclusifs. Ils sont privilégiés. Je sais que si Philippe me dit qu’il veut nouer une relation particulière avec Berkeley, la question suivante qu’il me posera sera : voulez-vous en être ? Il en sera de même en ce qui me concerne. La confiance se bâtit également sur ce genre de transparence. »

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Le rôle positif des « connecteurs » L’open innovation, on l’a vu, a besoin d’un cadre. Celui-ci ne suffit toutefois pas toujours, en soi, pour créer les collaborations. Les partenaires ont parfois besoin que quelqu’un les aide à se rencontrer ou à susciter les opportunités de nouveaux projets. Ces « entremetteurs » ou ces « connecteurs » sont précieux pour apporter à l’esprit de certains opérateurs diverses occasions de collaborer ensemble sur des pistes innovantes. Sans ces connecteurs, l’idée de croiser les destins ne serait, peut-être, jamais survenue. Les intermédiaires de l’innovation ne sont pas nouveaux dans le paysage. Le centre de recherche belge Sirris, lui, accomplit cette tâche depuis 194950. A l’époque, les initiateurs avaient déjà diagnostiqué la distance trop grande entre chercheurs, universités et les demandes du marché, alors qu’à l’opposé, les industriels manquaient parfois d’accès aux dernières technologies développées par les laboratoires universitaires, ce qui pénalisait dès lors leur compétitivité. « Nous tentons de mettre les gens pertinents ensemble, résume Umberto Baraldi, directeur adjoint du Sirris Wallonie. Nos équipes sont capables de clarifier les demandes technologiques par rapport à une demande latente. Sur cette base, nous pouvons analyser s’il est possible de mener un projet à partir de ressources humaines internes ou externes. On aide aussi à analyser quelles sont les possibilités de financement extérieur, en particulier de subside ». Le centre de recherche accompagne ses utilisateurs notamment dans leurs démarches pour intégrer des dimensions de l’innovation non directement liées à leur cœur de compétence technologique, dont la maîtrise est néanmoins indispensable pour pouvoir réussir la phase de commercialisation. Ces aspects touchent, par exemple à l’ergonomie du produit, à l’insonorisation de l’appareil ou encore au choix d’un matériau optimal. Rares sont les entreprises qui disposent de ces compétences en interne. Cela dit, l’approche du Sirris en matière d’accompagnement de l’innovation a évolué au cours des dernières années. « Tout un temps, nous avons fonctionné comme des dépanneurs, relate Umberto Barald. Quelque chose ne fonctionnait pas, nous aidions à trouver des solutions techniques ». « Depuis, ajoute-t-il, nous sommes passés à une approche différente. Notre rôle consiste désormais à aider les entreprises à intégrer les innovations dans des produits, des processus ou des modèles d’affaires ».

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Le Sirris fut créé originellement sous l’appellation de CRIF, grâce aux fonds du plan Marshall, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Objectif : redynamiser l’industrie. Le Sirris occupe désormais 150 personnes en Belgique, répartis entre six centres différents. Une cinquantaine de personnes sont actives dans la division régionale de Liège. Au total, le centre d’innovation totalise 2.500 membres, dont seulement 125 ne sont pas des PME. Aujourd’hui, le Sirris réalise 4.800 interventions en entreprise chaque année, dans le cadre de mission allant de deux jours à deux ans. Les services de Sirris de décomposent en trois familles principales : de la veille technologique, le transfert et l’acquisition de compétences et des opérations de transfert de technologie ciblé par rapport à certaines entreprises.

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«  Prenons le cas concret d’une entreprise que nous connaissons qui a développé un système de conversion en imagerie pour les aveugles, illustre Umberto Baraldi. La version actuelle de leur machine est grosse comme une table. C’est très peu pratique. Ils ont donc besoin de compétences et de technologies spécifiques pour la miniaturisation afin de commercialiser leur invention. Nous pouvons leur fournir ». Le Sirris déniche ainsi les compétences nécessaires où elles se trouvent. En Belgique, d’abord en France, en Allemagne où ailleurs, ensuite. «  Une PME qui fabriquait des joints pour des machines hydrauliques cherchait une solution par rapport à la résistance dans certains milieux chimiquement agressifs, narre le directeur adjoint de Sirris Wallonie. Nous les avons mis en contact avec un centre de recherche à Paris spécialisé dans le caoutchouc. Nous apportons également des pistes d’innovation à travers notre travail de veille ou via le réseau européen EEN ».

Umberto Baraldi, directeur adjoint Sirris Wallonie __

Au niveau européen, l’open innovation a progressé parfois un peu artificiellement. Les programmes conditionnent souvent l’octroi des aides à la mise en place d’un consortium international.

