Journal guerre papy

8 août : après une nuit de pluie et de froid, nous arrivons à Saulty-Dalbret, où ..... Mardi 14 septembre : après une nuit blanche passée à traîner les canons, nous.
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Jeudi 6 août : Enfin nous voilà, après avoir passé revue par revue, prêts à partir. Nous sommes quatre-vingt, la plus part de la classe 1918 et presque tous volontaires. Citons en passant quelques-uns nous, c’est à dire ceux qui ont fait le peloton avec moi : Séstérés Imard Lorreu, Chornas de Quelon de Morny Benac Dutour Davron. Après un dernier appel du colonel et les derniers adieux faits par quelques parents étant venus au quartier pour assister au départ de leurs chers fils ; nous voilà un cheval chacun et franchissant cette fameuse Porte où tant de fois suis passé partant pour une partie de plaisir…. Heureux temps si vite écoulé…. Et qui reviendra quand ? Nul ne le sait. En route pour l’embarque, gare Raynal, là le brigadier s’aperçoit qu’on avait oublié les seaux d’abreuvoir, on demande un volontaire pour aller les chercher ; ayant encore la nostalgie du quartier, je me propose et la fourragère m’y emporte au triple galop au quartier Compans où après être allé deux fois au bureau du major pour le « bon », je prends le tramway et file directement à Matabiau. Midi : l’on nous donne jusqu’à douze heures 45 pour déjeuner ; j’en profite avec le brigadier de sortir et dîner au premier restaurant. Maigre repas car il est trop pressé ; nous sommes sur le quai et aperçoit des amis qui sont empressés de venir pour nous serrer la main avant de partir. Voici le père de Gaston : commandant Meynier, qui poussé par le sentiment patriotique nous donne quelques paroles de réconfort et d’encouragement. Je les quitte un instant pour retenir un compartiment où prendront place Gaston, mon ami Chenu maréchal des logis et S.off et moi. 13h11 : dernier coup de sifflet ; voici le départ ; dernières poignées de mains, embrassades et ….. nous voilà partis. On ne roule pas fort, aussi nous avons l’agréable chance de revoir en passant cette région de Toulouse à Montauban où tant de fois j’y suis passé….. Première halte à la Cour Tensourt, ensuite St Joly, Castelnau, Girolles qui me rappelle de lointains souvenirs…. Dieupentale de même, Montbardier aussi et enfin notre rentrée en gare de Montauban. Ici on commande l’abreuvoir puis ceci terminé et profitant d’une halte d’une heure, nous voici tous les quatre au buffet autour de quelques panachés. Gaston « toujours polisson » ne perd pas du temps ; une gentille personne nous servant, il en profite de lui lancer quelques petits boniments, qui bien entendu ne prennent pas. Un coup de sifflet ; voici le départ, il est exactement 16 heures 47. J’avais oublié de dire qu’avec nous se trouvait un bataillon du 88ème d’infanterie, aussi en passant dans chaque station les joyeux clairons et trompettes faisaient entendre un joli refrain leurs notes claires.

