Franc-Nord vol 4 no. 4 (automne 1987)

Devlin, (613) ii. ~, .mente. 954-5244. "'-. Activité organisée. ··_,..,,,..- pour les écoles. Événements. 19 Gaining Momentum 87 par la Société. Un nouvel essor.
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"Papa il faut c}ue tu

m'aides"

"Suzanne, qu'y a-t-il? Es-tu blessée?" "Non papa, je n'ai rien." "Où es-tu?" "Chez Patrick. Nous sommes tous venus ici pour célébrer après la partie." "Il est presque minuit et demi. N'est-il pas temps que tu rentres?" "Justement, c'est ça. Te souviens-tu, tu m'as toujours dit que si je sortais, de ne jamais aller dans la voiture de quelqu'un qui avait trop bu? Et de ne pas avoir peur de t'appeler si je n'avais pas d'autre moyen de rentrer à la maison? Eh bien, ce soir je te prends au mot." "C'est bon. Ne bouge pas, j'arrive." "Merci papa. Oh, autre chose." "Vas-y." "Es-tu fâché contre moi?" "Fâché? Non Suzanne, jamais de la vie."

Srogrmn -

-

12 oz de bière ordinaire, 5 oz de vin de table, 1 oz V2 de spi ritueu x ont tous la même teneur alcoolique. Consommez-les tous avec prudence.

Écrivez-nous et nous vous ferons parvenir gratuitement un tableau sur les limites de la consommation d'alcool. C.P. 847, SuccursaleH, Montrtal, Qutbec H3G 2MB

ARTICLES 6

La chasse photographique De précieux conseils pour mieux pratiquer cette chasse où la «proie», immortalisée sur pellicule, s'en sort toujours indemne. par Jean-François Pronovost

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Les grandes migrations animales c1 ère partie): Sur la piste du caribou FRANC-NORD a obtenu les données les plus récentes, encore inédites, sur les migrations du caribou. par Jean-Pierre Drapeau

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Cerfs-volants d'eau douce Vues par les habitants des ondes, les plantes à feuilles flottantes présentent sans doute l'allure de cerfs-volants ... Des cerfs-volants qui paressent sur des kilomètres d'eaux tranquilles que fréquentent les romantiques promeneurs en chaloupe. De combien de baisers volés furent témoins les nymphées, les nénuphars et les brasénies? par Fleurbec

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La vraie nature du lac Saint-François Petit paradis pour les habitants de cette région, Site Ramsar pour le reste du monde par Louise Desautels

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Le Saint-Laurent, fleuve international Les frontières territoriales et les barrières politiques devront être franchies pour mener une action concertée de dépollution du Saint-Laurent. par André Delisle

CHRONIQUES 3

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Votre courrier

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Éditorial par Jean-Luc Bourdages Le parc de la Gaspésie ouvert à la prospection?

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Échos

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Penser globalement par Luc Gagnon et Yves Guérard Dépérissement des forêts: un retour aux sources

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Agir localement Quand récupérer rime avec rentabilité

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Les actualités

par Pierre de Billy

En pages centrales, «L'ét at de l'environnement agricole au Québeo>, le premier d'une série de quatre suppléments

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automne 1987

Photo en page couverture: Une migration de caribous. Photo Fred Bruemmer

___Votre COl!1VY'iE?r_ __ d'un concours de photos sur la nature, plus récemment la publication d'un calenPourriez-vous m'expliquer pourquoi le coût drier d'activités pouvant intéresser les d'achat en kiosque de quatre numéros de membres, etc. Il faut donc bien comprenFRANC-NORD (4 x 3,25$ = 13$) revient dre que l'UQCN a besoin d'appuis pour moins cher que le coût d'un abonnement ses démarches autres que la publication ou que le coût de la cotisation annuelle à de FRANC-NORD. l'UQCN (15$)? Daniel Coulombe La diffusion du magazine en kiosque ne constitue en fait qu 'une promotion des Montréal idées de l'UQCN. Non seulement le coût de quatre numéros en kiosque est-il légèDepuis le début, FRANC-NORD a été le rement meilleur marché que la cotisation, magazine officiel de l'UQCN, et cette dercomme certains le soulignent, mais nière a été un organisme à membership. l'UQCN perd de l'argent avec chaque En effet, le coût de la cotisation ne s'apnuméro vendu en kiosque, puisqu'elle plique pas uniquement à l'abonnement à remet environ 50% du prix de vente au FRANC-NORD, mais comprend aussi une distributeur et au détenteur du kiosque. partie allouée aux autres activités de l'UQCN et aux services qui en dépendent. Même au plan des revenus de cotisation, l'UQCN ne pourrait pas survivre actuelleCeux-ci comprennent entre autres la ment sans l'appui financier de quelques représentation des membres auprès des multiples intervenants dans le domaine de organismes gouvernementaux. L'appui l'environnement (lors de consultations), la d'au moins 3000 autres membres payant constitution de dossiers et la rédaction de la cotisation sera le seul moyen pour l'organisme d'atteindre une autosuffisance mémoires, la participation à des rencontres de tous genres, l'organisation de col- et donc une stabilité absolument essentielle à sa survie financière à moyen loques, le travail de collaboration et de sensibilisation auprès des nombreux orga- terme. nismes affiliés, la tenue de rencontres Harvey Mead, président (suite à la page 32) annuelles des membres, l'organisation

La cotisation de l'UQCN

9141 , avenue du Zoo Charlesbourg, Qc, G 1G 4G4 Tél. (418) 628-9600

Directeur et rédacteur en chef: Jean-Pierre Drapeau Publicité: Francine Hone Traitement de texte, administration et abonnement: Lorraine Côté-Ouellet Promotion: Jean de Jocas

Comité de direction Jean-Pierre Drapeau, André Delisle, Harvey Mead, Jacques Proulx Comité de rédaction Nicole Beaulieu, Cyrille Barrette, Gisèle Lamoureu x, Janouk Murdock, Jacques Prescott Révision des textes René Moisan, Camille Rousseau Conseillers à la production Yves Bédard, Jean-Luc Grondin, René Lemieux Conseiller en administration Jacques Proulx Conseillers judiriques David Blair, Claude Wallot Réalisation graphique: Élizabeth Ann Schofieid Composition typographique: Helve tigraf lnc. Séparation de couleurs: Les Ateliers Graphiscan Impression: Imprimerie Canada

Union québécoise pour la conservation de la nature ccPenser globalement, agir localemenb> Bureau: 9141, avenue du Zoo, Charlesbourg, GlG 4G4, tél. : (418) 628-9600 L'UQCN est un organisme national sans but lucratif. Elle regroupe des individus ainsi que des sociétés oeuvrant dans les domaines des sciences naturelles et de l'environnement. L'objectif prlncipul de l'UQCN est de créer les moyens d'éducation et d'intervention efficaces en vue d'une meilleure appréciation de l'environnement naturel et d'une utilisation durable des ressources. Conseil de direction de l'UQCN: président: Harvey Mead; vice-président aux parcs et sites protégés: Jean-Luc Bourdages; vice-président à la commission éditoriale: André Delisle; vice-président à la conservation: Michel Beaulieu; vice-président à la régie interne: (vacant); vice-président à l'éducation: Luc Gagnon; secrétaire: Jean Sylvain; trésorier: Jacques Proulx.

