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Co-Conception d’expériences interactives augmentées dédiées aux situations muséales Cédric Bach

Pascal Salembier

Emmanuel Dubois

Metapages 29, grande rue Nazareth 31000 Toulouse, France [email protected]

IRIT - GRIC 118, route de Narbonne 31062, Toulouse Cedex 4, France [email protected]

IRIT - LIIHS 118, route de Narbonne 31062, Toulouse Cedex 4, France [email protected]

RESUME

Cet article présente les différentes étapes d’un processus de co-conception d’expériences interactives augmentées dédiées au contexte muséal. Ce processus propose un cadre analytique listant les différents aspects à prendre en considération lors de la conception de ce type d’interactions augmentées. Les différentes étapes de ce processus sont illustrées par un cas d’application lié à la classification du vivant. MOTS CLES : Processus de conception centré utilisa-

teur, co-design, systèmes de Réalité Mixte, muséographie, cladistique. ABSTRACT

This paper shows the different steps of a co-design process dedicated to build augmented interactive experiments in Museums. This process enables an analytic framework listing the different dimensions to tackle during the design of augmented interactions. These different steps are illustrated by a case of study in the classification of life. KEYWORDS: User-centred design, co-design, Aug-

mented reality, museography, Cladistics, phylogenetic systematics, pedagogy. INTRODUCTION

Les situations d’usage des IHM complexes tels que les environnements virtuels, les systèmes mixtes (également appelés réalité augmentée, virtualité augmentée, interfaces tangibles, etc.) sont en nombre croissant. Ces systèmes interactifs ont été dans un premier temps dédiés à des domaines d’expertises (e.g., militaire, médecine, maintenance) et à des domaines d’applications clairement identifiées (i.e., exploitation pétrolière, industrie, formations professionnelles). Les efforts de recherche

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sont donc prioritairement portés sur ces situations d’usages spécifiques. La norme ISO 14915 – 1, traitant des principes de conception des interfaces utilisateurs multimédias [10], est la parfaite illustration de cette approche initiale des systèmes interactifs complexes : en effet elle indique explicitement qu’elle s’applique aux activités professionnelles, spécialisées telles que le travail ou l’apprentissage et ne traite pas des activités en dehors de ce domaine telles que le divertissement. Depuis quelques années il est possible de constater une autre tendance laissant pressentir une forme de démocratisation de ces systèmes interactifs, non pas directement ou seulement par le biais des jeux-vidéos comme il a été possible de le croire durant ces dernières années, ni même par une diminution du coût de ces systèmes, mais plutôt grâce au domaine culturel. En effet, dans des contextes liés à l’événementiel, au divertissement, l’art numérique ou encore la muséographie, on note que l’apparition de ces systèmes fascinent le public. Cette tendance est loin d’être perceptible à travers des enquêtes d’usages ciblées, qui à notre connaissance n’existent pas, mais l’est très clairement par d’autres biais : discussions entre chercheurs, industriels, muséographes et artistes au cours d’ateliers ou de conférences (par exemple lors de IHM 05 [11]), qui évoquent le foisonnement de créations et d’intérêts dans ce domaine. Loin de pouvoir traiter le vaste ensemble des situations qui se rattachent au champ de la culture numérique, nous nous focaliserons, dans le cadre de cet article sur la spécificité de la conception d’expériences interactives enrichies ou augmentées dédiées à être pérennisées aux sein de musées. Ce contexte d’intervention doit impliquer une variation d’expertises (muséographes, informaticiens, experts des domaines d’expositions, ergonomes, etc.) Pour cultiver ces différents aspects et prendre en compte les différentes dimensions utiles, l’implication de chacun est requise et l’utilisation de méthodes facilitant la dynamique des échanges entre experts de différents domaines est incontournable. Toutefois, il semble important d’introduire un certain nombre de « bonnes pratiques », associées à la co-conception, qui devraient permettre d’atténuer les dépenses humaines et économiques tout en diversifiant les

