1. PP NDDL V3

anglais Thomas More (1478-1535) du grec οὐ-. τοπος « en aucun lieu ») est une représentation d'une réalité idéale et sans défaut. — Un Régime politique ...
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Les outils du pouvoir citoyen

Antoine Bevort Notre-Dame-des-Landes, 10 juillet 2016 Antoine Bevort

Une démocratie en crise —

Selon un sondage IPSOS-SOPRA-STERIA de mars 2016

◦ 88 % les sondés estiment que le système démocratique en France fonctionne plutôt mal, et que leurs idées sont plutôt mal représentées. ◦ plus ou moins 70% des sondés se sentent assez massivement manipulés, ignorés, pas associés, pas entendus ◦ 71% des sondés estiment que trop souvent les hommes et les femmes politiques ne tiennent pas leurs promesses. ◦ 50 % des sondés estiment que « les hommes et les femmes politiques vivent dans un autre monde que le leur, qu’il ressentent comme très éloigné d'eux »

Que faire ? —

Les citoyens demandent une meilleure représentation, plus de participation, plus de pouvoir d’agir… ◦ une démocratie participative, délibérative, directe… ◦ référendums d’initiative, jurys citoyens, assemblée constituante, tirage au sort…

Questions. Êtes-vous prêt à tirer au sort au sein de la majorité du conseil municipal le futur maire ? — Êtes-vous prêt à tirer au sort parmi les membres de votre association-mouvementparti le(s) responsable(s) ? — Pour changer la constitution, faut-il procéder par assemblée constituante ou par référendum d’initiative ? — Pour l’assemblée constituante, êtes-vous pour l’élection ou le tirage au sort ? —

Plan — 1. Savoir, politique

et démocratie — 2. La boîte à outils du pouvoir citoyen — 3. L’architecture d’une maison citoyenne Antoine Bevort

1. Savoir, politique et démocratie Platon : « qui est le plus compétent pour conduire le navire ? » D. Cohn-Bendit : « le peuple n’a pas toujours raison » 1.1. Platon versus les pragmatistes 1.2. La tradition démocratique française Antoine Bevort

1.1. Platon et les pragmatistes — Platon —

ou la critique de la doxa

Platon (428/27-348/47 avt. J.-C.): « qui est le plus compétent pour conduire le navire ? » ◦ Une tradition qui identifie – politique et pouvoir (sur) ou domination – pouvoir et savoir

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L’approche pragmatiste —

John Dewey (1859-1952) conçoit la démocratie non comme une forme de gouvernement mais comme une participation des individus à l’action collective.

◦ réhabilitation du sens commun comme intelligence réflexive visant la résolution de problèmes

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Hannah Arendt (1906-1975) reprendra cette conception du politique comme façon de vivre et d’agir ensemble.

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La participation selon Amartya Sen (1933- ) in La démocratie des autres a une valeur intrinsèque pour la vie humaine et son bien-être, — améliore la réceptivité et la satisfaction des besoins politiques économiques et sociaux des citoyens, — donne l’opportunité aux gens d’apprendre les uns des autres, et aide la société à former ses valeurs et ses priorités. —

Postulats d’une démocratie citoyenne ◦ La question politique n est pas de savoir « qui est le plus compétent pour conduire le navire -le capitaine ou les passagers-? ». Le politique concerne la destination du navire. ◦ Le politique n est pas une question de savoir : n importe quel individu lambda est compétent en matière politique pour prendre des décisions informées et délibérées. ◦ Le politique ne se réduit pas à la question du gouvernement mais porte sur la façon de vivre et d’agir ensemble Antoine Bevort

Corrélativement Le politique n’est pas une affaire d’intendance (idée libérale de B. Constant à Schumpeter) — Le politique n’est pas une affaire de professionnels (idée de Platon à Lénine et à Schumpeter) — La démocratie ne se réduit pas à l’élection : jusqu’au XVIIIè siècle, la démocratie était associée au tirage au sort (Bernard Manin) —

Antoine Bevort

1.2. La tradition démocratique française « Dans quel pays a-t-on besoin d’un référendum pour faire appliquer la loi ? » Bruno Retailleau, selon Le Monde du 16 février 2016

« Le référendum n’est pas un instrument de la démocratie mais du populisme. » Dominique Rousseau, Libération du 8 juillet 2016

Antoine Bevort

Une même tradition dans la cité, dans l’école et dans l’entreprise —

Une tradition technocratique —

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Une tradition étatiste —

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La politique (le savoir) est une affaire d’ « élus », de professionnels, de militants, d experts On se méfie des citoyens, des corps intermédiaires, on n’a confiance qu’en l’État

Une tradition « adversariale » ◦ Le plus puissant l’emporte : la majorité élue, le patron,

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Une tradition hiérarchique quasi monarchique ◦ L’exécutif l’emporte sur le délibératif Antoine Bevort

Indice de distance hiérarchique – power distance (Hofstede) 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

