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MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DE L’AGENCE CANADIENNE D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE (AECC) DANS LE CADRE DE L’ÉVALUATION DU PROJET D'AMÉNAGEMENT D'UN QUAI MULTIFONCTIONNEL EN EAU PROFONDE PRÉSENTÉ PAR L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC

BEAUPORT 2020, UN PROJET INJUSTIFIÉ ET À RISQUES… POUR LE FLEUVE, LES HABITATS ET LES RÉSIDENTS DE QUÉBEC 10 Février 2017 PAR

Nature Québec, 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) Dans le cadre de l’évaluation du projet d'aménagement d'un quai multifonctionnel en eau profonde présenté par l’Administration portuaire de Québec

Crédits photographiques (page couverture)

Google Map et étude de maîtrise en design urbain de l’Université Laval ISBN 978-2-89725-128-4 (document imprimé) ISBN 978-2-89725-129-1 (document PDF)

© Nature Québec, 2017 870, avenue De Salaberry, bureau 207, Québec (Québec) G1R 2T9

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REMERCIEMENTS Nature Québec aimerait remercier les personnes qui ont participé à la production de ce mémoire pour le processus d’évaluation de l’ACEE et sans lesquels, l’analyse détaillée du projet Beauport 2020 aurait été impossible : Experts ayant contribué au mémoire :       

Guy Trencia, M.Sc. Biologie, Expert sénior des écosystèmes aquatiques Pierre Dumont, Ph.D. sciences de l’environnement, Expert sénior des écosystèmes aquatiques Gérard Cyr, Ornithologue sénior, membre du Club des ornithologues de Québec (COQ) Charles-Antoine Drolet, Biologiste (Bsc Msc), ornithologue Hubert Barnéoud-Arnoulet, Amandine Mortka, Margot Bluteau-Robbiani et Alejandro Jimenez Pujol, Étudiants - Maitrise en Sc. de l'architecture design urbain de l'Université Laval Marilyn Labrecque, technicienne en bioécologie, chargée de projet à Nature Québec Pierre Ross, M.A. Histoire, spécialisation en relations internationales

Experts qui désirent conserver l’anonymat  

Economiste sénior Expert sénior sols et sédiments contaminés

Production du mémoire   

Christian Simard, direction Gabriel Marquis, rédaction Marilyn Labrecque, technicienne en bioécologie, chargée de projet à Nature Québec

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TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS .................................................................................. III TABLE DES MATIÈRES ............................................................................ IV TABLE DES FIGURES .............................................................................. VI TABLE DES TABLEAUX .......................................................................... VII AVIS ....................................................................................................... 1 SOMMAIRE ............................................................................................ 2 1.

UN PROCESSUS D’ÉVALUATION FÉDÉRAL INADÉQUAT, UN PROCESSUS D’EXAMEN QUÉBÉCOIS INEXISTANT .......................... 4 1.1 1.2

2.

BEAUPORT 2020, UN PROJET NÉCESSAIRE? ................................ 10 2.1 2.2 2.3

3.

Un projet de quai, et ensuite? ............................................................. 11 Du pétrole et des matières dangereuses transbordées ...................... 13 Réel besoin? ou mirage qui cache un problème de gestion ? ............. 14

CONSTRUIRE POUR MIEUX DÉTRUIRE? IMPACTS CUMULATIFS SUR LES HABITATS FAUNIQUES ET LES ESPÈCES..... 21 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5

4.

Une évaluation strictement fédérale, limitative par définition ............ 5 Une démarche à reculons pour l’APQ? ................................................. 7

Des habitats d’une grande valeur écologique qui devraient être considérés dans leur ensemble ........................................................... 22 Impacts cumulatifs des projets passés ................................................ 25 Les sédiments contaminés et les risques qui y sont associés .............. 30 Le leurre des habitats de compensation ............................................. 35 Autres observations sur les impacts du projet .................................... 38

DES ACTIVITÉS À FORTS IMPACTS SUR LES RÉSIDENTS DE QUÉBEC ...................................................................................... 44 4.1 L’entreposage et le transbordement de matières dangereuses, un risque permanent ....................................................................................... 45

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v 4.2 4.3

Conflit avec les usages récréatifs et la valeur paysagère de Québec ................................................................................................ 48 La problématique des poussières, balayée sous le tapis .................... 50

CONCLUSION ........................................................................................ 54 RECOMMANDATIONS .......................................................................... 55 ANNEXE ................................................................................................ 57 RÉFÉRENCES ......................................................................................... 69

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TABLE DES FIGURES Figure 1 Travaux projetés par le Port de Québec (Étude d'impact, p.12) ..................................................... 12 Figure 2 Évolution des tonnages manutentionnés au Port de Québec par type de marchandises, 20002014, en millions de tonnes métriques (Sources : APQ et analyses KPMG). ................................. 19 Figure 3 Carte montrant les empiétements dans le milieu littoral durant les différentes phases d’occupation des berges entre les rivières Saint-Charles et Montmorency (Source : rapport Labrecque, M. 2015) ..................................................................................................................... 26 Figure 4 Carte des zones tampons proposés par Nature Québec (Source :Plan de conservation de la ZICO des Battures-de-Beauport, 2005). ................................................................................................ 28 Figure 5 Indice annuel de la population d’hirondelles de rivage au Québec (Source : BBS) ......................... 29 Figure 6 Zones de sédiments contaminés (Source : l'ÉIE du projet Beauport 2020) ..................................... 32 Figure 7 Carte des superficies d'habitats aquatiques perturbés et perdus (Source : l'ÉIE du projet Beauport 2020) ............................................................................................................................................ 37 Figure 8 Rayon d'impact d'une explosion sur les installations de Beauport 2020 (source : JP Lacoursière INC, 2016) ..................................................................................................................................... 46 Figure 9 En rouge, chemins de fer desservant le Port de Québec (source : Google Map) ............................ 47 Figure 11 Simulation d'une vue depuis la plage de la Baie de Beaupor été/hiver, avant et après le projet (Source : Google Map et étude de maîtrise en design urbain de l’Université Laval) ................... 49 Figure 10 Impact des aménagements de Beauport 2020 sur la superficie de la Baie de Beauport (Source : APQ, Google Earth) ....................................................................................................................... 49 Figure 12 Simulation d'une vue depuis Sainte-Pétronille,, avant et après le projet ( Source : Étude de maîtrise en design urbain de l’Université Laval) ........................................................................... 50 Figure 13 Comparaison des concentrations de poussières selon les quartiers (Source : Vigilance Port de Québec) ........................................................................................................................................ 51

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TABLE DES TABLEAUX Tableau 1 Coûts du projet Beauport 2020 ...........................................................................................................12 Tableau 2 Occupation projetée de l’arrière quai pour les activités de transbordement et d’entreposage selon le type de marchandises ...........................................................................................................................13 Tableau 3 Superficie d’habitats perdus ou modifiés par le projet Beauport 2020 ...............................................27

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AVIS Bien que Nature Québec participe aux présentes consultations de l’Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE) dans le cadre du projet Beauport 2020, il apparaît clairement que ce projet aura des impacts – environnementaux et humains - qui toucheront aux champs de compétence du Québec. En ce sens, Nature Québec estime que le projet Beauport 2020 devrait minimalement faire l’objet d’une évaluation environnementale fédérale-provinciale conjointe. L’absence du processus environnemental d’autorisation du Québec dans ce dossier crée, selon nous, un dangereux précédent pour l’examen à venir d’autres projets à fort impact environnemental. Nature Québec a recommandé sans succès à l’ACEE de faire appliquer l’Entente Canada-Québec en matière d’évaluation environnementale signée en 2010. Celle-ci favorise la réalisation d’évaluations environnementales collaboratives, tout en répondant aux exigences de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Elle prévoit notamment la création d’une « commission d’examen conjoint » quand un projet touche une autre juridiction. Nature Québec rappelle qu’elle est un intervenant reconnu par la Cour d’appel du Québec dans une cause touchant directement cette question. La participation de Nature Québec au présent processus ne doit donc pas être entendue comme son cautionnement du processus en cours, mais plutôt comme un devoir qui lui incombe de se porter à la défense des milieux naturels face à un projet de cette envergure, à travers les instances existantes, aussi lacunaires soient-elles.

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SOMMAIRE Dans la mire de l’Administration du Port de Québec (APQ) depuis plusieurs années, le projet Beauport 2020 prévoit un agrandissement de la zone portuaire de la Capitale-Nationale par une extension de la ligne de quai actuelle et l’aménagement d’un terrain d’arrière-quai d’une superficie de 17,9 hectares, gagné à même le Saint-Laurent, qui hébergera des terminaux de vrac solide et liquide. L’APQ avance également que son projet aura d’importantes retombées économiques et que le Port a besoin de nouveaux revenus pour moderniser ses activités. Or, le Port n’a pas déposé d’étude de marché pour appuyer ses dires ni aucune étude coûts/bénéfices. L’étude des retombées économiques préparée par KPMG est basée sur un scénario optimal d’investissements publics-privés de 590 millions $, alors qu’il n’y a aucun client confirmé pour le nouveau quai et que les impacts étudiés ne couvrent généralement que la partie de construction du quai. Le présent mémoire déposé dans le cadre des consultations publiques de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), met en doute l’argument économique du projet Beauport 2020 et questionne sa pertinence dans le contexte actuel et devant l’ampleur de ses impacts environnementaux et humains. L’analyse de Nature Québec démontre notamment que ce projet aura des impacts cumulatifs importants sur les milieux naturels. Il détruira ou modifiera près de 39 hectares d’habitats naturel soit l’équivalent de 72 terrains de football au cœur de la Baie de Beauport qui comporte une biodiversité exceptionnelle. Il affectera directement plusieurs espèces à statut précaire, dont l’Alose savoureuse, L’Esturgeon jaune, le Bar rayé et l’Hirondelle de rivage. L’analyse de Nature Québec sur les sédiments contaminés, réalisée par une sommité sur ces questions, fait ressortir une sous-estimation probable majeure des volumes et de l’étendue de la contamination des sédiments. Les échantillons considérés par le Port ont été prélevés à la surface (20 cm de profondeur), dans une couche normalement moins contaminée, alors que le dragage réel se fera jusqu’à 16 mètres de profondeur dans des couches affectées historiquement par un passif industriel lourd. De plus la méthode de disposition des sédiments contaminés proposés, par stabilisation et solidification, n’élimine pas la contamination, n’est pas adaptée à une contamination par des hydrocarbures. L’idée de confiner les ces sédiments sur place dans des monolithes à même la structure des quais, soumis aux grandes marées, est utopique. Elle occasionnerait une intolérable, lente et inexorable contamination du Saint-Laurent. Le projet Beauport 2020 affectera la qualité de vie des citoyens de Québec, alors qu’il occasionnera, selon le scénario déposé, une augmentation de transport ferroviaire de matières dangereuses et de produits pétroliers à proximité de quartiers résidentiels, qu’il altérera les grands paysages fluviaux et menacera les activités balnéaires de la Baie de Beauport pendant la construction et lors des opérations de transbordement des matières dangereuses. Malgré les prétentions de l’APQ, Nature Québec remet profondément en question l’idée que Beauport 2020 permette de régler à terme les problèmes de pollution atmosphérique, découlant des activités actuelles du port, par une modernisation ultérieure qui

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3 serait financée à même les revenus de l’expansion. Aucun document déposé ne vient étayer cette prétention. Devant ces constats, Nature Québec recommande à l’APQ de revoir son projet afin de mieux refléter les véritables enjeux économiques, sécuritaires, citoyens et environnementaux de la région de Québec. Une modernisation et une optimisation des infrastructures actuelles du Port pourrait, par exemple, réduire radicalement les problèmes de pollution atmosphérique, tout en créant des emplois et en préservant les habitats naturels et les activités balnéaires de la Baie de Beauport. C’est un projet qui permettrait de rénover des installations déficientes (les plus vieilles au Canada) et d’optimiser la logistique de débarquement pour accueillir davantage de navires. Nature Québec est prête à s’unir avec l’APQ et les forces vives de la région pour faire modifier les contraintes de financement imposé par le gouvernement qui condamne l’APQ à pelleter les problèmes vers l’avant, sans régler une situation dangereuse pour les populations environnantes en opérant notamment des activités de vrac à ciel ouvert. De plus, Nature Québec remarque que l’étude d’impact environnemental (ÉIE) déposée par l’APQ, outre sa portée limitée, comporte plusieurs lacunes et inconnues qui ultimement, rendent le projet Beauport 2020 difficile à comprendre, analyser et commenter. Dans l’état actuel des choses, le ministre responsable d’accorder ou de refuser l’autorisation au niveau fédéral, n’aura pas en main les informations complètes et suffisantes pour prendre une décision éclairée. En toute logique, il devrait écarter le projet. Nature Québec demande conséquemment à l’ACEE d’exiger de l’APQ, qu’elle cesse ses activités de consultations parallèles et de promotion de son projet avant la fin de l’actuel processus d’évaluation et qu’elle fasse preuve de transparence en fournissant à la population l’ensemble des données dont elle dispose pour son projet Beauport 2020, plutôt que des informations parcellaires, sujettes à modification sans avis.

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1. UN PROCESSUS D’ÉVALUATION FÉDÉRAL INADÉQUAT, UN PROCESSUS D’EXAMEN QUÉBÉCOIS INEXISTANT L’ampleur du projet d’agrandissement Beauport 2020 du Port de Québec est indiscutable. Il s’agit d’un chantier de grande envergure qui, pendant sa réalisation et à terme, aura des impacts non négligeables sur les milieux naturels du Saint-Laurent, sur les espèces qui les fréquentent, ainsi que la qualité de vie des résidents à proximité du projet. En fait, rarement dans les dernières années, la ville de Québec ne s’est vue proposer de projets d’une telle envergure et il est d’autant plus important que celui-ci fasse l’objet d’une étude et de consultations approfondies. Malheureusement, Nature Québec constate, comme c’est le cas d’autres projets impliquant le port de Québec1, que processus d’examen environnemental proposé pour Beauport 2020 est inadéquat ou à tout le moins sous-optimal compte tenu de l’ampleur du projet et des fortes préoccupations du public. En fait, il existe 4 types d’évaluation au fédéral allant de « l’examen préalable » pour des projets à faibles impacts, à « l’examen par une commission », en passant par la « médiation » et « l’étude approfondie ». C’est ce dernier type que l’Agence applique pour le présent processus. Pourtant, Nature Québec considère qu’un tel projet qui empiète de façon significative sur le SaintLaurent, qui manipule des quantités importantes de sédiments, qui augmentera de manière significative le transport de produits pétroliers et de matières dangereuses dans les quartiers centraux et le long de la plage, et qui fait l’objet d’une forte préoccupation du public aurait du faire l’objet d’une « commission d’examen2 ». De plus, cette commission aurait du être menée de manière conjointe avec les autorités québécoises telle que le stipule une entente Canada-Québec 3. Le processus actuel dit de « l’étude approfondie » se limite à un examen par les fonctionnaires de l’Agence et d’un comité technique nommé par elle. Elle se limite également aux champs de compétence fédérale. Ceci dit, l’APQ s’est toujours méfiée de ce processus, même tronqué, lui préférant son processus de consultation maison, le « PEPC », qui n’est encadré par aucune loi ou règlement.

1

Voir le litige opposant le gouvernement du Québec à IMTT-Québec Inc. et à l’Administration portuaire de Québec pour la construction de réservoirs pétroliers dans le Port de Québec. : http://www.naturequebec.org/nouvelles/actualites/communique-litige-au-port-de-quebec-nature-quebec-et-le-cqdeinterviennent-en-cour-dappel/ 2 Une commission est un groupe d'experts choisis en raison de leurs connaissances et leurs compétences et nommés par le ministre de l'Environnement du Canada. 3 « Une commission est nommée en vue d'examiner et d'évaluer, de manière objective et impartiale, un projet qui peut avoir des effets négatifs importants sur l'environnement. Une commission peut être aussi nommée quand les préoccupations du public le justifient. L'autorité responsable peut renvoyer de tels projets au ministre de l'Environnement. Seul le ministre de l'Environnement peut ordonner une évaluation par une commission. » Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

5 Ce faisant, elle ne reconnaît même pas l’autorité de l’Agence, disant s’y soumettre « volontairement »4. Cela explique peut-être pourquoi l’APQ, par son attitude et son manque de transparence, semble vouloir saper le processus, même faible, retenue par l’ACEE.

1.1 UNE ÉVALUATION STRICTEMENT FÉDÉRALE, LIMITATIVE PAR DÉFINITION Le projet Beauport 2020, bien qu’il se situe en territoire québécois, fait l’objet d’un seul processus d’évaluation et de consultation sous l’Agence canadienne d’évaluation environnementale pour lequel le présent mémoire est réalisé. Selon l’APQ, cela s’explique par le fait que les activités portuaires sont de compétence fédérale et qu’elles ne sont pas, par conséquent, soumises à la juridiction du Québec. Ainsi, Beauport 2020 ne requerrait qu’une évaluation environnementale réalisée par une agence fédérale et aucune autorisation des autorités de la Ville de Québec et du gouvernement du Québec5. Pour se justifier, l’APQ tente de confiner la plupart des analyses d’impacts à la zone de chantier et aux limites de sa propriété. L’exercice se fait au prix d’une gymnastique intellectuelle difficile à suivre. Par exemple, aucune quantité de sédiments (parmi le plus de 1 million de mètres cubes dragués) ne serait déposée et traitée au-delà des limites du Port, probablement pour éviter une évaluation provinciale. Comme Nature Québec l’a déjà expliqué dans un premier mémoire qu’elle a déposé à l’ACEE sur le projet6, cette vision restrictive des activités du port et de leurs impacts, ne peut mener qu’à une évaluation incomplète de Beauport 2020. De fait, si les activités et le territoire visés par ce projet relèvent du fédéral, ses impacts excéderont, eux, l’enceinte du port de Québec. En se cantonnant strictement au champ de compétences fédéral, l’analyse du projet Beauport 2020 risque donc d’ignorer plusieurs de ses impacts dans des domaines où le Québec s’est doté de normes, mais pas le Canada. Ainsi, des impacts importants sur l’urbanisme, sur la sécurité, sur un habitat ou une espèce de juridiction québécoise, sur les polluants atmosphériques, sur l’élimination des sédiments contaminés, sur le paysage, sur le bruit (considéré comme un contaminant par Québec et non par Ottawa) risquent de ne pas être considérés à l’étape des conditions d’autorisation émises par le fédéral, ni dans le cadre d’une évaluation globale de la pertinence du projet en lien avec ses impacts.

4

PORT DE QUÉBEC (2016). «Beauport 2020 : à propos », site internet du Port de Québec, en ligne, http://www.portquebec.ca/projects/a-propos-du-port/developpement/projets-davenir/agrandissement-secteurbeauport , page consultée le 5 février 2017. 5 ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC (2017). Beauport 2020 : Étude d’impact environnemental – version amendéerésumé, septembre 2016. 6 NATURE QUÉBEC (2015). « Un projet à impacts majeurs qui nécessite une commission d’examen conjoint QuébecOttawa », mémoire présenté à l’Agence Canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) dans le cadre de la consultation générale sur le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde dans le Port de Québec, septembre 2015. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

6 Historiquement, pourtant, des projets similaires à Beauport 2020 ont fait l’objet d’évaluation environnementale par le Québec, ce qui tend à confirmer les compétences provinciales en la matière. Rappelons par exemple que les toutes premières audiences du BAPE (rapport numéro 0, il y a 35 ans) ont porté sur un projet affectant la Baie de Beauport7. Également, en janvier 2015, un projet d’agrandissement dans la zone portuaire de Trois-Rivières a fait l’objet d’un avis au Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques dans le cadre de la procédure québécoise d’évaluation et d’examen d’impacts sur l’environnement8. De manière non exhaustive, voici en outre quelques exemples de projets d’activités portuaires évaluées par le BAPE : 

Projet de restauration, au sud du quai, au port de Gaspé (Sandy Beach), rapport d’enquête et d’audience publique, 20 septembre 2013 ;



Programme décennal de dragage d’entretien aux quais 14 et 15 à Sorel - rapport d’enquête et d’audience publique, 4 septembre 1998 ;



Programme décennal de dragage MIL Davie Lauzon - rapport d’enquête et d’audience publique, 27 mai 1992 ;



Projet d'implantation du terminal méthanier Rabaska et des infrastructures connexes – rapport d’enquête et d’audience publique, 30 mai 2007 ;



Projet d’implantation du terminal méthanier Énergie Cacouna – rapport d’enquête et d'audience publique, 1er novembre 2006 ;



Projet de décontamination du canal de Lachine – rapport de la Commission conjointe fédéraleprovinciale, 13 septembre 1996.

