1 Un Plan vert pour le Québec : un projet pour le ministre

Le smog et les changements climatiques constituent des indicateurs de problèmes extrêmement importants qui en ont résultés indirectement. Dans ce domaine ...
95KB taille 2 téléchargements 67 vues
Un Plan vert pour le Québec : un projet pour le ministre de l’Environnement ou pour l’ensemble du gouvernement ? Harvey Mead, Président, UQCN La première Semaine canadienne de l’environnement du nouveau gouvernement du Québec est l’occasion pour l’Union québécoise pour la nature (UQCN) d’inviter ses représentants à clarifier leurs positions en matière de développement durable et à faire la lumière sur le très attendu Plan vert. Lors de l’assermentation des ministres de son gouvernement, le Premier ministre Jean Charest a donné suite à un discours de sa campagne en définissant le mandat de son ministre de l’Environnement Thomas Mulcair : « doter le Québec d’un véritable plan vert [pour que] le développement durable devienne une réalité de tous les jours ». Le défi est de taille et il restera à voir le sens que le nouveau gouvernement voudra donner à un tel objectif dans le contexte d’une approche fiscale qui s’annonce très contraignante. Un défi pour un ensemble de ministères En tout premier lieu, il faut reconnaître que le développement durable relève surtout des mandats des ministères « à vocation économique » et de développement. Puisque l’objectif serait d’assurer que le développement économique et social du Québec se fasse dans le respect des écosystèmes et de leurs ressources, il reste pertinent que le leadership de cette initiative revienne au ministre dont le mandat vise justement à assurer ce respect. Par contre, il n’est pas encore dans les traditions de nos gouvernements, ni dans celles de notre société en général, d’assujettir notre développement au respect de l’environnement. Cela s’est traduit dans le passé par un ministre de l’Environnement incapable d’influencer les ministères à gros budgets. Il serait donc plus que rafraîchissant que le Plan vert du nouveau gouvernement résult d’un travail inédit dans ce sens L’UQCN voudrait esquisser ici les grandes lignes de sa vision d’un plan vert qui respecterait l’objectif du développement durable, comportant un aménagement de tout le territoire en fonction du maintien des écosystèmes. Ce qui inclut les milieux urbanisés autant que les milieux dit «ressources», les milieux aquatiques et marins autant que terrestres sans oublier l’atmosphère. L’agriculture : un développement lié au territoire L’agriculture marque plus que tout autre type d’intervention la moitié sud du Québec méridional, et les récentes décennies ont vu des changements profonds, dont une déstructuration des les milieux ruraux.. En septembre prochain, le rapport de la commission sur la production porcine mettra le doigt sur le nerf sensible de la problématique de base : des orientations qui oublient les liens entre l’agriculture et le territoire. L’industrialisation des activités agricoles depuis plus d’une trentaine d’années est la cause profonde de la pollution accrue des cours d’eau, de la perte de nombreux territoires boisés, de l’exode d’une partie importante des populations des villes et villages et des conflits actuels entre producteurs agricoles et autres résidents. Sur le plan fiscal,

1

une révision des mesures de soutien qui ciblera surtout voire exclusivement les PME permettra à l’État de maintenir son appui à ce secteur, et ce, même dans un contexte de contrainte budgétaire. Cela pourrait contribuer à relever d’autres défis, intimement associés à celui du développement durable, que le Premier ministre a donnés à la ministre du MAPAQ Françoise Gauthier. Une réorientation de la gestion : indispensable en foresterie Le Parti libéral s’est engagé pendant la campagne électorale à consulter la population sur l’ensemble des problématiques associées au développement de la moitié nord du Québec méridional. L’exploitation de la forêt publique dans cette énorme région laisse elle aussi des traces depuis quelques décennies, traces qui sont associées à un aménagement déficient du territoire forestier qui ne tient pas suffisamment compte des enjeux sociaux et environnementaux de cette exploitation. Les emplois dans le secteur dans plusieurs régions seront de moins en moins assurés dans l’avenir et d’autres activités économiques doivent vraisemblablement être développées pour subvenir à une ressource diminuée et de plus en plus éloignée et dispendieuse. Il y a lieu d’espérer que la consultation promise permettra de bien cerner les faiblesses des orientations gouvernementales actuelles ou passées dans le secteur, et de mieux orienter le développement à venir pour que la confiance de la population dans la gestion de cette ressource fondamentale soit rétablie, comme le veut le Premier ministre. La protection du patrimoine naturel : des retards à rattraper Parmi ces déficiences se trouve un manque de reconnaissance de l’importance de protéger des territoires représentatifs du patrimoine naturel mentionné par le Premier ministre. Que ce soit en milieu forestier ou agricole, ou dans les milieux aquatiques, le Québec a été jusqu’à tout récemment, et est probablement encore, une des dernières juridictions en Amérique du Nord en ce qui a trait à la superficie sous protection intégrale.. Le défi sera de taille pour les ministres Sam Hamad et Pierre Corbeil du MRN et Thomas Mulcair du MENV pour créer un réseau d’aires protégées représentant l’ensemble de la biodiversité de la province, et en priorité celle de la forêt boréale où les droits forestiers et miniers sont omniprésents. Il faut viser un minimum de 8% du territoire, alors que seulement 3% se trouve protégé à ce jour. L’(éco)tourisme est actuellement l’activité économique qui à l’échelle mondiale connaît le plus haut taux de croissance, et il offre une occasion à revoir le développement régional au Québec dans une nouvelle perspective. L’énergie et les transports: des choix contraignants mais nécessaires Les besoins en énergie exigent un débat de société et, plus important, de nouveaux modes de développement et d’aménagement, surtout en milieu urbain. Actuellement, le Québec consomme per capita plus d’énergie que presque toute autre société sur la planète. Le Premier ministre a donné le mandat à son ministre des Transports Yvon Marcoux d’assurer le développement d’infrastructures de transports de passagers et de marchandises qu’il veut «modernes». Il insiste sur le besoin d’intégrer les différents modes de transports, et de mettre un certain accent sur le transport en commun. S’il y a une chose que les sociétés modernes ont apprise depuis cinquante ans, c’est que la

