les douze impossibles de la science

l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé ... Editions Le Pommier- ..... les nombres, Paris, Dunod, 2006, 1172 p.
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LES DOUZE IMPOSSIBLES DE LA SCIENCE Michel Bousseyroux ERES | « L'en-je lacanien » 2006/2 no 7 | pages 153 à 163 ISSN 1761-2861 ISBN 9782749206219

Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Michel Bousseyroux, « Les douze impossibles de la science », L'en-je lacanien 2006/2 (no 7), p. 153-163. DOI 10.3917/enje.007.0153 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 89.82.74.5 - 21/09/2017 12h20. © ERES Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

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Lectures

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À propos de Quand la science a dit…c’est Impossible, par JeanMichel Alimi, Gilles Dowek, Laurence Rolland. Sous la direction de Nayla Farouki. Illustrations Pierre Avocat. Editions Le PommierFayard, 1999. Une philosophe spécialiste de l’histoire des sciences, Nayla Farouki, et trois scientifiques, Jean-Michel Alimi, astrophysicien spécialiste de cosmologie, Gilles Dowek, chercheur en informatique et en automatique qui travaille sur le système de traitement des démonstrations, et Laurence Laurent, biologiste moléculaire, se sont penchés, dans un magnifique livre illustré par Pierre Avocat, sur les moments où, au cours de son histoire, la science a choisi de dire : « C’est impossible ! ».

Michel Bousseyroux, psychanalyste à Toulouse, membre de l’École de psychanalyse des Forums du Champ lacanien. N.B. : Les trois lettres qu’on voit sur la couverture de ce numéro sont les symboles de trois impossibles. Deux impossibles des mathématiques, π, le nombre qui écrit l’impossibilité de quarrer le cercle, et ℵ1, le cardinal du transfini impossible à dénombrer. Et (en rose) cet impossible à négativer qu’est, pour la psychanalyse, Φ le phallus comme signifiant de la jouissance.

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Quand un scientifique affirme « C’est impossible ! », ce peut être un message, soit ontologique sur la réalité du monde et sa nature, soit méthodologique concernant la nature des outils de raisonnement, d’expérimentation et d’observation mis en œuvre, soit épistémologique pouvant ouvrir à un changement de champ de définition ou de paradigme. Poser, par exemple, « il est impossible qu’une porte soit autrement qu’ouverte ou fermée » semble aller de soi. Mais si je dis : et les portes tournantes ? Il va me falloir ici accomplir un saut épistémique, changer de définition quant au fonctionnement d’une porte. Il y a donc des impossibles qui appellent la transgression, de ce qu’on puisse changer de postulat, d’axiome, de principe. Comme le font les mathématiciens en géométrie non euclidienne et les physiciens en mécanique quantique.

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Mais il y a des impossibles que l’on ne peut transgresser, car ils font partie de la définition même des objets que l’on étudie. Affirmer un impossible revient alors à poser une proposition ontologique forte. Comme de dire qu’il est impossible de ne pas mourir, non que la science n’ait pas encore trouvé le moyen de nous rendre immortels, mais que sans la mort on ne saurait définir la vie comme capacité de résister, du moins pour un temps, au second principe de la thermodynamique. Il y a donc plusieurs sortes d’impossibles, et donc de réels pour la science. Un impossible qui oblige la pensée à s’arrêter devant un paradoxe logique est un impossible particulièrement dur. Trois réels très durs sont à cet égard exemplaires d’une butée de la pensée : l’infini, le discontinu (la singularité), et le temps, sans aucun doute le plus dur des réels. Douze des impossibilités qui frappent à la porte de la science sont présentées par les auteurs de ce livre remarquable. La première : il est impossible de démontrer. C’est l’impossible qui surgit de l’axiome des parallèles postulé par Euclide pour la géométrie. Christian Félix Klein a fini par démontrer en 1872 que c’était indémontrable, c’est-à-dire que cet axiome était impossible à démontrer. À partir de là on a pu construire d’autres géométries étrangères à notre espace intuitif, comme celle de Riemann, mais fort utiles à Poincaré et à Einstein pour approcher autrement le réel de la physique. C’est cet impossible à démontrer que le théorème d’incomplé-

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tude de Gödel démontre pour tout langage consistant, susceptible d’être compris par un ordinateur et suffisamment riche pour comprendre l’arithmétique, en disant qu’il ne peut l’être, consistant, que s’il est incomplet, c’est-à-dire que s’il y a dans ce langage des propositions qu’il est impossible de démontrer dans ce langage, bien qu’on les sache pourtant devoir être vraies.