À noter également la commission fédérale-provinciale qui a étudié la décontamination d’un ancien canal de navigation (canal Lachine) : 

Projet de décontamination du canal de Lachine – rapport de la Commission conjointe fédéraleprovinciale, 13 septembre 1996 ;

La reconnaissance des compétences provinciales dans l’évaluation de projets touchant le Port de Québec est par ailleurs l’objet d’un litige opposant actuellement le gouvernement du Québec et IMTT-Québec INC devant les tribunaux. Nature Québec et le Centre québécois du Droit de l’environnement (CQDE) y sont d’ailleurs reconnus en tant qu’intervenants par la Cour d’appel dans cette cause. Si le jugement 7

NATURE QUÉBEC (2015). « Un projet à impacts majeurs qui nécessite une commission d’examen conjoint QuébecOttawa », mémoire présenté à l’Agence Canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) dans le cadre de la consultation générale sur le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde dans le Port de Québec, septembre 2015. 8 Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Projets ayant fait l’objet d’une directive depuis le 1er janvier 1994. Dossier 3211-04-059, en ligne, http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/evaluations/lisprodi.htm , page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

7 relatif à ce litige ne sera probablement pas rendu avant plusieurs mois, il n’en demeure pas moins que les arguments légaux du Québec ont été jugés suffisamment pertinents pour être entendus en Cour d’appel. Il aurait été souhaitable que l’Agence informe le public de ce litige et de l’impact qu’il peut avoir sur son propre examen lors des remarques liminaires des consultations publiques. Nous déplorons ce manque. Dans ces circonstances, Nature Québec estime que l’ACEE devrait jouer de prudence et reconnaître d’emblée le caractère potentiellement litigieux de l’évaluation d’un projet de l’envergure de Beauport 2020. Par ailleurs, Nature Québec déplore le fait que le gouvernement du Québec, pourtant en litige pour le respect de ses compétences dans une cause semblable, ait accepté de déléguer des fonctionnaires dans un comité technique dans le cadre de la présente « étude approfondie » de l’Agence, étude qui ne respecte ni le processus d’examen ni le pouvoir d’autorisation du Québec encadré la Loi sur la qualité de l’environnement et sa réglementation.

1.2 UNE DÉMARCHE À RECULONS POUR L’APQ? Outre le caractère forcément limitatif de l’évaluation du projet Beauport 2020 sous l’ACEE, le présent processus apparaît actuellement miné par l’attitude de l’APQ qui, en plus d’entretenir le flou sur plusieurs détails de son projet, en fait parallèlement la promotion auprès de la population et de la classe politique. Nature Québec déplore notamment le fait que l’APQ ait décidé de tenir sa propre journée d’information sur son ÉIE, le 16 janvier dernier, soit deux semaines avant le début des séances publiques avec modérateur prévues par le processus de l’ACEE. De plus, Nature Québec a appris que l’APQ poursuivait des consultations bilatérales avec des intervenants concernés par son projet, en dehors du processus et des consultations requises par L’ÉIE. L’APQ aurait ainsi laissé entendre à certains intervenants que son projet avait déjà connu des modifications depuis le dépôt de son étude à l’ACEE. À titre d’exemple, l’APQ fait circuler dans des rencontres privées, un scénario de brise-lame en partie submersible du côté nord de la plage, sans que cela apparaisse dans l’étude d’impacts. Il s’agit là d’un manque de respect flagrant envers l’ACEE et ceux qui veulent commenter le projet. Un autre exemple de cette confusion soigneusement entretenue est survenu lors de la cérémonie entourant la remise de la canne à pommeau d’or début janvier9. On a confondu allègrement trafic de croisières, augmentation du tonnage et projet d’expansion en forçant un peu la main aux politiciens de passage pour une petite déclaration d’appui…avant le début des consultations. De sorte que beaucoup de gens croient maintenant que l’expansion est nécessaire pour accueillir davantage de bateaux de croisières, alors qu’en aucun cas le quai proposé serait à même d’accueillir des bateaux de croisières. Pour les organisations et citoyens qui participent de bonne foi aux présentes consultations, cette attitude rend très difficile l’analyse du projet Beauport 2020 dans son ensemble et de poser les bonnes questions. 9

VALÉRIE GAUDEAU (2017). « Le Port de Québec fait le plein d’appuis politiques » Le Soleil, 10 janvier 2017, en ligne, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/la-capitale/201701/10/01-5058147-le-port-de-quebec-fait-leplein-dappuis-politiques.php , page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

8 Pour Nature Québec, l’APQ agit comme si elle voulait semer la confusion et prendre le contrôle du message sur son projet, alors que plusieurs étapes de l’analyse de l’ACEE restent à franchir. Par ailleurs, on l’a vu , l’APQ a été plus que réticente à soumettre pleinement son projet à un processus d’évaluation environnementale impartial autre que celui qu’elle a elle-même développé, le PEPC. Lors de la séance publique de consultation de l’ACEE du 2 février dernier, sa réponse à la question à savoir si elle soumettrait à nouveau son projet Beauport 2020 à l’agence advenant une modification importante de celui-ci ou dans le cas d’une phase subséquente, est demeurée ambiguë : Le Port va continuer de « collaborer » avec l’agence et d’appliquer son processus 10. Pour Nature Québec, cela ne témoigne pas d’une grande ouverture de l’APQ à toute demande subséquente d’évaluation impartiale de son projet, y compris sous juridiction provinciale. Cette attitude et la participation visiblement « à reculons » de l’APQ au processus de l’ACEE fait craindre à Nature Québec que le Port de Québec ait pu passer trop rapidement sur certains éléments de son étude d’impact environnemental (ÉIE), éléments sur lesquels nous reviendrons plus loin. Rappelons qu’il aura fallu trois versions de ce document avant que l’ACEE juge que le Port s’était conformé aux lignes directrices établies11. Dans ces circonstances, nous espérons que l’ACEE n’ait pas accepté la troisième version de l’étude d’impact du port, de guerre lasse, et sera en mesure d’exiger du Port des études complémentaires, s’il y a lieu.

10

Selon les notes prises par Nature Québec lors des réponses à ses questions de la séance de questions et de consultations publiques de l’ACEE du 2 février 2017 à l’ Hôtel Ambassadeur à Québec. 11 STÉPHANIE MARTIN (2016). « Le Port de Québec de nouveau renvoyé à ses devoirs pour le son projet Beauport 2020 », Journal de Québec, 4 novembre 2016, en ligne, http://www.journaldequebec.com/2016/11/04/le-port-dequebec-de-nouveau-renvoye-a-ses-devoirs-pour-son-projet-beauport-2020, page consultée le 5 février 2016. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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RECOMMANDATIONS 

Étant donné les fortes préoccupations du public, l’importance des impacts naturels et humains du projet et la nécessité d’éviter des litiges juridiques interminables sur des éléments de nature constitutionnelle, Nature Québec suggère à l’ACEE de recommander au ministre d’appliquer l’Entente Canada-Québec en matière d’évaluation environnementale signée en 2010 et de reprendre l’évaluation du projet Beauport 2020. Celle-ci favorise la réalisation d’évaluations environnementales collaboratives, tout en répondant aux exigences de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Elle prévoit notamment la création d’une « commission d’examen conjoint » quand un projet touche une autre juridiction.



Nature Québec demande à l’ACEE de s’assurer que le Port de Québec fournisse publiquement toute information jugée pertinente ou toute étude supplémentaire pour combler les lacunes de l’actuelle ÉIE pour le projet Beauport 2020, avant même la rédaction de tout projet de rapport.

Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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2. BEAUPORT 2020, UN PROJET NÉCESSAIRE? Depuis longtemps, le Port de Québec cherche à agrandir sa zone d’activité, prétextant la nécessité de répondre à une demande croissante pour le transbordement dont la région de Québec devrait tirer profit. Le projet Beauport 2020 n’est pas différent en ce que son but avoué est « l’amélioration des services aux entreprises spécialisées dans la manutention et l’entreposage de marchandises sur les quais du Port de Québec »12. Ce projet s’inscrit également plus largement dans une volonté du gouvernement fédéral, depuis quelques années, de miser sur l’exportation des ressources naturelles – notamment pétrolières- comme pilier de l’économie canadienne13. Aussi, est-il évocateur qu’en 2015, en fin de mandat, le précédent gouvernement conservateur avait promis un financement de 60 millions de dollars pour le projet14. Pourtant, En 2011, lors d’une rencontre avec des députés fédéraux de Québec, le pdg du Port aurait indiqué que la priorité du Port était la réfection de ses installations désuètes, comme en témoigne une lettre d’opinion de Raymond Côté ancien député fédéral Beauport-Limoilou 15. Selon M. Côté, la voteface du Port en faveur du projet d’expansion en 2014, alors que ses installations actuelles continuent de péricliter ne serait pas étrangère au projet de privatisation des ports fédéraux préconisé par les conservateurs et maintenu par le gouvernement Trudeau sous forme d’une étude commandée à Morgan Stanley 16. 17 Nature Québec reconnaît l’importance de projets de développement économique pour la région de la Capitale-Nationale. Cependant, à la lumière des éléments de justification présentés par l’APQ pour défendre son projet, nous ne pouvons passer sous silence de sérieux doutes quant aux retombées économiques évoquées par le Port, de même qu’à la nécessité du projet dans le contexte actuel. Cette section présente dans un premier temps, les détails du projet Beauport 2020 et les arguments que l’APQ met de l’avant pour le justifier. Ces arguments sont ensuite analysés quant à leur validité.

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Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Résumé. p. 2-7. 13 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Résumé, p. 2-6. 14 ICI QUÉBEC (2015). « 60M$ du fédéral pour l’agrandissement du port de Québec, 10 juillet 2015, en ligne, http://ici.radiocanada.ca/nouvelle/729197/60million s-federal-agrandissement-port-baie-beauport , page consultée le 5 février 2017. 15 RAYMOND CÔTÉ (2017). « Un projet d’agrandissement pour quels intérêts? », Le Soleil, Opinions, 6 février 2017. en ligne, http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201702/06/01-5066821-un-projetdagrandissement-pour-quelsinterets.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_points -devue_794_section_POS4 , page consultée le 9 février 2017. 16 DAVE BATTAGELLO (2016). « Government study launched on wheter to privatize Canada’s ports, Windsor Star, November 25, 2016, en ligne, http://windsorstar.com/news/local-news/government-study-launched-on-whether-toprivatize-canadas-ports , page consultée le 5 février 2017. 17 Parcours : Brancher le système de transport du Canada au reste du monde – Tome 1 https://www.tc.gc.ca/fra/examenltc2014/CTAR_Tome1_FR.pdf Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

11 2.1 UN PROJET DE QUAI, ET ENSUITE? Le projet Beauport 2020, tel que présenté par le Port de Québec dans son ÉIE, se limite essentiellement à l’aménagement d’un quai en eau profonde dans le secteur de la baie de Beauport, à l’est de l’autoroute Dufferin-Montmorency et de l’usine de Papiers White Birch « Division Stadacona. Ainsi, les aménagements proposés par l’APQ et soumis à l’actuel processus de l’ACEE comprennent18 : 

La construction d’un quai multifonctionnel de 610 mètres de long, assurant une profondeur d’eau de 16 mères à marrée basse ;



La création d’une digue de retenue de 480 mètres de long et de 8,65 mètres de haut;



La pérennisation de la plage récréative de la Baie de Beauport (utilisation de 220 000 mètres cubes de sédiments pour la recharge de la plage), incluant la construction d’un brise-lames de 187 mètres, prolongé d’un épi sous-marin de 47 mètres;



Le prolongement de la voie ferrée de 1300 mètres;



La relocalisation de l’émissaire d’urgence de la Ville de Québec.

Néanmoins, le projet Beauport 2020 tel qu’il est présenté l’APQ dans l’espace public est beaucoup plus vaste et comprend des aménagements ultérieurs à la construction du quai qui serviront dès le début de la phase d’exploitation (voir figure 1). Bien que les activités exactes qui doivent s’y dérouler demeurent pour le moment imprécises, on sait déjà que l’aménagement de terminaux de vrac liquide et solide sur l’arrière quai est prévu. Ainsi, le projet Beauport 2020, en plus des éléments présents dans l’étude d’impact du Port de Québec, s’accompagne d’éléments majeurs qui ne font l’objet d’aucune analyse d’impact pour le moment, dont 19 :



L’aménagement définitif de l’arrière quai, soit : La construction de 7 réservoirs de vrac liquide, d’un diamètre de 30 à 77 mètres et d’une hauteur de 17 à 18 mètres; La construction de 4 dômes de vrac solide sous couvert; La mise en place d’une matrice cimentaire; La surface de roulement; Les infrastructures linéaires permanentes; Le prolongement du réseau d’aqueduc; Le réseau de protection d’incendie; Le prolongement du réseau d’égout pluvial; Le prolongement du réseau électrique;

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Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Résumé, p. 2-6 19 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, p.3-69. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

12 -

 

Les infrastructures de transbordement ;

Le démantèlement d’un hangar situé au secteur de l’Estuaire; L’aménagement final de la plage lorsque le rechargement aura été complété.

Au final, le projet Beauport 2020 du Port de Québec est donc beaucoup plus qu’un simple projet de quai. Il s’agit d’un chantier imposant qui nécessitera le remblaiement de 17,9 hectares à même le fleuve SaintLaurent et des investissements colossaux. L’aménagement du quai à lui seul, demande un investissement de 190 millions de dollars, dont 30% proviendront d’argent public. Les aménagements ultérieurs à la réalisation du quai pourraient quant à eux nécessiter jusqu’à 400 millions de dollars en nouveaux investissements.

Coûts du projet Beauport 202020 Nature des activités

Investissements

Financement

Aménagements prévus (investissements APQ)

190 M$

Gouvernement fédéral : 30 % Institutions financières : 70 %

Aménagements 250 M$ à 400 M$ supplémentaires anticipés (investissements privés) Tableau 1 Coûts du projet Beauport 2020

100 % privé

Figure 1 Travaux projetés par le Port de Québec (Étude d'impact, p.12)

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PORT DE QUÉBEC (2016). «Beauport 2020 : à propos », site internet du Port de Québec, en ligne, http://www.portquebec.ca/projects/a-propos-du-port/developpement/projets-davenir/agrandissement-secteur-beauport , page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

13 Selon l’échéancier proposé par le Port de Québec pour son projet, le prolongement du quai et la consolidation de la plage de la Baie de Beauport devraient être effectués entre avril 2018 et décembre 2019. L’aménagement de l’arrière-quai, incluant les infrastructures linéaires permanentes, devrait pour sa part être terminé d’ici 2021. L’APQ prévoit en outre que son projet sera fonctionnel dès 2020.

2.2 DU PÉTROLE ET DES MATIÈRES DANGEREUSES TRANSBORDÉES Au-delà des infrastructures que propose le projet Beauport 2020, Nature Québec s’est questionné sur la nature des activités qu’elles permettront lorsque le projet entrera dans sa phase d’exploitation. Essentiellement, les aménagements proposés doivent permettre le transbordement (à plus de 80 % maritime, 20 % terrestre21 et l’entreposage de matières d’importation et d’exportation. Le Port indique également vouloir faire profiter ses utilisateurs d’une intermodalité entre le transport routier, ferroviaire et maritime. Néanmoins, il est impossible pour le moment d’avoir une idée exacte des matières qui seront transbordées et entreposées sur le territoire du projet Beauport 2020. À l’heure actuelle, l’APQ prétend ne pas être en mesure de divulguer ces informations, faute de contrat signé avec d’éventuels clients qui utiliseraient ses nouvelles installations22. Cela dit, l’APQ évoque un scénario similaire aux données du Port pour les années 2013 et 2014, pour une occupation de l’arrière quai en trois grandes zones de transbordement et d’entreposage (62% pour le vrac liquide, 20 % pour le vrac solide sous couvert, 18 % pour les marchandises générales)23.

Occupation projetée de l’arrière quai pour les activités de transbordement et d’entreposage selon le type de marchandises24 Vrac liquide 62 %

Vrac solide sous couvert 20 %

Marchandises générales 18 %

Tableau 2 Occupation projetée de l’arrière quai pour les activités de transbordement et d’entreposage selon le type de marchandises

À la lumière des projections du Port de Québec, le transbordement et l’entreposage de vrac liquide sont indéniablement une composante majeure du projet Beauport 2020. Or, si les informations fournies actuellement par l’APQ ne permettent pas d’identifier avec précision les produits qui composeront cette catégorie, plusieurs indices laissent penser que les hydrocarbures et certaines matières dangereuses y occuperont une part importante. 21

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, p.3-77 22 Selon ce qu’a indiqué l’APQ, lors des séance de consultations publiques de l'Agence canadienne d'évaluation er environnementale (ACEE) les 1 et 2 février 2017. 23 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, p.3-77 24 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, p.3-77. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

14 Ainsi, d’emblée, l’APQ précise dans son étude d’impact environnemental que la proportion du vrac liquide occupée par les produits pétroliers dans son scénario se compare à « ceux actuellement en transit dans le secteur ». À titre d’exemple, selon l’information que nous avons pu trouver dans les rapports annuels du Port de Québec, le pétrole brut représentait 17 % du vrac transbordé en 2015, et les produits chimiques, 21 %25. L’APQ indique également que son projet rencontre plusieurs des recommandations formulées dans la Stratégie sur le Corridor de commerce Saint-Laurent-Grands Lacs26, notamment l’implantation de zones d’interface privilégiées pour la manutention du pétrole à Québec27. Finalement, l’APQ mentionne que les réservoirs d’entreposage de vrac liquide qu’elle envisage construire répondront à des normes sévères de conception, d’entretien et d’inspection, conformément au code API 653 de l’American Petroleum Institute.28 Si elles ne permettent pas pour l’instant de conclure que Beauport 2020 est un « projet pétrolier » en soit, ces dernières informations donnent à penser qu’une part non négligeable du vrac liquide entreposé et transbordé lors de la phase d’exploitation du projet sera composée de produits des hydrocarbures (pétrole brut, carburant, kérosène) ou à tout le moins, de matières dangereuses. Nature Québec souligne par ailleurs l’étrangeté du fait que le Port affirme que 4 à 5 institutions financières sont intéressées à financer le projet d’expansion (séance de consultation du 1er février), sans aucune confirmation quant à la clientèle des nouvelles installations et au type de produits transportés.

2.3 RÉEL BESOIN? OU MIRAGE QUI CACHE UN PROBLÈME DE GESTION ? La trame narrative qu’utilise le Port de Québec pour faire la promotion de son projet Beauport 2020 se décline essentiellement en trois éléments: la nécessité de répondre à une demande croissante pour le transbordement de vrac, des retombées économiques importantes pour la région de Québec et la nécessité de générer de nouveau fonds pour la réfection des installations actuelles du Port. Nature Québec estime que plusieurs de ces arguments ne résistent pas à l’épreuve des faits et qu’ils devraient au minimum faire l’objet d’une contre-analyse indépendante avant qu’on investisse de l’argent public dans le projet.

