Benjamin Delessert un homme du Sucre et des Lumières

(information scientifique et technologique). Conception ...... culturelles, le progrès technologique qui influence .... crière de la France, le saut technologique initié.
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M a g a z i n e d e s p a r t e n a i r e s d u C e n t r e d ’ Ét u d e s e t d e D o c u m e n t a t i o n d u S u c re / n ° 3 6 - M a i 2 0 1 5

Benjamin Delessert

un homme du Sucre et des Lumières

SOCIÉTÉ

MÉTIERS DE BOUCHE

INTERVIEW

RUMEURS, SACCHAROPHOBIE… LES IDÉES FAUSSES ONT LA DENT DURE

CHAMPIONNAT DE FRANCE DU DESSERT LES MÉDIAS ET LES « PROS » EN PARLENT TOUTE L’ANNÉE

PIERRE MIRGALET CONFÉDÉRATION NATIONALE DES ARTISANS PÂTISSIERS

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LA MAGIE DES BONBONS. LES NINICHES DE QUIBERON

Créée en 1945 par un confiseur de Quiberon, Raymond Audebert, cette friandise en forme de cylindre piqué sur un bâtonnet est une ode à la Libération et à la joie de retrouver le sucre après les années de privation. Elle fut sacrée Meilleur bonbon de France en 1946 et est aujourd’hui inscrite au patrimoine culinaire. Elle se décline en une cinquantaine de parfums regroupés en deux familles : fruits et caramels.

SOMMAIRE

ÉDITORIAL

GRAIN DE SUCRE N°36 -MAI 2015

03 SOCIÉTÉ

Rumeurs, saccharophobie… Les idées fausses ont la dent dure

07 MÉTIERS DE BOUCHE

Championnat de France du dessert Les médias et les « pros » en parlent toute l’année

Le décalage entre les arguments dénigrants et les réalités – statistiques, scientifiques, sanitaires – est particulièrement marqué lorsqu’il s’agit du sucre. Ce phénomène plonge ses racines dans le 16e siècle, lorsque les débats scientifico-théologiques de l’époque ont introduit la notion de « saccharophobie » et elle resurgit périodiquement sur des bases aussi irrationnelles que par le passé. Le présent numéro de Grain de sucre y consacre d’ailleurs un article approfondi.

10 DÉCOUVERTE

Les sucres dans l’alimentation… On ne vous cache rien, on vous dit tout

12 INTERVIEW

Pierre Mirgalet Président de la Confédération nationale des artisans pâtissiers

14 CONSOMMATION

50 ans de vie à table Du « manger plus » au « manger mieux »

16 MAGAZINE

Benjamin Delessert, homme du sucre et des Lumières

ET AUSSI : SUCRE EXPRESS (P.2) - SANTÉ EXPRESS (P.15) TENDANCES (P.20) - BLOC-NOTES (P.21)

Le CEDUS (Centre d’Etudes et de Documentation du Sucre) est l’un des tout premiers organismes interprofessionnels à avoir été créé pour assurer l’information et la documentation sur un produit essentiel du secteur agroalimentaire français : le sucre.

CEDUS, CENTRE D’ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION DU SUCRE ISSN : 1632-1278 Directeur de la publication : Bertrand du Cray Responsable de rubrique : Philippe Reiser (information scientifique et technologique) Conception éditoriale et rédaction : Christophe Tronchet Communication Ecrite (02 54 72 79 80) Conception graphique : Novima (06 71 27 11 13)

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Livres, émissions TV, documentaires… Régulièrement apparaissent des tirs croisés contre le sucre, mais aussi contre d’autres aliments, voire contre l’alimentation en général. Ces critiques sont le plus souvent inspirées d’alertes venues d’outre-Atlantique et les détracteurs feignent d’ignorer qu’en France notre modèle alimentaire est le produit s i n g u l i e r d e n o t re h i s t o i re , d e n o t re agriculture et de notre industrie alimentaire. Un modèle qui fait référence et sur lequel les Français ne sont pas prêts à transiger !

Cedus 23, avenue d’Iéna 75116 Paris Tél. : 01 44 05 39 99 E-mail : [email protected] Internet : www.lesucre.com

Crédits photos : Banque Hottinguer : p. 18 - D. Lefranc : p. 6, 20 - Foire de Châlons : p. 9 - FOTOLIA / Africa Studio, Picmon : p. 10 / Brad Pict, Guitou60, G. Lobo, Kalim, M. Kucova, Mitrs3 : p. 11 / A. Raths : p. 15 - G. Martens : p. 7 Imagerie d’Epinal : p. 17 - J. Bouvier : p. 1, 2, 8, 9 - J.M. Renaudin : 2e de couv. M. Gonzales/LAIF/rea : p. 6 - Rocco : p. 1, 3, 4, 5 - Salon du Chocolat / T. Raffoux : p. 7, 8, 9 - S. Pelly : p. 10 - Tereos : p. 19 - T. Ledoux : p. 1, 12, 13.

En cette période où les peurs alimentaires sont devenus des sujets particulièrement vendeurs pour les médias, les attaques contre le sucre se font plus intenses et plus fréquentes. Les acteurs de la filière betteravecanne-sucre, et en premier lieu ses représentants, y sont plus que jamais attentifs et réactifs. Pour autant, la situation exige d’agir avec discernement et sang froid face à des anathèmes ne reposant souvent que sur l’émotion et la rumeur. La tentation de suralimenter un contexte médiatique fébrile peut, en effet, avoir des impacts contreproductifs.

Aussi, le Cedus réaffirme sa volonté de faire entendre la voix de l’interprofession à travers une information équilibrée et documentée, audible et vérifiable, en s’appuyant notamment sur des données scientifiquement établies. Cette constance dans l’action a permis de faire reconnaître l’expertise du Cedus et de légitimer la contribution de notre filière aux débats publics, face à des interprétations souvent non fondées ou des raccourcis erronés.

DOCUMENT DESTINÉ AUX PROFESSIONNELS Gds Imprimeurs - Limoges 10-31-1581 Certifié PEFC pefc-france.org

Bruno Hot Président du Cedus

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Sucrexpress SUCRÉ

Nobles nomades.

Échoppes ambulantes de restauration rapide, les food trucks sont de plus en plus nombreux à sillonner les grandes villes. S’emparant du concept au profit de la lutte contre le gaspillage, sept élèves en BTS hôtellerie-restauration de l’école Ferrandi (Paris) ont créé un food truck proposant des mets gastronomiques réalisés avec les invendus de la grande distribution. Fruits et légumes cabossés, produits proche de la date de péremption : les jeunes chefs d’Auparager* transforment et anoblissent les aliments délaissés en un délicieux repas à petit prix, accompagné d’un jus de fruit et conclu d’un splendide dessert. En effet, la touche sucrée y est particulièrement mise en valeur à travers de savoureuses créations, à l’image de cette Crème fouettée fruits de la passion, miettes de meringue, chips d’ananas et copeaux de zeste de citron.

ÉVÉNEMENT

ÉDITION

90 questions pour comprendre le sucre

Pourquoi le goût pour le sucré est inné ? Pourquoi le sucre est présent dans nos cuisines comme dans de nombreux aliments ? L’addiction au sucre existe-t-elle ? Comment se forme un cristal de sucre ou une barbe à papa ? Pour répondre à ces questions – et à de nombreuses autres – les éditions pédagogiques Quae ont fait appel au directeur des Affaires scientifiques du Cedus, Philippe Reiser. La collaboration a débouché sur un ouvrage offrant un regard complet sur les réalités techniques, historiques, scientifiques et alimentaires du sucre. Une source de connaissances reposant sur les données scientifiques récentes et ainsi accessibles aux non spécialistes. En vente sur le site des éditions Quae et sur les principales librairies en ligne.

LA PETITE PHRASE

ÉCHO ÉCO

« Le championnat de France du dessert fait rayonner la gastronomie française autour du monde. »

L’édition 2015 du Mémo statistique est désormais disponible. Ce document de référence élaboré par le Cedus prend en compte l’ensemble de la filière, de ses coproduits et débouchés, en France, en Europe et dans le monde. Basé sur la collecte et la vérification de données multisourcées, il répond aux besoins d’information des acteurs de la filière sucre et de l’industrie agroalimentaire, mais aussi de journalistes, experts, pouvoirs publics, administrations. La version numérique propose des fonctions interactives utiles : navigation rapide, graphiques animés, comparaison dynamique de données sur plusieurs décennies…

* En ancien Français, « Auparager » signifie anoblir.