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Affiliés: Amis de la nature de Georgeville, Association des entomologistes amateurs du Québec, Association québécoise de lutte contre les pluies acides, Association québécoise d'interprétation du patrimoine, Centre atlantique de l'environnement, Centre de conservation de la nature du mont Saint-Hilaire, Centre de la montagne, Centre d'interprétation de la batture, Centre d'interprétation du milieu écologique, Centre local d'écologie de Mirabel, Cercle des jeunes naturalistes, Club des naturalistes Catharine Trail, Club des naturalistes de la vallée de la Saint-François, Club des ornithologues de la Gaspésie, Club des ornithologues du Bas-Saint-Laurent, Club des ornithologues amateurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Club des ornithologues du Québec, Club d'ornithologie de la Manicouagan, Club d'ornithologie Sorel-Tracy, Comité d'étude sur les produits toxiques, Comité permanent sur l'environnement de Rouyn-Noranda, Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec, Corporation d' aménagement de sites écologiques, Écologie en action en Sagamie, Environnement Jeunesse, Fédération québécoise de la marche, Fondation Écho-logie, Fondation les oiseleurs du Québec, Fondation pour la sauvegarde des espèces menacées, Fonds mondial pour la nature - Canada, Groupe d'animation en sciences naturelles, Groupe Fleurbec, Groupe Inter-Paysages, Groupe Nature et Patrimoine, Jardins des L:iurentidesCarrefour de la nature, Laboratoire d'écologie végétale de l'Institut botanique de Montréal, Laboratoire de géographie de l' Université du Québec à Chicoutimi, Montreal Field Naturalists, Mouvement écologique collégial de Sherbrooke, Naturalistes adultes du Québec, Parc régional de la Rivière-du-Nord, Parc régional du Long-SaultAux bois des Ombelles, Regroupement pour la préservation de l'île et du marais de Katevale, Société culturelle et écologique de la Basse-Côte-Nord, Société d'animation du Jardin et de l'Institut botaniques de Montréal, Société d'entomologie du Québec, Société d'histoire naturelle de la vallée du Saint-Laurent, Société d'ornithologie de Lanaudière, Société de biologie de Montréal, Société de géographie du Québec, Société du loisir ornithologique de i'Estrie, Société linnéenne du Québec, Société québécoise pour la conservation des sites naturels, Société Provancher d'histoire naturelle, Société québécoise de la spéléologie, Société québécoise pour la protection des oiseaux, Société zoologique de Granby, Société zoologique de la Mauricie, Société zoologique de Québec.

automne~

Magazine officiel de l'Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN), FRANC-NORD est un des moyens qu'utilise l'UQCN pour fa voriser la conservation et l'utilisation durable des ressources et pour promouvoir les trois objectifs de la Stratégie mondiale de la conservation: le maintien des processus écologiques essentiels entretenant la vie, la préservation de la diversité génétique et l'utilisation durable des espèces et des écosystèmes. Média d'information sur la nature et les questions environnementales au Québec, FRANC-NORD a aussi pour objectif de vulgariser les récentes conna issances scientifiques et techniques dans ces deux domaines. FRANC-NORD est publié quatre fois l'an. En 1987 , la cotisation pour les membres individuels de l'UQCN est de 15,00$ pour un an; celle des organismes affiliés est de 25,00$. Les membres de l'UQCN sont automatiquement abonnés à FRANCNORD. Pour les bibliothèques, les écoles et les autres organismes non affiliés, les abonnements à FRANC-NORD sont de 15,00$ pour un an au Canada et de 20,00$ à l'étranger; Courrier de deuxième classe N° 6284. Port de retour garanti. La direction laisse aux auteurs l'entière responsabilité de leurs textes. Les titres, sous-titres et les textes de présentation sont I' oeuvre de la rédaction. Copyright 1987 -

FRANC-NORD

Le contenu de FRANC-NORD peut être reproduit avec l'autorisation de la direction.

______ éditorb1.____ _ _ __ Le parc de la Gaspésie ouvert à la prospection? À la veille du 1oe anniversaire, en novembre prochain, de la Loi sur les parcs, les médias nous apprenaient que le ministre délégué aux Mines du Québec, Raymond Savoie, a proposé de réouvrir le Parc de la Gaspésie à la prospection et, éventuellement, à l'exploitation minières. Bien que nous soyons habitués à protéger de bien fragiles acquis en matière de conservation, voilà qu'un projet remet en question l'essence même d'une importante législation. La Loi sur les parcs, sanctionnée en 1977, était venue mettre fin à l'exploitation commerciale des ressources dans certains territoires, une telle exploitation allant nettement à l'encontre des grands principes de conservation, dont celui de la protection de certaines portions représentatives ou exceptionnelles du patrimoine naturel. Lors de la classification et de la révision des limites des parcs existants, en vue de les rendre conformes aux prescriptions de la nouvelle loi, trois des quatre parcs les plus vastes (soit les parcs du Mont-Tremblant, des Laurentides et de la Gaspésie) ont vu leur superficie considérablement réduite, afin de ne pas compromettre les activités d'exploitation des ressources, surtout celles de la forêt; de 13 574 km 2 qu'elle était avant 1977, la superficie totale de ces parcs passait à 3 088 km 2 , une diminution de 7 7 % . Le parc de la Gaspésie, pourtant le moins touché, perdait 38% de sa superficie; le gouvernement avait d'abord proposé de lui en amputer 47%! Même avec l'addition de 12 autres parcs au réseau (qui en compte actuellement 16), le gouvernement québécois n'a récupéré que 6% de la réduction initiale. Ainsi, le réseau actuel occupe 3 960 km 2 , soit 0,26% de la superficie totale du Québec. Si l'on considère la superficie du territoire québécois concernée, l'industrie d'exploitation des ressources demeure donc peu affectée par la présence des parcs. L'ironie du «projet Savoie», s'il en est, c'est que l'on choisisse encore, 50 ans plus tard, le parc de la Gaspésie comme cible pour la réintroduction des activités d'exploitation des ressources. De fait, lorsqu'il fut créé, en 1938, le parc fut fermé à toute exploitation des ressources; dès l'année suivante, le gouvernement amendait la loi pour y autoriser l'exploitation forestière, puis en 1943 pour permettre la recherche et l'exploitation minières. Le «projet Savoie» constitue un recul

majeur au plan de la conservation en général et de la politique des parcs en particulier. Le retour de la prospection minière dans les parcs signifierait à toutes fins pratiques le démantèlement des parcs et la mainmise de la grande industrie sur les principaux joyaux du patrimoine naturel du Québec. De surcroît, les parcs du Québec ne seraient' même plus de vrais parcs, puisqu'ils ne répondraient pas à la définition du parc national contenue dans la Charte de New Delhi et faisant consensus à l'échelle internationale. Pour réaliser ce projet et permettre des activités commerciales, le gouvernement pourrait être tenté non pas de modifier la présente loi, mais de réduire considérablement les limites du parc de la Gaspésie. Or, ce serait là jouer à l'autruche, sachant que dès lors, de nouvelles pressions viendraient de toutes parts pour réouvrir certains parcs à l'exploitation forestière, dans l'espoir de contrecarrer les ruptures de stocks appréhendées dans plusieurs régions. Bien sûr, on demandera aux écologistes et aux conservationnistes de faire des compromis, pour le plus grand bien de la société et surtout des populations régionales affectées par le chômage ... Mais le jeu du compromis se fera toujours au détriment de la nature. Avec la réduction importante des superficies, un compromis majeur a été consenti après l'adoption de la loi en 1977 . Dix ans après, on en exige un autre; fera-t-on encore de même dans dix autres années? C'est de cette façon qu'on s'y est toujours pris pour gruger petit à petit le patrimoine naturel. Si nous considérons inacceptable un tel projet au plan de la conservation, il nous faut aussi examiner sa justesse au plan économique. Car la rentabilité d'un tel projet laisse songeur, lorsqu'on ajoute les répercussions importantes de l'exploitation minière sur le paysage naturel. D'autre part, l'aventure de Murdochville et de ses mines de cuivre maintenant fermées montre à quel point il s'agit là de projets à court terme qui s' inscrivent mal dans la philosophie d' un développement durable. Enfin, il importe de rappeler que les prospections et les évaluations réalisées avant la «révision» du parc de la Gaspésie, en 1979, avaient révélé un potentiel minier moins élevé que prévu . Devant cette situation, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche doit faire son propre bilan et peut-être même proclamer son mea-culpa . En effet, !es pres-