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ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC (2016). Rapport annuel 2015, http://www.portquebec.ca/a-propos-duport/administration-portuaire/rapport-annuel, 28 avril 2015, page consultée le 5 février 2017. 26 GOUVERNEMENT DU Canada (2008). « Étude sur le corridor de commerce Saint-Laurent- Grands Lac », Étude réalisée pour le Conseil du corridor Saint-Laurent- Grands-Lacs par le Groupe IBI, en ligne, http://www.st-laurent.org/wpcontent/uploads/2015/03/etude-corridorslgl-sept2008.pdf , page consultée le 5 février 2017. 27 Administration du port de Québec 2016. Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, p.2-6. 28 Administration du port de Québec 2016. Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, pp-3-16. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

15 Une vision optimiste de la croissance des échanges commerciaux Tout d’abord, le cœur de l’argumentaire en faveur de la réalisation du projet Beauport 2020 repose sur l’hypothèse selon laquelle la demande pour le transbordement maritime de marchandises va connaître une croissance importante dans les prochaines années et que, conséquemment, le Port de Québec doit augmenter ses capacités afin de rester compétitif face aux autres ports en haut profonde. Ainsi, selon l’APQ, le Port de Québec aurait déjà connu une forte croissance au cours de la dernière décennie et opérerait désormais au maximum de sa capacité, une situation qui lui serait néfaste dans un « contexte international [qui] laisse entrevoir une augmentation des opportunités à venir, notamment en raison de l’Accord global de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne et la demande croissante en ressources naturelles »29. Nature Québec questionne cette prémisse qui apparaît aujourd’hui fondée sur un scénario optimiste de la croissance des échanges. Il est vrai que depuis la Seconde Guerre mondiale, le commerce international a connu une explosion, dont un des effets aura été d’amener les villes portuaires à s’ajuster dans le but d’accommoder des tonnages de plus en plus importants30. Le port de Québec a vécu lui aussi jusqu’à tout récemment les effets de cette croissance, ce qui justifierait selon l’APQ l’urgence de réaliser le projet Beauport 2020. Cependant, la crise financière de 2009 est venue freiner cet élan d’une manière peut-être plus durable qu’on ne s’y attendait : The global recession in 2008/2009 triggered a massive slump in world trade and, accordingly, shipping. Following a modest rise of nearly 3 per cent in 2008 – trade nosedived by about 14 per cent in 2009. Freight rates fell to historic lows on many sub-markets. As at the beginning of 2009 about 9 per cent of bulk carriers worldwide lay idle, unutilized, in ports, this capacity is coming back only slowly to the market in the 2010 recovery31. After a somewhat stable 2013–14, the dry bulk shipping industry began a deep downturn in 2015. Industry financial performance declined markedly from 2014, and compared with 2013, the drop in operating performance has been staggering. The unbalanced supply-and-demand equation means pricing won’t rebound meaningfully while too many vessels keep chasing too few shiploads32. Ainsi, si la dynamique qui prévalait avant la crise financière a pu servir de justification à l’agrandissement du Port de Québec, le contexte des échanges semble depuis beaucoup plus incertain. De fait, l’APQ mise

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Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde- Beauport 2020, Étude d’impact environnemental, version amendée- Englobe septembre 2016. Tome 1- Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, partie 3, description du projet, p.2-5. 30 World Ocean View (2017). Transport : Global Shipping, en ligne, http://worldoceanreview.com/en/worer 1/transport/global-shipping/ , page consultée le 1 février 2017. 31 World Ocean View (2017). Transport : Global Shipping, en ligne, http://worldoceanreview.com/en/worer 1/transport/global-shipping/ , page consultée le 1 février 2017. 32 ALIX Partners (2016). Dry Bulk Shipping Outlook, enligne,http://legacy.alixpartners.com/en/Publications/ AllArticles/tabid/635/articleType/ArticleView/articleId/2006/2016 -Dry-Bulk-Shippinger Outlook.aspx#sthash.e7KzW4aP.dpbs , page consultée le 1 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

16 beaucoup sur de futurs accords de libre-échange et une demande croissante en ressources naturelles pour relancer la croissance. Or, est-il nécessaire de préciser, avec la montée du protectionnisme aux États-Unis et même en Europe, que ni l’un, ni l’autre ne sont assurés. D’une part, malgré sa ratification probable, l’Accord global de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne a fait l’objet d’une vive controverse qui a failli entraîner son abandon et amené plusieurs modifications à son contenu33, élément qui s’ajoute à une forte tendance de l’économie américaine vers le protectionnisme. Aussi, dans les circonstances actuelles, il paraît bien audacieux de parler d’une croissance des échanges commerciaux à moyen terme. D’autre part, le pari d’une hausse durable du prix des matières premières nous semble extrêmement hasardeux compte tenu des fluctuations toujours cycliques de l’offre et la demande des ressources naturelles. À titre d’exemple, la chute du cycle des minéraux a donné un sérieux coup de frein au Plan Nord et aux plusieurs projets. Rappelons que Cliff Natural ressources a fait faillite en 2014 et son projet du Lac Bloom, peu après son ouverture. Le transport maritime d’après-guerre s’est également beaucoup développé avec la mondialisation des échanges de charbon et de pétrole. Il est légitime ici de se demander quel sera l’impact du déclin prévu des carburants fossiles sur les activités maritimes. Le solaire et l’éolien ne nécessitent pas de volume constant d’importations, puisque sa production et la consommation sont locales. L’APQ fait la promotion du projet Beauport 2020 en invoquant le besoin urgent d’avoir accès à de nouvelles installations afin de concurrencer d’autres grands ports comme ceux de Montréal, Halifax, New York et Baltimore qui entreprennent eux aussi des travaux de modernisation basés sur la perspective du maintien de la croissance des échanges maritimes. Les éléments de contexte exposé plus haut nous amènent à douter de cette prémisse. Si tous les ports de la façade atlantique investissent dans l’attente d’une demande accrue qui pourrait ne jamais se matérialiser, les activités portuaires de Québec – incluant le projet Beauport 2020 - connaîtront un ralentissement d’autant plus brutal. À cet égard, Nature Québec croit que plutôt que d’appeler à l’urgence, le contexte actuel des échanges mondiaux demande que l’on fasse preuve de prudence avant d’investir des dizaines de millions de fonds publics dans un projet comme Beauport 2020.

Des retombées économiques exagérées pour la région de Québec L’APQ présente Beauport 2020 comme un projet à fort potentiel de retombées économiques. Ainsi, en se basant sur une évaluation qu’elle a commandée à la firme KPMG34, l’APQ indique que son projet, durant la phase de construction estimée à 5 ans, créera 1 200 emplois par année. Par la suite, l'ensemble de ces infrastructures devrait permettre de créer 1 100 emplois permanents supplémentaires et un ajout de 100 M$ en retombées économiques, le tout à l’échelle canadienne35.

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KPMG (2015). Évaluation des retombées économiques des activités maritimes et portuaires de Québec. Présenté à l'Administration portuaire du Québec. 31 pages. 35 PORT DE QUÉBEC (2016). «Beauport 2020 : à propos », site internet du Port de Québec, en ligne, http://www.portquebec.ca/projects/a-propos-du-port/developpement/projets-davenir/agrandissementsecteur-beauport , page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

17 Selon un économiste senior consulté par Nature Québec36, l’APQ, afin d’estimer les retombées économiques du projet Beauport 2020 au niveau canadien, a appliqué des multiplicateurs provenant de l’institut de la statistique du Québec (ISQ) et fournis par KPGM à la « fourchette haute » des scénarios d’investissement public et privé sur l’ensemble de la réalisation du projet. Ainsi, alors que seul le volet qui prévoit l’aménagement d’un quai multifonctionnel et un investissement de 190 M$ est pour l’instant étudié par le processus d’évaluation environnementale de l’ACEE, l’APQ présente les retombées économiques potentielles d’un projet qui inclurait également des investissements privés hypothétiques de 400 M$ dans le futur, pour un total de 590 M$. Ce scénario, en plus d’utiliser une hypothèse d’investissements hors de l’objet direct de la présente évaluation (la construction du quai et de la plage), apparaît à Nature Québec comme biaisé étant donné la conjoncture économique discutée plus haut et le fait qu’aux dernières nouvelles, le Port de Québec n’avait toujours pas trouvé de locataires pour son futur quai37. Nature Québec met donc en garde contre l’utilisation que fait l’APQ de ces données pour mousser son projet, en ce qu’elles se basent sur la fourchette haute des prévisions d’investissements pour le projet, ne sont souvent pas ventilées pour la région de Québec et n’intègrent pas la notion de coûts environnementaux. D’emblée, le calcul des retombées économiques est un exercice par lequel le promoteur d’un projet vise avant tout à recueillir l’adhésion de la population et des preneurs de décision en identifiant les emplois «créés», ainsi que les rentrées fiscales prévues. Comme c’est un exercice qui est réalisé pour le compte du promoteur, il souffre nécessairement d’un biais optimiste, ce qui n’est pas anormal38. Ceci dit, l’APQ utilise régulièrement ces données dans le débat public, sans préciser qu’elles concernent l’ensemble du Canada et non seulement la région de Québec, ce qui induit une confusion quant aux retombées réelles du projet. De fait, questionnés à ce sujet lors des séances publiques de l’ACEE les 1er et 2 février 2017, l’APQ et KMPG ont du préciser que le nombre d’emplois directs et indirects dans différents secteurs de l’économie qui découleraient du projet pour la région de Québec s’établissait à environ 350 durant la phase de construction et 270 durant la phase d’exploitation. En ce qui a trait aux retombées économiques, seuls 40 % des 100 M$ se feraient ressentir sur la région de Québec, soit 40 M$39. Une fois ventilées, les retombées annoncées du projet Beauport 2020 apparaissent de fait moins importantes, d’autant plus qu’on sait qu’elles se basent sur des scénarios d’investissement optimistes. En fait si on ne calculait que les 190 millions d’investissements du projet de quai (le seul sur la table actuellement) et qu’on appliquait le 40 % de retombées pour la région de Québec, on ne générerait qu’environ 112 emplois pendant la période de construction et environ 85 pendant l’opération, en appliquant une simple règle de trois.

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Qui a préféré garder l’anonymat ANNIE MORIN (2016). « Port de Québec : cherche de futurs locataires pour futurs quais », Le Soleil, en ligne, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/transports/201601/07/01-4937459-port-de-quebec-cherchelocataires-pour-futurs-quais.php , page consultée le 8 février 2016.

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Selon les notes prises par Nature Québec lors des réponses à ses questions de la séance de questions et de consultations publiques de l’ACEE du 2 février 2017 à l’ Hôtel Ambassadeur à Québec. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

18 En outre, l’une des principales lacunes du scénario de retombées économiques du projet Beauport 2020 présenté par l’APQ est qu’il ne répond pas à la question de savoir si le projet apporte plus de bénéfices que de coûts au milieu dans lequel il s’inscrit. Il est en effet étonnant qu’aucune analyse coûts/bénéfices classique qui pourrait avantager le Port n’ait été déposée en appui au projet. Cette étude, le cas échéant, devrait internaliser les coûts des dommages à l’environnement, de la perte définitive d’habitats naturels, de la pollution atmosphérique et de la privation d’autres usages à valeur économique qu’occasionnera inévitablement le projet – points que nous détaillerons dans les sections suivantes. En ce sens, en plus de se fonder sur des hypothèses très optimistes, l’étude des retombées économiques annoncées par l’APQ pour son projet Beauport 2020 ne présente que la facette dorée de la médaille qui avantage le promoteur.

Un projet utile ou une bouée de sauvetage pour le Port? Au-delà de l’argument des retombées économiques du projet Beauport 2020, l’APQ présente également son projet comme une nécessité pour la pérennité des activités actuelles du Port de Québec. Ainsi, l’APQ affirme dans son étude d’impact environnemental, que le Port de Québec est le plus vieux port au Canada, que ses infrastructures sont vieillissantes et nécessitent des investissements de 300 M$ sur un horizon de 20 ans uniquement pour la restauration des actifs actuels40. Pour l’APQ, le projet Beauport 2020 doit donc permettre au Port de Québec de générer une croissance similaire à celle du passé, afin d’être simplement capable d’entretenir ses infrastructures et de les mettre aux normes. Selon Nature Québec, cette situation soulève de nombreuses questions quant à la bonne gestion des activités du Port de Québec. En effet, le projet Beauport 2020 n’est-il au final qu’une bouée de sauvetage destinée à pallier à un problème structurel de sous-financement? Il est en effet assez inquiétant de penser que la croissance observée du tonnage de 80,5 % au Port de Québec entre 2002 et 2012, année de tous les records (voir figure 2)41, n’aura pas suffi à elle seule à générer le profit suffisant à l’entretien et la réfection des actifs du Port. Comment peut-on alors être certain que les profits générés par Beauport 2020 – s’ils sont au rendez-vous- serviront réellement à pallier aux infrastructures vieillissantes du Port? À cet égard, notons que nulle part dans l’étude d’impact présentée par l’APQ, nous n’avons trouvé d’information précise qui relierait l’accroissement d’activités portuaires anticipées à l’objectif de maintenir des infrastructures pérennes.

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Administration du port de Québec 2016. Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Résumé, p. 2-6. 41 Administration portuaire de Québec (2012). Rapport annuel 2012, http://www.portquebec.ca/a-propos-duport/administration-portuaire/rapport-annuel, 28 avril 2015, page consultée le 5 février 2017, p. 4 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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Figure 2 Évolution des tonnages manutentionnés au Port de Québec par type de marchandises, 2000-2014, en millions de tonnes métriques (Sources : APQ et analyses KPMG).

Si le besoin d’investissements d’urgence apparaît de plus en plus comme le véritable leitmotiv du projet Beauport 2020, notamment après trois années plus difficiles sur le plan de la croissance42, le Port de Québec affirme pour sa part ne pas pouvoir avoir accès à de l’argent public de la part du fédéral en l’absence de nouveaux projets. Il semble en effet que depuis 2008, les administrations portuaires canadiennes ne puissent recevoir de financement du gouvernement fédéral, sauf pour des investissements – non pour des actifs portuaires existants- et dans des conditions précises43. Nature Québec est perplexe devant cette décision du précédent gouvernement fédéral, puisqu’elle rend le bon fonctionnement des activités portuaires canadiennes – et éventuellement leur impact sur l’environnement et la sécurité publique – dépendant de projets de développement qui ne sont pas toujours nécessaires ou optimaux. Nous croyons que cette politique devrait au minimum être réévaluée par l’actuel gouvernement fédéral. Au final, il apparaît que le projet Beauport 2020 est beaucoup plus ambitieux que la partie actuellement soumise à l’évaluation de l’ACEE, ce qui n’empêche pas l’APQ d’en présenter des retombées économiques fondées sur un scénario optimiste d’investissements pour des phases ultérieures, encore peu détaillées, mais qui comprendront du transbordement de matières pétrolières et dangereuses. Par ce projet, l’APQ espère visiblement pouvoir aller chercher le financement dont elle a besoin de manière urgente pour assurer l’entretien de ses infrastructures vieillissantes, chose qu’elle n’a pas pu faire jusqu’à présent, malgré des années de croissance. La justification économique que donne l’APQ à son projet évacue par ailleurs le coût de ses nombreux impacts environnementaux et humains que nous aborderons dans les sections suivantes. 42

ANNIE MORIN (2016). « Port de Québec : cherche de futurs locataires pour futurs quais », Le Soleil, en ligne, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/transports/201601/07/01-4937459-port-de-quebec-cherchelocataires-pour-futurs-quais.php , page consultée le 8 février 2016. 43 TRANSPORTS Canada (2017). Administrations portuaires canadiennes, en ligne, https://www.tc.gc.ca/fra/politique/acf acfi-menu-2963.htm, page consultée le 8 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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FAITS SAILLANTS 

L’actuelle évaluation du Projet Beauport 2020 sous l’ACEE se limite essentiellement à l’aménagement d’un quai multifonctionnel, alors que le projet implique à plus long terme la construction de 7 terminaux de vrac liquide de 17 mètres de haut et de 4 dômes de vrac solide, en arrière quai;



La première partie des travaux doit être financée à 30 % par les fonds publics;



Lors de sa phase d’exploitation, le transbordement et l’entreposage de vrac liquide, notamment du pétrole et des matières dangereuses, seront une composante majeure du projet;



La justification que donne l’APQ au projet est fondée en bonne partie sur l’hypothèse d’une forte croissance des échanges mondiaux et du prix des matières premières;



Le nombre d’emplois directs et indirects créés dans la région de Québec par le projet durant sa phase d’exploitation serait de 270 dans le meilleur des cas et de 85 si les projets en aval ne se concrétisent pas.



Les retombées économiques avancées par l’APQ pour défendre son projet prennent en compte des investissements de 590 M$, dont 400 M$ sont purement hypothétiques. Ces retombées excluent toute évaluation des coûts environnementaux et liés à la perte d’usage d’autres activités économiques.



Le port n’a toujours aucun client confirmé pour son projet.



Malgré une croissance de 80,5 % de ses activités entre 2002 et 2012, le Port de Québec affirme ne pas être en mesure d’entretenir ses infrastructures vieillissantes.

RECOMMANDATIONS 

Nature Québec demande au gouvernement fédéral de reconnaître le statut particulier du port de Québec qui abrite les plus vieilles installations portuaires au pays et de lui octroyer une aide spéciale qui priorise l’optimisation et la modernisation de ses infrastructures en lieu et place d’un projet d’expansion;



Nature Québec demande à l’ACEE de s’assurer que toute l’information sur les futurs clients et les matières transportées en lien avec le projet lui soit acheminée, incluant étude de marché et étude couts/bénéfices, pour pouvoir juger de la pertinence et de la justification du projet d’infrastructure.

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3. CONSTRUIRE POUR MIEUX DÉTRUIRE? IMPACTS CUMULATIFS SUR LES HABITATS FAUNIQUES ET LES ESPÈCES Chantier colossal qui nécessitera le remblaiement de 17,9 hectares à même le fleuve Saint-Laurent, le projet Beauport 2020 aura un impact certain sur les habitats fauniques et les espèces, et ce, bien au-delà de la zone de chantier (ZC) pour l’aménagement du nouveau quai. En tout, on parle de près de 39 hectares d’habitats perdus ou modifiés, soit l’équivalent de 72 terrains de football. Afin de se conformer au processus de l’ACEE, l’APQ a soumis en septembre 2016, une version amendée de son étude d’impact environnemental, finalement jugée conforme aux lignes directrices par l’Agence et rendue publique en janvier 2017. Cette étude d’impact confirme dans un premier temps ce que Nature Québec savait déjà44 : les habitats visés par le projet Beauport 2020 ont une forte valeur écologique. Qui plus est, cette valeur augmente lorsque l’on tient compte de l’écosystème dans son ensemble, ce que l’ÉIE ne fait malheureusement pas. Ainsi, si elle reconnaît l’importance du site, l’ÉIE du Port de Québec minimise les conséquences de Beauport 2020 en termes de perte de connectivité des habitats de l’écosystème et d’impacts cumulatifs. De plus, les analyses sur lesquelles elle se base minimisent la fréquentation des lieux par les espèces. Ainsi, dans le cas de certaines espèces ayant fait l’objet de suivi télémétrique (Esturgeons noir et jaune, Bar rayé), il faudrait préciser que les spécimens marqués ne représentent qu’une partie de tous les individus présents et que conséquemment, les dénombrements d’observations ne constituent qu’une image partielle de la fréquentation du site. A contrario, l’ÉIE du Port de Québec tend à maximiser la performance des mesures de compensation – par définition imparfaites - que l’APQ prévoit mettre en place. De sorte, qu’au final, le véritable impact environnemental de Beauport 2020 s’en trouve banalisé. Cette section passe en revue l’ÉIE du Port de Québec en relevant certaines préoccupations et questions évacuées, notamment celle de l’empiétement continu du Port de Québec sur le fleuve et de la gestion des sédiments contaminés.

44

ENGLOBE (2015). Étude de caractérisation de l’habitat du poisson — Travaux 2015 et bilan 2013-2015. Rapport préparé par M. La Haye et M. Gendron et présenté à l’Administration portuaire de Québec.

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22 3.1 DES HABITATS D’UNE GRANDE VALEUR ÉCOLOGIQUE QUI DEVRAIENT ÊTRE CONSIDÉRÉS DANS LEUR ENSEMBLE Les habitats décrits dans l’ÉIE du projet Beauport 2020 sont incontestablement d’une grande importance écologique, notamment pour la faune aviaire et ichtyenne (poissons). Ils abritent, entre autres, une aire d’alimentation pour les esturgeons, des aires d’alevinage utilisées par plusieurs espèces de poissons, dont l’Alose savoureuse, le Baret et le Bar rayé (espèce en voie de disparition), des sites de nidification pour certaines espèces d’oiseaux comme l’Hirondelle de rivage, l’Engoulevent d’Amérique et le Canard colvert, en plus de constituer une halte migratoire d’importance mondiale pour la Sauvagine et les oiseaux de rivage. Les firmes GHD et Englobe, mandatées par l’APQ pour caractériser les milieux naturels et la faune, sont sans équivoque sur ce point : « La baie de Beauport constitue donc un habitat unique et essentiel pour le développement des poissons d’eau douce, du stade larvaire à adulte, dans cette partie du fleuve SaintLaurent. »

45

« […], la zone centrale de l’estuaire de la rivière Saint-Charles constitue un habitat d’alimentation important pour les esturgeons jaunes adultes et les esturgeons noirs juvéniles. De plus, bien que les rives soient principalement constituées de quais et de murs de soutènement, la dynamique de courant lors des marées fait en sorte que beaucoup de jeunes poissons sont entraînés dans l’estuaire et se concentrent particulièrement dans une baie en rive nord utilisée notamment par des jeunes bars rayés et aloses savoureuses. »

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« La zone intertidale de la portion interne de la baie de Beauport constitue un important habitat d’alevinage et de croissance pour les jeunes de plusieurs espèces de cyprinidés ainsi que pour l’Alose savoureuse, le Baret, la Perchaude, les Meuniers et le Bar rayé. »

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« Tous les milieux humides du rentrant-sud-ouest, et ceux avoisinants de la Baie de Beauport, servent de halte migratoire printanière et automnale pour les oiseaux. Ces haltes ont un rôle majeur pour ces oiseaux qui peuvent s’y reposer et s’alimenter ».