Le citoyen sous tutelle Le pouvoir citoyen se réduit à l’élection — Le citoyen est considéré comme incapable, incompétent — La démocratie représentative majoritaire, seule forme légitime ◦ Cela s’institue à l’école, s’épanouit dans l’entreprise, les administrations et dans la cité. —

Antoine Bevort

2. La boîte à outils du pouvoir citoyen

« Il ne s’agit pas de savoir si un pays (des citoyens, un peuple) peut être jugé apte pour la démocratie; un pays (des citoyens, un peuple) devient apte par la démocratie. » Amartya Sen

2.1. L’enjeu du pouvoir d’agir, de l’empowerment, 2.2. Les outils du pouvoir citoyen

2.1. La logique du pouvoir d’agir, de l’empowerment ◦ Empowerment signifie littéralement : mettre quelqu’un en capacité de …, en « pouvoir d’agir ou de faire ». ◦ Dans ses usages, la notion renvoie – à l’autonomie, à la responsabilité individuelle et collective – mais aussi à la participation, à l’émancipation, à la démocratie…

Antoine Bevort

« Empowerment » et citoyenneté active —

L’enjeu est bien de mettre le citoyen (l’élève, le salarié) en capacité de pouvoir agir. ◦ Un rapprochement entre empowerment et les écrits d’Amartya Sen sur les capabilities (capacités), c.a.d. la possibilité et la liberté pour un individu de choisir entre différentes sortes de vies ◦ L’empowerment s’expérimente et s’acquiert dans l’école, dans la cité et au travail

Le répertoire de l’empowerment —

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L’éducation : développer les « capabilities », donner la possibilité et la liberté à un e jeune de choisir entre différentes sortes de vies L’information, la transparence des autorités publiques et privées Des instances délibératives ouvertes aux citoyens : conseils de quartier, budgets participatifs, jurys citoyens, comités d’usagers, enquêtes publiques, repas de quartier, … Des « droits populaires » de décision : le suffrage universel, les référendums d’initiative populaire, le tirage au sort Antoine Bevort

2.2. Les outils du pouvoir citoyen « La démocratie n’est pas un sport de spectateurs »

Robert Putnam, (1993) Making Democracy Work. Civic Traditions in Italy. — — — — — —

La reconnaissance de la citoyenneté La délibération Les référendums d’initiative citoyenne Le tirage au sort Le jury citoyen Les élections

La reconnaissance de la citoyenneté —

Droit de vote, droit d’élire, d’être tiré au sort, de décider par référendum ◦ Chez les Grecs : seuls les hommes libres ◦ Puis une conception censitaire : citoyenneté réservée aux riches ◦ Pendant longtemps : seuls les hommes ◦ Aujourd’hui la citoyenneté est associée à la nationalité, en sont exclu e s ceux qui vivent durablement dans la cité mais sont étranger e s.

La délibération —

une décision politique est légitime lorsqu'elle procède de la délibération publique de citoyens égaux, repose sur : ◦ une argumentation, un échange discursif ◦ la participation égale et informée de tou-te-s

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Lorsqu’elle fait émerger des préférences (choix, décisions) délibérées, réfléchies ◦ (voir également les jurys citoyens)

Les modes de délibération —

Adapter les modes délibératifs aux problèmes, enjeux, collectifs : ◦ résoudre des tensions (sociocratie, démocratie profonde), ◦ chercher des solutions, (world café, forum ouvert) ◦ décider d’orientations

Différents modes de décision : consensus, majorité qualifiée, majorité simple — Ne pas oublier que —

◦ Les conflits font partie de la vie politique ◦ Les techniques délibératives ne tranchent pas les finalités

Les référendums d’initiative citoyenne : les droits populaires suisses Référendums obligatoires (1848) : toutes les modifications de la Constitution — Référendums facultatifs (1874) : dans les 100 jours qui suivent l’adoption d’une loi par le Parlement, 50 000 citoyens (environ 1% de l’électorat suisse) peuvent demander un vote de l’ensemble du corps électoral — Initiatives populaires (1891) : 100 000 citoyens peuvent proposer une modification de ou une adjonction à la constitution. Ils ont 18 mois pour réunir leurs signatures. — Un référendum ne s’oppose pas à la délibération au contraire il la nourrit. —

Le tirage au sort Jusqu’au XVIIIè siècle, et les premières formes de démocraties représentatives, c’est le tirage au sort qui était associé à la procédure démocratique et non pas l’élection. — Le tirage au sort n’était pas une simple loterie, des mécanismes de contrôle rigoureux permettaient d’éviter les dérives possibles du hasard — La technique moderne a rendu tout à fait possible un retour à la démocratie active, citoyenne —

Les avantages du tirage au sort —

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Le tirage au sort désacralise la fonction de responsable politique, l’idée que les responsables sont les meilleure s par ce qu’ « élu e s ». Le tirage au sort ne fait que désigner les exécutant e s provisoires d’une assemblée qui reste souveraine. Il redonne ainsi un rôle premier aux délibérations par rapport à un processus électoral qui se cristallise souvent plus sur la compétition de personnes que sur les orientations qui engagent l’avenir de la cité. Il règle également à peu de frais la question de la discrimination, en assurant par exemple la parité du seul fait de la loi des grands nombres.