Voici Tourneuve à 5 km de Montauban, je passe à 200m de mon oncle sans pouvoir l’embrasser, viennent ensuite les stations de Albi, Réalville, et Caussade, charmante petite ville, où étant gosse, j’y ai passé de si belles vacances. Nous passons à toute vitesse Bor Redon et filons sur Cahors. Pas grand chose à dire sur cette contrée si ce n’est tunnels noirs et viaducs. 19 heures 13 – voici Cahors et de loin on voit un mouchoir s’agiter, c’est la sœur de Gaston, Mademoiselle Jeanne qui vient nous prendre pour déguster un charmant dîner qui se prépare. Vite, vite, nous filons à l’anglaise, l’apéritif ou plutôt deux et nous voici en train de faire claquer les fourchettes ; trop cependant car il y avait appel à 21 heures et n’arrivons à la gare qu’à 21 heures 20 ; une petite « engueulade » de l’adjudant et nous voilà partis soi-disant nous coucher. Seulement L’adjudant ne savait pas que Gaston avait des anciennes connaissances à Cahors et qu’on attendait le moment qu’il tournerait le dos, pour refiler ……. A l’anglaise. Nous voici, longeant les murs et à fin de compte rencontre les deux charmantes demoiselles qui venaient nous rejoindre. Malheureusement, nous étions quatre, Gaston a pris la sienne et comme j’avais la préférence, je me suis mis près de l’autre. Oh ! On a été sage, une simple promenade le long d’un ruisseau, avec les deux autres derrière qui nous servaient de gendarme, un baiser avant de se quitter (accordé, parce que « c’était soi-disant la guerre » ) et nous voilà partis à notre compartiment. 6 août : je ne sais l’heure du départ de Cahors car je me suis endormi et ce n’est qu’un rayon de soleil à Soulhac qui m’a réveillé. Charmante ville que Soulhac et ses environs, avec ses toits rouges et ses cheminées d’usine ! Nous filons toujours et passons Limoges. 7 août, 7 heures 5 : Je me réveille en sursaut, le chauffeur avait arrêté si brusquement que je me trouve par terre au pied de Gaston. Je regarde à la portière et vois un tas de gens, je demande où nous sommes, l’on me répond : Varennes, nous sommes donc en banlieue de Paris, je profite d’une petite halte pour faire un brin de toilette et quelques cartes. En passant devant trois gentilles demoiselles, je fais un gracieux bonjour, qui m’est payé par un joli bouquet qu’une main mignonne toute parisienne m’offre en me demandant où j’allais. Quelques paroles aimables, un baiser de la main et en route. Nous faisons le tour de Paris « grande ceinture » et arrivons au Bourget à 9 heures 43. Provisions, repas dans le compartiment puis une surprise, le père de Gaston arrivant tout essoufflé après une longue course à bicyclette. Présentations, poignées de mains et voilà le départ. Continuant de faire le tour de Paris, nous passons Flaine, St Denis derrière Montmartre et tout d’un coup l’on stoppe et

nous voici machine en arrière, ou plutôt machine en avant car l’on ne s’était pas aperçu que nous l’avions derrière ! Après maintes aiguilles nous filons bon train sur Saulty-Dalbret « gare de débarquement », en passant par Chantilly, en traversant à toute vitesse cette forêt magnifique qui est l’orgueil des chantilloises, successivement sans nous arrêter. 8 août : après une nuit de pluie et de froid, nous arrivons à Saulty-Dalbret, où j’opère le débarquement, il est exactement 6 heures 30. Nous faisons 4 kilomètres à pied et arrivons à Davincourt, le temps de faire quelques cartes et en route pour Nanquetin où est bivouaqué l’échelon et les avant-trains ; nous sommes derrière le village. Je suis classé avec Séstérés, Dutour, Bénac, Gaston et Davron à la 4ème batterie. Nous installons une gitoune près d’un petit bois au bord d’un ruisseau, l’on est assez bien. 9 août : Gaston est versé à la 5 ème batterie, nous ne sommes tout de même qu’à 30 mètres l’un de l’autre. L’on peut s’approvisionner de beaucoup de choses mais c’est très cher, le vin 1 franc à 1 franc 30 le litre etc… Il y a beaucoup de civils qui n’ont pas l’air de se douter qu’ils ont les boches à 10 kilomètres. La population est très calme, les jeunes filles ne sont pas très belles, elles sont tout de même familières avec nous et de mœurs légères. 9 août : Le capitaine est venu nous pousser une visite et l’adjudant nous y a prévisité. Je crois bien qu’on va nous faire aller avec Picas faire les fonctions de servant. J’avais oublié de dire que notre cantonnement était à 10 kilomètres au sud d’Arras car Nanquetin se trouve dans le fer à cheval que fait le front, nous sommes donc entourés de boches, c’est pour cela que les avant-trains sont si éloignés des pièces de la batterie de tir. Le lundi 9 août, il y a eu une attaque boche à Arras qui a naturellement échouée, la canonnade a duré 2 heures. Mardi 10 août : Des amis Revellat et Pallon sont venus me voir à Wauguelin, malgré les consignes sévères ; ils sont à Varlus, petit village situé à 4 kilomètres au nord. A 21 heures Gaston et Maurel arrivent après avoir fait un peu la noce. Ils sont presque mûrs, l’on chante comme eux et ne reprenons le sommeil que tard dans la nuit.

