J'ai une grande marge

était temps de choisir. D'autant que ... NOMADE DU SPORT ET DE LA VIE. « Je suis très ... c'est de découvrir tout le temps de nouvelles choses à l'entraînement.
905KB taille 3 téléchargements 262 vues
ENTRE NOUS

LÄURELIN FOURCADE  PHOTOS : CHRISTOPHE PETIT-TESSON





 TEXTE : LIONEL GRILLOT

DU TWIRLING BATON AU RUGBY

« Meilleure comme entraîneur… »

«J

e vis, depuis toujours, dans un univers rugby. Quand j’étais petite, j’allais voir mon père jouer le dimanche. Ensuite, il est devenu entraîneur, mon frère s’est mis lui aussi au rugby, comme d’autres personnes dans ma famille. J’ai donc toujours eu un ballon de rugby à la maison mais dans le village de Lorraine où nous avons emménagé à l’époque, se montait un groupe de twirling bâton… J’ai donc commencé par cette discipline ! Mais si je commence à en parler, je n’ai pas fini de me faire chambrer par les copines (rires)... Bon, alors j’en ai fait pendant dix ans, en compétition, même si je n’étais pas très bonne. J’étais meilleure comme entraîneur de ma partenaire, avec qui on évoluait en duo, et qui est devenue championne de France en individuel. Voilà aussi pourquoi je n’ai pas pratiqué le rugby en club avant mes 17 ans. On a quand même essayé de monter une section féminine à Hayange, où mon père entraînait, mais j’ai signé ma première licence au TYGRE (Thionville-Yutz). J’ai continué les deux disciplines pendant deux ou trois saisons, mais à 20 ans, il était temps de choisir. D’autant que j’avais été contactée par un entraîneur de Montpellier, lors d’une rencontre de sélection féminine entre France Nord et France Sud. En quittant mon club de Lorraine pour une des meilleures équipes du Top 10, je voulais me concentrer totalement sur le rugby. J’en avais besoin car mes débuts à ce niveau furent compliqués, aussi bien sur le plan technique, car tout allait beaucoup plus vite, que physique. Cela a changé mon approche du rugby mais la récompense est venue dès la première saison, avec le titre de championnes de France conquis en 2010. »

NOMADE DU SPORT ET DE LA VIE

« Je suis très autonome »

À 28 ans, cette nomade de la vie et du sport espère enfin toucher au but, avec la qualification attendue et la participation espérée à la Coupe du Monde de rugby à 7, l’an prochain, à San Francisco. Elle qui a raté coup sur coup la Coupe du Monde à XV 2014 en France et les Jeux de Rio, l’été dernier. De retour de blessure, elle a tout fait pour être prête pour l’épilogue du circuit mondial, à Clermont-Ferrand, les 24 et 25 juin. Et faire tourner la roue de la chance…

«M

progression

de 28

©DPPI

J’ai une grande marge

es parents étaient tous les deux dans l’armée de l’air. Pour des raisons professionnelles, ils ont régulièrement changé de région et j’ai donc toujours bougé. Je suis née en Alsace mais je n’y ai vécu que six ans. Ensuite, nous sommes partis dans l’Aisne avant de rejoindre la Lorraine, toujours dans cette partie nord-est de la France. Mes parents m’ont prénommé Läurelin avec un tréma sur le ‘‘a’’. Je ne sais pas s’il y a une origine spécifique, je sais juste que ça leur plaisait ainsi. Sinon, j’ai toujours été habituée à vivre sans mon père ou ma mère car il était fréquent que chacun parte à tour de rôle en détachement pour des périodes de trois mois. Dans ton éducation, ça t’oblige à t’adapter. Quand tu es jeune, ça t’habitue à te prendre en charge et à vivre de manière autonome. Sportivement, je n’ai pas hésité non plus à bouger. A quitter ma famille et la Lorraine pour Montpellier d’abord. Puis retrouver la région parisienne à Bobigny avant de partir à nouveau pour le sud-ouest, dans le Lot-et-Garonne, pour des raisons personnelles et professionnelles. La dernière étape en date, c’était de revenir en région parisienne pour vivre mon expérience rugby sous contrat fédéral à Marcoussis. Je n’habite pas Paris donc je ne connais pas non plus les bouchons tous les matins. Je vis en colocation avec Rose (Thomas) et Jessy (Trémoulière) dans une maison à Saint-Michel-sur-Orge, non loin du CNR. C’est très vert, on est à la campagne. En plus, l’année dernière, nous avons eu tellement de stages dans plein de lieux différents, qu’on n’y était pas très souvent non plus. A l’avenir, je repartirai sûrement dans le sud-ouest, à Bordeaux probablement. C’est une belle ville qui me plait beaucoup, non loin de l’océan. Mon père est originaire du sud-ouest et petite, j’y ai toujours passé mes vacances. J’aime la culture régionale, les courses landaises, la corrida, les fêtes de Dax ou de Mont-de-Marsan, sans compter pas mal d’amis dans le Lot-et-Garonne. »