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C’est ce qu’en mathématique et en physique on appelle le chaos, qui signifie une prévisibilité limitée dans un système déterministe due à une forte sensibilité aux conditions initiales qui fait croître l’erreur de façon exponentielle. C’est le cas du système solaire. On peut aujourd’hui, grâce aux ordinateurs très puissants dont disposent les astronomes, calculer avec une précision incroyable la trajectoire de la Terre sur des milliers d’années et guider la sonde Voyager 2 de façon à ce qu’elle rejoigne, après douze années de voyage, la planète Neptune à quelques kilomètres seulement de l’endroit prévu par les calculs. Mais si l’on répète les calculs sur ordinateur pour prévoir, à partit de deux points initiaux très voisins, l’évolution de la trajectoire de la Terre sur plusieurs millions d’années, là on arrive à des résultats très divergents des trajectoires. Si bien que l’évolution du système solaire dans quelques millions et a fortiori dans un milliard d’années est absolument impossible à prévoir, bien que la seule interaction en jeu soit la gravitation et que l’application de ses lois à ses neuf planètes permette d’en calculer, par la méthode dite de perturbation, leurs trajectoires. La troisième : il est impossible de définir. Cet impossible concerne la classification des espèces d’êtres vivants, qu’on estime actuellement entre deux et quarante millions. Linné et Buffon en ont précisé les critères. Mais, avec Lamarck et Darwin, les espèces ne sont invariables que temporairement : la théorie de l’évolution rend impossible toute définition précise de l’espèce – puisqu’elle « bouge » – et par conséquent toute classification des êtres vivants. La quatrième : il est impossible de tracer… … avec la règle et le compas, un cercle et un carré de même surface. Il s’agit de la fameuse quadrature du cercle, formulée par Hippo-

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La deuxième : il est impossible de prévoir.

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crate de Chios. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour démontrer son impossibilité. D’abord Pierre Wantzel montra en 1837 qu’avec les nombres algébriques on peut mesurer tous les segments constructibles à la règle et au compas, les équations des droites et des cercles qu’on construit à la règle et au compas étant des équations algébriques du premier et du second degré dont les coefficients sont les coordonnées des points déjà construits. Puis Ferdinand von Lindemann démontra en 1882 que le nombre π n’était pas un nombre algébrique (c’est un nombre transcendant, soit un nombre irrationnel non algébrique, c’est-à-dire dont aucune équation à coefficient entier n’est la solution). Etait ainsi enfin démontré que le nombre π n’est pas constructible à la règle et au compas et donc que la quadrature du cercle est impossible. La cinquième : il est impossible d’engendrer…

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… sans ancêtre. Il a fallu attendre Louis Pasteur pour mettre fin à la théorie tenace de la génération spontanée des micro-organismes. Grâce au microscope qu’il invente, Leeuwenhoek démontra que les puces étaient issues d’autres puces. Puis, découvrant les microbes en 1674, il orienta les recherches sur la génération spontanée des microbes. C’est Pasteur qui en 1862 parvint à la réfuter. Mais c’est alors que surgit un nouveau problème : si le vivant ne provient que du vivant, comment expliquer l’origine de la vie ? En 1952 Stanley Miller et Harold Urey ont tenté de reconstituer les premières étapes de la phase chimique de l’apparition de la vie sur Terre, en obtenant notamment des acides aminés. Mais ces synthèses prébiotiques ne résolvent pas le problème de l’origine de la vie. Reste aussi la question de savoir si la vie est on non spécifique à la Terre. Si elle l’était et si la science ne peut reproduire les conditions réelles de son apparition, alors l’étude de l’origine de la vie est bel et bien impossible. La sixième : il est impossible de compter Cet impossible est issu de la théorie mathématique de l’infini. Pour concevoir celle-ci il faut partir de la notion de « autant que », dite d’équipotence. Il y a autant de jours dans la semaine que de planètes pour les Anciens. Dans le fini, un ensemble ne peut avoir autant d’éléments que l’une de ses parties. Mais ce principe selon lequel le tout est plus grand