situations d’usages des systèmes techniques. Dans le cadre de cet article, nous nous focaliserons donc sur l’adaptation au contexte muséal des processus de coconception centrés utilisateurs, par ailleurs déjà utilisés dans d’autres secteurs d’activité comme ceux de l’aéronautique [16], des télécommunications [9] ou de l’éducation [4] et dont certains font l’objet de processus de normalisation [10] ou de formalisation [5]. On peut constater, en effet, que la conception d’expériences interactives en contexte muséal est loin d’être formalisée. Elle est au contraire le fruit d’une démarche principalement artisanale faisant porter la plupart des efforts sur une ou dans les meilleurs cas sur quelques personnes.

Ces situations sont donc propices aux erreurs de conception potentielles, relevant par exemple de l’omission de certaines dimensions importantes [18] pour « réussir » une expérience muséale comme la dimension pédagogique [7]. Dans cet article, nous décrirons successivement les différentes étapes d’un processus de co-conception (Figure 1) adapté à la mise en place d’expériences interactives augmentées pour les musées en émergence. Afin de faciliter le parcours des différentes étapes de ce processus, nous nous appuierons en partie sur un cas d’application lié à une exposition sur la classification phylogénétique du vivant.

Figure 1: Les différentes étapes d'un processus de co-conception d'expériences interactives augmentées pour les musées. ANALYSES INITIALES ET CONTEXTE

Tout processus nécessite un amorçage qui varie en fonction du contexte dans lequel ce processus est déployé. Dans notre cas, l’étude s’inscrit dans le cadre particulier de la reconstruction du Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse. Ce contexte est très différent de ceux d’autres recherches liées aux situations muséales, tels que celles du projet SHAPE par exemple [8] [18], où les installations interactives ad hoc se positionnaient en compléments temporaires d’expositions existantes. Nos travaux se situent donc dans un contexte éminemment plus prospectif dans lequel il est difficile de se référer à des réalisations muséales pérennisées. Par conséquent nous nous situons dans un contexte proche des conceptions d’expositions et véritablement dans celui des musées émergents. Ce type de contexte présente un certain nombre de particularités :  la prise en compte de la configuration architecturale des locaux du Muséum ne sera possible que très tardivement dans le projet de conception;  les visiteurs ne sont pas directement disponibles pour participer aux séances de conception, a contrario du cas où les expositions existent déjà ;  les expositions sont réalisées uniquement sur le papier sous la forme de scripts et dans un second temps sur maquette numérique 3D [14] ;  le personnel du Muséum est peu disponible (conservateur, responsables de programmes technologiques, muséographes..)

Dans ce contexte d’intervention, nous avons basé l’amorçage du processus sur l’identification des objectifs du projet de conception, de la population cible et de la thématique muséographique à aborder (i.e., le Muséum proposant sept thèmes différents d’exposition). Cette conduite d’amorçage du processus de conception s’est donc articulée autour de trois approches :  une série d’une douzaine de réunions de co-design impliquant aux moments opportuns : un spécialiste des systèmes mixtes, un industriel, un muséographe, un psycho-ergonome, un spécialiste des aspects socio-cognitifs et par la suite un systématicien (une fois que la thématique muséographique a été identifiée);  une analyse thématique des scripts muséographiques, décrivant les projets d’exposition ;  une analyse du domaine de la muséographie (e.g., dimensions associées aux attentes des visiteurs ; précédentes expériences de co-design en contexte muséal [8] [18]…) Ces phases d’amorçage nous ont permis d’isoler des activités élémentaires à réaliser dans le futur muséum, une thématique muséographique candidate à une augmentation informatique (i.e., la classification phylogénétique du vivant) et une population cible (i.e., les 14-16 ans). Ces étapes nous ont également permis de mettre en évidence les éléments clés devant intervenir dans un processus de co-conception : la notion de canevas interactif, l’importance de la nature de l’expérience, différentes dimensions d’optimisation, etc. L’organisation de ces différents aspects nous a amené à proposer le processus

de conception dont nous présentons et illustrons les différentes étapes dans les sections suivantes. MISE AU POINT D’UN PRINCIPE FONCTIONNEL

mettre en œuvre pour l’ensemble des participants. Le choix d’une thématique étant une étape importante du processus de conception qui permet d’identifier l’objet de l’expérience interactive.

