04/02/2016 Compte rendu
LES 3EMES RENCONTRES DU GRAND FORUM DES TOUT-PETITS
LES 1 000 PREMIERS JOURS DE VIE : DE LA SCIENCE… A L’ACTION ! Les 3èmes Rencontres, organisées par l’association le Grand Forum des Tout-Petits, se sont déroulées en région, à Montpellier, le 08 décembre 2015, en partenariat avec l’AFPA*, la SF-DOHad**et le CNGOF***.
Environ 120 personnes ont participé à ce rendez vous pour mieux comprendre les enjeux de la période des 1 000 premiers jours et échanger sur des actions de prévention précoce menées localement. * : Association Française de Pédiatrie Ambulatoire. ** : Société francophone - Origines Développementales de la Santé. *** : Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français.
…………………………………………………………….. « Faciliter le partage des connaissances et proposer des solutions concrètes aux questions scientifiques, économiques et sociétales du domaine de l’alimentation infantile… ». C’est en ces termes que le Pr Umberto Simeoni*, en ouverture, évoque la mission de l’association Le Grand Forum des Tout-Petits, qui a pour ambition de faire avancer le débat et de poser un nouveau regard sur la période des 1 000 premiers jours de vie. Ces 1 000 premiers jours, qui commencent en amont de la conception et se prolongent au-delà des 2 ans de l’enfant sont essentiels et constituent une période de sensibilité majeure, formidable fenêtre d’opportunité en termes de prévention : protéger la santé de l’adulte en protégeant celle de l’enfant en bas âge. La particularité de l’association est de rassembler des publics venant d’horizons très divers : professionnels de santé, de la petite enfance, chercheurs, représentants des institutions, élus et associations, journalistes, et bien sûr parents… Les 3èmes Rencontres à Montpellier ont été construites dans ce cadre, afin de faciliter les échanges entre tous les acteurs qui agissent en faveur de la prévention précoce et créer un élan collectif pérenne. Le Pr Bernard Hédon** souligne, quant à lui, le partenariat et le concours du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français à la réflexion menée par le Grand Forum des Tout-Petits sur les enjeux 1
de la prévention précoce. Car si la vocation des gynécologues obstétriciens porte sur la santé de la femme sous tous ses aspects, elle porte aussi, par voie de conséquence, sur la santé de l’enfant à naître et durant ses premiers jours. Les éléments de la vie intra-utérine, et notamment la nutrition de la mère, ont de fortes conséquences. Titina Dasylva, Adjointe au Maire de Montpellier, Déléguée à l’Enfance, rappelle qu’en termes de politique de la petite enfance, la Ville de Montpellier porte un intérêt majeur à la bonne nutrition, notamment au sein des établissements d’accueil des jeunes enfants. La ville est en effet dotée de 32 crèches municipales, collectives et accueils familiaux pour lesquels 2 diététiciennes élaborent notamment la composition et le grammage des repas, servis chaque jour à 5 300 enfants… La municipalité s’adresse également aux parents qui, par communications orales, écrites ou électroniques, sont informés sur l’utilité de bien composer les repas et de favoriser le développement du goût. « Les enfants d’aujourd’hui seront les adultes de demain, il est donc essentiel de leur inculquer de bonnes habitudes dans nos établissements » conclut T. Dasylva. *Pr U. Simeoni : Président de l’association le Grand Forum des Tout-Petits ; Chef du Service de pédiatrie et responsable du Laboratoire de recherche DOHaD, CHU Vaudois UNIL, Lausanne. **Pr B. Hédon : Président du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français ; Gynécologue-obstétricien, CHRU Pôle Femme Mère Enfant, Montpellier.
…………………………………………………………….. POURQUOI S’INTERESSER AUX 1 000 PREMIERS JOURS DE VIE ? ORIGINES PRÉCOCES DES MALADIES CHRONIQUES NON TRANSMISSIBLES DE L’ADULTE Pr Farid Boubred, Chef du service de Médecine néonatale, Pôle Femmes Parents Enfants, Assistance Publique / Hôpitaux de Marseille ; Aix-Marseille Université.