Mercredi 11 août : Quel temps bon dieu, il pleut sans cesse, quelle différence avec le beau ciel de Montauban et de Toulouse ! Jeudi 12 août : nous perdons Davron et à ce sujet je vais en faire la description. C’est un ancien enfant de troupe, têtu comme un mulet, menteur et qui a comme principe ce vieux proverbe : »le bien des autres m’appartient », il a une tête tellement bizarre que Séstérés la surnomme tête-carrée, Bènac « qui envisage la situation avec calme », ne peut s’empêcher de sourire en le regardant ; Dutour le « parigot » ne peut s’empêcher de lui faire la morale et moi de voir cette tête, je n’ai pas pu m’empêcher un jour qu’il était couché de lui faire un croquis que voici ……………… ; Vendredi 13 août : Sommes allés à l’abreuvoir et en arrivant l’adjudant nous annonce que nous allons partir pour Arras. Heureuse nouvelle, car enfin nous allons voir des boches et en tuer si possible ; départ à 19 heures avec le ravitaillement, nous passons près de la lourde, franchissons la route de ST Pôl et arrivons au cantonnement de la batterie. Défense de faire de la lumière, alors nous nous couchons tant bien que mal sur de la paille, mais je ne puis dormir car la canonnade est très forte. Samedi 14 août : A 5 heures je suis debout, nous sommes cantonnés dans un faubourg d’Arras à l’embranchement de la route qui conduit à Ste Catherine et la route de St Pôl, nous sommes dans une maison à un étage, je couche aux combles avec Sétérés, Bènac, Dutour étant téléphoniste au central. Les canons sont au bord de l’escarpe au sud de St Nicolas face et à 100 mètres du cantonnement. Je suis versé à la première pièce et ai comme chef de pièce Laluque, ses servants sont Glory, Sernin, Dunau, Sandraire. Dimanche 15 août : beau temps (ce qui est exceptionnel), ce soir la 1ère pièce change de position, nous travaillons jusqu’à 23 heures puis on fait le réveillon. Lundi 16 août : réveil 7 heures 30, travail jusqu’à 22 heures 30. On veut placer le canon, les conducteurs n’y voyant pas, passent dans un trou d’obus et impossible de le sortir, nous y travaillons jusqu’à une heure du matin ; réveillon, je porte des sardines et Sernin qui est un loustic chope 2 litres de vin au cuisto. Mardi 17 août : réveil 8 heures, travail à l’abri jusqu’à 10 heures 30, je suis de garde, j’en profite pour écrire jusqu’au soir. Vers 18 heures j’ai pu compter 12 avions dans les airs. Mercredi 18 août : violente canonnade, duel d’artillerie.

Vendredi 21 août : de garde au séminaire, je prends la 2ème faction de 23 heures à 2 heures du matin, les balles sifflent autour. Samedi 22 août :Etant de garde au séminaire le soir, le lendemain, je suis allé à la batterie, vers 16 heures un éclat d’obus d’un combat d’avion est tombé à 1 mètre de l’endroit où j’étais. Le même jour vers 14 heures, un autre éclat est tombé sur la pièce où j’étais de garde, 10 minutes avant, j’étais juste à cet endroit en train d’écrire. Mercredi 25 août : Le sous-officier Laluque trouvant que je n’ai pas travaillé suffisamment me fait infliger 8 jours de garde. Ce soir là j’ai travaillé jusqu’à 23 heures à une nouvelle position où doit aller la batterie et qui se trouve à 100 mètres en arrière du cantonnement près de la route de St Pôl. Quand nous tirons, les obus passent juste au-dessus de la maison, et nous qui couchons aux combles, nous recevons quelque chose dans les oreilles surtout la nuit. Pounies, le chef, me désigne pour aller à une pièce de 80 qui est à 800 mètres des boches, mais le capitaine ne le veut pas. Jeudi 26 août : mes 8 jours de garde sont commencés, je vais, guetteur au séminaire et prend la 1ère faction avec le maréchal des logis Guiral. Vendredi 28 août : toujours au séminaire- planton au téléphone. Gaston qui est passé brigadier téléphoniste au central se trouve aussi de garde de 1 heure à 18 heures. J’ai reçu un colis aussi nous en profitons pour goûter, nous mangeons 3 ou 4 boîtes de conserve, cela nous fait passer les mauvaises idées et la guerre. Le soir nous partons à 19 heures, l’on a oublié de me commander aussi j’en profite pour coucher au cantonnement. Je ne parle pas des duels d’artillerie car la canonnade ne cesse jamais. Dimanche 29 août : 21 heures 30, comme je me couchais, venant de faire une partie de carte avec Séstérés, voici le chef qui vient pour me dire d’aller prendre la garde, moi qui croyais qu’on l’avait oubliée !!!! L’oreille basse, je prends mes couvertures et file prendre ma faction. 