Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de ...

La loi permet aussi aux personnes autorisées de fouiller tout véhicule suspecté et d'en ..... doit prendre ses responsabilités et lancer une campagne autonome, ...
2MB taille 131 téléchargements 231 vues
Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Observations, conclusions et recommandationS

février 2012

Commission des finances publiques

assnat.qc.ca

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Observations, conclusions et recommandationS

février 2012

Commission des finances publiques

assnat.qc.ca

Publié par la Direction des travaux parlementaires de l’Assemblée nationale du Québec Édifice Pamphile-Le May 1035, des Parlementaires, 3e étage Québec (Québec) G1A 1A3

Pour tout renseignement complémentaire sur les travaux de la Commission des finances publiques veuillez vous adresser à la secrétaire de la Commission, Mme Emilie Bevan, à l’adresse indiquée ci-dessus ou encore par : Téléphone : 418 643-2722 Télécopie : 418 643-0248 Courrier électronique : [email protected]

Vous trouverez ce document dans la section « Travaux parlementaires » du site Internet de l’Assemblée nationale : www.assnat.qc.ca

ISBN: 978-2-550-64174-2 (Imprimé) ISBN: 978-2-550-64175-9 (PDF) DÉPÔT LÉGAL - BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC, FÉVRIER 2012

LES MEMBRES ET LES COLLABORATEURS DE LA COMMISSION DES FINANCES PUBLIQUES Le président M.

Claude Bachand (Arthabaska)

La vice-présidente Mme Agnès Maltais (Taschereau) Les membres M. M. M. M. M. M. M. M.

Vincent Auclair (Vimont) Raymond Bernier (Montmorency) Stéphane Billette (Huntingdon) Marc Carrière (Chapleau) Emmanuel Dubourg (Viau) Luc Ferland (Ungava) Nicolas Marceau (Rousseau) Irvin Pelletier (Rimouski)

Autres députés ayant participé M. M. M. M. M.

Stéphane Bergeron (Verchères) François Bonnardel (Shefford) Guy Ouellette (Chomedey) Alain Paquet (Laval-des-Rapides) Bertrand St-Arnaud (Chambly)

Secrétaire de la Commission Mme Emilie Bevan, Direction des travaux parlementaires Agent de recherche M.

Samuel Houngué, Service de la recherche, Bibliothèque de l’Assemblée nationale

Agente de secrétariat Mme Marie-Claude Monnerat, Direction des travaux parlementaires Révision linguistique Mme Danielle Simard, Service de la recherche, Bibliothèque de l’Assemblée nationale

TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS ........................................................................................................................................ 1 INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 3 1. LA PROBLÉMATIQUE DE LA CONTREBANDE DU TABAC .......................................................................... 3 1.1

Le tabagisme................................................................................................................................ 4

1.2

La contrebande de tabac, le crime organisé et les pertes fiscales ................................................ 4

1.3

L’Organisation mondiale de la santé et le tabagisme .................................................................. 6

1.4

La contrebande de tabac dans quelques pays .............................................................................. 6

1.5

La vente de cigarettes et la contrebande au Canada et au Québec ............................................ 11 1.5.1 1.5.2 1.5.3 1.5.4 1.5.5 1.5.6

Le cadre législatif de la vente de cigarettes au Canada et au Québec......................... 11 La contrebande au Canada et au Québec .................................................................... 12 Les politiques de lutte contre la contrebande au Canada et au Québec ...................... 13 Les effets des lois et des politiques au Québec ............................................................. 14 Des politiques de lutte contre le tabac illicite dans quelques pays .............................. 15 Le contexte particulier du Canada et du Québec ......................................................... 16

2. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION ...................................................................................................... 16 2.1

Les enjeux de la lutte contre la contrebande du tabac ............................................................... 17

2.2

Les recommandations et les mesures des mémoires.................................................................. 17

3. LES ÉCHANGES ENTRE LA COMMISSION ET LES TÉMOINS .................................................................... 20 3.1

Les sujets abordés...................................................................................................................... 20

3.2

La position de deux communautés autochtones ........................................................................ 23 3.2.1 3.2.2

L’ouverture d’Akwesasne ............................................................................................. 23 Le besoin de temps de Kahnawake ............................................................................... 24

4. LES COMMENTAIRES DE LA COMMISSION ............................................................................................ 24 5. LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION ..................................................................................... 26

ANNEXES Annexe A : Annexe B :

Résumé du point de vue des Autochtones sur les obstacles à la lutte contre la contrebande selon une étude Entente sur la fiscalité du tabac, des carburants et des boissons alcooliques entre le Québec et Kahnawake

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

AVANT-PROPOS Le 9 décembre 2010, la Commission des finances publiques s’est donné, en vertu de l’article 149 du Règlement de l’Assemblée nationale, un mandat d’initiative intitulé : Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande. Devant l’ampleur du phénomène de la contrebande des produits du tabac et ses multiples conséquences, la Commission a convenu, le 9 décembre 2010, de se pencher sur la problématique et sur les moyens de l’atténuer, sinon de l’éliminer. À la suite de la prorogation de la 1re session de la 39e législature le 22 février 2011, la Commission s’est à nouveau saisie du mandat le 24 mars 2011, conservant le libellé et les balises. Les objectifs du mandat sont : ¾

De faire état des mesures mises en place ici, notamment par Revenu Québec;

¾

De faire état des mesures mises en place sous d’autres juridictions;

¾

D’identifier les impacts de la contrebande du tabac sur les revenus fiscaux de l’État québécois;

¾

D’évaluer et, le cas échéant, recommander des solutions pour contrer la consommation du tabac de contrebande et sa banalisation.

Les balises à l’intérieur desquelles doit s’exercer le mandat sont : ¾

De ne pas envisager la diminution des taxes sur les produits du tabac comme solution possible à ce phénomène;

¾

D’aborder la question de la contrebande du tabac en mettant en évidence le problème engendré par l’acceptabilité sociale de l’usage de tabac de contrebande;

¾

De ne pas présenter ou étudier le phénomène de la contrebande du tabac de manière à cibler certaines communautés particulières.

Pour réaliser le mandat, la Commission a décidé de tenir des consultations particulières. Treize groupes ont accepté l’invitation des parlementaires et ont été reçus dans l’ordre suivant : ¾

L’Agence du revenu du Québec (ARQ);

¾

L’Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA);

¾

L’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ);

Rapport

1

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

¾

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac;

¾

L’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ);

¾

Imperial Tobacco Canada Limitée (ITCL);

¾

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec;

¾

La Sûreté du Québec (SQ);

¾

Le Conseil de bande d’Akwesasne;

¾

Le ministère de la Sécurité publique (MSP);

¾

L’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ);

¾

L’Association nationale des distributeurs aux petites surfaces alimentaires (NACDA);

¾

Le Conseil de bande de Kahnawake.

Onze des treize invités1 ont déposé des mémoires. De plus, la Commission a reçu le compte rendu des auditions tenues par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes les 7, 12 et 14 mai 2008, les 4 et 9 juin 2008 et le 27 avril 2010. Ces documents ont alimenté la réflexion des députés québécois. Les auditions particulières de la Commission des finances publiques se sont tenues pendant trois jours, soit les 17, 18 et 19 octobre 2011.

1

2

Les conseils de bande d’Akwesasne et de Kahnawake n’ont pas produit de mémoire.

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

INTRODUCTION Les 17, 18 et 19 octobre 2011, la Commission des finances publiques a entendu des groupes préoccupés par les effets de la contrebande des produits du tabac et du tabagisme. Les auditions publiques ont eu lieu dans le cadre du mandat d’initiative que s’est donné la Commission sur l’étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande. Au total, la Commission a entendu 13 groupes ou associations. D’entrée de jeu, la Commission souhaite remercier l’ensemble des groupes qui ont participé à ces auditions publiques et qui ont fait, par leurs mémoires, leurs témoignages, leurs réflexions et leurs propositions, avancer les travaux relatifs à la lutte contre la contrebande des produits du tabac. Dès l’adoption du mandat d’initiative, d’abord en décembre 2010, puis en mars 2011, et tout au long des auditions publiques, la Commission a orienté ses efforts vers la recherche de solutions. C’est aussi dans cet esprit que la Commission dépose son rapport à l’Assemblée nationale. La Commission propose des mesures qu’elle croit pertinentes pour lutter efficacement contre la contrebande des produits du tabac et, par le fait même, endiguer ses conséquences néfastes sur la société. La première partie du texte présentera la problématique de la contrebande du tabac. Les deuxième et troisième parties résumeront respectivement les travaux de la Commission et les échanges entre celle-ci et les témoins, tandis que la quatrième partie fera part des commentaires des membres de la Commission. La dernière partie présentera les recommandations des parlementaires.

1. LA PROBLÉMATIQUE DE LA CONTREBANDE DU TABAC La consommation de produits issus de la contrebande du tabac est un phénomène bien connu et documenté au Canada et ailleurs dans le monde. Les consommateurs expliquent cette tendance par les taxes « trop » élevées sur les cigarettes légales. Le geste de rechercher et d’acheter des cigarettes de contrebande en est ainsi devenu banal et, pourrait-on dire, socialement acceptable parmi les fumeurs. Ainsi, au moins deux groupes d’effets indésirables peuvent être associés à la contrebande de cigarettes : les effets sur la santé et les effets de revenus. D’une part, parce que les cigarettes de contrebande sont accessibles à bas prix, elles incitent à la consommation du produit et augmentent le tabagisme, c’est-à-dire l’ensemble des troubles physiologiques et psychiques provoqués par l’abus du tabac. D’autre part, parce qu’elles se négocient sur le marché noir, elles privent les gouvernements de revenus importants et, comme il est de plus en plus démontré, facilitent le financement d’activités criminelles comme le commerce de la drogue ou des armes à feu.

Rapport

3

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

1.1 Le tabagisme Qu’elles soient légales ou illégales, les cigarettes ont des effets sur la santé humaine. Selon l’Organisation mondiale de la santé2, plus de 5 millions de personnes meurent des suites du tabagisme chaque année et ce nombre doublera d’ici 2020. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec3, la fumée du tabac contient plus de 4 000 produits chimiques dont au moins 50 causent ou favorisent le cancer. Le tabac est responsable de plusieurs maladies coronariennes et vasculaires. Au Québec, il tue annuellement quelque 10 400 personnes dont 200 par simple exposition à la fumée des cigarettes des autres. On estime qu’au Québec, 23 % des personnes âgées de 12 ans et plus font usage du tabac. Le taux de tabagisme est de 31 % chez les 20-24 ans et de 15 % chez les jeunes du secondaire. Les cigarettes sont nocives pour la santé et coûtent beaucoup d’argent en soins de santé. Selon une étude réalisée en 2006, en 2002, le tabagisme coûtait annuellement au Québec 3,96 milliards de dollars4 en coûts directs en soins de santé, en perte de productivité et en programmes de prévention. Par ailleurs, dans une étude réalisée en 2005, on estimait que chaque baisse de 1 % du taux de tabagisme au Québec se traduit par une économie annuelle de 41 millions de dollars en frais de soins de santé5. Si les cigarettes légales ou illégales sont toutes deux nocives, ces dernières posent un problème particulier en raison de leur bas prix qui les rend accessibles aux fumeurs, surtout les jeunes. De plus, il n’est pas rare de voir ces derniers, attirés par des gains faciles, vendre le produit illicite à leurs camarades. L’initiation des personnes d’âge mineur à la vente de produits illégaux prépare celles-ci à des activités répréhensibles, voire criminelles, dans leur vie adulte.