SALÉ

Faux semblants.

Annoncée depuis des décennies par les auteurs de science-fiction, la pilule qui remplace le repas a été mise au point par une équipe de chercheurs américains. Sa molécule, la fexaramine, induirait en erreur l’estomac : en mimant l’action des acides biliaires, elle envoie à l’organisme les mêmes signaux qu’après un repas… sans repas. Mais pour l’heure, les essais n’ont été réalisés que sur des souris pendant cinq semaines, ce qui engage à la prudence quant à l’application à l’homme. Reste que « tromper » ainsi l’organisme accroît les risques de dérèglement du comportement alimentaire. Sans parler de renoncement au plaisir sensoriel.

LE CHIFFRE

Thierry Marx, le 18 mars 2015, à l’école hôtelière internationale Savoie-Léman de Thonon-les-Bains, lors de la remise des prix du 41e Championnat de France du dessert, organisé par le Cedus.

C’est le nombre de morceaux de sucre blanc et roux qui ont été utilisés pour composer ce flash code géant, exposé sur le stand du Sucre lors du dernier Salon international de l’agriculture. Cette animation inédite a été flashée des milliers de fois par les visiteurs, ce qui leur a permis de visionner un dessin animé expliquant la transformation de la betterave en sucre.

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Salon international de l’agriculture 2015. Bruno Hot, président du Cedus, accueille le président de la République, François Hollande, sur le stand du Sucre, en présence d’Éric Lainé, président de la CGB, Alain Jeanroy, directeur général de la CGB, et Bertrand du Cray, directeur général délégué du Cedus. À l’occasion de cette rencontre, les questions d’actualité concernant la filière sucre ont été abordées.

Des statistiques actualisées et interactives

Sur les sites Internet du Sucre (lesucre.com, sucre-info.com) et sur demande auprès du Cedus (service Diffusion : 01 44 05 39 99, [email protected])

GRAIN DE SUCRE n°36

SOCIÉTÉ

RUMEURS, SACCHAROPHOBIE : LES IDÉES FAUSSES ONT LA DENT DURE En dehors des grands interdits alimentaires liés aux pratiques religieuses, peu d’aliments font autant l’objet d’anathèmes que le sucre. Cette tendance qui apparaît au 17e siècle refait régulièrement surface, offrant un éclairage révélateur sur les époques et les sociétés qui la réactivent. Aujourd'hui encore, la saccharophobie s’exprime à travers des attaques fondées sur des peurs irrationnelles ou sur des idées scientifiquement erronées. Une telle focalisation ne pouvait manquer d’attirer l’attention des chercheurs, tout particulièrement celle des sociologues.

Depuis l’Antiquité, le sucre est investi de propriétés médicinales, culinaires et sensorielles qui en font une épice précieuse, réservée aux classes sociales les plus favorisées. Simultanément à la démocratisation progressive du sucre, le 17 e siècle voit émerger un courant de suspicion mêlant considérations morales et religieuses.

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SOCIÉTÉ

A

La grande complexité des mécanismes physiologiques dans lesquels interviennent les glucides font des réalités scientifiques du sucre un domaine difficile à appréhender pour les non initiés. Cette situation offre un terreau propice aux développement de rumeurs et idées fausses.

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u Moyen Âge, le sucre est une épice précieuse, utilisée pour des fonctions culinaires et médicinales qui lui valent d’être associé au plaisir autant qu’à la bonne santé de l'Homme. Le sucre est parfois prescrit par les médecins qui le classent, selon la doctrine antique des humeurs, comme un aliment « humide » et lui reconnaissent des qualités apaisantes, « profitables à l'estomac et aux poumons »1. Le 17e siècle marque un véritable tournant, au moment même où un voile de pudeur s’abat sur les représentations associées au plaisir et à la sexualité. Si le sucre reste loué pour ses « vertus de santé » et si son usage se démocratise progressivement, un nouveau courant de défiance se développe. Deux tendances s’opposent : « la première renvoie à un discours de l'excès : même si le sucre est fondamentalement bon, à trop en manger, on risque des ennuis de santé. La seconde est véritablement "saccharophobe" et "essentialiste" : elle considère que le sucre est intrinsèquement nuisible par nature », explique le sociologue et spécialiste de l’alimentation, Claude Fischler2.

Une alchimie de croyances En France, c'est surtout la consommation abusive de sucre qui est alors montrée du doigt. Mais dans le monde anglo-saxon et principalement protestant, c'est l'essence même de la substance qui est mise en cause, comme en témoigne cette déclaration violemment saccha-

rophobe émise au milieu du 17e siècle par Garencières médecin français converti au protestantisme et émigré en Angleterre : « le sucre n'est pas une nourriture mais un mal, pas un conservateur mais un destructeur. » Dans son sillage, un certain Duchesne soupçonne le sucre de cacher « sous sa blancheur une noirceur maléfique et sous sa douceur une acrimonie » qui lui donneraient ni plus ni moins que le pouvoir de « dissoudre l’or » ! À partir de là, le débat sur le sucre se cristallise autour de questions théologiques et médicales. « Les positions pour et contre le sucre coïncident non seulement avec les écoles scientifiques mais aussi avec les appartenances religieuses », confirme Claude Fischler. La disponibilité accrue du sucre, qui devient un aliment plus qu'une médecine, ne fait qu'amplifier les polémiques morales et sanitaires autour de la légitimité d'une telle source de plaisir. Puis, au 19e siècle, les travaux de physiologistes tels que Claude Bernard redistribuent les cartes : le sucre est vu par les scientifiques comme un aliment énergétique aux propriétés nutritives essentielles. Cette revalorisation médicale ne freine pas pour autant les attaques. Comme le souligne l’historienne Julia Csergo, plus l’usage de sucre se développe au début du 20e siècle, et plus le discours antisucre se fait entendre, reposant « sur la condamnation de la civilisation industrielle. » Ainsi, en 1923, le médecin français Paul Carton accuse le sucre d’être, avec l’alcool et les viandes, un aliment « meurtrier » qui provoque « l’empoisonnement de la pensée contemporaine », avec son cortège de « productions littéraires amorales, romans délirants, musiques contorsionnées, peintures i n h a r m on i e u s e s . . . » L a médecine emprunte au vocabulaire moral pour jeter l’anathème sur des aliments. Loin d'avoir disparu, les attaques réapparaissent dans les années 1970/80, sans doute en association avec la progression des maladies dites « de civilisation » (obésité, maladies cardiovasculaires…). Ces attaques restent ponctuelles jusque dans les années 2000 où des médecins et des leaders d’opinion anglosaxons comme le Dr Robert Lustig et le journaliste Gary Taubes se lancent dans une véritable croisade contre le sucre. Tout récemment, le Dr Lustig utilisait les colonnes de l’influente revue scientifique Nature3 pour promouvoir ses diatribes antisucre dans une tribune ciblant le fructose comme une toxine, un poison pire que le tabac ou la cocaïne !

GRAIN DE SUCRE n°36

Une cacophonie d’expertises Vieille de plus de quatre siècles, la saccharophobie et le cortège d'idées fausses qui l'accompagne restent d'autant plus vivace que ses zélateurs se démultiplient. Au sein de la communauté scientifique, les experts qui prônent de « ne pas diaboliser le sucre » s'opposent à ceux qui comparent le sucre à une drogue « prédisposant à la toxicomanie », le rendent seul responsable des caries, du surpoids et de l'obésité, des maladies cardio-vasculaires, du diabète, de cancers et, pourquoi pas, de l'hyperactivité chez les enfants... Certains le présentent comme un nutriment « inutile » voire « néfaste » dans l’alimentation. Les médecins, avec leurs patients, abordent fréquemment la question du sucre sous un angle moralisateur plutôt que pédagogique. Cette cacophonie offre un terreau propice au développement des idées reçues, des « théories de la conspiration » et des alertes dont les médias aiment à se faire les relais. Ainsi, quand les épisodes de crises sanitaires s’éteignent, le « sujet alimentation » refait rapidement surface autour de controverses sur le sel, le gras, le vrai/faux bio ou les OGM… Or, les médecins nutritionnistes aujourd’hui sont d’accord pour considérer qu’il n’existe pas d’aliment idéal ni d’ailleurs d’aliment « grossissant ». Chaque aliment a sa place, et la question délicate n’est pas de savoir lequel est à supprimer mais plutôt de déterminer ce que signifie « manger trop ». La compétition exacerbée entre les chercheurs et la « course aux annonces » facilitent l'émergence de discours dissidents généralement alarmistes. « Dans ces conditions, la fiabilité des données scientifiques et plus encore leurs interprétations sont sujettes à discussion, et les attributions causales sont de plus en plus complexes et incertaines », souligne le sociologue Jocelyn Raude4. La question de savoir si seul l'excès de calories est coupable ou si les glucides ont une responsabilité spécifique reste scientifiquement ouverte. Cependant, la manière dont les medias la relaie ajoute à la confusion : à trop vouloir vulgariser des données complexes, l’effort de simplification engendre des raccourcis qui eux-mêmes peuvent alimenter soupçons, défiance et amalgames. Ainsi, paradoxalement, plus la science avance, plus l'état sanitaire s'améliore, plus la prévention et les connaissances nutritionnelles augmentent… plus les inquiétudes irrationnelles ou infondées progressent ! Les sciences sociales se penchent aujourd’hui sur le phénomène, mettant en lumière des données inédites sur la manière dont les consommateurs perçoivent les messages et

