Chapitre II – La fée et l'homme de glace

Il était une fois, sur un sentier étroit et obscur, une jeune femme seule, qui marchait. Ce jour là, elle marchait, sans but, en pensant à l'avenir, en pensant au passé. Elle avait besoin de faire le point, de se recentrer sur elle même et sur les choses qu'elle avait vécues. Nous avons aujourd'hui très peur de l'inconnu, c'est ...
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Chapitre I – La forêt enchantée

Il était une fois, sur un sentier étroit et obscur, une jeune femme seule, qui marchait. Ce jour là, elle marchait, sans but, en pensant à l’avenir, en pensant au passé. Elle avait besoin de faire le point, de se recentrer sur elle même et sur les choses qu’elle avait vécues. Nous avons aujourd’hui très peur de l’inconnu, c’est pourquoi nous aimons tant nommer les choses. De ce fait, nous appellerons cette jeune femme Lana. Elle était plutôt grande, et plutôt mince, bien que l’apparence soit une donnée fortement subjective. Elle avait des cheveux mi longs, lisses mais avec une petite vague ondulée au niveau des pointes, châtains tirant vers le auburn. Ses yeux se trouvaient entre le vert et le marron, dépendamment de la lumière du jour. Elle marchait lentement sur le sentier, regardant le sol sans vraiment le voir. Les petits graviers blancs craquaient sous ses pieds. L’air était doux, sans être trop frais. Le sentier traversait des plaines et des collines, vides, seulement recouvertes d’une herbe intensément verte. Tout en avançant, Lana perdait la notion du temps et de l’espace. Elle était perdue dans ses pensées, et ne savaient pas réellement où elle allait. Lorsqu’elle releva la tête après plusieurs heures de marche, elle sursauta, prise de stupéfaction. Elle se trouvait à l’orée d’une forêt qui semblait infinie. Les arbres étaient extrêmement grands et leurs feuilles très denses. Les couleurs divergeaient en fonction des arbres : rouges, vertes, jaunes mais aussi bleues, violettes ou même roses. La jeune femme remarqua cependant que toutes ces couleurs étaient ternes, comme délavées. La forêt ne lui inspirait pas confiance. Elle semblait sombre, très sombre, comme si la lumière du soleil ne parvenait pas à percer à travers les arbres. Lana regarda autour d’elle : le sentier ne 1

tournait pas mais s’enfonçait au travers des arbres. Si elle souhaitait continuer à avancer, elle devrait traverser ce lieu sombre et inquiétant. Elle fut alors prise d’inquiétude. Que devait-elle faire ? Rebrousser chemin ou bien continuer à avancer ? Une voix derrière elle la tira de sa réflexion : « Rebrousser chemin n’est pas la solution. Tu dois avancer, sinon tu ne sortiras jamais. » Lana sursauta de surprise et se retourna. Un drôle de personnage se tenait devant elle. C’était un homme, ou du moins cela ressemblait à un homme. Il se tenait sur ses deux jambes, avait deux bras aussi mais quelque chose différait sur son visage : ses yeux étaient jaunes, comme ceux d’un serpent. Ses cheveux étaient étranges également : blonds, mais aussi bruns par endroit, longs mais aussi courts. Il était inquiétant mais aussi intriguant et attirant. Lana était une jeune femme curieuse et attirée par ce qu’elle ne connaissait pas, c’est pourquoi elle s’approcha de lui lentement : « Qui êtes-vous ? Pourquoi devrais-je continuer à avancer dans cette forêt ? Et pourquoi je ne m’en sortirais jamais ? Que voulez-vous dire ?» L’homme étrange afficha un sourire amusé : « Tu dois avancer, pour comprendre. Tu marchais pour essayer de comprendre n’est-ce pas ? Si tu arrives à traverser cette forêt, et différentes épreuves à l’intérieur, alors tu auras accompli ta réflexion, et tu trouveras les réponses que tu cherches. C’est en faisant face à ses peurs et aux épreuves de notre passé que nous serons en mesure de les comprendre et de passer outre. » Lana réfléchit un instant. Cet homme en savait déjà beaucoup trop sur son passé. Elle envisagea alors une dernière fois de rebrousser et fut à nouveau saisie par l’effroi. Le sentier avait disparu. Le seul chemin qu’elle pouvait emprunter était celui traversant la forêt

