globales (pp. 127-158).

classificatrice ; la mécanographie et l'informatique à la raison simulatrice (p. 54). Les technologies intellectuelles associées à ces raisons loin de ne se.
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questions de communication, 2010, 18

plus globales (pp. 127-158). Enfin, face aux nouveaux défis du numérique, et pour former un équilibre, Henry Oberdorff indique qu’il est indispensable de permettre l’éclosion d’une « cybercitoyenneté » soucieuse d’affirmer et de défendre ses droits (pp. 159-183). Cela semble être une condition nécessaire pour faire face aux nouvelles inégalités liées à l’accessibilité, mais aussi de former des individus pleinement conscients de leurs droits et devoirs face aux nouvelles atteintes aux libertés individuelles. Mais participer sereinement au débat citoyen, sur un pied d’égalité, suppose une appropriation suffisante des techniques et connaissances minimales nécessaires tout comme un accès équivalent pour tous. Seule la pédagogie, la formation, l’adaptation, et l’ambition politique de mettre en marche un projet de société en adéquation à son époque, via une « cyberdémocratie » participative, pourra faire coïncider collectivement la vie réelle « hors-ligne » à son prolongement « en ligne ». Enfin, comme l’exprime si justement Henri Oberdorff pour conclure son ouvrage, le numérique, aussi important soit-il, ne remplace pas les personnes dans le monde réel, il n’est pour l’heure qu’un ensemble d’outils au service des individus et de la société : « L’homo numéricus est avant tout un être humain et un citoyen » (p. 186). Gilles Boenisch CREM, université Paul Verlaine-Metz [email protected] Pascal ROBERT, Mnémotechnologies. Paris, Éd. Hermès-Lavoisier, coll. Communication, médiation et construits sociaux, 2010, 400 p. Reconnaissons d’emblée à Pascal Robert l’ambition et le courage de bâtir un livre après l’autre une œuvre théorique qui, à l’intérieur des sciences de l’information et de la communication (SIC), vise à donner un cadre d’intelligibilité aux technologies de l’information et de la communication. Ce sont ici les « technologies intellectuelles » et outils du penser/ classer de Perec, qu’il entreprend précisément de penser et classer dans son dernier ouvrage en articulant modélisation et posture critique, seule à même de dépasser l’actualité technique et l’emprise des techno-discours. De la liste au livre, en passant par les cartes, les diagrammes, ainsi que l’encyclopédie ou la bibliothèque jusqu’à l’informatique et l’internet, Pascal Robert s’attache à repérer des fonctions communes et une opération partagée – la « conversion » des dimensions – pour ouvrir la voie à une véritable

théorie générale des technologies intellectuelles bâtie autour de trois grandes raisons : la raison graphique, la raison classificatrice et la raison simulatrice, lesquelles déclinent des modalités propres de traitement, navigation et modélisation de l’information. Qu’est-ce qu’une technologie intellectuelle ? Se distingue-t-elle d’une « mnémotechnologie » ? Une technologie intellectuelle doit être comprise comme un outil régulé de gestion du nombre qui opère une traduction par enregistrement de l’événement en document grâce à l’opération « fondamentale » de conversion des dimensions, cet « attracteur commun » (p. 81). Elle répond aux principes de traitement de l’information, de navigation et de modélisation et emporte les exigences de « stabilité » et de « mobilité » du document. L’auteur qui se revendique des travaux de Bruno Latour, François Dagognet mais aussi Michel Serre, constate que ces technologies ont été cantonnées jusqu’alors à l’écriture, l’imprimerie ou l’informatique. Or, d’autres dispositifs techniques y participent. Le parcours proposé conduit ainsi de la bibliothèque qui hybride la carte et le territoire au musée et au cabinet de curiosité compris comme « un classeur d’objets ». Il s’agit de gérer le nombre ou, en d’autres termes, classer, ordonner, hiérarchiser, différencier mais aussi recueillir l’information sous les régimes de l’écriture et/ou de l’image. Celles-ci conditionnent, avec l’informatique, la possibilité d’émergence des technologies intellectuelles, ce qui conduit Pascal Robert à les qualifier de « méta-technologies intellectuelles ». À chaque technologie intellectuelle correspond une raison. Ainsi les cartes, dessins techniques ou diagrammes renvoient-ils à la raison graphique ; les livres, classeurs et encyclopédies à la raison classificatrice ; la mécanographie et l’informatique à la raison simulatrice (p. 54). Les technologies intellectuelles associées à ces raisons loin de ne se nier mutuellement, tout au contraire, se constituent en « condition de possibilité » (p. 175). L’informatique qui parvient à hybrider ces trois raisons laisse présager une articulation affinée. On le voit, Jack Goody (La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Paris, Éd. de Minuit, 1979) inspire ici un propos se déployant comme un panorama aussi bien que par un jeu de poupées gigognes, et dont l’ampleur et la densité impressionnent. Les technologies intellectuelles ne sont pas seulement des techniques qui figent et fixent mais des outils dynamiques qui produisent de la mémoire (p. 26), des « Ménémotechnologies », « machines à mémoire »