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sions constantes dont sont victimes les parcs du Québec résultent en bonne partie du peu d'intérêt et d'investissement que leur ont consentis le MLCP et le gouvernement. Il y a vraiment lieu de se demander s'il n'est pas plus rentable à long terme de bien aménager et de développer les parcs, dont celui de la Gaspésie, compte tenu de la popularité de telles destinations dans les circuits touristiques et de la forte demande pour certaines activités de récréation légère. Le ministère n'a qu'à constater la forte popularité de son nouveau sentier de longue randonnée dans le parc Saguenay. Le gouvernement québécois, de concert avec le gouvernement fédéral qui gère le parc national Forillon, a la possibilité de mettre en place un véritable «circuit nature» où chacun des parcs (du Bic, Forillon, de l'lle-Bonaventure-et-du-RocherPercé, de Miguasha et de la Gaspésie) constituera un havre de nature protégée et mise en valeur. Dans dix ans, au lieu de faire face à des mines épuisées, l'économie de la péninsule gaspésienne pourra plutôt compter sur l'apport des touristes, des amants de la nature et des adeptes de plein air. Même si la «mode» est à la privatisation, il appartient à l'État de faire en sorte que les parcs québécois ne demeurent pas parmi les plus mal en point du Canada, comme le constatait, pour une deuxième fois, la Fédération canadienne de la nature dans son dernier Bulletin de conservation.

Jean-Luc Bourdages

Post-scriptum Au moment de mettre sous presse, FRANC-NORD recevait un communiqué du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, Yvon Picotte, rappelant que la Loi sur les parcs interdit la prospection dans le parc de la Gaspésie. «S'il devait y avoir une modification importante de la Loi sur les parcs, cela nécessiterait la tenue d'une Commission parlementaire et d'une audience publique où on retrouverait non seulement des gens de Sainte-Anne-desMonts, mais aussi des gens et des groupes de Québec, de Montréal et tous ceux qui, dans la province, s'intéressent aux parcs», précise le ministre. Reste à savoir si le ministre Picotte pourra réussir à faire enterrer pour de bon le projet de son collègue aux Mines, le ministre Savoie. J.-L. B.

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LA CHASSE PHOTOGRAPHIQUE par Jean-François Pronovost

De précieux conseils pour mieux pratiquer cette chasse où la ccproie», immortalisée sur pellicule, s'en sort toujours indemne. Il est difficile d'évaluer combien de gens, au Québec, s'adonnent à la chasse photographique. Si l'on tient compte de la démocratisation du loisir photographique et de la popularité croissante d'activités connexes, tel l'aménagement de postes d'alimentation pour les oiseaux, qui en facilitent l'observation et la photographie, la photographie-nature semble promise à un bel avenir. D'autant plus que chasse photographique n'est pas nécessairement synonyme d'équipements supersophistiqués et d' expéditions dans les contrées lointaines.

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Selon Pierre Bernier, photographe au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec, la chasse photographique peut être pratiquée partout où la nature se manifèste, à la ville comme en pleine campagne. «Pensons seulement aux pigeons, aux pinsons ou même aux écureuils qui nous rendent quotidiennement visite sur nos balcons. Ce sont des sujets relativement faciles à fixer sur pellicule; ils n'ont peut-être rien d'exotique à première vue, mais ils permettent de raffiner certaines techniques et ils donnent même souvent des clichés surprenants.» En est-il de même dans les jardins zoologiques? «Pour des expériences de luminosité et de mouvement, ce sont de bons terrains d'essai. Cela permet d'apprendre, par exemple, que tel mammifère absorbe beaucoup plus de lumière qu'un autre. D'ailleurs, le simple fait de se balader sur la rue ou dans la maison et de s'entraîner à faire des mises au point rapides sur toutes sortes d'objets constitue déjà de bons exercices grâce auxquels on apprend à bien maîtriser le fonctionnement de son appareil, de façon à ne pas trop subir de frustrations une fois sur le terrain .. .»

Les qualités du bon «chasseur» La chasse photographique exige de

l'adepte qu'il soit non seulement un bon photographe, mais aussi qu'il possède une bonne connaissance à la fois de ses «sujets» et de leur habitat. L'apprentissage de notions élémentaires en sciences naturelles représente donc une bonne corde à son arc. Bernard Desbiens, photographe amateur originaire du Saguenay, n'hésite pas à établir un parallèle entre la chasse traditionnelle et la chasse photographique. «Si vous désirez mettre le plus de chances de votre côté lorsque vous partez à la chasse au chevreuil, que ce soit avec une

la patience. Certains la mettraient même en tête des conditions de réussite. La nature fourmille de vie, mais plusieurs heures peuvent parfois s'écouler avant que ne se présente /e sujet à capturer sur pellicule. Si vous n'avez pas la patience d'attendre parfois tout ce temps, inutile de vous armer de puissantes lentilles et de dizaines de rouleaux de pellicule, la chasse photographique n'est pas pour vous! La discrétion va de pair avec la patience: on doit en effet savoir se fondre à l'environnement naturel. «Même si on a construit la plus belle cache, précise Pierre Bernier, il faut s'y installer discrètement et attendre que reprenne le cours normal de la vie dans les environs. Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'on découvre une intensité d'activités, qu'il était à peu près impossible de déceler lors d'une première visite.» Certains «chasseurs» d'expérience préfèrent le maquillage à l'utilisation d'une cache. De façon à «briser» les lignes du visage, le maquillage doit être appli~ qué selon un motif, comme en corn~ porte par exemple la toile de camou/i flage de l'armée.

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La petite nyctale, une «prise» de choix

arme ou avec un appareil photo, la connaissance des habitudes de l'animal et de son milieu sont indispensables.» Ceux qui ont une expérience de chasseur ou de bonnes connaissances en sciences naturelles, partent donc déjà du bon pied. Il ne faut pas non plus hésiter à multiplier les excursions en nature et à se documenter sur les caractéristiques de la faune et des différents habitats. «Mais il est certain, prévient M. Desbiens, qu'on peut souvent revenir bredouille avant d'avoir fait de bons clicl~és.» Autre qualité du chasseur d'images:

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fi: La discrétion dans la tenue vestimentaire est aussi de mise. Il convient donc d'éviter de porter des couleurs vives. Et comme certaines espèces perçoivent plus facilement le mouvement que les formes, portez vos lunettes d'approche de façon à ce qu'elles ne vous ballottent pas dans le cou .