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que la partie, comme l’a montré Bernard Bolzano, ne s’applique pas à l’infini. Richard Dedekind a défini les ensembles infinis comme ayant autant d’éléments que l’une de leurs parties. À partir de là il fut possible de se demander si tous les ensembles infinis avaient le même nombre d’éléments ou bien s’il y avait des infinis plus grands que celui des nombres entiers… C’est ce qu’a démontré Georg Cantor en 1873 avec sa « méthode de la diagonale ». Il a démontré fort astucieusement qu’il est impossible de mettre en correspondance l’ensemble des nombres entiers avec l’ensemble des nombres réels (les nombres à virgule qui ont une infinité de chiffres après la virgule) sans oublier dans cette mise en correspondance au moins un nombre réel. Par cette méthode du « nombre diagonal » Cantor a démontré que le nombre des réels est plus grand que celui des entiers et a pu distinguer à partir de là l’infini dénombrable des entiers de l’infini non dénombrable des réels. Il y a donc des nombres impossibles à compter. Et curieusement, cet ensemble des nombres réels, qui sont les points d’un segment compris entre 0 et 1, est non seulement aussi grand que celui des points de la droite infinie mais aussi grand que celui des points sur le plan ou même dans un cube ! Cantor a supposé que cet infini indénombrable, impossible à dénombrer, était le deuxième, qu’il nomme ℵ1, c’est-à-dire qu’entre lui et l’infini dénombrable, qu’il nomme ℵ0, il n’y avait pas de nombre. C’est ce qu’on appelle l’hypothèse du continu. Paul Joseph Cohen a démontré en 1963 que c’est indécidable, soit que la démonstration de cette proposition comme de sa négation sont impossibles. La septième : il est impossible d’observer Cet impossible remet en question notre représentation de la structure de la matière à l’échelle atomique et concerne la mécanique quantique en tant qu’elle a introduit, avec Werner Heisenberg en 1927, un « principe d’incertitude » qui rend les prédictions certaines sur l’évolution d’un système quantique impossibles, seul le calcul des probabilités d’avoir tel ou tel résultat à l’issue de la mesure étant possible. Ce qui fait que la notion même de trajectoire d’une particule n’existe plus dans le monde quantique, comme elle existe dans le monde de la mécanique classique newtonienne où la position et la vitesse d’un mobile sont à tous instants calculables. Le principe d’incertitude signifie, au contraire, l’im-

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possibilité de mesurer avec précision position et vitesse simultanément, ainsi que l’impossibilité de mesurer à la fois le niveau d’énergie d’un système et la durée pendant laquelle il s’y trouvera. Cela vient de ce que, comme l’a montré Niels Bohr, toute interaction entre un appareil et un système quantique perturbent ce dernier. La théorie quantique implique donc un nouveau regard sur les choses : lorsqu’on veut observer un électron à proximité du noyau de l’atome, sa trajectoire disparaît, nous échappe. L’électron perd ses propriétés dynamiques. On dit qu’il est « délocalisé ». C’est ce que démontre la célèbre expérience qui consiste à envoyer un faisceau d’électrons sur une paroi opaque percée de deux fentes. Encore plus surprenants sont les phénomènes de « non-localité quantique » montrés par les expériences d’optique quantique, avec ce qu’on appelle « l’effet tunnel », qui fait que si les hérissons avec lesquels Alice joue au croquet étaient des objets quantiques, un de ces hérissons pourrait avec une certaine probabilité traverser le mur pour apparaître de l’autre côté et voir que la montre qu’il a empruntée au lapin blanc a reculé dans le temps, comme dans une expérience où des photons semblent traverser une barrière à une vitesse égale à 1,7 fois celle de la lumière. La huitième : il est impossible d’empêcher… … le vieillissement. Les généticiens sont partis à la recherche des mécanismes du contrôle génétique de la longévité et des processus de vieillissement. Le raccourcissement des télomères des chromosomes semble jouer un rôle. Parmi les facteurs environnementaux, les radicaux libres aussi. Mais c’est le métabolisme cellulaire, soit ce qui définit la vie, qui les produit d’autant plus qu’il est plus élevé. Les vitamines A et E aident à les éliminer, mais leur consommation n’a pas encore fait ses preuves sur un quelconque ralentissement du vieillissement. Bref, l’allongement de la vie humaine n’est pas pour demain. La neuvième : il est impossible de dépasser… … la vitesse de la lumière. Rien ne peut se propager à une vitesse infinie. Il existe une vitesse impossible à dépasser, celle de la lumière égale à 300000 km/s. Ce qui veut dire qu’il est impossible de définir un même « maintenant » partout. Cet impossible découvert par Einstein a