Les 1 000 premiers jours de vie sont déterminants et les événements survenant durant cette période peuvent influencer l’état de santé et favoriser l’apparition de maladies chroniques à l’âge adulte. Ces pathologies, dites « non transmissibles », telles que maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancers, insuffisance rénale chronique, surcharge pondérale/obésité, bronchite chronique, dépression… sont liées aux modes de vie (alimentation inappropriée, tabac, sédentarité...) mais également à notre propre développement. Différents facteurs environnementaux, chez la femme enceinte en particulier (diabète gestationnel maternel, exposition maternelle à certains toxiques ou médicaments, tabac, polluants, macrosomie…) peuvent augmenter le risque de maladies chroniques à l’âge adulte. Mais il semblerait que la période fœtale ne soit pas seule à déterminer l’état de santé de l’adulte futur. Il convient de prendre en considération la période périconceptionnelle, la naissance prématurée elle-même et l’environnement postnatal, en particulier la nutrition chez les jeunes enfants. Ainsi, à titre d’exemple, l’allaitement maternel pendant les premiers mois de vie réduit le risque de diabète de type 2 du futur adulte et de nombreuses études ont montré la relation entre le poids de naissance et le développement de pathologies à l’âge adulte. De même, le profil de croissance de l’enfant est également déterminant pour l’état de santé futur. Par ailleurs, il semblerait que l’état de santé du père influe sur celui de l’enfant et une large étude menée chez l’homme a montré que le taux d’enfants hypotrophiques est deux fois plus élevé lorsque le père a eu luimême une hypotrophie à la naissance. Ainsi les caractéristiques que nous acquérons au cours de la vie et du développement se transmettent peutêtre à la génération suivante, en particulier pour le père. Ces mécanismes épigénétiques font l’objet actuellement de nombreuses recherches scientifiques.
2
…………………………………………………………….. NOUVEAU NÉ DE MÈRE OBÈSE Pr Gilles Cambonie, Pédiatrie Néonatale et Endocrinologie Pédiatrique, CHRU Pôle Femme Mère Enfant, Montpellier. Aujourd’hui en France, 15% de la population adulte est obèse, dont 4 % présente une obésité sévère ou massive. Or l’obésité chez la femme enceinte a un retentissement incontestable sur le fœtus qui fabrique davantage d’insuline afin de contrecarrer l’hyperglycémie maternelle fréquente. Cet hyperinsulinisme modifie très précocement le fonctionnement de l’hypothalamus. De même, on observe dès la vie fœtale une synthèse exagérée de triglycérides, avec conséquemment des modifications précoces de la production hormonale par le tissu adipeux. Concernant la femme enceinte et obèse, les perturbations hormonales du tissu adipeux au cours de la grossesse peuvent influencer précocement la croissance des cellules de cet individu en devenir, sa sensibilité à l’insuline, son appétit et sa balance énergétique. Une étude chez le rat a permis d’individualiser l’effet de l’obésité maternelle, indépendamment d’éventuelles anomalies nutritionnelles au cours de la grossesse ou pendant l’alimentation précoce du raton : le poids de naissance de la progéniture d’une mère obèse n’est pas affecté. Par contre, la composition du corps du rat est modifiée à l’âge adulte avec le développement d’une adiposité et une hypertrophie des adipocytes. Si les ratons sont soumis à un régime gras après le sevrage, la situation est encore aggravée avec hyperplasie des adipocytes et insulino-résistance. L’obésité s’inscrit ainsi dans une programmation fœtale. Les modifications très significatives de l’environnement fœtal ou néonatal entrainent des adaptations reproductibles de structures ou de fonction qui peuvent faire le lit de maladies durant l’enfance et à l’âge adulte. Parmi les conditions environnementales, figure la malnutrition dès la vie fœtale et notamment la surnutrition lipidique qui a un impact sur le métabolisme et intervient dans la régulation de la prise alimentaire. En conclusion, l’environnement nutritionnel du fœtus est impliqué dans la survenue de l’obésité et de ses séquelles, et une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques est nécessaire pour élaborer des stratégies préventives précoces. Les questions posées par les participants ont permis d’échanger sur différents thèmes. 