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obscure. Était-elle en train de rêver ? Rien ne semblait réaliste, et c’est pourquoi elle prit la décision de s’engager dans la forêt. L’homme lui sourit et prit doucement sa main : « On ne me nomme pas. Je serai ton guide, je t’accompagnerai entre tes épreuves, je serai avec toi jusqu’au bout. Tu devras prendre des décisions, expérimenter des émotions. Mais crois-moi, au bout du chemin, tu comprendras. » Lana inspira profondément. Elle devait être en train de rêver, un homme comme lui ne pouvait pas humainement exister, ni une telle forêt. Elle posa alors un premier pied sur le sentier dans la forêt, puis un deuxième, puis un troisième. Le paysage se transformait au fur et à mesure qu’elle avançait. La lumière avait presque totalement disparu. Le guide et la jeune femme avançaient dans l’ombre et le froid. Le vent circulait entre les arbres et était beaucoup plus froid qu’à l’extérieur. Les couleurs étaient toujours ternes, sombres, comme délavées. Le sentier était recouvert de feuilles et de branches mortes. Lana tenait fermement la main de son guide, elle avait peur, elle savait qu’elle devrait traverser des épreuves et des moments qu’elle avait choisi d’enfermer à jamais. Et pourtant elle était là, dans cette forêt enchantée (ou peut être même hantée), avec cet homme aux yeux jaunes. Soudain, l’homme s’arrêta. Quelque chose d’étrange était apparu au milieu du sentier. Une porte, ou plutôt un portique, était apparu au milieu du sentier. Lana comprit que si elle passait dessous, quelque chose se produirait, son aventure commencerait. Le guide lâcha sa main et s’approcha du portique : « Nous voilà arrivés à ta première épreuve. C’est ici que ta quête vers la compréhension commence. Tu devras traverser des souvenirs, des émotions mais aussi, tu seras mise à l’épreuve du temps. Es-tu prête ? Es-tu sure de toi ? »

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Lana inspira profondément. Elle ne répondit pas, elle n’avait pas besoin de répondre. Elle baissa les yeux, essaya de se concentrer pendant quelques secondes et avança lentement vers le portique.

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Chapitre II – La fée et l’homme de glace

Une grande pièce, carrée, sans fenêtres, sans porte. Tout était en bois, en bois d’ébène, noir. Dans cette immense pièce, il y avait un canapé, vert sapin. Une boite qui parlait aussi, en face du canapé, comme un cube avec un écran qui faisait de la lumière et des sons. Sur le mur du fond, il y avait des décorations, violettes et roses, ou peut être blanches aussi. Les seuls meubles présents dans la pièce semblaient être flous, comme partiellement présents. Lana observait avec attention. Elle essaya de bouger. Elle fut pétrifiée par l’angoisse. Elle n’avait plus le même corps. Elle se trouvait assise sur un petit camion, un jouet, sur roulette. Elle n’était pas capable de sentir ses jambes, ni même ses bras. La seule chose qui fonctionnait encore était son cerveau, et ses yeux. Elle la vit alors, cette dame en face d’elle avec un sourire rayonnant. Elle avait des cheveux bruns bouclés et tenait une baguette magique dans sa main. Une fée ? Lana tenta de se raisonner : les fées ça n’existe pas. Et pourtant elle était là, lui souriant en lui demandant de la rejoindre : « Allé viens, pousse sur tes pieds, viens ! ». Lana regarda autour d’elle. Elle remarqua un homme assis sur le canapé vert sapin. Son regard semblait parfaitement absorbé par la lumière et le son diffusés par le cube. L’homme avait des petites lunettes rondes, et des vêtements gris. Il ne bougeait pas, il ne semblait voir ni la fée ni Lana. Il était là sans être là. Au delà de son apparence humaine, Lana décela quelque chose de différent, de surnaturel chez cet homme. Il semblait figé, sans émotions et sensations. Sa peau était pâle, et semblait aussi froide que de la glace. Lana l’observa plus intensément. C’était cela, de la glace, c’était un homme de glace, dépourvu d’émotions. Il commença alors à inspirer un sentiment de méfiance, mais aussi de curiosité. Qu’avait-il a cacher ? L’attention de Lana fut alors détournée par la fée. C’était 5

donc ça son pouvoir, détourner l’attention, effacer les pensées sombres des esprits des gens pour leur faire voir la lumière. C’est avec cette sensation que Lana, alors coincée dans le corps d’une petite fille, fit rouler le petit camion et dévala jusqu’à la fée aux cheveux bruns.

La forêt semblait encore plus noire qu’avant le premier portique. Lana inspira profondément. Elle avait retrouvé son corps, son esprit, mais ses sensations étaient différentes. Elle repensa à l’homme de glace, à la fée, à…Le guide l’interrompit : « N’essaye pas de penser entre tes épreuves, ne fausse pas tes souvenirs, laisse-les venir, laisse-les s’enchaîner. Le but n’est pas de comprendre chaque étape, mais de comprendre la globalité de ton passé et t’en servir pour construire ton avenir. Marche avec moi. » Lana reprit alors la main de l’homme, toujours haletante. Elle commença à douter, elle ne savait pas où cette quête la mènerait. C’est ainsi dans le doute et l’appréhension qu’elle franchit le deuxième portique, tout droit vers sa deuxième épreuve.