1.2 La contrebande de tabac, le crime organisé et les pertes fiscales Les produits du tabac de contrebande sont des produits qui ne sont pas conformes aux lois du pays où ils se vendent. Il s’agit notamment des lois ayant trait à l’importation, à l’estampillage, aux droits d’accise, à la fabrication, à la distribution et aux taxes de vente. Le trafic illicite du tabac est une « affaire florissante » dans le monde. Les produits illégaux du tabac proviennent de différents endroits comme la Chine, la Russie, les réserves et territoires amérindiens de l’État de New York et du Canada, le Pakistan et l’Afrique du Nord.

2

3

4

5

4

Organisation mondiale de la santé, Le tabac mortel sous toutes ses formes, http://www.who.int/tobacco/communications/events/wntd/2006/fr/index.html, réf. de novembre 2011. Ministère de la Santé et des Services sociaux, http://www.msss.gouv.qc.ca/sujets/santepub/tabac/index.php?Unmelange-de-produits-chimiques, réf. de novembre 2011. J. Rehm et autres. Les coûts de l’abus de substances au Canada 2002, mars 2006, http://www.ccsa.ca/ 2006%20CCSA%20Documents/ccsa-011333-2006.pdf, réf. de novembre 2011. P. Ouellet et autres. Étude d’impact des modifications proposées à la Loi sur le tabac : préparée pour le compte du ministère de la Santé et des Services sociaux, 21 mars 2005, http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/ documentation/2005/Rap-Tabac-22-03-2005.pdf, réf. de novembre 2011.

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Ils proviennent aussi bien des usines qui fabriquent sans permis que des fabricants légaux dont les produits sont contrefaits ou soustraits aux droits et aux taxes par un jeu complexe d’exportimport. Les cigarettes constituent le produit de consommation qui fait l’objet du plus vaste trafic de contrebande dans le monde. On estime que le commerce illicite de ce bien représente 11 % de la vente mondiale de cigarettes, soit à peu près 600 milliards de cigarettes par an6. En plus de nuire à la santé, ce commerce illicite finance le crime organisé et les organisations terroristes. En effet, la participation grandissante du crime organisé dans la contrebande du tabac signifie que les profits récoltés servent à financer d’autres activités criminelles comme le trafic d’armes à feu et de drogues. Ainsi, à l’international, la majorité du trafic est contrôlé par les sociétés du crime organisé transnational, ce qui leur permet de financer leurs organisations ou même le terrorisme. Par exemple, l’IRA7 est impliquée dans le trafic de cigarette en Irlande8. Plus près de nous, la GRC indique que des groupes criminalisés sont impliqués dans le trafic de cigarettes de contrebande. Selon une enquête publiée dans The Gazette, des motards criminels, des mafieux italiens, irlandais, russes et asiatiques sont impliqués dans la fabrication, la distribution et la vente au détail de produits du tabac illicite. Le journal rapporte que, selon la chef mohawk de Kahnawake, Mme Rhonda Kirby, « tout le monde sait que le crime organisé est ici. En fait, quelques propriétaires de boutiques de tabac voudraient abandonner le commerce, mais les gangs les forcent à continuer9 ». La contrebande de cigarettes fait également perdre beaucoup de recettes aux gouvernements. On estime que, dans le monde, les 600 milliards de cigarettes vendues illégalement font perdre aux gouvernements quelque 40 milliards de dollars américains en recettes fiscales seulement10 chaque année. Au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux perdent annuellement 2,4 milliards de dollars11, soit 18,5 cents par cigarette. Pour le gouvernement du Québec, les évaluations des pertes fiscales varient. Ainsi, certaines sources indiquent que le ministère des Finances les estime à 300 millions de dollars12 par an. Pour sa part, le ministère du Revenu les a estimées à 275 millions13 de dollars en 2007.

6

Framework Convention Alliance, How big was the global illicit tobacco trade problem in 2006? IRA : Irish Republican Army. 8 « L’IRA, de la lutte armée au trafic de cigarettes », The Irish Times, 4 mars 2010, http://www.presseurop.eu/ fr/content/article/203661-l-ira-de-la-lutte-armee-au-trafic-de-cigarettes, réf. de décembre 2011. 9 « L’origine des cigarettes de contrebande se déplace d’Akwesasne vers Kahnawake : enquête », The Gazette, tiré de Info-tabac, no 78, mai 2009, http://www.info-tabac.ca/revue78/contrebande.htm. En mai 2011, la chef Mme Rhonda Kirby était responsable du dossier du travail au conseil mohawk de Kahnawake. 10 Framework Convention Alliance, How big was the global illicit tobacco trade problem in 2006? 11 Association canadienne des dépanneurs en alimentation, L’ACDA demande un gel sur toute nouvelle réglementation et taxe sur le tabac. 12 Baptiste Ricard-Châtelain, « Contrebande de tabac : pertes fiscales difficiles à évaluer », Le Soleil, 22 juillet 2009. 13 Discours du ministre du Revenu, M. Jean-Marc Fournier, le 16 septembre 2008, à l’occasion du colloque sur le commerce illicite de la Fédération des chambres de commerce du Québec. 7

Rapport

5

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Enfin, dans le mémoire qu’il a présenté à la Commission, le ministère des Finances indique que les pertes fiscales reliées au tabac de contrebande se sont élevées à 225 millions de dollars en 2010. Les variations dans les pertes fiscales s’expliquent par le fait que, les cigarettes de contrebande se négociant sur le marché noir, les données sur l’importance du phénomène proviennent d’estimations, et celles-ci varient selon les hypothèses.

1.3 L’Organisation mondiale de la santé et le tabagisme Devant l’expansion du tabagisme dans le monde, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé, en 2003, la négociation de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLA14). Premier traité négocié sous les auspices de l’OMS, la convention est entrée en vigueur le 27 février 2005 et est signée par 168 pays. En vertu de cette convention, les pays signataires s’engagent à adopter des mesures (financières, fiscales et non financières15) pour réduire la demande de tabac. La convention prescrit aussi des dispositions visant à réduire l’offre de tabac dont notamment l’élimination du commerce illicite du tabac, l’interdiction de la vente aux mineurs et par les mineurs ainsi que la fourniture d’un appui à des activités de remplacement économiquement viables. Par ailleurs, réunis à Genève le 21 octobre 2008, les pays se sont donné comme mission de conclure un traité international pour combattre la contrebande de cigarettes et d’autres trafics illicites en rapport avec le tabac16. C’est donc dire que la contrebande des produits du tabac est une préoccupation majeure dans plusieurs pays. Voici une brève description de l’état de la situation du phénomène et des moyens utilisés pour le contrer dans quelques pays.

1.4 La contrebande de tabac dans quelques pays Australie En Australie, le commerce illicite de tabac revêt trois formes : la contrebande à petite échelle entre les États et les territoires, la vente libre de tabac brut non traité et la contrebande à grande échelle des cigarettes manufacturées. De 2007 à 2009, les autorités portuaires et aéroportuaires ont saisi quelque 715 tonnes de tabac et 217 millions de cigarettes. Le tabac illégal australien provient de l’Indonésie, de la Chine, du Vietnam, de la Syrie, des Philippines, du Brésil et des Émirats arabes unis.

14

Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLA) = Framework Convention on Tobacco Control (FCTC). Au nombre des mesures autres que financières, on peut citer la protection contre l’exposition à la fumée du tabac, la réglementation de la composition des produits du tabac, la réglementation des informations sur les produits du tabac à communiquer, le conditionnement et l’étiquetage du tabac, l’éducation, la formation et la sensibilisation du public, la réglementation de la publicité et de la promotion du tabac. 16 « De nouveaux rapports d’enquête décrivent l’importante étendue des activités de contrebande de cigarettes dans le monde et appuient la nécessité d’un traité solide pour combattre ce problème », déclaration de M. Matthew L. Myers, président de la campagne Tobacco-Free Kids, CNW Telbec, 21 octobre 2008, réf. de novembre 2011. 15

6

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

La part des cigarettes illicites dans la consommation de produits du tabac en Australie est passée de 6,4 % en 2007 à 12,3 % en 2009. On estime que la contrebande a fait perdre quelque 624 millions de dollars au gouvernement fédéral en 2009 contre 450 millions en 2007. Pour lutter contre la contrebande du tabac, l’Australie s’appuie sur son service de renseignements, sur une technologie avancée de rayons X et sur une étroite collaboration entre les agents fédéraux et ceux des États. Elle obtient aussi l’aide de l’industrie du tabac. Brésil Les cigarettes de contrebande comptent pour environ 37 % des produits du tabac consommés au Brésil. Une grande partie de ces cigarettes est exportée vers les pays voisins17, puis retournée sur le marché noir brésilien. Pour combattre cette contrebande, le gouvernement brésilien imposa une taxe de 150 % sur les cigarettes destinées à l’exportation. Cette mesure eut pour effet de faire baisser les exportations brésiliennes de cigarettes de 89 % en un an. Mais elle incita les multinationales de cigarettes à s’installer dans les pays voisins, notamment au Paraguay18 et en Uruguay, et à importer les feuilles de tabac du Brésil. C’est alors que le Brésil étendit la taxe de 150 % au tabac brut exporté vers ces deux pays, et ce, malgré le traité du Mercosur19. Parallèlement, le Brésil exigea l’octroi de licence à ses fabricants et mit en œuvre un système national de contrôle : un système de comptage automatique des cigarettes fabriquées sur chaque chaîne de production du pays et un système d’estampillage fiscal digital qui attribue un code unique à chaque paquet de cigarettes. Ce système digital, qui permet la traçabilité des cigarettes, est géré par le ministère des Finances20. Le coût du système est payé par les fabricants, à hauteur de 1,7 cent américain par paquet. Californie En Californie, selon une estimation, en 2001-2002, 25 % des détaillants vendaient des cigarettes contrefaites. Afin de mieux contrôler la chaîne de distribution et de limiter la perte de revenu de l’État, les autorités adoptent le Cigarette and Tobacco Products Licensing Act. En vertu de cette loi, le permis de vente de cigarettes devint obligatoire en 2004, un système d’estampillage fiscal digital à encre invisible fut instauré en 2005 (celui-ci rend la contrefaçon difficile) et des enquêteurs supplémentaires furent engagés. La Loi impose également des amendes pouvant atteindre 25 000 $ pour la possession, la vente ou l’achat de cigarettes contrefaites ou pour l’estampillage frauduleux des cigarettes.

17

O. Shafey, V. Cokkinides et autres : Case studies in international tobacco surveillance, Cigarette smuggling in Brazil, Tobacco control 2002. 18 Le nombre de manufactures de cigarettes au Paraguay passa de 2 à 29 en quelques années. 19 Traité de marché intégré entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay signé en 1991. 20 Avec le nouveau système d’estampillage fiscal digital, il est possible de rapidement distinguer les vraies cigarettes des fausses et de vérifier l’authenticité des tampons fiscaux sur les paquets.