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« Cela dit, le fait, déjà, de postuler au niveau des programmes de financement européens donnent déjà une indication sur le fait que l’entreprise est ouverte vers l’extérieur et curieuse de cherche des compétences externes, précise-t-on au Sirris. Vu la complexité de la constitution des dossiers, il faut plus que de l’opportunisme pour postuler. » Si, vu du Sirris, l’open innovation est une réalité ancienne, le concept et la pratique gagnent nettement en popularité ces dernières années. « Nous nous sentons très concernés par la montée en puissance du concept d’innovation ouverte, confirme Umberto Baraldi. Les expériences se multiplient »51. Les responsables du centre de recherche croient, entre autres, à l’influence grandissante des outils digitaux en matière d’open innovation. “ Au niveau technique, nous utilisons des outils collaboratifs en ligne, comme des wikis52, indique Fabienne Windels, directrice veille au Sirris Wallonie. Nous essayons d’initier les entreprises à l’utilisation des réseaux sociaux. Notre rôle reste de faciliter, de connecter et d’animer des communautés d’innovation, c’est vrai... ” Le Sirris est un acteur parmi des dizaines d’autres, dans le paysage européen de l’innovation. L’un des défis pour ces intermédiaires sera sans doute, dans l’avenir, de s’ouvrir davantage encore à la multidisciplinarité mais aussi, à sortir du seul cadre de l’innovation technologique.

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Le Sirris assiste, par exemple, les entreprises dans la mise en pratique de l’open innovation à travers différentes actions. L’une d’entre elles est baptisée « étagères de technologie ». L’organisation repère des brevets non utilisés par les entreprises (parce que les directions ont changé d’option stratégique en cours de route, par exemple) et tente de trouver de nouveaux amateurs. 52 Les wikis sont des documents éditables en ligne par des internautes différents. Ces wikis peuvent être publics (comme sur l’encyclopédie en ligne Wikipedia, ou privés)

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Comment Xerox pratique l’open innovation de six façons différentes et simultanées Le fabricant américain de matériel bureautique et informatique Xerox applique les principes de l’open innovation depuis un certain nombre d’années, déjà. Au fur et à mesure du temps, les pratiques se sont perfectionnées. Ce géant de 22 milliards de dollars US de chiffre d’affaires applique l’open innovation à travers plusieurs canaux différents, explique Monica Beltrametti, vice-présidente du centre de recherche européen de Xerox, basé à Grenoble, en France. Xerox utilise toute la palette des pratiques existantes en matière d’open innovation décrites dans les chapitres précédents, selon les besoins, des circonstances et la nature des différents objectifs poursuivis. Voici ces différents niveaux :

1. Sous-traiter l’innovation incrémentale auprès des fournisseurs Xerox sous-traite de plus en plus auprès de ses fournisseurs l’innovation relative à l’amélioration de produits existants, autrement dit l’innovation incrémentale. Ce transfert est surtout guidé par la volonté de réduire les coûts.

2. Utiliser les courtiers en technologie Xerox recourt abondamment aux «  courtiers en technologie  ». Ces courtiers sont des intermédiaires très utiles qui pourvoient l’entreprise en idées et contacts pertinents pour développer de nouveaux produits et services.

3. La co-opétition Xerox travaille avec certaines multinationales concurrentes dans le développement de plates-formes techniques communes, par exemple, avec le groupe japonais Fuji, au sein de la co-entreprise Fuji Xerox. Dans les phases précompétitives, Xerox n’hésite pas non plus à former des consortiums avec d’autres industriels.

4. S’insérer dans les réseaux et programmes de recherche européens La firme américaine n’hésite pas à rejoindre les réseaux européens de recherche et les projets gouvernementaux dotés de nombreux dispositifs de subsides, au sein de partenariats publics-privés. Ainsi, Xerox est en mesure de sonder et d’explorer de nouveaux champs de recherche fondamentale.

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5. Fréquenter les idea markets Le groupe Xerox puise certaines de ses idées d’innovation dans des places de marché d’innovation telles que Ninesigma ou Innocentive, évoquées plus tôt.

6. Co-innover avec les clients Récemment, le géant américain s’est lancé dans la co-innovation en accordant une écoute plus particulière aux contributions et commentaires de ses clients, en utilisant notamment les nouveaux outils sociaux du web.

Pour l’entreprise californienne, le fait d’étendre son réseau vers l’extérieur est doublement stratégique. Il permet, d’une part, de trouver des partenaires pour valoriser et externaliser les technologies qui n’entrent pas dans le coeur de métier de l’entreprise. D’autre part, l’open innovation permet d’importer des idées et des ressources venant d’autres disciplines pour le développement de technologies et d’applications radicalement neuves voire insolites. En cela, Xerox est fidèle à l’esprit de l’open innovation décrit par Henry Chesbrough. Les entreprises à succès de demain seront celles qui auront réussi à gérer de façon agile ces nouvelles approches ouvertes en matière d’innovation, estime Monica Beltrametti.