1/ Rôle du microbiote intestinal sur la croissance de l’enfant et le développement de maladies chroniques Il existe de nombreux travaux sur le sujet. L’implantation du microbiote intestinal du nouveau-né peut être perturbée dès la période anténatale, notamment avec la prise d’antibiotiques chez la mère. Il a ainsi été décrit une surexposition ultérieure aux maladies inflammatoires et aux allergies. Par ailleurs, des observations ont associé la prise d’antibiothérapie durant les 6 premiers mois de vie à l’apparition d’une obésité ultérieure. 2/ Influence d’une prise de poids maternelle exagérée durant la grossesse sur le fœtus et enfant Le concept d’une prise de poids « optimale » durant la grossesse varie selon les pays et ne s’appuie pas sur des bases scientifiques clairement établies. Bien entendu, une importante prise de poids en début de grossesse appelle à la vigilance afin d’éviter un fort excès en fin de grossesse avec notamment des conséquences évidentes sur la mécanique obstétricale lors de l’accouchement. Mais la recommandation qu’une femme obèse ne prenne pas -ou peu- de poids pendant sa grossesse, l’obligeant ainsi à des restrictions sévères n’est actuellement pas fondée sur des preuves suffisantes. En cas de prise de poids maternelle excessive pendant la grossesse, le jeune adulte présente ensuite un indice de masse corporelle et une pression artérielle plus élevés. Mais l’ensemble est extrêmement complexe et multifactoriel : la prise de poids de la mère durant la grossesse induit-elle réellement la pathologie chez l’enfant ? Quel est le lien entre cause et conséquence ? Est-ce la mère, qui ayant un background génétique particulier prend elle-même du poids et transmet ce bagage génétique à son enfant qui présentera ainsi un risque accru de maladie cardiovasculaire ?
3
…………………………………………………………….. LES 1 000 JOURS : LES RAISONS D’Y CROIRE ET D’AGIR Mieux comprendre les enjeux autour de la période des 1 000 jours REGARDS CROISES ENTRE LES SCIENCES MEDICALES ET HUMAINES Table ronde avec : Dr Renée-Pierre Dupuy, Pédiatre, Coordinatrice Réseau Grandir en Languedoc-Roussillon et Praticien Hospitalier, CHU Carémeau, Nîmes.
Dr Tristan Fournier, Sociologue, Chargé de recherche au CNRS, Iris, Paris. Pr Nicolas Kalfa, Chirurgien viscéral et urologique infantile pédiatrique, CHRU Pôle Femme Mère Enfant, Montpellier.
Pr Pierre Mares, Chef du pôle de Gynécologie-Obstétrique, CHU Carémeau, Nimes. Animée par le Pr Bernard Hedon, Gynécologue-obstétricien, CHRU Pôle Femme Mère Enfant, Montpellier et le Dr Louis Dominique Van Egroo, Attaché de consultation, Service de gynécologie-obstétrique, CH Saint Cloud et Administrateur de l’association Le Grand Forum des Tout-Petits.
Dans les spécialités respectives des intervenants, quels sont les enjeux de la prévention précoce en période anté et postnatale ? Concrètement quels sont les messages clés à retenir ?
P. Mares, en gynécologie-obstétrique 1/ Considérer la femme dans la globalité de son parcours de vie et la préparer, dès l’adolescence, à une éventuelle grossesse future. La grossesse est, de préférence, un événement qui se prépare : tout l’enjeu consiste donc à sensibiliser la femme à cet aspect et à l’informer en conséquence. Des messages de prévention et d’interventions adaptées, la maintiendront ou amélioreront son état de santé et éviteront d’éventuelles complications obstétricales. Il est évidemment important de mettre l’accent sur une alimentation cohérente, saine et équilibrée, et de traiter les carences, notamment en acide folique, et l’anémie, qui touche en France environ 25 % des femmes. Concrètement, une femme ayant des règles abondantes doit être surveillée pour éviter toute anémie et carence en fer durant la grossesse future. Les prescriptions d’acide folique et de pilule contraceptive peuvent être effectuées concomitamment ! 2/ Utilité de la consultation du post-partum. Cette consultation en France dure, en moyenne, moins de 9 minutes ! Ce rendez-vous pourtant essentiel doit permettre d’évoquer la programmation éventuelle d’une prochaine grossesse et insister sur 3 messages : - éviter de prendre du poids entre deux grossesses, car cela peut avoir un effet délétère sur le poids de l’enfant à venir ; - réduire si nécessaire la consommation de tabac pour améliorer les chances de fertilité et réduire les petits poids de naissance ; - veiller à préserver un bon équilibre de la flore vaginale pour éviter le risque d’accouchement prématuré.