Rapport

7

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Après l’implantation de ces mesures, les saisies de produits contrefaits chez les détaillants ont diminué de même que le pourcentage de ces derniers qui vendent des produits illégaux. Ainsi, en juin 2007, l’application de mesures ayant coûté 9 millions de dollars a amené une réduction de la fraude fiscale annuelle de 37 %, soit un gain annuel de quelque 110 millions de dollars en recettes fiscales21. Espagne En Espagne, les cigarettes de contrebande à grande échelle sont essentiellement américaines. Il s’agit de la marque Winston de la compagnie R.J. Reynolds basée en Suisse. En 1998, l’Espagne saisit une cargaison de 80 millions de cigarettes de contrebande fournies par R.J. Reynolds. Celle-ci refusa de collaborer à l’enquête, invoquant la loi du secret bancaire suisse. L’Union européenne réclama alors l’aide des États-Unis pour combattre la contrebande en vertu d’un accord d’assistance douanière mutuelle EU-UE de 1997. L’aide américaine permit de faire la preuve de la contrebande des cigarettes de Reynolds en Espagne et aussi en Grèce et en Albanie. Pour lutter contre cette contrebande à grande échelle, l’Espagne investit dans ses ressources douanières et d’enquête et améliora sa technologie de marquage des cigarettes. Les investissements dans ses infrastructures augmentèrent de 4 millions d’euros en 1993-1996 à 40 millions en 1996-2000. La part des cigarettes illégales passa alors de 16 % à 2 % et les revenus fiscaux des cigarettes, de 2,3 milliards à 5,2 milliards d’euros. Par ailleurs, pour lutter contre la contrebande à petite échelle22, l’Espagne collabora avec le Bureau européen de la fraude pour arrêter le flux illégal de cigarettes en provenance de Gibraltar23 et d’Andorre24. La surveillance à la frontière d’Andorre fut renforcée et, sous les pressions de l’Union européenne, ce pays légiféra pour rendre illégale la contrebande de cigarettes dirigée vers les pays voisins. États-Unis Aux États-Unis, la contrebande prend la forme de la vente de cigarettes achetées dans les États où la taxe est faible25 dans les États où la taxe est élevée26. Elle consiste aussi dans la vente de cigarettes non taxées volées. Les cigarettes achetées dans les États à faible taxe sont remballées et marquées d’une estampe imitant celle de l’État à taxe élevée auquel elles sont destinées. Les cigarettes sont ensuite vendues aux magasins à prix réduit, contre de la drogue, contre d’autres biens contrefaits ou contre des armes.

21

Action pour une enfance sans tabac, Commerce illicite du tabac, Profits illégaux et danger public, octobre 2008. Achat dans les États à faible taxation pour la revente dans les États à forte taxation. 23 Territoire britannique d’outre-mer depuis 1704, Gibraltar est situé au sud de l’Espagne, qui le revendique au Royaume-Uni. 24 La principauté d’Andorre est un petit pays d’Europe du Sud situé dans les Pyrénées entre l’Espagne et la France. Réputée pour ses pistes de ski et ses faibles taxes, elle est aussi souvent considérée comme un paradis fiscal. 25 Comme la Caroline du Sud. 26 Comme New York ou le New Jersey. 22

8

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

La taxe fédérale, de l’ordre de 1,3 $ le paquet en 2009, est payée à la production. La taxe des États est prélevée à la consommation. En conséquence, ce sont les États qui perdent des revenus à cause de la contrebande. On estime leur manque à gagner annuel en taxes de vente et en taxes d’accise à près de 5 milliards de dollars. Les cinq États qui perdent le plus sont New York, la Californie, le New Jersey, la Pennsylvanie et Washington. Pour lutter contre la contrebande, le gouvernement fédéral américain édicta en 1978 le Contraband Cigarette Trafficking Act qui fut modifié en 2006. Cette loi est appliquée par le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF). La Loi traite, entre autres, du transport inter-États, de la possession et de la vente de cigarettes illégales27. Elle criminalise la possession ou la vente de cigarettes de contrebande et impose des amendes ainsi qu’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans. Les États et les municipalités édictent aussi leurs lois pour combattre les groupes criminels. Italie En Italie, les ventes de cigarettes illégales, principalement la marque Marlboro de la compagnie américaine Phillip Morris, sont passées de 1,5 million de kilogrammes en 1985 à 8,4 millions en 1992 et à 17 millions en 1998. Des États-Unis, les cigarettes sont exportées légalement vers la Belgique en transit28, puis à différents endroits dans le but de brouiller les pistes et de rendre difficile l’identification du véritable propriétaire. Les paiements sont faits en monnaie sonnante ou à partir de paradis fiscaux comme le Liechtenstein ou de pays à secret bancaire comme la Suisse. Les conteneurs sont ensuite transférés du régime légal de transit dans des entrepôts non surveillés des ports monténégrins. De là, ils sont transférés la nuit par bateau en Italie, où les cigarettes sont vendues dans les rues. Un accord signé en 2004 entre la Communauté européenne et Phillip Morris permit de contrer la contrebande. La compagnie s’est engagée à payer 1 milliard de dollars répartis sur 12 ans et à payer davantage si ses cigarettes continuent d’être saisies en Europe. Elle s’est aussi engagée à contrôler son réseau de distribution et ses systèmes de marquage et de traçabilité des caisses, des cartouches et des paquets. La diminution des expéditions américaines vers la Belgique a aussi aidé la lutte contre la contrebande en Italie. Au total, celle-ci passa de 15 % dans les années 1990 à 2 % en 2006. Royaume-Uni Au Royaume-Uni, le marché de la contrebande de cigarettes a crû de 3 % en 1996-1997 à 21 % en 2000-2001. Deux marques29 de la compagnie Imperial Tobacco comptent pour la moitié des 16 milliards de cigarettes qui y sont vendues illégalement. Les cigarettes sont exportées légalement, sans taxes, vers certaines destinations30, puis sont illégalement réintroduites au

27

L’industrie du tabac légal est réglementée par l’ATTB (Alcohol and Tobacco Taxe and Trade Bureau). Les cigarettes sont franches de taxes puisque destinées à un autre pays. 29 Il s’agit des marques Regal et Superkings. 30 Ces marchés sont situés en Lettonie, à Kaliningrad (Russie), en Afghanistan, en Moldavie et à Andorre. (L. Joossens and M. Raw, Progress in combatting cigarette smuggling, septembre 2008). 28

Rapport

9

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Royaume-Uni par un réseau de contrebandiers. Au début des années 2000, les cigarettes ainsi détournées constituaient plus de 80 % du marché illégal du tabac de ce pays. Pour contrer le commerce illicite de cigarettes, le Royaume-Uni a adopté plusieurs mesures dont une sophistication du marquage et du contrôle des cigarettes, une augmentation du nombre de douaniers, l’obligation des manufacturiers d’empêcher la contrebande de leurs produits, une plus grande sensibilisation du public et une augmentation des peines aux contrebandiers arrêtés. Ces mesures ont fait diminuer la contrebande à grande échelle de 21 % en 2000-2001 à 13 % en 2005-2006. Une partie des cigarettes illicites d’aujourd’hui provient de territoires où la taxe sur le tabac est plus faible31 et de la contrefaçon32. De plus, depuis octobre 2007, tous les paquets de cigarettes légaux fabriqués pour le marché local comportent des éléments de sécurité secrets permettant aux autorités de vérifier instantanément l’authenticité d’un produit sur les rayons des détaillants33. Union européenne En 2009, 10 % des cigarettes vendues dans l’Union européenne provenaient de la contrebande. La perte annuelle en recettes fiscales y atteignait 7 milliards d’euros. Les écarts entre les niveaux de taxation du tabac des pays membres constituent la force motrice de la contrebande. Par exemple, en Pologne, la taxe est de 64 euros pour 1 000 cigarettes contre 249 euros en Irlande et 229 euros en Angleterre. Pour barrer la route au trafic du tabac à la frontière polonaise34, à partir de 2010, ce pays a investi 33 millions d’euros dans des véhicules et de l’équipement spécialisé, dans un centre de contrôle et dans des communications électroniques. Par ailleurs, tout comme Phillip Morris en 2004, Japan Tobacco International a signé en 2007 avec les pays membres de l’Union européenne35 un accord de 15 ans pour combattre le commerce illicite du tabac qu’elle fabrique. Entre autres, les compagnies s’engagent à : ¾

Ne vendre leurs produits qu’aux clients qui respectent les lois locales;

¾

Développer des programmes de conformité sévère pour les étapes de production, de vente, de distribution et d’entreposage des cigarettes;

¾

Respecter des procédures de paiement transparentes pour toutes les transactions;

31

Par exemple, en 2008, le prix d’un paquet de Marlboro au Royaume-Uni est 8 fois plus élevé qu’en Russie et 12 fois plus élevé qu’en Ukraine. L. Joossens and M. Raw, op cit. 32 La contrefaçon représente 25 % des cigarettes illégales dans le pays. L. Joossens and M. Raw, op cit. 33 Les détails de la technologie ne sont pas révélées et découlent d’un accord volontaire entre l’industrie et le gouvernement. 34 En 2009, les douanes, les agents des services frontaliers et la police de ce pays ont intercepté 750 millions de cigarettes, près de 100 millions de plus qu’en 2008. La Pologne est considérée comme la plaque tournante de la contrebande de cigarettes en provenance de l’Est vers les pays de l’Union européenne. 35 Le Royaume-Uni s’est joint à l’entente en 2009.

10

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

¾

Établir, à moyen terme, un système de suivi et de traçage des caisses et des cartouches et à plus long terme, des paquets de cigarettes36.

1.5 La vente de cigarettes et la contrebande au Canada et au Québec 1.5.1 Le cadre législatif de la vente de cigarettes au Canada et au Québec Canada La production, la vente et la possession de produits du tabac au Canada sont encadrées par la Loi de 2001 sur l’accise et par trois règlements fédéraux. La Loi prescrit, entre autres, l’estampillage légal des produits du tabac et prévoit les peines en cas d’infraction. L’Agence du revenu du Canada et la GRC appliquent cette loi. En vertu de la Loi de 2001 sur l’accise, l’Agence du revenu du Canada délivre les permis de fabrication de cigarettes, inspecte les producteurs de tabac, les manufacturiers et les détaillants de tabac. Le ministre du Revenu peut révoquer le permis du fabricant si celui-ci lui interdit l’accès à son usine. Il peut aussi sanctionner les manufacturiers non licenciés qui importent ou qui ont en leur possession des équipements de fabrication de cigarettes. La GRC voit au respect de la disposition de la Loi de 2001 sur l’accise qui interdit la fabrication sans permis de cigarettes ainsi que la possession, le transport et la vente de cigarettes non estampillées37. La GRC se concentre sur la fabrication et la distribution à grande échelle de cigarettes illégales impliquant le crime organisé. Elle collabore avec la police mohawk d’Akwesasne et avec les douaniers, mais sévit rarement contre les fabricants illégaux des réserves et territoires. Québec Au Québec, le commerce des produits du tabac est encadré par la Loi concernant l’impôt sur le tabac et son règlement d’application. En vertu de cette loi, les paquets de cigarettes et les sacs de tabac doivent porter un timbre ou un ruban indiquant que les droits ont été acquittés par le fabricant. La loi permet aussi aux personnes autorisées de fouiller tout véhicule suspecté et d’en saisir le contenu, le cas échéant. Au cours des dernières années, la loi a été modifiée à quelques reprises. Ainsi : ¾

En 2004, la Loi concernant l’impôt sur le tabac a été modifiée pour contrôler l’importation, le transport, l’entreposage et la vente de feuilles de tabac. Une escouade de saisie des feuilles de tabac destinées à des manufacturiers non licenciés a été créée la même année;

36

Concernant cet engagement, Phillip Morris International et Japan Tobacco International fabriquent des coffrets contenant 10 000 cigarettes chacun avec un code-barres unique d’information (marque, lieu, date et heure de production, machines). Les données sont aussi emmagasinées dans une base de données à laquelle ont accès les membres autorisés des pays de l’Union pour fin de vérification. 37 C’est-à-dire les cigarettes sur lesquelles les taxes n’ont pas été payées.

Rapport

11

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

¾

En 2006, la Loi concernant l’impôt sur le tabac a été modifiée pour interdire la possession et la vente de produits du tabac contrefaits et pour augmenter les amendes relatives aux crimes reliés à la contrebande;

¾

En 2008, la Loi concernant l’impôt sur le tabac a été modifiée pour rendre illégale la livraison de produits du tabac par un manufacturier en règle à une autre partie sans permis. En outre, l’achat ou la prise de livraison de tabac par l’intermédiaire d’une partie sans permis est interdite. Enfin, les importateurs de tabac ont l’obligation d’avoir des registres des biens importés;

¾

Le 19 novembre 2009, la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac (projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac) a été sanctionnée. Entre autres, elle impose un moratoire sur la délivrance de permis de manufacturier, hausse le montant de certaines amendes, impose de nouvelles pénalités fiscales et donne de nouveaux pouvoirs d’intervention aux corps policiers.