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Chapitre III – Manoir obscur

Un manoir, c’est un manoir. Un très vieux manoir. Il fait nuit dehors, on ne voit rien. Les arbres sont nus, il doit faire froid. À l’intérieur il n’y a pas beaucoup de lumière. En vérité, il n’y en a qu’une, au bout d’un long couloir plongé dans l’obscurité totale. La tapisserie sur les murs est vieille et décolorée. Elle devait être belle et pleine de couleurs dans le temps, mais maintenant il ne reste que du beige et quelques teintes de kaki. Tout au bout du couloir il y a une grande porte en bois, massive : l’entrée du manoir. Mais on ne peut pas l’ouvrir, elle est verrouillée. La seule pièce ouverte se trouve sur la gauche, une légère lueur s’en échappe. C’est ici qu’il faut se rendre, mais d’abord, il faut travers le long et obscur couloir. Lana passa la main dans ses cheveux. Ils étaient incroyablement longs et soyeux. Bruns, voire châtains, légèrement blonds sur la longueur. Elle avait froid malgré les plusieurs couches de vêtements qu’elle portait. Les petits radiateurs ne suffisaient pas à réchauffer la vieillesse de la bâtisse. Elle observait la lumière. Elle devait se rendre là bas, elle devait avoir le courage de traverser le couloir. Mais elle était pétrifiée. Son corps ne semblait plus vouloir lui répondre tellement elle était terrorisée. Mais elle n’avait pas le choix. Lana prit une profonde inspiration et commença à s’engager dans le long couloir. Elle sentit son cœur s’accélérer, sa respiration devenir de plus en plus haletante. Elle eut froid, puis chaud. Alors qu’elle accélérait le pas, les murs commencèrent à se refermer sur elle. Le couloir semblait perdre en largeur mais gagner en longueur. Elle n’arriverait jamais au bout. Soudain, elle sentit quelque chose derrière son dos, comme un souffle. Quelque chose bougeait derrière elle. Cette chose allait l’attraper, elle en était sure. Alors elle commença 7

à courir, de plus en plus vite. Les murs se refermaient toujours, et la présence dans son dos se rapprochait encore. Lorsqu’elle ne fut qu’à environ un mètre de la porte ouverte, elle se jeta dans la pièce. Elle avait réussi. Une petite pièce, sombre aussi, très sombres. Les murs sont vieux ici aussi. Les meubles sont construits dans un vieux bois sombre. Il y a encore un écran lumineux, mais cette fois Lana sait ce que c’est : une télévision. L’homme de glace est là, assis devant cet objet lumineux. Sa peau, son corps, son âme semblent toujours aussi froids. Il y a un petit réveil au dessus de la télévision : étrange non ? Il est si petit et pourtant occupe tellement de place. Lana n’entendait que ça, le tic tac du petit réveil posé tout en haut du meuble. Une sensation la traversait alors qu’elle s’installait sur le sofa : la fée allait bientôt revenir, et alors il y aurait de la lumière, de la chaleur, de la joie. Mais pour l’instant, il n’y avait que ce tic tac. L’impatience montait dans l’esprit de la jeune fille. Elle n’entendait rien, ne voyait plus rien que ce petit réveil pourtant insignifiant. La petite aiguille des secondes semblait tourner et tourner sans faire avancer les minutes. Tic tac…tic tac…tic tac…tic tac. C’était interminable. Lana commença à éprouver une certaine colère envers l’homme de glace. Il ne prêtait pas attention à elle. Il savait qu’elle avait peur du noir, mais il s’en moquait. Il savait qu’elle attendait que la fée revienne pour lui lire une histoire, mais il s’en moquait. Alors Lana hurlait intérieurement, elle le détestait. Elle entendit enfin un bruit venant de dehors, un bruit de véhicule qui roulait sur les graviers d’un vieux chemin abimé par le temps. L’homme de glace bougonna. La fée allait être de retour, elle allait réveiller le manoir, lui redonner de la vie. Il était de glace lui, la vie, il n’aimait pas ça. C’est du moins ce que Lana croyait. La fée entra et avec elle, une infinité de petites lumières qui éclairèrent l’ensemble du manoir. Lana se leva en courant du sofa, heureuse.

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Cette fois, la forêt était plongée dans l’obscurité totale. Le ciel semblait virer vers le rouge. Le guide attendait patiemment devant le troisième portique, une lanterne à la main. Lana repris son souffle. Elle était en colère, en colère contre l’homme de glace. Elle était mal à l’aise. Elle revoyait le couloir se refermer sur elle…ce couloir qui l’avait terrorisée pendant tellement d’années. Et ce manoir, ce manoir qui lui avait toujours semblé vivant la nuit. La jeune femme eut alors envie de pleurer, de crier. Le guide intervint, doux et impassible comme à son habitude : « La colère est un sentiment dur à évacuer. Haïr quelqu’un n’est pas quelque chose de facile. Apprendre à comprendre pourquoi on déteste une personne est encore plus difficile, car on se rend compte souvent que cette personne mérite peut-être mieux que notre mépris. Continue à avancer. » Lana inspira profondément. Elle ne sortirait pas de cette traversée indemne, elle en était sure désormais.

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Chapitre IV – La folle traversée