N. Kalfa, en pédiatrie, à propos de l’exposition parentale à des contaminants, facteur de risque de malformations génitales pour l’enfant Eviter, autant que possible, l’exposition aux produits toxiques et aux perturbateurs endocriniens. Un perturbateur endocrinien (PE) est une substance extérieure à l’organisme, d’origine naturelle ou synthétique, qui a des effets nocifs sur la santé et interfère avec le fonctionnement normal des hormones. Il s’agit d’herbicides, fongicides, insecticides, pesticides, produits toxiques, produits industriels tels que plastiques, peintures, cosmétiques... On retrouve ces produits ubiquitaires dans tout l’environnement quotidien auquel nous sommes exposés en permanence. Or le fœtus durant son développement est très sensible aux hormones, qui sont des régulateurs fondamentaux dans la formation des organes. Pendant la grossesse, la future mère est en contact quotidien avec des PE à travers ce qu’elle respire, touche et absorbe... Le fœtus est ainsi exposé en période prénatale à de faibles doses de très nombreux produits dont les conséquences peuvent être multiples notamment sur le développement de l’appareil reproducteur et participer à des malformations génitales, particulièrement chez l’homme.
4
Il est actuellement encore complexe d’établir les preuves scientifiques du rôle de ces produits dans les malformations chez l’enfant. Mais il convient d’appliquer le principe de précaution et de s’en protéger au mieux. D’autant plus que l’exposition aux PE peut induire des répercussions ultérieures bien après la naissance. Les zones géographiques dans le monde où l’on constate le plus de malformations génitales sont également celles où il existe le plus de troubles de la fertilité et de cancers du testicule. Les enfants présentant une malformation génitale doivent donc être suivis très attentivement durant toute leur vie. Il faut également veiller aux effets transgénérationnels. L’épigénétique, qui consiste en une modification de l’expression des gènes, ne s’arrête pas à la naissance ! M. Skinner a ainsi démontré que l’exposition de rongeurs à des PE entrainaient l’apparition de malformations jusqu’à la cinquième génération.
R-P.Dupuy, en pédiatrie et plus spécifiquement concernant le développement sensoriel de l’enfant 1/ Il existe une empreinte de l’alimentation et de l’environnement fœtal qui agit sur le devenir de l’enfant. Les récepteurs chimio sensoriels permettent déjà au fœtus dans le ventre de sa mère de comprendre, apprendre et mémoriser… Le tout-petit, à sa naissance, possède ainsi déjà une histoire. Dès la vie fœtale, il possède des capteurs gustatifs et olfactifs au niveau de la sphère orale ainsi que des capteurs cutanés, auditifs et visuels… Il est donc doté d’outils qu’il utilise en permanence et avec lesquels il apprend et teste le milieu dans lequel il se trouve. Le liquide amniotique a un goût ! Les différentes expériences sont inscrites dans son histoire fœtale et se consolideront en lui permettant de découvrir d’autres éléments. En post natal, le nourrisson traverse une période « lactivore » durant laquelle il ne boit que du lait. Le lait maternel continue à lui apporter la diversité et la reconnaissance de modulations sensorielles et gustatives qu’il avait déjà in utero. Puis arrive la période « omnivore » durant laquelle, de plus, l’enfant est doté de capacités sensorimotrices : il fait des mouvements avec ses mains, les porte à sa bouche... 