1.5.2 La contrebande au Canada et au Québec En 2007, plus du tiers des cigarettes fumées au Québec et en Ontario provenaient de la contrebande et plus de 90 % de ces cigarettes illégales étaient issues de réserves et territoires autochtones. Elles sont de plus en plus livrées par la poste et par les services de messagerie. Selon la GRC, plus de 150 groupes associés au crime organisé sont impliqués dans le trafic du tabac illégal au Canada. Une grande quantité des cigarettes de contrebande distribuées sur le marché canadien sortent de quatre territoires mohawks du Québec et de l’Ontario, mais la matière première arrive d’aussi loin que la Chine, l’Amérique latine, le Brésil, l’Argentine et les États-Unis. Les cigarettes sont roulées dans le territoire américain d’Akwesasne38, à Kahnawake (près de Montréal) et dans les territoires ontariens des Six Nations et de Tyendinaga. Une très grande partie de cette production est vendue hors réserve39. Les autres sources de cigarettes de contrebande sont celles importées de la Chine et d’ailleurs et qui arrivent par conteneurs, des marques canadiennes expédiées dans les réserves et territoires autochtones sans taxes avant d’être retournées hors réserve40 et les cigarettes volées. La situation canadienne

38

À la 28e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale tenue le 7 mai 2008, le représentant de la GRC a indiqué que l’organisme a jusqu’à présent identifié entre 11 et 13 fabricants non autorisés sur le territoire d’Akwesasne. 39 B. Ricard-Châtelain, « Des cigarettes illégales qui font beaucoup de chemin », Le Soleil, 22 juillet 2009. 40 Notons que dans les années 1990, des cigarettes légales sont exportées en grande quantité vers les États-Unis exemptes de taxes pour être ensuite retournées au Canada. Cette pratique constitue encore une quantité appréciable de cigarettes de contrebande dans les pays, notamment en Europe.

12

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

actuelle est donc différente de celle des années 1990 où la contrebande était surtout constituée de cigarettes fabriquées par les manufacturiers légaux, exportées sans taxes aux États-Unis et ramenées en contrebande au Canada pour y être vendues. Selon Santé Canada, la consommation de produits du tabac légaux a baissé entre 1994 et 2008. Au Québec, ils sont passés de 8 585 millions d’unités de cigarettes en 2004 à 6 147 millions d’unités en 2008 pour augmenter à 6 759 millions en 2009. La consommation de produits illicites du tabac est plus difficile à cerner. Des estimations situent le marché québécois à 31 % de la consommation totale en 2007 et à entre 25 % et 40 % par an. Toutefois, selon les dernières estimations du ministère des Finances, le taux de contrebande en 2010-2011 est de 20 %41.

1.5.3 Les politiques de lutte contre la contrebande au Canada et au Québec Canada Au fédéral, la lutte contre la contrebande de cigarettes comporte deux volets : la Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande (Stratégie) et le Groupe de travail sur les produits illicites du tabac (Groupe). Rendue publique le 7 mai 2008, la Stratégie met de l’avant huit priorités42 visant à réduire l’offre et la demande de tabac de contrebande au pays tout en contribuant aux objectifs du gouvernement en matière de santé. Cette stratégie fera l’objet d’un examen complet de la GRC au bout de trois ans afin de s’assurer que ses priorités correspondent aux réalités du monde de la contrebande de tabac. Entre-temps, un rapport doit être publié à chaque anniversaire du lancement de la Stratégie pour rendre compte des progrès ainsi que des ajustements nécessaires. Le premier rapport a été présenté au ministre de la Sécurité publique du Canada en juillet 200943. Toujours au fédéral et parallèlement au dévoilement de la Stratégie, le ministre de la Sécurité publique du Canada a annoncé la création du Groupe de travail sur les produits illicites du tabac (Groupe) formé de représentants des ministères et des organismes44 participant à la lutte contre le tabac. L’objectif du Groupe est de relever des mesures qui contribueront à perturber et à réduire le commerce illicite du tabac. Le Groupe est aussi chargé de déterminer les circonstances facilitantes pour chaque source de tabac illicite et l’importance de cette source. Il doit également recenser les mesures prises pour en venir à bout et examiner différentes approches de lutte contre le marché illicite des produits du tabac.

41

Revenu Québec et ministère des Finances du Québec, Mémoire présenté à la Commission des finances publiques sur l’étude des mesures pour contrer la consommation de tabac de contrebande, septembre 2011. 42 Au nombre de celles-ci : ébranler le crime organisé et la chaîne d’approvisionnement, coordonner, collaborer et créer des partenariats, éduquer et sensibiliser sur son incidence sur le crime et contribuer à la mise au point d’instruments législatifs et réglementaires. 43 Gendarmerie royal du Canada et Groupe de travail sur le commerce illicite des produits de tabac, Rapport sur la situation du tabac de contrebande au Canada, juillet 2009. 44 Il s’agit notamment de la Gendarmerie royale du Canada, de l’Agence des services frontaliers du Canada, de l’Agence du revenu du Canada ainsi que des ministères suivants : Finances, Agriculture et Agroalimantaire, Santé et Affaires indiennes et du Nord.

Rapport

13

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Québec Au Québec, la politique de lutte contre la contrebande du tabac s’articule autour du Programme ACCES45 tabac mis sur pied en 2001 par le ministère de la Sécurité publique. Le programme comporte un volet inspection et un volet enquête. En vertu du volet inspection, les inspecteurs du ministère du Revenu du Québec vérifient dans les dépanneurs et les autres points de vente l’identification du tabac qui s’y trouve. Ils s’assurent aussi que l’impôt sur le tabac a été payé ou perçu. En vertu du volet enquête, les policiers cherchent à détecter et à démanteler les réseaux d’approvisionnement et de distribution illégaux des produits du tabac. Les corps policiers impliqués dans ce volet sont la Sûreté du Québec, le Service de police de la Ville de Montréal et d’autres services de police municipaux, par exemple dans Lanaudière.

1.5.4 Les effets des lois et des politiques au Québec Les différentes lois et politiques pour contrer la contrebande de cigarettes, tant fédérales que québécoises, ont eu des effets au Québec. Ainsi, en 2009-2010, près de 15 millions de dollars de tabac de contrebande ont été saisis au Québec, en hausse de plus de 100 % par rapport à 2005200646. De 2004 à 2008, les condamnations ont augmenté de 1 500 % et les saisies, de 456 %. En avril, mai et juin 2009, la Sûreté du Québec a saisi 18 649 kilogrammes de tabac brut, soit autant que durant toute l’année 2008. Les amendes sont passées de 7,1 millions de dollars en 2008-2009 à 10,3 millions de dollars en 2009-201047 et les taxes perçues (TPS et TVQ), de 13,5 millions de dollars à 14,5 millions de dollars. Par ailleurs, les pertes fiscales qui s’élevaient à 300 millions de dollars en 2008 ont diminué à 225 millions de dollars en 2010 selon le ministère des Finances. Ces résultats ont été obtenus grâce, entre autres, à l’augmentation, au fil des ans, du budget québécois de la lutte contre la contrebande de cigarettes. En effet, celui-ci est passé de 954 000 $ en 2004 à 4,3 millions de dollars en 2010. Les amendes imposées varient de 300 $ à 2,5 millions de dollars.

45

ACCES pour actions concertées pour contrer les économies souterraines. Les quatre objectifs du programme sont de favoriser l’intégrité du régime fiscal, de rétablir l’ordre et la probité dans le commerce du tabac, de réduire la concurrence déloyale à l’endroit des détaillants légaux et de lutter contre un type de criminalité où il n’y a pas de plaignants. Le programme est administré par un comité regroupant le ministère des Finances, le ministère du Revenu, le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Sûreté du Québec, le Service de police de la Ville de Montréal, l’Association des directeurs de police du Québec, la Gendarmerie royale du Canada et le ministère de la Sécurité publique, qui le coordonne. 46 Toutefois, selon des estimations du Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, ces saisies représentent moins de 0,2 % des cigarettes illicites fumées au Québec selon les années. 47 Pas moins de 1 602 personnes ont été condamnées à payer des amendes dont les trois quarts pour possession simple de cigarettes illicites.

14

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

1.5.5 Des politiques de lutte contre le tabac illicite dans quelques pays Une étude internationale sur les politiques de lutte contre la contrebande de cigarettes48 a relevé dix mesures appliquées dans six administrations dont le Canada. Ces mesures sont le permis, l’estampillage, le suivi et la traçabilité, l’enregistrement pour fins de contrôle, une meilleure application des lois et des règlements, les taxes à l’exportation, l’harmonisation des taxes, les accords fiscaux49 avec les Autochtones, les accords avec l’industrie et les campagnes de sensibilisation du public. Selon cette étude, le Canada vient en tête de liste avec huit mesures en application. La Californie suit avec cinq. Le tableau qui suit présente le classement des administrations comparées.

Permis Marquage et étiquetage Suivi et traçabilité Enregistrement Application des lois et règlements Taxe à l’exportation Harmonisation des taxes Accords fiscaux avec les Autochtones Accord avec les industries Sensibilisation de la population

Canada x x x x x x x x

Californie x x x x x

Brésil x x x

RU (1)

UE (2)

Australie x

x x x

x x x

x x

x

Source : Jeff Sweeting, Teela Johnson et Robert Schwartz, Anti-Contraband Policy Measures : Evidence for Better Practice, juin 2009. (1) Royaume-Uni (2) Union européenne

Ainsi, le Canada, et donc le Québec, est déjà premier dans l’application des mesures. Néanmoins, les deux mesures manquantes sont importantes pour le suivi et la sensibilisation de la population. Par ailleurs, sur la base de cette comparaison, on peut se demander pour quels motifs le taux de contrebande au Canada et au Québec est toujours, et de loin, plus élevé que dans plusieurs autres pays, comme le révèle le tableau suivant. Administration Australie Brésil Espagne Italie Royaume-Uni Union européenne Californie États-Unis Québec

Taux de contrebande (%) 12,3 37,0 2,0 2,0 13,0 10,0 n.d. n.d. 20,0

Année 2009 n.d. 2000 2000 2006 2009

2010

48

J. Sweeting, T. Johnson et R. Schwartz, Anti-Contraband Policy Measures : Evidence for Better Practice, juin 2009. 49 Des accords en matière de taxe sur les produits et services autochtones ont été signés entre le fédéral et les Autochtones du Manitoba et de la Saskatchewan.

Rapport

15

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

1.5.6 Le contexte particulier du Canada et du Québec Comme nous l’avons vu plus haut, dans la plupart des pays, le tabac de contrebande est surtout constitué de cigarettes légales détournées et de cigarettes contrefaites50. Selon ce que nous avons vu dans la section 1.4, les mesures implantées dans plusieurs pays ont fait baisser la part relative des cigarettes illégales dans le commerce des produits du tabac. Les cigarettes détournées51 et les cigarettes contrefaites existent encore au Canada et au Québec. Les mesures prises à leur égard ont sans doute contribué à la réduction de leur importance. Toutefois, il existe une autre forme de contrebande de tabac propre au Canada et aux États-Unis. Elle est constituée des cigarettes produites dans les réserves et territoires autochtones52 et distribuées par un réseau organisé. En outre, les tensions entre les gouvernements et les conseils de bande nuisent au dialogue en vue de mettre fin à l’activité illégale. Il n’est donc pas surprenant que, malgré l’application de huit des dix mesures anticontrebande recensées, la part du marché noir des cigarettes au Québec soit en proportion encore bien plus élevée que dans la plupart des pays de la section 1.4. À cet égard, il est révélateur de constater que, à une table ronde d’experts formée par les auteurs de l’étude précitée53 et exclusivement consacrée aux perspectives autochtones sur les mesures de lutte contre la contrebande de cigarettes, les Premières Nations ont énuméré les obstacles qui entravent, selon elles, la lutte contre l’activité illégale provenant des réserves et territoires. Ces barrières portent notamment sur l’économie des réserves, sur leur autonomie, sur leur perception, sur la multitude des intervenants en matière autochtone, sur le système des quotas et sur le besoin d’éducation. Un résumé du point de vue des Autochtones sur ces obstacles tel que présenté dans l’étude figure à l’annexe A.

2. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION Dans le cadre des consultations particulières, la Commission a reçu en tout 11 mémoires et entendu 13 groupes. Dans l’ensemble, les mémoires révèlent les préoccupations des auteurs à l’égard des effets du tabagisme en général, et de la consommation du tabac de contrebande en particulier. Ces préoccupations constituent les enjeux de la lutte contre la contrebande du tabac.

50

Les cigarettes contrefaites sont des cigarettes qui portent une marque de commerce existante sans le consentement du propriétaire de ladite marque. Ces deux groupes diffèrent des cigarettes qui ne portent aucune marque de commerce. 51 Elles sont soit fabriquées licitement et illicitement aux États-Unis, puis passées en contrebande au Canada, exonérées de toute taxe et détournées, soit fabriquées dans d’autres pays et introduites au Canada dans des conteneurs maritimes, soit simplement volées. 52 À la 28e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale tenue le 7 mai 2008, le représentant de la GRC a aussi indiqué que l’organisme a identifié 11 fabricants non autorisés à Kahnawake (près de Montréal) et 7 dans la réserve ontarienne des Six Nations. Par ailleurs, dans le rapport d’étape pour la période allant de mai 2008 à mai 2009 de la Stratégie de lutte contre la contrebande, il est indiqué que, selon les estimations de la GRC, le nombre de fabricants sans permis dans la partie américaine d’Akwesasne varie de 6 à 12 et le nombre de fabricants sans permis sur les territoires autochtones du Canada varie entre 25 et 45. 53 J. Sweeting, T. Johnson et R. Schwartz, op. cit.

16

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

2.1 Les enjeux de la lutte contre la contrebande du tabac Les principaux enjeux soulevés dans les mémoires sont : ¾

Les dangers du tabagisme et particulièrement le tabagisme chez les jeunes;

¾

La taxe spécifique québécoise qui est de 18 $ inférieure à la moyenne canadienne;

¾

La réémergence de la croissance de la contrebande du tabac entre 2003 et 2009;

¾

L’effet de la baisse de la vente de cigarettes légales sur les dépanneurs;

¾

La vente de produits du tabac aux personnes d’âge mineur;

¾

Le marquage, la traçabilité et le suivi des cigarettes;

¾

Les points d’entrée au Canada non surveillés, faute de ressources;

¾

L’éducation et la sensibilisation du public sur la contrebande de cigarettes;

¾

La collaboration entre les ordres de gouvernement et les Premières Nations;

¾

L’adhésion des corps policiers municipaux à la lutte contre la contrebande;

¾

La correspondance entre les amendes imposées et le coût des procédures;

¾

Les enquêtes des policiers en vertu du Code criminel seulement. Ils ne peuvent intervenir en vertu de la Loi sur l’administration fiscale.

2.2 Les recommandations et les mesures des mémoires Les témoins proposent en tout 14 recommandations et 16 mesures selon la terminologie utilisée dans les mémoires. Aux fins du présent rapport, nous avons regroupé ces recommandations et mesures en quatre catégories : les mesures législatives ou réglementaires, les mesures fiscales, les mesures de sensibilisation et les mesures autres. Concernant les mesures législatives ou réglementaires, les personnes consultées veulent notamment un gel de la réglementation sur la vente des produits du tabac, l’imposition de fortes amendes aux mineurs qui essaient de se procurer des cigarettes, le resserrement des mesures de contrôle, d’estampillage et de la traçabilité des cigarettes.

Rapport

17

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Concernant les mesures fiscales, les groupes invités veulent notamment le maintien des taxes sur les cigarettes à leur niveau actuel et l’instauration, par les Premières Nations, d’une taxe comparable à la taxe provinciale. Concernant les mesures de sensibilisation, les témoins pressent les gouvernements de mettre sur pied des campagnes d’éducation et de sensibilisation sur les effets de la consommation de cigarettes de contrebande. La quatrième catégorie regroupe les recommandations ou mesures qui ne tombent dans aucune des trois classes précédentes. Elles vont de propositions sur des négociations de partage de revenus avec les Autochtones à l’encouragement des corps de police municipaux à participer à la lutte contre la contrebande en passant par l’extension du programme du genre VITAL (ventes illégales de tabac à Laval) ou ACCES tabac à tout le Québec. Le tableau suivant présente les recommandations et les mesures selon cette catégorisation. Chaque mesure est suivie du sigle du proposant.

Tableau de regroupement des recommandations et mesures des déposants Mesures législatives ou réglementaires 1. Que l’Assemblée nationale adopte une motion afin que le gouvernement fédéral fasse davantage en matière de lutte à la contrebande de tabac et, dans un deuxième temps; que le gouvernement du Québec fasse des représentations auprès du fédéral et du gouvernement de l’Ontario en vue de créer une commission tripartite Québec-Ontario-Ottawa consacrée à la lutte à la contrebande de tabac, dont l’objectif premier serait d’entendre les groupes concernés et les experts des différents ministères afin de proposer un plan d’action intégré tirant un profit maximal des ressources de chaque gouvernement et s’assurant qu’ils agissent de concert. (ACDAAQDA) 2. Adopter un gel de toute réglementation sur la vente légale du tabac tant et aussi longtemps que la contrebande n’est pas sous contrôle. (ACDA-AQDA) 3. Rendre illégale la possession ou l’usage de cigarettes non identifiées par un fabricant reconnu. (ADAQ) 4. Imposer aux mineurs qui essaient d’acheter des cigarettes une forte amende en cas de refus de s’identifier ou de la production d’une fausse pièce d’identité. (ADAQ) 5. Interdire l’approvisionnement de matières premières aux fabricants non licenciés. (Coalition) 6. Instaurer des permis spéciaux pour les entreprises ou individus qui importent, exportent ou transportent du matériel utilisé dans la fabrication de cigarettes et tenir un registre des renseignements pertinents. (Coalition) 7. Obliger les détenteurs de permis à produire des rapports mensuels de leurs activités reliées aux produits du tabac. (Coalition) 8. Favoriser l’interception et la saisie du tabac de contrebande par les divers corps policiers et inspecteurs du Québec, notamment ceux des municipalités, grâce à des outils simples et appropriés, dont un inventaire des produits du tabac vendus légalement au Québec. (Coalition) 9. Instaurer un marquage distinctif (repères visuels) pour les produits destinés à la vente légale dans les réserves et dans les boutiques hors taxe. (Coalition) 10. Obliger l’apposition d’un marquage permanent (« Qc ») indiquant que les produits du tabac sont destinés à la vente au Québec. (Coalition) 11. Collaborer avec le fédéral pour la mise en place d’un système de marquage et de traçage pour tout produit du tabac vendu ou distribué au Québec. (Coalition) 12. Prévoir, à même la Loi concernant l’impôt sur le tabac, une disposition de destruction rapide des pièces à conviction après leur saisie. Certains dossiers nécessitent actuellement jusqu’à 3 ans d’attente avant de pouvoir disposer de la marchandise saisie. (ADPQ)

18

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande Tableau de regroupement des recommandations et mesures des déposants 13. Il serait moins coûteux et plus facile pour les policiers de pouvoir enquêter en vertu de l’article 40.1.1 de la Loi sur l’administration fiscale comme les enquêteurs de l’Agence du revenu du Québec (ARQ) plutôt qu’en vertu du Code criminel exclusivement. De plus, il serait opportun de modifier cette loi afin de simplifier l’échange d’information entre les policiers et l’ARQ. (ADPQ) 14. Pour contrôler la vente des produits du tabac aux mineurs, l’AMDEQ demande au gouvernement de doter la carte d’assurance maladie d’un code-barres qui permettrait à ses membres de vérifier l’âge d’un client ou de différencier la couleur de la carte d’assurance maladie selon que son titulaire est une personne mineure ou majeure. (AMDEQ) Mesures fiscales 1. Que le ministère des Finances maintienne le taux de la taxe sur le tabac à son niveau actuel, et ce, tant et aussi longtemps que le problème de contrebande n’est pas sous contrôle. (ACDA-AQDA) 2. Éviter toute hausse de taxes sur les produits du tabac qui inciterait les consommateurs québécois à opter pour le marché illégal et minerait tous les efforts réalisés à ce jour. (ITCL) 3. En ce qui concerne les taxes sur le tabac, il faut maintenir le statu quo, car leur augmentation ferait du tort aux dépanneurs en relançant la contrebande. (AMDEQ) 4. Les Premières Nations pourraient implanter leur propre taxe sur les produits du tabac qui serait ensuite redistribuée dans la collectivité. (NACDA) Mesures de sensibilisation 1. Que le gouvernement du Québec entreprenne une campagne de publicité anticontrebande destinée au grand public, à l’image de ses campagnes contre l’alcool au volant, dans le but d’alimenter au sein du public la réprobation sociale vis-à-vis le commerce illicite. (ACDA-AQDA) 2. Que le ministère de la Sécurité publique demande à la Sûreté du Québec d’orchestrer des barrages routiers de sensibilisation à la contrebande de tabac. (ACDA-AQDA) 3. Mettre l’accent sur l’éducation du public par une campagne de sensibilisation exhaustive visant à informer les citoyens des répercussions du tabac illégal, de la possession et de la vente de produits illégaux. Cette campagne doit idéalement être financée conjointement par le fédéral (qui a aggravé la situation en délivrant davantage de permis de manufacturier) et le Québec. Toutefois, si le fédéral s’y refuse, le Québec doit prendre ses responsabilités et lancer une campagne autonome, distincte de celle de toute tierce partie. (ITCL) 4. Mettre en œuvre des campagnes d’information et de sensibilisation en précisant clairement les obligations des fumeurs quant à leur consommation de tabac de contrebande. (MSSS) 5. Il serait souhaitable que l’État prenne en charge le volet éducatif de la population en ce qui a trait aux effets pervers de la contrebande de tabac et de la consommation des produits de contrebande. (ADPQ) Autres mesures 1. Que le Secrétariat aux affaires autochtones entreprenne des discussions avec les conseils de bande de Kahnawake et de Kanesatake sur une entente « gagnant-gagnant » afin que cesse la vente de tabac sans taxe à grande échelle aux non-autochtones. (ACDA-AQDA) 2. Que le gouvernement du Québec porte une attention accrue à la surveillance du secteur Saint-Anicet en créant ou en affectant une escouade spéciale qui viendrait seconder les efforts du détachement de la GRC de Salaberryde-Valleyfield et accentuer la sécurité des frontières en collaboration avec les autorités américaines, en particulier celles de l’État de New York qui régissent la réserve d’Akwesasne. (ACDA-AQDA) 3. Étendre le programme VITAL partout au Québec et augmenter les ressources qui lui sont consacrées. (ADAQ) 4. Améliorer la sécurité aux frontières en créant un groupe de travail dans la région de Salaberry-de-Valleyfield similaire à celui de Cornwall pour une surveillance 24 heures par jour et en insistant auprès du fédéral pour que le poste de douanes canadiennes de Cornwall/Akwesasne soit situé en permanence à Cornwall. (ITCL) 5. Demander l’implication du gouvernement fédéral par la formation d’un groupe de travail intergouvernemental (fédéral, Ontario et Québec) en vue de prendre des mesures décisives et de consolider les ressources, d’inspecter les 49 fabriques autochtones de tabac titulaires d’un permis, de faire appliquer les lois fédérales et provinciales dans les réserves des Premières Nations et de fermer les fabriques illégales. (ITCL) 6. Il serait souhaitable de maintenir et d’améliorer les programmes incitatifs permettant la participation des corps de police à l’effort collectif et à sa coordination. (ADPQ) 7. Une zone hors taxe sur les territoires autochtones pour permettre aux Premières Nations de vendre leurs produits et ceux d’autres manufacturiers à prix réduit pour autant que tous les produits soient conformes à toutes les lois (NACDA).