Un Principe fonctionnel de haut niveau a pour objectif de supporter une activité générique. Le Principe fonctionnel est l’ossature des différents prototypes réalisés au cours du processus de conception. Il est assimilable à la Conception du modèle conceptuel décrit dans l’ISO 14915-1 [10] ou encore au respect du critère ergonomique Compatibilité [1]. Dans notre cas d’étude, le Principe fonctionnel est le fruit d’analyses préliminaires des scripts muséographiques des expositions du Muséum. Complétées par des séances de co-design et à partir d’une démarche inductive nous avons pu mettre en évidence cinq situations d’usage élémentaires pour lesquelles une augmentation interactive représenterait un bénéfice appréciable. Parmi ces cinq situations d’usages élémentaires ou génériques nous avons identifié une situation valant satisfecit (i.e., acceptable par tous) [17] pour notre étude. Par exemple, dans notre cas, l’activité Montrer des différences / ressemblances apparaît comme étant le pré-requis d’une activité plus générale de Comparaison. Une tâche de Comparaison nécessite au minimum les composantes suivantes pour être réalisée : deux objets à comparer et un filtre (i.e., mesure indirecte basée sur la causalité où l’on compare l’effet de la variable évaluée) ou un système métrique mettant directement en évidence le critère à évaluer. Sur cette décomposition de base et en nous référant au critère Groupement / Distinction par la localisation [1], nous avons déduit que tout type d’interaction supportant une Comparaison devrait comporter a minima deux zones « d’entrée » pour l’arrivée d’éléments à comparer et une zone de comparaison (filtre ou référent) révélant le caractère choisi. Nous avons nommé ce principe fonctionnel une Boîte à Comparaison et avons entrepris de le tester sur différents types d’objets à comparer (e.g., comparaisons de densités, de températures de laves, d’apesanteurs…) Le résultat de ce test nous a permis d’identifier certaines variations dans le principe initial, par exemple la comparaison d’apesanteur (Figure 2) nécessite a priori deux zones de comparaison et une d’entrée a contrario d’une comparaison de densité (Figure 3). Ce Principe fonctionnel déclinable sur différentes thématiques nous a permis de mettre en place quelques prototypes (i.e., scripts, maquettes powerpoint) qui ont permis d’insuffler au groupe de conception une motivation et des objectifs identifiables dès le début du processus (prolongeant ainsi l’effet d’amorçage initial). Nous avons pu ainsi vérifier une des fonctions des prototypes décrites par Beaudoin-Lafon et Mackay [3]. Mais au-delà de ce premier résultat, les séances de co-design nous ont aussi permis d’identifier une thématique intéressante et utile à

Figure 2: Comparaison de la gravité de deux environnements

Figure 3: Comparaison de la densité de deux objets CHOIX D’UNE THEMATIQUE

Le choix d’une thématique correspond à la définition d’une problématique cernée, pour laquelle le satisfecit doit être appliqué. Il s’agit ici de créer une instance du principe fonctionnel dans un domaine particulier : la thématique choisie. C’est au cours des séances de co-design que nous sommes parvenu à isoler une thématique valant satisfecit pour le développement des expériences interactives. L’exposition sur la Cladistique a été retenue comme une thématique acceptable à la suite d’entrevues au cours desquelles les différents participants devaient traiter du problème particulier du choix de l’objet de l’expérience. La Cladistique constitue une « nouvelle » méthode de classification du vivant.. Depuis les années 80, les organismes vivants ne sont plus uniquement classés d’après leurs seules ressemblances (i.e., approche phénétique) mais à partir des caractères qui témoignent de leur histoire évolutive. Ainsi, cette méthode de classification, reflète la phylogénie des espèces en prenant en compte la manière dont ces caractères évoluent au fil du temps. Cette méthode produit des arbres de parenté ou cladogrammes basés sur l’analyse de caractères propres aux groupes d’espèces et également sur l’analyse de caractè-

res partagés par les espèces (e.g, le gésier est commun aux oiseaux et aux crocodiles et il est spécifique aux archosauriens qui est le groupe englobant les espèces précitées). Le vivant ne s’organise donc plus comme une succession de groupes qui dérivent les uns des autres où une espèce est la souche de l’autre, permettant par exemple de dire que l’Homme descendrait du singe (Figure 4).

