Des suggestions et des idées, à quoi ça sert? - infiressources

nous laissons influencer dans la mesure où celui ou celle qui les avance a déjà .... décision a besoin de mûrir et la haute vitesse quand il est nécessaire de ...
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Des suggestions et des idées, à quoi ça sert? Marcelle Monette, Inf., Ph.D. Théologie (Bioéthique) et Éducation Infiressources, novembre 2010 1

Comme la plupart des êtres humains, quand des personnes expriment des idées, nous nous laissons influencer dans la mesure où celui ou celle qui les avance a déjà notre assentiment. Ainsi, en va-t-il des journalistes lus dans le journal et des politiciens entendus à la télé. Il y a ceux avec qui on est pratiquement toujours d’accord et d’autres avec qui on l’est rarement. Par conséquent, dès qu’ils ouvrent la bouche, on tourne le bouton de la télé ou encore on tourne la page du journal sans lire leurs textes sinon, quand le titre est accrocheur, pour se convaincre qu’ils sont encore dans le champ. Divergences d’opinions? Façons trop opposées d’interpréter le monde? Référents auxquels on ne croit plus? Chimie qui ne passe pas? C’est ainsi que l’on agit dans la vie de tous les jours, consciemment ou non. On accorde de l’importance à une idée, avant même qu’elle soit exprimée, parce qu’elle vient d’une personne à qui on reconnaît un bon jugement, entendons par là, un jugement compatible avec ses propres opinions et valeurs. Quant aux idées avancées par ceux à qui on ne donne pas notre assentiment, il nous arrive de les écouter, surtout quand on n’a pas le choix. Mais leurs propos coulent comme de l’eau sur le dos d’un canard. Puisqu’il en est ainsi pour à peu près tout le monde, à quoi sert-il, en milieu de travail, de faire appel à l’équipe alors que deux ou trois individus dont on apprécie le jugement suffiraient? Estce seulement pour faire semblant qu’on est démocratique? Qu’on croit à la gestion participative? La présente chronique veut réfléchir au phénomène du clivage que l’on fait entre les personnes et leurs idées et des conséquences sérieuses à court et à long terme que cela entraîne sur la motivation d’une équipe de travail. Dans un premier temps, nous verrons qu’il est nécessaire de laisser à tous l’occasion d’exprimer leurs idées sur une problématique qui concerne l’unité de travail qu’elles apparaissent adéquates ou non. Dans un deuxième temps, nous nous demanderons que faire avec des suggestions et idées d’apparence inappropriée. Enfin, nous réaliserons que ce sont les relations entre les personnes d’une équipe, même si elles sont tendues, qui permettent leur développement professionnel, l’expression de leurs idées et la bonne marche de l’unité.

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Ce texte a d’abord été publié sur le site APER santé et services sociaux (APERSSS) dans le Bulletin, vol 20, no 2, automne 2010.

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1. Tous peuvent exprimer de bonnes idées Autant le dire, en faisant du clivage entre les personnes, on prend une direction réductrice et cela se sent immédiatement. Le langage non verbal suffit pour le reconnaître : regard intéressé ou manque d’attention quand c’est celui-ci et pas celle-là qui parle, prendre des notes dans le but de poser des questions ou au contraire ne pas donner de suite à ce qui vient d’être dit. Personne n’est dupe. Qu’advient-il de ces personnes qui ne se sont pas senties reçues? Du désintérêt d’abord qui conduit à de la démotivation par la suite. Elles se disent qu’il vaut mieux donner l’impression de s’exclure soi-même du groupe que de vivre la discrimination à répétition. Pourtant, chacun perçoit un problème de façon singulière et c’est la richesse de l’ensemble des perceptions qui permet d’entrevoir les nombreuses facettes d’une problématique. En réalisant qu’on a affaire à des êtres humains, tous en processus de recommencement quotidien, de construction de soi et de sa vie, on les reconnaît à égalité dans leur singularité perceptive même s’ils ne sont pas à égalité dans leurs compétences et expériences. L’attitude souvent inconsciente du clivage entre les personnes est nuisible. En même temps qu’un gestionnaire affiche des préférences aux suggestions de quelques individus, il éloigne les autres qui finiront par se désengager. Il est préférable de laisser tous les membres s’exprimer même si on se reconnaît mauvais écoutant. 2. Que faire avec les idées exposées d’apparence inappropriée? Une neutralité active 2 de la part du chef s’impose. Exposer un problème qui concerne l’unité et faire appel à tous les membres pour le résoudre, c’est se donner l’occasion d’entendre une multitude de points de vue qui valent la peine d’être examinés. Quand chacun se sent entendu, il devient possible de mettre en place une démarche de prise de décision à partir des opinions émises. Toutefois, la démarche requiert qu’on tienne compte autant du comportement des personnes appelées à trouver la solution que de l’évolution du processus lui-même. Présenter des idées et s’exposer à ce qu’elles soient critiquées, discutées, crée des liens entre les personnes. Qu’elles soient d’accord ou non compte peu. Ce qui compte c’est qu’elles conversent. « La conversation ne se réduit pas à transmettre des informations ou à partager des émotions, ni à mettre des idées dans la tête des gens. » 3 Elle « est ce qui permet la mise en question, l’interrogation, l’exploration, l’explication, la contestation, la réconciliation. » 4 . Il est suggéré d’inviter et non d’obliger tous les membres d’une équipe à converser. L’obligation peut conduire au mutisme ou à la mauvaise foi qui sape la motivation des autres. 2