1er septembre : je suis commandé pour aller à l’huilerie qui se trouve près des lignes boches ; je suis très heureux car il me tardait de voir les boyaux, nous sommes de retour à 10 heures. Le soir je suis de nouveau de garde au séminaire, je prends la faction de 23 heures à 2 heures du matin, je viens coucher au cantonnement, il pleut et je

trouve ma paillasse dans un trou, c’est Bénac qui n’avait trouvé rien de mieux pour se préserver de la pluie qui venait du dehors. Tranquillement je la sors et toute mouillée, je m’y couche dessus. Depuis quelques jours, j’ai commencé un porte-plume en aluminium (d’une fusée boche), je veux le faire moi-même car c’est un cadeau et je veux que personne n’y mette les mains, je vais l’avoir fini. Samedi 4 septembre : Revue du capitaine, j’ai mon revolver tout gravé ; le capitaine me fait appeler et me fait une leçon. Il me dit que le chef de pièce se fâche que je ne travaille pas assez, et que c’est dommage car j’ai de très bonnes notes du quartier. Dimanche 5 septembre : de garde ; il paraîtrait qu’on préparerait une attaque. Lundi 6 septembre : je suis de repos, j’en profite pour travailler au porte-plume et écrire longuement. Mardi 7 septembre : de garde car je compte pour le moment à la 4 ème pièce avec le S.off Bouyssières. A 18 heures, la soupe, puis changement de nouveau de position, nous partons à 19 heures faire l’emplacement des pièces. Cet emplacement est situé sur un flanc d’un petit coteau à pente très douce, à environs 2 kilomètres du cantonnement sur la route de Lille au nord de St Nicolas, dans un chemin creux ; la direction des pièces est de telle façon qu’on prend les tranchées boches en enfilade. Vers 21 heures 30, c’est à dire au moment où nous étions tous en train de travailler, voici qu’un sifflement se fait entendre suivi tout de suite par une forte détonation, juste le temps de nous baisser pour éviter les éclats. On se relève, 2 minutes à peine et de nouveau une autre marmite !! Vous pensez si nous étions à l’aise ? Avant d’avoir commencé nous étions repérés ! Enfin, il en tombe deux autres et c’est fini pour toute la nuit. Nous n’étions pas, tout de même rassurés ! L’on a travaillé jusqu’à 2 heures du matin ; en nous en allant, une balle, au M.Logis Guiral et à moi nous est passée à hauteur du menton à 50 cm en avant et est allée s’abattre sur un mur. Cela ne nous a point empêché tout de même de faire le réveillon en arrivant au cantonnement. J’oubliais de signaler un fait qui mérite d’être conté : le maréchal des logis Bouyssière étant allé en permission, avait porté en revenant un poulet, dont on avait laissé le foie ; étant cuit depuis quelques jours, le foie s’était décomposé et il y avait des « petites bêtes » - comme l’on pense bien, on a sorti les ailes et les cuisses et on a jeté le reste. Ne voilà-t-il pas qu’un marseillais me prend ce qu’on

avait jeté et allumant le feu, il met le tout dans une gamelle et sitôt fait ! Le mange ! Je vous certifie qu’il avait de l’appétit celui-là !!!! Mardi 8 septembre : réveil :9 heures, profitant d’un peu de repos, je travail au porte-plume jusqu’à 11 heures 30. Déjeuner, travail de nouveau au porte-plume jusqu’à 19 heures. A cette heure là, je vais au central où je suis invité par Gaston pour faire un petit boulot d’ami ( ?) choisi !! –A 6 heures 30, départ pour la position travail, jusqu’à 2 heures trente du matin. Jeudi 9 septembre : réveil 10 heures, travail au porte plume jusqu’à 11 heures 30. Déjeuner, travail au porte plume de midi 30 jusqu’à 17 heures. Violent bombardement toute l’après-midi, les marmites nous tombaient à 50 mètres. 