Figure 4: Ancienne représentation du vivant

La phylogénétique systémique basée sur la méthode cladistique permet une toute autre forme de classification du vivant et remet en question les certitudes passées dans ce domaine. La Figure 5 nous montre un cladogramme sur lequel il est possible de voir que les espèces s’organisent sur un plan évolutif où toutes les espèces contemporaines sont aussi évoluées les unes que les autres.

Figure 5: Représentation cladistique du vivant

Cette nouvelle systématique évolutive, basée sur des caractères mesurables, a modifié la représentation du monde du vivant. La cladistique montre ainsi que les poissons ou les reptiles ne sont pas des ensembles naturels réels mais une construction anthropocentrée. Avec la cladistique, l’Homme trouve sa juste place parmi l’ensemble du vivant : il n’y a plus d’aboutissement de l’évolution. Le développement de l’informatique a permis d’analyser une très grande quantité de caractères (i.e., sur les axes morphologiques, génétiques et moléculaires) et donc le développement scientifique de la cladistique. À présent la cladistique est monnaie courante dans les laboratoires des sciences du vivant, mais elle est largement méconnue du grand public, alors que les résultats apportés par cette méthode ont un fort potentiel éducatif vis-à-vis de la perception du monde du vivant. La cladistique pose en effet des problèmes de compréhensions reconnus par les spécialistes de l’enseignement de ce domaine [13]. L’idée, associée à la conception d’expériences interacti-

ves que nous proposons, est donc de mettre en œuvre les avancées de l’IHM pour faciliter l’expérience de la cladistique par le grand public dans un contexte muséal. Pour y parvenir, nous avons entrepris de confronter le principe fonctionnel, décrit dans le paragraphe précédent, aux techniques pédagogiques et scientifiques de la Cladistique. Nous avons donc étudié les grandes phases des enseignements en Cladistique [13] (i.e., de la maternelle jusqu’aux cours préparatoires aux grandes écoles), et avons eu une série d’entretiens d’élicitation avec quatre experts du domaine. Nous sommes ainsi arrivés à la conclusion que ce principe fonctionnel était compatible avec l’activité globale de la Cladistique qui est ellemême basée sur la Comparaison. En complément, nous avons extrait de ces entretiens une série de spécificités à prendre en compte pour appréhender correctement un apprentissage de la Cladistique :  Il est nécessaire de s’appuyer sur les conceptions premières des personnes, comme cela a été montré par ailleurs pour l’enseignement des sciences physiques [19];  Le choix de la collection d’espèces à comparer est important (i.e., pour respecter le point précédent);  Les comparaisons d’espèces se font de préférence sur la base de triades (au minimum car il est nécessaire de toujours avoir une espèce référente) ;  Les caractères comparés en cladistique ont un poids lié à l’évolution (i.e., des caractères récents sont plus importants que des caractères ancestraux) ; Le choix de cette thématique est donc motivé par un ensemble de besoins exprimés par les experts du domaine de la Cladistique. Des méthodes de présentations ont aussi été évoquées au cours de ces entretiens. Fortement liés à la thématique choisie, ils sont approfondis dans l’étape suivante du processus qui permet d’affiner l’objectif majeur du système et l’enchaînement des interactions que devra suivre le visiteur. CANEVAS INTERACTIF