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Source : www.xerox.com

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5. Les PME et l’open innovation “Le PME ont tout à gagner de l’open innovation, même si elles ne doivent pas oublier d’être prudentes”

Jeffrey Baumgartner, Consultant- expert de l’innovation

Interview de Jeffrey Baumgartner

avec une PME américaine spécialisée dans la fabrication d’engins de levage. Cette dernière connaissait un problème avec un composant central dans une de ses machines. Afin de trouver une solution, l’entreprise a organisé une forme de brainstorming en ligne entre des employés à elle et les employés des compagnies sous-traitantes. Une soixantaine de personnes participèrent. Il en est ressorti non seulement une solution au problème, mais le nouveau composant s’est aussi révélé, par la suite, plus simple à produire et plus fiable.

collaborative dans les PME

Jeffrey Baumgartner53 est un consultant américain vivant en Belgique, spécialiste de l’innovation collaborative. Au cours de sa carrière, il a beaucoup travaillé avec les PME et observé comment ces dernière parvenaient à se mouvoir dans l’univers de l’open innovation. Voici son point de vue :

L’open innovation est-elle praticable par les PME ? Bien sûr ! Pour une raison stratégique, d’abord. Beaucoup de PME naviguent trop près de leurs produits. Elles ne prennent pas, de temps en temps, le recul nécessaire pour évaluer leur situation et prendre en compte des options neuves, potentiellement plus intéressantes pour elles.

Certaines formes d’open innovation sont-elles plus appropriées pour les petites et moyennes entreprises? Sur base de mon expérience, je dirais que l’innovation ouverte en collaboration avec les fournisseurs est l’une des plus efficaces. Les sous-traitants connaissent le marché. Ils connaissent les produits de la PME. En même temps, ils apportent une perspective différente. J’ai connu cette expérience, par exemple,

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Un sous-traitant a finalement apporté une idée géniale… En fait, le génie est rarement pour quelque chose dans ce type de résultat. L’important n’est pas d’attendre l’idée qui révolutionnera l’entreprise ou le secteur. C’est de constituer toute une collection d’idées, plus ou moins pertinentes. Dans le cadre des échanges, émergent souvent des quarts ou des dixièmes de bonnes idées. La dynamique de la conversation entre les participants au processus d’open innovation, d’une part, et les intéractions entre ces morceaux de bonnes idées, d’autre part, permettent d’assembler celles-ci pour parvenir in fine à une solution innovante et pertinente. C’est l’échange même qui produit la solution.

Vous parliez de brainstorming. Beaucoup d’entreprises organisent ce type d’événements de temps en temps. Toutefois, ceux-ci donnent parfois l’impression d’être des prétextes justifiant, le reste du temps, de continuer à faire la même chose... C’est un le syndrome du lundi. La fête est terminée. Tout le monde reprend la routine. Idéalement, l’open innovation nécessite de créer une culture de l’innovation permanente. Que ce soit pour de grands ou de petits aspects.

http://www.innovationtools.com/Articles/EnterpriseDetails.asp?a=643 Jeffrey Baumgartner est, notamment, le développeur d’un logiciel de Brainstorming collaboratif baptisé Jenni.

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Les PME ont moins de ressources que les plus grandes organisations. Afin d’accroître l’efficacité des processus d’innovation ouverte, vous recommandez à celle-ci de partir d’un problème existant et bien identifié plutôt que de partir dans le vague. Pourquoi? Certaines entreprises mettent aujourd’hui en ligne, sur leur site internet, une fonction appelant les visiteurs à leur proposer leurs idées. Cela permet de recueillir des idées parfois amusantes, parfois totalement à côté de la plaque. Néanmoins, cette approche “feuille blanche” laisse souvent les individus muets. Lors d’une récente conférence que je donnais à l’étranger, j’ai lancé à l’assistance un défi en demandant : “Allez-y, donnez-moi des idées de rupture”. La salle est resté silencieuse. Une chaise était posée sur la scène. J’ai alors demandé comment nous pouvions ensemble améliorer cette chaise. Tout à coup, les participants se sont mis à réagir et toute une série d’idées originales ont surgi. Cet exemple s’applique tout à fait dans le cadre des démarches d’open innovation. En laissant le cadre trop ouvert, on risque beaucoup de pollution. 95% des idées collectées seront sans doute sans intérêt ou sans valeur. Une PME ne peut se permettre de gérer cela d’un point de vue administratif. Par contre, le fait de proposer un défi spécifique permet aux individus de se focaliser sur une problématique. On fera l’extraction de 10, 15, 20 idées intéressantes. En cadrant la discussion, par ailleurs, la petite ou moyenne entreprise s’assure que les propositions collent avec sa stratégie d’entreprise.

