Le Québec et le développement durable

8 sept. 1994 - développement de la société: une vision des années 1970, quand l'environnement n'était pas encore à l'ordre du jour de l'agenda politique.
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Le Québec et le développement durable:

Vers un désert écologique? Le 8 septembre 1994, après des années de pressions et après des mois de négociations avec les responsables du Parti québécois, un mini-sommet s'est tenu à Montréal pour concrétiser les engagements de ce parti en matière environnementale, dans le contexte d'élections imminentes. Le Premier ministre d’alors, Jacques Parizeau, accompagné des futurs ministres Marois et Cliche, rencontrait les «écolos», au cours d’un face à face. Le résultat était un engagement à assujettir les grandes industries à la procédure d'évaluation environnementale publique (finalement!) et à tenir le débat public sur l'énergie réclamé depuis plus de 15 ans. Le gouvernement Parizeau a tenu parole. Peu après les élections, le milieu environnemental était convoqué à une table de consultation sur l'énergie. Signe avantcoureur des temps: la procédure de consultation proposée constituait un contournement du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). C’est pourquoi l'UQCN a refusé d’y participer. Le rapport de la consultation fut consensuel et mena à l'adoption d'une politique de l'énergie qui semblait mettre un accent sur l'efficacité énergétique. Parmi les derniers gestes du gouvernement Parizeau, il y a eu la promulgation de l’assujettissement des grandes industries à une procédure de consultation publique de leurs projets. Par la suite, le projet d'Alcan à Alma a été soumis aux audiences publiques sans difficulté. Noranda a également fait l’objet de telles audiences pour son projet d'implantation d'une usine de magnésium dans la région d'Asbestos. L'étude d'impact fournie par l’entreprise était déficiente sur les polluants organiques persistants (POP), et le rapport du BAPE proposait d'importants changements au projet. Le gouvernement a autorisé l’implantation de l’usine, avec un ensemble de conditions dont l'efficacité restera à démontrer.

Néolibéralisme Bouchard Voilà pour les engagements électoraux de 1994. Restaient les nouvelles orientations apportées par Lucien Bouchard lorsqu’il est à son tour devenu Premier ministre. Celui-ci s'est rapidement mis à l'oeuvre, convoquant un sommet économique des grands décideurs québécois, en excluant de façon délibérée le milieu environnemental. Tout au plus avait-on invité, comme observateurs, quatre groupes environnementaux sans droit de parole. En dépit de son passé comme ministre de l'Environnement au fédéral, M. Bouchard donnait le ton sur sa vision du développement de la société: une vision des années 1970, quand l'environnement n'était pas encore à l'ordre du jour de l’agenda politique. Le néolibéralisme économique arrivait au Québec.

Rapidement, les décisions et les engagements du gouvernement Parizeau commençaient à être ciblés. Premier geste important, la nomination d'André Caillé, ancien sous-ministre à l'Environnement, comme président-directeur général d'HydroQuébec, avec le mandat d'en faire une entreprise productrice de revenus pour le Québec et le retour du rêve de création d'emplois par les grands projets. M. Bouchard en parlait ouvertement lors de son discours de clôture du Sommet socio-économique d'octobre 1996. Les suites sont bien connues: annonce du programme des petites centrales; ouverture d'Hydro-Québec vers le marché américain, en échange de l'ouverture du Québec aux producteurs américains; restructuration d'Hydro-Québec; décision de laisser en suspens plusieurs articles qui confirmeraient un mandat de chien de garde à la nouvelle Régie de l'énergie, et abandon des programmes d'efficacité énergétique. En janvier 1998, l'adoption par le gouvernement Bouchard des décrets «d'urgence» autorisant, entre autres, le plan stratégique d'Hydro-Québec, consacrait le virage de 180o. Ces prises de décision, jumelées à l'orientation vers la déréglementation en matière d'environnement, permettent au milieu environnemental de lire les cartes. Toutefois, le Comité sur la déréglementation, présidé par Bernard Lemaire, épargne en bonne partie la réglementation environnementale. Les tendances lourdes se maintiennent néanmoins, comme le démontrent les nouveaux décrets maintenant la «ligne dure» pour la réponse au verglas et la décision du ministre Brassard, lui aussi ex-ministre de l'Environnement, de contourner la Loi sur la qualité de l'environnement, dans sa réponse à l'accident de la côte des Éboulements. L'agriculture a connu une expérience différente. En dépit de promesses publiques du Premier ministre de mettre de côté les préoccupations environnementales, le public a réagi. La peste odorante répandue par les porcheries, en expansion dans de nouvelles régions du Québec, mettait de nombreuses communautés rurales en ligue avec les organismes environnementaux. Le résultat est mixte: un «droit de produire» accordé aux producteurs agricoles constituant un statut spécial détenu par nul autre acteur de la société; quatre comité multipartites différents, dont deux à l'initiative des producteurs eux-mêmes, qui visent à solutionner les problèmes par le dialogue. S’ajoute l'expression de la volonté du gouvernement de doubler les exportations agricoles, avant de régler les problèmes de pollution de l'eau, qui ne doivent pas s'aggraver.

Politique de dilapidation La leçon semble claire: seule une opposition directe permet d'infléchir les orientations douteuses du gouvernement Bouchard en matière d'environnement. Le prochain cas risque d'être dans le domaine de la foresterie, où le gouvernement s'apprête, sans la moindre consultation publique, à transférer ses responsabilités en matière de gestion forestière à l'industrie elle-même. En effet, une restructuration va permettre le transfert des responsablités du ministère des Ressources naturelles à une nouvelle

agence paragouvernementale dirigée par un conseil d'administration contrôlé par l'industrie. Les débats antérieurs concernant des orientations de gestionnaires publics vont devenir des débats entre la société civile et son secteur privé, en l'absence d'un gestionnaire public imputable. Pour l'UQCN, qui vise en priorité la conservation du milieu de vie et de développement qui s'appelle l'environnement, la situation n'est guère reluisante. Un point positif à travers tout ceci est l'annonce récente par le ministre de l’Environnement et de la Faune, Paul Bégin, d'investissements de l'ordre de 35 millions $ dans le réseau des parcs, lequel sera agrandi de quatre nouveaux parcs de conservation d'ici un an. Ce qu'il ne faut pas oublier - c'est pourquoi l'UQCN intervient tant dans les secteurs de développement, pour viser un développement durable - c'est que les parcs ne peuvent subsister et atteindre leurs objectifs comme îlots de verdure si, tout autour, règne un désert environnemental. Lors d’une rencontre récente, avec le signataire de cet éditorial, le ministre de l'Environnement et de l'Agriculture de la Wallonie a exprimé qu'il ne peut exister un paradis écologique dans un désert économique. La réplique est claire: il ne peut exister un paradis économique dans un désert écologique. Harvey Mead Président