Ch. 2. Les marchés de la terre

négligeable au Pérou, même s'ils sont relativement élevés en Colombie, 50%) (cf. ... fonction, permettent-ils une production agricole efficace ? Comme nous ...
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Ch. 2. Les marchés de la terre ELEMENTS DE COURS

PLAN DU COURS 1. INTRODUCTION 1.1. Quelques commentaires sur l’évolution des droits de propriété sur la terre 1.2. Propriété et tenure 2. CONTRATS DE LOCATION DE LA TERRE 2.1. Les différentes formes de contrats Æ Doc. 1. Tenancy in the ICRISAT Villages. 2.2. Contrats et incitations Æ Doc. 2. Is Sharecropping Associated with Lower Yields? 2.3. Risque et contrats 3. TAILLE DE LA TERRE ET PRODUCTIVITE 4. ACHATS ET VENTE DE TERRES ET REFORME AGRAIRE 4.1. L’étroitesse du marché de la vente et de l’achat de terre 4.2. La réforme agraire Æ Doc. 3. Land Reforms: South Korea and Mexico.

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1. INTRODUCTION Dans les pays les moins avancés, la terre, en particulier les terres agricoles jouent un rôle clef dans la vie de tous les jours et tiennent une place centrale dans la structuration sociale. Au regard de l’influence considérable de la distribution des terres sur les activités économiques et la vie sociale, l’étroitesse du marché de l’achat et de la vente de terre est frappante : les flux de marché sont très faibles par rapport aux stocks et le marché de la location est souvent bien plus actif que celui de l’achat/vente. 1.1. Quelques commentaires sur l’évolution des droits de propriété Dans le secteur agricole, le droit de propriété essentiel est celui de l’exploitation du sol. Si celui-ci est bien défini, exclusif et stable et que son application et son transfert sont possibles, les agriculteurs détenteurs de ces droits seront incités à investir et à travailler le sol de manière productive. L’histoire des droits de propriété sur la terre est complexe et souvent spécifique aux régions concernées, néanmoins on peut faire apparaître certaines évolutions générales. Avec les évolutions démographiques (augmentation de la population sur les terres arables) et les avancées commerciales et technologiques qui ont permis d’accroître la productivité et la valeur de la terre, la tendance a été d’une évolution des anciens modes communautaires de détention de la terre à la définition de droits de propriété privés. L’individualisation de l’exploitation et la transférabilité des droits peuvent réduire l’incertitude, encourager l’investissement et permettre une réallocation plus efficace de la terre. Dans les faits, ce processus n’a pas été aussi vertueux. La faiblesse du système légal qui caractérise la plupart des pays en développement a permis la manipulation du processus par les plus puissants et les mieux informés. L’évolution des droits de propriété privés sur la terre a souvent été associée à la dépossession pour les fermiers les plus pauvres des droits d’usage traditionnels, l’aggravation des inégalités et des tensions sociales et a engendré de nouvelles incertitudes liées à la proliférations des litiges et autres coûts de transaction. Cf. Biswanger, Deininger et Feder (1995) pour un survey très approfondi de l’évolution des rapports agraires. Ils décrivent le processus historique de l’émergence des droits de propriété privés sur la terre et comment il s’est accompagné d’une inégalité croissante dans la répartition des terres. 2.2. Propriété et tenure Tenure = mode de concession d’une terre Le Tableau 1 montre l’inégale répartition des terres dans les pays d’Asie et d’Amérique Latine. Un énorme pourcentage de la population rurale est soit dépourvue de terre, soit possède de très petites parcelles, alors qu’une petite fraction de la population détient des surfaces de terre très importantes. Si l’on considère les coefficients de Gini, inégalités dans la distribution des terres beaucoup plus fortes que dans la répartition des revenus. Si l’inégalité dans la répartition des terres est importante en Asie, elle l’est encore plus en Amérique Latine. Le fait que la surface moyenne possédée soit plus faible en Asie et que la densité de la population rurale y soit beaucoup plus élevée peut expliquer que le phénomène soit moins marqué en Asie. En effet, il est certain qu’il y a une surface minimum en dessous de laquelle l’exploitation n’est plus rentable. Des niveaux d’inégalité identiques en Asie à ceux constatés en Amérique du Sud conduirait les parcelles les plus petites à une taille tout 2

simplement impossible à cultiver Î une forte densité de population « limite » en partie les inégalités. Table 1. Ownership distribution of farms and farmland in Asia and Latin America in the Average Percentage of farms and farmland Gini coefficient of earl operational land concentration Below 5 hectares Above 50 hectares farm size y Country (hectares) Farms Area Farms Area 197 Asia 0s. Bangladesh India Indonesia Nepal Philippines Thailand Latin America Brazil Costa Rica Colombia Peru Uruguay Venezuela

1.6 2.3 1.1 1.0 3.6 3.7

90.6 88.7 97.9 97.2 84.4 72.3

67.6 46.7 68.7 72.1 47.8 39.4

n.a. 0.1 0 0 0.2 0

n.a. 3.7 13.6 0.8 13.9 0.9

0.42 0.62 0.56 0.56

59.7 38.1 26.3 16.9 214.1 91.9

36.8 48.9 59.6 78.0 14.3 43.8

1.3 1.9 3.7 8.9 0.2 0.9

16.3 14.5 8.4 1.9 37.6 13.6

84.6 79.7 77.7 79.1 95.8 92.5

0.84 0.82 0.86 0.91 0.82 0.91

0.45

Source: Otsuka, Chuma and Hayami [1992, Table 2].

