® VOL XXI • NO 1 •• JUNE VOL XXIII NO 3 AVRIL2013 2015
Diagnostic, prévalence, caractéristiques, et traitement deJuneÊ2013 la Vol.ÊXXI,ÊIssueÊ1Ê Editorial Board douleur neuropathique post-accident vasculaire cérébral PsychosocialÊAspectsÊofÊChronicÊPelvicÊPain Editor-in-Chief
D
JaneÊC.ÊBallantyne,ÊMD,ÊFRCA iagnostic, prévalence, Anesthesiology,ÊPainÊMedicine caractéristiques, et traiteUSA
ment de la douleur neu-
AdvisoryÊBoard
ropathique post-accident
MichaelÊJ.ÊCousins,ÊMD,ÊDSC vasculaire cérébral La douleur PainÊMedicine,ÊPalliativeÊMedicine Australia
est la
plainte la plus fréquente après accident
patients qui développent une douleur
post-AVC en général, la DCPA possède
post-AVC ont une autre pathologie
un impact négatif sur la qualité de vie
31 12 survival (i.e., Pain is unwanted, is unfortunately and essential for douloureuse pré-existante. La dou-common, chez lesremains survivants d’AVC. evading danger) and facilitating medical diagnoses. This complex amalgamation leur post-AVC peut diminuer la qualité La douleur centrale post-AVC a étéof emotions, and thoughts itselfenaspremier pain behavior. Pain is a motide sensation, vie, augmenter la fatigue, rendre manifests décrite par le neurologue vating factor for physician consultations1 and for emergency department visits and is
plus difficile la rééducation, perturber
français Déjerine et le neuropatholo-
vasculaire cérébral (AVC), rapportée
le sommeil, affecter l’humeur et le
giste franco-suisse Roussy en 1906
dans 11-55% des survivants d’accident
fonctionnement social, et augmenter la
dans leur fameux article « Le syndrome
vasculaire cérébral.
5,24,31,47
La douleur
mortalité à long terme.
49,62,63
Puisque
post-AVC peut provenir des muscles,
l’incidence de l’AVC augmente avec
des articulations, ou des viscères, ou
l’augmentation de l’âge et de
du système nerveux périphérique ou
l’espérance de vie, la prévalence
central.39,63 Le type de douleur post-
de la douleur post-AVC, dont
AVC le plus fréquent comprend l’épaule
la douleur centrale post-AVC
hémiplégique douloureuse, la douleur
(DCPA), est aussi susceptible
liée à des spasmes douloureux ou à la
d’augmenter dans le futur. Il est
spasticité, la céphalée post-AVC, et la
important d’évaluer la présence
douleur centrale post-AVC. Les patients
de douleur chez les survivants
peuvent présenter plusieurs types con-
d’AVC en raison de son impact
comitants de douleur post-AVC.24,39,63
négatif sur la qualité de vie et la
Les facteurs de risque de douleur
thalamique ».13 Les auteurs rapportaient une petite série de patients
rééducation.
post-AVC incluent l’âge jeune, le sexe féminin, la gravité de l’AVC, la spas-
Douleur centrale post-AVC
ticité, le diabète, et la douleur avant
La DCPA est une douleur neu-
avec une constellation de symptômes
l’apparition de l’AVC. Plus de 40% des
ropathique centrale au cours de
neurologiques et une douleur intense
laquelle la douleur est la conséquence
attribuée à une lésion vasculaire du
Henriette M. Klit, MD
directe de la lésion cérébro-vasculaire
thalamus. Ce syndrome douloureux
Henriette M. Klit, MD Danish Pain Research Center Aarhus, Denmark Email:
[email protected]
au sein du système nerveux somato-
devint connu comme le « syndrome
sensoriel. Les autres causes fréquentes
de Déjerine-Roussy » ou « syndrome
de douleur neuropathique centrale
thalamique douloureux ». Les experts
Nanna Brix Finnerup, MD
comprennent la SEP, les lésions de la
ont montré plus tard que des lésions
moelle épinière, la syringomyélie et
vasculaires extra-thalamiques peuvent
Danish Pain Research Center Aarhus, Denmark Email:
[email protected]
la syringobulbie, les tumeurs et abcès
aussi entrainer une douleur, et que
Troels Staehelin Jensen, MD, DMSc
du système nerveux central (SNC), et
ainsi, le terme « douleur centrale post-
Danish Pain Research Center Aarhus, Denmark Email:
[email protected]
d’autres maladies inflammatoires du
AVC » est préférable.27,28,54 Dans ce
SNC (e.g., myélite). Comme la douleur
numéro de Pain: Clinical Updates nous
PAIN: CLINICAL UPDATES • AVRIL 2015
1
allons passer en revue le diagnostic, la prévalence, les caractéristiques cli-
La douleur post-AVC peut diminuer la qualité de vie,
niques, et les traitements basés sur les
augmenter la fatigue, rendre plus difficile la rééducation,
preuves au cours de la DCPA.