L'équipement On reconnaît deux types de photographes de la faune : la personne qui a déjà une certaine expérience de l'art photographique ainsi qu'un peu d'équipement, et l'amant de la nature, à qui le simple souvenir des randonnées en forêt ne suffit plus. Si

vous faites partie de cette deuxième catégorie, il vaut la peine de profiter des conseils des photographes qui ont déjà quelques brises à leur actif. Question d'appareil d'abord, il ne fait aucun doute que le 35 mm reflex est de rigueur: il en va de la qualité des épreuves et de la possibilité d'ajouter différentes focales. Robert Gagnon, photographe de studio et chasseur photographique, a travaillé plusieurs années avec les moyens du bord et a su mettre son imagination à profit. «L'équipement qu'on ajoute au boîtier, dit-il, dépend en bonne partie du terrain où on s'aventure et des sujets qu'on désire «capturer». En ville, pour des sujP.ts relativement faciles comme des écureuils, des ratons laveurs et des oiseaux de mangeoires, il n'est pas nécessaire d'avoir un équipement très sophistiqué; on peut très bien se débrouiller avec un téléobjectif de 100 mm.» Dans la forêt, c'est autre chose. «Il y a deux possibilités, explique M. Gagnon: ou bien on rapproche les sujets, en jouant avec différentes focales, ou bien on se rapproche soimême par les techniques de chasse fine et d'aménagement de caches ou de pièges photographiques. Mais l'un n'exclut pas l'autre.» Comme pour beaucoup d'autres activités, l'idéal est de s'équiper graduellement et d'y aller selon ses besoins. L'équipement de base est finalement

assez compact. Beaucoup de photographes amateurs ont déjà un téléobjectif de 100 ou 200 mm. En ajoutant à cela un doubleur de focale, on augmente déjà ses possibilités. Bien que cet équipement double effectivement la puissance, il consomme en revanche beaucoup plus de lumière qu'un simple téléobjectif de puissance identique. «Compte tenu de cette perte de lumière, il ne faut pas avoir peur de mettre le prix et de s'équiper d'un doubleur de très bonne qualité, ajoute Robert Gagnon. Si toutefois on ne dispose que d'un petit budget, le doubleur s'avère un compromis intéressant.» Pour ceux qui cherchent tout de suite une focale assez puissante, la solution est probablement de choisir un téléobjectif de 400 mm . Il offre beaucoup de possibilités et se manipule assez aisément, même sans trépied. Et qu'est-ce qu'on doit penser des objectifs à miroir? Il semble bien que ce ne soit pas un équipement très recommandable pour la chasse photographique. Premièrement, il est impossible d'ajouter un doubleur à cet objectif et deuxièmement, il consomme un peu plus de lumière, ressource qui est souvent limitée en forêt. Il ne vaut donc pas la peine de se laisser tenter par l'objectif miroir, même s'il est en général un peu moins cher qu'un téléobjectif de même puissance.

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Le cerf de Virginie, un animal photogénique

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Si vous n'avez pas déjà d'appareil mais envisagez de vous équiper pour la photographie-nature, considérez alors l'achat d'un appareil avec moteur ou, si votre budget est plus limité, d'un appareil auquel vous pourrez éventuellement ajouter un moteur. Ce moteur actionne le chargement de l'appareil après chaque pose. Il est donc possible d'installer la caméra dans un arbre ou une cache et de l'actionner à distance, à l'aide d'un fil et d'un commutateur. Pour compléter cet équipement de base, il ne manque qu'un trépied ou, à la limite, un pied télescopique. À moins de maîtriser parfaitement les techniques de support d'une caméra (respiration, appuis coudes-genoux, etc.), un bon trépied est indispensable. Il ne faut pas oublier que le manque de lumière et l'utilisation de focales puissantes obligent souvent à choisir des vitesses réduites. Enfin, en ce qui concerne le transport et l'entretien de son équipement, on peut adopter deux attitudes: soit toujours apporter son appareil dans un sac et en prendre un soin extrême, quitte à rater quelques clichés, soit le transporter avec le plus de soins possible sans trop l'emmitoufler, pour ne rien rater. Il faut aussi se faire à l'idée que la chasse photographique impose souvent de durs traitements aux équipements. Là où il faut particulièrement se méfier, c'est au bord

Le huart à collier est relativement facile à photographier lorsqu'on est en canot.

de la mer: le sable fin et l'eau salée font mauvais ménage avec les appareils photos.

Commencer par des prises faciles Il ne suffit pas de partir avec un téléobjectif sur l'épaule pour rapporter les sublimes images dont on rêve depuis toujours. L'occasion d'observer et de photographier une espèce plutôt qu'une autre varie bien sûr selon la région et selon l'habitat. Certaines espèces sont plus faciles à approcher et dans certains milieux, les animaux sont carrément moins méfiants. «Aussi surprenant que cela puisse paraître, dit Pierre Bernier, il faut d'abord aller là où les animaux voient beaucoup de monde. L'orignal et le cerf de Virginie sont toujours plus faciles à observer dans les parcs, par exemple. On n'a aussi qu'à penser aux oies blanches de CapTourmente qui, lorsqu'elles montent dans les champs, peuvent être à quelques mètres seulement de la route . Même chose pour les différentes espèces de canards qui nichent dans les canaux de cette réserve nationale de faune et qui deviennent beaucoup moins farouches au fur et à mesure que s'écoulent les semaines.» Le raton laveur, les différentes espèces de Sciuridés (écureuils, tamias), le geai bleu, la mésange à tête noire et le huard à collier (quand on est en

canot) figurent parmi les espèces relativement faciles à photographier.

QUELQUES DERNIERS CONSEILS

Dans la recherche des sujets, que ce soit pour les prises faciles ou pour les plus difficiles, la «promenade intelligente» s'impose: il s'agit de rechercher les milieux où la vie est en général plus riche, par exemple près d'un point d'eau, dans un pâturage, à proximité d'un verger ou à l'orée de la forêt . Après quelques bonnes «chasses», on peut penser à sortir un peu des sentiers battus et à raffiner ses techniques. Il devient intéressant de se rapprocher davantage des sujets un peu plus farouches. L'aménagement d'une cache prend alors toute son utilité. Certains la construisent à même les matériaux trouvés sur le terrain; d'autres préfèrent les bricoler à la maison . «Avec un cerceau pour danser, trois tuyaux de PVC et un morceau de toile acheté dans un magasin de surplus d'armée, dit Robert Gagnon, il est possible de se fabriquer quelque chose de simple, de peu coûteux et de démontable.» Pour la chasse photographique, disent les experts, il n'y a peut-être pas de recette-miracle. Il y a cependant une foule de petits trucs qu'on maîtrise avec le temps, au fil de ses promenades dans la nature. Mais au-dessus de toutes les qualités et de tous les trucs, la passion est souvent le dénominateur commun des photographes de la nature.

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Les photographes Pierre Bernier, Bernard Desbiens et Robert Gagnon nous livrent quelques derniers conseils: Achetez des objectifs lumineux.

1:

N'utilisez pas de films de sensibilité supérieure à 200 ASA si vous pensez vendre vos photos (à des magazines, par exemple) ou les présenter lors d'une exposition; choisissez idéalement du 64 ASA. Photographiez le plus possible avec un trépied, en donnant priorité à la vitesse.

I!

Apprenez à bien choisir vos sujets ainsi que l'angle de prise de vue, sinon vous consommerez inutilement de la pellicule. Quand vous serez vraiment prêt à partir en chasse, prévoyez un séjour de plus d'une journée. Vous pourrez alors réellement vous imprégner de la nature et mieux déceler tout ce qui bouge. Et pour les intéressés, sachez que la Fédération québécoise des loisirs photographiques (4545 Pierrede-Coubertin, Montréal) organise périodiquement des stages de photo-nature. Journaliste pigiste, Jean-François Pronovost collabore régulièrement à FRANC-NORD.

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Les grandes migrations animales Par Jean-Pierre Drapeau

(lère partie)

FRANC-NORD a obtenu les données les plus récentes, encore inédites, sur les migrations du caribou.

Le pourquoi des choses

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Mais pourquoi certains animaux migrent-ils? Est-ce à cause des conditions météorologiques? Est-ce pous_._ _ ___. sés par une trop grande densité de population? Parce qu'ils manquent de nourriture et qu'ils cherchent un meilleur habitat à cet égard? Pour assurer leur reproduction? «La recherche d'habitats nourriciers plus propices représente la raison évoquée le plus fréquemment, précise Serge Couturier, biologiste au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche (MLCP). Mais d'autres causes expliquent également les

migrations animales: pensons à la reproduction, dans le cas du saumon . À l'instar justement du saumon qui migre pour se reproduire, les femelles caribous retournent à chaque année (plus précisément au mois de juin) au même endroit pour donner naissance à leurs jeunes. Mais pour le caribou de la toundra, il y a plus encore que cette tradition apprise au fil des ans et transmise de mère en fille: en effet, les migrations des caribous leur permettent de profiter d'habitats de meilleure qualité et surtout d'éviter de surexploiter trop localement un habitat fragile et lent à se régénérer . Cette adaptation a récemment permis à certains grands troupeaux d'atteindre des densités élevées: le troupeau de la rivière George, le plus grand au monde,

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compte 600 000 têtes et celui de la rivière aux Feuilles, 'également dans le Nord québécois, en totalise 100 000.»