Avec des données plus récentes cf. fig 12.1 Æ courbes de Lorenz de la distribution des terres pour deux pays d’Asie, la Thaïlande et l’Inde et deux pays d’Amérique Latine, le Honduras et la Colombie. Les différences sont assez évidentes. Le faible montant de terre par tête en Asie et la forte inégalité dans la répartition des terres en Amérique Latine ont un effet similaire : une part significative des fermes sont exploitées et cultivées par leur propriétaire. Cette part est particulièrement forte en Asie, environ 86% (cf. Otsuka, Chuma et Hayami (OCH) [1992]). Elle est plus faible en Amérique Latine où une grande partie des exploitations sont constituées de très grandes fermes détenues par des propriétaires absentéistes et cultivées par des salariés agricoles. Le Tableau 2 montre le pourcentage d’exploitations individuelles sur les différents continents. Les pays africains apparaissent quelque peu à part. La plupart des terres sont cultivées sous forme de tenure collective ou communale, et les droits sur ces parcelles sont faibles. On voit en effet qu’une faible proportion des terres est cultivée par leur propriétaire, ce constat résulte simplement du fait que les droits de propriété ne sont pas correctement définis. Les données reportées sont probablement sous estimées et cette sous-estimation reflète le flou dans la définition des droits de propriété (les droits d’usage sur chaque parcelle sont mieux définis).

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Certains pays accordent le droit de propriété ou d’usage aux locataires qui ont travaillé sur une terre un nombre donné d’années. Ce type de législation réduit souvent le nombre des locations enregistrées (=tenures informelles). En Asie, en Inde par exemple, le pourcentage d’exploitations individuelles est très certainement plus faible que ce que suggèrent les données. Ces législations n’ont pas toujours été efficaces pour transférer la terre aux paysans sans terre. Au contraire, elles ont souvent conduit en Amérique Latine au renvoi du locataire, ce qui s’est traduit par une mécanisation à grande échelle. Table 2. Distribution of farms and farmland by land tenure status in the 1970 World Census of Agriculture Asia Africa Countries Farms (millions) Farm size (hectares) Distribution of farms (%) Owner cultivation Pure tenancy Owner-cum-tenancy Others Distribution of farmland (%) Owner cultivation Pure tenancy Owner-cum-tenancy Others Percentage of share tenancy in tenanted land

10 93.3 2.3

Latin Europe North World America America 4 15 12 2 46 3.5 8.6 11.9 3.1 120.4 0.5 46.5 7.6 161.2 10.0