Lana laissa échapper un cri de stupeur. Ses longs cheveux volaient dans tous les sens, violemment bousculés par le vent. Elle se trouvait dans un wagon, un tout petit wagon en bois. L’homme de glace tenait les commandes, il décidait de la vitesse. Il était en colère, alors il prenait chaque virage et chaque pente avec énormément de rapidité. Le rail traversait des plaines, des vallées mais aussi des zones vallonnées avec de petits arbres et parfois de petites maisons. Le wagon frôle parfois des précipices, ou des arbres, ou même d’autres wagons. L’homme de glace connait la route, et connait aussi les commandes. Il sait maitriser sa machine, mais Lana a peur, comme toujours. L’homme ne cesse de répéter la même phrase : « Ah vous avez bien préparé votre coup, ah vous l’avez bien préparé ! ». Lana, elle, ne disait rien. Elle s’accrochait tant qu’elle pouvait au wagon pour ne pas être éjectée. La machine prenait des trajectoires folles, rebondissant parfois sur les rails après une bosse. Les paysages défilaient toujours aussi vite. Des collines, des champs de tournesols, des petites maisons en vieille pierre au bord de petits ruisseaux. Lana n’aimait pas ce paysage, elle l’avait assez vu. Au fur et à mesure qu’ils avançaient sur leur route, l’environnement devenait plus clair, plus lumineux. Ils avaient quitté le manoir, ce lieux sombre, toujours plongé dans l’obscurité. Ils allaient vers la lumière, vers le jour, vers la vie. Lana n’y retournerait pas, et la fée non plus. Elle avait emporté sa lumière avec elle. La fée pensait pouvoir vivre dans la nuit, dans le noir, mais elle ne pouvait plus, sinon ses pouvoirs risquaient de disparaitre à tout jamais. Alors Lana allait la rejoindre et laissait l’homme de glace dans son manoir obscur, seul, comme il l’avait toujours voulu. Elle était en colère contre lui, toujours. Mais dans cet instant, elle s’en voulut d’éprouver un certain 10

sentiment de satisfaction. L’homme de glace semblait blessé, éprouvé, alors elle était heureuse, car dans on esprit d’enfant, elle pensait qu’il méritait ce qui lui arrivait. Alors pendant que le wagon prenait ses trajectoires folles à travers la nature vide, Lana esquissa un sourire. La fée et elle avaient gagné. Elles s’étaient libérées du manoir et de l’homme de glace. Soudain, la respiration de Lana se coupa. Elle vit quelque chose qu’elle n’avait pas vu depuis une éternité : le soleil, chaud et lumineux. Cette fois c’était sur, elle était libérée. Mais alors qu’elle profitait pleinement de cette nouvelle vie, de ce renouveau, une sensation étrange l’envahit, une sensation qu’elle n’avait encore jamais ressentie. Un doute concernant l’homme de glace s’installa. Il était en colère, blessé…mais pas surpris. S’attendait-il au départ des deux femmes ? Visiblement oui. Il savait, c’est pourquoi il était en colère. Peut être était-il plus en colère après lui même qu’après la fée. La peau de l’homme de glace s’arrêta de briller pour la première fois. La glace serait-elle en train de fondre ? Lana arrêta alors de sourire, elle arrêta d’être satisfaite de la peine de l’homme. Il était conscient de ses fautes, conscient de ses erreurs. Ne dit-on pas qu’une faute avouée est à moitié pardonnée ?

Lana se retrouva de nouveau dans la forêt sombre et rouge. Ses cheveux, aujourd’hui courts, semblaient toujours ébouriffés après leur folle traversée. Elle n’était plus en colère, mais dubitative. Ce dernier questionnement n’était encore jamais venu à son esprit. Est-ce qu’il savait ? Elle baissa les yeux. Bien sur qu’il savait. Lana n’eut pas besoin du guide pour avancer vers le prochain portique. Des doutes naissaient en elle sur l’homme de glace, cet homme qu’elle avait toujours essayé de détester. Elle devait en savoir plus, elle devait

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sortir de ce flou, de cette ombre qui hantait son passé. La forêt était trop obscure, sans vie, elle devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour lui redonner ses couleurs. C’est la tête relevée qu’elle passa sous le quatrième portique.

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Chapitre V – Le début de la fin

Tout brille, tout scintille, tout est absolument magnifique. Il y a de très grands arbres verts qui dégagent une belle odeur de résine. Le sol est recouvert d’une fine couche de grains d’or. Le soleil reflète dessus, tout l’environnement est recouvert d’une belle lumière dorée. La brise du vent est douce, ni trop chaude ni trop fraiche. Elle amène avec elle une agréable odeur salée. Au loin, une rengaine qui tonne et raisonne : le roulement des vagues de l’océan. Il y a des petites maisons en pierre dans ce magnifique endroit. Des petites maisons en pierres claires, avec un toit de paille. Il y a aussi des rochers, de gros rochers blancs sur lesquels des enfants jouent mais aussi attendent. Ils ont l’air heureux, les enfants, ils se connaissent bien désormais. Pourtant, ils vont devoir se séparer, parce qu’on ne reste pas au paradis pour toujours. Lana était assise sur un rocher, avec d’autres enfants. Elle portait une petite robe orange et rouge, ses couleurs préférées dans le temps. Ses cheveux étaient toujours aussi longs mais cette fois, ils n’étaient pas parfaitement soyeux. Quelques grains d’or avaient réussi à se nicher au travers des mèches les plus fines. Lana était heureuse, elle aimait cet endroit, cette douce odeur salée, ces beaux arbres. Elle aimait aussi tous ces enfants autour d’elles. Ils étaient devenus des amis. Elle n’avait pas envie de les quitter. Comme à chaque fois, elle ne voulait plus retourner chez elle. Pourtant, comme à chaque fois, la fée arriva dans son carrosse pour aller chercher la jeune Lana. Cependant, l’homme de glace n’était pas avec elle cette fois. La jeune fille fut surprise, que lui était-il arrivé ? La fée commença alors à expliquer. Quelque chose était arrivé à l’homme de glace, il n’avait pas pu venir, le voyage aurait été trop dangereux. Lana 13