Mais les PME cherchent également des idées de rupture... Comment éviter qu’un cadre trop serré limite les opportunités de découvrir des pistes plus insolites et prometteuses ? Sans doute faut-il séparer les approches d’open innovation dont le but est de trouver “the next big thing” de celles visant à améliorer les choses existantes. Si un partenaire extérieur a l’idée du siècle, celle qui va changer la face de votre secteur, probablement ne la partagera-t-il pas avec vous dans le cadre d’une démarche d’innovation collaborative. Il tentera de la faire protéger avant de vous la proposer contre paiement... De grandes entreprises comme P&G ou BMW, qui pratiquent abondamment l’open innovation,

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sont à la recherche des nouvelles idées de rupture. Elles ne sont d’ailleurs pas opposées à ce que les PME adoptent cette attitude de protection. Les grandes entreprises préfèrent la certitude. Elles favorisent donc les approches déjà bien documentées. Elles savent que si une idée est déjà, partiellement, protégée, la négociation sera plus facile.

Par quoi doit commencer une PME qui souhaite exploiter le potentiel de l’open innovation ? Elle peut entamer plusieurs démarches. Une des plus simples consiste, par exemple, à inviter, occasionnellement, des représentants de ses fournisseurs à boire un verre le soir, de façon conviviale. Ainsi, chacun peut échanger des avis, des impressions, des idées... On n’oubliera pas, comme évoqué plus haut, de mettre quelques problématiques précises à l’agenda. Les réseaux sociaux sur internet sont également une nouvelle source d’échanges intéressants. Une PME peut ouvrir une page de discussion sur LinkedIn ou Facebook. Ou poser des questions précises afin de recueillir les réponses des communautés spécialisées présentes en ligne. Qu’elle n’hésite pas non plus à encourager ses clients à communiquer les problèmes qu’ils rencontrent éventuellement. C’est une autre manière d’ouvrir son processus d’innovation, en se mettant davantage à l’écoute. Un blog sur des thématiques d’innovation, pour autant qu’il soit régulièrement alimenté, augmentera aussi la réputation de l’entreprise en tant qu’acteur de l’innovation..

Une PME peut-elle aborder l’open innovation à travers plusieurs types d’action différentes, à l’instar de certaines entreprises telles que Xerox ? Bien sûr. Comme on l’a dit, l’open innovation n’est pas uniforme. Elle repose d’abord sur un état d’esprit général partagé par les membres de l’organisation. L’open innovation ne se limite pas à une mise au vert deux fois par an, ou au discours annuel du CEO. Cela passe par la possibilité d’échanger librement les idées au sein de l’entreprise. Très souvent, les “ideas killers” se logent au niveau du management intermédiaire. “Nous n’avons pas le

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budget”, “Ce n’est pas pour nous”,… sont autant d’arguments clés sur porte que l’on entend pour rejetter les idées extérieures... L’ouverture plus large des processus d’innovation passe donc aussi par une implication et une sensibilisation forte du middle management.

L’open innovation devient-elle la première étape du processus de démarchage commercial, a fortiori vers l’étranger ? De plus en plus d’entreprises migrent vers ce modèle. Il s’agit aussi d’une évolution culturelle. Les grandes entreprises tendent à s’ouvrir à leurs sous-traitants et aux startups pour stimuler leurs processus d’innovation qui sont parfois en panne. En même temps, les PME doivent garder une certaine prudence lorsqu’elles travaillent avec les grandes entreprises. Ces dernières ont parfois la tentation de mettre leurs PME sous-traitantes sous une pression extrême, y compris par rapport à leurs efforts d’innovation conjointe. Il faut s’assurer d’un équilibre correct et respectueux.

Comment doivent-elles aborder la question de la protection de la propriété intellectuelle ? Par principe, l’open innovation implique un partage d’informations. Ces informations peuvent concerner la stratégie marketing de l’entreprise, des caractéristiques techniques prévues dans les futurs produits,... Elles peuvent aussi laisser entrevoir certaines faiblesses dans le positionnement de marché de l’entreprise ou des défauts dans la conception... Une plate-forme ouverte ou une démarche collaborative expose toute l’organisation à ce risque. Dès lors, une des premières étapes consiste à décider quelle part de l’information pourra être partiellement dévoilée en vue de nouer des partenariats en matière d’innovation participative. Et avec qui. L’information échangée avec les fournisseurs ne sera pas la même que celle que l’on sera prêt à mettre en ligne sur une plate-forme de crowdsourcing. La protection de la propriété intellectuelle est un must pour n’importe quelle entreprise innovante. Tous les modes de