Quand les caribous font «bouger la terre» Auteur de nombreux ouvrages sur la faune et la flore de l'Arctique et du Nord québécois et report er-photographe mieux connu aux États-Unis et au Canada anglais qu'au Québec où pourtant il réside, Fred Bruemmer s'intéresse depuis longtemps au troupeau de caribous de la rivière George, se documentant sans

SUR LES PISTES DU CARIBOU

Si l'on pouvait calculer tous les déplacements annuels du caribou du Nord québécois, on en arriverait probablement à un total de près de 2500 km.

cesse sur ses moeurs ainsi que sur ses longues migrations. Mais laissons M. Bruemmer nous en parler: «Les caribous passent l'hiver dans la taïga (la forêt nordique), à l'extrémité sud de leur aire de distribution dans le territoire de la BaieJames, où le sol est couvert d'un riche tapis de lichens. De leurs larges sabots, les caribous repoussent la neige , puis ils broutent les lichens enfouis dessous. Là où les lichens abondent, chaque caribou creuse environ 50 cratères pour arriver à obtenir les cinq ou six kilos de lichens qu'il lui faut à chaque jour. À l'arrivée du printemps, poussés par un instinct

millénaire, les caribous commencent à émigrer vers le nord-est, d'abord par petits groupes, puis par troupeaux entiers. Ils sont bientôt des dizaines de milliers de bêtes qui marchent sans arrêt, traversant lacs et fleuves.» Lorsqu'il évoque la spectaculaire migration des quelque 600 000 caribous de la rivière George, à 300 km au nord de Schefferville, Fred Bruemmer aime reprendre une expression d'un Amérindien à cet égard: «La terre entière s'est mise à bouger.» «À l'été, saison pendant laquelle les femelles mettent bas, poursuit-il, les caribous se dispersent dans la toun-

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automne 1987

dra, broutant dans les luxuriantes prairies arctiques et reprenant des forces . Un mâle peut se faire une réserve de graisse de 15 kilos, qui lui servira comme source d'énergie autant pour la migration d'automne et pour la période du rut (vers la fin d'octobre) que pour traverser le rude hiver qui l'attend.» M. Bruemmer rapporte que c'est en fait dès la fin d'août ou le début de septembre que débute la migration automnale. «Les marées vivantes de caribous se rassemblent et se mettent en branle, en troupeaux variant de quelques dizaines à plusieurs milliers de bêtes. Si l'on pouvait calculer

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et additionner tous les déplacements annuels du caribou du Nord québécois, on en arriverait probablement à près de 2500 km par année, termine-t-il.»

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Biologiste à la Direction régionale du Nouveau-Québec du MLCP, Serge Couturier s'occupe de la gestion des troupeaux de cari-

bous du Nord québécois. Il est un des spécialistes auxquels le gouvernement a demandé de contribuer à l'élaboration d'un plan quinquennal (1987-1992) de gestion du caribou, qui devrait être rendu public bientôt. Ce plan de gestion vise à la fois la conservation du troupeau et une mise en valeur qui intègre la possibilité d'augmenter la récolte et le fait que la chasse au caribou est intimement liée au mode de vie traditionnel des autochtones du Nord québécois. Comme nous l'indique M. Couturier, même en comptant les bêtes abat-

tues sur la partie labradorienne du Nord, moins de 30 000 caribous sont abattus annuellement, alors que l'état actuel des troupeaux pourrait permettre une récolte beaucoup plus importante à court terme. Mais comme les besoins des autochtones sont déjà comblés et comme les coûts élevés des expéditions de chasse au caribou empêchent d'augmenter considérablement la récolte sportive, «il serait douteu>.. conclut-il, qu'on puisse en contrôler à court terme les populations.» L'élaboration du plan quinquennal de

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LE MLCP CRAINT UN DÉCLIN DU TROUPEAU Plus grand troupeau de caribous au monde, le troupeau de la rivière George a récemment connu une expansion si forte que les biologistes au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche (MLCP) craignent, depuis quelques années, une surutilisation de l'habitat, suivie d'une baisse draconienne du niveau de la population. Les plus récentes études du MLCP sur l'état de ce troupeau tendraient d'ailleurs à démontrer que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, même si le nombre de têtes en est actuellement, comme le rapporte le biologiste Serge Couturier, à «Un sommet jamais atteint ni approché par aucun autre troupeau en Amérique du Nord», du moins selon les connaissances actuelles, puisque les premières données sur ce troupeau ne datent que de 1955. La condition physique du caribou de la rivière George semblerait en régression. Les carcasses seraient moins grasses qu'auparavant. La longueur de la mandibule aurait légèrement diminué. La maturation des bois chez les mâles se ferait plus tardive, comparativement à il y a dix ans. Même le goût de la viande ne serait plus ce qu'il était, selon certains Inuit. De plus, le poids moyen des femelles, à la fin de l'hiver, est passé de 102 kg, en 1976, à 86 kg, l'an dernier. Quant au ratio «faons par 100 femelles» à l'automne, de 52 qu'il était entre 1973 et 1981, il est tombé sous les 40 depuis octobre 1984. En

outre, la date de la mise bas est, elle aussi, de plus en plus tardive, jusqu'à deux semaines plus tard dans certains cas. Or, il a déjà été démontré chez d'autres troupeaux, confirme M. Couturier, qu'un tel retard dans la date des naissances était causé par la condition physique déficiente des femelles au moment du rut: le piètre état des femelles retarderait l'ovulation, ce qui entraînerait un délai des conceptions et des naissances. Enfin, parmi les Inuit, les plus âgés se remémorent les souvenirs d'une époque où le troupeau avait décliné rapidement et avancent que l'actuelle présence occasionnelle des caribous sur les glaces de la baie d'Ungava représente un signe avant-coureur d'un déclin prochain. Selon des études effectuées sur d'autres troupeaux à travers le monde, moins d'une vingtaine d'années seulement peuvent séparer le moment où un troupeau passe d'un nombre maximal à un nombre minimal. La chute de population peut alors atteindre 50 à 80% ! Par exemple, le troupeau du Nelchina, en Alaska, atteignait vers 1965 son sommet historique de 70 000 bêtes; dix ans plus tard, il touchait son plus bas niveau jamais enregistré, soit 10 000 caribous!

Quand la densité s'emballe Au début de la croissance d'un troupeau de caribous, la densité demeure relativement stable, se maintenant entre 0,3 et 0,5 cari-

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automne 1987

bou par km 2, nous explique M. Couturier. Depuis une dizaine d'années, la densité se situe entre 1,4 et 2 caribous par km 2, soit à peu près la même densité que celle du troupeau du Nelchina avant son déclin. Pour sa part, la densité sur l'aire de mise bas a augmenté de façon encore plus dramatique, puisqu'elle est passée de 4, 1 à 33,2 caribous par km 2 entre 1974 et 1984! Signalons qu'ailleurs en Amérique du Nord, cette densité varie entre 3,8 et 7, 7 caribous par km2 et qu'elle dépasse rarement 11,5 caribous par km 2 . Cette augmentation de la densité entraîne une surutilisation de la strate alimentaire, phénomène que les biologistes veulent contrer pour éviter une éventuelle baisse draconienne du troupeau de caribous de la rivière George. Déjà, pour 1986, tout indique que le nombre de caribous a baissé d'environ 5%. Et si on applique au troupeau de la rivière George des projections effectuées à partir de ce qui s'est passé ailleurs en Amérique, de 600 000 qu'il est aujourd'hui, le nombre pourrait chuter jusqu'à 84 000 en moins de deux décennies. «Ces prévisions sont bien sûr spéculatives, prévient Serge Couturier, et visent surtout à avertir les gestionnaires et la population que le troupeau de la rivière George risque de connaître une phase de déclin plus ou moins importante.»