2/ Manger constitue pour l’enfant un apprentissage et une socialisation qui s’effectue avec son environnement. La période d’acceptabilité des aliments se situe entre 4 et 6 mois. Proposer à l’enfant des aliments nouveaux durant cette période augmente grandement les probabilités d’une bonne diversification alimentaire ultérieure. Il faut lui permettre de découvrir des saveurs afin qu’il se les approprie. Chaque fois qu’un nouvel aliment est proposé à l’enfant, celui-ci le valide à travers son environnement qui lui prouve que cet aliment est mangeable. Il existe un aspect narratif dans le repas qui ne consiste pas seulement, même pour un toutpetit, à se faire nourrir ; il s’agit, au contraire, de le faire participer activement. 3/ Communiquer auprès des parents et veiller à la bonne application pratique des messages. « La nutrition, c’est bien ; l’alimentation, c’est mieux ! » : tel est le message à transmettre aux jeunes parents. L’alimentation ne se résume pas à des nutriments, nous nous nourrissons aussi d’expériences humaines, sensorielles et sociales, plaisantes ou non…
T. Fournier, en tant que sociologue 1/ Promouvoir auprès des jeunes parents, durant les 1 000 jours, un comportement alimentaire sain et équilibré. Sur le plan nutritionnel, on note en effet une attention plus marquée des parents lors de cette période, en particulier quand il s’agit du premier enfant. 2/ Communiquer avec mesure et bienveillance sur les recommandations nutritionnelles auprès du grand public : - en évitant notamment de sur-responsabiliser les parents, voire de les culpabiliser ; - en prenant en compte les enjeux socio-culturels de l’alimentation Il est également important de dispenser les informations par différents canaux, notamment via l’école d’une part en enseignant la culture alimentaire et en formant, d’autre part, les professionnels concernés de la petite enfance. 3/ La dimension sociale de l’alimentation est essentielle à considérer. L’attention des parents à l’égard de l’alimentation de leur progéniture glisse progressivement, au moment de la diversification, de l’aspect nutritionnel à l’aspect socialisateur. Durant la première année les parents sont très attentifs au plan nutritionnel pour la bonne santé et le développement optimal de l’enfant. L’enjeu devient ensuite davantage social : l’enfant, qui mange diversifié et sait reconnaître les aliments, doit apprendre 5
à les consommer dans le cadre des règles sociales qui encadrent l’acte alimentaire de son groupe : la commensalité, autrement dit manger ensemble et à table. 4/ Enfin, l’éducation alimentaire possède plusieurs composantes, nutritionnelles, sociales et culturelles qui doivent s’articuler et interagir. La santé mais aussi les notions de plaisir, de goût, de convivialité… constituent un ensemble d’éléments importants dans l’alimentation. Les questions et échanges des participants ont permis d’aborder différents sujets. 1/ Etre à l’écoute des parents Il convient d’informer, de former et d’agir… On peut ajouter : écouter avec bienveillance, comprendre et prendre le temps nécessaire… Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il n’y a aucun interdit à formuler mais simplement des suggestions à proposer… 2/ Allaitement maternel On constate le petit nombre de mères allaitantes dès lors qu’elles reprennent le travail et que les enfants sont en crèche. La société aide peu ces mamans qui continuent d’allaiter… Il est donc important que l’information en la matière soit dispensée à plusieurs reprises, à différentes occasions et pour chaque nouvelle génération. En ce sens, des cours sur l’allaitement font maintenant partie de la préparation à l’accouchement. 3/ Importance du soutien aux familles vulnérables via les réseaux interprofessionnels Lorsqu’une famille est en état de vulnérabilité, il est important pour le praticien de pouvoir s’appuyer sur un réseau interprofessionnel afin d’être dans une écoute optimale, d’orienter à bon escient, de prendre – si nécessaire- des dispositions d’accompagnement spécifiques et d’organiser ainsi au mieux l’indispensable suivi durant la période des 1 000 jours.
