La trace du Rock festival est encore vibrante

avec le même budget. Le Hellfest doit avancer 20 millions d'euros par exemple. » Même si, à l'époque, l'idée d'un fes- tival n'était pas forcément facile à dé- fendre. « Aujourd'hui, c'est plus fa- cile d'en monter un. »Il faut aussi une troupe solide pour le créer. « Il faut une vraie dynamique associative. Et puis, il ne s'est rien ...
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Fontenay-le-Comte

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Ouest-France 10-11 juin 2017

La trace du Rock festival est encore vibrante En quatorze ans d’existence, le Rock festival a attiré une foule de stars sur la scène de Fontenay. De Noir désir à Sergent Garcia ou encore The Guns club. Certains protagonistes racontent. Les témoignages David Fourrier, directeur de la Sirène à La Rochelle « J’étais l’un des cofondateurs du festival, avec Bernard Leclerc, en 1988. Je passais alors mon bac à Rabelais. Avec l’office social et culturel, on organisait des sorties en bus pour aller voir des concerts à Nantes. Il y avait un constat : on s’ennuyait fermement à Fontenay. Bernard nous a tout de suite soutenus et défendus lorsque nous avons eu l’idée de ce festival. La première année, nous avons eu Noir Désir. Une de mes plus grandes fiertés, c’est d’avoir fait venir The Guns Club, ou encore Blonde Redhead. On avait le nez creux et de la chance pour la programmation. Il y avait une vraie synergie, des gens de tous les horizons qui travaillaient ensemble. Ce festival a aussi permis de faire

ses premières armes pour des futurs professionnels : comme moi, Sébastien Chevrier, qui dirige la salle de musiques actuelles de Tours, Benoît Benazet… C’était une vraie communauté. Ça m’a construit en tant que professionnel du spectacle. » Benoît Benazet, directeur du Fuzz’Yon à La Roche-sur-Yon « J’ai commencé les premières éditions en tant que spectateur. Puis bénévole et professionnel. On était un peu considéré comme des parias, avec nos cheveux longs, nos boucles d’oreilles. Mais c’est un événement qui a porté Fontenay hors de ses frontières pour autre chose que son patrimoine. Nous avons reçu la fine fleur du rock, comme en 1992, avec deux musiciens qui composent le Velvet Underground, comme Moe Tucker. » Bernard Leclerc, adjoint à la municipalité de La Faute-sur-Mer « J’étais animateur et directeur de l’office social et culturel. J’ai fait confiance à ces jeunes, car ils avaient des idées intéressantes. L’histoire nous a donné raison. Nous avons été aussi soutenus par Maryvonne Blohorn, adjointe à la culture à ce moment-là. Ce qui m’a marqué, c’est qu’au lendemain de la première édition, à 8 h du matin, on nettoyait les toilettes et la salle. Les jeunes étaient KO (rires). Il a fallu trois ou quatre ans pour stabiliser les choses. On avait une renommée régionale, voire nationale. Mon rôle, c’était l’organisation, mais j’aimais le rock, comme le groupe Morphine. Le festival, c’était aussi un budget modeste, avec une équipe de six personnes qui s’est transformé en 150 béné-

À gauche, Benoît Benazet et David Fourrier, en 2001, lors de la fin du Rock festival. A droite, en 1992, les enfants du rock fontenaisien posaient pour le journaliste de Ouest-France, Laurent Gauchot. Il comparait, à l’époque, Fontenay au « Memphis vendéen » où « les accros des solos de guitare ont appris, eux, à se frayer un chemin dans les colonnes des budgets » où encore « le premier carré des rockers sud-vendéens n’a pas bougé d’un pouce ».

voles par la suite. Ensuite, je suis parti diriger des centres culturels dans les Deux-Sèvres. Je suis arrivé à La Faute, il y a six ans. Et je m’occupe toujours de la programmation culturelle. » Jean-Sébastien Bourdin, artiste plasticien « Je me suis retrouvé pris dans les affres du festival rock sous la direction d’un boss nommé David Fourrier, déjà très engagé et très pro dans sa volonté de faire connaître la musique rock indépendante, le rock français et des têtes d’affiches telles Noir Désir, les Thugs.