48

45

ENGLOBE (2015). Étude de caractérisation de l’habitat du poisson — Travaux 2015 et bilan 2013-2015. Rapport préparé par M. La Haye et M. Gendron et présenté à l’Administration portuaire de Québec. p.30 46 ENGLOBE (2015). Étude de caractérisation de l’habitat du poisson — Travaux 2015 et bilan 2013-2015. Rapport préparé par M. La Haye et M. Gendron et présenté à l’Administration portuaire de Québec. p. 31. 47 ENGLOBE (2015). Étude de caractérisation de l’habitat du poisson — Travaux 2015 et bilan 2013-2015. Rapport préparé par M. La Haye et M. Gendron et présenté à l’Administration portuaire de Québec. p. 33 48 GHD CONSULTANTS Ltée (2016). Inventaire de l’avifaune en période de migration printanière et en période de nidification dans le secteur de la baie de Beauport. Projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde au port de Québec – Beauport 2020, secteur de Beauport. Rapport préparé par Mme Caux et M. Olson pour l’Administration portuaire de Québec. 21 pages et annexes. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

23 De plus, dans son rapport, GHD soutient que le nombre d’oiseaux de rivage observés au kilomètre dans la zone de chantier (ZC) est suffisant pour que le site soit reconnu comme habitat faunique en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (article 1).49 Néanmoins, la reconnaissance de la valeur écologique des habitats de la zone de chantier (ZC) par l’ÉIE du Port de Québec demeure partielle, puisqu’elle ne tient pas compte de sa relation avec l’écosystème dans son ensemble. Ainsi, les impacts du projet sont présentés uniquement sur les habitats confinés à l’intérieur de la ZC, sans prendre en considération la façon dont la capacité de support, la connectivité et la productivité des habitats environnants seront affectées. Par conséquent, les rapports qui unissent les organismes à cet écosystème pourraient s’en trouver fortement compromis. Pour illustrer la complexité des interactions qui définissent le rapport d’une espèce avec les différentes composantes d’un écosystème, prenons par exemple le cas du Bécasseau semipalmé. Durant la migration automnale, cette espèce d’oiseau de rivage peut former des attroupements de plusieurs milliers d’individus dans la baie et les battures de Beauport.50 Son abondance est directement liée à la richesse et à la diversité d’habitat qu’offre le milieu : les vasières et les plages de sable constituent des sites d’alimentation pour cette espèce, alors que les plages rocailleuses et les marais intertidaux lui servent d’abri pour se reposer. Or, dans le cadre des études réalisées par GHD, le territoire inventorié se limite à une bande d'environ 50 ha qui borde la ZC, alors que les différents habitats essentiels pour l’espèce sont répartis sur l’ensemble de la baie et des battures de Beauport, lesquels couvrent une superficie de plus de 1 000 ha. L’importance de cet écosystème est pourtant reconnue. Sur la rive nord du chenal de l’île d’Orléans, entre Beauport et l’Ange-Gardien seulement, on retrouve pas moins de huit aires de concentration d’oiseaux aquatiques (ACOA) figurant sur le registre des aires protégées du gouvernement du Québec.51 À ceci, s’additionne le statut Zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO) conféré aux battures de Beauport par BirdLife International au début des années 2000.52

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GHD CONSULTANTS Ltée. (2016). Inventaire de l’avifaune en période de migration printanière et en période de nidification dans le secteur de la baie de Beauport. Projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde au port de Québec – Beauport 2020, secteur de Beauport. Rapport préparé par Mme Caux et M. Olson pour l’Administration portuaire de Québec. 21 pages et annexes. 50 Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) (2005). ZICO des battures de Beauport : un milieu naturel à restaurer. Plan de conservation. p.13 51 Ministère de l’Environnement (1999). Répertoire des aires protégées et des aires de conservation gérées au Québec, 128 p. 52 BirdLife International (2017). Important Bird Areas factsheet: Battures de Beauport and chenal de l'île d'Orléans, http://datazone.birdlife.org/site/factsheet/battures -de-beauport-and-chenal-de-lîle-dorléans-iba-canada en ligne, page consultée le 8 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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LE PROGRAMME ZICO Le programme Zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO) est une initiative de coopération mondiale chapeautée par BirdLife International. Ce programme vise à identifier, surveiller et protéger des sites essentiels pour les oiseaux et la biodiversité. Plus de 200 pays et territoires partenaires y participent, dont le Canada.

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Les battures de Beauport font partie des 96 sites du Québec reconnus par le programme ZICO. Ce site est classé d’importance mondiale en raison de la fréquentation de ses habitats par les oiseaux de rivage et la Sauvagine. En effet, les effectifs de la Grande oie des neiges et du Bécasseau semipalmé peuvent atteindre jusqu’à 1 % de leurs populations respectives en période de migration. Outre ces deux espèces, la ZICO est également connue pour abriter une colonie d’hirondelles de rivage.

En limitant l’analyse des impacts à la ZC, plutôt que de l’appliquer à l’ensemble de l’écosystème, l’APQ ne reconnaît pas les principes de base de l’écologie. Il en découle alors un portrait incomplet qui favorise les intérêts du promoteur en minimisant l’importance des impacts environnementaux. Ceux-ci sont d’ailleurs qualifiés de « mineurs et non importants », en dépit du fait que les effets seront permanents et 54 irréversibles. L’APQ passe également sous silence les nombreuses fonctions écologiques associées aux milieux humides côtiers. Ainsi, à la section 8.1.2.3 de l’ÉIE, la seule fonction écologique mentionnée est « fournir des habitats à une grande diversité d’espèces fauniques ».55 Il est pourtant connu que les marais littoraux jouent plusieurs autres rôles essentiels pour l’environnement, notamment en matière de lutte contre l’érosion côtière, de décomposition des matières organiques complexes (les transformant en éléments nutritifs assimilables par les plantes) et d’épuration de l’eau. Il ne s’agit pourtant pas d’informations nouvelles : déjà en 1978, Pêches et océans Canada affirmait, dans son mémoire déposé dans le cadre des audiences publiques sur le projet autouroutier Dufferin-Montmorency, que les battures de Beauport jouent un rôle équivalent à celui d'une usine d'épuration qui coûterait plusieurs millions de dollars à construire et à opérer.56 Soulignons également que le projet Beauport 2020 pourrait contrecarrer en partie les efforts réalisés pour restaurer les habitats du Saint-Laurent. Depuis 1988, ce sont plus de 716 millions de dollars qui ont

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BirdLife International (2017). Important Bird and Biodiversity Areas (IBAs), en ligne, http://www.birdlife.org/worldwide/programme-additional-info/important-bird-and-biodiversity-areasibas, page consultée le 8 février 2017. 54 Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Septembre 201, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique. Partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-184 55 Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Septembre 201, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique. Partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-16 56 Pêches et océans Canada (1978). Mémoire soumis aux audiences publiques sur le projet d’autoroute 440 sur les battures de Beauport. p.16

Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

25 été investis à cette fin par les gouvernements provincial et fédéral dans le cadre du Plan d’action Saint57 Laurent.

3.2 IMPACTS CUMULATIFS DES PROJETS PASSÉS Le paysage côtier de l’estuaire fluvial entre Québec et Lévis a été considérablement remodelé par les activités humaines depuis la fin du 19e siècle. Entre 1861 et 1981, ce sont quelques 700 ha de milieux humides qui ont été détruits dans cette portion du Saint-Laurent, dont 381 ha dans les battures de Beauport uniquement.58, 59 L’une des principales activités à l’origine de ces pertes d’habitat est la création d’une péninsule à l’embouchure de la rivière Saint-Charles visant à permettre l’expansion des activités portuaires dans les années 1960.60 Ces travaux, réalisés à même le lit du fleuve Saint-Laurent, sont à l’origine d’empiétements de 85 ha dans les battures de Beauport, soit 23 % des remblaiements de toutes origines dans ce milieu naturel.61 Les travaux de remplissage pour la construction de l’autoroute Dufferin-Montmorency, dans les années 1970, sont également responsables de la perte d’importantes superficies de marais littoraux dans le secteur de la Canardière (Domaine de Maizerets).62 La figure 3 permet de voir les empiétements progressifs dans le milieu littoral issus des différentes phases d’occupation des berges entre les rivières SaintCharles et Montmorency de 1608 à 2015.

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Plan d'action Saint-Laurent (2017). »Plus de 25 ans de collaboration entre le Canada et le Québec », site internet, en ligne, http://planstlaurent.qc.ca/fr/historique/plusde25ansdecollaboration.html , page consultée le 10 février 2017. 58 Comité ZIP (Zone d'intervention prioritaire) de Québec et Chaudière-Appalaches.1998. Plan d’action et de réhabilitation écologique du secteur Québec-Lévis : réalisé dans le cadre du programme Saint-Laurent Vision 2000. 50 pages + annexes 59 Groupe-conseil Roche associés ltée (1983). Étude des répercussions environnementales de l'extension du port de Québec : aspects biophysiques : énoncé des incidences environnementales. Ports Canada, Port de Québec. p.13 60 ARGUS (2001). Mise en valeur du littoral de l’agglomération de la Capitale nationale du Québec: élaboration d’un cadre d’analyse régional. Commission de la Capitale nationale. p. 21 61 Groupe-conseil Roche associés ltée (1983). Étude des répercussions environnementales de l'extension du port de Québec : aspects biophysiques : énoncé des incidences environnementales. Ports Canada, Port de Québec. p.13 62 LABRECQUE, M. (2015). Occupation des berges du côté nord du fleuve Saint-Laurent entre les rivières Saint-Charles et Montmorency, Période de 1608 à 2015. Préparé pour l’administration portuaire de Québec. 11 pages + annexes. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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Figure 3 Carte montrant les empiétements dans le milieu littoral durant les différentes phases d’occupation des berges entre les rivières Saint-Charles et Montmorency (Source : rapport Labrecque, M. 2015)

Outre la perte d’habitat associée au remblayage, l’artificialisation des rives est également un facteur qui est à l’origine de l’appauvrissement et de la dégradation des milieux littoraux de la région de Québec. Entre Sainte-Foy et Beauport, on compte 25 km de rives artificialisées, dont 40 % sont directement imputables à la construction du boulevard Champlain et de l’autoroute Dufferin-Montmorency.63 Coincés entre cette barrière physique et le Saint-Laurent, les milieux littoraux se trouvent exposés au phénomène de resserrement côtier (coastal squeeze) qui affecte leur dynamique et réduit leur productivité64.

Des conséquences loin d’être banales Les expériences du passé ont permis de démontrer l’ampleur des conséquences du remblayage et de l’artificialisation des rives sur la biodiversité. Par exemple, entre 1969 et 1977, les effectifs de la Grande 63

ARGUS (2001). Mise en valeur du littoral de l’agglomération de la Capitale nationale du Québec: élaboration d’un cadre d’analyse régional. Commission de la Capitale nationale. p. 21 64 Ouranos (2015). Vers l’adaptation. Synthèse des connaissances sur les changements climatiques au Québec. Édition 2015. Montréal, Québec : Ouranos. p. 125 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

27 Oie des neiges, de la Bernache du Canada et du Canard noir ont diminué de plus de 80 % dans les battures de Beauport.65 Cette période coïncide avec la perte de 42 % de l’habitat herbacé suite aux divers remblayages dans les milieux littoraux66. La sévérité des impacts environnementaux a été si marquée dans ce secteur, que dans son rapport sur les audiences publiques du BAPE concernant le projet autoroutier Dufferin-Montmorency tenues en 1978, le commissaire cite le mémoire d'Environnement Canada dans les termes suivants : « considérant que la portée environnementale déborde de beaucoup la simple question des oiseaux, les battures de Beauport devraient recevoir la protection la plus intégrale possible (…) les zones intertidales en eau douce constituent un biotope particulièrement rare dans l'ensemble des écosystèmes de notre planète (…) la retenue de sédiments fait des battures de Beauport un milieu épurateur des eaux du fleuve (…) la protection intégrale des battures de 67

Beauport doit être maintenue malgré les effets nocifs des empiétements déjà survenus» :

Des impacts qui s’additionnent à ceux du passé La réalisation du projet Beauport 2020 implique un empiétement dans les milieux naturels qualifiés plus ou moins implicitement de «mineurs» dans l’ÉIE. Nature Québec ne partage pas cet avis. Considérés dans leur ensemble, ils représentent près de 39 ha de milieux perdus ou modifiés (voir le tableau ci dessous) qui viennent s’additionner aux empiétements antérieurs.

Type de milieu Milieux terrestres (perte d’habitats)

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Milieux aquatiques (perte d’habitats)

69

Milieux aquatiques (modifiés)

70

Superficie par habitat        

1,4 ha arboraie 0,4 ha herbaçaie 2,6 ha plage 0,03 ha marécage arborescent 2,6 ha terrain en friche 4,6 ha zone intertidale 12,0 ha zone aquatique permanente (incluant 0,8 ha d’herbiers aquatiques) 15,3 ha modifiés par les travaux de dragage

SUPERFICIE TOTALE D’HABITATS PERDUS OU MODIFIÉS

Total 7,03 ha

16,6 ha

15,3 ha

38,93 ha

Tableau 3 Superficie d’habitats perdus ou modifiés par le projet Beauport 2020

65

Lamontagne, M.P., Y. Descôteaux, L. Desrosiers, et J-P. Lamoureux (1978). Audience publique sur le projet autoroutier Dufferin Montmorency, Tome 1 - rapport. Présenté au ministre délégué à l’environnement, p. 31 66 Groupe-conseil Roche associés ltée (1983). Étude des répercussions environnementales de l'extension du port de Québec : aspects biophysiques : énoncé des incidences environnementales. Ports Canada, Port de Québec. p.201 67 Lamontagne, M.P., Y. Descôteaux, L. Desrosiers, et J-P. Lamoureux (1978). Audience publique sur le projet autoroutier Dufferin Montmorency, Tome 1 - rapport. Présenté au ministre délégué à l’environnement, p. 31 68 Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Septembre 201, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique. Partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-157 69 Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Septembre 201, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique. Partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-165 70 Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Septembre 201, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique. Partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-165 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

28 Les impacts du projet Beauport 2020 ne sont pas marginaux considérant qu’ils amplifieront les effets observés dans le passé. À ceci s’ajoute la destruction d’une partie de la plage, qui constitue l’habitat naturel utilisé pour la nidification de l’Hirondelle de rivage et du Martin-pêcheur d’Amérique, ainsi que pour la ponte de tortues (Tortue géographique, Tortue serpentine). La raréfaction des berges naturelles dans la baie de Beauport pourrait également avoir des répercussions sur les mammifères semi-aquatiques (ex.: Castor du Canada, Loutre de rivière, Vison d’Amérique, etc.), ainsi que sur les communautés de poissons (qui seront abordées dans les sections suivantes). Dans le Plan de conservation de la ZICO des Battures-de-Beauport publié en 2005, Nature Québec proposait notamment la création de zones tampons entre les milieux naturels et les milieux anthropisés de ce secteur pour freiner la perte d’habitats et pour assurer la préservation des berges (voir figure 4).71 Le secteur du port de Québec avait été particulièrement ciblé en raison de l’importance de ses habitats pour différents groupes d’oiseaux, dont les limicoles, les laridés et les anatidés.

Figure 4 Carte des zones tampons proposés par Nature Québec (Source :Plan de conservation de la ZICO des Battures-de-Beauport, 2005). *À noter que la ZICO des Battures-de-Beauport a été agrandie suite à la publication du plan de conservation, et qu’elle s'étire maintenant à l’est du pont de l’île d’Orléans jusqu’à la localité de L'Ange-Gardien, couvrant désormais une superficie totale de plus de 3 600 ha.

71

Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) (2005). ZICO des battures de Beauport : un milieu naturel à restaurer. Plan de conservation.

Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

29

LE DÉCLIN DE LA POPULATION D’HIRONDELLES DE RIVAGE 72

Au Canada, la population d’hirondelles de rivage a diminué de 98 % en 40 ans. Au Québec, les données du relevé des oiseaux nicheurs indiquent un déclin de 9,89 % entre 1970 et 2010 (voir figure 5,).

73

En mai 2013, le Comité sur la

situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a désigné l’espèce « menacée ».

Figure 5 Indice annuel de la population d’hirondelles de rivage au Québec (Source : BBS) Dans le cadre des travaux qui ont conduit à la production du Plan d’action pour la protection des sites de nidification de l’hirondelle de rivage dans les ZICO du Québec, Nature Québec a noté que perte d’habitat engendrée par les mesures de lutte contre l’érosion des berges apparaissait comme étant l’une des principales causes du déclin des hirondelles de 74

rivage au Québec . Les méthodes de stabilisation des berges dites «dures» ont eu pour effet de supprimer de façon permanente les habitats propices à l’établissement des colonies d’hirondelles de rivage.Au cours du dernier siècle, ce sont plus de 40 % des berges, soit quelque 680 km de rives qui ont été modifiées ou artificialisées dans la portion du 75

fleuve Saint-Laurent comprise entre Cornwall et Montmagny . Dans la région de Québec seulement, on compte 25 km 76

de rives artificialisées entre les arrondissements de Sainte-Foy et de Beauport .

72

COSEPAC (2013). Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur l’hirondelle de rivage (Riparia riparia) au Canada. Ottawa, Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. 59 p. 73 Environnement Canada,(2014b). «Tendances démographiques au Canada, version des données de 2012 », Site web du Relevé des oiseaux nicheurs de l’Amérique du Nord, en ligne, http://www.ec.gc.ca/ronbbs/P005/A001/?lang=f&m=s&r=BANS&p=L&t=22943, page consultée le 3 février 2017. 74 NATURE QUÉBEC (2014). Plan d’action pour la protection des sites de nidification de l’hirondelle de rivage dans les ZICO du Québec. Réalisé dans le cadre du programme Zones importantes pour la conservation des oiseaux au Québec (ZICO). 64 p + annexes. 75 Richard, L.-F.(2010). Suivi de l’état du Saint-Laurent : érosion des berges en eau douce. Ottawa, Environnement Canada. Québec, Gouvernement du Québec. 8 p. 76 ARGUS (2001). Mise en valeur du littoral de l’agglomération de la Capitale nationale du Québec: élaboration d’un cadre d’analyse régional. Commission de la Capitale nationale. p. 21 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

30 3.3 LES SÉDIMENTS CONTAMINÉS ET LES RISQUES QUI Y SONT ASSOCIÉS77 Dans le cadre des travaux de construction du quai, de mise en place des structures de protection et de l’aménagement de la zone de manœuvre, l’APQ prévoit draguer 945 000 m3 de sédiments. De ce volume, environ 45 000 mètres cubes de sédiments contaminés devraient être dragués. Dans l’étude Pangeos (2015), on indique notamment la présence, par endroits, de sédiments contaminés à un niveau dépassant le critère C du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et la valeur seuil de la concentration d’effets fréquents (CEF) tirée des critères de qualité des sédiments établis conjointement par Environnement Canada et le MDDELCC. Cette faible proportion de sédiments contaminés est pour le moins surprenante compte tenu: 

Des études réalisées dans les années 1990 dans le cadre du Plan d’action Saint-Laurent qui estimaient le volume de sédiments contaminés dans le secteur du port de Québec à 4,3 millions de m3.78



De l’historique du site. Rappelons-nous que dans la première moitié du 20e siècle, l’usine Anglo Canadian Pulp & Paper Mills entreposait ses sous-produits (écorces et copeaux) à même les grèves de la rivière Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent.79 Avec le temps, d’importants volumes de résidus ligneux se sont accumulés sur les berges et dans les zones navigables du fleuve, emprisonnant des métaux lourds dans les sédiments. Les activités portuaires peuvent également être une source de contamination locale, que ce soit par des fuites accidentelles d’hydrocarbures, par des erreurs de manutention lors du transbordement de matériaux ou par la dispersion de poussières lors de forts vents.

L’Administration portuaire de Québec a fait effectuer en 2012 une caractérisation exhaustive, à la fois environnementale et géotechnique, par Groupe Qualitas inc. (QUALITAS) des secteurs à draguer. Cette étude, citée par Pangeos, aurait révélé notamment la présence, par endroits, de sédiments contaminés à un niveau dépassant le critère C du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et la valeur seuil de la concentration d’effets fréquents. Cette étude exhaustive décrirait une réalité plus complexe et plus étendue que l’étude Pangeos rendue publique par le Port. Son absence dans la documentation apparaît d’ailleurs à Nature Québec comme anormale. Les 45 000 mètres cubes de sédiments contaminés identifiés par l’étude Pangeos ne sont en outre pas les seuls sédiments problématiques. Ceux qui sont contaminés à un niveau inférieur, ≤ CEF (concentration d’effets fréquents), mais > CEO (concentration d’effet occasionnel), doivent également être manipulés avec circonspection puisque, comme l’indiquent Environnement Canada et le MDDELCC : 77

Voir l’annexe « Analyse et questions sur la gestion des sédiments à excaver dans le cadre du projet Beauport 2020 » pour plus d’informations 78 Gouvernements du Canada et du Québec (1993). Plan d’action Saint-Laurent, bilan 1988-1993. p.28 79 LABRECQUE, M. (2015). Occupation des berges du côté nord du fleuve Saint-Laurent entre les rivières Saint-Charles et Montmorency, Période de 1608 à 2015. Préparé pour l’administration portuaire de Québec. 11 pages + annexes. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

31 « La probabilité de mesurer des effets biologiques néfastes est relativement élevée, et elle augmente avec la concentration. Le rejet en eau libre ne peut être considéré comme une option valable que si l’innocuité des sédiments pour le milieu récepteur est démontrée par des tests de toxicité et que le dépôt ne contribue pas à détériorer le milieu récepteur »80

Une partie des sédiments éventuellement dragués sont donc contaminés, ne pourront être rejetés en eau libre voir, étendus sur la terre ferme. Ils devront être traités ou confinés de façon sécuritaire, selon Environnement Canada. Tel que mentionné précédemment, Nature Québec n’a malheureusement pas en main les résultats de l’étude Qualitas qui lui permettrait de connaitre la quantité de sédiments contaminés supplémentaire dont il est question.