perturber le sommeil, affecter l’humeur et le fonctionnement
Diagnostic de la DCPA
social, et augmenter la mortalité à long terme.
Il est important de distinguer les
pour la douleur neuropathique, mais
aucune association primaire avec le
douleurs nociceptives, des douleurs
ces critères ne comprenaient pas
mouvement, l’inflammation, ou autres
neuropathiques, chez les patients
l’exclusion d’autres causes de douleur.
dégâts tissulaires locaux; certaines
présentant un AVC, puisque le choix
Ainsi, en 2009, nous avons publié une
descriptions comme des brûlures, une
des traitements diffère souvent dans
proposition de critères diagnostiques
sensation de froid douloureux, des
ces pathologies. Toutefois, il n’existe
pour la DCPA, basée sur le système
décharges électriques, une douleur
pas de caractéristiques particulières
de gradation,37 incluant des critères
sourde, une pression, une douleur
dans l’histoire ou les découvertes
obligatoires et des critères en faveur.
cuisante, des fourmis; et une allodynie
cliniques qui peuvent séparer la
Les critères obligatoires pour le diag-
ou une dysesthésie au toucher. Dans
douleur neuropathique de la douleur
nostic de la DCPA sont les suivants:
le même article, nous avons publié
musculo-squelettique avec certitude,
une douleur dans la zone corporelle
un système de gradation, basé sur ces
et cela rend une telle distinction par-
correspondant à la lésion du SNC, une
critères diagnostiques, permettant
histoire suggestive d’AVC et un début
aux chercheurs de classifier la DCPA
liée au fait que les patients présentant
de douleur au moment ou après le
comme « possible », « probable », ou « cer-
un AVC présentent souvent d’autres
début de l’AVC, la confirmation de la
taine » (Tableau 1).
pathologies douloureuses. Egalement,
lésion du SNC par l’imagerie et/ou des
certaines pathologies douloureuses
signes sensoriels négatifs ou positifs
critères diagnostiques proposés, le
post-AVC peuvent être des types
limités à la zone corporelle correspon-
diagnostic de DCPA est basé sur
mixtes de douleur, comme dans le
dant à la lésion du SNC, et , si possible,
l’histoire de l’AVC et de la douleur et
cas de l’épaule douloureuse. En 2008,
l’exclusion d’autres causes de douleur
sur l’examen clinique avec un focus
un nouveau système de gradation a
comme une douleur nociceptive ou une
sur les découvertes cliniques sensi-
émergé pour la douleur neuropathique
douleur neuropathique périphérique.
tives. Si possible, la lésion vasculaire
avec différents critères d’inclusion
Les critères en faveur comprennent:
doit être visualisée par une imagerie,
fois difficile.