Cette étape a pour but de préciser la forme que doit prendre le Principe fonctionnel pour être totalement adapté à la Thématique choisie. Nous distinguons donc deux aspects dans la définition du Canevas interactif : la définition de l’objectif majeur, c’est-à-dire ce que l’utilisateur doit retirer de cette expérience, et la définition de la dynamique d’interaction au cours de la réalisation de cette expérience. Ces deux aspects sont à rapprocher de la distinction classique faite en IHM entre action et perception. Définir un Canevas interactif repose donc sur la définition d’Actions permettant de manipuler l’objet de l’expérience et de Principes directeurs mettant en scène l’objet de l’expérience. Le recours aux Actions et relativement habituel en IHM, ce qui n’est pas le cas des

Principes directeurs qui sont plus habituellement manipulés dans le cadre du storytelling. En effet, les Principes directeurs influencent la perception de l’objet de l’expérience à travers une mise en scène déterminée des médias utilisés. Des méthodes spécifiques peuvent être utilisées pour ces deux parties, telles qu’un outil d’analyse de la tâche, l’exploitation de mécanismes didactiques éprouvés, etc.

séum dit : « Si à l’issue de cette exposition, les visiteurs se disent que les poissons n’existent pas, alors on aura gagné ! » Pour y parvenir, nous soutenons l’idée qu’il est utile d’avoir recours à certains des mécanismes conduisant à la constitution de stéréotypes. C’est dans ce sens que nous avons établi 10 Principes directeurs pour la conception de l’interaction (Tableau 1) basés sur les illusions cognitives décrites par Palmarini [15].

Dans notre exemple, la séquence d’Actions permettant l’activité de Comparaison peut se décomposer de la manière suivante : Sélectionner une espèce à comparer, puis la comparer à une espèce référente, afficher le résultat de la comparaison, effectuer une autre comparaison, identifier les proximités phylogénétiques, situer ces espèces sur un cladogramme…

Guidé par l’élaboration d’un Principe fonctionnel, l’identification de la Thématique et la mise au point d’un Canevas interactif, le processus de conception arrive à un état de maturation où il est en mesure de synthétiser les expertises et points de vue, précédemment recueillis, des différents membres de l’équipe de co-design : ceci amène alors à l’élaboration d’une Proposition initiale.

Tableau 1: Correspondance entre les Principes directeurs du canevas interactif et les illusions cognitives de Palmarini [15] Illusions cognitives de Palmarini

La suffisance

La pensée magique

La prévisibilité a posteriri

L’ancrage La facilité de représentation Le daltonisme en matière de probabilité

La manipulabilité des croyances à l’aide de scenarii

Principes directeurs du canevas interactif Présenter certaines triades d’espèces habituellement associées mais n’ayant aucune réalité cladistique. Introduire les comparaisons sous la forme de questions. Inciter l’utilisateur à confirmer ses nouvelles hypothèses et non à les réfuter en présentant des résultats saillants aux questions posées. Justifier les bonnes réponses et expliquer d’un point de vue cladistique les mauvaises réponses de l’utilisateur. Mettre en scène les différentes étapes de la cladistique pour permettre à l’utilisateur de se construire une représentation propre des faits. Porter une attention particulière à l’efficacité de la première comparaison. Utiliser pour cela la triade : Canard + Ornithorynque + Vache. Il est préférable d’utiliser des collections que le visiteur peut manipuler mentalement comme les vertébrés. Ne pas proposer de comparaisons qui conduisent à des compromis. Réserver les compromis à un public averti. Revenir à une espèce de la première comparaisdon pour la dernière comparaison (e.g., on commence par la vache et on termine par celle-ci). Créer des liaisons entre les différentes comparaisons en utilisant une des espèces comparées comme espèce référente de la comparaison suivante.