Tuer obligatoirement une femelle? L'une des solutions avancées par

aire h ivernale

gestion a bien sûr amené les biologistes à mener des recherches qui leur ont permis d'en connaître davantage sur les moeurs du caribou, plus particulièrement sur ses migrations et sur les habitats qu'il utilise pour son alimentation. Les biologistes connaissaient le «patron» général des migrations (le caribou migre au printemps vers le nord-est, etc.), mais il leur fallait en savoir davantage et déterminer, le plus précisément possible, les allées et venues sur le terrain des troupeaux de la rivière George et de la rivière aux Feuilles.

Grâce à des programmes de repérages télémétriques (les biologistes ont saisi des caribous et leur ont fixé des colliers radio-émetteurs) qui ont débuté surtout au début des années 1980, ils en savent aujourd ' hui beaucoup plus. «Nous pouvons maintenant dégager des tendances quant aux migrations du caribou. Mais il ne faudrait pas croire pour autant, prévient M. Couturier, que l'on peut prédire de façon sûre les déplacements précis des grands troupeaux. Le caribou est vraiment un animal trop imprévisible.

Distribution saison· nière des caribous du troupeau de la ri v ière Geo rge,

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le MLCP pour remédier au problème de surpopulation du troupeau était la commercialisation de la viande de caribou du NouveauQuébec. Ce projet a cependant soulevé la controverse. Rappelant qu'à l'exception du lièvre, il est interdit de vendre du gibier sauvage dans la province, et que le caribou de la rivière George serait la deuxième exception à la loi, les groupes écologiques ont quant à eux soulevé trois «points noirs»: le fait que bon nombre de femelles capturées lors de la migration printanière seraient gravides (enceintes) et à la veille de mettre bas; la crainte que la commercialisation de la viande de caribou n'ouvre la porte au braconnage du caribou présent par exemple en Gaspésie, sur la Côte-Nord ou en Abitibi; enfin, la pression sur le troupeau si la viande de caribou connaît beaucoup de succès auprès des Québécois, puisque les entreprises qui en vivront voudront maintenir et augmenter la récolte, peu importe la situation du troupeau (voir «Un troupeau sur le gril», FRANC-NORD, Hiver 1987 et «Les hauts et les bas de notre faune», FRANC-NORD, Printemps 1986). La récolte sportive constitue un autre important outil pour la gestion des troupeaux. Mais, déclare M. Couturier, elle «n'affecte que très peu la démographie du troupeau, à cause de la forte proportion de mâles adultes prélevés par les chasseurs à la recherche de trophées. On a déjà observé que certains troupeaux continuaient de croître malgré un rapport très débalancé des sexes, pouvant

atteindre un mâle pour 12 f emelles. Or, en 1984, une simulation sur ordinateur a permis de prédire qu'une récolte de 50% des mâles du t roupeau de la rivière George n'affecterait pratiquement pas la croissance du troupeau sur une durée de 10 ans. Si la récolte sportive continue d'être fortement axée sur les mâles, il ne faut donc pas s'attendre à ce que ce mode d'exploitation ait un impact majeur sur le troupeau de la rivière George.» De là à suggérer que la récolte sportive touche davantage les femelles, il n'y a qu'un pas. Le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec songerait donc à ajouter à la réglementation de chasse au caribou l'obligation d'abattre au moins une femelle à l'intérieur du quota de deux animaux.

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Chose certa ine, affirme M. Couturier, «notre plus grand troupeau est encore et toujours très nettement sous-exploité et quelques dizaines de milliers de caribous demeurent chaque année sans preneur. Ceci nous fait dire que la meilleure stratégie de gestion en ce moment, comme il y a cinq ans, consiste à exploiter intensivement la ressource et à augmenter la récolte. Même si une telle stratégie demande à être réévaluée régulièrement en fonction des connaissances sur la dynamique du troupeau, il est à peu près certain qu' une diminution à court terme de la taille du troupeau due à une plus forte exploitation ne pourrait qu'être bénéfique. »

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LE CARIBOU DE LA GASPÉSIE

gestion et décrit justement ses habitudes migratoires.

Le Nord québécois constitue la région de la province où les troupeaux de caribous effectuent les migrations les plus impressionnantes. Mais le caribou se retrouve aussi plus au sud, notamment sur le territoire de la Baie-James, sur la Côte-Nord, en Abitibi, en Gaspésie et enfin dans le parc des Grands-Jardins où ils ont été réintroduits.

Même si ce caribou est surtout localisé dans un rayon de cinq à dix kilomètres du mont Albert ainsi qu'au sommet des monts McGerrigle, Jacques-Cartier et Logan, son aire de répartition recouvre environ 700 km 2 situés dans une très grande proportion à l'intérieur du parc de la Gaspésie.

Dans ces derniers cas, les déplacements saisonniers sont cependant beaucoup moins spectaculaires. Mais que la distance parcourue soit grande ou petite, migration il y a et les mêmes lois biologiques sont en cause, sauf que les migrations semblent s'effectuer surtout sur une base altitudinale. François Messier, Jean Ferron et Jean-Pierre Ouellet, du Département de biologie de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), viennent de terminer une étude sur le caribou de la Gaspésie. Le rapport qu'ils ont rédigé synthétise les connaissances sur le troupeau, propose diverses recommandations sur sa conservation et sur sa

À l'automne, les caribous de la Gaspésie, derniers représentants des hardes qui circulaient autrefois dans tout l'est de l'Amérique du Nord, se retrouvent surtout sur les plateaux alpins. Ils se regroupent ainsi en milieu ouvert, soit pour faciliter le succès de leur reproduction (l'accouplement surviendrait vers la fin d'octobre), soit pour profiter des conditions propices d'alimentation. La présence automnale des caribous en montagne «correspond, peut-on lire dans le rapport, à une période d'utilisation intensive des lichens terrestres ainsi qu'à une certaine exploitation de plusieurs espèces de graminées, de cypéracées, de mousses et même d'éricacées.» Mais au début de l'hiver, les candi-

tians d'alimentation en montagne se détériorent graduellement. Les neiges abondantes en hautes altitudes, la formation d'une couche de glace due à des pluies tardives et le durcissement de la neige par l'action des vents rendent difficile la quête de lichens au sol. Les caribous se voient obligés de délaisser les montagnes et de se réfugier dans les milieux boisés avoisinants. Ils s'y alimentent presque exclusivement de lichens arboricoles, soit en se nourrissant à même la partie accesssible des arbres, soit en mangeant les lichens tombés sur la neige. Au printemps, la fonte des neiges sur les plateaux dénudés permettant à nouveau la fréquentation de ces milieux par les caribous, ces derniers recommencent à se déplacer, mais cette fois sur de plus grandes distances. Et à l'été, les milieux fréquentés sont plus nombreux et varient notamment aux points de vue de la végétation et de la typographie, puisqu'ils comprennent alors aussi les vallées et les basses terres.

À l'automne, ils se regroupent enfin en montagne, pour la période du rut.

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Les caribous de la Gaspésie se retrouvent surtout sur les plateaux alpins. Leurs migrations semblent s'effectuer sur une base plutôt altitudinale.