53
Cette complication est
Comme le laisse entendre les
Tableeau 1 Système de gradation de la douleur centrale post-AVC (DCPA)* Critères à évaluer pour chaque patient
Commentaires
1. Exclusion des autres causes possibles de douleur
Pas d’autres causes évidentes de douleur Pas de relation primitive avec le mouvement, l’inflammation, ou d’autres lésions tissulaires locales Descriptions comme des brûlures, un froid douloureux, des décharges électriques
2. Douleur avec une distribution neuro-anatomique nette plausible
Douleur localisée unilatérale ou croisée face/corps dans une zone corporelle correspondant à une lésion cérébro-vasculaire
3. Une histoire suggestive d’AVC
Apparition soudaine de symptômes neurologiques avec douleur débutant au moment ou après le début de l’AVC
4. Démonstration d’une distribution neuroanatomique nette, plausible, par un examen clinique neurologique
Constatation de signes sensitifs positifs et/ou négatifs avec une distribution anatomique plausible et une douleur localisée à l’intérieur d’un territoire d’anomalies sensitives
5. Démonstration d’une lésion vasculaire pertinente à l’imagerie
Visualisation d’une lésion qui peut expliquer la distribution des découvertes sensitives, soit à la TDM ou en IRM
* DCPA possible: critères 1+2+3 remplis. DCPA probable: critères 1+2+3 remplis plus soit 4 ou 5. DCPA certaine: critères 1-5 remplis. 2
PAIN: CLINICAL UPDATES • AVRIL 2015
soit tomodensitométrie (TDM) ou
anomalies sensitives. Quarante parmi
imagerie par résonance magnétique
les patients avec une DCPA (82%)
(IRM). Les autres outils utiles com-
avaient d’autres affections doulou-
prennent le dessin de la douleur et
reuses concomitantes.25 Dans cette
les questionnaires classiques de la
étude, comme dans d’autres études
douleur, dont les échelles de douleur
sur la DCPA, la présence de la DCPA
neuropathique comme le DN4 (Dou-
était associée à la gravité de l’AVC, mais
leur Neuropathique en 4 questions)
pas à l’âge d’apparition de l’AVC, ni au
et l’échelle d’évaluation des signes et
sexe, ou au sous-type d’AVC basé sur
symptômes neuropathiques de Leeds
l’étiologie de l’AVC.
(Leeds Assessment of Neuropathic
Dans une étude de population à
Symptoms and Signs Scale - LANSS
Rimini, Italie, publiée en 2013, la DCPA
Scale).23 Parfois il est nécessaire de
était diagnostiquée chez 66 des 601
réaliser des investigations supplé-
patients, correspondant à une inci-
mentaires, comme un test sensitif
dence de 11%.52 La DCPA avait la même
quantitatif (TSQ),23 une imagerie addi-
prévalence chez les hommes et les
tionnelle, ou des explorations neuro-
femmes. Chez la majorité des patients,
physiologiques, pour exclure d’autres
la douleur s’est développée immédiate-
causes de douleur.
ment (58%) ou au cours du premier mois après l’AVC (20%).
Prévalence
La DCPA peut se développer
La prévalence rapportée pour la douleur centrale post-AVC varie entre 1% et 12%. 2,9,25,31,36,39,42,47,52,61,64 Dans une étude de population au Danemark, basée sur un questionnaire chez 608 patients ayant présenté un AVC et un examen clinique de 51 patients avec une DCPA possible, la prévalence minimum de DCPA certaine ou probable était de 7,3% (N=35) et 8,6% (N=41) si les dysesthésies ressemblant à une DCPA étaient inclues.
36
Le durée moyenne de
suivi était de 4,4 ans. Dans une étude finlandaise de DCPA chez des patients jeunes avec un AVC ischémique et une durée médiane de suivi de 8,5 ans, un total de 49 patients sur les 824 avaient une DCPA, ce qui correspond à une prévalence de 5,9%. Parmi les 775 patients res-
aussi bien après des lésions vasculaires ischémiques que hémorragiques, n’importe où dans la partie somatosensorielle du SNC,41 mais il existe quelques indices que l’incidence de la DCPA pourrait être plus élevée après des lésions dans certaines zones cérébrales, dont le thalamus, la région opercule-insulaire, et le tronc cérébral.6,17,18,35,40,43,48 Etant donné que tous les patients présentant une DCPA ont des anomalies sensitives, il n’est pas surprenant que les patients avec des anomalies sensitives aient un risque accru de développer une DCPA. La constatation de dysesthésies précoces
Caractéristiques de la douleur La durée rapportée entre l’AVC et le début des douleurs varie. Chez la majorité des patients, la douleur débute soit immédiatement soit dans les 3 premiers mois après l’AVC.2,25,36,52 Le début de la douleur est souvent insidieux. Les symptômes vont des dysesthésies ennuyeuses à une douleur intense. La majorité des patients rapportent une douleur modérée.2,44,52,64 Dans une étude de population, la médiane de l’intensité douloureuse était de 5 sur une échelle numérique (allant de 0-10).36 La douleur peut être spontanée, provoquée, ou les deux. Les facteurs de déclenchement de la douleur peuvent être des stimuli internes, comme le stress et les émotions, ou des stimuli externes, comme le toucher ou le froid.9,44 La douleur semble la plupart du temps être chronique, souvent constante et permanente, mais chez quelques patients, la douleur diminue avec le temps.38 Les qualificatifs de la sensation douloureuse utilisés par les patients présentant une DCPA incluent brûlure, sourde, piquante, tranchante, fulgurante, constrictive, pulsatile, coupante, fourmillement douloureux, engourdissement, sourde, crampes.2,7,22,44,55,64
Constatations cliniques
provoquées ou de douleur provoquée
Les fonctions sensitives peuvent être
au moment de l’AVC sont aussi associés
examinées grâce à des tests simples
à un risque accru de développer une
au lit du patient, comme le coton pour
DCPA.