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protection ne sont toutefois pas adaptés à toutes les situations. Un très grand nombre d’entreprises innovantes dépendent, par exemple, de la vente de licences ou de royalties pour générer leurs revenus. Pour ces dernières, à moins de modifier leur modèle économique, pas question de laisser tomber toute notion de protection de la propriété intellectuelle, même dans un schéma d’innovation ouverte. Afin, néanmoins, de pouvoir continuer à avancer et tirer profit des vertus de l’open innovation, le mieux sera de clarifier le plus tôt possible le partage et la répartition des droits de propriété intellectuelle. Si une entreprise décide de s’ouvrir aux idées extérieures via un appel sur son site internet, par exemple, elle peut inclure un formulaire via lequel les contributeurs peuvent directement marquer leur accord quant au transfert de la propriété des idées qui seront soumises. La firme pourra également prévoir un dispositif facile d’accès où des candidats partenaires peuvent aussi proposer des idées et des technologies déjà brevetées. J’ajoute qu’il existe aussi des services qui permettent de protéger partiellement et provisoirement certaines idées avant de les soumettre, sans pour autant devoir passer par la case dépôt de brevet. Enfin, des formules existent aussi pour, par exemple, garantir à une entreprise participante le fait que les idées générées par elle dans le cadre du partenariat reste sa propriété. Ce genre d’accord existe aussi en ligne pour les participations via des plates-formes digitales. Le désavantage de ce genre de protection est que les autres participants limitent leur degré de participation ou bien gardent pour eux leurs meilleures idées. Moins les participants partagent de façon transparente, moins les fruits de cette collaboration seront originaux ou ambitieux. Il est donc capital de trouver le bon équilibre entre la prudence bien comprise et la volonté de se donner une chance de réellement innover mieux grâce à la dynamique collaborative.

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Internationalisation de la R&D des PME Selon un sondage mené en 2007 auprès de 70 PME allemandes, les petites et moyennes entreprises rechignent de moins en moins à collaborer avec des centres de recherche à l’étranger. L’une de leurs premières motivations est d’accélérer l’adaptation de leurs produits aux attentes et usages spécifiques des marchés régionaux. Néanmoins, selon la même enquête, 25% des interrogés ne savent pas comment trouver le bon partenaire académique à l’étranger, et plus spécialement dans les pays émergents54. Le mouvement d’internationalisation de la R&D des PME semble, quoi qu’il en soit, inéluctable… Ne fût-ce que parce que les grandes entreprises, souvent d’importants clients des petites et moyennes entreprises, optent aujourd’hui, clairement, pour des chaînes de R&D beaucoup plus distribuées géographiquement. Et le mouvement s’amplifie. Après les usines et certains centres d’appel, les grandes entreprises globalisent, donc, à présent, leurs activités de R&D en Chine, en Inde, au Brésil ou dans d’autres pays émergents. En 2013, le groupe Procter & Gamble ouvrira, par exemple, un centre de recherche à la pointe de la technologie sur l’île de Singapour. Le groupe pharmaceutique AstraZeneca, lui, a lancé, en 2007, une alliance stratégique en Asie suivie d’une collaboration avec l’Hôpital général de Guangdong en Chine. Dans ce partenariat, l’hôpital fournit chercheurs, laboratoires et la possibilité de tester les tissus tandis que le groupe fournit son expertise technique et les fonds de recherche. Le géant français des cosmétiques L’Oréal, pour sa part, possède 18 centres de R&D dans le monde. Il prévoit l’ouverture d’un centre de R&D à Mumbai (Inde), le 6ème plus grand centre de recherche du groupe… Dans cette perspective, un nombre croissant de grandes entreprises sont en veille pour trouver des petites et moyennes entreprises, où que ce soit dans le monde, susceptibles de leur apporter une innovation à fort potentiel et qui sont prêtes à collaborer avec elles. Contrairement au modèle passé, la philosophie ne consiste pas ici, ou pas toujours, à opérer par rachat d’entreprises. Ni de les phagocyter en les enfermant dans son propre fonctionnement. « C’est un réel défi, pour nous, d’apprendre à mieux travailler avec les PME, observe Bruce Brown, directeur Technologies de P&G, qui supervise une grande partie des budgets R&D de la firme55. Parfois, certaines tentatives de collaboration ne fonctionnent pas. De plus petits partenaires craignent de se retrouver écrasés. D’autres ont peur de s’enliser en raison de la lenteur de nos processus de décision internes. Dans ce cas, chacun prend acte de la situation, de façon adulte, dans le respect mutuel ». Il s’agit d’un nouveau défi pour les PME innovantes. Pour accompagner ce glissement, elles doivent hisser leurs efforts d’innovation à un niveau plus international. Pour compenser leurs ressources plus réduites que de grandes organisations, il leur faudra développer encore plus fortement leurs capacités de mise en réseau et de collaboration.

