Sur le terrain au Sénégal: les influences de la religion sur la pra4que de planifica4on familiale
Cheikh Saliou Mbacké-‐ Cadre des Religieux pour la Santé et le Développement (CRSD) Katherine Marshall-‐ World Faiths Development Dialogue (WFDD) Contexte
Depuis 2014, le Cadre des Religieux pour la Santé et le Développement (CRSD) travaille sur la promo4on de pra4ques de planifica4on familiale conformes aux enseignements religieux. CeNe associa4on interreligieuse réunit l’ensemble des familles religieuses (des confréries soufies) et les associa4ons islamiques, ainsi que les Églises catholique et luthérienne du Sénégal. Le CRSD collabore étroitement avec le Ministère de la Santé et de l’Ac4on sociale du Sénégal et le World Faiths Development Dialogue (WFDD), basé à Washington, D.C. L’hypothèse de départ repose sur l’idée que les chefs religieux et les communautés religieuses influencent (de manière posi4ve et néga4ve) les décisions touchant à la planifica4on familiale et qu’il convient donc de les impliquer dans les phases de prépara4on et de mise en œuvre. L’implica4on stratégique des communautés religieuses dans la planifica4on familiale est une nouvelle ini4a4ve au Sénégal, et un programme solide de suivi et d’évalua4on fait donc par4e intégrante du programme global. Ce poster s’appuie sur les données qualita4ves recueillies lors de l’enquête à mi-‐parcours en mars 2017, qui sont issues de groupes de discussion avec des individus mariés et d’entre4ens avec des chefs religieux. Les données contribuent à une meilleure compréhension des influences religieuses sur la planifica4on familiale, des décisions prises par les couples et du conseil offert par des chefs religieux. Les phrases en italique proviennent des groupes de discussion et des entre4ens de l’enquête à mi-‐parcours.
Que pensent les gens des méthodes de planning ?
En général, il n’existe pas de consensus sur les méthodes de planning permises par les tradi4ons religieuses. C’est dans ce domaine que le CRSD est en train d’apporter des clarifica4ons et de sensibiliser les communautés. « Je pense que la procréaIon est de la volonté divine. Je préfère la méthode naturelle mais il y a malheureusement une poliIque sanitaire importée de l’Occident qui influe sur nos valeurs. » « Depuis la campagne de sensibilisaIon sur l’uIlisaIon des préservaIfs et certaines approches contracepIves, nos femmes ont commencé à connaître des complicaIons. » « Mes parents m’ont donné des secrets pour l’espacement des naissances. C’est une amuleQe qu’on met sur le pied gauche de la personne et sous le côté gauche du lit. » « L’Église [catholique] préconise l’espacement des naissances et suggère d’uIliser les méthodes naturelles. L’espacement des naissances est fondamental parce que la femme perd beaucoup de sang pendant son accouchement. » « Les femmes allaitaient leurs enfants pendant deux ans. C’est le seul moyen accepté par l’islam pour espacer les naissances. »
Comment perçoit-‐on une femme qui fait le planning familial ?
Beaucoup des par4cipants ont affirmé l’importance de l’espacement des naissances pour la santé, mais une situa4on hypothé4que dans laquelle une femme décide d’avoir recours à la contracep4on sans que son mari ne le sache a révélé de grandes différences entre les hommes et les femmes (les hommes ayant pour la plupart des percep4ons néga4ves là-‐dessus). Les cita4ons ci-‐dessous représentent des réponses à ceNe situa4on hypothé4que ainsi qu’à une ques4on plus générale sur les percep4ons d’une femme faisant la PF. « Je pense qu’[une femme faisant la PF sans que son mari ne le sache] ne respecte pas son mari et qu’elle veut se consacrer au liberInage. » « Je vais l’accompagner à le faire car l’espacement des naissances parIcipe au développement. » « Beaucoup de femmes font le planning pour le liberInage car avec le planning, elles ne risquent pas de tomber enceinte. » « Ça fait des années que j’ai fait le planning sans que mon mari le sache. Et j’ai pris ceQe décision car j’ai sept enfants et je constate que l’état de ma santé ne me permet plus de porter une grossesse. »
90%
24%
80%
31%
Certains par4cipants ont signalé qu’ils se sont renseignés sur la PF à par4r des médias :
« On n’entend ce sujet qu’à travers les radios et pourtant les chefs religieux doivent répandre l’informaIon et nous éclairer la posiIon de l’islam sur l’espacement des naissances et les méthodes à uIliser. »
« J’ai suivi une émission religieuse à la télévision. Le guide religieux soutenait que la religion nous permet d’arrêter les naissances lorsqu’une sage-‐femme ou un médecin constate que l’état de santé de la femme n’est pas bon ou comporte des risques au moment de l’accouchement. »
18000
13%
La PF dans les médias