2

gestion de l’offre qui mise sur l’automobile et le camion comme modes privilégiés de transports est un cul-de-sac. La congestion sur les autoroutes et l’étalement urbain sont des indicateurs incontournables d’un mauvais aménagement du territoire urbain par le passé. Le smog et les changements climatiques constituent des indicateurs de problèmes extrêmement importants qui en ont résultés indirectement. Dans ce domaine aussi la fiscalité pourrait bien desservir un gouvernement engagé envers le développement durable mais déterminé à imposer une approche budgétaire contraignante. Une clé de la mise en œuvre du développement durable est «l’internalisation» des coûts transférés à l’ensemble de la société par les approches d’aménagement du passé. Les transports sont responsables de près de la moitié des gaz à effet de serre, et si les conséquences de l’étalement urbain y sont ajoutées, son rôle serait encore plus néfaste. Il est temps que les coûts associés aux externalités soient transférés aux usagers, pour que les décisions des individus tiennent compte des coûts réels de leurs gestes. Il est temps finalement que le potentiel des économies d’énergie soit développé comme préalable au développement hydroélectrique, qui comporte d’importants impacts sur l’aménagement des grandes rivières du Québec, surtout dans le Nord. Un rôle clé pour les Finances Cette esquisse des enjeux qui doivent être associés à « un plan vert visant le développement durable »permet de cerner le rôle clé du ministre des Finances dans tout effort pour amorcer un développement durable de la société. Les indicateurs actuellement utilisés pour guider l’analyse des résultats budgétaires (PIB, taux de chômage, taux d’inflation, etc.) ne tiennent pas compte de la dépendance de nombreuses économies modernes, dont celle du Québec, au patrimoine naturel et aux ressources. Le Premier ministre en a fait le cœur du mandat qu’il a donné au ministre de l’Environnement pour que ce dernier prépare un plan vert. La Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie vient tout juste de publier les résultats de ses travaux sur l’identification de nouveaux indicateurs complémentaires à ceux, incomplets, mentionnés plus haut. Le Parti libéral a reconnu la pertinence de s’associer à une telle démarche dans son approche de la gestion des finances de l’État. Il est en effet grand temps que des catastrophes comme le déluge et le verglas, ou la pollution des cours d’eau résultant d’activités économiques payantes en apparence, ne comptent plus comme des bénéfices économiques, alors qu’actuellement le PIB les comptabilise ainsi. L’utilisation de nouveaux indicateurs qui tiennent compte de la dégradation du patrimoine naturel, si elle est bien ancrée explicitement ou implicitement dans le travail du ministre des Finances Yves Séguin, pourrait générer des budgets qui viseront un développement durable de la société, et qui tiendront compte du passif environnemental. Un nouveau cas d’espèce Un nouveau front de développement a été annoncé en 2002 par le gouvernement du Québec et Hydro-Québec qui permettra peut-être de cibler de façon intéressante plusieurs enjeux mentionnés ici comme clés pour une approche de développement durable.

3

L’exploration gazière et pétrolière, et l’exploitation qui pourrait en résulter, sont à l’ordre du jour de notre société d’État et auront des incidences sur «l’aménagement» de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent et sur l’important écosystème qu’ils recèlent. Le Parti libéral s’est engagé pendant la campagne électorale à regarder de près le programme, en exigeant des études d’impact et des consultations publiques. Il s’agira d’un «test» intéressant des défis esquissés dans cet article : développement économique et développement régional qui respecte l’environnement et le long terme, une politique énergétique et une reconnaissance d’impacts environnementaux et sociaux associés aux changements climatiques; activités importantes dans un territoire où presque tout reste à faire pour identifier des aires à protéger. Le Plan vert qui s’annonce ne se fera donc pas sans une concertation large et exigeante. Son élaboration tiendra de l’inédit, sa réalisation sera tout un exploit.

4