La petite histoire d’un grand festival

J’ai des souvenirs mémorables de filmage par mon meilleur ami, alors étudiant au Futuroscope, de têtes d’affiches comme Maureen Tucker et Sterling Morrisson, alors membres cultes du mythique Velvet Underground, dans les années 60. Le festival rock, de 1990 à 1993, a été l’événement majeur de notre propre vie de jeune adulte plein d’allant, mais aussi de revendications. Avec mes potes de l’époque, nous avions initié une émission de radio sur les ondes de Fontenay, intitulée Dispatch, nous avons relayé l’information des groupes passant dans la région et ce, jusqu’à Bordeaux.

J’ai le souvenir d’avoir fait du stop en sortie de Fontenay-le-Comte, et d’avoir été pris par un van qui transportait le groupe de rock les Nomads. Je leur ai expliqué par où passer pour aller à la salle de concert. J’avais la vingtaine et j’étais particulièrement fier de raconter aux amis les rencontres que j’avais faites. Il y avait ce côté décalé, la difficulté de communiquer en anglais en dépit des cours du lycée. On finissait toujours par se retrouver sur le terrain de communion de la musique. Je me souviens avoir parlé, avec le chanteur des Nomads, d’un groupe mythique des années 65-66, Jeffer-

Possible de refaire le Rock festival ?

Le Rock festival a marqué les esprits. Gérôme Guibert, sociologue nantais, racontait à Ouest-France, en 2002, que « Fontenay constituait un des pôles historiques de la Vendée dans le développement des musiques actuelles. Les programmateurs étaient parvenus à associer les artistes locaux aux professionnels. » Les premières éditions, entre 1988 et 1994, fonctionnent à tâtons, aux tests. Noir désir, Miners of Muzo ou encore Wheeze jouent tout de même, salle de la Grande plaine.

Impossible, pour Benoît Benazet, aujourd’hui directeur du Fuzz’Yon de La Roche. « En 1988, il n’y avait pas le Hellfest, les Eurockéennes ou les Vieilles Charrues. Aujourd’hui, il y a plus de 2 000 festivals sur le territoire. On ne pourrait pas retrouver le rayonnement du Rock festival,

avec le même budget. Le Hellfest doit avancer 20 millions d’euros par exemple. » Même si, à l’époque, l’idée d’un festival n’était pas forcément facile à défendre. « Aujourd’hui, c’est plus facile d’en monter un. » Il faut aussi une troupe solide pour le créer. « Il faut

son Airplaine. Ma culture artistique, c’était Andy Warhol, l’artiste américain, qui a produit le Velvet… et j’étais déjà estampillé avant garde artistique dans ma démarche de plasticien. Je me souviens d’un groupe local de hard core, les Vegetables Men, je me souviens de leur talent et des concerts plus intimistes que nous avons organisés avec eux. J’adorais ces cheveux longs et leur reprise de Mudhoney, endiablée. On s’éclatait, voilà tout. ».

Propos recueillis par Gaëlle COLIN et Michèle BESSON.

une vraie dynamique associative. Et puis, il ne s’est rien passé depuis quinze ans à Fontenay concernant les musiques actuelles. » Les Nuits courtes, nouveauté qui débarque en octobre à Fontenay, font beaucoup penser au Rock festival. Le défi serat-il relevé ?

Le festival bute, en 1995. JeanClaude Remaud est le nouveau maire. L’édition n’aura pas lieu. « M. Remaud regardait le festival avec beaucoup de distance et d’appréhension », croit se souvenir Bernard Leclerc, directeur de l’office culturel fontenaisien à l’époque. En 1996, le succès est de retour. Ouest-France annonce qu’il y a « 8 000 spectateurs en trois jours ». 1998, nouvel échec. Les rentrées d’argent du Rock festival de 1997 ne suffisent pas à le relancer. Des artistes comme Shellac ou Blonde Redhead étaient pourtant au programme. La perte s’élève à 300 000 francs. « L’af-

fiche était peu connue du grand public. Et puis, c’était le week-end de la grève des routiers. Nous souffrons, en outre, de la concurrence des salles de concerts des grandes villes, qui tournent toute l’année », explique à l’époque David Fourrier, le programmateur. Le festival doit être repensé. « Nous sommes passés d’un festival où les organisateurs se faisaient plaisir à une manifestation qui prend en compte le public et le contexte économique », disait David Fourrier. Les têtes d’affiches

sont alors de moins en moins estampillées rock. Comme en 1999. Yann Tiersen et Rachid Taha sont une tout autre ambiance. 4 200 spectateurs sont comptés pour la dernière en 2001. De nombreuses contraintes, comme la sécurité, plombe progressivement les bénévoles. « Il n’y avait pas de problème financier. Il y avait juste la volonté de municipaliser le service culturel. J’ai démissionné pour ça », se souvient David Fourrier.