fut alors soudainement bousculée dans tous les sens. L’environnement autour d’elle se mit à tournoyer. Les grains d’or volèrent dans le ciel, tout fut emporté dans un tourbillons immense. La jeune fille cria, se cacha les yeux, se recroquevilla. Lorsque Lana ouvrit les yeux, elle n’était plus au même endroit. La fée et elle avaient disparu pour réapparaitre dans une pièce, une pièce toute blanche, entièrement blanche. Au centre se trouvait un lit, blanc lui aussi. Sur le lit se trouvait l’homme de glace, seulement recouvert d’un drap blanc. Lana déglutit avec difficulté. Ses bras, son nez, son cœur et même une partie de son ventre étaient branchés à des appareils, de longs tuyaux, plus ou moins larges, sortaient de son corps. Des petits bruits raisonnaient dans la pièce. Lana ne pleura pas, elle ne sut quoi faire. Elle regarda l’homme de glace et s’approcha de lui. Il lui sourit, il était heureux de la voir. Des dames, toutes habillées de blanc, entrèrent soudainement dans la pièce. Elles demandèrent à la fée et la jeune fille de partir. Lana prit alors la main de l’homme de glace et pour la première fois, elle la sentit : sa peau, fraiche mais bien réelle, bien tendre et bien fine.

Lana sentit une larme couler le long de sa joue. Elle se souvenait à présent, de ce moment, où tout avait commencé. Elle était pourtant très jeune, mais elle se souvenait de ce jour comme si c’était hier. Elle se souvint aussi qu’à ce moment précis, elle pensait que l’homme méritait sa punition, car il avait manqué de prudence, parce qu’il n’avait pas su intervenir à temps. Elle prit sa tête entre ses mains, elle s’en voulut un instant de penser ainsi. Le guide s’approcha d’elle avec douceur : « On ne peut avoir de jugement juste sans connaitre toutes les données d’une équation. Comment une enfant aurait-elle pu comprendre ? »

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Lana acquiesça. Le cœur lourd, elle avança vers le cinquième portique. La forêt était encore très noire, le rouge disparaissait cependant. La colère devenait de l’amertume, du mépris. Un sentiment de haine s’était installé. La jeune femme devait lutter et continuer à avancer pour sortir des abysses infernaux de la forêt enchantée.

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Chapitre VI – Révélations

Lana se retrouva à nouveau dans une pièce blanche, avec un lit blanc, des meubles blancs. Même le ciel à l’extérieur de la fenêtre était blanc. L’homme de glace était encore une fois allongé dans le lit. Cette fois, il n’avait pas autant de tuyaux branchés à son corps, mais de nombreuses parties de sa peau étaient rouges ou bleues. La fée se tenait là, auprès du lit. Elle tenait la main à l’homme. Lana eut une soudaine admiration pour elle. Malgré toutes les épreuves traversées, tous les sortilèges qu’elle avait déjoués, elle était toujours ici, la fée, près de cet homme de glace, pour le soutenir et l’accompagner. C’était bien son pouvoir à cette fée là, elle avait la capacité d’aider les gens, de leur redonner du courage même quand elle était au plus bas, même quand ces personnes avaient pu être difficiles. Lana n’était pas une fée, elle ne possédait pas ce pouvoir. Elle regardait l’homme avec mépris. Beaucoup de mépris. Elle avait un âge où la critique prenait une place importante dans l’esprit. Cependant, Lana était là, près de l’homme. Elle lui parla de sa vie, de l’école, de ses amours. Oui, Lana était amoureuse, elle avait rencontré un prince qui l’aimait pour ce qu’elle était. Une adolescente, par définition, est une rêveuse. Alors que la jeune fille observait l’homme de glace, elle se rendit compte que sa peau, malgré ses blessures, avaient gagné un peu plus de couleur. Encore une fois, la glace seraitelle en train de fondre ? Lana ne voulait pas savoir. Elle regardait l’homme sans compassion. Elle restait là, et affrontait l’épreuve du temps. Elle aurait aimé être ailleurs, avec son prince par exemple. Lui au moins il la comprenait. Soudain, la pièce devint floue, tout se brouilla sauf Lana et l’homme de glace, qui étaient là, assis l’un en face de l’autre. La jeune fille ne comprenait pas. C’est alors que l’homme 16