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automne 1987

est d'une taille telle qu'il serait incorrect de parler d'une migration-type.»

Huit étapes Ceci dit, les biologistes identifient tout de même, avec toutes les réserves que commande la prudence, huit étapes importantes de la migration du troupeau de la

rivière George.

1. L'aire hivernale. De décembre à mars, les caribous effectuent des déplacements de faible envergure sur leurs aires d'hivernement. Ils se trouvent alors aux extrémités ouest et sud de leur aire de distribution, soit à peu près sur tout le territoire de la région de la Baie-James. 2. La migration printanière. De mars

à mai, s'amorce la migration printanière vers les sites de mise bas. Les

De 52 qu'il était entre 1973 et 1981, le ratio «faons par 100 femelles» est tombé sous les 40 depuis octobre 1984.

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femelles et les jeunes partent d'abord, suivis plus tard par les mâles. Cette migration voit des dizaines de milliers de caribous traverser la rivière Koksoak à proximité de Kuujjuaq, où se trouve la plus grande population inuit et où s'effectue la plus importante récolte par les autochtones. Ces derniers abattent alors autant les femelles gravides (enceintes) que les jeunes ou les mâles. 3. L'aire de mise bas. Pendant un mois à partir de la mi-mai, les femelles mettent bas et se déplacent peu; elles séjournent alors surtout sur les plateaux toundriques de la rivière Ford, à l'est de la rivière George. Les mâles poursuivent leur migration vers le nord-est. 4. La migration post-partum . Les femelles et leurs faons quittent les sites de mise bas dès la mi-juin et se joignent aux mâles. Les caribous se dirigent vers les aires estivales, situées entre la rivière George et la mer du Labrador. 5 . L'aire estivale. Pendant tout le mois de juillet, les caribous demeurent sur l'aire estivale, où les hautes terres balayées par les vents les soulagent contre le harcèlement des insectes. La nourriture est plus abondante; les déplacements restent de peu d'envergure.

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6. La migration automnale. L'importance du troupeau et la superficie d'habitat nécessaire pour nourrir les caribous font que dès le début d'août, des groupes de caribous commencent à délaisser progressivement l'aire estivale de pâturage. Les mâles et les femelles forment à nouveau

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des groupes distincts, mais suivent le même «patron» de migration. Ils traversent les bassins versants des rivières George, Caniapiscau (rappelons qu'en 1984, 10 000 caribous se sont noyés dans la rivière Caniapiscau) et Koksoak, passant à nouveau à proximité de Kuujjuaq. 7. La période du rut. Pendant environ un mois à compter de la mi-octobre, c'est la période du rut. Les groupes de caribous se composent alors bien sûr de mâles et de femelles et leurs déplacements n'ont que peu d'ampleur. 8. La migration pré-hivernale. Immédiatement après la période du rut, soit du début ou de la mi-novembre jusqu'au tout début de décembre, les groupes de mâles et de femelles se scindent et leurs déplacements semblent erratiques: les troupeaux se dirigent dans diverses directions, se redistribuant sur le territoire, en vue de passer l'hiver.

UN AUTRE PARC POUR PROTÉGER LE CARIBOU?

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Si l'habitat du caribou semble n'avoir été que relativement peu touché jusqu'à tout récemment par l'activité humaine, la pollution atmosphérique, elle, a déjà atteint les milieux nordiques. Le cadmium, un métal lourd relié aux précipitations acides, contamine les reins et les foies des caribous, mais épargne pour l'instant leur chair. Dans celle-ci de même que dans les organes des caribous, on a cependant décelé des taux anormalement élevés de césium radioactif; cette contamination d'origine nucléaire provient non pas de la récente catastrophe de Tchernobyl, comme l'ont laissé entendre à tort certains médias, mais surtout des essais nucléaires des années 1960. Si l'activité humaine n'avait que peu touché jusqu'à récemment l'habitat du caribou, la situation se détériore depuis quelques années. En effet, les biologistes craignent le pire en ce qui concerne les vols militaires à basse altitude effectués par les Alliés sur la BasseCôte-Nord et au Labrador et qui se font parfois à 15 m à peine

Un nouveau produit touristique La boucle est ainsi bouclée dans cette migration d'envergure d'un troupeau dont la taille exceptionnelle lui amène un intérêt tel qu'il offre maintenant des possibilités de développement d'utilisation non consommatrice du caribou, c'est-àdire la mise sur pied d'un nouveau produit touristique basé sur l'observation du caribou. «Le potentiel en ce sens est élevé, rapporte M. Couturier, en raison de l'engouement récent pour ce nouveau type d'activités touristiques, de l'attrait grandissant pour le Nord et de la taille des hardes. Si cela se concrétise, de plus en plus de Québécois pourront afficher leur bonheur d'avoir enfin pu voir de leurs yeux vu un caribou, autrement qu'en photographie ... ou qu'au revers d'une pièce de 25 cents.

au-dessus des territoires fréquentés par les caribous. Et si se concrétise le projet d'établir, à Goose Bay, au Labrador, le Centre d'entraînement de l'OTAN, la fréquence des vols et la superficie des zones survolées augmenteront considérablement.

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site nord-américain désigné en vertu de la Convention de Ramsar qui protège les milieux humides d'intérêt international. Renseignements: Jacqueline Vincent, Service >. Affiche reproduisant une toile de Germain Saint-Pierre et illustrant

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un élan d'Amérique, symbole de la Société zoologique de Québec. Coût: 2$ . Renseignements: Société zoologique de Québec, (418) 627-3072. Montage audio-visuel (cassette vidéo) de l'e?l!J "' ,.,6 --' 0

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Robert Londei

Co-organisateur de la traversée des Laurentides 1988 (14" Édition) Val David

Bravo pour l'article sur les parcs Toutes mes félicitations à Louis Germain pour son article «La misère des parcs provinciaux» (FRANC-NORD, Été 1987), qui fait enfin connaître publiquement un problème qui n'était perçu que par les utilisateurs assidus et les intervenants du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec. Bernard Jolicoeur Bernières

L'ENVIRONNEMENT AUJOURD'HUI, F'OUR DEMAIN 12e congrès annuel de !'Association des biologistes du Québec 13 au 15 novembre, à Montréal Les questions environnementales tiennent maintenant une grande place dans les préoccupations des gens. Au cours des deux dernières décennies, les gens ont pris de plus en plus conscience de l'importance de l'environnement, tant pour leur bien-être personnel que pour l'économie. En effet, notre existence même et notre façon de vivre en dépendent. Cela justifie largement l'attention que nous devrions accorder à la qualité de l'environnement. L'Association des biologistes du Québec, organisme professionnel à but non lucratif, ne fait pas exception . En effet, depuis sa création en 1973, cette association prend position sur plusieurs dossiers, principalement de nature environnementale. Dans cette optique, cette année, le 12e congrès qui se tient à Montréal du 13 au 15 novembre, à l'Hôtel Quatre-Saisons, aura pour thème: «L'environnement aujourd'hui, pour demain». Les biologistes s'interrogeront alors sur la façon dont les ressources naturelles (eau, faune, forêt, etc.) sont exploitées et sur leur pérennité, des questions d'actualité sur lesquelles non seulement des biologistes, mais également des médecins, des économistes et des sociologues se pencheront. Des conférenciers réputés et des débats animés annoncent un congrès fort intéressant. L'honorable Clifford Lincoln, ministre de l'Environnement du Québec, fera l'allocution d'ouverture de ce congrès. Le 12 e congrès de I' Association des biologistes du Québec, une rencontre à ne pas manquer! Il est à noter qu'il n'est pas nécessaire d'être membre de l'association pour participer au congrès. L'i nvitation est lancée à tous ceux et celles qui s'intéressent au sort des ressources naturelles de demain. Pour de plus amples informations, veullez contacter le secrétariat de l'Association des biologistes du Québec, 45 est rue Jarry, Montréal, H2P 159, (514) 387-2368.