17 heures dîner et prendre la garde à l’ancienne position. Vendredi 10 septembre : de garde tir à 8 heures, je fini le porte-plume et l’expédie à … A 2 heures de l’après-midi, violent bombardement, les boches incendient quelques maisons dans Arras. A 17 heures soupe et en route pour la position, vers 21 heures 30, c’est à dire à la même heure que le 7 septembre, les boches nous tirent dessus, une marmite nous éclate presque dessus. On fait l’appel : manque personne ! Il n’y a que moi qui a reçu un éclat sur le bras droit et qui n’a fait que percer la vareuse et me paralyser le bras, heureusement pour moi que je me trouvais avoir ce bras devant le visage, car si ça n’avait pas été cela, j’aurais reçu l’éclat en pleine figure ! Avons fini le travail à minuit 30. Dimanche 12 septembre : Violent bombardement. Dans le courant de l’aprèsmidi, St Ignan et moi allons aux pièces pour finir l’emplacement du canon, quand vers 16 heures 30 la canonnade était si vive et les marmites tombaient si près de nous qu’il a fallu partir en vitesse dans la direction de notre cantonnement. Nous sommes passés à l’endroit où le pauvre camarade Delmas a été tué par une balle. En passant en cet endroit et quoique ne me prenant pas pour froussard, je ne me trouvais pas à l’aise, car justement les balles et les éclats sifflaient dru. Nous sommes revenus le soir amener les prières ( ?) . On en a fini à 3 heures du matin. Vers 11 heures, je l’ai échappé aussi : une balle est venue s’aplatir sur un rail à 10 centimètres de ma tête. Nous sommes dans un chemin creux et si nous avons le malheur de monter sur le talus, nous sommes sûr de recevoir quelques pruneaux. Etant loin du cantonnement et comme il ne faut pas circuler le jour, nous prenons 48 heures de garde et 48 heures de repos. C’est ma section qui commence aujourd’hui. Quelle vie que de rester comme cela 48 heures dans un trou, sans pouvoir montrer la tête, si ce n’est que la nuit ! Ne pas avoir une goutte d’eau

pour se laver ! Coucher sur la terre et n’avoir qu’une très mince couche de paille pour nous préserver de l’humidité. J’avais oublié de dire que le capitaine m’avait proposé pour brigadier. Lundi 13 septembre : Impossible de montrer la tête, les marmites nous tombent tout autour sans discontinuer, cela va durer combien de temps ? Voici le camarade Pachou, le pointeur de la pièce qui coupe le silence en nous apprenant une fameuse nouvelle ; Il vient d’être le spectateur d’un duel !!! Une araignée faisant à la ( ?) avec une bête à 36 pattes ! C’est l’araignée le vainqueur ! Voilà notre distraction avant la garde. C’est 11 heures 15, nous attendons avec impatience le cuisto qui nous porte la soupe, peut-être bien qu’une marmite sera tombée près de lui et qu’en se couchant pour l’éviter aura versé le contenu des gamelles. J’écris ces quelques lignes étant accompagné du bruit sonore et ronflant de mon camarade Bordenave qui en attendant la soupe se repose des fatigues de la nuit. Parlons un peu du sympathique Talcon, c’est un jeune blond aux yeux noirs, il est un peu vouté, en voilà un qui ne se trouble pas et qui envisage la situation avec calme ! Et s’il y a une corvée à faire, l’on n’a pas besoin de s’adresser à lui car l’on serait vite servi ! Et il s’entend plusieurs fois cette parole du 23ème : « On les a retournés ! » Quel rude moment que nous venons de passer ! Depuis près d’une heure, les obus nous tombent autour. L’orage à passé et curieux, nous allons voir les dégâts causés. Nous attendons avec impatience les ordres du commandement, probablement que nous n’allons pas rester dans cet enfer ! La position est intenable. Mardi 14 septembre : après une nuit blanche passée à traîner les canons, nous voici installés à notre ancienne position, c’est à dire au bord de l’Escarpe à 180 mètres de notre cantonnement, et quoique nous regrettions un peu la peine que nous avons prise à faire