Rapport

19

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande Tableau de regroupement des recommandations et mesures des déposants Sigles utilisés pour identifier les groupes ACDA : Association canadienne des dépanneurs en alimentation ADAQ : Association des détaillants en alimentation du Québec Coalition : Coalition québécoise pour le contrôle du tabac ADPQ : Association des directeurs de police du Québec ITCL : Imperial Tobacco Canada Limitée MSSS : Ministère de la Santé et des Services sociaux AMDEQ : Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec NACDA : Association nationale des distributeurs aux petites surfaces alimentaires

3. LES ÉCHANGES ENTRE LA COMMISSION ET LES TÉMOINS 3.1 Les sujets abordés Les échanges des membres de la Commission avec les invités ont notamment porté sur la lutte contre le tabagisme, sur les effets de la hausse de la contrebande sur les dépanneurs et sur le gouvernement, sur l’estimation des pertes fiscales, sur le projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac, sur les relations du Québec avec ses voisins, sur les taxes autochtones, sur les corps policiers et la contrebande et sur quelques mesures potentielles. La lutte contre le tabagisme Selon certains témoins, au Québec, la cigarette n’est pas elle-même illégale; c’est plutôt l’emballage qui peut l’être. En conséquence, il faudrait modifier la Loi sur le tabac pour rendre la cigarette non taxée illégale. Une telle mesure aurait pour effet de créer la peur d’être sanctionné. Elle consisterait, par exemple, à marquer les cigarettes ou à instaurer un registre où tous les produits du tabac existants seraient identifiés. La diminution du tabagisme qui en résulterait se traduirait par une économie appréciable, car, selon des estimations, une diminution de 1 % du tabagisme permet d’économiser en coûts directs (coûts pour le MSSS), une somme récurrente de 41 millions de dollars par année. À cela, s’ajoutent les économies en coûts indirects (absentéisme, perte de productivité, etc.). Les effets de la hausse de la contrebande sur les dépanneurs et sur le gouvernement Les parlementaires ont voulu savoir comment la baisse de la vente des cigarettes, qui représente entre 5 % et 15 % des bénéfices des dépanneurs, peut entraîner la fermeture d’autant d’entreprises que le prétendent les associations représentant ces marchands. Les témoins ont répondu que la baisse de la vente de cigarettes s’accompagne de celle de l’achalandage dans les dépanneurs. Cette situation est aggravée par la concurrence que livrent aux dépanneurs les supermarchés pour la vente de la bière, un autre produit qui crée de l’achalandage. À cette diminution de la clientèle, s’ajoute la lourdeur administrative et réglementaire qui accroît les coûts d’exploitation des marchands. Quant aux répercussions pour les gouvernements, en plus des coûts de la santé, il y a les pertes fiscales. À cet égard, selon les estimations du ministère des Finances, la contrebande du tabac a fait perdre au gouvernement québécois 300 et 225 millions de dollars en recettes fiscales respectivement en 2008 et en 2010.

20

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

L’estimation des pertes fiscales Les membres de la Commission ont été informés de la méthode utilisée pour estimer les pertes fiscales de 225 millions de dollars au Québec en 2010. Dans un premier temps, les taxes perçues sont transformées en millions de cigarettes. Pour les cigarettes fumées, on procède notamment par sondage. On demande au répondant s’il est fumeur et quelle est sa consommation quotidienne de cigarettes, le cas échéant. Cette façon de procéder est utilisée par toutes les provinces canadiennes54. Elle a permis d’établir qu’en 2010, 20 % des cigarettes fumées au Québec provenaient de la contrebande. Cela représente des pertes fiscales de 225 millions de dollars pour cette année. L’identification des paquets et des cigarettes À la demande des députés, il a été expliqué qu’au fédéral, le nouveau régime d’identification des paquets de cigarettes est en vigueur et obligatoire depuis le 1er avril 201155. Le Québec suit un cheminement analogue. Il incite actuellement les manufacturiers qui vendent leurs cigarettes au Québec à apposer une identification « Québec » sur les paquets. Des discussions sont en cours, qui visent à rendre ce régime d’identification obligatoire le 1er avril 2012. Quant à la certification des composantes des cigarettes et à la traçabilité56, certains témoins estiment leurs coûts trop élevés pour que l’opération soit rentable. De plus, ils avancent que les contrebandiers sophistiqués pourraient imiter rapidement les identifiants. Pour ces témoins, se limiter au régime d’identification actuel serait suffisant. Les députés ont également été informés que la question entourant un éventuel registre des produits légaux du tabac a fait l’objet de discussions entre certains ministères, mais n’a jamais été soumise aux fabricants. Le projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac Les députés ont appris, non sans surprise, que certaines mesures contenues dans le projet de loi no 59 adopté à l’automne 2009 n’apportent pas encore les résultats visés. En effet, il leur a été dit qu’en vertu du projet de loi, 5 millions de dollars ont été perçus et qu’aucun permis de manufacturier de tabac n’a été délivré57. En revanche, aucun permis de conduire n’a encore été suspendu comme prescrit par le projet de loi alors qu’il s’est effectué plus de 1 600 saisies en 2010. Cette situation est attribuable au délai de la mise en œuvre de la disposition relative au permis de conduire. De plus, les corps policiers municipaux estiment les mesures incitatives contenues dans le projet de loi non rentables58, ce qui n’a attiré que les agents59 d’un très petit nombre de municipalités. Des discussions sont néanmoins en cours pour trouver les moyens d’intéresser les policiers municipaux à participer davantage à la lutte contre la contrebande. 54

C’est cette méthode qui a été utilisée pour partager, entre les provinces, les sommes perçues de compagnies ITCL, RJR et JTI pour le rôle que ces dernières ont joué dans la contrebande des années 1990. 55 Le régime a été volontaire entre le 1er septembre 2010 et le 1er avril 2011. 56 La traçabilité consiste à suivre le mouvement des cigarettes grâce à des marques apposées sur les cigarettes, les paquets et les caisses. 57 Le projet de loi impose un moratoire sur la délivrance des permis de fabrication de cigarettes. 58 Ces mesures consistent notamment à laisser aux municipalités le produit des amendes imposées aux contrebandiers arrêtés. 59 En effet ceux-ci doivent démontrer un certain retour sur les investissements pour obtenir les ressources nécessaires des autorités municipales. Or, les difficultés d’application, les coûts inhérents, les délais judiciaires et l’entreposage sous-jacent sont autant d’éléments qui gonflent les coûts de l’application de la loi.

Rapport

21

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

Les relations du Québec avec ses voisins De par l’origine de la contrebande au Québec, la collaboration entre celui-ci et ses voisins que sont l’Ontario et les États-Unis est essentielle. Selon des témoins, une telle collaboration existe déjà entre les forces policières de ces administrations en ce qui concerne la cigarette. Ils estiment cependant que la concertation doit aussi s’étendre à la matière première. Par exemple, le Québec compte seulement 3 tabaculteurs alors qu’il y en a 458 en Ontario et que les États-Unis sont aussi un important fournisseur de tabac pour le Québec. L’assurance de l’importation légale du tabac de ces deux sources exige donc une collaboration entre les autorités des trois administrations. Les taxes autochtones Plusieurs témoins ont souligné la nécessité d’instaurer une taxe autochtone sur les produits du tabac vendus dans les réserves et territoires aux non Autochtones. Les revenus perçus de cette taxe qui s’apparenterait à la taxe provinciale pourraient être partagés entre les gouvernements et les conseils de bande. Ceux-ci seraient tenus d’utiliser ces montants pour le développement économique de leurs communautés. Afin de rendre la mesure viable, le prix des cigarettes vendues dans les réserves et territoires pourrait être fixé à un niveau légèrement inférieur au prix de vente à l’extérieur des réserves et des territoires autochtones. La mesure pourrait aussi être assortie du droit pour un non Autochtone d’acheter, pour une période donnée, une quantité déterminée de cartouches sur la réserve à ce prix réduit. Les corps policiers et la contrebande Concernant les actions des policiers, plusieurs aspects ont été débattus. Par exemple, on a appris que la gestion des pièces à conviction coûte souvent plus cher que les amendes que l’on impose aux contrevenants parce qu’on doit les conserver pendant une longue période. En conséquence, on demande que les pièces à conviction puissent être détruites rapidement après la saisie et que leurs photos puissent être admises en preuve en cour. C’est d’autant plus urgent que l’on veut impliquer, en vertu du projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac, les policiers municipaux qui ont moins de moyens que l’Agence du revenu du Québec. S’agissant des corps policiers municipaux, leur adhésion à la lutte contre la contrebande a donné des résultats spectaculaires en peu de temps. Toutefois, leur implication est récente et encore très limitée. Mais les ressources sont disponibles et il ne suffira que de les encourager à participer et de revoir les ententes de service avec les municipalités. Selon certains témoins liés au milieu policier, l’importance de la contrebande au Québec n’est pas nécessairement liée à une moins grande efficacité de la police locale. La position géographique du Québec et les ressources limitées jadis consacrées à la lutte pourraient être en cause. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on pense généralement, les corps policiers interviennent parfois sur les réserves et territoires autochtones60, évidemment avec l’accord préalable des autorités autochtones. 60

Une telle intervention a eu lieu dans le cadre du projet Marteau. La Sûreté du Québec et la GRC sont aussi intervenus à Salaberry-de-Valleyfield. D’ailleurs, selon l’Association des directeurs de police du Québec, 2 interventions sur 3 à Kahnawake se font en partenariat.

22

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

D’autres mesures potentielles Plusieurs idées de solutions sont ressorties des débats. Entre autres : ¾

Étendre le contrôle à toutes les étapes de production, de distribution et de consommation.

¾

Obliger les grossistes à remettre des factures lors des ventes pour faciliter le travail des vérificateurs de l’Agence du revenu du Québec auprès des détaillants.

¾

Confier aux inspecteurs du ministère de la Santé et des Services sociaux le pouvoir de contrôler l’application de certaines dispositions de la Loi concernant l’impôt sur le tabac.

¾

Multiplier les projets du genre «Vente illicite de tabac à Laval» (VITAL), dans tout le Québec pour agir sur la sensibilisation du public et pour faire en sorte que les fumeurs de cigarettes de contrebande aient peur de se faire démasquer.

¾

Agir en amont en créant des escouades spécifiques dans des régions comme Salaberry-de-Valleyfield pour exercer des pressions sur l’offre de produits de tabac de contrebande.

¾

Permettre aux policiers de mener des enquêtes en vertu de la Loi sur l’administration fiscale comme l’Agence du revenu du Québec afin d’accélérer le processus par rapport à la situation actuelle où ils ne peuvent enquêter qu’en vertu du Code criminel.