29

ENTRE NOUS

LÄURELIN FOURCADE

COUP DE CŒUR POUR LE 7

PRO AUJOURD’HUI ET DEMAIN ?

« C’est ma priorité »

« Je profite du moment présent »

«L

a première opportunité qui m’a été donnée de jouer à 7, c’était lors de ma première saison à Bobigny, pour le championnat de France. Malheureusement, j’étais blessée à la cheville. La saison suivante, j’y ai goûté un peu, mais pas assez pour mesurer ce que ça impliquait. Les copines affirmaient que c’était très intense, même si de l’extérieur, on ne se rend pas compte à quel point. Quand j’ai eu l’occasion d’y jouer vraiment, ça m’a plu tout de suite. C’est effectivement une discipline exigeante techniquement et physiquement. Avec la répétition de multiples tâches, on est toujours actif sur le terrain. Même s’il existe des postes prédéfinis, tout cela disparait dans le jeu. C’est très complet et on touche davantage de ballons qu’à XV. Ce qui me plait également, c’est de découvrir tout le temps de nouvelles choses à l’entraînement car on varie beaucoup les exercices. Enfin, grâce au 7, j’ai énormément progressé. Physiquement déjà, techniquement bien sûr, mais aussi dans la vision du jeu, la réactivité, la tonicité, le cardio. J’ai donc un faible pour le 7 car c’est là que je prends le plus de plaisir sur le terrain et c’est ma priorité sportive. A fortiori depuis que la discipline est devenue olympique. C’était un rêve d’y participer car c’est formidable de suivre tous ces sportifs français sur un tel événement tous les quatre ans. Malheureusement, je n’ai pas été sélectionnée pour Rio. C’est décevant, mais on a pris les plus performantes et je n’étais pas arrivée au maximum. Il y avait meilleure que moi mais ce n’était que ma première année professionnelle. Cela ne m’a pas démoralisé, d’autant qu’il me reste une grande marge de progression pour passer un cran. C’est la deuxième fois, après la Coupe du Monde à XV en 2014, que je fais toute la préparation et que je ne suis pas retenue pour l’événement majeur. C’est dur mais il faut savoir rebondir : 2018 sera une année de la Coupe du Monde à 7 et, cette fois, j’espère bien aller au bout. »

CLERMONT SEVENS

« J’ai tout fait pour être prête »

«J

«L

EN BREF

28 ans ; née le 4 septembre 1988 • à Obernai (Bas-Rhin) 1,82 m ; 73 kg • Poste : pilier ou centre à 7, • centre ou ailière à XV Clubs : TYGRE (Thionville-Yutz), • Montpellier HR (2009-10), AC Bobigny 93 (2010-12), Stade Bordelais (2012-16), Stade Français (2016-17) Equipes de France : internationale à XV et à 7 (11 tournois mondiaux, 36 sélections, 45 points marqués, 9 essais) Palmarès : championne de France à XV avec Montpellier (2010)