toutes ces positions nous sommes très contents d’être revenus ici. Bombardement d’Arras et ses faubourgs de 11 heures à 19 heures, j’écrivais juste à ce moment et les éclats tombaient sur la toiture. Citons en passant la « témérité » ? de notre chef de pièce Bouyssières : vers 18 heures, les obus boches commençant à tomber près du cantonnement notre bonhomme qui s’enfuit dans la cave ; ne se trouvant pas en sûreté, il prend le galop de charge et va s’abriter dans les cavernes des pionniers du 88 qui se trouvent en arrière, à 100 mètres du cantonnement. A 20 heures, les avanttrains arrivent pour aller chercher le caisson de notre pièce qui se trouvait encore à l’ancienne position. Nous cherchons notre SS.off, impossible de le trouver, il n’avait pas encore dîné et personne ne l’avait vu. Pour aller prendre ce

caisson, il fallait passer dans une zone très dangereuse et Bouyssières n’avait rien trouvé de mieux que de se cacher pour ne pas venir avec nous. Donc il a fallu que nous quatre c’est à dire : Pichou, Bordenave, St Ignan et moi allons chercher seuls ce caisson. Les camarades Dutour et Benac sont nommés brigadiers. Mercredi 15 septembre : A 10 heures, on m’annonce que je suis nommé téléphoniste au central du 1er groupe. Quelle joie en apprenant cette heureuse nouvelle ! Je serais un peu plus en danger sans nul doute mais quel changement envers le métier de terrassier ( ?) que je faisais à la batterie. Nous partons à 14 heures aux tranchées de 1ère ligne pour placer une ligne qui reliera le groupe avec le commandant de compagnie de nos fantassins. Nous prenons le boyau de la route de Lilles et filons vers Roclincourt, passons près d’un boche enterré dans une tranchée et je vous certifie que ça sent le renard ! Passons dans le boyau des choux, ici des plaques de sang de la nuit dernière, les balles sifflent, les obus éclatent sur nos têtes, nous sommes dans un enfer ! Enfin, nous finissons à 6 heures 45 et partons au central. Personne de touché. Jeudi 16 septembre : je suis de faction au téléphone en tranchée de 1ère ligne à 180 mètres des boches, les balles, obus et éclats tombent partout. Je suis dans un abri, il y a des habitants mais il ne faut pas y faire attention. Le SS.off et Cartes qui sont avec moi, sont partis au poste du commandant pour vérifier la ligne. Il y a 10 minutes à peine qu’ils sont partis quand je fais un appel. Miracle ! La ligne marche et suis en communication. C ‘est mon ami Jacob qui me parle. Je suis tout seul dans l’abri avec un fantassin ; les tranchées sont presque vides et heureusement que les boches n’attaquent pas car je serais frais !! 11 heures 45, comme paraît long dans ces tranchées, n’avoir aucune distraction excepté celle d’avoir toujours l’oreille à l’appareil ou en pleine nuit aller réparer les lignes brisées en danger à chaque seconde. On se demande souvent par quel miracle on en échappe. 16 heures, j’avais entamé un brin de causette avec un fantassin, quand tout à coup deux obus fusant de 77 qui éclatent à 3 mètres en avant de nous me coupent le sifflet. Nous avons le commandant de la 4ème compagnie du 69 qui est dans la gitoune à côté. 17 heures, juste au moment de manger, la ligne coupée ! Vite partir pour la réparer. Nous ne trouvons jamais la coupure et marchons ainsi jusqu’au central, c’est à dire dans les 6 à 7 kilomètres. Quand nous arrivons là-bas la ligne marche et comme il n’y avait rien pour croûter… Nous voilà repartis Cartes et moi. Pour