Les autres sujets abordés Quelques autres sujets ont aussi été abordés lors des échanges. Il s’agit notamment de la taxe spécifique du Québec, des saisies des dernières années, du nécessaire échange d’information entre l’Agence du revenu du Québec et les corps policiers, de l’harmonisation des différentes lois touchant les produits du tabac, des retombées du projet VITAL.

3.2 La position de deux communautés autochtones 3.2.1 L’ouverture d’Akwesasne Selon le grand chef d’Akwesasne, M. Mike Mitchell, la communauté d’Akwesasne est préoccupée par les activités illégales et la présence de groupes criminalisés sur son territoire. Des discussions sont en cours pour harmoniser le pouvoir des peacekeepers avec celui des corps policiers non-autochtones, mais il subsiste des écarts. La communauté serait ouverte à discuter d’une éventuelle taxe autochtone sur les produits du tabac avec Québec, à condition de bénéficier des retombées d’une telle mesure. Le grand chef indique d’ailleurs que des discussions ont lieu

Rapport

23

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

entre sa communauté et le ministre responsable du Secrétariat aux Affaires autochtones tant sur le développement économique d’Akwesasne que sur la façon de rendre légales les cigarettes qui sortent du territoire.

3.2.2 Le besoin de temps de Kahnawake Pour Mme Sky-Deer de la communauté de Kahnawake, la question des cigarettes dans la réserve doit d’abord être étudiée et gérée à l’interne avant de faire l’objet d’une quelconque discussion avec les gouvernements non-autochtones. La réflexion en ce sens est en cours dans la communauté et pourrait aboutir à l’été 2012. Le contact avec le gouvernement du Québec serait alors possible à ce moment-là. Les députés ont questionné Mme Sky-Deer sur l’Entente sur la fiscalité du tabac, des carburants et des boissons alcooliques entre le Québec et Kahnawake signée en 1999, et reconduite en 2009. Il n’a toutefois pas été possible d’en apprendre plus sur la mise en œuvre de cette entente61. Le texte de l’entente figure à l’annexe B du présent rapport. Mme Sky-Deer fait part de la préoccupation de la communauté à l’égard de la présence du crime organisé sur le territoire. Elle précise que Kahnawake est prête à travailler avec le gouvernement du Québec le moment venu, mais que la communauté s’oppose à la taxation des produits du tabac dans la réserve.

4. LES COMMENTAIRES DE LA COMMISSION Les députés remercient les invités d’avoir témoigné devant eux. Ils ont apprécié les échanges cordiaux et intéressants qu’ils ont eus tout au long des auditions. Ils déplorent que les dépanneurs subissent les effets de la contrebande et que le gouvernement perde autant de recettes fiscales. Ils se questionnent sur le délai de la mise en œuvre de certaines dispositions du projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac, notamment celles concernant la participation des policiers municipaux à la lutte contre la contrebande et la suspension des permis de conduire. Les parlementaires remercient particulièrement les deux communautés autochtones qui sont venues témoigner devant la Commission. Ils formulent le vœu que de telles rencontres se renouvellent. Ils saluent l’ouverture d’Akwesasne à la négociation, avec les gouvernements, en vue d’adopter des mesures pour lutter contre la contrebande et contre le crime organisé dans la réserve.

61

Secrétariat aux affaires autochtones : « En 1999, Québec a signé 10 ententes dont une sur la fiscalité des produits spécifiques (alcool, tabac, carburant). À noter que cette entente est en vigueur en ce sens qu'elle n'a jamais été résiliée et qu'elle a toujours été reconduite automatiquement aux cinq ans mais elle n'a pas été mise en oeuvre faute d'entente entre les parties sur la mise en oeuvre de cette entente. Donc, l'entente existe et elle peut être consultée mais elle n'est pas en application ou en œuvre ».

24

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

La Commission prend acte de l’échéance de 2012 fixée par Kahnawake pour la réflexion qu’elle mène sur la problématique des cigarettes dans la réserve. La Commission souhaite vivement que la communauté prenne contact avec le gouvernement du Québec pour des discussions sur le sujet aussitôt que sa réflexion sera terminée. Les membres de la Commission s’interrogent sur la disponibilité des rapports annuels d’étape de la mise en œuvre de la Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande du gouvernement fédéral dont le premier a été publié en 2009. Ils souhaitent que les rapports de 2010 et 2011 soient rendus disponibles comme le prévoit la Stratégie. Les élus abondent dans le sens des témoins de resserrer le contrôle de la production et de la distribution des produits du tabac. Ils reconnaissent, comme la plupart des invités, que les effets du tabagisme sur la santé et sur les recettes fiscales gouvernementales justifient clairement l’exclusion de la diminution des taxes comme solution envisageable. Ils estiment que plusieurs autres solutions sont néanmoins possibles, notamment : une plus grande sensibilisation du public, une plus grande traçabilité des cigarettes, l’instauration d’un registre du tabac, les enquêtes des corps policiers en vertu de la Loi sur l’administration fiscale, l’augmentation des amendes prévues dans le projet de loi no 59, l’augmentation des ressources disponibles pour les corps policiers municipaux.

Rapport

25

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

5. LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION Les députés prennent acte des problèmes soulevés par les différents groupes qui ont témoigné durant les travaux de la Commission. Ils souhaitent donner au système des outils pertinents et efficaces pour lutter contre la consommation des produits du tabac de contrebande, et ce, en agissant tant du côté de l’offre que de celui de la demande. En conséquence, la Commission des finances publiques recommande : QUE le gouvernement du Québec fasse des représentations auprès du gouvernement canadien, du gouvernement américain, du gouvernement ontarien et de la nation mohawk en vue de créer une commission mixte formée des 5 parties consacrée à la lutte à la contrebande de tabac. Son objectif premier serait d’entendre les groupes concernés et les experts des différents ministères afin de proposer un plan d’action intégré tirant un profit maximal des ressources de chaque gouvernement et s’assurant qu’ils agissent de concert. Ce plan d’action porterait, entre autres, sur : ¾

Une entente « gagnant-gagnant » entre les gouvernements et les Autochtones afin que cesse la vente de tabac sans taxe à grande échelle aux non-autochtones;

¾

L’amélioration de la sécurité aux frontières par la création d’un groupe de travail dans la région de Salaberry-de-Valleyfield, similaire à celui de Cornwall, pour une surveillance 24 heures par jour et en laissant le poste de douanes canadiennes de Cornwall/Akwesasne à Cornwall de façon permanente;

¾

La consolidation des ressources de lutte anticontrebande, l’inspection des fabriques autochtones titulaires d’un permis, l’application des lois fédérales et la fermeture des fabriques illégales.

QUE le gouvernement établisse un mécanisme de conservation de la preuve et de destruction rapide des pièces à conviction après leur saisie, afin de réduire la durée de détention et les coûts de gestion de ces pièces à conviction. QUE les lois concernées soient modifiées afin de : ¾

Permettre aux policiers d’enquêter en vertu de l’article 40.1.1 de la Loi sur l’administration fiscale plutôt qu’en vertu du Code criminel exclusivement;

¾

Simplifier l’échange d’information entre les policiers et l’Agence du revenu du Québec.

QUE les dispositions prévues dans le projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac soient modifiées, notamment afin de :

26

Commission des finances publiques

Étude des mesures pour contrer la consommation du tabac de contrebande

¾

Permettre la saisie immédiate, pour une durée à déterminer, du permis de conduire lorsqu’un véhicule contenant des cigarettes de contrebande est saisi;

¾

Réviser à la hausse les amendes prévues en cas d’infraction à la Loi concernant l’impôt sur le tabac.

QUE les inspecteurs du ministère de la Santé et des Services sociaux obtiennent le pouvoir de contrôler l’application de certaines dispositions de la Loi concernant l’impôt sur le tabac. QUE le programme ACCES tabac soit étendu à toutes les régions du Québec et que les ressources qui lui sont consacrées soient augmentées. QUE la Commission de la santé et des services sociaux réévalue la Loi sur le tabac et examine différentes mesures de lutte au tabagisme, dont notamment : ¾

La production obligatoire, par les titulaires du permis fédéral de fabrication des produits du tabac, de rapports mensuels de leurs activités reliées aux produits du tabac;

¾

L’adoption d’outils simples et appropriés, tel un inventaire des produits du tabac, en vue de faciliter l’interception et la saisie du tabac de contrebande par les divers corps policiers et inspecteurs du Québec, notamment ceux des municipalités;

¾

L’instauration d’un marquage distinctif pour les produits destinés à la vente légale dans les réserves et territoires autochtones et dans les boutiques hors taxe;

¾

L’apposition obligatoire d’un marquage permanent « Qc » indiquant que les produits du tabac sont destinés à la vente au Québec;

¾

La mise en place, en collaboration avec le gouvernement fédéral, d’un système de marquage et de traçage pour tout produit du tabac vendu ou distribué au Québec.

Rapport

27

ANNEXES

ANNEXE A : Résumé du point de vue des Autochtones sur les obstacles à la lutte contre la contrebande selon une étude62 a. L’impact économique : Les Premières Nations estiment que la contrebande a des retombées économiques sur les revenus de leurs commettants. Elles craignent l’effet que sa disparition aurait sur les réserves. Elles soulignent leur réticence à harmoniser les taxes sur les cigarettes parce que cela entraînerait une diminution des transferts que les gouvernements du Canada et du Québec leur feraient autrement. b. L’autonomie des réserves : Les Premières Nations ne pensent pas que les gouvernements non-autochtones croient en leur autonomie. En outre, elles sont idéologiquement contre le prélèvement de taxes et veulent éviter à tout prix l’étiquette de percepteurs de taxes. Pour elles, le langage entourant les taxes doit être changé pour être acceptable pour les Autochtones. c. La perception des réserves : Pour les Premières Nations, le commerce du tabac est une activité traditionnelle faisant partie de la culture de la réserve. Ainsi, la vente de tabac non taxé aux Autochtones comme aux non-autochtones n’est pas une activité criminelle. La considérer telle entrave la communication. En outre, les Premières Nations soutiennent que ce sont les nonautochtones qui se rendent sur les réserves pour acheter des cigarettes non taxées pour les revendre hors réserve. d. La multitude des intervenants : Les Premières Nations soulignent un manque de communication entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Ils font aussi mention du nombre d’intervenants non-autochtones sur les réserves (Revenu Canada, Affaires indiennes et agences provinciales). Elles avancent le fait que la multitude de lois (des Premières Nations, provinciales et fédérales) ne sont pas toujours en accord est un autre obstacle à la communication. e. Le système des quotas : Les Autochtones déplorent que les détaillants des réserves aient un quota d’achat de cigarettes63, alors que, hors réserve, il n’y a pas de quota. Ils soutiennent que ce système de rationnement contribue à créer un marché de contrebande, car les détaillants qui n’ont pas l’argent nécessaire pour acheter leur quota le jour de la vente se tournent vers le marché au noir pour maintenir leur stock. Ils mentionnent aussi comme sources d’irritation la carte qu’ils doivent montrer pour acheter des cigarettes. f. Le besoin d’éducation : Les Autochtones soulignent la nécessité de plus d’éducation des deux côtés. Les gouvernements ont besoin d’être mieux informés sur la culture autochtone et les Premières Nations ont besoin d’en apprendre plus sur les conséquences de la cigarette sur la santé ainsi que sur les autres ressources disponibles pour le développement économique de leurs communautés.

62

J. Sweeting, T. Johnson et R. Schwartz, Anti-Contraband Policy Measures: Evidence for Better Practice, juin 2009. 63 Attribué pour une période de temps.