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traduisent cette perception en comportements. Comme l’explique le sociologue Denis Muzet à propos des émissions d’alertes et d’investigations qui fleurissent aujourd’hui à la télévision, « l'information, seulement grignotée, ne sert pas à comprendre mais à alerter sur les risques du monde. Et, il n'est pas nécessaire qu'une chose soit vraie pour être crue, il suffit qu'elle soit vraisemblable. » D'autres travaux, conduits sur une approche qualitative et multicritère (normes sociales, confiance en soi, éthique personnelle, croyances...) expliquent comment ce qui semble irrationnel résulte en fait de l'agrégation de comportements individuels parfaitement rationnels.

Au cœur des incertitudes sociales À travers ses travaux sur les peurs alimentaires, Jocelyn Raude montre que l’information scientifique, une fois diffusée, peut être filtrée de manière totalement différente par le public : certaines personnes l'incorporent intégralement, d’autres accueillent la partie de l'information compatible avec leur système de valeur, quitte à lui faire subir des modifications si nécessaire, d’autres, enfin, la rejettent en bloc. Autrement dit, il semble que, quelles que soient la véracité ou l’absence de fondement des arguments, « les consommateurs perçoivent et réagissent de manière compatible avec le maintien ou le renforcement de leurs habitudes et de leurs croyances antérieures », constate le sociologue. Enfin, l’analyse des données sur les croyances, les attitudes et les comportements lors de crises alimentaires, apporte des réponses à deux questions clés. D’une part, si les

Les controverses sur le sucre et les produits sucrés exercent incontestablement une pression sur l’imaginaire et les comportements alimentaires des consommateurs. Ainsi, les représentations restent, au niveau individuel, imprégnées des valeurs morales de chacun, notamment sur les questions de plaisir et de culpabilité.

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SOCIÉTÉ consommateurs sont aussi sensibles aux mauvaises nouvelles, c’est avant tout parce qu’ils « surestiment le risque perçu par rapport au risque réel. » D’autre part, pourquoi le sentiment de peur augmente-t-il dans un monde de moins en moins dangereux ? « Parce que le monde est de plus en plus incertain, or c'est l'incertitude plus que le risque qui dérange », avance Jocelyn Raude. Bien qu’ils soient des produits recommandés par les autorités de santé, le lait et les produits lactés font, à leur tour, l’objet d’attaques soutenues, parfois caricaturales conduisant certains parents à s’interroger, voire à en priver leurs enfants. Cet exemple montre que l’alimentation peut être un réservoir de phobies aussi inépuisables que coriaces, comme l’illustre l’histoire de la saccharophobie. Or, cette diabolisation peut avoir des conséquences sanitaires aussi néfastes que la consommation en excès des aliments visés. C’est pourquoi il est important que tous les acteurs et disciplines concernés par ces questions se mobilisent pour inverser la tendance en communiquant de façon responsable.

Les acteurs de la filière betterave-canne-sucre y prennent pleinement leur part, en toute transparence, notamment en soutenant la recherche scientifique et la diffusion des connaissances à travers l’Institut Benjamin Delessert. Reste qu’au-delà des initiatives concrètes, il faudra que la société entreprenne une réflexion profonde sur ses peurs, ses mythes et ses représentations. Il est clair que la représentation que nous avons du sucre est imprégnée de notre jugement moral du plaisir. Et, au-delà, de notre rapport au progrès et à l’évolution de la science. 1. Texte anonyme de 1607

2. « Les images changeantes du sucre : saccharophilie et saccharophobie », 1988, « Le labyrinthe des discours », in Le mangeur. Menus, mots et maux, éd. Ocha-Autrement, Paris 1993.

3. Robert Lustig, Laura Schmidt et Claire Brindis, « La toxique vérité sur le sucre, Nature, 2012 4. Chercheur à l’EHESS, Jocelyn Raude a notamment reçu en 2006 le Prix Trémolières décerné par le Comité scientifique de l’Institut Benjamin Delessert.

Imaginaire ou réalité ?

Selon les époques, les croyances et les sociétés, le sucre a toujours inspiré des représentations aussi variées que contradictoires souvent déconnectées des réalités scientifiques.

• Au Moyen Âge et à la Renaissance, il est reconnu pour ses vertus diurétiques, digestives, aphrodisiaques, anti-inflammatoires... En Inde, la médecine ayurvédique lui accorde des vertus anti-infectieuses ORL. Au Maghreb, on l’associe au beurre pour préparer des pommades contre les brûlures.

• Au plan symbolique, le sucre est souvent associé à la douceur et à l’amour. Au Sahel, le thé non sucré est amer « comme la mort » ; légèrement sucré il est doux « comme la vie » ; fortement sucré, il est bon « comme l’amour ». • Au Mexique ou en Sicile, il sert à conjurer la mort, mais il s’associe au renouveau pour les Chrétiens à Pâques, pour les Musulmans lors de l’Hégire.

Bali : offrande de mariage en sucre polychrome.

• La blancheur du sucre pose, en elle-même, question : dans les temps anciens, plus le sucre était blanc, plus on le considérait comme pur et sain… sauf pour les moralistes rigoristes qui y voyaient une manœuvre diabolique. Dans les années 1970, la déferlante des poudres stupéfiantes rend la blancheur du sucre suspecte. Dans les années 1990, l’engouement occidental pour les produits « d’origine » instaure une distinction imaginaire entre sucre roux (perçu comme exotique et artisanal) et sucre blanc (perçu comme industriel), alors qu’ils ont les mêmes propriétés nutritionnelles.

Mexique : sculptures en sucre dédiées à la fête des morts.

• Au début des années 2000, les consommateurs plébiscitent les produits dits « allégés » où le sucre est remplacé par des substituts de synthèse. Puis, avec les années 2010, le retour en grâce des produits authentiques, issus de la nature et porteurs de plaisir bénéficie au sucre auquel les Français confirment massivement (80 %) leur attachement affectif*. * Voir Grain de sucre n° 33

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GRAIN DE SUCRE n°36

MÉTIERS DE BOUCHE

CHAMPIONNAT DE FRANCE DU DESSERT

LES MÉDIAS ET LES « PROS » EN PARLENT TOUTE L’ANNÉE Si la plupart des événements fixent l’attention à des moments ponctuels, le Championnat de France du dessert est une institution qui vit et s’expose en de multiples occasions, tout au long de l’année.

Jérémy Del Val, Champion de France du dessert 2014, anime l’une des démonstrations les plus attendues du dernier Salon du chocolat de Paris.

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aris, Salon du chocolat, le 29 octobre 2014. Le public se presse en nombre dans l’espace « Cacao show » pour assister à la démonstration du chef pâtissier Jérémy Del Val1. Si l’ambiance est très recueillie, c’est tout d’abord parce que la discipline abordée demande une attention particulière puisqu’on dévoile ici la manière de confectionner un « Crémeux chocolat 66 %, éclats de cacahuètes caramélisées, nuage québécois chocolaté ». De plus, l’orateur jouit d’un certain prestige car il s’honore du titre de Champion de France du dessert !