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http://www.bluenove.com/publications/blog/internationalisation-de-la-rd-et-open-innovation/ http://www.ft.com/cms/s/0/c73ea5cc-11e9-11e0-92d0-00144feabdc0.html#ixzz1YawFckoI

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L’influence du modèle open source Les observateur de la vie de l’innovation industrielle assiste, aujourd’hui, à l’immixtion de l’approche open source56. Les modèles “libre de droit” et “développement technologique en communauté” ne semblent plus réservés aux seuls milieux informatiques. Des ingénieurs, des scientifiques, dans des disciplines différentes, commencent à ouvrir leurs travaux aux contributions de tiers. Gratuitement. Afin d’accélérer le rythme du développement technologique. La rémunération, pour eux, proviendra de canaux alternatifs à ceux, classiques, de la vente de droits de propriété intellectuelle (distribution, services, formations, accords d’exclusivité, etc). “L’open source s’affirme dans de nouveaux domaines, notamment là où un enjeu collectif apparaît, note Fabienne Windels, au Sirris. Celui de sauver la planète en est un évident, de nos jours. Ainsi, a-t-on vu récemment émerger des collaborations ouvertes et atypiques dans le développement des énergies renouvelables ou des GreenTech. Le protectionnisme technologique n’est plus bien vu, en la matière, car il compromet, juge-t-on, la capacité de l’humanité de lutter contrer les menaces écologiques et climatiques”. Des entreprises constituent aujourd’hui des bases de données de brevets dans lesquelles chacun peut aller puiser librement. IBM, par exemple, est dans ce cas. Un nouveau courant, baptisé “open hardware” gagne, par ailleurs, des galons. Aurora 224, pour prendre un exemple, est un projet de table de mixage de musique pour disc jockey, développée ouvertement par des dizaines d’ingénieurs inscrits dans une démarche de collaboration. Uzebox, quant à elle, est une console de jeu dont la conception technique a été réalisée en ligne, par des centaines de passionnés. On parle même, aujourd’hui, de voiture open source. Certes, ces objets demeurent relativement rudimentaires et expérimentaux. Leur aspect extérieur est assez brut. La technologie sous-jacente, néanmoins, fonctionne parfaitement. Chacun peut utiliser les plans gratuitement, comme il/elle l’entend. Libre à tous d’améliorer ceux-ci (pour autant qu’il/elle en fasse profiter les autres). Chacun est libre de créer, par dessus la technologie open source, sa propre coque, son propre emballage, qui rendra le produit beaucoup plus attractif et donc vendable...

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Littéralement “libre de droits”. Le mouvement open source a commencé à se développer au début des années 90, dans le domaine informatique. Des milliers de codeurs du monde entier ont contribué, à distance, au développement de nouvelles plates-formes logicielles. Des centaines de nouvelles applications ont ainsi pu voir le jour. Le système opérationnel Linux, concurrent du célèbre Windows du groupe américain Microsoft, est sans doute le plus connu. Aujourd’hui, le système opérationnel, dont l’installation en tant que telle est gratuite, a conquis une grande partie du marché des serveurs. De nombreux autres applications ont été développées, depuis, grâce à l’implication des milliers de développeurs volontaires, dans des domaines comme le montage photo, la création 3D, la comptabilité, la gestion d’entreprise, les web services etc. Le modèle open est désormais celui adopté par un grand pan de l’industrie informatique.

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Devons-nous être étonnés de cette extension de l’open source au monde des produits phyiques? Pas vraiment, sans doute. Même la recherche contre le cancer s’ouvre, désormais, à l’approche open source57. Ces collaborations ouvertes, on l’a vu, rendent les processus d’innovation beaucoup plus rapides. La collaboration à distance, entre passionnés, est accessible à toute création immatérielle pure. Aujourd’hui, tout knowledge worker connecté à internet a la possibilité de travailler avec n’importe qui à l’autre bout du globe sur des développements intellectuels qui ne requièrent pas directement de manipulation ou d’expérimentation physique.

Imprimente 3D __ Source photo Flickr christopher.e http://www.flickr.com/photos/41667064@

La fabrication d’un produit, à tout le moins d’un prototype peut s’opèrer dans un second temps, à l’initiative de n’importe quel contributeur prêt à y investir quelques moyens financiers ou de fournir les équipements adéquats. En outre, la technologie apporte une nouvelle souplesse, avec l’apparition des imprimantes dites 3D, qui démocratisent considérablement la phase de prototypage.

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Les imprimantes 3D offrent désormais la possibilité de fabriquer des objets unité par unité, dans un matériau qui peut être, au choix une poudre de plastique, un agloméré de magnésium, une résine synthétique voire, même, de la céramique... Ainsi, le coût de fabrication du premier prototype s’effondre. Plusieurs centres de recherche dans le monde se sont à présent équipés de plusieurs imprimantes 3D. Ils les mettent au service d’architectes, par exemple, pour leurs maquettes, ou au service d’industriels locaux. Il suffit d’envoyer les plans 3D sous le format approprié et la machine les manufacture automatiquement58. “L’imprimante 3D permet de valider fichier couleur sur un écran ne donne comprendre la complexité d’un objet tient pas l’objet en main... Un angle augmenter le frottement...”

une idée très rapidement, souligne Umberto Baraldi. Un pas nécessairement toute l’information nécessaire pour bien ou d’un concept. Des ambiguités subsistent tant qu’on ne mal calibré, par exemple, un joint, invisible jusque là, peut

“Avec l’impression 3D, la durée de réalisation de certains prototypes est ainsi passée de 2 mois à quelques jours. Pour réaliser et valider le prototype d’un nouveau dénoyauteur ou d’une pince chirurgicale, par exemple, il ne faut plus que 3 jours... Des imprimantes 3D permettent aussi de fabriquer des objets plus complexes, comme des circuits imprimés voire, même, pourquoi pas, des traceurs biologiques...”