raccourcir nous voulons passer à découvert ; mal nous en à pris car les balles sifflaient à nos oreilles et il était temps de prendre un boyau. Nous nous égarons et en tâtonnant au lieu de raccourcir, nous allongeons. Enfin nous retrouvons notre ligne et en rasant le sol car il est 21 heures et ça barde, nous filons comme des lapins vers les 1ères lignes. Je vous assure qu’il n’y a pas à s’y faire mieux par là ! Nous rentrons dans la caverne à 22 heures exactement. J’avais oublié de dire que nous avions les crapouillauds à 100 mètres en arrière de nous, il y a le camarade. Vendredi 17 septembre 1918 : Canonnade très vive, les boches nous ont lancé des minins ; c’est un obus qui vous démoralise complètement, s’il tombe dans une tranchée, il fait un trou de 30 mètres de diamètre. Deux fantassins qui s’amusaient dans notre caverne, le lieutenant qui l’a entendu et leur a dit de nous laisser tranquilles : « laissez reposer les téléphonistes » leur a-t-il dit. Je cite en passant une anecdote que me raconte un fantassin : un sergent du 88 étant de patrouille a été grièvement blessé, une balle dans une cuisse et une autre dans un bras. Il est resté 8 jours entre la ligne française et la ligne boche et en rampant il est parvenu à rentrer dans nos lignes. Il nous dit aussi que les hommes de la classe 1918 ne sont pas trop robustes, en ce moment il n’y en a presque plus, ils ont été tous évacués ou presque. La nuit dernière un caporal est allé en patrouille et en revenant a porté du fil de fer boche, il est donc allé à 20 mètres environ des boches. 13 heures, voici la relève, nous préparons nos couvertures, bidons musettes etc… et nous voilà en route pour Arras- St Nicolas où nous arrivons à 14 heures sans aucun mal. 11 heures 20 Samedi 19 septembre :violant bombardement de la part des boches sur la 5ème et 6ème batterie, toutes les lignes téléphoniques sont coupées, nous partons Cartes et moi au milieu de la mitraille pour les réparer et revenons sains et saufs au central à 13 heures 30. Dimanche 20 septembre, à 10 heures 30 déjeuner et préparation pour les 24 heures de garde aux tranchées, nous arrivons au poste à 13 heures 30, mais les obus sont tombés ici et il y a quelques fantassins de touchés. Je cite en passant une remarque absolument juste : celui qui est en 1ère ligne depuis un certain temps, reconnaît la nature et le calibre de l’obus de l’ennemi ainsi que sa direction et sa provenance à son sifflement. Donc si c’est à peu près calme, c’est à dire si notre artillerie ne tire pas, celui qui prend une certaine attention, ne peut être surpris par un obus, il l’entend venir, connaît sa direction et par conséquent a le temps de se coucher et s’il a près de lui un abri, il sait si cet abri

est bien placé pour recevoir l’obus . Donc pour être tué, il faut que l’obus te tombe en plein. Ainsi j’ai remarqué que passant dans des boyaux où les éclats tombent chaque minute, nous faisons 6 kilomètres dans l’heure pour aller aux tranchées et sans avoir jamais un blessé et je voudrais jouer gros jeu qu’un quelqu’un qui ne serait jamais venu dans cet enfer et qui se trouverait seul, même en connaissant le chemin, il tomberait dès les premiers pas. C’est ce qui arrive fréquemment où l’on dit « c’est bizarre, j’en connaît qui sont depuis le début et qui n’ont jamais rien eu , tandis qu’untel vient de partir et déjà blessé », et bien ce n’est pas étonnant du tout. Celui qui est là depuis le début connaît la guerre (si je puis m’exprimer ainsi) et par conséquent est rusé car si vous lui dites, s’il ne l’a jamais échappé belle, vous verrez qu’il pourra vous en raconter et que peut-être un autre à sa place, inexpérimenté, serait mort depuis longtemps. A 11 heures, un gros rat se baladant sur le parapet avec un culot de 77, je l’ai descendu aussi ai-je reçu des félicitations de la part de tous ceux qui étaient présents. Cela a été notre sujet de conversation pendant un moment et peutêtre en parlerait-on encore ………..Si un 180 n’était tombé tout près de nous. Mardi 29 septembre : à 11 heures bombardement de la 4ème batterie par des obus de gros calibre (210mm)- 3 officiers et 2 hommes sont tués pas loin de notre cantonnement. A 19 heures, alerte ! fusées rouges, violente fusillade et gros bombardement, l’on tout d’un coup à une attaque boche ; je n’ai jamais vu un pareil enfer depuis que je suis sur le front ! toutes les lignes sont coupées et pour comble de malheur l’artillerie ennemie de gros calibre (210mm) nous tire et nous prend de flanc. Les