…………………………………………………………….. LES 1000 JOURS DANS NOTRE QUOTIDIEN : QUELLES ACTIONS POSSIBLES ? Partage, échanges et inspiration en lien avec la prévention précoce PRESENTATION D’INITIATIVES LOCALES 1. COMITE D’EDUCATION A LA SANTE 34/48 Valérie Morice, Infirmière spécialisée en nutrition, Chargée de mission santé en Lozère pour le CODES 34/48.
Le Comité Départemental d’Education pour la Santé (CODES) 34/48, est une association ayant pour mission de concevoir, mettre en œuvre et évaluer des actions de prévention par une approche positive et globale de la santé auprès de toute la population. Le CODES met également en place des formations et un accompagnement méthodologique pour les professionnels en ce qui concerne l’élaboration de projets et actions de prévention/éducation pour la santé. En outre, il met à disposition gratuitement des documents et effectue des prêts d’ouvrages périodiques et outils pédagogiques pour mener des actions préventives. V. Morice, à titre d’exemple, détaille un projet actuellement en cours sur la Lozère, intitulé : « Appui à la parentalité pour les parents et les professionnels de la petite enfance », qui propose des temps d’échanges aux parents de la Maison de l’enfance de Langogne et aux assistantes maternelles, sur 5 thématiques identifiées comme prioritaires : Ecrans // Accidents domestiques et gestes de premiers secours // Propreté // Comportement, règles et colère // Repères nutritionnels et diversification alimentaire. Les partenaires sont multiples (Contrat local de santé Haut Allier, Maison de l’enfance et Centre hospitalier de Langogne, Relais d’Assistantes Maternelles, CCSS (CAF), PMI…) et le financement assuré par l’ARS de Languedoc Roussillon. V. Morice présente également : « Moins d’écran, plus de temps pour bouger », les 2 soirées débats organisées pour sensibiliser les parents et assistantes maternelles aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans et accompagner ces adultes à diminuer les temps d’écran des enfants en favorisant les temps d’activité physique dès le plus jeune âge. Enfin, V. Morice effectue succinctement un focus sur le projet concernant la prévention de l’obésité des enfants de 0 à 6 ans, mené avec le soutien de l’ARS, sur le territoire Pays Cœur d’Hérault, dans le cadre du 6
Contrat local de santé. Le principe consiste par le soutien à la parentalité et en organisant des rencontres entre parents, à promouvoir une alimentation équilibrée et l’activité physique chez enfants de 0 à 6 ans. Là encore, de nombreuses structures sont partenaires PMI, crèches, relais d’Assistantes Maternelles et écoles maternelles.
2. PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE DE L’HERAULT Présentation d’une démarche de formation des personnels pour mieux soutenir le développement des enfants dans les 1 000 premiers jours.
Dr Anne Alauzen, Médecin Chef de service PMI de la Direction « Enfance et famille » ; Conseil Départemental de l’Hérault // Dr Jennifer Policar, Médecin PMI, Agence de la Solidarité Départementale « Les Portes de la mer », Montpellier // Maryline Demus, Infirmière puéricultrice PMI, Agence de la Solidarité Départementale « Les Portes de la mer », Montpellier.
A. Alauzen Les services de la Protection maternelle infantile (PMI) sont animés par les départements et la PMI de l’Hérault dépend donc du Conseil départemental. Composée de puéricultrices, de médecins et de quelques sagesfemmes, elle propose des interventions précoces aux familles d’enfants de 0 à 6 ans. La prévention est donc son cœur du métier tant sur le versant anténatal qu’infantile et la formation continue des collaborateurs constitue l’une de ses priorités. Nous savons que les difficultés sensori-motrices sont responsables d’importantes perturbations dans le développement de l’enfant. Il est donc essentiel de détecter ces difficultés le plus tôt possible pour intervenir de façon optimale. Dans cette optique, une formation dédiée à l’ensemble des professionnels de la PMI de l’Hérault a été mise en place. Il s’est agi d’une formation à l’approche des soins de développement, donnant notamment des outils supplémentaires aux professionnels pour analyser finement le développement des nourrissons et des jeunes enfants et avoir une approche sensori-motrice. Cette approche permet d'intervenir en soutenant le développement et les acquisitions de l’enfant. Elle s'intéresse en particulier : à l’installation de l’enfant (dans les bras, au sol, à table...), aux appuis lors de postures facilitatrices, à prendre en compte les éléments du milieu (luminosité, acoustique,…), à la gestion des pleurs, l’alimentation, le sommeil, le développement, les interactions avec le milieu… Cette formation a induit un changement durable des pratiques de la PMI, permettant ainsi de mieux accompagner la prévention et le dépistage des retards de développement. En pratique la formation, élaborée « sur mesure » avec l’Association de Formation et de Recherche sur l'Enfant et son Environnement, a été programmée sur 4 ans pour permettre à l’ensemble des professionnels concernés de participer. Le format a intégré les aspects théoriques et pratiques à travers des ateliers, des séquences filmées et des analyses de cas.
