interview validée

S'il y a eu le printemps arabe ou en- core une mobilisation aussi grande en faveur des Rohingyas en Birmanie, c'est grâce à la circulation de l'information et ...
54KB taille 3 téléchargements 335 vues
Fabien Gnimassou: On a constaté ces derniers temps des arrestations liées à des propos et à des images véhiculés à travers les réseaux sociaux. Quelle appréciation en faites-vous? Me Assane Dioma Ndiaye: L’appréciation que l’on peut faire c’est d’abord l’importance qu’ont acquis désormais les réseaux sociaux dans la vie de façon générale et surtout dans la communication notamment chez les jeunes. Les réseaux sociaux sont devenus un médium extrêmement important par la largesse de leur portée, mais également par la rapidité de la circulation de l’information et l’accessibilité des cibles. C’est un phénomène nouveau auquel sans doute nous n’étions pas préparés.

Q : Faut-il restreindre la liberté d’expression sur les réseaux sociaux? R: Vous savez, on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras. Le monde d’aujourd’hui est un monde très libre et l’évolution des mentalités et des consciences est constante. Il appartient à la société de s’adapter aux mutations nouvelles, aux enjeux nouveaux. S’il y a eu le printemps arabe ou encore une mobilisation aussi grande en faveur des Rohingyas en Birmanie, c’est grâce à la circulation de l’information et surtout grâce aux réseaux sociaux.

La liberté d’expression a pour corollaire la responsabilité. La personne peut s’exprimer par tous les moyens à condition de ne pas enfreindre les lois et règlements mais aussi à condition de ne pas porter atteinte aux droits d’un tiers et éventuellement à la morale collective.

Au Sénégal, il y a eu dans le cadre de la réforme du code pénal une loi spéciale qui a été aménagée relativement à l’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux de façon générale. Il s’est agit d’élargir les incriminations et de renforcer la répression. C’est un début de réponse à la généralisation de l’utilisation de ces réseaux sociaux même si ces incriminations peuvent parfois être sources de dérives et être utilisés par les pouvoirs politiques parfois pour éliminer des adversaires. Là également, il faut qu’on soit vigilant notamment nous les militants des droits de l’homme pour éviter que, sous le couvert d’une répression liberticide, des pouvoirs politiques qui sont contre la circulation de l’information s’inscrivent dans une dynamique d’opposition à toute expression plurielle et utilisent ces textes pour porter atteinte à la démocratie, à la liberté d’expression.

Plus qu’à une répression systématique, il faut aller vers une solution pédagogique, une politique d’éducation et surtout un encadrement de ces réseaux sociaux pour d’abord sensibiliser ceux qui l’utilisent afin tirer le meilleur profit de ses instruments nouveaux.

Q : Quelle impact des réseaux sociaux pour la démocratie? R: Tout dépend de l’utilisation qu’on en fait. Les réseaux sociaux peuvent constituer une avancée pour la démocratie dans la mesure où ils contribuent à la circulation de l’information et permettent à certains qui ont des combats à mener, des idéaux à véhiculer, d’atteindre leurs cibles et de partager leurs idées novatrices. Des idées qui peuvent aller dans le sens d’un éveil des populations ou en tout cas de poser des paradigmes qui vont dans le sens du renforcement de la démocratie. Ces réseaux permettent à ceux qui, dans leur combat quotidien véhiculent des valeurs positives, ceux qui se battent pour des principes de droit et d’égalité, de faire adhérer à leur cause le maximum d’individus. En ce sens, les réseaux sociaux peuvent constituer

une sorte de contre pouvoir à des dérives ou à des contre-valeurs et cela renforce le combat pour la démocratie. Si vous tenez un discours devant un parterre de 50 personnes évidemment ce discours aura une portée limitée. Mais si à travers un message sur les réseaux sociaux vous atteignez les cinq continents, des millions voir des milliards de personnes, vous voyez comment ce discours peut être appréhendé et peut être évidemment endossé par des personnes qui pourront adhérer à votre cause ou véhiculer les mêmes principes, adopter ces discours. Donc ça peut être un aspect positif pour la démocratie.

Le revers de la médaille n’est pas à exclure si on utilise les réseaux sociaux dans un sens pernicieux ou dans un sens négativiste, évidemment ça c’est des choses qui iraient à l’encontre des principes démocratiques. C’est donc un couteau à double tranchant qu’il nous appartient d’utiliser à bon escient afin d’en tirer le meilleur.