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http://www.ted.com/talks/jay_bradner_open_source_cancer_research.html Via un système de découpe laser et d’impression par couche.

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Les petites structures aussi fortes que les grandes grâce au crowdsourcing Cela dit, nous l’avons évoqué plus tôt, un nombre croissant de grandes entreprises mettent aujourd’hui en ligne des sites internet destinés à collecter de nouvelles idées. De même, le principe de mettre en ligne, pour soi, une boîte à idée digitale ouverte à toute la planète paraît, de prime abord, très séduisante pour une PME. Il convient toutefois de prendre conscience que la gestion administrative de ces milliers de suggestions potentielles peut s’avérer relativement lourde. Souvent, les idées partent dans tous les sens. La plupart sont déstructurées, redondantes, inabouties, peu originales… La déception peut guetter. Le travail de filtrage est relativement conséquent. Selon Jeffrey Baumgartner, à peine 2% des suggestions ont une réelle valeur. Et encore, il s’agit en général de micro-améliorations. Statistiquement, il est donc nécessaire de collecter un maximum d’idées pour en collecter un minimum acceptable. Cette logique de chiffres nécessite néanmoins, comme on le voit, d’importantes ressources dont ne disposent pas nécessairement toutes les PME. La solution, en tant que PME, consiste sans doute à utiliser les plates-formes de tiers ou à s’associer avec d’autres pour travailler sur une plate-forme commune, à l’instar du secteur photovoltaïque, par exemple. Partir sur une logique de questions précises peut s’avérer plus efficace. Un concours public peut s’avérer plus efficace. Une autre possibilité sera de miser sur de jeunes innovateurs, dans des startups ou des étudiants, pour les inviter à réfléchir de façon créative sur un problème particulier. Dans le même ordre d’idées, l’entreprise peut procéder à une séance de réflexion et de génération d’idées pour résoudre la question uniquement avec des experts spécialisés, triés au préalable. Quoi qu’il en soit, le principal avantage du crowdsourcing est lié au fait de pouvoir puiser dans une réserve quasi infinie de contributions et d’idées, originales et diverses59. «  Le crowdsourcing est un moyen pour les PME d’avoir accès à un potentiel global, en utilisant notamment Internet, estime, de son côté, Klaus-Peter Speidel, fondateur d’Hypios. La difficulté, c’est que ces petites et moyennes entreprises doivent avoir les ressources internes suffisantes pour évaluer la qualité des solutions qu’elles trouvent sur la Toile ». Pour Klaus-Peter Speidel, le crowdsourcing est optimal pour les entreprises déjà innovantes. Non pas celles ayant déjà toutes les idées à leur portée, mais celles possédant l’ensemble des

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Lire aussi http://rossdawsonblog.com/weblog/archives/2011/06/crowdsourcing-goes-mainstream-shaping-organizations-and-the-future-of-work.html

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compétences techniques pour les réaliser. Bien sûr, une PME de 50 personnes réunira sans doute, sur son nom, moins de contributeurs qu’une multinationale présente dans 120 pays. Elle peut néanmoins développer sa capacité d’action en ligne en allant là où sont les tiers. D’ailleurs, de plus petites structures encore, telles des écoles, recourent désormais sans vergogne au crowdsourcing. « Le monde internet fourmille d’outils qui permettent de faire du co-conception. Les mondes virtuels représentent une classe potentielle intéressante, rappelle, pour sa part, le coach et blogueur Serge Soudoplatoff60, reprenant l’exemple d’une école secondaire de Sydney ayant jadis lancé un programme international baptisé Skoolaborate, permettant à des écoles du monde entier de collaborer sur des projets spécifiques via la Teen Grid du réseau virtuel immersif Second Life. Définir ces éléments au préalable mettra l’entreprise dans une situation plus confortable face à l’imprévu. Par ailleurs, certaines formules de précaution, comme les accords de confidentialité, permettent de se prémunir contre certaines mauvaises expériences possibles. Bien que cet aspect ait aussi sont revers. « Les accords relatifs à l’utilisation et au partage de revenus des droits de propriété intellectuelle sont deux fois plus longs à négocier qu’il y a dix ans, commente Monica Beltrametti, chez Xerox. Tout est devenu plus complexe. Et en Europe, les différences juridiques entre pays rendent les choses plus difficiles encore. Etre préparé et bénéficier d’un accompagnement ad hoc en la matière est donc absolument stratégique pour tout organisation ». «  On nous demande de plus en plus souvent des accords de confidentialité, confirme Umberto Baraldi. J’en signe trois par semaine, aujourd’hui. Je n’en signais jamais voici cinq ans. N’est-ce pas paradoxal ? Cela montre sans doute que les choses changent en profondeur et que chacun doit, aujourd’hui, trouver ses marques dans ce nouvel environnement innovant... »