38
le toucher, un stimulus pointu ou
tants, 246 décrivaient des anomalies sensitives et 529 n’avait ni anomalies
Les qualificatifs de la sensation douloureuse utilisés par
sensitives ni DCPA. Les investigateurs
les patients présentant une DCPA incluent brûlure, sourde,
ont trouvé que les patients avec une DCPA avaient une moins bonne qualité
piquante, tranchante, fulgurante, constrictive, pulsatile,
de vie comparée à celle des patients
coupante, fourmillement douloureux, engourdissement,
sans DCPA, les deux ayant ou non des
sourde, crampes.
PAIN: CLINICAL UPDATES • AVRIL 2015
3
tranchant pour la douleur, un roller
de douleur et de température est très
métallique thermique (ou tout objet
fréquente chez les patients avec un
métallique) pour la sensation de froid,
AVC sans DCPA.2,8,58 Pour cette raison,
et une brosse douce pour l’allodynie dy-
certains experts suggèrent qu’une lé-
namique.23 La zone douloureuse chez
sion du tractus spino-thalamique est
les patients présentant une DCPA varie
nécessaire, mais pas suffisante, pour
en taille et en distribution.2,9,36,38,44
entrainer une DCPA. Il existe plusieurs
Chez certains patients, seules de
indices pour que des patients avec
petites zones sont touchées, comme
une lésion partielle des voies spino-
Maria Adele Giamberardino, MD
des parties du visage ou un pied. Chez
thalamiques et thalamo-corticales
Médecine Interne, Physiologie Italie
d’autres patients, la douleur affecte de
puissent être plus susceptibles de
grandes zones comme un côté du corps,
développer une DCPA par rapport aux
un membre supérieur ou un mem-
patients avec des lésions complètes de
bre inférieur, ou une moitié entière
ces voies.30
Comité de rédaction Rédacteur en chef
Jane C. Ballantyne, MD, FRCA Anesthésiologie, Médecine de la Douleur USA Comité consultatif
Michael J. Cousins, MD, DSC Médicine de la Doleur, Médecine Palliative Australie
Robert N. Jamison, PhD Psychologie, Prise en charge de la Douleur USA
Patricia A. McGrath, PhD
du corps (toujours controlatérale à la
Psychologie, Douleur de l’enfant Canada
lésion vasculaire hémisphérique). La
Autres constatations
douleur est toujours localisée dans
Il n’existe pas de constatation neu-
une zone d’anomalies sensitives.2,9,44
rologique non sensitive universelle
Comme dans d’autres pathologies neu-
dans la DCPA.44 Les résultats de
rologiques douloureuses, il y a souvent
l’examen clinique non sensitif chez les
une combinaison de constatations
patients présentant une DCPA reflètent
sensitives « positives » et « négatives » à
la localisation et la taille de la lésion
l’examen sensitif. Ainsi, il peut exister
vasculaire et ne sont pas corrélés à la
une perte de sensibilité à une modalité
douleur. Des mouvements choréoathé-
Harriët M. Wittink, PhD, PT
sensitive associée à une hypersensi-
Médecine Physique Pays bas
tosiques, qui faisaient partis de la
bilité à une autre modalité sensitive,
description originale de la « douleur
comme une perte de sensibilité à la
thalamique » telle que décrite par Déjer-
chaleur et une hypersensibilité au
ine et Roussy,13 n’est retrouvée que
toucher. L’hyperalgésie, la dysesthésie,
rarement chez des patients avec une
et l’allodynie sont des constatations
DCPA.6,10
M.R. Rajagopal, MD Médicine de la Doleur, Médecine Palliative Inde
Maree T. Smith, PhD Pharmacologie Australie
Claudia Sommer, MD Neurologie Allemagne