• •

e garde un souvenir particulier du Clermont Sevens de l’année dernière. D’un côté, ça faisait vraiment plaisir de voir un nombreux public enthousiaste. On en avait eu un avant-goût lors du Paris Sevens puisque nous avions joué deux matchs de démonstration à Jean-Bouin. A Clermont, j’en avais profité pour faire descendre de la famille et des amis de Lorraine, lesquels ont tous apprécié ce week-end de 7. Les matchs ne durent pas longtemps mais se succèdent. On voit plein d’équipes différentes, des scores serrés. Il y a aussi plein d’animations. Lorsque la France joue, tout le monde revient dans le stade pour l’encourager. On agite les drapeaux tricolores, l’ambiance était exceptionnelle et, comme spectatrice, c’était superbe. Sportivement, j’étais très frustrée de ne pas être sur le terrain, d’autant que c’était le dernier tournoi avant les Jeux Olympiques et que jouer devant ses supporters, c’est différent. Mais ça peut aussi perturber. L’idéal serait de réussir à jouer sans crainte de décevoir, sans stress. Pour cela, il faut réussir à ne pas s’éparpiller, à rester dans sa bulle, concentrée sur son objectif. Pour cette saison, j’avais donc pour objectif de jouer le plus possible, de faire un maximum de tournois (NDLR : elle a disputé quatre des cinq premiers tournois mondiaux cette saison) et de participer aux tournois prévus en France (à Malemort pour le circuit européen, à Clermont-Ferrand sur le circuit mondial). J’ai été blessée (déchirure du psoas) mais j’ai tout fait pour arriver fin prête à Clermont-Ferrand. D’autant que ce tournoi sera décisif pour nous. Nous jouerons en Auvergne notre qualification directe pour la Coupe du Monde 2018. Nous sommes sur le bon chemin, en position favorable mais c’est devant notre public que nous aurons l’occasion d’assurer notre présence aux Etats-Unis l’année prochaine. »

30

a première fois que David Courteix (NDLR : l’entraîneur de France 7 Féminines) m’a sollicitée, c’était en novembre 2013. N’ayant pas été appelée pour le Tournoi 2014, il m’a convoqué pour le 7. J’ai fait plusieurs stages et disputé quelques tournois mondiaux avant d’intégrer la structure fédérale la deuxième année de son existence, en 2015. Je côtoyais des filles, déjà sous contrat, qui m’avaient convaincu de vivre à mon tour cette fantastique expérience. Je savais également que pour progresser et avoir une chance d’être sélectionnée pour Rio, il fallait monter sur Paris et non rester dans le Lot-et-Garonne à m’entraîner en solitaire. Je ne pourrais progresser pleinement qu’en signant un contrat pro fédéral avec trois semaines au CNR et une semaine par mois en PPA (préparation physique autonome), durant laquelle je redescendrais chez moi. C’était un changement de vie car j’occupais un poste d’assistante de direction dans un garage familial. J’avais une place importante, je m’y plaisais beaucoup mais j’ai tout laissé pour le rugby. C’était un peu dur sur le moment, mais ça aurait été encore plus dur si je ne l’avais pas fait. Il a fallu un temps d’adaptation et franchir un nouveau cap physiquement afin de passer de deux ou trois entraînements hebdomadaires à l’équivalent au quotidien. C’était un rythme à prendre. Pour moi, il s’agissait d’une magnifique opportunité, unique en son genre. Et je n’ai aucun regret d’avoir relevé ce défi. Quant à mon après-rugby, je ne sais pas encore. Je compte déjà poursuivre la saison prochaine, je serai alors dans ma trentième année mais je ne pense même pas aux Jeux de Tokyo 2020… J’ai une licence STAPS, un master de professeur des écoles, j’ai fait aussi ma VAE (validation d’acquis d’expérience) d’assistante de direction mais j’ai du mal à me projeter. Je profite du moment présent et je réfléchirai plus tard… »