Les jurys citoyens —

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Il s’agit, sous des appellations diverses, de demander à un groupe de citoyens ordinaires tirés au sort dans la communauté concernée, d’élaborer un avis informé sur une question aussi complexe soit-elle. Les jurys citoyens inventés en 1974 par le Jefferson Center de Minneapolis (EU), puis se pratiquent à partir de 1987 sous le nom de Conférences de consensus au Danemark et, depuis 1998, en France.

◦ on sélectionne parmi des volontaires dans la population concernée un panel au nombre variable (18-100) personnes, en veillant à sa représentativité. ◦ Les membres du jury vont se rencontrer pendant 3, 4 ou 5 jours (ou pendant plusieurs week-ends) pour examiner soigneusement un sujet d’importance publique. Les jurés sélectionnés sont rémunérés et élaborent un avis

Les élections Une des modalités du pouvoir citoyen — Délégation limitée (limitation des mandats, transparence, refus de la professionnalisation du politique, code éthique contraignant, transparence) — Garantir la représentativité, l’accès à l’initiative politique : scrutin proportionnelle, bulletin de vote unique, parité —

3. L’architecture d’une maison citoyenne —

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« Les défauts de la démocratie exigent plus de démocratie et non pas moins » Amartya Sen

Méfions-nous du régime idéal La démocratie n’est pas une question technique Le tirage au sort n’est pas une solution magique Articulation démocratie directe et démocratie représentative Comment modifier la constitution ? Les corps intermédiaires : le capital social

Méfions nous du régime idéal L’utopie (1516) (mot forgé par l’écrivain anglais Thomas More (1478-1535) du grec οὐτοπος « en aucun lieu ») est une représentation d'une réalité idéale et sans défaut. — Un Régime politique idéal (qui gouvernerait parfaitement les hommes), une société parfaite, sans injustice par exemple, comme la Callipolis dans La république de Platon, les phalanstères des socialistes utopiques, ou la Métropolis de Fritz Lang (1927) sont dangereuses, contiennent en germe les risques de dérives totalitaires. —

La démocratie n’est pas une question technique — Le « one best way » n’existe ni dans l’entreprise ni dans la cité. ◦ Il n’y a pas de meilleure solution unique

Les solutions techniques ne sont pas neutres : la fin est dans les moyens — Les techniques ne s’évaluent pas en fonction de leurs « bonnes » ou « mauvaises » décisions — Il ne faut pas confondre les débats sur les procédures et ceux sur la destination —

Le tirage au sort n’est pas une solution magique —

L’exemple d’Athènes : ◦ La réforme de Clisthène (508 avt J.C.) instaure deux assemblées : – L’Ecclesia : assemblée de tous les citoyens qui vote les lois : aujourd’hui la technique rend possible cette ecclesia : c’est l’institution de démocratie directe – La Boulè est une assemblée de 500 citoyens tirés au sort qui prépare le travail de l’Ecclesia : Une assemblée tirée au sort est une assemblée représentative aléatoire

Tirage au sort parmi tous ou parmi les volontaires ? — Tirage au sort pour quelles fonctions ? —

Articulation démocratie directe et démocratie représentative La démocratie directe peut s’articuler avec des formes renouvelées de démocratie représentative — Le danger n’est pas l’élection mais la sacralisation de l’élection — La souveraineté du peuple doit être garantie par des référendum constitutionnels, des référendums législatifs abrogatifs, des référendum d’initiative citoyenne —

Les corps intermédiaires —

Quel rôle pour ces corps intermédiaires, les partis, syndicats, associations (comme l’ACIPA)? ◦ Les anciens associations fédératives, verticales et les nouvelles associations plus horizontales, – Appliquer nos outils à nos organisations (tirage au sort des responsables …?)

◦ Les réseaux sociaux

Comment modifier la constitution ? —

Par assemblée constituante ? ◦ élue ou tirée au sort?

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Par référendums successifs ? ◦ Quel est le chemin le plus pratique, rapide, démocratique ?

Conclusion : Pour un populisme démocratique —

Jacques Rancière, Libération, 3-1-2011 : le populisme c’est ◦ L’invocation du peuple par-delà ses représentants et ses notables ◦ La critique des élites ◦ Une rhétorique identitaire, la crainte et le rejet des étrangers.

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« Non, le peuple n’est pas une masse brutale et ignorante. »

◦ Les trois traits ne sont pas mécaniquement liés ◦ Le discours antipopuliste amalgame le peuple à la foule dangereuse, refuse l’analyse de l’élitisme

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L’usage péjoratif du terme populisme est maladroite et erronée puisqu’elle qualifie de fait négativement le peuple Antoine Bevort