Des échantillons récoltés à une profondeur de 20 cm, alors qu’on draguera jusqu’à 16 mètres de profondeur ! La méthode d’échantillonnage retenue par la firme Pangeos dans son étude complémentaire (étude 24) laisse pour le moins songeur. L’échantillonnage des sédiments de surface du fond marin a été réalisé, par plongée, le 5 et 6 novembre 2015, avec une équipe de scaphandriers professionnels. À chaque station d’échantillonnage, un prélèvement manuel des sédiments du fond marin a été réalisé. Chaque prélèvement a été réalisé sur une profondeur de l’ordre de 0,2 mètre du fond marin (20 cm de profondeur). Précisons d’emblée qu’il s’agit d’un échantillonnage de surface qui ne nous informe pas sur la qualité des sédiments sous-jacents. Sachant que l’APQ entend atteindre une profondeur de 16 mètres à son nouveau quai, il est évident qu’il faudra à plusieurs endroits excaver les sédiments sur plusieurs mètres et non pas se contenter d’un dragage de surface. Les activités portuaires et industrielles à Québec ayant été moins bien encadrées dans le passé qu’actuellement et les sédiments correspondant à des périodes de plus en plus anciennes au fur et à mesure que l’on s’enfonce en profondeur, il est fort possible que la nature des sédiments et leur niveau de contamination ne soient pas les mêmes en profondeur qu’en surface, la probabilité étant que les sédiments les moins contaminés soient en surface. Des 15 échantillons de surface prélevés dans la zone de dragage projetée dans le cadre de l’étude complémentaire, 3 (20%), tous situés à l’est de la zone de dragage, présentent des signes de contamination importante (matières fibreuses, odeurs de produits pétroliers, concentrations élevées en métaux et en HAP et présence de soufre à des concentrations supérieures aux valeurs seuils proposées). Du point de vue de la qualité de sédiments, il s’agit de sédiments fortement contaminés, de classe 3, dont le rejet en eau libre, s’ils étaient dragués, seraient proscrits et qui devraient être traités ou confinés de façon sécuritaire. D’un point de vue de la qualité des sols, il s’agit de sols de qualité B-C, donc d’une contamination moyenne permettant certains usages. Notons que l’étude Pangeos (2015) n’a pas révélé la présence de sédiments contaminés au-delà du critère C dans les sols, sédiments qui se trouvent pourtant dans le secteur visé selon l’étude exhaustive effectuée en 2012 par Qualitas. On ne peut donc conclure sur le niveau de contamination des sédiments à partir de la seule étude Pangeos, d’autant plus

80

Voir page 8 du document sectoriel 24 de l’étude complémentaire de Pangeos. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

32 que l’étude Qualitas (tel que cité partiellement par Pangeos) indiquerait une contamination supérieure par endroits. Il est nécessaire de rendre publics les résultats de l’étude Qualitas, de vérifier la bonne corrélation des données et de refaire au besoin les échantillons de Pangeos à une profondeur représentative du dragage envisagé.

Figure 6 Zones de sédiments contaminés (Source : l'ÉIE du projet Beauport 2020)

La remise en suspension de sédiments contaminés : un risque pour la faune…et les bélugas Tel que décrit dans l’ÉIE, l’APQ prévoit draguer mécaniquement les sédiments contaminés, les placer dans une barge pour les amener au bord du quai 53, les transférer avec un godet «étanche» dans des camions à benne «étanche» et de les transporter à un bassin de décantation 81. Cette façon de faire totaliserait plusieurs manipulations ayant chacune leur part de risque et de pertes. Déjà, retirer des sédiments contaminés sans remettre une partie des contaminants en suspension représente un défi technique majeur, au point où, dans le cadre du Plan d’action Saint‐Laurent, le choix a été le plus souvent de les laisser en place plutôt que de tenter de les retirer. La remise en suspension de sédiments contaminés dans la colonne d’eau pourrait avoir pour effet de redistribuer ces contaminants dans l’ensemble de la chaîne alimentaire. Or, comme plusieurs des espèces recensées dans le secteur du port sont migratrices – comme Bécasseau semipalmé -, les 81

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 1 – Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, Partie 3 Description du projet, p. 3-32 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

33 répercussions pourraient se faire sentir bien au-delà de la zone d’étude. Les espèces qui occupent un niveau trophique élevé pourraient donc absorber ces contaminants par l’entremise des proies qu’elles consomment, et les accumuler dans leur organisme (bioaccumulation)82. Cet enjeu constitue un obstacle aux efforts de rétablissement de plusieurs espèces en péril, dont le béluga du Saint-Laurent. À ce titre, la réduction de contaminants chez cette espèce, ses proies et son habitat constituent le 1er objectif du plan de rétablissement : poursuivre le nettoyage des sites terrestres et aquatiques contaminés dans le bassin du Saint-Laurent et des Grands Lacs 83.

Informations manquantes dans l’ÉIE Au-delà de l’évaluation du volume de sédiments contaminés et de la méthode de dragage qui suscitent certains questionnements, l’ÉIE demeure vague sur plusieurs points concernant la manutention et la gestion des sédiments contaminés, dont la décantabilité des sédiments dragués, la disposition de ces sédiments, le type de drague qui serait utilisé, ainsi que le pourcentage de sédiments qui s’échapperaient dans le fleuve lors des opérations. D’autres aspects comme l’entretien de la voie navigable pour assurer le passage sécuritaire des navires à fort tonnage dans le secteur du sud-est de l’île d’Orléans ne sont pas précisés. La navigation pour des navires de 15 m de tirant d’eau est difficile et hasardeuse dans ce secteur, car, au zéro marégaphique, le chenal de navigation ne fait que 12,5 m de profondeur84. Ces navires doivent donc franchir 16,5 km dans une fenêtre plutôt serrée de marée haute, les exposant ainsi à des situations difficiles si un ennui mécanique survenait lors du trajet. L’arrivée de tels navires pourrait porter à augmenter la fréquence ou l’importance des dragages d’entretien du chenal de navigation qui ont aussi des conséquences néfastes sur l’habitat du poisson.

La technologie de traitement des matériaux contaminés par stabilisation et solidification (S/S) : une technologie peu populaire et risquée

Le Port de Québec privilégie, pour le traitement des sols contaminés accumulés actuellement sur son site et pour les sédiments contaminés qui seront dragués pour son projet Beauport 2020, la technique de stabilisation et solidification. Le document « Lignes directrices sur la gestion des matières résiduelles et des sols contaminés traités par stabilisation et solidification » du Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) décrit la stabilisation-solidification ainsi : «Contrairement à d’autres techniques de traitement où les contaminants sont enlevés ou détruits, la stabilisation et la solidification consistent à utiliser un liant afin de 82

MPO (2012). Programme de rétablissement du béluga (Delphinapterus leucas), population de l’estuaire du Saint-Laurent au Canada, Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada, Ottawa, p. 18 83 MPO (2012). Programme de rétablissement du béluga (Delphinapterus leucas), population de l’estuaire du Saint-Laurent au Canada, Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada, Ottawa, p. 18 84 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 1 – Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, Partie 2, Justification et autres moyens de réaliser le projet, p. 2-49 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

34 transformer une matière résiduelle ou un sol contaminé en un solide monolithique. Les contaminants sont fixés (stabilisation) et encapsulés (solidification) dans le monolithe de façon à réduire leur mobilité et leur toxicité »85. En somme, la contamination reste donc entière, mais devient non mobile, du moins tant que le liant joue son rôle. Il n’y a eu que deux seuls projets de S\S effectués au Québec. Sachant qu’il se traite annuellement, par d’autres techniques (ayant celle-là le mérite d’enlever et de détruire les contaminants) dans l’un ou l’autre des 30 centres de traitement installés au Québec, environ 700 000 tonnes de sol contaminé par année et qu’il s’en enfouit dans des lieux sécuritaires spécialement conçus pour les recevoir (5 au Québec) plusieurs autres centaines de milliers de tonnes, le tout généré dans le cadre des centaines de projets de réhabilitation de terrains contaminés, il est éloquent de savoir qu’au fil des ans, la S/S n’a été appliquée qu’à deux projets. Il s’agit donc d’une technique rarement, utilisée au Québec pour réhabiliter des terrains contaminés. Mais c’est la technique retenue par l’APQ. L’étude en annexe du présent mémoire décrit en détail les risques liés à l’utilisation de cette technologie dans le port de Québec, tant par rapport à la nature des sédiments qu’en lien avec l’endroit où les monolithes stabilisés et contaminés seraient confinés. Contentons-nous de noter ici (voir l’annexe pour plus de détails) que : les contaminants organiques comme les hydrocarbures pétroliers ont un effet négatif sur le développement des liens cimentaires en formant une couche protectrice autour des grains de ciment. Les contaminants organiques comme les hydrocarbures pétroliers ont un effet négatif sur le développement des liens cimentaires en formant une couche protectrice autour des grains de ciment. En conséquence, il est peu probable que le traitement de contaminants organiques par stabilisation et solidification aboutisse à une matrice qui pourra respecter les critères de résistance physique après immersion. À ce propos, on se rappellera que l’on a noté sur les échantillons de sédiments S-416, S-417 et S-418 de l’étude Pangeos (2015) une odeur légère à modérée de produits pétroliers. Ces sédiments pourraient donc être rébarbatifs à la S/S. Le document Lignes directrices du MDDELCC se termine par une mise en garde concernant la nécessité de s’assurer du rendement intrinsèque du procédé de stabilisation et de solidification : « Le plus souvent, il s’agira de prolonger la durée de vie du monolithe à très long terme en le confinant ainsi qu’en contrôlant et en suivant l’efficacité du confinement. Par exemple, les conditions climatiques très rigoureuses du Québec pourraient avoir pour effet de dégrader le monolithe et de permettre la diffusion des contaminants dans l'environnement. Dans certains cas, le béton de construction, lorsqu’il est mal protégé, résiste moins bien au gel/dégel, à la pluie, aux sels de déglaçage, etc. »

85

MDDEFP (2012). Lignes directrices sur la gestion des matières résiduelles et des sols contaminés traités par stabilisation et solidification, avril 2012, en ligne, http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/matieres/mat_res/ld -gestion-matres-solsstabilisation-solid.pdf, page consultée le 7 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

35 Pour ces raisons, la bonne pratique requiert que le monolithe ne soit pas exposé aux intempéries, même si tous les critères de rendement de la stabilisation et de la solidification sont respectés. Le plus fréquemment, le monolithe est recouvert et l’on fait en sorte qu’il ne vienne pas en contact avec les eaux de surface et les eaux souterraines. Utilisés dans une opération de remblayage du Saint-Laurent, sans garantie que les eaux ruisselant sur le pavage qui les couvriront ne finiront pas par ruisseler jusqu’à eux ou qu’ils ne tremperont occasionnellement dans les eaux des marées, l’intégrité des monolithes nous semble, à la lumière des recommandations du MDDELCC, utopique.

3.4 LE LEURRE DES HABITATS DE COMPENSATION Dans tout projet, lorsque la perte d’habitat ne peut être évitée, ou que les mesures d’atténuation ne suffisent pas à contrer les effets négatifs, le dernier recours consiste à compenser les effets résiduels. Dans l’ÉIE du projet Beauport 2020, l’APQ mentionne que lorsque les effets négatifs résiduels du projet sont identifiés comme étant importants, elle « mettra en place, dans la mesure du possible, des aménagements ou des projets de compensation, dans les limites territoriales du Port de Québec »86. Par contre, force est de constater que la réflexion ne va pas bien loin au-delà de cette affirmation. En dépit du fait que des projets de compensation sont mentionnés pour les poissons et pour les oiseaux, aucun plan de compensation n’est présenté dans l’ÉIE. Par ailleurs, l’APQ n’établit aucune cible (indicateur de rendement) pour les projets de compensation et les ressources financières allouées à la création et à l’entretien de ceux-ci ne sont pas présentées. À ce stade, les résultats escomptés demeurent hautement hypothétiques et la démarche relève essentiellement de l’improvisation, tel que le démontre l’exemple ci-dessous, tiré de l’ÉIE: « Quant à la destruction de la plage de sable-galet utilisée de façon marquée par les limicoles comme halte migratoire automnale, la création d’un habitat de compensation pourrait augmenter l’utilisation du rentrant sud-ouest par ces oiseaux et possiblement attirer des espèces qui se limitaient principalement à la plage de sable-galet. Dans un tel cas, l’ampleur de l’effet serait réduite à un niveau modéré, ce qui donne une valeur mineure à l’effet résiduel. Cet effet est considéré comme probable, car il y a peu de doute que la perte d’un habitat fortement utilisé réduira le nombre d’oiseaux présents, mais l’ampleur exacte de l’effet est difficile à prévoir et dépendra en bonne partie du succès de l’habitat de 87

compensation.» .

Dans l’ÉIE, les opportunités pouvant offrir des milieux de compensation productifs et diversifiés devraient être identifiées et détaillées afin que leur faisabilité et leur potentiel écologique puissent être évalués rigoureusement. Quelques sections de l’ÉIE présentent sommairement des propositions, mais visiblement, aucune étude sérieuse n’a été entreprise pour valider la pertinence et l’efficacité des 86

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 3 – L’évaluation des effets (suite), partie 14. Sommaire de l’évaluation des effets environnementaux, p. 14-1 87 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-171 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

36 aménagements. Par exemple, dans la section 8.2.4.2 de l’ÉIE, figure une carte présentant les superficies d’habitats aquatiques perturbés et perdus (figure 7)88. On y indique l’emplacement des aménagements projetés pour compenser la perte d’herbiers aquatiques. Toutefois, la création de l’aménagement 1, situé dans la zone intertidale du rentrant sud-ouest, chevauche des habitats productifs d’une grande importance pour certains groupes d’oiseaux comme les limicoles et les laridés.

Une vision à long terme qui fait défaut L’APQ perd sa crédibilité quant à l’efficacité et la durabilité des mesures de compensation lorsqu’on constate que le projet Beauport 2020 empiétera sur 460 m2 d’habitat de compensation pour le poisson réalisé dans le cadre des travaux aux quais 49 et 103.89 L’APQ affirme également que le nichoir à hirondelles de rivage qui a été construit en 2015 sera détruit puis réaménagé dans un autre endroit, et ce à quatre reprises90. Malgré les précautions qui sont énumérées pour maximiser les chances du succès de ces opérations, la multiplication du nombre de manipulations augmente considérablement les risques d’erreurs. Par exemple, un simple retard sur l’échéancier des travaux, ou une erreur de granulométrie du substrat utilisé pourraient compromettre l’utilisation de l’aménagement par les hirondelles. Il est important de noter ici que le projet Beauport 2020 entraînera la perte définitive du milieu naturel (plage) qui était utilisé par les hirondelles de rivage avant la construction du nichoir. Ceci signifie que la pérennité de cette colonie reposera désormais entièrement sur le succès du projet de compensation. Cela soulève donc des questions quant à la durabilité de ce projet de compensation. Pour conserver son efficacité, ce type d’aménagement requiert un entretien récurrent (recharge en sable, coupe du talus, etc.). Étant donné la précarité de cette situation, quelles sont les dispositions (logistiques, techniques, financières, etc.) et les garanties que prendra le port pour assurer l’entretien adéquat de cet aménagement dans le futur? Cette question prévaut également pour l’aménagement destiné à l’engoulevent d’Amérique, une espèce désignée menacée au Canada et susceptible d’être menacée ou vulnérable au Québec, dont la nidification a été confirmée sur les terrains du port en 2015.91

88

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-164 89 Administration portuaire de Québec (2015). Projet d’agrandissement du Port de Québec, Beauport 2020. Construction d’un nouveau quai multifonctionnel en eau profonde. Information relative au projet, p. 34 90 Administration du port de Québec. (2016) Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-182 et p. 8-183. 91 GHD Consultants Ltée (2015). Inventaire fauniques – Oiseaux et tortues. Projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde au port de Québec – Beauport 2020, secteur de Beauport. Rapport préparé par Mme Caux et Mme Sauvageau pour l’Administration portuaire de Québec. p. 11 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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Figure 7 Carte des superficies d'habitats aquatiques perturbés et perdus (Source : l'ÉIE du projet Beauport 2020)

Des habitats qui ne seront pas compensés Selon les Lignes directrices pour la conservation des habitats fauniques énoncées par le gouvernement du Québec, le principe « Aucune perte nette d’habitat faunique» constitue le fondement à la base de la conservation des habitats fauniques et doit être considéré comme prioritaire. Ce principe vise à « conserver, de façon durable, les diverses composantes des habitats fauniques, et ce, tant en ce qui a trait à des superficies qu’à des caractéristiques fonctionnelles. Le concept de «aucune perte nette d’habitat» s’applique aux éléments déterminants sur le plan biologique, physique ou chimique des habitats, et en fonction des rôles qu’ils occupent dans le maintien ou le développement des espèces fauniques »92. Par ailleurs, il est recommandé qu’en plus de ne viser aucune perte nette d’habitat faunique, il faut en fait chercher à obtenir un gain d’habitat. Malheureusement, ce principe ne semble pas faire partie de la démarche environnementale du Port de Québec. Certains habitats, sous prétexte qu’ils sont de petite superficie, qu’ils n’abritent pas un grand 92

MINISTÈRE DES FORÊTS, DE LA FAUNE ET DES PARCS (2015). Lignes directrices pour la conservation des habitats fauniques (4e édition), Direction générale de la valorisation du patrimoine naturel, p.10 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

38 nombre d’espèces fauniques ou qu’ils sont dégradés, sont banalisés dans l’ÉIE. C’est le cas de l’arboraie de 1,4 ha située en haut de plage (dont a dégradation est directement attribuable aux activités du port)93 : « Cette arboraie présente un taux de fragmentation et de perturbation élevé en raison du passage répété des véhicules et des travaux qui ont cours (lieu d’entreposage de déblais). Depuis 2015, des remblais y ont été apportés et le sol a été nivelé »94. Or, parmi les espèces d’oiseaux nicheurs probables ou confirmés recensés dans la zone de chantier, au moins une dizaine d’espèces, dont le Pic flamboyant et la Mésange à tête noire dépendent de la présence d’arbres pour établir leur nid95. En plus des oiseaux, deux espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables, soit la Chauve-souris cendrée et la Coccinelle à deux points, sont potentiellement présentes dans la ZC et sont étroitement associées à la présence d’arbres96. À l’ère ou les projets de verdissement en milieu urbain se multiplient pour lutter contre les îlots de chaleur et pour favoriser une plus grande biodiversité, Nature Québec constate que l’APQ est encore loin derrière en matière de réflexion environnementale.

3.5 AUTRES OBSERVATIONS SUR LES IMPACTS DU PROJET Dans l’ÉIE du Port de Québec, les conclusions concernant l’importance des effets résiduels associés à la phase de construction sont peu étayées ou crédibles. Ainsi, l’APQ affirme : «À la suite de l’application des mesures d’atténuation, l’ampleur des effets résiduels sur les poissons est jugée moyenne en raison des superficies impliquées et des distances avec les habitats sensibles. Son étendue couvre la ZC et l’effet a une durée moyenne. Ils se produisent régulièrement, mais sont réversibles. Par conséquent, les effets négatifs résiduels sont considérés comme mineurs et non importants»97.