Edition Daniel J. Levin, Directeur de publications Elizabeth Endres, Conseiller en édition Les sujets opportuns en recherche sur la douleur et son traitement ont été sélectionné pour publication, mais les informations fournies et les opinions exprimées n’ont pas impliqué de vérification des découvertes, conclusions, et opinions par l’IASP. Ainsi, les opinions exprimées dans Douleur: Mises au point cliniques ne reflètent pas forcément celles de l’IASP ou de ses dirigeants et conseillers. Aucune responsabilité n’est engagée par l’IASP concernant toute lésion ou dommage aux personnes ou propriétés en matière de responsabilité, négligence, ou par suite à toute utilisation de toutes méthodes, produits, instructions, ou idées contenues dans le présent matériel. En raison des avancées rapides des sciences médicales, l’éditeur recommande une vérification indépendante des diagnostics et des posologie des médicaments. © Copyright 2014 Association Internationale pour l’Etude de la Douleur. Tous droits réservés. Pour toute permission pour ré-imprimer ou traduire cet article, contacter : International Association for the Study of Pain 1510 H Street NW, Suite 600, Washington, D.C. 20005-1020, USA Tel: +1-202-524-5300 Fax: +1-202-524-5301 Email:
[email protected] www.iasp-pain.org
4
fréquentes chez les patients présentant une DCPA. Pour une définition de ces termes,
d’expliquer pourquoi,
voir la taxonomie de la douleur 1
publiée par l’IASP. Dans une étude,
Il est toujours intriguant
36
l’hyperalgésie à la piqure était présente dans 57%, l’allodynie au froid dans 40%, et la dysesthésie à la brosse douce
chez des patients avec des lésions d’AVC et des constatations cliniques
chez 51% des patients présentant une
presque identiques, certains
DCPA.
patients développent des
Des sensations anormales de dou-
DCPA et d’autres pas.
leur et de température sont retrouvées chez presque tous les patients avec une
Les études d’imagerie ont illustré
DCPA. Le traitement sensoriel de la
qu’une lésion n’importe où sur les
température et de la douleur se produit
voies somato-sensorielles, dont les
via le tractus spino-thalamique et le
projections thalamiques et thalamo-
système de projection spino-trigémino-
corticales (particulièrement dans la
thalamique. Une sensation anormale
région operculaire et insulaire)20,30 PAIN: CLINICAL UPDATES • AVRIL 2015
Tableeau 2 Etudes contrôlées versus placebo en double aveugle de traitements oraux pour la DCPA Médicament
Posologie (mg/jour)
Résultat
Nombre de patients Exclusions
NNT
Référence
Design de l’étude
Prégabaline
125–600
Positif
40 mélange de DC 7 (19 DCPA, 21 LME)
4.0
Vranken et al. 200859
Parallèle, schéma posologique flexible
Lamotrigine
200
Positif
30 DCPA
10
NA
Vestergaard et Crossover al. 200157
Amitriptyline
75
Positif
15 DCPA
0
1.7
Leijon et al. 198944
Crossover, 3 phase
Carbamazepine
800
Négatif
14 DCPA
0
-
Leijon et al. 198944
Crossover, 3 phase
Levetiracetam
1000–3000
Négatif
42 DCPA
9
-
Jungehulsing et al. 201332
Crossover
Pregabalin
150–600
Négatif
219 DCPA
36
-
Kim et al. 201134
Parallèle, schéma posologique flexible
Duloxetine
60–120
Négatif
48 mélange de DC (13 DCPA, 34 LME, 1 autre)
4
-
Vranken et al. 201160
Parallèle, schéma posologique flexible
Abbréviations: DC, douleur centrale; DCPA, douleur centrale post-AVC; NNT, nombre nécessaire à traiter; LME: lésion de la moelle épinière. peut entraîner une DCPA.2,11 Les
structurelle de patients présentant un
études en TEP scan ont documenté
AVC thalamique, avec ou sans douleur,
les modifications de débit au sein
a trouvé un odds ratio élevé pour dével-
du thalamus chez les patients avec
opper une DCPA chez les patients avec
une DCPA, à la fois au repos et lors
des lésions au sein du noyau ventral
d’une douleur provoquée.19,51 Les
postérieur / d’une zone en limite du
enregistrements neurophysiologiques
pulvinar dans le thalamus, une zone
avec des microélectrodes ont mesuré
auparavant liée au signal de douleur
une activité anormale spontanée et
et de température.56 Etant donné que