commença à parler, doucement, dans la douleur et la faiblesse. Lana fut alors prise d’effroi. Elle se retrouva dans un tribunal, des années et des années auparavant, peu de temps après la seconde guerre mondiale probablement. L’homme de glace était toujours là, assis en face d’elle. En même temps qu’il racontait, la scène se déroulait sous leurs yeux. Un petit garçon était interrogé et appelé à la barre. On lui demanda d’enlever son tee-shirt. Lana poussa un cri d’effroi : le dos du petit garçon était recouvert de marques rouges. Alors l’homme accusé tenta de se défendre, mais il ne put rien faire. Il fut envoyé en prison. Flou encore, seulement l’homme de glace et Lana. Les voilà à présent dans une pièce blanche, mais avec des couleurs, des hommes et des femmes heureux autour d’eux. Ils tiennent dans leur bras un bébé, une petite fille, toute brune, avec déjà beaucoup de cheveux. Ils sont très bruns, comme ceux de la fée. Elle a aussi des yeux de verre, entre le vert et le marron, comme ceux de l’homme de glace. Lana vit alors dans leur regard quelque chose qu’elle comprit immédiatement : la surprise, ni bonne ni mauvaise. Ce bébé n’était pas attendu, pas prévu, pas voulu. Lana les vit alors, l’homme de glace et la fée, prendre un morceau de parchemin et celer à jamais une entente : aimer et protéger ce bébé, quoi qu’il arrive. La magie qui cella le parchemin était indestructible, inviolable. Alors ils sourirent, et essayèrent de profiter des moments de joie que ce petit être apporterait. Le flou s’estompa. Lana se retrouva à nouveau dans la pièce blanche, avec l’homme de glace blessé dans son lit. Comment devait-elle réagir ? Que devait-elle penser ? Pouvaitelle encore le détester ?

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Chapitre VII – Obscurité scintillante

Haletante, palpitante, Lana tomba sur ses genoux, ses mains croisées sur sa poitrine. Elle avait l’impression que son cœur allait exploser ou sortir de son corps. C’était difficile, de se souvenir. C’était difficile de replonger dans ces moments, de les vivre, de les ressentir. Les récits de l’homme de glace, elle les avait entendus, plusieurs fois. Jamais elle ne les avait compris. Était-elle trop jeune ? Trop révoltée ? Elle inspira profondément, elle avait besoin d’un peu de temps. Voyager dans ses propres souvenirs était quelque chose de difficile mais se retrouver téléporté dans ceux d’un autre l’était encore plus. Lana passa doucement la main dans ses cheveux, un tic nerveux qui l’aidait, ou du moins, elle pensait que cela l’aidait. Le guide s’approcha d’elle avec sa douceur et sagesse habituelle : « Souviens toi de ce jour Lana. Ce jour où tu as appris la vérité. Ce jour où tu as découvert qui était l’homme de glace, cet homme que tu avais toujours détesté et méprisé. Je vais te laisser marcher dans la forêt, doucement, vers ta dernière épreuve. Laisse-toi aller durant ta marche, essaye de comprendre toutes les émotions partagées qui traverseront ton esprit. » Lana sursauta. Le guide avait disparu. Une lumière semblait se dessiner tout au bout du chemin. Était-elle au bout de sa quête ? arrivait-elle à la sortie de la forêt. Elle remarqua alors que les arbres reprenaient des feuilles, encore noires ou rouges, mais elles étaient bien là. La forêt semblait reprendre vie. Lana se surprit à sourire. Elle n’était pas heureuse, mais certaines choses semblaient plus claires dans sa tête. Elle se rendit compte que, pendant toutes ces années, elle avait détesté l’homme de glace, pour être de glace, pour ne pas être doux, attentionné et chaleureux comme il aurait dû l’être. Elle se souvint alors de ce jour 18

où il lui avait tout révélé et que la glace qui recouvrait sa peau avait commencé à disparaitre. Lana l’avait écouté, mais cela n’était pas suffisant pour elle. La souffrance du passé de l’homme ne suffisait pas, selon elle, jeune adolescente révoltée, pour expliquer son comportement froid et impassible. La jeune femme se souvenait parfaitement de ce qu’elle avait pu ressentir. En plus de la colère, une forme d’indignation s’était développée. Elle lui en voulait de tenter de se trouver des excuses. Lana, sur son sentier de pierre, soupira. Oh comme les adolescents peuvent être insouciants et cruels. Lana marchait lentement sur le sentier, observant les arbres nus qui se rhabillaient peu à peu. Soudain, une lueur dorée au loin attira son regard. Elle ne pouvait pas encore distinguer de quoi il s’agissait. Elle vit alors la lueur s’approcher. C’était une sphère, un globe doré qui scintillait et flottait dans les airs. La forêt était toujours très sombre, cette petite lumière d’or était de loin la plus grande source de lumière. Lana l’observa, à la fois curieuse et émerveillée. Elle tendit sa main pour la toucher, puis recula un instant, avant de définitivement attraper le globe. Elle le saisit à deux mains et l’observa. Soudain, la sphère changea de couleur et vira vers un rouge intense. Une intense chaleur parcourut le corps de Lana. Elle la sentit alors monter en elle, la colère. La sphère lui transmettait l’émotion. La jeune femme ferma les yeux. Elle sentit le sentiment se développer dans son esprit mais également dans son corps. Les battements de son cœur se firent plus intenses, ses veines semblaient bouillonner. Elle le détestait, cet homme. Il avait été présent sans l’être, inutile et fainéant. Il avait quasiment fait perdre sa lumière et ses pouvoirs à la fée. Il avait souvent embarrassé l’enfant que Lana était, par plaisir ou par saute d’humeur. Et il voulait qu’on le pardonne, il tentait de trouver des excuses. Elle le détestait, de tout son être. Il devait payer pour son manque d’humanité, il devait souffrir.