93

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-151 94 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-6 95 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-75 et 8-76 96 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-94 97 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-94, p.8-163 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

39 Importance de l’habitat pour la faune aquatique : Informations contradictoires Selon l’ÉIE, les quatre espèces les plus abondantes susceptibles d’êtres touchées par le projet ont été rencontrées à la plage de la baie de Beauport. Parmi elles, on retrouve deux espèces à statut précaire (Bar rayé et Alose savoureuse) qui la fréquentent à marée haute. Pourtant, l’APQ déclare que les plages sont de moindre importance pour les poissons et leur attribue une valeur globale «moyenne».98 Après avoir décrit, à la section 8.14 de l’ÉIE, l’importante fréquentation du site par une communauté aquatique riche et diversifiée comportant entre autres des espèces de poisson à statut précaire, des espèces d’intérêt sportif et des espèces d’intérêt commercial, le promoteur avance la conclusion suivante : «Le milieu aquatique qui sera perdu (quai et brise-lames) ou perturbé (zone de dragage) par le projet aura un effet relativement faible sur le réseau alimentaire et sur la production piscicole de la ZC. En effet, ce milieu composé principalement d’une plage de sable ou de caillou exondée à marée basse et d’un mélange de sable et de roche dans la zone immergée en permanence, constitue un habitat d’alimentation de qualité moyenne, avec une densité d’organismes benthiques relativement faible et peu d’abris pour les poissons (Englobe, 99

2016e). Ce type d’habitat n’est essentiel pour aucune espèce présente dans le milieu» .

Présence de frayères À la section 8.1.2.3 de l’ÉIE, l’APQ affirme qu’aucune frayère n’est présente dans la ZC100. Or, dans la présentation des résultats d’inventaires, la capture de Barrets matures sexuellement et de jeunes de l’année mène l’APQ à conclure qu’il y a probablement une frayère dans le secteur.101 Plus loin dans l’étude, sans étayer cette affirmation, l’APQ avance que cette frayère potentielle serait à 600 m des surfaces remblayées ou draguées.102

98

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-39 et 8-47 99 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-167 100 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-17 101 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-41 102 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-161 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

40 Informations manquantes et omissions Amphibiens et reptiles Dans l’ÉIE, il est indiqué qu’aucune tortue n’a été recensée lors des inventaires et que les marais intertidaux ne sont pas considérés comme ayant une grande importance pour ces espèces103. Vraisemblablement, les aspects suivants n’ont pas été considérés : 

Les amphibiens et les reptiles sont moins bien connus du public en général que les oiseaux, les mammifères ou même les poissons et sont donc moins sujets à faire l’objet de mentions dans les Atlas. Cela explique aussi que certaines mentions soient concentrées à un seul endroit, comme pour le crapaud d’Amérique par exemple ;



Les espèces rares échappent plus facilement à l’observation (la tortue géographique est de plus réputée craintive et discrète). D’ailleurs, l’Atlas des amphibiens et reptiles du Québec (AARQ) recense une observation de tortue géographique (espèce désignée préoccupante selon l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada et vulnérable selon la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV) du Québec) à Maizerets en 2007.104 Il s’agit d’une mention digne d’intérêt pour cette espèce rare;



La productivité des marais intertidaux peut avoir une influence locale ou régionale sur les ressources alimentaires des tortues;



Si la tortue serpentine et la tortue géographique retrouvaient un jour leur ancien niveau d’abondance, elles auraient besoin de ces habitats à juste titre.

Mammifères terrestres L’observation d’arbres rongés le long du fleuve atteste de la présence du castor du Canada105. Cette espèce devrait être ajoutée à la liste des espèces susceptibles d’être rencontrées dans le secteur du projet (tableau 8.12 de l’ÉIE). Impacts liés au rechargement de la plage L’ÉIE mentionne que le rechargement de la plage pourrait générer l’apport de matières en suspension MES (partie silteuse des matériaux dragués) dans l’habitat du poisson106. À la section 8.2.4, il est également indiqué que le dragage pourrait générer des MES qui affecteraient les larves et les jeunes

103

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet p.8-17 104 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-122 105 Commentaire de Guy Trencia (observation personnelle). 106 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 1 – Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, Partie 3 Description du projet, p. 3-45 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

41 poissons de l’année.107 Il n’y a cependant aucune information concernant la destruction de l’habitat du poisson par remblayage. Par ailleurs, toujours dans la même section, l’APQ affirme que le projet n’aurait aucun effet potentiel sur la migration des poissons sauf ceux à statut précaire, sans expliquer davantage cette conclusion surprenante.

Questions Critères de détermination de l’importance d’une espèce  Dans la section « caractérisation de la communauté ichtyenne » de l’ÉIE, l’APQ affirme que mis à part les esturgeons et la perchaude, les «autres espèces présentent peu d’intérêt»108. Or, les inventaires font état de la présence de dorés jaune et noir, de barets, de brochets et d’achigans, toutes des espèces recherchées par les pêcheurs sportifs. Sur quels arguments se base l’APQ pour déterminer l’importance d’une espèce? Impact des activités de la phase d’exploitation  L’ÉIE mentionne que « le transbordement, l’entreposage et la manutention, l’entretien des ouvrages et des aménagements, le dragage d’entretien et la gestion des sédiments, ainsi que l’entretien de la plage durant la phase d’exploitation pourraient entraîner des effets non désirés sur la faune. Cependant, l’APQ affirme « que les activités au nouveau terminal seront de même nature que celles ayant cours actuellement et aucun risque de contamination supplémentaire lié, par exemple, au transbordement de produit minier, pétrolier ou autre, ne sera ajouté à l’exploitation future»109. Comment une augmentation du volume de marchandise, une hausse des opérations de manutention, et un accroissement de la superficie des sites à entretenir pourraient n’engendrer aucun risque supplémentaire? Choix de la méthode de dragage  La méthode privilégiée pour le dragage de sédiments contaminés implique plusieurs étapes (drague mécanique, transfert dans des camions, transport au bassin de décantation) ayant chacune leur part de risque et de pertes110. Pourquoi l’APQ n’a pas envisagé de pomper directement les sédiments de la drague au bassin par un tuyau? De cette façon, la perte de sédiments dans l’habitat du poisson serait sans doute moins importante.

107

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-161 108 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projetp.8-43 109 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 2 – L’évaluation des effets sur les milieux physique et biologique, partie 8. Description du milieu biologique et évaluation des effets du projet, p.8-163 110 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 1 – Le projet, ses assises et la participation citoyenne et autochtone, Partie 3 Description du projet, p. 3-32 Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

42 En résumé, par ses informations manquantes ou contradictoires concernant notamment la valeur écologique des habitats dans leur ensemble, la présence de frayères ou d’espèces vulnérables, la gestions des sédiments contaminés, les mesures de compensation, les risques associés à l’augmentation des activités de transbordement prévu, ainsi que l’importance des bouleversements passés des habitats à proximité de la zone de chantier, Nature Québec conclut que l’Étude d’impact environnemental du Port de Québec sous-estime systématiquement les effets négatifs de son projet Beauport 2020 sur l’environnement. Il en est de même pour ses impacts sur les activités et la sécurité humaines qui sont l’objet de la prochaine section.

FAITS SAILLANTS 

Considérés dans leur ensemble, les empiétements dans les milieux naturels occasionnés par le projet Beauport 2020 représenteront plus de 38 ha de milieux perdus ou modifiés, soit l’équivalent de 72 terrains de football! Ceux-ci viennent s’additionner aux empiétements antérieurs dans le fleuve et les battures de Beauport;



Le projet Beauport 2020 pourrait contrecarrer en partie les efforts réalisés pour restaurer le Saint-Laurent dans lesquels les gouvernements ont investi plus de 716 millions de dollars via le Plan d’action Saint-Laurent;



L’étude d’impact environnemental du Port de Québec fait état de prélèvements de sédiments de 20 centimètres de profondeurs du fond marin. Or, l’aménagement du futur quai du projet Beauport 2020 nécessitera l’excavation en profondeur d’une dizaine de mètres de sédiments, fort probablement beaucoup plus contaminés que les sédiments de surface, en raison des activités industrielles passées dans le secteur;



L’étude d’impact environnemental du Port de Québec demeure vague sur plusieurs points concernant la méthode de dragage et de décantabilité des sédiments, la manutention et la gestion des sédiments contaminés, ainsi que le pourcentage de ceux-ci qui s’échapperaient dans le fleuve lors des opérations;



La remise en suspension de sédiments contaminés dans la colonne d’eau pourrait avoir pour effet de redistribuer ces contaminants dans l’ensemble de la chaîne alimentaire, ce qui pourrait nuire aux efforts de rétablissement de plusieurs espèces en péril, dont le béluga du Saint-Laurent;



La méthode Stabilisation/solidification proposée par le Port de Québec pour réhabiliter les sédiments contaminés n’a été testée que deux fois au Québec et comporte son lot de risques;



L’étude d’impact environnemental du Port de Québec n’établit aucune cible (indicateur de rendement) pour les projets de compensation et ne mentionne pas les ressources financières allouées à leur création et leur entretien;



Le projet Beauport 2020 empiétera sur 460 m d’habitat de compensation pour le poisson réalisé dans le cadre des travaux aux quais 49 et 103;



Le nichoir à hirondelles de rivage qui a été construit en 2015 sera détruit puis réaménagé dans un autre endroit à quatre reprises. Malgré les précautions qui sont énumérées pour maximiser les chances du succès de ces opérations, la multiplication du nombre de manipulations augmentera considérablement les risques d’échec de ce projet de compensation.

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Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

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RECOMMANDATION 

L’Agence canadienne d’évaluation environnementale devrait exiger le dépôt par le Port de Québec, de l’étude Qualitas (2012) sur les sédiments dans son intégralité, car elle permettra d’avoir un portrait plus complet de la situation réelle de la contamination des sédiments dans la zone du projet;



Compte tenu : (1) Les risques inhérents à la technologie, aux volumes et à la nature des matériaux contaminés, de l’emplacement où seraient confinés les monolithes (stabilisés, mais toujours contaminés) qui seront soumis aux marées et aux intempéries (2) de l’absence de contrôle par le MDELCC sur un territoire fédéral

Nature Québec demande à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale de ne pas recommander le projet Beauport 2020 tant et aussi longtemps que la valeur des sols contaminés sur le territoire du projet n’aura pas été réévaluée en profondeur et qu’une nouvelle solution au traitement et à l’élimination des sols contaminés n’aura pas été déposée par le Port de Québec.

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4. DES ACTIVITÉS À FORTS IMPACTS SUR LES RÉSIDENTS DE QUÉBEC Si le manque d’information concernant le contenu du projet Beauport 2020 - dont une partie seulement est l’objet de l’évaluation de l’ACEE- rend difficile l’analyse de ses impacts économiques et environnementaux, c’est d’autant plus vrai en ce qui concerne ses impacts sur l’environnement humain. En effet, au-delà des dérangements que pourrait occasionner la phase d’aménagement du quai multifonctionnel sur le paysage, sur certaines activités balnéaires et sur la qualité de l’air, c’est surtout les activités qui s’y dérouleront lors de la phase d’exploitation qui doivent retenir notre attention. Malheureusement, comme mentionné précédemment, il demeure ardu de savoir pour le moment avec exactitude quelles activités de transbordement et d’entreposage auront lieu sur le nouveau quai multifonctionnel prévu, ni quelles matières seront manipulées. Néanmoins, jusqu’à présent, les indices laissés par l’APQ dans son ÉIE nous permettent de conclure que :



L’occupation projetée du quai pour les activités de transbordement et d’entreposage fera une belle place au vrac liquide (62 %);



Les activités de transbordement seront majoritairement maritime (80 %) et en partie terrestre (20 %), ce qui inclut le transport ferroviaire;



Basé sur les activités antérieures du Port de Québec, le vrac manipulé pourrait être composé à ± 17 % de pétrole brut et à ± 21 % de produits chimiques, le reste de vrac solide et de carburants divers (essence, diésel, kérosène, méthanol et éthanol)111.



Basé sur les activités antérieures du Port de Québec, le vrac solide pourrait être composé de minerais de fer, de déchets, de débris métalliques, de charbon, d’autres minerais concentrés, de produits agricoles et de biomasse112.

Bien que ces hypothèses ne puissent être vérifiées, faute de clients confirmés (aux dires du Port) pour le projet jusqu’à présent, deux constats semblent pouvoir être tirés : le projet Beauport 2020 impliquera le transbordement et l’entreposage d’une quantité non-négligeable d’hydrocarbures et de matières dangereuses, de même que de matières pouvant affecter la qualité de l’air. Pour Nature Québec, ces éléments ont des implications pour la sécurité, la santé et les activités humaines. Cette section passe en revue certaines conséquences anticipées de la construction et de l’exploitation du Projet Beauport 2020 sur la sécurité et les activités humaines, notamment le transbordement de 111

Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 3 – L’évaluation des effets (suite), Partie 12. Accidents ou défaillances. 112 RWDI (2016). « Étude de la qualité de l’air : particules et produits de combustibles », Étude sectorielle 73, 29 septembre 2016.

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45 matières dangereuses à proximité de zones densément peuplées, l’atteinte aux paysages et aux activités balnéaires de la Baie de Beauport, ainsi que la persistance des problèmes de pollution atmosphérique.

4.1 L’ENTREPOSAGE ET LE TRANSBORDEMENT DE MATIÈRES DANGEREUSES, UN RISQUE PERMANENT L’entreposage et le transbordement de matières dangereuses comme le pétrole, les carburants et d’autres produits chimiques est toujours accompagné d’un risque de déversement, de contamination, d’incendie ou d’explosion. Une des particularités du Port de Québec est d’être situé à proximité d’une zone à forte densité de population (2800 à 6000 hab/km2 pour les secteurs de La Cité Limoilou et Beauport113), ce qui implique un facteur de risque décuplé pour la santé et la sécurité humaine. De fait, les activités courantes du Port doivent déjà faire l’objet d’une attention particulière à cet égard. Or, la construction de 7 réservoirs de vrac liquide à l’arrière du quai multifonctionnel prévu par le projet Beauport 2020 signifie nécessairement que l’APQ envisage une hausse des activités de transbordement et d’entreposage de matières – dont certaines dangereuses-, une fois le projet entré dans sa phase d’exploitation. Selon les informations fournies par l’APQ, nous savons déjà que ces opérations de transbordement seront à 80 % maritimes et à 20 % terrestre, fort probablement via le réseau ferroviaire qui dessert le Port. Cela nous amène à envisager deux types de risques immédiats : (1) un accident sur le territoire du nouveau quai et des nouveaux terminaux ; (2) un accident ferroviaire impliquant des matières dangereuses en provenance ou en destination du Port, à proximité des zones résidentielles de Québec. Dans le premier cas, les risques d’explosion, de feu de flaque et de nuage de gaz inflammable ont été abordés dans l’ÉIE du Port de Québec, avec leurs conséquences selon le rayon d’impact. À partir d’une étude qu’elle a commandée à la firme JP Lacoursière INC114, l’ÉIE du Port de Québec évoque notamment un scénario d’explosion d’un réservoir de 500 000 barils d’essence rempli à 100 %115 et décrit les conséquences possibles selon le rayon d’action de l’explosion. Dans ce scénario, on remarque que l’explosion mettrait en danger la vie des personnes et la structure des bâtiments dans un rayon de 705 mètres, incluant une bonne partie du Port de Québec et des aménagements balnéaires de la Baie de Beauport (voir figure 8). Au-delà d’un rayon d’un kilomètre, on pourrait également observer des dommages aux mûrs porteurs, des bris de fenêtre et des projections de débris causant des blessures116.

113

VILLE DE QUÉBEC (2002). La population de la ville de Québec et ses arrondissements, en ligne, https://www.ville.quebec.qc.ca/planification_orientations/amenagement_urbain/pdad/docs/final/portrai t_territoire_10a.pdf , page consultée le 8 février 2017. 114 JP LACOURSIÈRE INC. (2016). « Étude des risques technologiques pour le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel au Port de Québec », rapport final réalisé pour le Compte de l’Administration portuaire de Québec, 27 septembre 2016. 115 Administration du port de Québec 2016. Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 3 – L’évaluation des effets (suite), Partie 12. Accidents ou défaillances. 116 JP Lacoursière Inc (2016). « Étude des risques technologiques pour le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel au Port de Québec », rapport final réalisé pour le Compte de l’Administration portuaire de Québec, 27 septembre 2016.

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Figure 8 Rayon d'impact d'une explosion sur les installations de Beauport 2020 (source : JP Lacoursière INC, 2016)

Afin de tempérer ce scénario, qualifié de peu probable dans l’étude, l’APQ indique que le secteur de Beauport dispose d’un système de protection pour lutter contre les incendies et que les pompiers de la Ville de Québec sont, en tant que premiers répondants, familiers avec ces équipements et ces infrastructures (sic). L’APQ ajoute que le futur quai sera muni d’un système de protection contre l’incendie performant et adéquat pour les installations qui seront en place et qu’elle mettra à jour son plan de mesures d’urgence (PMU)117. Néanmoins, la firme JP Lacoursière INC émet d’autres recommandations qui incluent l’application d’un film de polymère sur les fenêtres des bâtiments situés à l'intérieur du périmètre pour éviter les bris de vitres suite au souffle de l'explosion et prend soins d'ajouter qu'«il est impératif de ne pas faire de déchargement de navires lorsque le parc de la baie de Beauport est occupé»118. Pour Nature Québec, de telles recommandations montrent bien l’ampleur de la catastrophe potentielle qui pourrait survenir advenant un accident dans la zone du Projet Beauport 2020. Elles font aussi clairement ressortir un conflit d’usage prévisible avec les activités balnéaires de la Baie de Beauport sur lequel nous reviendrons.

117

Administration du port de Québec 2016. Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 3 – L’évaluation des effets (suite), Partie 12. Accidents ou défaillances 118 JP LACOURSIÈRE INC. (2016). « Étude des risques technologiques pour le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel au Port de Québec », rapport final réalisé pour le Compte de l’Administration portuaire de Québec, 27 septembre 2016. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

47 En ce qui a trait au risque d’accident ferroviaire impliquant des wagons-citernes, il se retrouve essentiellement aggravé par l’augmentation prévue du transbordement qu’occasionnera le projet Beauport 2020 dans sa phase d’exploitation. L’ÉIE du Port de Québec aborde en partie ce problème en ce qui concerne le transfert de vrac liquide dans des wagons sur le prolongement prévu de la voie ferrée du nouveau quai multifonctionnel qui se retrouvera à seulement 65 mètres de la Baie de Beauport119. Pour remédier au risque, l’ÉIE suggère de « localiser les postes de chargement de wagons et de camionsciternes le plus loin possible de la plage de Beauport tout en tenant compte « des impératifs d’opérabilité » 120. Cependant, jamais on ne précise où les postes de chargement seront localisés. Un autre problème avec l’augmentation prévue du transbordement de matières dangereuses par wagonciternes, est la hausse de leur transit en provenance ou en direction du nouveau quai multifonctionnel et de ses terminaux, à proximité de secteurs densément peuplés. En effet, le chemin de voix ferrées qui dessert actuellement le Port de Québec (et qui desservira le projet Beauport 2020) passe à proximité de quartiers résidentiels à forte densité dont Limoilou (voir figure 9).

Figure 9 En rouge, chemins de fer desservant le Port de Québec (source : Google Map)

Cette problématique déborde bien sûr du territoire sous administration portuaire et n’a par conséquent pas été traitée dans l’EÉE du port de Québec. Cela dit, elle serait une conséquence directe de Beauport 2020. Après une tragédie de l’ampleur de celle de Lac-Mégantic, Nature Québec estime que cette question de sécurité publique devrait faire l’objet d’une évaluation indépendante de la part d’un organisme compétent. 119

ANNIE MORIN (2017). « De l’essence trop près de la plage de la Baie de Beauport », Le Soleil, le 8 janvier 2017, en ligne http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/la-capitale/201701/08/01-5057612-de-lessence-trop-pres-deer la-plage-de-la-baie-de-beauport.php , page consultée le 1 février 2017. 120 Administration du port de Québec (2016). Aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde – Beauport 2020, Étude d’impact environnemental – Version amendée – Englobe Septembre 2016, Tome 3 – L’évaluation des effets (suite), Partie 12. Accidents ou défaillances.