obus tombent à 30 mètres du central téléphonique sur une maison où sont cantonnés des hommes de la 6ème batterie, il est tombé 2 obus sur la maison, il n’y a pas de victime. Nous voilà partis tous les uns d’un côté, les autres de l’autre à réparer les lignes en tâtonnant dans la nuit noire et au milieu de la mitraille ! On est de retour et déception ! une ligne qu’on croyait qui marchait est coupée. Je pars seul et après un assez long laps de temps, je puis donner la communication, il est minuit moins cinq exactement quand je rentre. Je me couche jusqu’à 1 heure et me lève pour prendre ma faction de nuit qui est de 2 heures. Mercredi 22 septembre 1918 :Départ pour les tranchées à midi moins le quart. Violent bombardement, la ligne est coupée vers 14 heures 30, nous partons Cartès et moi et faisons environ 1 kilomètre et trouvons un éboulement, la tranchée était rasée et par conséquent les boches nous voyaient, nous sommes passés tout de même et faisons un appel de suite passés : la ligne marche du côté

de l’observation, donc c’est l’éboulement qui a coupé la ligne, au même moment 2 fantassins arrivent et nous annoncent qu’un soldat du 138 d’infanterie a été pris sous cet éboulement. Quel spectacle horrible j’ai vu à ce moment là ! ah, je m’en rappellerai longtemps ! Ce n’était pas un homme, c’était des lambeaux de chair, la tête d’un côté, une main de l’autre, c’est effroyable !- On n’avait pas fini de déblayer celui-la qu’on s ‘aperçoit qu’il y en a un autre : qu’ils pénibles ces moments, passer sur les débris d’un de vos semblables pour réparer les lignes et nous avons les mains dans le sang ! Quelle horrible vision ! Jeudi 23 septembre : On est venu nous relever à 18 heures ; nous n’étions pas à 100 mètres que les boches nous lancent des fusants de 77-88-109, l’un nous éclate en avant et un autre en arrière, c’est à vous rendre fou, nous ne nous arrêtons pas et continuons notre route sous l’avalanche de feu qui nous tombe dessus, plusieurs éclats nous sont tombés sur le casque mais sans le percer mais qui ont produit une forte commotion, j’ai très mal de tête. Arrivés à Roclincourt, les yeux commencèrent à nous piquer, moi-même je n’y voyais presque rien, heureusement que nous avons la cagoule pour nous protéger. Nous sommes sauvés tout de même et arrivons au central à 14 heures 30, les gaz lacrymogènes provenaient d’obus asphyxiants. Vendredi 24 septembre : Etant à Wauguelin, le médecin major m’évacue à le Souich. L’on nous laisse à Wauguelin toute une journée pour manger avec un bol de lait pour le matin. Samedi 25 septembre : Arrivons à le Souich vers 17 heures. On est très bien soigné par le personnel du 3èm corps. Les infirmiers sont gentils, j’occupe une jolie tente à moi tout seul. Dimanche 26 septembre : Départ tout seul de le Souich à 16 heures 40, j’arrive à Doullens vers 17 heures 30. A l’hôpital des éclopés, une surprise, j’y rencontre un ami de Toulouse : Mailho. Lundi 27 septembre : Je me trouve à peu près bien dans ce Dépôt d’Eclopés, nous sommes bien soignés par deux dames anglaises. J’ai comme voisin à table, un pauvre fantassin qui ne peut se servir de sa main gauche, il a 40 ans et il faut que je lui coupe le pain et la viande comme à un gosse. Il pourrait être mon père ! Dimanche 3 octobre : je n’ai encore rien reçu depuis que je suis ici, ni du front, ni de l’Intérieur, je commence à m’inquiéter et m’ennuie de ne point recevoir de

nouvelle des miens et de mes amis. Je suis tellement embêté que je ne suis point allé à la promenade qui pourtant était agréable. Mardi, ayant demandé à passer une visite pour savoir si je pouvais repartir au front, le major m’évacue par le train sanitaire. Jeudi, quelle n’a pas été ma joie quand j’ai su que je m’arrêtais à Paris. Je suis soigné à l’hôpital St Louis P.Brocq, salle du Castel par de jolies et jeunes infirmières qui sont très gentilles et d’un dévouement sans borne. Quelle vie en ……… (Le journal s’arrête là, une page semble avoir été arrachée.)