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Lana inspira profondément. Ses mains encore sur la sphère étaient brulantes. Elle comprit alors qu’elle devait faire quelque chose, qu’elle devait être plus forte que ce sentiment destructeur qu’était la colère. Dans un élan de violence et de courage, Lana jeta la sphère qui alla se briser au loin sur les arbres. La jeune femme se sentit faible de par l’épreuve qu’elle venait de vivre, mais également soulagée. Pour la première fois de sa vie, elle comprenait que la haine et que la colère étaient des sentiments figés, qui ne lui permettraient jamais d’avancer vers un meilleur futur. Elle reprit alors sa marche, la tête haute, soudain soulagée d’un poids. Elle sursauta et fut prise de panique quand elle vit apparaitre au loin une nouvelle sphère dorée. Comme précédemment, la sphère se rapprocha jusqu’à se retrouver devant la jeune femme. L’hésitation de Lana fut plus longue, et c’est à contre cœur qu’elle saisit le petit globe scintillant. À sa grande surprise, rien ne se produisit sur le moment. Il fallut plusieurs minutes, qui semblèrent interminables, pour que la couleur du globe vire et s’éloigne vers un bleu turquoise scintillant absolument magnifique. La lumière bleue dégagea énormément de luminosité et éclaira toute la zone. Lana déglutit avec difficulté face à la scène qu’elle était en train de vivre. La forêt s’anima. Les arbres firent naitre des bourgeons, qui laissèrent place à de belles feuilles vertes et bleues qui brillaient dans l’obscurité. La végétation poussa à une vitesse incroyable, développant de l’herbe, des bosquets, des buissons, de la mousse et même des fleurs. Des tons de vert, bleu et violet inondaient à présent le lieu sombre et morbide dans lequel Lana avait évolué. Seule la sphère bleue éclairait le lieu. Soudain, la végétation s’illumina. Toutes les couleurs, à présent phosphorescentes, brillaient dans la nuit. Lana sentit une profonde émotion la traverser, ses yeux s’humidifièrent d’émerveillement. Jamais elle n’avait assisté à un spectacle aussi beau. Elle la sentit alors monter, l’émotion émanant de

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la sphère. Cette émotion, c’était la raison. Lana comprit alors. L’homme de glace n’avait jamais été de glace, il s’était protégé, accablé par son passé et ses épreuves, effrayé à l’idée de revivre ses déceptions. Il s’était caché derrière la froideur, derrière l’impassibilité. Il avait essayé de contenir son humanité, mais il avait échoué. La jeune femme se souvint alors ces jours dans les lits blancs, où la glace qui recouvrait l’homme avait fondu pour laisser place progressivement à une peau claire et fine. Il avait souffert, et avait ainsi dévoilé son humanité. Lana se souvint que depuis les lits blancs, l’homme n’avait jamais été le même. Elle comprit alors qu’il n’avait pas changé, mais seulement révélé sa vraie nature, humaine. La raison qui s’était emparée de l’esprit de Lana se dissipa peu à peu, mais la jeune femme ne perdit pas cette émotion. La jeune adulte qu’elle était pouvait comprendre à présent, elle pouvait comprendre et elle pouvait ainsi pardonner. La sphère bleue s’éloigna. La forêt cependant conserva son éclat et sa brillance. Les couleurs qui émanaient de la végétation était intenses et parfaitement harmonieuses entre elles. Lana sentit un sentiment de quiétude monter en elle, mais également de tristesse. Elle réalisait sa faute, son erreur de jugement, mais elle le réalisait trop tard. Le guide apparut alors, surgissant de nulle part, se tenant devant la dernière porte. Quelque chose avait changé sur lui. Ses yeux, auparavant jaunes, étaient devenu bleus, entièrement bleus, sans iris. Il s’approcha délicatement de la jeune femme et pris doucement ses mains : « Cette dernière épreuve, tu la connais. Ce souvenir est encore proche, mais tellement important. Tu ne dois jamais l’oublier. Profite de l’honneur que je te fais de pouvoir le revivre, une dernière fois. Nous ne nous reverrons pas. Je te donne alors mon dernier conseil, qui sera le seul que tu devras suivre tout au long de ta vie : travaille et lutte dans un seul et unique but, être heureuse. »

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Alors que Lana voulut répondre, une épaisse fumée se développa autour du guide, bleue turquoise. En quelques secondes, elle le recouvrit totalement de manière à ce qu’on ne puisse plus le voir. Quand la fumée bleue se dissipa, la guide n’était plus là. Lana inspira profondément, jamais elle ne saura qui il était, ni ce qu’il était. La jeune femme s’avança alors vers la dernière porte, la dernière épreuve qui la mènerait à la sortie de la forêt, qui la mènerait vers son avenir.