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48 4.2 CONFLIT AVEC LES USAGES RÉCRÉATIFS ET LA VALEUR PAYSAGÈRE DE QUÉBEC Outre les risques qu’il comporte pour la sécurité humaine, le projet Beauport 2020 minera inévitablement une partie de l’activité récréotouristique de la région de Québec. Le secteur le plus touché par le projet est bien sûr celui de la Baie de Beauport qui pourrait voir ses usages passablement restreints pendant la phase de construction et d’exploitation du projet. En fait, on ne voit pas bien comment la plage de la Baie de Beauport pourrait opérer des activités de villégiature pendant les 3 années nécessaires à la construction du projet. Il est en effet assez difficile d’imaginer que les activités de navigation de plaisance, de plage et de baignade puissent y être maintenues, alors qu’on procédera au remblaiement de 17,9 hectares à même le fleuve, au brassage de sédiments, à la construction de brises lames, de réservoirs et d’infrastructures portuaires à moins de 100 mètres de la Baie. Même lors de la phase d’exploitation, on voit mal comment les usages récréatifs pourront cohabiter avec le transbordement de matières dangereuses. Comme l’a précisé la firme JP Lacoursière INC, la Baie de Beauport se trouvant en plein dans le rayon d’impact mortel d’une explosion, d’un nuage de gaz inflammable ou d’une flaque de feu, il est inconcevable de procéder au déchargement de navires lorsque le parc de la baie de Beauport est occupé121. Afin de rassurer le public, l’APQ a affirmé plusieurs fois sur ce point que le transbordement de matières dangereuses se ferait hors des heures d’ouverture de la plage. Cela dit, à la séance de consultations publiques de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE) le 2 février 2017, lorsque Nature Québec lui a demandé si elle avait le contrôle sur les horaires de livraison de marchandises de ses clients, l’APQ a répondu par la négative. Également questionnée sur la possibilité qu’elle impose des restrictions à l’horaire des activités de la Baie de Beauport, l’APQ a répondu qu’ « elle travaillait présentement à un scénario afin de limiter le rayon de risque des activités de transbordement »122. Ces propos laissent penser qu’à défaut d’un scénario alternatif pour la sécurité des activités de transbordement de matières dangereuses– peu probable en raison de la proximité du site -, les activités balnéaires de la Baie de Beauport seront suspendues, peut-être plusieurs fois par semaine, une fois le projet en fonction. Après un investissement de 50 millions – dont 19 millions de fonds publics- pour son aménagement en 2008123, l’autorisation de la baignade et un achalandage record en 2016124, c’est un recul important qui se profile pour l’un des seuls accès directs des résidents de Québec à leur fleuve.

121

JP LACOURSIÈRE INC. (2016). « Étude des risques technologiques pour le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel au Port de Québec », rapport final réalisé pour le Compte de l’Administration portuaire de Québec, 27 septembre 2016. 122 Selon ce qu’a indiqué Mario Girard, pdg de l’APQ, lors de la séance de consultations publiques de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE) le 2 février 2017. 123 MÉLANNIE TREMBLAY (2008). « Ouverture de la Baie de Beauport le 21 juin », Réseau Canoë, 9 juin 2008, en ligne, http://fr.canoe.ca/cgi-bin/imprimer.cgi?id=370994, page consultée le 8 février 2017. 124 VALÉRIE GAUDREAU (2016). «Baie de Beauport : un record de férquentation…Sans chiffres », La Presse, 12 octobre 2016, en ligne, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/la-capitale/201610/12/01-5029714-baie-de-beauportun-record-de-frequentation-sans-chiffres.php , page consultée le 8 février 2016. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

49 Sur le plan visuel, le projet Beauport 2020 prévoit certes des aménagements qui doivent bonifier l’expérience des utilisateurs des installations balnéaires de la Baie. Sans les détailler ici, il apparaît à Nature Québec que ces aménagements seront bien cosmétiques par rapport à la perte nette de superficie que doit subir la plage et au paysage qui y sera modifié de manière substantielle du point de vue des utilisateurs (voir figures 10 et 11).

Figure 10 Impact des aménagements de Beauport 2020 sur la superficie de la Baie de Beauport (Source : APQ, Google Earth)

Figure 11 Simulation d'une vue depuis la plage de la Baie de Beaupor t été/hiver, avant et après le projet (Source : Google Map et étude de maîtrise en design urbain de l’Université Laval 125)

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50 De manière générale, notons en outre que l’atteinte à la valeur paysagère de la Capitale-Nationale promet d’être importante. Cela est particulièrement vrai lorsque l’on considère les vues depuis SaintePétronille et depuis la traverse Nord-Est de l’île d’Orléans, chemin notamment emprunté par les navires de croisières et qui donne aux touristes, une vue imprenable sur Québec (voir figure 12).

Figure 12 Simulation d'une vue depuis Sainte-Pétronille,, avant et après le projet ( Source : Étude de maîtrise en design urbain de l’Université Laval125)

4.3 LA PROBLÉMATIQUE DES POUSSIÈRES, BALAYÉE SOUS LE TAPIS La pollution atmosphérique causée par les épisodes de poussières de métaux (dont le nickel) est emblématique des difficultés de cohabitation du Port de Québec avec les quartiers à proximité. Ainsi, des études du ministère de l'Environnement ont démontré que les concentrations de nickel dans l'air de Limoilou étaient beaucoup plus élevées que les seuils acceptables entre 2010 et 2012 et que le Port en était responsable126. Même lorsqu’elles ne dépassent pas les seuils, les concentrations de nickel et de zinc dans Limoilou demeurent significativement plus élevées que dans d’autres quartiers comparables

125

Tiré d'une étude à paraître (14 février 2016) réalisée dans le cadre d'une maîtrise en design urbain par Amandine Mortka, Margot Bluteau-Robbiani, Alejandro Jimenez Pujol et Hubert Barneoud-Arnoulet sous la direction de François Dufaux , directeur de la maitrise en design urbain de l'Université Laval 126 ICI Radio-Canada Québec (2013). « La poussière de nickel dans Limoilou provient du Port », Radio-Canada.ca, 15 avril 2013, en ligne, http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/609141/poussiere-nickel-limoilou-analyses-devoilement-lundi, page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

51 (voir figure 13). D’ailleurs, cette question fait depuis plusieurs années l’objet d’un litige qui oppose les citoyens - qui estiment que leur santé est à risque - à l’APQ et à Arrimage du Saint-Laurent127.

Figure 13 Comparaison des concentrations de poussières selon les quartiers (Source : Vigilance Port de Québec)

Le Projet Beauport 2020 arrive donc dans un contexte où la qualité de l’air des citoyens des quartiers à proximité est déjà affectée et il apparaît à Nature Québec que son promoteur doit faire la preuve hors de tout doute qu’il n’aggravera pas la situation. Malheureusement, l’ÉIE déposée par le Port de Québec est à cet égard peu convaincante. Par exemple, au plan de la caractérisation, l’ÉIE du Port de Québec, conformément aux lignes directrices de l’ACEE, devait documenter la « qualité de l’air ambiant à l’emplacement du projet et dans le bassin atmosphérique susceptible d’être touché par le projet et identifier les sources de rejets atmosphériques directs et indirects ». Or, l’ÉIE omet d’identifier les principales sources d’émission de poussière sur le territoire portuaire et ne mentionne pas les activités de manutention et d’entreposage dans le secteur. De plus, alors que pas moins de 16 stations d’échantillonnage sont disponibles pour caractériser la

127

ICI Radio-Canada Québec (2015). « Contaminants dans Limoilou : un deuxième recours collectif autorisé », Radio-Canada.ca, 4 août 2015, en ligne, http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/732551/poussiere-rouge-recours-collectif-limoilouquebec , page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

52 qualité de l’air de la ville de Québec, seules deux ont été utilisées dans l’étude, dont une qui n’est sous influence des activités portuaires qu’environ 15% du temps, en raison des vents128. Par ailleurs, malgré les inquiétudes répétées de citoyens à cet égard, le promoteur n’a pas pris la peine d’analyser les retombées de poussières liées à ses activités dans son ÉIE. En effet, ces poussières composées de particules plus grossières qui ont tendance à retomber sur des surfaces proches, ne sont pratiquement pas mentionnées dans l’ÉIE- sauf à la phase de construction- bien qu’elles puissent être dommageables pour la santé et les bâtiments129. Pour justifier le peu d’importance accordée aux émanations de poussières dans son évaluation des impacts environnementaux du projet Beauport 2020, l’APQ indique d’une part, que son projet comprendra désormais quatre dômes de vrac solide sous couvert et d’autre part, que les émissions de poussières de métal dans le quartier Limoilou « sont chose du passé »130. Selon Nature Québec, ces affirmations contournent grossièrement le problème. Premièrement, l’APQ peut difficilement se fonder sur les données récentes pour prétendre que la problématique des poussières est réglée, puisque, rappelons-le, le port a connu en 2015 son plus faible tonnage en plus de 10 ans131. Par ailleurs, si les nouvelles installations de vrac solides du projet Beauport 2020 seront sous couvert, rien n’indique que le Port a l’intention de couvrir ses installations actuelles, alors qu’elles pourraient être appelées être utilisées de manière croissante advenant un fort achalandage dans le futur. Également, il nous apparaît improbable que la phase de construction du projet Beauport 2020 ne produise aucune poussière qui vienne s’ajouter à la pollution atmosphérique avec laquelle les citoyens qui habitent à proximité du Port sont déjà aux prises. Pour ces raisons, Nature Québec estime que l’ACEE devrait exiger du Port de Québec, une caractérisation plus exhaustive de la situation des émissions de poussières dans les quartiers avoisinant le Port. Cette caractérisation devrait inclure une analyse des retombées de poussières et les données de l’ensemble des stations d’échantillonnage disponibles. L’ACEE devrait également exiger du Port, qu’il évalue l’impact des travaux de construction du projet Beauport 2020 sur la pollution atmosphérique qui prévaut actuellement. En conclusion, il apparaît à Nature Québec que le projet Beauport 2020, tant dans ses phases de construction et d’opération, aura des impacts importants sur la sécurité et la santé humaine, ainsi que sur la valeur récréotouristique de la Capitale Nationale. À cet égard, nous croyons que l’ÉIE du port de 128

VIGILANCE PORT DE QUÉBEC (2017). « Pour un milieu urbain plus sain ! », Mémoire de l’initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec soumis à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale dans le cadre de la deuxième consultation publique portant sur le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde dans le Port de Québec- Beauport 2020, février 2017. 129 VIGILANCE PORT DE QUÉBEC (2017). « Pour un milieu urbain plus sain ! », Mémoire de l’initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec soumis à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale dans le cadre de la deuxième consultation publique portant sur le projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde dans le Port de Québec- Beauport 2020, février 2017. 130 ISABELLE PORTER (2017). « Port de Québec : La pollution n’est plus un problème, affirme Mario Girard », Le Devoir, 17 janvier 2016, en ligne, http://www.ledevoir.com/politique/ville -de-quebec/489388/port-de-quebec-lapollution-n-est-plus-un-probleme-affirme-mario-girard, page consultée le 5 février 2017. 131 ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC (2016). Rapport annuel 2015, http://www.portquebec.ca/a-propos-duport/administration-portuaire/rapport-annuel, 28 avril 2015, page consultée le 5 février 2017. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Qué bec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

53 Québec ne répond pas à l’ensemble des questions et qu’il est du devoir de l’ACEE de préserver la confiance des citoyens en demandant des précisions au Port de Québec sur son projet.

FAITS SAILLANTS 

Les installations balnéaires de la Baie de Beauport se trouvent dans un rayon d’impact potentiellement mortel advenant l’explosion d’un des futurs réservoirs du projet Beauport 2020;



Le projet Beauport 2020 entraînera fort probablement une augmentation du transport ferroviaire de matières dangereuses à proximité de quartiers densément peuplés comme Limoilou;



L’Administration du Port de Québec est incapable de garantir que le projet Beauport 2020 ne limitera pas l’accès à la baignade, à la plage et à la navigation de plaisance à la Baie de Beauport, durant sa construction et son exploitation;



Seul 2 des 16 stations d ‘échantillonnage disponibles sur le territoire de Québec ont été utilisées par le Port de Québec pour analyser son impact sur la qualité de l’air.

RECOMMANDATIONS 

Nature Québec demande à l’ACEE qu’elle exige du Port de Québec qu’il bonifie son étude d’impact environnemental en ce qui a trait aux impacts de son projet sur la sécurité et la santé humaine en : 1) Précisant l’endroit exact où les postes de chargement de wagonsciternes seront localisés; 2) Effectuant une caractérisation plus exhaustive de la situation des émissions de poussières dans les quartiers avoisinant le Port, incluant une analyse des retombées de poussières et utilisant les données de l’ensemble des stations d’échantillonnage disponibles ; 3) Évaluant l’impact des travaux de construction du projet Beauport 2020 sur la pollution atmosphérique qui prévaut actuellement.



Nature Québec demande à l’ACEE que l’augmentation prévue du transport ferroviaire de matières dangereuses à proximité de quartiers densément peuplés découlant du projet Beauport 2020, fasse l’objet d’une évaluation indépendante de la part d’un organisme compétent.

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CONCLUSION Le projet Beauport 2020 du Port de Québec représente un chantier titanesque, en plein cœur des milieux naturels des battures de Beauport et du fleuve Saint-Laurent, ainsi qu’à proximité des quartiers centraux de Québec. Déjà à ce titre, il devrait faire l’objet d’une évaluation beaucoup plus large que celle qui est actuellement en cours sous l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE). Néanmoins, en participant à ce processus, Nature Québec a déjà remarqué plusieurs lacunes qui entachent l’étude d’impact environnemental déposée par l’Administration portuaire de Québec et qui ont été exposées dans le présent mémoire. Ces lacunes, ces manquements, ces contradictions, ces erreurs sont multiples et soulèvent des questions importantes quant à la justification économique du projet, son impact sur les milieux naturels et les espèces vulnérables – notamment son manque de réponse quant à la présence et à la gestion des sédiments contaminés - ainsi que ses risques pour la santé et la sécurité humaine dans les phases de construction et d’exploitation. Du surcroit, Nature Québec se questionne sur la valeur économique d’un projet qui ne prend aucunement en considération les coûts associés à la disparition définitive d’au moins 17,9 hectares d’habitats aquatiques enlevés au fleuve et l’impact négatif qu’il aura sur la valeur récréotouristique de la Baie de Beauport et de la région de Québec. Au vu de ces faits, Nature Québec pense qu’il est de la responsabilité de l’ACEE de faire preuve d’une grande rigueur et d’exiger du Port de Québec toute information nécessaire à l’évaluation de son projet Beauport 2020, de même toute information identifiée comme pertinente par Nature Québec dans ce mémoire et par les autres intervenants qui participent au présent processus d’évaluation. Nature Québec demande également à l’ACEE, dans son futur rapport, de prendre en compte et de retenir dans l’état actuel du projet un scénario de non-réalisation et la recommandation de développer un projet d’optimisation des infrastructures actuelles du Port de Québec en lieu et place du projet Beauport 2020. Finalement, Nature Québec demande au gouvernement fédéral de reconnaître le statut particulier du port de Québec qui abrite les plus vieilles installations portuaires au pays, une situation qui représente un défi certain au plan économique, environnemental, sécuritaire et de santé publique. En ce sens, le gouvernement fédéral devrait également évaluer la possibilité d’octroyer une aide spéciale qui priorise l’optimisation et la modernisation de des infrastructures du Port, à la hauteur des sommes estimées nécessaires par l’Administration portuaire de Québec.

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RECOMMANDATIONS 1. Étant donné les fortes préoccupations du public, l’importance des impacts naturels et humains du projet et la nécessité d’éviter des litiges juridiques interminables sur des éléments de nature constitutionnelle, Nature Québec suggère à l’ACEE de recommander au ministre d’appliquer l’Entente Canada-Québec en matière d’évaluation environnementale signée en 2010 et de reprendre l’évaluation du projet Beauport 2020. 2. Nature Québec demande à l’ACEE de s’assurer que le Port de Québec fournisse publiquement toute information jugée pertinente ou toute étude supplémentaire pour combler les lacunes de l’actuelle ÉIE pour le projet Beauport 2020, avant même la rédaction de tout projet de rapport. 3. Nature Québec demande au gouvernement fédéral de reconnaître le statut particulier du port de Québec qui abrite les plus vieilles installations portuaires au pays et de lui octroyer une aide spéciale qui priorise l’optimisation et la modernisation de ses infrastructures en lieu et place d’un projet d’expansion. 4. Nature Québec demande à l’ACEE de s’assurer que toute l’information sur les futurs clients et les matières transportées en lien avec le projet lui soit acheminée en temps réel pour pouvoir juger de la pertinence et de la justification du projet d’infrastructure. 5. L’Agence canadienne d’évaluation environnementale devrait exiger le dépôt par le Port de Québec, de l’étude Qualitas (2012) sur les sédiments dans son intégralité, car elle permettra d’avoir un portrait plus complet de la situation réelle de la contamination des sédiments dans la zone du projet; 6. Compte tenu : (1) Les risques inhérents à la technologie, aux volumes et à la nature des matériaux contaminés, de l’emplacement où seraient confinés les monolithes (stabilisés, mais toujours contaminés) qui seront soumis aux marées et aux intempéries (2) de l’absence de contrôle par le MDELCC sur un territoire fédéral Nature Québec demande à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale de ne pas recommander le projet Beauport 2020 tant et aussi longtemps que la valeur des sols contaminés sur le territoire du projet n’aura pas été réévaluée en profondeur et qu’une nouvelle solution au traitement et à l’élimination des sols contaminés n’aura pas été déposée par le Port de Québec. 7. Nature Québec demande à l’ACEE qu’elle exige du Port de Québec qu’il bonifie son étude d’impact environnemental en ce qui a trait aux impacts de son projet sur la sécurité et la santé humaine en : 1) Précisant l’endroit exact où les postes de chargement de wagons-citernes seront localisés; 2) Effectuant une caractérisation plus exhaustive de la situation des émissions de poussières dans les quartiers avoisinant le Port, incluant une analyse des retombées de poussières et utilisant les données de l’ensemble des stations d’échantillonnage disponibles. 3) Évaluant l’impact des travaux de construction du projet Beauport 2020 sur la pollution atmosphérique qui prévaut actuellement. 8. Nature Québec demande à l’ACEE que l’augmentation prévue du transport ferroviaire de matières dangereuses à proximité de quartiers densément peuplés découlant du projet Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

56 Beauport 2020, fasse l’objet d’une évaluation indépendant de la part d’un organisme compétent.

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ANALYSE ET QUESTIONS SUR LA GESTION DES SÉDIMENTS À EXCAVER DANS LE CADRE DU PROJET BEAUPORT 2020 ADDENDUM La prise de connaissance du document intitulé Études préparatoires – Étude environnementale Rapport final (2013) rédigé par le groupe Qualitas suite à une étude de caractérisation de l’estuaire de la Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent menée en 2012 dans le cadre du projet Beauport 2020 nous amène à rédiger cette addendum qui vient compléter l’ANALYSE ET QUESTIONS SUR LA GESTION DES SÉDIMENTS À EXCAVER DANS LE CADRE DU PROJET BEAUPORT 2020 (l’analyse) que nous avons produit pour Nature Québec.

1.

Objet et résultats de l’étude Qualitas (2013)

Les services professionnels de Groupe Qualitas inc. (Qualitas) ont été retenus par l’Administration portuaire de Québec (APQ) à la suite d’un appel d’offres afin d’effectuer des études préparatoires, à la fois géotechnique et environnementale, dans le cadre d’un projet d’aménagement de nouvelles infrastructures portuaires dans le secteur de Beauport du Port de Québec (projet APQ numéro 120 0900). Le document Études préparatoires – Étude environnementale Rapport final (étude sectorielle 23 fourni à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale ) porte spécifiquement sur la partie « étude environnementale ». L’étude porte sur l’aménagement de nouvelles infrastructures portuaires envisagées, soit 1) la construction de ducs d’Albe et 2) l’extension du quai existant. La construction de ducs d’Albe n’apparaissant pas dans l’actuel projet Beauport 2020, cette partie de l’étude ne sera pas considérée. Nous ne considérerons donc que la partie de l’étude portant sur le prolongement du quai. Dans ce secteur, onze forages géotechniques ont été fait et des échantillons de sédiments ont été prélevés à 26 stations environnementales. La position de l’ensemble des sondages à réaliser a été déterminée par l’APQ. En se basant sur le programme d’analyses établi par l’APQ (nombre d’analyses par secteur et par paramètre analytique demandé), des échantillons de sédiment ont été sélectionnés puis transmis au laboratoire analytique AGAT Laboratoires afin que soient réalisées les analyses chimiques suivantes, incluant les duplicatas de terrain : • • •

métaux (balayage de 32 éléments incluant le mercure); hydrocarbures pétroliers (C10 à C50); hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP);

• • • • • • • •

biphényles polychlorés (BPC) par congénère; carbone organique total (COT); azote ammoniacal; • orthophosphates; soufre; pH sur solide; tributylétains (TBT); acides gras et résiniques; composés phénoliques.

La zone de l’extension du quai échantillonnée a été divisée en trois secteurs distincts (4, 5 et 6). Le rapport indique que « On retrouve localement pour les paramètres analysés, des échantillons de sédiment pour lesquels des teneurs en métaux et en soufre dépassent la valeur « C » des critères SOL et pour lesquels des teneurs en métaux et en HAP dépassent la valeur « CEF » des critères CQS (F-204, S-211 et S-213). Pour la majorité des sondages des 3 secteurs présente, pour les paramètres analysés, des échantillons de sédiment pour lesquels des teneurs en métaux, en HAP et en BPC sont inférieures à la valeur « CEO » des critères CQS» (p. 32).

2.