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http://www.collaboratif-info.fr/chronique/codesign-latout-des-environnements-virtuels-collaboratifs

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Conclusion En 2010, l’une des premières actions de Stephen Elop, le tout nouveau patron de Nokia, fut d’envoyer un couriel alarmant à tous les employés du géant finlandais des téléphones portables indiquant que le groupe était comme une plate-forme pétrolière en feu au milieu de l’océan… Les choses ne sont pas améliorées depuis, pour Nokia61. Trois ans plus tôt, le groupe finlandais était pourtant l’une des entreprises les plus prospères et les plus admirées du monde. Nokia a raté le virage des téléphones intelligents (smartphones), ceux qui se connectent à internet. Cloîtrée dans un modèle d’innovation fermé, la firme n’a jamais voulu céder le controle de la plate-forme logicielle sur laquelle elle comptait vendre ses futurs services digitaux. Le groupe s’est ainsi laissé doubler par Apple. Bien qu’étranger, jusque là, au monde la mobilophonie, Apple a trouvé et assemblé les compétences nécessaires, en recourant aux original-design manufacturers (OMD) asiatiques. L’iPhone est né en neuf mois, à peine. Le groupe californien a évité le piège du contrôle des contenus. Contrairement à Nokia, Apple a choisi de soutenir le développement d’un écosystème ouvert: l’AppStore. Grâce à ce dernier, des milliers de développeurs et d’innovateurs ont trouvé un moyen de distribuer et de vendre leurs propres applications mobiles à travers le globe. Cet environnement a considérablement accéléré la dynamique d’innovation des produits et services disponibles sur l’iPhone, rendant ce dernier encore plus irrésistible. L’odyssée du groupe Apple est une fable moderne pour toute entreprise de notre temps. Elle n’aurait pu se produire sans l’extraordinaire essor des OMD. Ces importants sous-traitants, quel que soit le secteur, sont désormais de plus en plus impliqués dans le co-développement de produits et de technologie. En partageant avec les autres, Apple a pu capturer une partie de la valeur de ce gigantesque écosystème que la firme a contribué à créer. Les pratiques de l’open innovation, on l’a vu, ne sont pas apparues, pour la première fois, dans les années 2000. Mais les approches se généralisent et s’amplifient. Un nouveau champ d’opportunités s’ouvre aujourd’hui. Il devrait conduire les entreprises à nouer des partenariats en amont de leurs processus d’innovation. A entrer dans des modèles de collaboration et d’intégration beaucoup plus étroits. A considérer la perspective d’une empreinte internationale et globale toujours plus tôt dans leurs efforts de développement et de commercialisation.

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The Economist, 29 novembre 2011. En 2011, les comptes de la firme finlandaise se sont enfoncés dans le rouge pour la première fois.

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Bien sûr, les défis ne sont pas minces. De nouvelles compétences devront voir le jour pour gérer la mise en réseau et la collaboration. La protection de la propriété intellectuelle est également au coeur de la démarche. D’une part, les entreprises devront apprendre à identifier clairement ce qui est l’essence de leur valeur, ce qu’elles doivent absolument conserver pour elles. Parallèlement, elles devront accepter de partager une partie de leur compétences et de leur savoir-faire afin de nouer de nouvelles relations, d’avancer plus vite et plus loin avec d’autres. L’open innovation constitue une opportunité fantastique pour les PME européennes. Les petites et moyennes entreprises peuvent rejoindre des plates-formes de toutes sortes, sur la base d’accordscadres (à l’instar de la collaboration Texas A&M/ Awex), d’outils en ligne (Innocentive et d’autres), de structures organisées (un cluster, un pôle), de grandes entreprises explicitement ouvertes à l’input de tiers (P&G, Xerox, et de plus en plus d’autres). Elles peuvent également initier par ellesmêmes ce type de collaboration en fonction de leurs propres actions de réseautage et de contacts. L’open innovation est multi-facettes. Les entreprises, grandes ou petites, idéalement, ne devront pas exiger directement des partenaires qu’ils apportent une innovation clé sur porte. L’open innovation croît le mieux sur un tissu de relation humaine, fait de confiance et de compréhension mutuelle. Les résultats surgiront, avant tout, de l’échange…

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Avec le soutien de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers. Editeur Responsable : Entreprise Globale www.entrepriseglobale.biz