J. Policar La formation au bilan sensori-moteur a apporté au personnel des outils qui ont véritablement modifié la pratique en consultation et surtout notre vision du développement psychomoteur. Nous pouvons ainsi identifier de fines difficultés, qui ne sont pas encore des pathologies et que nous pouvons travailler sur la durée avec l’enfant et ses parents, au travers de son contexte environnemental et psychologique. Le travail en PMI se veut à la fois spécifique et de qualité, global, pluridisciplinaire et, bien entendu, complémentaire avec celui des autres professionnels de santé amenés à suivre l’enfant. J. Policar a ensuite commenté une courte vidéo étayant l’approche sensori-motrice et les fines difficultés de comportement de l’enfant repérables précocement au cours de la consultation. La guidance motrice et posturale dans le cas présenté a constitué un réel soutien pour les acquisitions du bébé. Mais l’approche sensori-motrice se décline également de bien d’autres façons et la consultation permet d’explorer de nombreux aspects du développement tels que l’alimentation, l’oralité, le sommeil ou la gestion des pleurs… 7
M. Demus L’infirmière puéricultrice de PMI effectue des visites à domicile, complémentaires de la consultation, pour accompagner les familles dans leur environnement. M. Demus a commenté une brève séquence vidéo présentant une visite à domicile menée auprès d’une maman dont les jumeaux de 13 mois présentaient des difficultés d’alimentation. L’objectif de la visite était d’observer comment se déroulait concrètement un repas pour ensuite montrer et accompagner au mieux la famille. Les principaux conseils donnés à la maman, avec démonstration des gestes ont ainsi été : - de faire manger chaque enfant dans un environnement calme (éteindre la télévision) et de bien l’installer en face de la personne qui le nourrit de manière à observer ses réactions au cours du repas ; - ne surtout pas le forcer à manger ; - utiliser un bavoir et laisser l’enfant se salir, toucher les aliments pour que le repas devienne un temps de découvertes ; - manger ensemble pour initier un moment d’échanges : laisser l’enfant picorer dans l’assiette de sa maman… Echanges avec les participants - Comment cibler la vulnérabilité familiale ? La PMI hiérarchise les priorités à l’aide d’indicateurs de vulnérabilité liés soit aux parents (maladie, situation de précarité ou d’addiction...), soit à l’environnement (monoparentalité, violence conjugale, précarité...). Elle prend également en compte les éléments survenant au cours de grossesse et pouvant perturber l’arrivée sereine d’un enfant (deuil familial, antécédent d’un enfant mort in utero...). Le personnel de crèche est également un acteur essentiel de la prévention. Les crèches, haltes garderies et tous les services d’accueil de jeunes enfants reçoivent de nombreuses familles en situation de précarité et leur personnel les aide, les accompagne et fait notamment le lien avec la PMI. - Le Dr Odile Pidoux, Néonatologue et médecin référent dans le cadre de la mort inattendue du nourrisson sur Montpellier, présente le dépliant intitulé : « Les règles d’or de ma première année ». Ce document de prévention a pour objectif d’accompagner les parents, de la naissance de l’enfant jusqu’à ses 2 ans. Téléchargeable sur internet, il est également disponible via le réseau « Naître et Vivre » et le CHU de Montpellier. - En rapport avec l’action du CODES « Moins d’écran, plus de temps pour bouger », il pourrait être ajouté : « Moins d’écran pour mieux penser ! ». Différentes études ont montré que le quotient de développement des enfants est inversement proportionnel au temps passé devant la télévision… En PMI, ces études servent de support pour aborder le sujet en consultation avec les parents.