Du point de vue des Principes directeurs spécifiques à notre cas d’étude, il ressort qu’ils doivent favoriser la déconstruction des stéréotypes sur la classification du vivant. On peut citer à titre d’exemple un extrait d’entretien au cours duquel un des responsables du Mu-

PROPOSITION INITIALE

Cette étape fonde une Proposition initiale, c’est-à-dire une instanciation possible mais concrète, des expériences interactives en cours de conception. Cette Proposition initiale a pour vocation de fournir à l’équipe un objet commun supportant des futurs cycles d’optimisations. Cette étape du processus de conception est également une occasion de valider, par la recherche d’un satisfecit, la synthèse des trois étapes qui l’ont précédée. La recherche de ce satisfecit doit être instrumentée (nous effectuons en ce sens un inventaire des techniques utiles pour ce point et adaptées à notre contexte d’intervention) afin de recueillir précisément les différentes critiques et les dimensions sur lesquelles elles portent. Ce recueil devant permettre un traitement ultérieur et formel des données qui initiera la phase suivante du processus de conception.

Figure 6: Proposition initiale réalisée dans notre cas d’étude

Pour notre cas d’étude, la Proposition initiale a été présentée à l’équipe de co-design (i.e., muséographe, industriel, spécialiste IHM, pédagogue, spécialiste de la cladistique, plasticien) via un magicien d’oz basé sur une maquette interactive (i.e., réalisée sous powerpoint) mettant en scène 5 comparaisons d’une collection de 10 vertébrés. L’interaction avec cette maquette se faisant en entrée à

l’aide d’une souris Bluetooth et en sortie via une retroprojection (i.e., sur un calque posé sur la vitre séparant un studio d’enregistrement de son local technique). Cette situation (Figure 6) permettait de simuler l’ambiance d’une situation muséale avec une certaine forme de pervasivité puisque le seul aspect visible de l’IHM était la souris Bluetooth et le reste du système se trouvait dans le local technique. Lors de cette présentation, la recherche d’un satisfecit a été instrumentée par des entretiens informels ayant permis de dégager les plus gros points de blocages liés à cette Proposition initiale. Néanmoins, l’ensemble de l’équipe s’est mise d’accord sur le fait que cette proposition pouvait entrer dans un cycle d’optimisation délibérément itératif.

déterminant pour la réussite du cycle itératif d’optimisation [17]. Afin de faciliter l’adaptation de ce cycle itératif à la conception en contexte muséal, nous effectuons un travail d’inventaire et d’articulation inter méthodes et inter domaines qui permettra de constituer une forme de Boîte à outils générique à mettre en œuvre pour la conception et l’évaluation d’expériences interactives. Bien évidemment ce travail d’inventaire et d’articulation consiste à sélectionner, au sein des n méthodes existantes en conception et en évaluation dans les différents domaines, les méthodes potentiellement les plus utiles sur un projet de conception en contexte muséal. Mais ce travail consiste également à identifier les méthodes manquantes et dans la mesure du possible d’y apporter une réponse.

OPTIMISATION DES DIFFERENTS CRITERES

Un pré-requi fondamental à l’entrée de la Proposition initiale dans cette boucle itérative est d’identifier les différentes dimensions à optimiser. En d’autres termes il s’agit de délimiter un cadre analytique listant les différentes dimensions à prendre en compte, dans cette phase d’optimisation. À partir d’une étude de la littérature, des réunions de co-design et d’entrevues avec différents muséographes, nous avons identifié un ensemble de 5 grandes dimensions (Tableau 2) comportant des sousdimensions, à explorer systématiquement dans notre contexte d’intervention. Bien évidemment, dans le cadre de notre étude, nous essayons d’aborder ces différentes dimensions suivant un ordre qui nous semble approprié, mais nous établissons également des variations sur ce point à travers l’optimisation de différentes propositions initiales issues de différents principes fonctionnels. Par exemple, un premier principe fonctionnel lié à la Boite à comparaison a été optimisé en abordant les différents critères suivant cet ordre : utilisabilité [1], pédagogie, aspects socio/cognitifs, mise en scène, interaction augmentée, esthétique, ubiquité et à venir, les dimensions liées à la flexibilité, au ludique et à la pervasivité. Quant au second principe fonctionnel lié à des manipulations de clades, il a pour l’instant, été optimisé sur les axes suivants : pédagogie, interaction et mise en scène… Il est néanmoins difficile pour l’instant de tirer les enseignements de ces différentes variations du fait du recouvrement entre les différentes dimensions dû à l’approche itérative du cycle d’optimisation, mais également à cause d’un retour d’expérience encore limité. Un second pré-requi, lié au parcours de ce cycle itératif consiste, à se donner les moyens d’optimiser les différentes dimensions identifiées. Pour y parvenir il s’agit d’associer aux différentes dimensions, un ensemble de procédés d’évaluations propres à chaque dimension. Ces techniques sont apportées par l’expertise des différents participants qui sont mis en relation par le processus de co-design. La nature des compétences véhiculées, par l’expertise des différents participants, est donc un facteur