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L-~~~""""-~~~~~-""-~~========~~~~~~~_J~~ Le béluga et Alcan Même s'il est vrai que les bélugas ont ingurgité leurs nombreuses matières contaminantes de plusieurs sources différentes venant des Grands Lacs et du bassin du SaguenaySaint-Laurent et que, par conséquent, leur présent état de détérioration ne peut être attribué seulement aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et aux benzo-a-pyrènes (BaP) émis par I' Alcan, ce que tout le monde reconnaît, je crois néanmoins qu' il est possible que nous soyons en train de perdre de vue le vrai problème qui est celui-ci: I' Alcan continue à émettre, dans la région du Saguenay-Lac-SaintJean, des substances reconnues comme étant une menace sérieuse pour la santé et l'environnement. Même en mettant de côté la question des bélugas, il faut tout de même se rappeler que la région du Saguenay-Lac-SaintJean est une région où nous trouvons un niveau très élevé de cancer et de défauts à la naissance (Atlas canadien de la santé et de la mortalité, Santé et Bien-Être Canada, 1984) et qu'une étude épidémiologique a démontré que le taux élevé de cas de cancer de la vésicule constaté chez les habitants de Chicoutimi fut considéré comme intimement associé au fait que les gens sont exposés aux BaP présents dans le processus de fabrication de l' aluminium (Thériault, G. et al, J. Can . Med. Assoc. 124/419, 1981 , et The Lancet, 1/94 7, 1984). De plus, en lisant l' article d'André Delisle, je fus frappée par le fait qu'il n'y a aucune mention de la part de qui que ce soit concernant la nécessité d'un échéancier indiquant à I' Alcan de réduire et de mettre un

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terme à ses émissions de benzo-a-pyrènes et d'autres matières dangereuses comme les HAP dans le milieu environnant, et ce, malgré que les BaP soient bien reconnus comme étant cancérigènes et que même I' Alcan a déclaré publiquement qu'elle doit réduire à zéro ses émissions d' ici quelques années (The Gazette, 11 septembre 1986). Même si l'Alcan a annoncé l' installation de nouveaux hauts-fourneaux à Laterrière pour remplacer les vieux hauts-fourneaux d'Arvida, on n'a fixé aucune date précise pour la mise en marche de ces nouvelles installations. Rappelons-nous que la mise en marche des hauts-fourneaux de Laterrière a déjà été annoncée, puis reportée à plus tard à cause de la baisse des prix de l'aluminium. Ceci ne pourrait-il pas se produire à nouveau? Finalement, je trouve surprenant qu'à l'exception de Greenpeace (qui exige qu'Alcan modernise ses équipements dans le but d' éliminer toutes les émissions dangereuses), les autres groupements préoccupés par la protection de l' environnement semblent tous endormis par les bonnes intentions exprimées par I' Alcan. En plus d'accepter des contributions utiles de cette compagnie, je crois que ces groupements doivent pousser les recherches beaucoup plus loin qu'ils ne l' ont fait jusqu'ici et qu'ils doivent ensuite, chacun de leur côté, faire une déclaration claire pour indiquer sans équivoque au public et à nos gouvernements ce qu'ils croient devoir être accompli à propos des HAP et des BaP émis continuellement par Alcan dans l'environnement. Léone Pippard Consultante en environnement marin Sainte-Pétronille, Île d'Orléans

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_ _ _ _ _Les actl;1alités_ _ _ __ UNE TRUITE DE TROP, EST-CE BRACOHNER? Selon un sondage scientifique réalisé par des firmes spécialisées pour le compte du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche (MLCP), si 80% des Québécois sont d'accord pour affirmer que «braconner, c'est voler», la moitié de la population attache cependant peu d'importance au fait de dépasser la limite permise de poissons pêchés! Les Québécois associeraient-ils uniquement à la chasse la réalité du

SOINS D'URGENCE POUR RAPACES Les oiseaux de proie retrouvés blessés bénéficient maintenant d'un réseau de traitement structuré à l'échelle du Québec. Le Centre de recherche sur les rapaces du Collège MacDonald (Université McGill), la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal et le Jardin zoologique du Québec ont décidé de mettre leurs efforts en commun afin de créer l'Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie (UQROP), dont le but est de soigner les rapaces blessés et de les retourner dans leur milieu naturel.

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braconnage? Dans le rapport d'analyse accompagnant les résultats de ce sondage (effectué par téléphone auprès de 200 personnes de 15 ans et plus habitant les régions du Bas-SaintLaurent-Gaspésie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de la Mauricie et de !'Outaouais), on fait état des propos tenus par certains répondants et où on peut déceler d'étranges perceptions: «On pardonne beaucoup plus facilement au petit braconnier parce que tout le monde braconne un peu», «les quotas sont calculés en fonction de

La procédure à suivre si vous trouvez un oiseau de proie blessé est simple: il suffit de communiquer avec l'une des trois institutions membres de l'UQROP* ou d'informer un agent du MLCP, qui veillera au transport de l'animal. Même si la création du réseau est relativement récente, on soigne les oiseaux depuis maintenant un an à la clinique de Saint-Hyacinthe. Les oiseaux proviennent de différentes espèces, allant de la crécerelle d'Amérique au harfang des neiges, en passant par le pygar-

deux ou trois poissons de plus», «quand les gens n'ont pas pris leur quota la première fois, ils ont droit à deux poissons de plus la fois suivante»! Dans un de ses textes, André-A. Bellemare, chroniqueur de chasse et de pêche au quotidien Le Soleil, décrit très bien la «psychologie» du phénomène et ses conséquences sur la conservation des différentes espèces: «Dans un immense territoire sauvage, le pêcheur solitaire a l'impression de poser un geste sans conséquences, lorsqu'il prend quelques truites de plus que la

gue à tête blanche, le balbuzard, l'autour des palombes, etc. S'il est difficile de dire quelle espèce d'oiseau «Visite» le plus souvent la clinique, c'est totalement différent lorsque vient le moment de mentionner les blessures les plus fréquentes. «Ce sont les blessures occasionnées par des plombs de fusil, des collisions avec des automobiles ou encore par des pièges posés par des trappeurs, explique le président de l'UQROP. Nous recevons aussi des oiseaux «orphelins», sans

limite autorisée. Mais si un million de pêcheurs répètent ce geste, l'impact est pire que celui du braconnage organisé! Car au bout de la ligne, ce sont des millions de poissons de plus que prévu qui sont pris et qui ne seront pas là pour se reproduire.» Faut-il en conclure que les Québécois ne sont pas conscients de l'impact cumulatif du braconnage «léger»? Chose certaine, le MLCP devra tenir compte de cette triste réalité dans la lutte qu' il a lancée récemment contre le braconnage au Québec.

oublier ceux souffrant d' empoisonnement dû à des pesticides ou à d'autres produits chimiques.»

Jean Paquin

* Jardin zoologique du Québec: (418) 622-0313 Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal: (514) 773-8525, local 230 Centre de recherche sur les rapaces du Collèg~MacDonald: (514)1 398-7932

Les oiseaux de proies blessés peuvent donc compter sur un service complet de soins allant de la «cueillette» et du transport par le Jardin zoologique à la remise en liberté, en passant par les soins à la Faculté de médecine vétérinaire et la convalescence au Centre de recherche sur les rapaces. «L'association avec le Jardin zoologique du Québec est importante, souligne Guy Fitzgerald, président de l'UQROP, puisqu'elle permet de couvrir l'ensemble du territoire québécois, grâce au réseau d'agents de conservation de la faune du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche auquel appartient le Jardin.»

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