ANNEXE B : Entente sur la fiscalité du tabac, des carburants et des boissons alcooliques entre le Québec et Kahnawake CONSIDÉRANT que le Québec et Kahnawake ont signé une Déclaration de compréhension et de respect mutuel et une Entente-cadre qui prévoit la négociation d'ententes sectorielles dans un certain nombre de domaines, dont la fiscalité; CONSIDÉRANT que les Mohawks de Kahnawake ont droit aux exemptions fiscales décrites dans la Loi sur les Indiens (L.R.C. (1985) c. I-5); CONSIDÉRANT qu'en ce qui concerne les taxes sur le tabac, les carburants et les boissons alcooliques, la situation actuelle n'est pas satisfaisante et a causé des mésententes et de la friction entre les parties; CONSIDÉRANT que les parties veulent s'entendre sur des principes et des procédures susceptibles de résoudre ces mésententes et de prévenir les conflits entre elles; CONSIDÉRANT que les parties ont l'intention de conclure une entente complémentaire sur la fiscalité des services et des biens de consommation; EN CONSÉQUENCE, LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT : Section 1 OBJET DE L'ENTENTE 1. La présente entente a pour objet de définir les principes et procédures qui guideront les parties en matière de fiscalité relative au tabac, aux carburants et aux boissons alcooliques. 2. Le territoire de Kahnawake (ci-après appelé « Territoire ») est aux fins de la présente entente, le territoire sur lequel le Conseil mohawk de Kahnawake (ci-après appelé « Conseil ») a compétence. 3. Le préambule fait partie intégrante de la présente entente. 4. Les annexes ci-après énumérées font partie intégrante de la présente entente : 1. Définitions; 2. Évaluation du niveau général des prix. 5. Les taxes et impôts visés par la présente entente sont l'impôt sur le tabac prévu par la Loi concernant l'impôt sur le tabac (L.R.Q., c.I-2), la taxe sur les carburants prévue par la Loi concernant la taxe sur les carburants (L.R.Q., c.T-1) et la taxe spécifique sur les boissons alcooliques prévues par le titre II de la Loi sur la taxe de vente du Québec, ci-après appelées « taxes spécifiques ».

Section 2 PRODUITS SPÉCIAUX 6. Kahnawake établira un cadre réglementaire pour la fourniture et la vente, sur le Territoire, des produits du tabac, des carburants et des boissons alcooliques (désignés collectivement sous le nom de « produits spéciaux »). 7. Kahnawake mettra sur pied un système d'approvisionnement unique pour tous les produits spéciaux vendus sur le Territoire. 8. Kahnawake s'assurera que tous les produits spéciaux vendus sur le Territoire à des personnes qui ne sont pas mohawks ont été légalement obtenus de sources acceptables aux deux parties. 9. Sauf dans la mesure requise pour l'application de la présente entente, la fourniture de produits spéciaux à l'extérieur du Territoire est assujettie aux taxes applicables. Section 3 REMISE À KAHNAWAKE 10. Le ministre du Revenu remet à Kahnawake ou à une entité désignée par Kahnawake le produit des taxes spécifiques qui a été pré-perçu sur les produits spéciaux vendus sur le Territoire à des Mohawks pour leur consommation personnelle; aucun remboursement d'une taxe spécifique ne sera fait directement par le Québec à un individu ou à un marchand. 11. Cette remise est faite à la suite d'une demande faite par le Conseil selon des modalités convenues entre les parties. Le montant de cette remise est calculé en fonction des produits spéciaux qui ont été fournis, durant la période visée, aux marchands mohawks par le lieu d'approvisionnement unique visé à l'article 7, et fournis ensuite par eux à des Mohawks pour leur consommation personnelle. 12. Le ministre du Revenu peut déduire de cette remise, suivant les modalités convenues entre les parties, une somme correspondant, en tout ou en partie, au coût du système de carte d'identité défini à l'annexe 1. Section 4 MÉCANISMES D'ÉVALUATION Surveillance de la structure générale des prix 13. Les parties conviennent que dans le cas où le prix de détail des produits spéciaux fournis sur le Territoire à des personnes qui ne sont pas mohawks divergerait des prix du marché observés dans la région avoisinant ce Territoire, cela ne doit pas être dû à l'application de la présente entente.

14. Les parties conviennent de mettre sur pied un mécanisme conjoint de surveillance du niveau général des prix de détail sur le Territoire et dans la région avoisinante conformément à l'annexe 2. Échange d'informations 15. Les parties conviennent de s'échanger, sur une base régulière, les informations, données et statistiques requises pour que chacune soit en mesure de juger du bon fonctionnement de l'entente. Chaque partie respectera la confidentialité de cette information et ne l'utilisera, dans le cadre des lois applicables, que pour les fins de la présente entente. 16. Dans le cas où les parties ne pourraient pas s'entendre sur la nature de l'information, des données ou des statistiques qui doivent être échangées, la question sera soumise au Comité de liaison défini à l'annexe 1. Section 5 COOPÉRATION 17. Les parties reconnaissent la nécessité de coopérer et de mettre leurs efforts en commun pour réaliser les objectifs de la présente entente. Mise en oeuvre de l'entente 18. Le chef du Bureau défini à l'annexe 1 et le sous-ministre du Revenu sont les personnes responsables de l'application et de l'exécution de la présente entente. Ils peuvent déléguer respectivement à toute personne du Bureau ou du Ministère la responsabilité de l'application d'une ou de plusieurs dispositions prévues à la présente entente. 19. Le Québec s'engage à prendre, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de la présente entente. 20. Kahnawake s'engage à prendre, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de la présente entente. Comité de liaison 21. Le Comité de liaison défini à l'annexe 1 est chargé de surveiller l'application de la présente entente. 22. Le Comité de liaison aura le pouvoir de faire aux parties des recommandations conjointes sur toute question relative à la mise en oeuvre de la présente entente.

Section 6 DISPOSITIONS FINALES Durée de l'entente 23. La présente entente prend effet à la date de sa signature par les deux parties et demeure en vigueur pour une période de cinq ans, sous réserve des dispositions de la présente entente. Toutefois, les articles 6, 7, 8 et 10 prendront effet à la date fixée par écrit par les parties. 24. Les parties pourront convenir d'un calendrier de mise en vigueur progressive des dispositions de la présente entente et, au besoin, de la mise sur pied de mécanismes transitoires. Amendement de l'entente 25. Les parties peuvent, d'un commun accord exprimé par écrit, amender la présente entente ou conclure des ententes complémentaires par un échange de lettres sur des modalités d'application de la présente entente non prévues à celle-ci. Difficulté d'application 26. Les parties conviennent de soumettre au Comité de liaison toute mésentente ou situation qu'elles estiment de nature à empêcher l'application de l'une ou de l'ensemble des dispositions de la présente entente. 27. Si la difficulté demeure non résolue à l'expiration de trente jours de la date où le Comité en a été saisi, la partie qui l'a soumise peut adresser à l'autre partie un avis de résiliation écrit, tel que prévu à l'article 28. Résiliation de l'entente 28. L'entente est résiliée à l'expiration de soixante jours de la date de transmission, par l'une ou l'autre des parties, d'un avis de résiliation écrit, à moins que les parties ne conviennent avant ce terme de dispositions différentes. 29. En cas de résiliation, le Comité de liaison verra à recommander aux parties les dispositions transitoires ou finales à prendre. Renouvellement de l'entente 30. La présente entente sera renouvelée automatiquement à moins d'un avis contraire donné par écrit par l'une des parties à l'autre. Elle demeure en vigueur pour une période n'excédant pas soixante jours après son expiration, à moins que les parties n'en conviennent autrement. En cas de non-renouvellement de l'entente, l'article 29 s'applique.

31. La présente entente ne constitue pas un traité au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et ne doit être interprétée d'aucune façon comme ayant l'effet d'une abrogation, d'une dérogation, d'une négation ou d'une reconnaissance d'un droit ancestral, d'un droit issu de traité ou d'un autre droit, sauf dans la mesure où elle reconnaît le droit des Mohawks de Kahnawake à des exemptions fiscales. 32. Rien dans la présente entente n'affecte les droits d'une personne qui n'est pas un Mohawk auquel s'applique la présente entente de bénéficier des exemptions fiscales prévues à la Loi sur les Indiens. 33. Advenant qu'une disposition quelconque de la présente entente soit déclarée nulle ou invalide par un tribunal compétent, les parties s'engagent à remédier, dans les meilleurs délais, à cette nullité ou invalidité de manière à ce que les objectifs recherchés par l'entente soient atteints. EN FOI DE QUOI les parties ont signé ce _____ jour de_____ 1999 : Pour le Québec,

Pour Kahnawake,

_______________ Guy Chevrette Ministre délégué aux Affaires autochtones

_______________ Joseph Tokwiro Norton Grand chef Conseil mohawk de Kahnawake

_______________ Rita Dionne-Marsolais Ministre du Revenu _______________ Bernard Landry Vice-Premier ministre Ministre d'État à l'Économie et aux Finances Ministre de l'Industrie et du Commerce Ministre des Finances

Annexe 1 DÉFINITIONS 1. « Mohawk » ou « Mohawk de Kahnawake » désigne une personne qui est définie comme étant un membre des Mohawks de Kahnawake en vertu du Kahnawake Custom Code on Membership, tel qu'il a été adopté par le Conseil et tel qu'il pourra être amendé de temps à autre, et qui réside habituellement dans le Territoire. 2. « Consommation personnelle » désigne la consommation par la personne à qui le produit spécial a été fourni ou par ses dépendants. 3. « Prix de détail » désigne le montant payé par un acheteur pour la fourniture d'un bien spécial, en y incluant toute taxe, charge ou frais. 4. « Système de cartes d'identité » désigne le système de cartes d'identité établi conformément à l'article 8 de l'entente sur la taxation des services et des biens de consommation conclue entre les parties, telle qu'elle pourra être amendée de temps à autre. 5. « Bureau » désigne le Bureau établi par le Conseil ayant pour mandat de gérer le système de cartes d'identité. 6. « Comité de liaison » désigne le Comité de liaison établi en vertu de l'entente sur la fiscalité des services et des biens de consommation.

Secrétariat aux affaires autochtones 905, avenue Honoré-Mercier, 1er étage - Québec (Qc) G1R 5M6 - 418 643-3166

Annexe 2 SURVEILLANCE DU NIVEAU GÉNÉRAL DES PRIX Enquête conjointe 1. Lorsqu'une partie croit qu'un produit spécial, ou une catégorie de produits spéciaux, sont fournis sur le Territoire à un prix de détail qui est substantiellement plus bas que le prix de détail de biens semblables dans la région avoisinante, elle peut déclencher une enquête pour examiner la situation. 2. L'enquête est conduite par les personnes nommées par chacune des parties, agissant de concert. 3. Le seul but de l'enquête est d'établir le prix de détail effectivement payé dans le Territoire et dans la région avoisinante et d'en faire rapport au Comité de liaison. Examen par le Bureau 4. Si le Comité de liaison constate qu'il y a effectivement une différence substantielle dans le prix de détail de biens semblables dans le Territoire et dans la région avoisinante, le Bureau devra conduire un examen des raisons qui expliquent le prix plus bas dans le Territoire. 5. Le Bureau doit, dans les quinze jours, faire rapport au Comité de liaison de ses constatations. Recommandations du Comité de liaison 6. Le Comité de liaison doit déterminer si la différence de prix de détail contrevient à l'article 13 de l'entente et, le cas échéant, faire les recommandations nécessaires pour remédier à la situation.

Secrétariat aux affaires autochtones 905, avenue Honoré-Mercier, 1er étage - Québec (Qc) G1R 5M6 - 418 643-3166

DIRECTION DES TRAVAUX PARLEMENTAIRES Édifice Pamphile-Le May 1035, rue des Parlementaires 3e étage, bureau 3.15 Québec (Québec) G1A 1A3 Téléphone : 418 643-2722 Télécopieur : 418 643-0248 [email protected]