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Aux rendez-vous de la scène événementielle Signe visible de cette marque d’excellence, le col de sa veste de travail arbore le logo tricolore du Championnat de France du dessert et, sur la poitrine, une broderie d’or rappelle que le titre s’associe à un trophée fort convoité : le « Sucre d’or ». Ainsi que l’explique Bertrand du Cray, directeur général délégué du Cedus, « nous avons créé, depuis 2011, le col de Champion de France du dessert ainsi que les broderies Or, Argent et Bronze qui suivent le podium, afin de 7

répondre à la demande des lauréats qui souhaitaient donner plus de visibilité à cette distinction, notamment dans les contextes de représentation où ils sont de plus en plus conviés : interviews, émissions TV, compétitions professionnelles, démonstrations publiques, salons gastronomiques et autres événements… » Il est vrai qu’en France, le calendrier des événements gourmands est suffisamment dense pour favoriser tout au long de l’année l’exposition du Championnat de France du dessert à travers ses héros. C’est naturellement le cas dans les manifestations où le Sucre est présent, comme la Foire internationale et gastronomique de Dijon ou encore les Gastronomades d’Angoulême, mais aussi dans d’autres contextes prestigieux. « Nous sommes régulièrement sollicités par des organisateurs d’événements qui souhaitent inviter des lauréats du Championnat de France du dessert pour animer des démonstrations, participer à des débats

La calendrier des manifestations gourmandes offre, en France, (1, 3, 4), des Gastronomades d’Angoulême ou encore de la Foire médias, comme ce fut le cas pour l’édition 2015, placée sous la

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La finale du 41e Championnat de France du dessert s’est déroulée les 17 et 18 mars 2015 à l’École hôtelière internationale Savoie-Léman de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie). Les jurys présidés par Thierry Marx, chef doublement étoilé, réunissaient une douzaine de chefs « Meilleurs ouvriers de France » (MOF), l’une des plus prestigieuses distinctions de l’artisanat français.

Les Champions de France du dessert 2015 • Dans la catégorie « Juniors » : Baptiste Vial du Lycée Hôtelier de Guyancourt (Yvelines) avec sa recette « Fraîcheur de Pondichéry » ���. • Dans la catégorie « professionnels » : Nicolas Brie de la Pâtisserie Xavier Brignon à Besançon (Doubs) avec sa recette « Soleil levant » ���.

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ou à des jurys, confirme Jean-Patrick Blin, directeur de l’agence AB3C qui assiste le Cedus dans l’organisation du Championnat. Le Salon du chocolat en offre un bon exemple, de même que les Étoiles de Mougins (Alpes Maritimes), dont l’édition 2014 a accueilli pas moins de huit lauréats sur trois jours. » L’attraction s’exerce également dans l’univers de la restauration collective où le concours professionnel de référence, le Gargantua2, compte systématiquement un lauréat dans son jury. « Si l’on ajoute les manifestations où les champions gèrent eux-mêmes leur participation avec les organisateurs, toutes ces dates représentent une exposition publique impressionnante », précise Jean-Patrick Blin. Et les occasions ne s’arrêtent pas là. Les sorties de livres de recettes signés de Champions de France du dessert y contribuent également, sans parler de la télévision.

Au cœur des médias et des réseaux Grâce à des émissions comme Top Chef (M6) ou Qui sera le prochain grand pâtissier (France 2), des millions de téléspectateurs tenus en haleine sur plusieurs semaines ont plébiscité les talents de Noémie Honiat, Audrey Gellet et Ophélie Barès qui revendiquent fièrement leurs titres respectifs de Championne, de vice-Championne et de finaliste régionale. De plus, l’un GRAIN DE SUCRE n°36

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de nombreuses occasions de placer le Championnat de France du dessert et ses lauréats sous les feux de la rampe, à l’image du Salon du chocolat de Châlons-en-Champagne (2). Point d’orgue de cette dynamique d’exposition publique, la finale du Championnat est un événement très suivi par les présidence de Thierry Marx (5).

des finalistes du Championnat 2014 fait partie des concurrents de la prochaine saison de l’émission de France 2. Le Championnat est également une marque qui les accompagne dans les actes de communication les plus quotidiens. Sur leur veste de travail, lorsqu’ils viennent saluer les convives ou clients, dans le cadre de leurs relations publiques, sur les cartes de visites, les outils commerciaux, sites Internet… Jusque sur les

Témoignant de la reconnaissance par le monde de la pâtisserie du rôle de la filière Sucre dans cette compétition de haut niveau, les professionnels ont pris l’habitude de désigner entre eux le Championnat de France du dessert par l’expression « Concours Cedus »…

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menus où il n’est pas rare que figure en bonne place le dessert qui les a distingués. Si les chefs pâtissiers sont connus pour être des femmes et des hommes de challenges, ce sont aussi des gens de réseaux, qu’ils vouent à une commune passion : celle du métier et de la grande pâtisserie française. « Les lauréats jouent un rôle important pour encourager leurs confrères ou les jeunes en formation à se présenter aux finales régionales, allant parfois jusqu’à les coacher dans leur préparation », note JeanPatrick Blin. Le réseau des Ambassadeurs du Championnat du dessert, créé en 2013, contribue également à entretenir la flamme du concours auprès des professionnels en incitant les grandes tables à y inscrire leurs jeunes chefs pâtissiers… Enfin, sur Internet, la page Facebook du Championnat est devenue en quelques années et sous l’impulsion de ses 8 500 fans le portail de référence pour le recrutement de pâtissiers de restaurant en France et à l’international. Chaque jour, les connections qu’elle enregistre participent, elles aussi, au mouvement perpétuel qui s’est aujourd’hui instauré autour de cette compétition créée en 1974 par le Cedus.

Sur le plateau de l’émission Sept à huit (TF1). Harry Roselmack présente un reportage sur le Championnat de France du dessert.

1. Champion de France du dessert catégorie « Professionnels » en 2014, Jérémy Del Val est Chef exécutif pâtisserie de la maison Dalloyau, à Paris. 2. Concours dédié aux cuisiniers de collectivités, le Gargantua est organisé tous les deux ans par Restau’Co (ex CCC) dans le cadre du Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation. Le Cedus est partenaire officiel de cette compétition.

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DÉCOUVERTE

Les sucres dans l’alime

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Les sucres sont tous issus de la nature. À l’exception du lactose, d’origine animale, ils se forment dans les végétaux sous l’action de la photosynthèse chlorophyllienne. Le sucre est extrait des plantes sucrières sans modification, par des procédés mécaniques.

Les sucres liquides sont obtenus par hydrolyse du saccharose ou de l’amidon. Leurs propriétés de base sont identiques à celles du sucre, mais ils ont un pouvoir sucrant supérieur et leur forme liquide a un impact sur la texture des produits.

finit éenne 2001/11/CE dé re, la directive europ le : res tai en Au plan réglementai alim ients torisés comme ingréd re) ainsi suc (ou la liste des sucres au e ros cha sac , le fructose, le glucose (ou dextrose) glucose, de fructosecomme les sirops de s ide liqu res suc s de que et le sucre inverti. glucose (isoglucose) ns s).

Les sucres présents dans l’alimentation des produits se répartissent en deux catégories : • Les sucres naturellement présents dans de nombreux aliments de base : fruits, légumes, lait, miel… • Les sucres ajoutés aux aliments, sous forme solide ou liquide, par le fabricant, le cuisinier ou le consommateur.

La notion de « sucres libres », telle que définie par l’OMS, regroupe les sucres ajoutés et les sucres naturellement présents dans certains produits sucrants : miel, sirops de sucres, jus et concentrés de fruits...

Le sucre et les sucres dans les fruits et légumes glucose fructose saccharose

tomates petits pois maïs carottes pêches oranges melon d’eau poires pommes

Les fruits et légumes ne contiennent pas que du fructose. Ils renferment aussi du saccharose et du glucose, le tout en quantités variables. Par exemple, les bananes, les petits pois et les pêches contiennent surtout du saccharose, tandis que les poires et les tomates seront plus riches en fructose et en glucose...

mangues bananes

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(en grammes pour cent gramme)

GRAIN DE SUCRE n°36

entation…

dit tout !