Tableau 2: Le cadre analytique de conception

Dimensions Utilisabilité

Interaction

Nature de l’expérience

Mise en scène

Socio / cognitif



Sous-dimensions et exemples d’instanciation Nettoyer l’application des bugs d’utilisabilité via des méthodes d’inspection (avec ou sans utilisateur, i.e., inspections et/ou tests utilisateurs) Augmentation : Identifier l’espace de conception des interactions augmentées possibles via des méthodes de description formelles et implémenter les meilleures solutions (interfaces tangibles, table augmentée…) Ubiquité : Permettre la préparation d’une visite au musée via des applications du système dédiées au web, assurer une cohérence entre différentes expériences interactives ou non… Pervasivité : Rendre imperceptible la dimension technologique de l’interaction. Pédagogie : Respecter la nature des informations à transmettre et l’approche implémentée pour y parvenir (e.g., utilisation des causalités, expérimentations, conceptions premières…) Flexibilité : Permettre la création de nouvelles expériences en autorisant une sélection de nouvelles espèces (ou objets) à comparer via la connexion à une base médias. Situation d’usage : Identifier une mise en scène du contexte immédiat d’interaction dans le musée (e.g., scénariser un espace d’expérience pour les enfants…) Esthétique : Définir une intégration esthétique du système dans l’architecture du musée Ludique : Rendre le système ludique (e.g., comportements ludiques des espèces…) Favoriser une implémentation supportant la coopération et permettant une forme d’appropriation (e.g., impression de certains éléments, shopping augmenté) Économie et logistique : assurer une bonne maintenabilité et un coût raisonnable. D’autres dimensions : à identifier pour d’autres contextes d’interventions.

Dans le cadre de notre étude nous avons identifié de telles zones d’ombres et avons amorcé des travaux pour y apporter des solutions. Nous avons notamment identifié que dans le contexte de la conception pour des musées émergents, il était intéressant d’offrir un éventail de solutions interactives pour une même expérience, ceci pour permettre une plus grande flexibilité d’intégration à l’architecture du futur musée (qui est un paramètre apparaissant tardivement dans le projet). Pour répondre à ce besoin nous avons entamé l’articulation du formalisme ASUR [6], qui permet la délimitation formelle du champ des possibles en terme d’interaction augmentée, avec le Focus group qui doit permettre, quant à lui, le renseignement effectif des situations interactives formellement identifiées par ASUR. Les premiers résultats de cette approche sont très encourageants et nous conduisent à aller plus avant dans ce type d’articulation entre méthodes. Mais au-delà de ces « zones d’ombres » très spécifiques, il faut noter que le cycle d’optimisation apporte en l’état et dans le cadre de notre étude, des résultats très satisfaisants. On peut noter à titre d’exemple que l’intervention d’une graphiste sur l’optimisation de la dimension esthétique d’une expérience interactive destinée à être déployée sur le web (i.e, lié à la dimension Ubiquité), pour préparer une visite du Muséum, permet d’obtenir le type d’écran présenté par la Figure 7. Il va au-delà du graphisme de la proposition initiale (Figure 6) en déployant notamment une charte adaptée à l’ambiance du contexte interactif multimédia définit dans les phases amonts du processus de conception.