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Chapitre VIII – Fin et commencement

C’était la dernière épreuve, la dernière étape. Lana se tenait dans une grande pièce vide avec en son centre un grand lit blanc. L’homme de glace s’y trouvait, pour la dernière fois. Lana regarda avec effroi son visage abimé par la maigreur extrême, le bleu sombre qui tachait la pointe de ses pieds, le voile blanc qui ombrait son regard. Il était encore là, mais il était déjà un peu parti. L’homme était immobile, son corps refusait à présent de lui répondre. Seul son esprit, affaibli, était encore présent. Lana prit alors sa main, et elle ne la lâcha plus. La fée était présente, comme toujours. Elle tenait également une main de l’homme. Elle lui murmurait que tout irait bien, que rien ne serait plus jamais douloureux et qu’il pourrait les suivre, en tout temps, être toujours avec elles. La glace avait fondu, elle avait totalement disparu. Lana ne lui tenait plus la main par dépit mais par compassion. Elle voyait un homme, avec un cœur, des émotions, des sentiments. Mais plus que cela, elle voyait un homme avec des regrets. Il regarda la jeune femme, il lui dit qu’il était désolé, qu’il avait été « le roi des cons ». Alors Lana lui sourit, elle ne put répondre, c’était trop difficile. La fée intervint alors. Elle murmura quelques paroles à l’homme qui suffirent à le rassurer. Son pouvoir était toujours aussi intense, son don n’avait pas faibli avec les années. Lana comprenait tout à présent, elle était capable de pardonner. Mais lorsqu’elle voulut parler, un phénomène surréaliste se produisit. Lana était seule, assise dans une pièce vide, une petite pièce très blanche et très claire. Cette pièce, elle la connaissait bien, elle y avait passé les trois dernières années de sa vie. Elle comprit alors que c’était terminé. L’homme de glace devenu simplement un homme, était parti. Et cette fois, il ne reviendrait pas. Lana n’eut pas la force de se relever. Elle resta 23

assise, pendant de nombreuses minutes, perdue dans ses pensées. Elle avait compris, elle lui pardonnait. Mais la peine, le déchirement s’empara d’elle. Il était parti, et jamais elle n’avait eu la chance de lui dire qu’elle le comprenait, qu’elle savait à quel point il l’aimait, et qu’elle le pardonnait. Elle voulut crier, mais sa voix était nouée, comme prise au piège d’un sortilège. Elle avait échoué, elle n’avait pas été capable de parler, il était trop tard à présent. Elle devait vivre avec ce silence imposé, elle devait le surmonter.

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Chapitre IX – Résolution

Lana était sur le sentier de pierre. Son environnement avait totalement changé. Plus d’ombres, de noirceur, de feuilles mortes, d’arbres suffocants. La forêt vivait à présent. L’herbe qui serpentait entre les grands arbres était bien verte et fraiche. De nombreuses fleurs tapissaient le sol autour du sentier. Les petites pierres qui le constituaient étaient blanches et lumineuses. Les arbres étaient tous habillés de belles feuilles vertes, plus ou moins claires mais toutes bien vivantes. Une légère brise circulait entre les branches, rendant l’air dans le milieu parfait entre la fraicheur et la chaleur. Lana leva les yeux. Depuis la première fois depuis le début de sa quête elle revoyait le ciel, d’un bleu majestueux. Le soleil frappait assez fort pour les rayons s’infiltrent entre les branches feuillues, éclairant ainsi la forêt de manière absolument magnifique. Lana était étrangement sereine. Elle se souvenait particulièrement bien de cette dernière épreuve qu’elle venait de revivre. Elle avait beaucoup pleuré, avait beaucoup culpabilisé de ne pas avoir pu lui dire tout ce qu’elle aurait voulu lui dire. Mais le temps avait à présent fait son chemin. En revenant sur son passé, elle avait été capable de comprendre l’évolution de ses émotions, de la haine vers le pardon. En grandissant, elle avait compris que l’homme l’aimait, et avait fait tout ce qu’il pouvait pour la rendre heureuse. Elle se souvint que depuis son premier passage dans le lit blanc, il avait tout donné et tout fait pour elle. Son humanité avait commencé à se dévoiler au grand jour. Lana sourit alors intérieurement. Cet homme qui était auparavant pour elle sa plus dure épreuve était devenu son plus grand apprentissage, son plus grand formateur et moralisateur. Elle se rendit compte à quel point les choses qui nous semblent parfois uniquement mauvaises et destructrices nous 25

apprennent beaucoup. Cette quête lui fit comprendre qu’elle n’avait à présent plus besoin de retourner en arrière. Elle avait fait le point sur ses émotions, sur ces difficiles étapes de sa vie. Elle avait pardonné l’homme, mais elle avait également accepté l’amour qu’il lui portait. Elle était à présent capable de se pardonner pour ne rien lui avoir dit. Quelque part, elle en était certaine : il savait. Lana prit une dernière inspiration pour sentir une dernière fois les odeurs envoutantes de la forêt enchantée avant de quitter la quitter. Elle posa son premier pas à l’extérieur, puis un deuxième, un troisième. Au bout de quelques minutes, elle se retourna. La forêt avait disparu. Lana n’en fut pas surprise. La forêt représentait son passé, de lourdes épreuves qu’elle avait mis beaucoup de temps à comprendre et analyser. Elle n’avait plus besoin de les retraverser à présent. Elle promit à l’homme qu’elle ferait tout son possible pour accomplir son dernier désir : être heureuse. Je devrais terminer mon récit traditionnellement de cette manière : et elle vécu heureuse et eut beaucoup d’enfants. Mais qui sait vraiment ce que l’avenir nous réserve ?

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