Contrairement aux idées fausses qui alimentent les rumeurs et la défiance vis-à-vis du sucre, notre alimentation ne contient pas de « sucres cachés ». Qu’ils soient naturellement présents ou ajoutés aux aliments, les sucres et les quantités sont indiqués sur les emballages ou encadrés par des réglementations spécifiques.

nt-ils l o s i o u q r Pou

à?

s aussi ents pour leur saveur sucrée mai Les sucres sont ajoutés aux alim ration à colo ure, text s, ôme (support d’ar pour leurs propriétés techniques ou qui ttes rece aux es sabl spen indi la cuisson, conservation), souvent ions alimentaires compliquées. évitent de recourir à des formulat es sées dans des produits salés : sauc Ces propriétés sont parfois utili es dos les Si és… ertis app ries, légumes tomate, soupes, pizzas, charcute eries, rcut (cha uits prod ains cert r pou d’utilisation sont réglementées pour le réduites (de 0,1 % à 4 %) – sauf légumes), elles sont toujours très lé. é-sa sucr ent dim con un me com ketchup (20 %) qui est considéré

chés Sont-ils ca

?

Conformément aux réglementations en vigueur :  Les teneurs en sucres (quantités et pourcentages) sont indiquées dans les déclarations nutritionnelles figurant sur les emballages des produits,  Les sucres naturellement présents dans les ingrédients (fruits, lait, miel…) sont inclus et comptabilisés dans les déclarations nutritionnelles.  Les sucres ajoutés sont explicitement nommés dans la liste des ingrédients.

Ces contraintes s’appliquent aussi bien aux produits sucrés qu’aux produits salés, autrement dit à l’ensemble des produits issus de l’industrie agroalimentaire s Les sucre ne cu u a n ne sont e ulés aux sim façon dis ateurs. consomm

OuI OuI OuI N ON

MAI 2015

AFFI R MAT I F !

Les produits sucrés, comme les gaufres, les gâteaux, les glaces, le chocolat ou les bonbons contiennent du sucre… Les desserts sont une composante du repas des Français, pilier du modèle alimentaire reconnu par l’Unesco.

Les aliments sucrés font partie des plaisirs qui agrémentent la vie, favorisent les échanges, rassemblent les familles et les communautés… Ces réalités n’échappent pas à la sagacité des consommateurs qui, de génération en génération, saupoudrent les fraises, réalisent des pâtisseries maison et maîtrisent l’utilisation du sucre avec bon sens.

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INTERVIEW

UN ENTRETIEN AVEC

Pierre Mirgalet Président de la Confédération nationale des artisans pâtissiers Chocolatier de formation, artisan pâtissier-glacier-chocolatier à Gujan-Mestras (Gironde), Pierre Mirgalet a été élu, en juin 2014, à la tête de la Confédération nationale des artisans pâtissiers, chocolatiers, glaciers, confiseurs, traiteurs. Pour Grain de sucre, il revient sur les enjeux du secteur et sur les objectifs d’un mandat volontariste, placé sous le signe du rassemblement des professionnels, de la préservation des savoir-faire et de la reconnaissance du sucré.

GRAIN DE SuCRE. Quelles orientations avez vous choisi de donner à votre action au sein de la Confédération ?

Pierre Mirgalet. J’ai été élu sur une vision partagée par beaucoup de monde au sein de la profession. J’espère être celui qui réussira à la mettre en œuvre ! Il existe, en effet, trois confédérations du sucré : la confédération des chocolatiers1, la confédération des glaciers2 et la confédération des pâtissiers, chocolatiers, confiseurs, glaciers et traiteurs. L’idée est de rassembler ces trois organisations afin de constituer une véritable filière des métiers du sucré qui soit plus forte, plus visible, mieux reconnue et plus efficace pour défendre nos valeurs et nos intérêts. De toute évidence, nous avons beaucoup plus de points communs que de différences et, pour la plupart d’entre nous, nous exerçons dans nos entreprises les métiers de pâtissier, de chocolatier et de glacier. La segmentation de ces métiers et les querelles d’ego n’ont plus de raison d’être en 2015. Par ailleurs, les Pouvoirs publics ont fait connaître leur volonté de réduire le nombre de branches professionnelles – qui représentent une multitude de conventions collectives – de 700 actuellement à 100 à l’horizon 2017. Nous sommes d’autant plus résolus à anticiper ce mouvement que le rapprochement s’inscrit dans une logique positive, tant pour les employeurs que pour les employés.

GDS. Au-delà de l’effet de taille, quels en sont les bénéfices attendus ?

PM. La dynamique doit s’étendre, en premier lieu, aux filières de formation. Nous avons aujourd’hui trois CAP : glacier, chocolatier, pâtissier. 90 % des jeunes veulent devenir pâtissier, parce que « ça passe à la télé » ! Les chiffres sont éloquents, avec cette année 25 apprentis glaciers et 200 chocolatiers pour 9 684 pâtissiers. C’est d’ailleurs le secteur alimentaire qui forme le plus d’apprentis, devant la boulangerie (8 000). Mais ce déséquilibre dans les effectifs fait peser une menace sur le maintien de nos savoir-faire en glacerie et chocolaterie artisanales. L’intégration de ces enseignements au sein d’une « filière sucrée » unique permettra d’assurer la transmission et la préservation de savoir-faire qui ont une dimension patrimoniale pour la France.

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GRAIN DE SUCRE n°36

GDS. Le rayonnement de ces métiers à l’international est-il toujours une réalité ?

PM. Plus que jamais. Voilà trois disciplines où notre pays est incontestablement leader mondial ! Nos savoir-faire s’expriment dans les compétitions internationales du sucré (où neuf fois sur dix les Français raflent les titres) et se valorisent à travers les opportunités de carrières internationales. Je voyage suffisamment dans le monde pour constater que lorsque vous êtes Français vous êtes généralement bien considéré, mais si vous êtes pâtissier, alors là, vous êtes un héros ! D’autres exemples ? Lorsqu’un touriste vient en France, il emporte toujours des souvenirs sucrés dans ces bagages. Au Japon, dans les revues gastronomiques, les noms des desserts sont toujours écrits en Français : ce sont les seuls caractères occidentaux de tout le journal ! Partout dans le monde une chantilly s’appelle « chantilly » et une pâte-à-chou « pâte-àchou ». Il n’est pas difficile de comprendre combien il est vital que les jeunes puissent accéder à ces savoir-faire pour pérenniser ce rayonnement.

GDS. Ce qui nous renvoie aux enjeux de la formation…

PM. Notre système de formation est tourné vers l’excellence mais il faut faire mieux. Par exemple, en étant plus vigilant dans la sélection des patrons, s’assurer qu’ils fabriquent b i e n euxm ê m e s l e u r s produits. On ne forme pas des jeunes pendant trois ou cinq ans pour qu’ils ouvrent des cartons et rangent des produits dans les vitrines. Les jeunes aujourd’hui en formation seront à notre place dans quinze ans, et il faut être conscient que la perte d’un savoir-faire est irréversible. La pâtisserie, chocolaterie, glacerie française n’est pas faite pour entrer au musée : elle doit demeurer un art vivant !

GDS. Les concours professionnels jouent-ils aussi un rôle ?

PM. L’esprit de compétition est profondément ancré dans la culture des artisans du sucré, et les concours ont une fonction d’étalonnage des niveaux qui contribue au maintien de l’excellence. Le Championnat de France du dessert est une compétition de haut niveau qui s’inscrit pleinement dans cette dynamique. D’un point de vue technique, il y a de moins en moins de différences entre pâtissier de restaurant et pâtissier de boutique. En 2015, trois chefs pâtissiers ont été reçus au concours des MOF (Meilleurs ouvriers de France, ndlr), dont un exerce en restaurant. C’est un signe du niveau d’excellence de la profession dans toutes ses dimensions. GDS. La médiatisation des pâtissiers est-elle un atout pour l’attractivité de la filière ?

PM. C’est un phénomène de mode dont on peut se réjouir, car il vaut mieux être sous les projecteurs que dans l’ombre. Mais chaque médaille a son revers. La télévision est un miroir aux alouettes qui ne colle pas aux réalités et exigences quotidiennes du métier. Le lendemain des émissions, chaque CFA reçoit cinquante coups de téléphone. Mais nous ne sommes pas une fédération sportive qui enregistre des MAI 2015

licences ! Nous aimerions que les médias attirent plus l’attention sur les efforts et le temps qu’il faut consacrer pour devenir un bon pâtissier.

GDS. Quels autres enjeux considérez-vous comme prioritaires ?

PM. Nous sommes confrontés à une concurrence accrue des produits industriels vendus en boutique. Cette pratique pénalise celui qui fabrique ses produits et constitue un défaut de transparence vis-à-vis du consommateur qui ignore d’où viennent les produits qu’ils achètent. C’est pourquoi nous demandons le soutien des Pouvoirs publics pour la création d’un label d’authentification des produits réalisés sur place. Ceci est un autre exemple des actions que nous conduisons en faveur de la reconnaissance de notre métier et de la défense de nos savoir-faire.