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permis le développement de la théorie de la relativité restreinte. Cette invariance c de la vitesse de la lumière signifie en relativité restreinte que l’espace et le temps doivent être envisagés comme un seule structure à quatre dimensions. Le temps n’est plus un invariant, ni non plus la longueur et la masse.

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Chercher comment résoudre des équations est un problème central en mathématiques. Pour les équations du premier et second degré il n’y a pas eu de problème dès l’Antiquité. Pour celles du troisième et du quatrième degré non plus dès le seizième siècle. Mais pour celles du cinquième degré on est tombé sur un os. La théorie de Galois montre que les solutions de l’équation x5 – 6x +3 = 0 ne peuvent être exprimées, comme les précédentes, à partir des coefficients de cette équation à l’aide des opérations +, -, x, : et √. C’est Evariste Galois qui a démontré en 1830 que c’est impossible. Cette démonstration de l’impossible résolution algébrique des équations du cinquième degré fait appel aux nouveaux concepts de corps de nombres et de groupes de Galois. Sinon, pour exprimer les solutions des équations du cinquième degré on doit introduire des fonctions elliptiques. La onzième : il est impossible de prédire… … la forme d’une protéine, la forme du repliement dans l’espace de sa chaîne d’acides aminés qui lui donne sa structure finale, nécessaire à son bon fonctionnement. On détermine cette forme par cristallographie et spectroscopie. Chaque protéine prend une forme repliée particulière, parmi des milliards de formes de repliement possibles. Cependant, ces repliements, par exemple pour la protéine transporteuse d’oxygène, sont étonnamment semblables chez les mammifères, les insectes et les plantes, bien que leurs enchaînements d’acides aminés diffèrent à plus de 80%. Connaissant cet enchaînement des acides aminés d’une protéine, aucune règle simple ne permet de prévoir sa structure spatiale repliée. On peut seulement dire que si l’identité d’enchaînement entre deux protéines de structures connues est supérieure à 40%, la forme repliée sera similaire. Il est impossible de prévoir la structure repliée en calculant l’énergie de stabilisation.

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La dixième : il est impossible de résoudre