provoquée dans le thalamus de pa-
tous les patients ont une douleur à
tients présentant une DCPA.29,45 Plus
l’intérieur d’une zone d’anomalies
récemment, des IRM avec trajectogra-
sensorielles, il est supposé également
phie au tenseur de diffusion a illustré
ogies douloureuses neuropathiques, la
que la désafférentation joue un rôle
des modifications dans le tractus
DCPA peut répondre à la prégabaline et
important. Le fait que la constatation
l’amitriptyline,15 malgré le fait qu’une
d’hypersensibilité est fréquente et peut
étude négative a été publiée.34 La
spino-thalamique.30
Traitement Le traitement de la DCPA est difficile étant donné l’efficacité limitée des médicaments disponibles et leurs effets indésirables limitant les posologies. Traiter la DCPA est donc un défi permanent. Il existe seulement très peu d’études contrôlées contre placebo en double aveugle publiées sur la DCPA. Ces études sont résumées dans le Tableau 2.32 Conformément aux autres pathol-
précéder le développement d’un DCPA
Physiopathologie
lamotrigine peut être efficace contre la
chez des patients présentant un AVC
douleur persistante et la douleur provo-
La physiopathologie complète de la
signifie que des mécanismes impliquant
quée par le froid dans la DCPA,57 mais
DCPA n’est pas bien comprise. Il est
qu’une hyperexcitabilité neuronale,
son effet dans d’autres pathologies dou-
toujours intriguant d’expliquer pour-
comme une sensibilisation centrale
loureuses neuropathiques est incon-
quoi, chez des patients avec des lésions
ou une désinhibition, peuvent être
stant. La duloxétine soulage l’allodynie
d’AVC et des constatations cliniques
impliqués.38 Des altérations de l’activité
mécanique dynamique et l’allodynie au
presque identiques, certains patients
observées en imagerie fonctionnelle et
froid chez des patients présentant une
développent des DCPA et d’autres pas.
des modifications de l’activité électrique
DCPA ou une lésion de la moelle épin-
Comme cela a déjà été mentionné, des
comme cela est illustré par les décou-
ière,60 mais l’effet sur la douleur persis-
lésions du tractus spino-thalamique
vertes neurophysiologiques suggèrent
tante n’est pas statistiquement signifi-
ont été impliquées dans le développe-
que la neuroplasticité peut aussi jouer
catif (p=0,056). Etant donné les preuves
ment de DCPA. Une étude en IRM
un rôle.
limitées concernant les traitements de la
PAIN: CLINICAL UPDATES • AVRIL 2015
5
DCPA, il parait raisonnable de tenter des
la SCP sont « peu concluantes » dans le
médication additionnelle.15,16 Les effets
traitements qui possèdent une efficacité
traitement de la DCPA.14 Dans cette
indésirables les plus fréquents de la
dans d’autres pathologies douloureuses
revue, les auteurs recommandent que
gabapentine et de la prégabaline sont
centrales ou des pathologies doulou-
la stimulation de la moelle épinière
la sédation, les étourdissements, les oe-
reuses neuropathiques périphériques, et
(SME) ne soit pas utilisée communé-
dèmes. Les effets indésirables des ADTs
les résultats des études dans la DCPA ne
ment pour la DCPA, sur la base d’une
comprennent les problèmes cardiaques,
contredisent pas les recommandations
seule série de cas non favorable. Une
anti-cholinergiques et la sédation. Si
générales de traitement pour la douleur
seule session de rTMS peut offrir un
nécessaire, nous adressons le patient au
neuropathique. Les anti-dépresseurs
soulagement de courte durée de la
kinésithérapeute ou au psychologue de
tricycliques (ADTs), les inhibiteurs de
douleur chez des patients avec une
la clinique de la douleur pour un traite-
la recapture de la sérotonine-norépi-
DCPA ou d’autres pathologies doulou-
ment individuel.