GDS. La pâtisserie maison reste-elle selon vous une valeur solide ?

PM. Je pense que dans les périodes de difficultés économiques

et sociales, les gens reviennent à des choses qui rassurent : le souvenir de leurs parents faisant des gâteaux en fait partie. Et pour se rassurer encore plus, on prend des cours de pâtisserie… La pâtisserie maison fait également l’unanimité car elle répond à de nombreuses aspirations : partage, convivialité, accessibilité, diversité des recettes, coût, utilisation du temps libre…

GDS. Que répondez-vous aux attaques récurrentes contre le sucre et les produits sucrés ?

PM. On ne peut passer son temps à embêter les consommateurs et les professionnels avec des discours culpabilisants et restrictifs. La pâtisserie a été inventée au 17e siècle dans le cadre de la création du repas structuré « à la française » où le sucré se mange à la fin. Ce rituel est aujourd’hui inscrit au patrimoine de l’Humanité. La place du sucré dans notre modèle alimentaire est incontestable. Ensuite, la matière première des pâtissiers, des chocolatiers, des glaciers et des confiseurs, c’est le sucre. Or, le sucre c’est de l’énergie... avec le plaisir en plus ! C’est une réalité humaine et reconnue. En dehors des consommations excessives qui représentent un problème spécifique, cet ingrédient a donc toute sa place. C’est pourquoi les professionnels doivent assumer avec fierté la dimension sucrée du produit. D’ailleurs, les consommateurs ne s’y trompent pas : toutes les études prouvent qu’ils sont profondément attachés au sucré et aux plaisirs qu’il apporte dans la vie. 1. Confédération des chocolatiers confiseurs de France 2. Confédération nationale des glaciers de France www.patisserie-artisanale.com

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CONSOMMATION

50 ANS DE VIE À TABLE

DU « MANGER PLUS » AU « MANGER MIEUX » Comment les besoins et les attentes des Français en matière d’alimentation ont-ils évolué au cours des dernières décennies ? C’est à cette question que répond une étude TNS-Sofres présentée lors du dernier Salon international de l’alimentation.

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n cinquante ans, les attentes et les besoins des consommateurs vis-àvis de l’alimentation ont radicalement changé. L’étude TNS-Sofres réalisée en 2014 retrace les grandes lignes d’une évolution qui, selon cette institution, résulte de nombreux facteurs d’influence : « l’équipement électroménager, qui s’est généralisé et sophistiqué, la démographie, associée à une espérance de vie considérablement allongée, les interactions géographiques, sociologiques et culturelles, le progrès technologique qui influence les modes de production et de conservation. Sans oublier l’offre de produits disponibles et les multiples innovations proposées en permanence par les marques et les distributeurs. »

En 1960, où le souvenir des privations de la guerre est encore vif, la demande est centrée sur le « manger plus ». Dix ans plus tard, la chasse au kilos entre en jeu et impose le « manger moins ». Les années 80, qui inaugurent l’ère du nomadisme et du temps compté, sont placées sous le signe du « manger plus vite et plus léger » où les attentes de praticité et de gain de temps cohabitent avec la quête de la 14

bonne forme physique. Dans les années 90, l’accent est mis sur le « manger juste » exprimant la recherche d’une alimentation équilibrée et saine, avec une prise de conscience croissante de l’impact de l’alimentation sur la santé. Puis, dans les années 2000, les attentes évoluent avec la réhabilitation du plaisir gustatif. On recherche des produits santé mais aussi des produits simples, de tradition et du terroir. De nos jours, les attentes se concentrent sur le « manger mieux » qui recouvre des attentes multiples : la quête du plaisir, l’importance du partage et de la convivialité, le désir de naturalité et d’authenticité, la sensibilité

environnementale et sociétale, le souci d’allier le bien-être fonctionnel au bien-être émotionnel. Des valeurs qui, comme le montre la dernière enquête OpinionWay-Collective du sucre*, sont pleinement en phase avec les perceptions des consommateurs d’aujourd’hui à l’égard du sucre et des produits sucrés. * Voir Grain de sucre n°33

GRAIN DE SUCRE n°36

Santé express

JABD 2015 un programme dense et fédérateur

La Journée Annuelle Benjamin Delessert (JABD) a rassemblé, le 30 janvier dernier, à Paris, près de 700 nutritionnistes, diététiciens et chercheurs autour de deux thèmes fédérateurs : les liens entre obésité et fertilité (« Obésité et reproduction »), l’avancée des connaissances sur les différents diabètes (« Diabètes et nutrition : quoi de neuf ? »). Le plateau de spécialistes et chercheurs réuni par le Comité scientifique de l’Institut Benjamin Delessert a délivré des interventions de haut niveau, proposant un état des lieux très attendu sur des problématiques à la pointe des recherches actuelles en nutrition. Conformément aux statuts de cette réunion d’information scientifique soutenue par l’interprofession sucrière et considérée par la communauté scientifique comme un rendez-vous de référence, le prix Benjamin Delessert a été décerné, cette année, au docteur Sylvie Issanchou, directrice de recherche à l’Inra de Dijon, pour son travail sur l’apprentissage et la formation des préférences alimentaires, notamment chez l’enfant.

Le PNA redéfinit ses priorités Le Plan national de l’alimentation (PNA), lancé en 2010 et piloté par le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt a fait l'objet d’une mise à jour visant à recentrer les actions vers plus de simplicité, de lisibilité et d’efficacité. Quatre priorités ont été définies : la justice sociale (adaptation de l’aide alimentaire), l’éducation alimentaire de la jeunesse (en s’appuyant notamment sur l’Éducation nationale), la lutte contre le gaspillage (sensibilisation, valorisation des produits), l’ancrage territorial et la mise en valeur du patrimoine (circuits courts, signes d’origine et de qualité). La prochaine actualisation de ce programme pluriannuel aura lieu en 2017.

Édulcorants intenses : avis et recommandations

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rendu en janvier 2015 un avis relatif aux risques et bénéfices nutritionnels des édulcorants intenses, additifs alimentaires utilisés pour leur pouvoir sucrant supérieur à celui du saccharose. Sur la base d’un important travail d’expertise réalisé pour la première fois en France, l’Agence estime « qu’il n’existe pas d’élément probant permettant d’encourager la substitution du sucre par des édulcorants intenses dans le cadre d’une politique de santé publique. ». Ainsi, les études ne démontrent aucun bénéfice de la consommation d’édulcorants intenses sur le contrôle du poids, la glycémie chez les sujets diabétiques ou l’incidence du diabète de type 2. Sur un sujet souvent controversé dans les médias, l’Anses conclut à l’absence de lien entre la consommation d’édulcorants intenses et le risque de développement d’un cancer, d’un diabète de type 2 ou d’un accouchement prématuré. Enfin, l’analyse scientifique de l’Agence ne permet pas d’établir un lien entre la consommation des édulcorants et l’habituation au goût sucré.

Des desserts pour lutter contre la dénutrition

L’équipe de cuisine du CHU de Rouen a mis au point une gamme de quatorze pâtisseries dont les recettes ont été formulées pour répondre aux besoins nutritionnels spécifiques des patients âgés ou dénutris. Ces desserts enrichis en protéines présentent exactement les mêmes qualités visuelles et gustatives que leurs équivalents proposés dans les pâtisseries traditionnelles. Lors d’une hospitalisation, le dessert représente un moment de plaisir important et, comme le rappelle le directeur de l’Unité centrale de production alimentaire de l’établissement, « la plupart des personnes âgées sont gourmandes. Elles aiment les pâtisseries qui leur rappellent les repas de famille, des moments de douceur et de plaisir. » Le dessert devient alors un excellent support de lutte contre les carences alimentaires. Cette innovation a été brevetée sous le nom « Pati&Pro » et fait actuellement l’objet d’une étude de production à plus grande échelle.