Vu les percep4ons néga4ves sur les femmes u4lisant la PF, le CRSD a reconnu l’importance de l’engagement des maris à côté des femmes dans ses ac4vités pour combaNre les stéréotypes. De ceNe façon, les maris et les femmes auront tous les deux des informa4ons claires sur la PF et peuvent prendre ensemble des décisions. Ayant donné la priorité à l’engagement de couples, de plus en plus d’hommes assistent aux causeries avec leur femme : Figure 2: Nombre de par3cipants qui ont assisté Figure 1: Pourcentage d’hommes qui ont assisté aux causeries sur la PF aux causeries sur la PF
Les religieux sont conscients qu’il y un problème réel lié à la SSRAJ. Mais en tant que religieux, les membres du CRSD ne peuvent pas promouvoir la sexualité chez les jeunes célibataires. Cependant, ils peuvent aborder la ques4on sous deux angles : 1. L’éduca4on : On peut préparer les jeunes à être des adultes responsables, c’est à dire préparer les jeunes pour leur vie et rôles futurs, en tant qu’hommes et femmes mariés, mères et pères. 2. L’approche implicite : Le CRSD se limite à parler aux couples mariés. Mais des jeunes non mariés assistent parfois à ses ac4vités. On peut aNeindre ceNe cible sans devoir être explicites et heurter les sensibilités. Plusieurs Sénégalais ont de fortes opinions sur les jeunes et la planifica4on familiale : « La planificaIon détruit également nos valeurs par l’uIlisaIon des préservaIfs qui sont des moyens de faciliter la sexualité chez les jeunes. » « Beaucoup de jeunes célibataires se permeQent de faire le planning sous les yeux complices des médecins. »
Le CRSD diffuse des messages par le biais des médias religieux et non religieux, tous les deux jouant un rôle essen4el dans la société.
Les causeries et les normes de genre
100%
Quelle approche pour les jeunes ?
« J’ai été même témoin de l’intervenIon d’un chef religieux sur ce domaine à la télévision. »
16000 14000
70%
12000
60%
10000
50%
8000
40%
6000
30% 20%
4000
10%
2000
0%
0
2015
2016 Femmes
Hommes
2017
2015 Femmes
2016 Hommes
2017 Total
Dans quelles condi3ons l’espacement des naissances est-‐il permis ?
Les groupes de discussion ont révélé le manque de consensus sur les condi4ons dans lesquelles la PF est permise : « Ma femme souffrait souvent d’avortements et les complicaIons ont été constatées par le médecin, raison pour laquelle je l’ai encouragée à faire le planning. »
« J’avais des complicaIons. Le médecin m’a demandé d’arrêter mes naissances. Mon mari m’avait encouragée à le faire. Mais, les membres de ma famille ont refusé que je le fasse. CeQe praIque, on la laisse aux occidentaux. »
« Il ne faut pas arrêter de faire des enfants pendant que tu es jeune et bien portante. L’islam interdit ce genre de praIque. » « Ma quatrième femme avait connu des graves complicaIons et les médecins m’ont demandé à ce qu’elle arrête les naissances pour sauver sa vie. Je l’ai accepté car l’islam est pour le bien-‐être de la personne. » Ce manque de consensus souligne l’importance des ac4vités du CRSD visant à clarifier les posi4ons religieuses. Dans son Argumentaire islamique sur l’espacement des naissances, le CRSD clarifie la posi4on de l’islam : « S’il y avait quoique ce soit de répréhensible, le Coran ou le hadith nous l’aurait interdit. Même si ceNe pra4que était venue bien avant les nouvelles méthodes contracep4ves, son antériorité ne change en rien le fait qu’il ne faut pas cau4onner des faits qui nuisent à la santé de la femme. »
Il est à noter est que les membres musulmans du CRSD promeuvent la planifica4on familiale comprise comme espacement des naissances, mais ils ne sou4ennent pas la pra4que de limita3on des naissances.
Comment les religieux devraient-‐ils s’engager dans la promo3on de la santé ?
La plupart des par4cipants ont insisté sur l’importance de l’engagement des chefs religieux dans le domaine de la santé, mais quelques par4cipants soutenaient que certaines décisions dans ce domaine sont si importantes qu’ils agiraient à l’encontre des conseils d’un guide religieux s’il avait un avis différent.
« L’imam associe la santé maternelle dans son sermon du vendredi. »
« Certains chefs religieux sont contradictoires sur ce sujet. Ils doivent harmoniser leurs posiIons. »
« Le guide religieux ne peut pas influencer ma prise de décision sur le plan sanitaire. Je lui ferai comprendre les raisons de ma décision, comme je l’ai fait avec mon mari. Je suis la seule responsable de ma santé. »
« Après mon dernier accouchement, j’étais très malade. L’imam du quarIer était venu me rendre visite. A ceQe occasion, il m’a demandé, après l’accord de mon époux, d’arrêter les naissances ou d’espacer les naissances. »
« Si elle a des grossesses rapprochées et son mari lui refuse de faire le planning, elle doit chercher d’autre moyens de précauIon, faire intervenir l’imam et le médecin pour ramener son mari à la raison tout en lui expliquant les conséquences qu’elle pourrait encourir en ayant des grossesses rapprochées. »