la réalisation. Ces solutions peuvent être plus ou moins développées d’un point de vue technique [3] mais néanmoins fonctionnelles du point de vue de leur interaction. Par exemple, les dimensions de Mise en scène ou d’Interaction augmentée sont des sources importantes de variations qui seraient très coûteuses à implémenter dans leur totalité, mais également à exposer dans le cadre de cet article. Ces solutions sont donc destinées avant tout à être sélectionnées au cours de cette phase du processus de conception avant d’être implémentées. Leur format de présentation est donc primordial pour permettre une prise de décision. Différentes solutions de présentations existent déjà à l’heure actuelle pour présenter ce type de prototypes à moindre coût comme les prototypes papiers, les story boards, les prototypes vidéos, les scénarii, les maquettes interactives… Cette étape qui succède au cycle itératif d’optimisation des critères doit donc permettre la formulation d’un éventail de solutions interactives. Tout ou partie de ces solutions interactives seront ensuite choisies pour être intégrées dans une version alpha du système interactif final destinés aux tests. TESTS

Réaliser la version alpha de l’expérience interactive se traduit par une phase de conception guidée par les spécifications issues de la phase d’intégration. Elle mène à une instance concrète de l’intégration retenue lors de l’étape précédente. À ce stade, toute modification majeure des spécifications aura un coût élevé, le processus n’est plus rétroactif à partir de ce stade. Cette étape, qui vise avant tout à valider le produit, débouche sur un système interactif assimilable à un prototype totalement fonctionnel dans le sens où il est réalisé pour permettre des phases de tests de validation en laboratoire et in vivo (dès que la mise à disposition des locaux du musée est effective). Ces tests, en partie appuyés sur un système de logs intégrés, ont pour vocation d’ajuster l’application réalisée et de permettre son intégration définitive dans le musée. La finalité des tests réalisés ici se démarque donc de celle des tests réalisés durant la phase d’optimisation des critères et particulièrement ceux liés à l’Utilisabilité. CONCLUSION

Figure 7: Optimisation de la dimension esthétique d'une Boite à comparaison destinée à un déploiement sur le web.

Par ailleurs, un ergonome aura également tout un arsenal de méthodes [2] qui lui permettront d’intervenir directement sur un projet de ce type, il en sera de même pour un plasticien ou un informaticien... SOLUTIONS INTERACTIVES OPTIMISEES & INTEGRATION

Une série d’itérations et d’optimisations des différentes dimensions conduit le processus de conception à produire une série de solutions candidates à l’intégration et à

Dans le cadre de cet article, nous avons présenté et illustré un processus de co-conception d’expériences interactives augmentées dédiées au contexte muséal. La spécificité de ce processus est de proposer un cadre analytique listant les différents aspects à prendre en compte lors de la conception de tels systèmes. Ce processus constitue également un support à l’exploration systématique et critique de chaque domaine impliqué dans le processus. À terme, les travaux initiés dans cet article devront permettre d’offrir un ensemble de moyens permettant l’articulation des méthodes et techniques de conception propres à chaque domaine impliqué. Outre ces aspects d’articulation qui sont à approfondir, des travaux com-

plémentaires sont nécessaires pour guider le mode de présentation des résultats intermédiaires du processus. Il conviendra également de proposer un ou plusieurs ordres de prise en compte des critères d’optimisation et peutêtre également d’intervention des différents domaines d’expertise. Enfin, nous avons éprouvé ce processus de conception sur une thématique et l’avons amorcé sur une seconde. Des expériences complémentaires devront être menées pour mesurer l’impact de l’utilisation d’un tel processus sur la qualité des expériences interactives augmentées ainsi conçues. De la même manière, la réplication de ce processus devra être réalisée par d’autres équipes de conception afin d’en éprouver la validité.

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REMERCIEMENTS

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Ces travaux sont financièrement soutenus par la Direction de la Recherche de la Région Midi-Pyrénées dans le cadre du projet ProtoPraxis. Les illustrations d’animaux de Dominique Visset sont issues avec son aimable autorisation de [12]. Nous remercions également tout le personnel du Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse qui participe à ce projet. BIBLIOGRAPHIE

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