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MAGAZINE

BENJAMIN DELESSERT, HOMME DU SUCRE ET DES LUMIÈRES Industriel, homme politique, naturaliste, banquier, philanthrope, écrivain... Héritier du « Siècle des Lumières », Benjamin Delessert embrassa plusieurs vies avec une même réussite et une même passion. De cette personnalité hors du commun, il subsiste aujourd’hui de nombreuses traces visibles au cœur des villes, au fronton d’édifices ou associées à des institutions, à l’image

«

de l’Institut Benjamin Delessert. Boulevard Delessert. Banquier et industriel (1773-1847) » À deux pas de la Seine, dans le 16e arrondissement de Paris, cette plaque de rue à la typographie blanche sur fond bleu rend hommage à l’une des personnalités qui ont profondément marqué ce quartier de la capitale. En effet, le boulevard Delessert fut tracé à l’initiative de Benjamin Delessert, en 1815, afin de désenclaver l’ancien village de Passy. Mais la trace mémorielle ne s’arrête pas à cette artère qui relie aujourd’hui l’avenue des Nations Unies à la rue de Passy.

Bien connu à cette adresse À quelques dizaines de mètres de là, au 19 de la rue Raynouard, une des fameuses « pelles Starck » (panneaux d’information

touristiques de la Ville de Paris) explique que la famille Delessert « dynastie protestante enrichie dans le commerce de la soie et de la banque à Lyon », avait acquis, ici, un domaine de plusieurs hectares où le fils aîné, Benjamin, fera construire un hôtel particulier de style Louis XVI, un chalet suisse (en hommage aux origines vaudoises de la famille), un pont en fil de fer suspendu (le premier d’Europe) mais aussi, et surtout, des ateliers qui seront le point de départ de la formidable aventure industrielle du sucre de betterave. En 1801, Benjamin Delessert commence par y fonder une filature de coton qu’il transforme rapidement en raffinerie dédiée au sucre de canne importé d’Outre mer, process pour lequel il met à profit les travaux de James Watt sur l’énergie vapeur. Or, sous l’effet du Blocus continental et de la déclaration d’indépendance GRAIN DE SUCRE n°36

Initiée et financée en grande partie par Benjamin Delessert, la percée du boulevard parisien qui porte son nom avait pour vocation de rendre le village escarpé de Passy rapidement accessible depuis la Seine. un panneau d’information de la Ville de Paris rappelle que l’histoire des Delessert a été étroitement liée à celle de ce quartier du 16e arrondissement.

de la colonie française de Saint Domingue, les approvisionnements de sucre brut ne tardent pas à se tarir. Raisonnant autant en homme de sciences qu’en entrepreneur, Delessert eut alors l’idée de reprendre les recherches des chimistes allemands Marggraf et Achard sur le potentiel sucrier de la betterave. Après quelques années d’expérimentation opiniâtre, il parvient à mettre au point le processus d’extraction du sucre de betterave transposable à échelle industrielle. Cette découverte lui vaut de recevoir, le 2 janvier 1812, des mains de Napoléon 1er en personne, la Légion d’honneur et le titre de baron de l’Empire.* Outre qu’il assurait l’autonomie sucrière de la France, le saut technologique initié par Delessert contribua à poser les bases d’une filière appelée à devenir le numéro un mondial du sucre de betterave.

Une personnalité monumentale Si le 16e arrondissement porte la mémoire de cette épopée, il existe également à Paris, dans le 10e arrondissement, un passage Delessert rappelant qu’il a été, ici, propriétaire d’une petite parcelle ouverte sur le canal Saint-Martin. En France, plusieurs villes possèdent elles aussi MAI 2015

une artère ou un édifice public baptisés en hommage à cet homme éclectique et visionnaire. C’est ainsi que Lyon, « ville lumière » où naquit Jules Paul Benjamin Delessert le 14 février 1773, lui a dédié une rue, une résidence universitaire, une piscine et un gymnase. Cap à l’ouest. Si la ville de Saumur, dans le Maine-et-Loire, lui a offert un collège et également un gymnase c’est tout d’abord parce que Delessert y fut plusieurs fois élu député, de 1827 à 1939. Mais la ville se souvient aussi de lui pour le rôle déterminant qu’il joua dans la création, en 1818, des Caisses d’épargne et de prévoyance. Un siècle plus tard, la Caisse d’épargne locale eut l’idée de lui consacrer un monument. Preuve de l’importance du personnage, l’initiative eut un tel succès que toutes les Caisses d’épargne de France répondirent généreusement à la souscription. Les fonds levés permirent d’ériger une statue de deux mètres qui le représentait en train de lire le testament par lequel il léguait 150 000 francs en bons d’épargne à 3 000 ouvriers de la ville. Au pied de la statue, quatre bas-reliefs en bronze illustraient les temps forts de sa vie. L’ensemble fut démonté lors de la Seconde guerre mondiale par l’armée allemande, mais une autre Caisse d’Épargne (Orléans) a

Le 2 janvier 1812, la sucrerie de Passy est le théâtre d’une scène historique : Napoléon 1er agrafe sa propre Légion d’honneur au revers de Benjamin Delessert pour son avancée décisive dans la fabrication du sucre de betterave.

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Ville natale de Benjamin Delessert, Lyon porte plusieurs traces de sa mémoire(1 et 2) . À Orléans, le siège local de la Caisse d’Épargne a fait ériger, en 2005, cette œuvre monumentale en hommage au fondateur de l’établissement bancaire (3). On retrouve également un portrait de Benjamin Delessert à la banque Hottinguer, car cette famille de banquiers à été cofondatrice avec lui des Caisses d'épargne en 1818 (4).

L’HÉRITAGE INSTITUTIONNEL

Le nom de Benjamin Delessert est aujourd’hui porté par des institutions qui, pour des raisons qui leurs sont propres, ont choisi de lui rendre hommage. Ainsi l’Institut Benjamin Delessert (IBD) – dont la vocation est de soutenir la recherche en nutrition dans le domaine des sciences médicales, humaines et sociales – a pris ce nom car il est soutenu, depuis sa création en 1976, par les acteurs de l’interprofession sucrière. L’IBD organise des réunions d’information scientifique de référence, à l’image de la Journée Annuelle Benjamin Delessert (JABD) et des Conférences Benjamin Delessert. Par ailleurs, il décerne un prix Benjamin Delessert, qui récompense les travaux d’un chercheur, et des prix de projets de recherche qui permettent de faire avancer les connaissances dans le domaine de la nutrition. Dans un tout autre domaine, la finance porte également des traces de Benjamin Delessert. Les Caisses d’épargne organisent régulièrement des Conférences Benjamin Delessert et décernent un prix éponyme qui récompense les performances d’un produit financier ou un travail de recherche consacré à « l’épargne au service de l’homme et de l’économie ».

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récemment célébré sa mémoire à travers une œuvre monumentale qui fut inaugurée en 2005. Dressé devant le siège régional de la banque, ce haut portrait d’acier signé du sculpteur Michel Audiard fait désormais de Benjamin Delessert une figure familière de la vie orléanaise.

Un esprit curieux et passionné Réputé pour son esprit ouvert et novateur, animé par le partage des connaissances et la diffusion du savoir, Benjamin Delessert exerça également ses talents en tant que naturaliste et collectionneur. Un engagement auquel les scientifiques ont rendu hommage avec la nomenclature : on recense ainsi une algue brune, la delessaria sanguinea, et un coquillage du golfe du Mexique, le cornus delessertii, qui portent son nom. La passion de Delessert pour le monde végétal fut encouragé par ses parents qui lui transmirent un précieux herbier confié à la famille Delessert, en 1772, par un certain Jean-Jacques Rousseau… GRAIN DE SUCRE n°36

Devenu membre de l’Académie des sciences, Benjamin consacra une part de sa fortune à l’achat d’autres grands herbiers, en particulier celui du botaniste René Desfontaines. Son herbier personnel, qui réunissait 250 000 spécimens représentant 87 000 espèces, est considéré comme l’un des plus importants d’Europe. Cette activité le conduisit à fréquenter les plus grands naturalistes de son époque et à publier les 500 planches

De Brest à Marseille en passant par Lorient, Royan, Pantin, Maubeuge, Caluire, Saint-Trojean-les-Bains, Lieusaint, Roye, Saint-Palais-sur-Mer ou encore Lyon (photo ci-dessus).…, plusieurs villes de France rendent hommage à Benjamin Delessert à travers une rue, une avenue ou un bâtiment à son nom. Cette popularité s’enracine notamment dans la dimension humaniste et philanthropique du personnage qui s’est engagé en faveur des hospices, des prisons et des défavorisés, pour qui il développa les soupes populaires.

en couleur de son ami le botaniste suisse Augustin Pyrame de Candolle, ouvrage en cinq volumes bien connu des spécialistes sous le titre Icones sélecta plant arum. Malacologue averti, il possédait également une riche collection de 100 000 coquillages et fit paraître en 1842 un Recueil de coquilles inédites. Par ailleurs, Delessert soutint les travaux des anatomistes, racheta bon nombre d’ouvrages et revues spécialisés, enrichissant une bibliothèque personnelle ouverte aux chercheurs et aux scientifiques. Les herbiers et le contenu des bibliothèques ont été sauvés de la dispersion grâce aux amis et admirateurs de Delessert. Ils peuvent aujourd’hui être consultés au Conservatoire et au Jardin botanique de la ville de Genève, tous deux fondés par Augustin Pyrame de Candolle, en 1817. Enfin, le Benjamin Delessert « philosophe moraliste » a laissé deux livres que l’on peut se procurer sur Internet, La Morale en action et Le Guide du bonheur. « C'est le propre du vrai talent de faire de très belles choses d'une manière simple », écrivait-il. Voilà sobrement résumées la philosophie et l’éthique qui guidèrent cet homme dans ses multiples entreprises et dont nos villes portent, encore aujourd’hui, le souvenir.