Gaëlle COLIN.

Didier Regnier

Deux années sans festival

Sur cette photo de Didier Regnier, qui date de 1996, il y a tous les bénévoles du festival. « On se rassemblait après avoir fait le ménage. On y voit Laurent Ouvrard, le disquaire qui a beaucoup aidé à la programmation, et Freddy Frouin qui assurait la restauration avec le Rugby, deux potes récemment disparus », se souvient le photographe.

« Un esprit aussi créatif que frondeur »

C’est vous qui le dites !

Billet

Ils se souviennent de…

« Moments inoubliables cette période. Le Festival de Rock de Fontenay-le-Comte. La ville, l’espace d’un week-end transformée. Il y avait la Rockerie aussi. Et avec tout ça, on a vu passer : des Noir Désir, en 1988, Barrence Whitfield, Les Fleshtones et j’en oublie… Merci aux bénévoles de l’époque. » William Grondin. Sandrine Loizeau pense aussi aux bénévoles : « Christophe Morisson, Didou, Nadia, Franck, Balou… Benoît Benazet, Bernard Leclerc et David Fourrier… et beaucoup d’autres » et les artistes comme Rachid Taha, Saïan supa crew, Mardi Gras BB, le Peuple de l’herbe, Spook

& the gay, Dominique A, Yann Thiersen, Dionysos… » « Des belles soirées de nos 16 piges. » Julien Bouillaud. « Fleshtones, dogs, Jad Wio, Kid Pharaons, Miners… de 88 à 94 », pour Sixt Michaud. « Une belle jeunesse où tous étaient unis par la musique et l’envie de partager la découverte de nouveaux groupes. » Christophe Morisson. « 90 francs en 1993, aujourd’hui c’est beaucoup plus cher », réagit Géraldine Allio

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Didier Regnier

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Ces deux photos de Didier Regnier ont servi de supports d’affiche. À gauche, la photo de Jesus Lizard a fait l’affiche de l’édition 1996. La photo de droite a servi pour l’édition de 1993. C’est « le clavier des Miners of Muzo », raconte le photographe. « Ils étaient venus en 1992 et n’étaient pas programmés l’année suivante. Mais à la suite d’un désistement, David (Fourrier) les a rappelés. Ils ont dédié une chanson à Titus, un copain qui est décédé cette année-là. »

Il faut parfois les perdre pour mesurer la valeur des choses. Comme le Rock festival. À Pâques, Fontenayle-Comte sonnait rock, à contrecourants d’une Vendée classique, en avance sur une époque où les transhumances musicales allaient prendre un tournant économique. Je me souviens d’une discussion avec Mickey 3D. Le trio stéphanois émergeait et le compositeur évoquait ses racines rurales, son quotidien de gens normaux. Il confiait surtout sa fierté de jouer dans un festival « qui a la cote », qu’il avait d’abord connu face à la scène, dans le public. Au début des années 2000, Fontenay-le-Comte attirait donc des gens normaux et des groupes très pointus, défricheurs et reconnus. Je pense à Blonde Redhead, Nashville Pussy ou Mardi Gras BB. Des formations plus habituées à la scène rennaise des Transmusicales qu’à une

estrade montée par des bénévoles, dans la salle des sports, d’une ville de 15 000 âmes. Au-delà de sa programmation, c’était l’autre richesse de ce festival. Une aventure humaine, capable de réunir les enfants des grands patrons de la ville avec des chauffeurs routiers, des électriciens… Une prouesse qui n’apparaît jamais dans les bilans économiques. Un lien social si précieux pour traverser les tempêtes, dont on prend conscience lorsqu’il disparaît. Dans une ville secouée par la crise, je me souviens d’un savoir-faire et d’un esprit aussi créatif que frondeur. D’un gâchis, aussi, de ne pas avoir capitalisé sur ses atouts pour devenir le Manchester de la Vendée. Aujourd’hui, les deux scènes de musiques actuelles de La Roche-surYon et La Rochelle sont animées par deux Fontenaisiens… Jean-Marcel BOUDARD, journaliste Ouest-France