85.8 5.9 8.2 0.0

5.2 1.6 6.9 86.3

60.3 17.1 6.6 16.0

67.6 9.3 23.0 0.1

63.2 12.0 24.8 0.0

79.2 7.1 10.0 3.7

84.0 5.9 10.1 0.0 84.5

9.2 3.0 29.1 58.7 0.0

80.4 6.2 5.6 7.8 16.1

58.9 12.5 28.5 0.1 12.5

36.6 11.9 51.5 0.0 31.5

61.1 9.0 27.2 2.7 36.1 4

Source: Otsuka, Chuma and Hayami [1992, Table 2]. Parallèlement, la prépondérance des exploitations individuelles dans les pays d’Asie est liée à la moindre inégalité dans la distribution des terres, qui se traduit par des surfaces d’exploitation en moyenne plus faibles pouvant être cultivées par leur propriétaire. Si la tenure existe dans le monde entier, les formes des contrats de tenure varient : ¾ En Amérique Latine, la tenure consiste essentiellement en fermage (location avec loyer fixe) : l’exploitant paie une somme monétaire fixe au propriétaire en contrepartie du droit de cultiver la terre. ¾ Au contraire, en Asie, la tenure est caractérisée par une forte proportion de métayage, dans lequel l’exploitant cède au propriétaire une part de la récolte fixée dans les termes du contrat. La part des terres sous contrat de métayage se situe aux alentours de 30% en Thaïlande, environ 50% en Inde et 60% en Indonésie, et va jusqu’à 90% au Bangladesh. Les pourcentages correspondants sont bien plus faibles en Amérique Latine (inférieurs à 10% dans des pays tels que le Costa Rica ou l’Uruguay et négligeable au Pérou, même s’ils sont relativement élevés en Colombie, 50%) (cf. OCH 1992)). Æ Fortes inégalités dans la distribution des terres dans les PED et survivance de formes de tenure qui ont disparu dans nos sociétés, en particulier le métayage. Le bon fonctionnement du marché de la terre est crucial pour le développement global d’une économie. Si la terre est inéquitablement répartie et qu’un grand nombre d’individus ne peut y accéder, il est probable que ceux-ci vont quitter le secteur agricole à la recherche d’un moyen de subsistance moins précaire. Ceci peut les conduire à affluer massivement vers les villes, situation qui peut s’avérer rapidement intenable tant du point de vue politique, qu’économique et environnemental. Au-delà de l’acceptabilité politique d’une telle inégalité dans la répartition des terres agricoles, se pose la question plus étroite de son efficacité. Les marchés de facteurs sont supposés fournir les quantités d’inputs nécessaires à une production efficace. La terre est un input fondamental dans le monde rural. Est-ce que les marchés de la terre servent cette fonction, permettent-ils une production agricole efficace ? Comme nous l’avons vu, les transferts de droits de propriété de la terre sont rares alors que les transferts de droit d’usage via les marchés locatifs sont beaucoup plus actifs, pourquoi, est-ce efficace ? Ce chapitre tentera de répondre aux questions suivantes : 1. Une terre cultivée par un locataire sera-t-elle cultivée aussi efficacement qu’une terre cultivée par son propriétaire. En d’autres termes, les marchés locatifs qui permettent l’exploitation de la terre par des paysans sans terre permettent-ils de corriger l’inégale répartition des terres et de garantir un même niveau d’efficacité productive ? 2. Les différents contrats de tenure sont-ils efficaces du point de vue de la production agricole ? 3. Plus globalement, l’inégale distribution des terres est-elle source d’inefficacité ? Est-ce que les petites exploitations sont plus efficaces que les grandes ? 4. Si la réponse est oui, pourquoi n’assiste-t-on pas à des ventes de terres des riches vers les pauvres. Un marché libre étant supposé permettre d’assurer une efficacité maximale, de telles réallocations Pareto-améliorantes devraient avoir lieu ? Quel est alors le rôle de la réforme agraire ? Nous commencerons l’étude des marchés de la terre par une description des différents contrats de tenure. 5

2. CONTRATS DE LOCATION DE LA TERRE A partir du début des années 70, une vaste littérature s’est développée sur les rapports d’exploitation de la terre, en particulier sur l’efficacité du contrat de métayage. En effet, le métayage est une institution ancienne, qui a disparu dans les économies développées mais persiste dans la plupart des régions du monde les moins avancées, en particulier dans les pays d’Afrique sub-saharienne et en Asie. En Inde, près de 2/3 des terres exploitées le sont en métayage. Pourquoi ? Il existe une contradiction latente entre la théorie traditionnelle du métayage = la théorie marshallienne d’inefficience du métayage (Marshall, 1920) qui affirme que le métayage est inefficace du fait de l’effet désincitatif du partage de la récolte sur l’effort de travail du métayer et sa persistance empirique. Cette contradiction a conduit à des développements théoriques importants ces dernières décennies visant à reconstruire la théorie du métayage. La justification aujourd’hui privilégiée à l’existence du métayage est le partage du risque (Stiglitz, 1974). Même si les efforts récents pour reconstruire la théorie du métayage ne sont pas encore totalement convaincants, ils ont néanmoins conduit à remettre en cause la vision traditionnelle du métayage comme une institution ancienne et inefficace. Au contraire, le métayage servirait une véritable fonction économique. En termes normatifs, ceci a des conséquences importantes. En effet, si le métayage est inefficace, on est conduit à préconiser son démantèlement. Mais s’il sert une vraie fonction économique, comme le partage du risque, son démantèlement radical pourrait dégrader la situation de ceux dont on cherche à améliorer la situation. Très bonne revue de la littérature sur le métayage = article d’Otsuka et Hayami « Theories of Share Tenancy : a critical Survey », 1992. 2.1. Les différentes formes de contrats On suppose qu’un propriétaire veut louer sa terre à un exploitant potentiel. Deux types de contrat sont envisageables : ¾ La forme la plus simple de contrat de tenure est le contrat de fermage dans lequel le propriétaire exige de l’exploitant un loyer monétaire fixe (par an ou par saison), et en retour permet à l’exploitant de cultiver la terre et de conserver la totalité de sa récolte. ¾ Un second type de contrat est communément appelé métayage. Il apparaît sous différentes formes mais toutes correspondent à un partage de la production entre l’exploitant et le propriétaire, selon une part prédéfinie entre eux. Cette part varie entre les pays et entre les régions d’un même pays, mais la règle de partage la plus commune est 50-50. On peut définir simplement une large classe de contrats qui comprend comme cas particuliers, les contrats de fermage et de métayage, et également les contrats de salaire (cf. Stigiltz 1974). Si Y représente la production agricole, alors le revenu total du propriétaire, R, peut s’écrire de manière très générale : R=αY+F • •

Si α=0 et F>0, c’est un contrat de fermage de loyer fixe F. Si F=0 et 0