DE PASSY À NANTES...

L’empreinte de Benjamin Delessert sur le secteur sucrier s’étend au-delà du site historique de Passy. On la retrouve à Nantes où son cousin, Armand Delessert, possédait une raffinerie de sucre de canne. Consulté par l’industriel Louis Say qui recherchait de nouveaux investissements afin de compenser la récession du secteur cotonnier, il présente les deux entrepreneurs qui s’associent pour faire prospérer la raffinerie. Cette démarche aura une influence sur le développement d'une importante activité sucrière locale, aux 19e et 20e siècles. La présence d’une rue "Benjamin de Delessert" dans la ville et la silhouette imposante d’une ancienne raffinerie sur l'île de Nantes témoignent aujourd'hui encore de cette épopée industrielle.

L’algue delessaria sanguinea et le coquillage cornus delessertii ont été ainsi nommés en hommage au naturaliste passionné.

* Voir Grain de sucre n°26, janvier 2012

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Tendances

Vive l’été glacé !

Si le marché des glaces et des sorbets ne cesse d’innover, c’est avant tout le fruit de l’imagination déployée par les glaciers, artisans et industriels, qui rivalisent d’ingéniosité pour renouveler l’offre et séduire les consommateurs.

Caméléon

Ex physicien converti à la cuisine, l’espagnol Manuel Linares a créé la première crème glacée qui change de couleur au fur et à mesure qu’on la déguste, passant du bleu indigo au rose pivoine. Baptisée « Xameleon » (caméléon en Catalan), cette star estivale des ramblas de Barcelone est fabriquée à partir d’ingrédients naturels (fraise, vanille, pistache, caramel…), mais son petit secret est jalousement protégé.

Mini, multi, craquant La glace petit format confirme son succès pour l’été 2015. En bâtonnets, en cônes ou en petits pots, en parfums variés présentés en assortiment, cette nouvelle offre de glaces industrielles répond aux attentes d’aujourd’hui : fractionnement des portions, dégustation « zapping », convialité, choix des parfums et plaisir de les partager entre amis ou collègues…

Illuminé

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Asie polaire Quand un plat traditionnel taïwanais rencontre l’imagination d’une grande épicerie parisienne le résultat donne naissance à une friandise aussi savoureuse qu’inédite. C’est ainsi que la Maison nordique a réinterprété le moâ-chî (mochi), petite boulette à base de riz gluant, en mochis glacés. Sous une fine enveloppe en pâte de riz parfumée à la noix de coco, les parfums se déclinent sur le mode exotique : litchi, fruits de la passion, mangue, thé vert, coco… Points de vente sur www.lamaisonnordique.com

Givré

Associer le gingembre jamaïcain à la betterave, le wasabi au chocolat grand cru ou le piment à l’orange… S’il suffisait d’y penser, il fallait surtout mettre au point les bonnes recettes. Grâce au chef glacier de l’équipe Glazed, ce concept store lancé en 2011 à Paris secoue l’univers de la glace et du sorbet avec ses créations délicieuses et décalées, basées sur des combinaisons de parfums aux noms rock’n’roll. Carte et points de vente sur www.glaces-glazed.com

Furieusement tendance, la glace luminescente et fluorescente « Glow In The Dark Cornetto » est appelée à devenir un accessoire à part entière des nuits branchées. Issu d’une collaboration entre le studio de design culinaire londonien Bompas @ Parr et le fabricant Wall’s Ice Cream, sa composition intègre un cocktail de vitamines ayant la propriété de réagir dans le noir à certaines sources lumineuses.

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BLOC-NOTES

AGENDA

ILS SONT PASSÉS PAR ICI… ILS REPASSERONT PAR LÀ…

1er mai-31 octobre 2015

Exposition universelle, Milan (Italie) Présence de la filière sucre française du 8 au 21 octobre 2015

➔ Le 27 janvier 2015, à Lyon et dans le cadre du Sirha (Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation), Bertrand du Cray, directeur général délégué du Cedus, a remis le trophée « Le Sucre » à Stéphane Gouttenoire, chef de cuisine du restaurant inter-administratif de Lyon (Rhône), lauréat du concours Gargantua 2015 qui couronne le meilleur chef de restauration collective en France.

29-31 mai 2015

Les Terralies, Saint-Brieuc (Côtes d’Armor)

➔ Philippe Reiser, directeur des Affaires scientifiques du Cedus, a donné le 12 février 2015 une

11-12 juin 2015

conférence devant les étudiants de l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI) sur le thème « Les débats sucre et santé ».

Entretiens de nutrition, Institut Pasteur de Lille (Nord)

➔ Lors de l’inauguration du Salon international de l’agriculture, le 21 février 2015, Bruno Hot, président du Cedus, a accueilli sur le stand du Sucre, en compagnie des représentants de la filière betterave-sucre, le Président de la République, François Hollande. Tout au long de cet événement, de nombreuses personnalités politiques et professionnelles ont également été accueillies par les responsables de la filière betterave-canne-sucre, notamment le Premier ministre, Manuel Valls, le Président du Sénat, Gérard Larcher, le Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Stéphane Le Foll, le ministre de l’Économie et de l’Industrie, Emmanuel Macron, et l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy.

11-13 juin 2015

Journées de l’AFDN (Organisation française de diététiciens), Tours (Indre-et-Loire) 28-31 août 2015

Foire de Châlons-en-Champagne (Marne) 5-9 septembre 2015

Foire de Clermont-Cournon (Puy-de-Dôme)

➔ Au cours de ce salon, Bertrand du Cray a été sollicité par de nombreux médias, en particulier, l’AFP, TF1, France Inter, Le Figaro, Ouest France.

18-20 septembre 2015

➔ Le 24 février 2014, Jacqueline Sieffert, chargée des Manifestations extérieures au Cedus, a

Les étoiles de Mougins (Alpes-Maritimes)

jugé lors du Salon international de l’agriculture, les confitures françaises en compétition dans le cadre du Concours général agricole.

12-18 octobre 2015 25e Semaine du Goût, dans toute la France

➔ Avec Johanna Redon, chargée de l’Enseignement et de la Restauration au Cedus, Bertrand du Cray a présenté le 19 mars 2015 la filière sucre et les activités du Cedus aux directeurs et chefs de cuisine des restaurants du groupe Frères Blanc, à l’occasion de l’opération « Instants sucrés » qui s’est déroulée dans toute la France, dans les brasseries de ce groupe en avril et mai 2015.

18 octobre 2015 « À la Saint Luc, la betterave devient sucre »

➔ Au salon du livre, Philippe Reiser est intervenu à Paris, le 21 mars 2015 sur le thème « Sucre,

28 octobre-1er novembre 2015

Salon du Chocolat, Paris

histoire et consommation » à l’occasion de la sortie du livre Avec ou sans sucre ? 90 clés pour comprendre le sucre, dont il est l’auteur.

30 octobre-2 novembre 2015

Foire internationale et gastronomique de Dijon (Côte d’Or) 6-8 novembre 2015

Salon du chocolat et des gourmandises, Vannes (Morbihan)

➔ Bertrand du Cray a participé comme jury le 23 mars 2015 à Paris, au 21e challenge « Frères Blanc », qui récompense les meilleurs collaborateurs en formation en alternance de ce groupe de restauration.

➔ Ce dernier réunira avec Philippe Reiser, le 25 juin 2015, les responsables Marketing et Communication de la filière sucre pour leur présenter les grands axes et les nouvelles actions du Cedus en 2015.

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