3,4
néphrine (IRSNs), la prégabaline, et
reuses.
la gabapentine, sont proposés comme
montrent que l’application répétée de
traitement de première ligne, alors que
la rTMS peut offrir un soulagement de
le tramadol est recommandé en sec-
longue durée.26,32,50 Certains patients
onde ligne et les opioïdes forts comme
peuvent bénéficier d’autres possibilités
troisième intention.15 Jusqu’à présent
thérapeutiques dont une psychothéra-
il n’existe pas de preuves pour une as-
pie ou une thérapie comportementale,
sociation thérapeutique dans la DCPA,
la kinésithérapie, ou des programmes
et seulement des preuves limitées pour
d’éducation.46
son utilisation dans d’autres pathologies
Il existe quelques données qui
Dans notre clinique, nous utilisons
douloureuses neuropathiques. Elle peut
une stratégie de traitement pharma-
toutefois être indiquée, chez des patients
cologique personnalisé, prenant en
avec un soulagement partiel, de prendre
compte les médications concomitantes
deux médicaments.21 Lorsqu’il décide
et les autres maladies et symptômes,
d’un traitement, le clinicien devrait
comme la dépression ou les problèmes
garder à l’esprit les effets indésirables
de sommeil, et nous pesons sans cesse
potentiels et les contre-indications, mais
la balance bénéfices-risques. Nous
aussi les symptômes concomitants,
commençons habituellement par un
comme la dépression ou les pathologies
anti-dépresseur (ADT ou IRSN), la
du sommeil, qui peuvent répondre très
gabapentine, ou la prégabaline. La dose
bien à certains traitements. D’autres
habituelle de départ d’un ATD est de
pathologies douloureuses nociceptives
25 mg le soir, augmentée lentement
concomitantes devraient être identifiées
(surtout chez le sujet âgé) de 10 mg
et prises en charge également.
par semaine. Si l’ATD n’est pas bien
Des traitements non-pharma-
toléré ou est contre-indiqué, un IRSN
cologiques - incluant la stimulation
peut être utilisé à la place le soir. La
répétitive trans-crânienne (rTMS), la
dose de départ pour la gabapentine est
stimulation cérébrale profonde (SCP) et
habituellement de 300 mg, augmentée
la stimulation du cortex moteur (SCM) -
de 300 mg tous les 3-7 jours jusqu’à
ont été rapportés dans des cas cliniques
un maximum de 2400 mg par jour.
ou des séries de cas, mais il n’existe pas
Si la gabapentine n’est pas tolérée, la
d’études contrôlées dans ce champ.
prégabaline peut être tentée avec une
Dans une revue récente sur les traite-
dose de départ de 25 mg/j. Si le sou-
ments interventionnels de la douleur
lagement de la douleur est insuffisant,
neuropathique, les auteurs concluaient
une association d’anti-dépresseur et
que, du fait du faible niveau de preuve,
d’anti-épileptique peut être tentée.
les recommandations pour la SCM et
Le tramadol peut être utilisé comme
6
Perspectives d’avenir Il y a un grand besoin de trouver de meilleurs stratégies de traitement. Malheureusement, jusqu’à présent, seulement très peu d’études randomisées en double aveugle de bonne qualité se sont intéressées au traitement de la DCPA. Ces dernières années, quelques modèles animaux mimants la DCPA ont été développés. Nous espérons qu’ils offrirons une nouvelle vision de la physiopathologie de la DCPA, permettant le développement d’essais thérapeutiques basés sur le mécanisme. Les associations de traitements sont souvent utilisées en pratique clinique. De futurs essais dans ce domaine devraient nous guider vers la meilleure association et les meilleures posologies.
Examiner plusieurs signes
prédictifs associés de DCPA comme une localisation dans certaines régions thalamiques et constater une douleur et une dysesthésie provoquées précoces pourraient aider à identifier des patients à haut risque de développer une DCPA. Chez ces patients, des études préventives devraient être faisables. Egalement, il pourrait être intéressant d’étudier l’histoire naturelle de la DCPA dans des études de suivi sur le long terme. De telles études pourraient, espérons le, contribuer à notre compréhension du pronostic et des mécanismes derrière la DCPA.
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