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… les premiers instants de l’Univers. La relativité générale et la découverte de l’expansion permettent de construire un Univers et de lui supposer un commencement, il y a un peu moins de quatorze milliards d’années. Mais il est impossible de remonter à cette origine au delà de ce qu’on appelle « le mur de Planck », qui est une limite temporelle imposée à la pensée par la théorie quantique. On ne peut penser un modèle du commencement de l’Univers en deçà d’un temps égal à 10-44 seconde. C’est dire que ce mur est d’une épaisseur impensable. Au regard d’une fraction de seconde si inconcevablement petite (43 zéros après la virgule avant d’écrire 1), le battement de cil de Béatrice, quand Dante la croise au bord de l’Arno, occupe l’éternité ! À 10-43 seconde l’Univers n’a que 10-23 cm de diamètre et, avec une température de 1032 degrés, est plus brûlant que tous les enfers de Dante. Cette butée épistémique du mur de Planck signifie qu’il y a donc une limite physique à la divisibilité du temps, comme il y a, avec la longueur de Planck (égale à 10-33 cm), une limite incompressible à la divisibilité de l’espace. (Pour contourner cette singularité initiale entre l’instant zéro du big-bang et l’instant où le mur de Planck disparaît, Stephen Hawking 1, un des physiciens les plus inventifs depuis Einstein, a proposé, avec James Hartle, le modèle d’un univers initialement sans bord (no-boundary conditions) nécessitant l’introduction du concept de temps imaginaire.) Et l’impossible de la psychanalyse ? Les impossibles de la science ne sont pas les impossibles de la psychanalyse. Mais la psychanalyse, en tant que science de l’impossible comme telle, n’est pas sans être intéressée par les impossibles que la science met à jour. En particulier, par le premier – l’impossible à démontrer – et par le sixième – l’impossible à compter. Lacan a plusieurs fois rendu hommage au « dire de Cantor » et à celui de Gödel. L’impossible à démontrer que démontre le théorème de 1. A lire absolument, pour son très remarquable exposé des œuvres les plus importantes de l’histoire des mathématiques, entre autres, d’Euclide, d’Archimède, de Newton, de Riemann, de Dedekind, de Cantor et de Gödel, le livre de Stephen Hawking, Et Dieu créa les nombres, Paris, Dunod, 2006, 1172 p.

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La douzième : il est impossible de connaître…

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Quant à l’infini, qui n’est pas impossible à dénombrer, des entiers, il n’est pas moins inaccessible. À peine commencée son énumération on ne tarderait d’ailleurs pas à s’endormir ! Mais nul besoin d’aller la chercher si loin cette inaccessibilité. Car, comme l’a montré Gödel dans un article de 1947 intitulé « Quel est le problème du continu de Cantor ? 2 », elle commence déjà à 2. Gödel y définit pour un nombre deux nouveaux concepts, celui d’inaccessibilité et celui d’inaccessibilité forte. ℵ0 est inaccessible et fortement inaccessible. Pour les nombres finis, 0, 2 et nul autre sont fortement inaccessibles ; 0, 1, 2 sont inaccessibles. Un nombre m est inaccessible s’il ne peut être construit par l’addition ou le produit des ensembles d’un nombre d’éléments < m. L’accessibilité des nombres entiers ne commence donc qu’au 3. Gödel observe que l’inaccessibilité et l’inaccessibilité forte ne s’équivalent pas dans le cas des nombres finis et que « cela jette des doutes sur l’équivalence dans le cas des nombres transfinis, laquelle suit de l’hypothèse généralisée du continu » comme ayant sa puissance égale à 2ℵ0 . C’est donc la faille de l’inaccessible déjà inscrite dans le nombre 2 (dont l’inaccessibilité, simple et forte, diffère de celle, seulement simple, du nombre 1) qui, selon Gödel, se reproduit, se retrouve dans l’hypothèse de Cantor sur le continu. Cette inaccessibilité du 2 fait signe, en infère Lacan dans … Ou pire, le 10 mai 1972, du réel du non-rapport sexuel dont l’inconscient témoigne. Voilà ce qui s’apprend du discours analytique : l’accès au deux ne va pas de soi, tout spécialement au lit, au « lit de plein emploi, à deux », comme le dit Lacan dans Encore pour parler de l’espace topologique susceptible de rendre compte de ce qu’on y fait, dans ce lit – « s’étreindre ». 2. Cet article a été traduit en français par J. Largeault, Intuitionnisme et théorie de la démonstration, Paris, Vrin, coll. « Mathesis », 1992, p. 525-526.

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Gödel concerne la structure de l’Autre en tant qu’elle ne va pas à se recouvrir elle-même. C’est cette limitation interne à la structure qui fait qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre. L’impossible à dénombrer concerne la logique des formules de la sexuation, au niveau du quanteur de non exception du côté pastout. La femme, la vierge du fameux tabou freudien, est aussi impossible à dénombrer, aussi impossible à inclure dans la liste des femmes qui se comptent une par une, que le nombre diagonal de Cantor.