L’ampleur du dragage à effectuer dans la zone de l’extension du quai et la quantité de sédiments contaminés estimée

À la section 3.4.1 du document Beauport 2020 Étude d’impact environnemental Étude amendée Résumé intitulé Dragage des sédiments, il est mentionné que pour permettre les aménagements souhaités, « au total, environ 900 000 m³ de sédiments non contaminés seront dragués, de même que 45 000 m3 de sédiments contaminés ». L’Étude Qualitas (2012) parle pour sa part d’un dragage anticipé total de 968 912 m3 (tableau 40. p.45). On ne s’y avance toutefois pas sur la quantité de sédiments contaminés. Il est à noter qu’aucune des trois études (Qualitas (2013). Pangeos (2015) et PangeosÉTS (2015) ne permet de comprendre comment, à partir des données existantes, on en est arrivé à établir ces volumes, tant pour les sédiments contaminés que non contaminés. Sachant que des précautions particulières devront être prises pendant le dragage et lors d’un éventuel rejet au fleuve pour éviter de le contaminer (voire 5) et qu’une partie de ces sédiments devront obligatoirement, une fois dragués, être ramenés sur terre et traités, on ne peut que souhaiter que l’APQ ait une connaissance plus précise des volumes impliqués et de leur localisation avant de se lancer dans cette opération. 3.

Les documents analysés

Contrairement à ce que nous avons écrit dans l’analyse, l’étude Qualitas (2012) se trouvait dans la liste de documents fournis par l’ADM, sous la description Études préparatoires – Étude environnementale 2013 (étude 23).

4.

La profondeur de prélèvement des échantillons de sédiments, leur nature et leur qualité

Profondeur L’étude complémentaire Pangéos (2015) s’est limité à l’échantillonnage manuel des sédiments de surface du fond (20 cm de profondeur). Il s’agissait donc d’un échantillonnage de surface qui ne nous informait pas sur la qualité des sédiments sousjacents, qui devront aussi être excavés par le Port. Dans l’étude Qualitas (2013), les stations environnementales atteignent des profondeurs maximales de 6 mètres. Dans la majorité des cas, la profondeur a été limitée à 2 ou 3 mètres. De manière générale, un premier échantillon des sédiments a été prélevé dans l’horizon situé de 0 à 1 mètre sous le fond marin et par la suite, à chaque intervalle de 2 mètres. Pour leur part, les forages géotechniques atteignent des profondeurs plus grandes, soit plus de 60 mètres dans certains cas. Un échantillonnage environnemental a été également effectué au sein des forages géotechniques pour les premiers mètres sous le fond marin. Cet échantillonnage environnemental a été limité à environ 6 mètres de profondeur pour la majorité des forages géotechniques et, dans certains cas, a été réalisé jusqu’à 18 mètres de profondeur. Pour les forages géotechniques, l’espacement de l’échantillonnage a été fixé à environ 1,5 mètre par l’APQ. Nature Tel que mentionné précédemment, la zone du quai est divisée en trois secteurs (4, 5 et 6). Les sédiments échantillonnés dans ces secteurs se composent majoritairement de sable. Toutefois, la présence de sédiments composés de silt sableux a été notée au droit des stations S-212 et S-213. Également, des matières fibreuses et des copeaux de bois ont été observés au droit des stations S-211 à S-213 et S-219. Par ailleurs, la présence de blocs et/ou de cailloux est probable au droit des stations S-208, S-215 (et S-215A) et S216 en raison des fragments de cailloux récupérés au sein des carottiers fendus de même qu’un refus de l’enfoncement de ces carottiers. Qualité L’étude Qualitas (2013) permet d’estimer la qualité des sédiments situés plus en profondeur. Cette évaluation a été faite avec les mêmes critères de sols et de sédiments que ceux utilisés dans l’étude Pangeos.

De façon générale, les sédiments apparaissent de bonne qualité. Toutefois chacun des trois secteurs s’avère contenir certains échantillons plus contaminés, dépassant par endroit, dans deux secteurs, le critères C pour les sols (de tels concentrations n’ont pas été retrouvées dans l’étude Pangeos) et la valeur CEF pour les sédiments. Comme dans le cas de l’étude de Pangeos, ces concentrations élevées sont reliés à la présence de métaux ou de soufre. Elles se retrouvent souvent dans du matériel silteux, avec, dans le cas de la zone 5, la présence de matériel fibreux. Il s’agit donc là de sédiments qui se distinguent nettement des autres. En fait, la présence de silt, argileux ou sableux semble toujours être associée à une contamination plus élevée, voire très élevée (stations S-211, S-213 par exemple). Cette contamination se retrouve en profondeur, entre -4,29 et -5,73 m (pour les stations S-211 et S-213) et -11,77 et -12,37 m (pour le forage F-204). Du fait de la mauvaise qualité de ces échantillons l’une des recommandations de l’étude Qualitas (2013) a été : « Afin de préciser l’étendue des secteurs d’exception 5A et 6A pour lesquels une ségrégation devra être réalisée lors des opérations de dragage, nous recommandons une caractérisation complémentaire à ces endroits » (p. 44). Cette caractérisation complémentaire effectuée dans le cadre de l’étude Pangeos a confirmé la mauvaise qualité des sédiments de ce secteur, non seulement en profondeur comme dans l’étude Qualitas (2013) mais également en surface. Les sédiments échantillonnés en surface aux stations S-416, S-417 et S-418, localisées à proximité des stations S-211 et S-213 de l’étude Qualitas (2013) (secteur 5A), s’avèrent aussi de nature silteuse, contenant des matières fibreuses et s’avérant fortement contaminés (métaux, soufre), tant eu égard aux critères de sol que de sédiments.

5.

Impact potentiel des sédiments lors du dragage

Des essais de lixiviation 1 et d’élutriation 2 ont été effectuées dans le cadre de l’étude Qualitas (2013), ce qui n’avait pas été le cas dans l’étude Pangeos. « Les analyses sur les lixiviats et les élutriats de l’ensemble des secteurs présentent, pour certains paramètres analysés, des dépassements de la valeur médiane de l’eau du fleuve et des critères de qualité de l’eau du cadre réglementaire applicable (p. 15) ». Ce qui signifie que les contaminants se trouvant dans les sédiments sont, pour l’ensemble des 1

Les essais de lixiviation visent à créer, en laboratoire, un contact entre une phase solide et une solution prédéterminée afin d’évaluer la mobilité de certains contaminants selon des conditions opératoires prédéterminées. 2 Les essais d’élutriation vise à recréer, en laboratoire, un contact entre les sédiments et l’eau afin d’évaluer les effets du dragage sur la qualité de l’eau. L’élutriation simule ainsi une remise en suspension de contaminants dans l’eau, qui pourrait survenir notamment lors du dragage, lors de l’immersion des sédiments ou lors du rejet des eaux d’assèchement des sédiments.

secteurs, en concentration et en mobilité suffisante pour avoir un impact sur la qualité des eaux du fleuve. En conséquence, le rapport Qualitas recommande que « À cet effet, lors des opérations de dragage ou de rejet des matériaux dragués, des mesures adéquates devront être mises en place afin de limiter le plus possible l’augmentation de la concentration des matières en suspension et le relargage de contaminants dans l’eau » (p.44). Par ailleurs, toujours selon le rapport Qualitas, « les analyses écotoxicologiques ont démontré que les sédiments présentent une toxicité potentielle, en se basant sur les bioessais effectués, au droit des sondages S-108, S-109 et S-119. Afin de limiter les effets biologiques néfastes sur l’écosystème du fleuve Saint-Laurent, des précautions devront être prises lors des opérations de dragage des sédiments de ces secteurs. Des précautions spécifiques devront être établies par secteur afin de tenir compte à la fois de la nature des sédiments et de leur qualité environnementale » (p.44).

Conclusion L’étude Qualitas (2012) estime qu’il faudra draguer 968 912 m3 pour créer le nouveau quai. Le résumé de l’étude environnementale mentionne pour sa part qu’il y aurait 45 000 m3 de sédiments contaminés. Aucune des études consultées ne permet de savoir comment on en est arrivé à ces chiffres. Sachant que des précautions particulières devront être prises pendant le dragage et lors d’un éventuel rejet au fleuve, particulièrement pour certains sédiments plus contaminés et que certains d’entre eux devront ne pourront être rejetés au fleuve sans être ramenés sur terre et traités une fois ramenés, on ne peut que souhaiter que l’APQ ait en main une connaissance plus précise des volumes impliqués et de leur localisation. Proportionnellement, il y moins d’échantillons contaminés dans l’étude Qualitas que dans l’étude Pangeos. Les deux études indiquent toutefois que l’on trouve par endroit des sédiments silteux qui s’avèrent contaminés, voire particulièrement contaminés dans une partie du le secteur 5A et ce tant à une certaine profondeur qu’en surface. Du point de vue de la qualité de sédiments, il s’agit de sédiments fortement contaminés, de classe 3, dont le rejet en eau libre, s’ils étaient dragués, seraient proscrits et qui devraient être traités ou confinés de façon sécuritaire. D’un point de vue de la qualité des sols, il s’agit de sols de qualité B-C, voire C à un certaine profondeur, donc d’une contamination moyenne (B-C) ou importante (supérieur à C), limitent les usages qui pourraient en être fait une fois ramené sur terre. La nature des contaminants retrouvés à cet endroit (matières fibreuses, odeurs de produits pétroliers, concentrations élevées en métaux et en HAP et présence de soufre à des concentrations supérieures aux valeurs seuils proposées) pourrait constituer un problème pour la technologie de traitement envisagée (voir section 3 du document l’Analyse).

Finalement, les résultats des essais de lixiviation et d’élutriation indiquent que l’ensemble des secteurs présentent, pour certains paramètres analysés, des dépassements de la valeur médiane de l’eau du fleuve et des critères de qualité de l’eau du cadre réglementaire applicable. Le dragage de ces sédiments et le rejet éventuel des matériaux dragués constitue donc un risque de relargage de contaminants dans l’eau À certains endroits (au droit des sondages S-108, S-109 et S-119) les sédiments présentent une toxicité potentielle, nécessitant des précautions spécifiques afin de limiter les effets biologiques néfastes sur l’écosystème du fleuve Saint-Laurent. Le point 3 de l’Analyse (La stratégie de valorisation des sols et sédiments contaminés suivant le traitement par stabilisation et solidification) faite antérieurement demeure inchangé, c’est à dire les interrogations concernant la méthode de stabilisation et solidification et les réflexions sur l’utilisation de sols contaminés provenant d’autres opérations du Port à des fins de remblayage du fleuve.

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ANNEXE ANALYSE ET QUESTIONS SUR LA GESTION DES SÉDIMENTS À EXCAVER DANS LE CADRE DU PROJET BEAUPORT 2020132

Le projet Beauport 2020 prévoit le dragage d’environ 45 000 mètres cubes de sédiments à même le lit du fleuve Saint-Laurent. Ces sédiments seraient utilisés pour remblayer le fleuve derrière le futur quai à être construit et constituer ainsi une extension de l’actuel territoire de l’Administration Portuaire de Québec (APQ), à même le fleuve. Les sédiments contaminés, auxquels seraient ajoutés des sols contaminés excavés au fil des ans sur divers terrains portuaires et actuellement empilés en attente, seraient solidifiés et stabilisés de manière à former deux monolithes de ciment qui serviraient d’assise et/ou de sousfondation à la structure de la chaussée couvrant le remblayage permettant l’extension du territoire de l’APQ dans le fleuve. Dans le cadre de l’étude environnementale portant sur ce projet, l‘APQ a fourni à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale divers documents portant sur les sédiments qui seraient dragués de même que sur ce qui en serait fait. La présente constitue une analyse de ces documents.

1. Les documents analysés Les documents fournis par le Port concernant les sédiments sont les suivants : 1. 2. 3. 4.

Étude sectorielle 24. Caractérisation environnementale complémentaires sédiments 2015 Étude sectorielle 27. Caractérisation des sédiments 2006 Étude sectorielle 30. Valorisation des sols et sédiments contaminés 2015 Caractérisation complémentaire des sédiments en 2016 Pangeos

L’étude sectorielle 27 (4) ne porte que sur quelques échantillons prélevés en 2006 pour évaluer la qualité de la plage de Beauport. Elle n’est pas utile pour la présente évaluation. La caractérisation complémentaire des sédiments en 2016 Pangeos (4) n’a également pas retenu notre attention. La présente analyse porte donc sur les documents (1) et (3). De plus, le document « Lignes directrices sur la gestion des matières résiduelles et des sols contaminés traités par stabilisation et solidification » du Ministère de l’Environnement, de la Faune et des Parcs a également été consulté, du fait que l’étude sectorielle 30 y fait largement référence. Notons pour terminer que l’Administration portuaire de Québec a fait effectuer en 2012 une caractérisation exhaustive, à la fois environnementale et géotechnique, par Groupe Qualitas inc. 132

Cette section a été rédigée par un spécialiste de la gestion des sols et sédiments contaminés comptant plus de 20 ans d’expérience dans une institution reconnue. Il a souhaité garder l’anonymat. Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

58 (QUALITAS) des secteurs à draguer. Cette étude avait révélé notamment la présence, par endroits, de sédiments contaminés à un niveau dépassant le critère C du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et la valeur seuil de la concentration d’effets fréquents (CEF) tirée des critères de qualité des sédiments établis conjointement par Environnement Canada et le MDDELCC. Cette étude, la plus exhaustive et la plus complète à avoir été effectuée dans le secteur, ne se trouvait pas dans la liste de documents fournis par l’APQ auxquels nous avons eu accès. Nous n’y ferons donc référence que par le biais de ce qui en est dit dans l’étude sectorielle 24.

2. La quantité et la qualité des sédiments qui devraient être dragués L’étude exhaustive Qualitas Environ 45 000 mètres cubes de sédiments devraient être dragués. Selon l’étude Pangeos (2015) qui cite l’étude Qualitas, on indique notamment la présence, par endroits, de sédiments contaminés à un niveau dépassant le critère C du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et la valeur seuil de la concentration d’effets fréquents (CEF) tirée des critères de qualité des sédiments établis conjointement par Environnement Canada et le MDDELCC. Le critère C fait partie d’une grille d’évaluation de la contamination des sols (critères CQS dans l’étude sectorielle 24) permettant de déterminer le niveau de contamination et les modes de gestion possible d’un sol, en fonction de son niveau de contamination. Cette grille comporte trois valeurs, A, B et C. Un sol contenant des contaminants en concentration inférieure à A est un sol propre, non contaminé, qui peut être utilisé pour tout usage. Un sol contaminé au-delà du niveau B ne peut pas être utilisé pour un usage résidentiel ou pour certains usages sensible dans les parcs. On peut toutefois y aménager des édifices commerciaux ou industriels sans prendre de mesures particulières. Un sol contaminé au-delà de la valeur C ne convient, à priori, à aucun usage. Il ne pourra être utilisé sur des terrains que si des mesures particulières permettant d’en gérer le risque sont mises en place. Dans un tel cas, un avis de contamination et de restriction d’usage, spécifiant les usages qui ne peuvent être faites du terrain et les mesures qui doivent être conservés pour gérer le risque, devront être inscrits au titre de propriété. S’ils sont gérés hors-site, des sols contaminés à ce niveau devront être traités dans des lieux autorisés ou éliminés dans des lieux d’élimination spécialement conçus pour les recevoir (il existe cinq de ces lieux au Québec). La valeur seuil de la concentration d’effets fréquents (CEF) est tirée des critères de qualité des sédiments établis conjointement par Environnement Canada et le MDDELCC (critères CGS dans l’étude sectorielle 24). Ces critères permettent d’évaluer l’impact de sédiments contaminés sur les organismes aquatiques et de déterminer ce qui devraient être faits de ces sédiments une fois dragués. Un dépassement de la valeur seuil de la concentration d’effets fréquents (CEF) signifie, tel que son nom l’indique, que ces sédiments ont fréquemment un impact sur les organismes aquatiques. Il s’agit du niveau de contamination le plus élevé et le plus préoccupant de l’échelle d’évaluation des impacts de la contamination (comportant 5 valeurs) apparaissant dans cette méthodologie d’évaluation. À ce niveau de contamination, le document d’Environnement Canada et du MDDELCC indique que « La probabilité de

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59 mesurer des effets biologiques néfastes est très élevée. Le rejet en eau libre est proscrit. Les sédiments doivent être traités ou confinés de façon sécuritaire » (voir page 8 du document sectoriel 24) Ce ne sont pas les seuls sédiments problématiques. Ceux qui sont contaminés à un niveau inférieure, ≤ CEF (concentration d’effets fréquents) mais > CEO (concentration d’effet occasionnel), doivent également être manipulés avec circonspection puisque, comme l’indique Environnement Canada et le MDDELCC « La probabilité de mesurer des effets biologiques néfastes est relativement élevée, et elle augmente avec la concentration. Le rejet en eau libre ne peut être considéré comme une option valable que si l’innocuité des sédiments pour le milieu récepteur est démontrée par des tests de toxicité et que le dépôt ne contribue pas à détériorer le milieu récepteur » (voir page 8 du document sectoriel 24). En conclusion, une partie des sédiments éventuellement dragués sont donc contaminés, ne pourront être rejetés en eau libre voir étendus sur la terre ferme. Ils devront être traités ou confinés de façon sécuritaire, selon Environnement Canada et Environnement Québec. Tel que mentionné précédemment, nous n’avons pas en main les résultats de l’étude Qualitas qui nous permettrait de connaitre la quantité de sédiments contaminés dont il est question. La gestion de tels sédiments par solidification fixation tel que se propose de le faire l’APQ suscite certaines interrogations qui seront abordés à la section 3.

L’étude complémentaire Pangeos (2015) Nous avons toutefois quelques données sur la qualité des sédiments provenant d’une étude complémentaire effectuée en 2015 par Pangeos, l’étude sectorielle 24 fourni par le Port. Ce programme de caractérisation complémentaire des sédiments a été élaboré conjointement avec l’APQ en vue de : 

Évaluer la nature et la qualité environnementale des sédiments de surface du fond marin à des endroits intermédiaires au programme de caractérisation réalisé en 2012 (secteurs de l’agrandissement du secteur Beauport du Port de Québec);



Prélever, pour certains échantillons, une quantité de sédiments suffisante pour des essais subséquents d’assèchement en laboratoire et de traitement par stabilisation et solidification.

Ce programme de caractérisation complémentaire a été constitué de 21 stations d’échantillonnage réparties dans les trois principaux secteurs pour lesquels soit

 

un dragage de sédiments est envisagé (pour l’amarrage de navires au nouveau quai projeté) (15 échantillons), soit un dépôt de sédiments est projeté (digue de retenue (3 échantillons) et plage projetées (3 échantillons)).

L’échantillonnage des sédiments de surface du fond marin a été réalisé, par plongée, le 5 et 6 novembre 2015 avec une équipe de scaphandriers professionnels. À chaque station d’échantillonnage, un Beauport 2020, un projet injustifié et à risques… Pour le fleuve, les habitats et les résidents de Québec Mémoire présenté par Nature Québec à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (AECC) (février 2017)

60 prélèvement manuel des sédiments du fond marin a été réalisé. Chaque prélèvement a été réalisé sur une profondeur de l’ordre de 0,2 mètre du fond marin (20 cm de profondeur). Il s’agit donc d’un échantillonnage de surface qui ne nous informe pas sur la qualité des sédiments sous-jacents. Sachant que l’APQ entend atteindre une profondeur de 16 mètres à son nouveau quai, il est évident qu’il faudra à plusieurs endroits excaver les sédiments sur plusieurs mètres et non pas se contenter d’un dragage de surface. Les activités portuaires et industrielles à Québec ayant été moins bien encadrés dans le passé qu’actuellement et les sédiments correspondant à des périodes de plus en plus anciennes au fur et à mesure que l’on s’enfonce en profondeur, il est possible que la nature des sédiments et leur niveau de contamination ne soit pas les mêmes en profondeur qu’en surface, la probabilité étant que les sédiments les moins contaminés soient en surface. En ce qui concerne les sédiments de surface, l’étude complémentaire Pangeos (2015) s’attarde à trois secteurs d’étude : le nouveau quai projeté, la digue de retenue projetée et la plage projetée. Puisque le dragage anticipé ne se ferait qu’au nouveau quai, nous ne nous intéresserons qu’à ce secteur. Secteur du nouveau quai projeté

De façon générale (à l’exception des stations S-416, S-417 et S-418) Évaluation avec les critères de sédiments : 

Les sédiments échantillonnés dans ce secteur se composent principalement d’un mélange de sable et de gravier en proportions variables.



Les échantillons prélevés ont présenté des concentrations en métaux inférieures ou égales à la valeur CER (concentrations d’effet rare).



Les échantillons prélevés dans ce secteur ont présenté des concentrations en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) inférieures ou égales à la valeur CEO.



La concentration en soufre total a varié de