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Notes de lecture

d’inscription et d’enregistrement. Elles sont tout autant des technologies dont la logique gestionnaire repose sur la possibilité de travailler avec et sur les opérations de stockage, regroupement, tri, classement, comptage, comparaison, bilan et non pas des outils de « pensée critique » (p. 79). Elles signalent encore un enjeu sociopolitique par trop occulté car il y a au cœur de la réflexion de l’auteur une position importante qui mérite que l’on s’y attarde : la sociologie des techniques est avant tout une sociologie politique (p. 21) et les technologies intellectuelles apparaissent comme des outils intrinsèquement politico-économiques dès lors qu’elles ont pour fonction de gérer « le nombre, le grand nombre des hommes, des choses et des signes, et plus généralement la complexité » (p. 68). Ainsi la mécanographie s’inscrit-elle sous l’horizon du déploiement d’une connaissance statistique indispensable au développement d’une démocratie du nombre (p. 257) tandis que la pente du contrôle gestionnaire menace sans cesse de verser dans le contrôle social. La classe « logique » du classement arraisonne la classe « physique » du nombre mais aussi la classe « sociale » et l’avènement de la police moderne au XVIIIe siècle repose sur une activité de repérage du délinquant présumé et de fichage. De ce point de vue, la réflexion sur la connaissance du nombre et la mise à distance d’essence démocratique qu’elle favorise (p. 261) aurait sans doute mérité de plus larges développements. Quant à la carte, elle fait non seulement glisser du domaine de l’écriture à celui de l’image, mais dit les limites, les montre, les certifie et, par là même, participe d’un « effet d’irréversibilité » du pouvoir (p. 155). Cet essai de taxinomie aborde également les « technologies sociétales » (technologies cognitives parmi lesquelles la philosophie ou la magie), les technologies de la représentation de la société (la peinture ou la littérature mais encore les statistiques ou les sondages) ou les technologies de régulation sociale (les règles juridiques) qui désignent l’enchevêtrement subtil de la technique et du social. Toutes menacent de devenir des « technologies politiques de l’esprit » dont la technicité vise à délégitimer ou récuser a priori la critique (p. 103). Cette exclusion se manifeste par le « consensus mou » qui évacue tout conflit ou par l’impératif de communiquer pour communiquer. La technologie se fait alors métaphore sur le mode de la dérive jusqu’à subjuguer voire « sidérer », renvoyant aux craintes jadis exprimées par Lucien Sfez dans sa Critique de la communication (Paris, Éd. Le Seuil, 1992). Le « piton d’irréversibilité » qui signale l’impossibilité même d’une contestation emporte une proximité avec la notion d’« impensé informatique » et de

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« formatage généralisé » longuement travaillées et développées par Pascal Robert depuis sa thèse de doctorat. Celui-ci a constaté que le déferlement de l’informatique préparé par les techno-discours balaie tout questionnement sur sa légitimité et vise à la donner pour évidente en contournant « les épreuves de justification » (pp. 310-340). Sans se revendiquer de la médiologie dont il mobilise toutefois quelques auteurs, Pascal Robert joue avec les frontières mouvantes de sa discipline, les SIC, pour inscrire son propos dans une perspective résolument transdisciplinaire. Son ouvrage foisonnant et érudit qui embrasse des champs du savoir multiples, de l’anthropologie à la sociologie des techniques et de l’histoire culturelle à la philosophie des sciences, est assurément une entreprise peu commune dont l’exigence s’accompagne d’une qualité d’écriture qui, hélas, fait d’ordinaire trop souvent défaut. David Forest LAS, université Rennes 2 [email protected] Sébastien ROUQUETTE, L’analyse des sites internet. Une radiographie du cyberesp@ce. Bruxelles, De Boeck, coll. Médias Recherches, 2009, 335 p. L’image d’un internaute défrichant le terrain avec une machette – que l’on retrouve sur la maquette du livre – rend compte du cadre dans lequel est plongé l’internaute et traduit le projet de l’auteur : radiographier l’internet. En effet, Sébastien Rouquette postule que les demandes sociales expliquent souvent les raisons d’être des sites qui sont tiraillés, d’une part, par la satisfaction des clients commanditaires (concurrents, sites partenaires), d’autre part, par celle des consommateurs (internautes/public). Après avoir constaté les limites des outils théoriques sur la question, l’auteur estime que les méthodes et concepts disponibles provenant de l’analyse des médias et des outils de communication classiques ne sont pas toujours adaptés (p. 7). Se fondant sur une approche interdisciplinaire de la communication, le chercheur développe dans six parties et six terrains différents plusieurs méthodes complémentaires d’analyses des sites web : l’analyse des usages des sites, analyse hypertextuelle de leurs arborescences, des réseaux de liens des sites, analyses socio-sémiotiques des pages d’accueil, analyses sociologiques des contenus. La première partie s’intéresse à l’internet municipal (pp. 15-33) dans laquelle l’auteur propose une étude de la typologie par strates (pp. 37-50). Sur cette base,