…………………………………………………………….. LE GRAND FORUM DES TOUT-PETITS : LE MANIFESTE ET LES PRINCIPAUX OUTILS DE L’ASSOCIATION Dr Catherine Salinier, Vice présidente de l’association, Pédiatre à Gradignan (33) et Past -President de l’AFPA. Manifeste pour les 1 000 premiers jours Cosigné par 13 sociétés savantes et associations, le Manifeste a établi 5 recommandations pour installer les 1 000 jours en tant que période majeure de prévention nutritionnelle. Ces recommandations ont été partagées avec les pouvoirs publics notamment dans le cadre de la Stratégie Nationale de la Santé. Parce que l’environnement des 1 000 premiers jours de la vie du tout-petit influence sa santé future, il est important de se mobiliser. Organisations internationales, pouvoirs publics, experts, acteurs et parties prenantes… Nous avons tous un rôle à jouer. Soutenir et signer le manifeste pour les 1 000 premiers jours de vie, c’est adhérer aux 5 propositions qu’il porte !
8
LES 5 RECOMMANDATIONS DU MANIFESTE POUR LES 1000 PREMIERS JOURS DE VIE, PERIODE CLE DANS LES STRATEGIES DE PREVENTION NUTRITIONELLE 1 – POLITIQUES DE PRÉVENTION Identifier les 1 000 jours comme une période prioritaire de prévention dans les politiques de santé publique. 2 – EXPERTISE & RECHERCHE Développer et faire connaitre les enjeux de la période des 1 000 premiers jours dans les travaux d’expertises collectives. Encourager la recherche dans ce domaine grâce à un financement public fort. 3 – RECOMMANDATIONS Elaborer des repères nutritionnels simples sur cette période, compréhensibles par tous les publics, pour combler les écarts entre les recommandations et les pratiques. 4 – PREVENTION GRAND PUBLIC Prioriser au sein du PNNS, de manière permanente, la prévention des futurs parents et jeunes parents, et particulièrement des populations défavorisées. Réactualiser les outils de sensibilisation en intégrant le concept des 1000 premiers jours. 5 – FORMATION Informer et former tous les professionnels de santé et acteurs de la petite enfance sur l’importance des 1 000 premiers jours, afin qu’ils transmettent les bonnes pratiques aux parents.
Principaux outils réalisés par l’association et déjà disponibles L’association a constitué 3 Groupes de travail et plus de 50 experts participent bénévolement à la construction d’outils en lien avec la prévention précoce… Le Groupe de travail sur les 1 000 jours a produit un livret de connaissances à destination des professionnels de santé, ainsi qu’un film d’interviews d’experts et une bande dessinée « la petite Charlotte ». Le Groupe de travail sur la précarité a construit un kit pour les accompagnants des personnes en situation de précarité. Il comprend notamment un ensemble livret récapitulatif et un outil ludopédagogique sur les thèmes : « Grossesse », « Allaitement », « Diversification alimentaire », « Et après 1 an » et « Estime de soi ». Le Groupe de travail sur les fruits et légumes a conçu un programme pour les crèches (ou toute autre structure accueillant les jeunes enfants et leurs parents), proposant un thème par année de crèche afin d’accompagner parents et enfants dans la découverte et le plaisir de consommer des Fruits &Légumes. Enfin, un groupe privé Linked In permet les échanges d’expériences, le développement du réseau, le partage d’informations, la publication d’articles, la mise en ligne d’interviews… C’est un outil essentiel pour devenir des ambassadeurs actifs de la cause des 1 000 premiers jours de vie.
Le Dr Catherine Salinier et le Pr Gilles Cambonie ont clôturé les 3èmes Rencontres en remerciant l’ensemble des intervenants ayant contribué à la réussite de cette journée et tous les participants qui se sont mobilisés pour partager et échanger sur les enjeux de la prévention précoce.
9