Attitude simultanément neutre et active; neutre pour permettre à la parole de s’exprimer, active pour aider à la libération des résistances s’opposant à son expression. Définition inspirée de celle de BOIS, Danis, dans Le moi renouvelé, Ivry-sur-Seine, Éditions Point D’appui, 2006, p.78. 3 ZELDIN, Théodor, De la conversation, Paris, Fayard, 1999, p.26 4 ZELDIN, Théodor, idem, p.134

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Le lien de confiance est basé sur la capacité d’écoute de chacun et non sur la sympathie entre les personnes. Quand le lien de confiance est présent, le questionnement et la critique sont autorisés ouvertement. Les suggestions non pertinentes finissent par s’éliminer en les discutant, en les soupesant. Puis un consensus commence à se dessiner. En situation d’urgence, on peut demander de se rallier à une alternative s’il est impossible de prendre plus de temps. Mais si on a du temps, une solution s’imposera à un moment donné parce que tout contexte évolue, les circonstances changent, les solutions s’imposent d’elles-mêmes. Tant que les personnes ont le sentiment d’être entendues, leurs forces s’unissent vers l’atteinte d’une solution, même si ces forces vont dans tous les sens. L’important c’est de les laisser circuler librement. Parfois le consensus se fait attendre. Un consensus qui tarde à venir n’est pas synonyme d’un échec. Comme la vie continue, des informations complémentaires arrivent et modifient le cours des choses, et les informations du passé se donnent toujours d’une manière nouvelle. Elles se reconfigurent, prennent une nouvelle orientation et laissent même entrevoir des perspectives sur l’avenir. Donc, il est préférable de laisser émerger les solutions plutôt que de les forcer. Intégrer ses personnels au processus de prise de décision c’est les reconnaître dans leurs capacités de réfléchir et leur donner la chance de s’ouvrir à tous les possibles. Aussi, dans le quotidien, on peut travailler simultanément à deux vitesses : la basse, quand une décision a besoin de mûrir et la haute vitesse quand il est nécessaire de réagir rapidement, sans qu’il y ait contradiction. 3. Les relations entre les personnes d’une équipe comptent autant que leurs idées. Nous avons déjà dit que la démarche de résolution de problème entreprise librement par les membres d’un groupe crée une dynamique de liens entre eux. Elle requiert de la maturité caractérisée par une prise de distance par rapport à ses propres idées afin d’entendre des perspectives nouvelles et de tisser de nouveaux liens. Le critère d’une démarche réussie est la modification de certains comportements. Si la plupart sinon l’ensemble des membres d’une équipe continuent de se parler après avoir accepté de modifier leurs opinions à la suite de ce qui a été discuté, c’est une réussite. Les relations entre les personnes et leurs idées sont des entités inséparables dans l’expérience du travail. Pourtant, on a tendance à s’attarder presque uniquement aux idées. Il est généralement mal vu de regarder fonctionner les personnes entre elles sans risque de stigmatiser des problèmes de personnalités. Et que sont les problèmes de personnalités sinon des manières opposées de concevoir les choses. Il ne faut pas conclure trop rapidement au conflit. La cohésion d’une équipe repose sur une base en perpétuelle évolution. Elle n’est pas plus permanente, elle est toujours à construire.

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Conclusion En conclusion, adopter une attitude de neutralité active indique qu’il n’y a pas de préférence pour les idées de l’une ou l’autre personne quand il s’agit d’apporter de l’eau au moulin pour résoudre une problématique qui concerne l’équipe. Laisser les personnes discuter, échanger leurs points de vue, c’est leur faire confiance et avoir confiance que la situation porte déjà en elle la solution à ce qui ne va pas. Finalement des suggestions et des idées, ça sert à garder le dialogue ouvert, à entendre du neuf et du vieux, mais aussi de l’imprévu, bref à refaire le monde. Et c’est bon pour tous.

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