14 Travail & Sécurité – Novembre 2010 © X av ier R en au ld ... - INRS

pour améliorer les procédés, les équipements et l'organi. Malgré le ralentis sement écono ...... l'agroalimentaire. D. V.. L'environnement, un engagement majeur.
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© Xavier Renauld pour l'INRS

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Conception des lieux et situations de travail

La prévention profite de l’anticipation Investir aujourd’hui pour travailler demain de façon plus sûre et plus saine. Tel est l’enjeu des démarches de conception des lieux et des situations de travail visant à mieux prendre en compte leur usage futur par les salariés. L’histoire économique montre que les périodes de crise favorisent les mutations. Afin d’anticiper le redéploiement des activités et les risques qu'il peut

générer, les concepteurs, les chefs d’entreprise et les acteurs de la prévention se dotent de nouveaux atouts pour mieux maîtriser les risques professionnels dès le stade des premières réflexions. Partant de l’expérience accumulée depuis près de vingt ans, il s’agit de changer d’échelle afin que la dimension sociale des projets soit mieux prise en compte.

Dossier réalisé par Jean-Paul Richez avec Christine Larcher, Céline Ravallec et Delphine Vaudoux

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Tour d’horizon

La conception, une marche à ne pas ra En raison de sa dimension pluridisciplinaire, la conception de lieux et situations de travail sûrs et sains constitue un pivot des actions de prévention. Avec la mise en place, en 2008, d’un groupe expert « conception des lieux et situations de travail » (CLST), l’Assurance maladieRisques professionnels a décidé d’en pérenniser les acquis au niveau national. L’enjeu consiste à anticiper les risques afin de mieux les maîtriser en amont.

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algré le ralentis­ sement écono­ mique dû à la crise, le paysage des activités économiques continue à se redéployer. Des entrepôts ou des plates-formes logistiques poussent dans les champs en périphérie des villes, près des échangeurs d’autoroutes ou des voies rapides. En zone urbaine, des parcs d’acti­vités tertiaires se déploient sur des friches industrielles. Plus à l’écart, de nouveaux éta­

blissements dédiés aux soins d’accompagnement ou de réa­ daptation ainsi qu’à l’accueil des personnes âgées choisis­ sent des environnements où règne la tranquillité… Qu’il s’agisse de répondre aux évo­ lutions de l’organisation éco­ nomique ou à une demande sociale croissante, ou encore de faire face à de nouvelles contraintes environnemen­ tales, ces domaines d’activité comptent parmi ceux qui se développent. Si la réflexion

sur la conception des lieux et situations de travail sûrs et sains est globale, ces diffé­ rents domaines font actuelle­ ment l’objet d’une déclinaison spécifique. Dans la vie d’une entreprise, la création ou la transforma­ tion de lieux dédiés à l’acti­ vité est un instant privilégié pour agir sur les différentes sources de risques profession­ nels. C’est une période propice pour améliorer les procédés, les équipements et l’organi­

© Xavier Renauld pour l’INRS

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© Patrick Delapierre pour l’INRS

La création ou la transformation des lieux de travail constitue un moment propice pour prendre en compte l'activité réelle et agir sur la prévention des risques professionnels.

sation du travail. A contrario, l’erreur de conception peut occasionner des surcoûts dus aux pertes de produc­ tion, de qualité, à la détério­ ration de l’image de marque, et ses conséquences sur la santé des salariés ou le climat social sont toujours néfastes. L’action nationale mise en place au début des années 1990 par l’Assurance maladieRisques professionnels part de ce constat. La campagne engagée à cette époque à l’in­ tention des différents acteurs concernés par la réalisation de bâtiments industriels a fait naître de nombreuses initia­ tives régionales (1).

Dynamique de projet « Le bilan annuel dressé par les caisses régionales illustre

les points faibles des projets conduits classiquement par les maîtres d’ouvrage, présente Michel Charvolin, ingénieurconseil à la Carsat Normandie, copilote du groupe expert “conception des lieux et situations de travail” (CLST). Principal constat, ceux-ci ne traitent généralement pas des questions de ventilation. La plupart ne prennent pas non plus suffisamment en compte la circulation des personnes et des engins. Le constat est plus favorable pour l’acoustique et l’éclairage, même si un projet sur trois n’est pas satisfaisant si l’on examine ces deux critères ensemble. » « Promouvoir des lieux et situations de travail plus sûrs est au cœur de notre métier », souligne Dominique Saïtta, ingénieur-conseil régional à la Carsat Aquitaine. Un travail de fond engagé depuis deux décennies puisque l’obligation d’intégrer la prévention dès la conception, fixée par la loi du 6 décembre 1976, a pris une nouvelle dimension en 1989 avec l’adoption de la directive cadre européenne 89-391. En définissant des principes généraux de prévention, sa transposition en France dans le Code du travail (2) en fait une priorité : l’employeur doit prévenir tout risque lié à une nouvelle situation de travail. Les retombées de l’action nationale engagée en pre­ nant appui sur ces évolutions réglementaires ont permis d’accumuler une expérience conséquente : sur le plan tech­ nique sur celui de la formation initiale et continue, ainsi qu’en

En Bretagne, l’avenir se fait aujourd’hui

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ans la perspective de mieux accompagner les décideurs et maîtres d’ouvrage engagés dans un projet de construction ou de transformation d’un lieu de travail, la Carsat Bretagne a développé, à la fin des années 1980, son offre de conseils en matière de prévention des risques professionnels. « Nous avons accompli ce virage en étoffant nos moyens techniques et notamment ceux de notre centre de mesures physiques (Centre interrégional de mesures physiques de l’Ouest) ainsi qu’en renforçant l’expertise, en matière de conception, des ingénieursconseils et contrôleurs de sécurité, commente Thierry Balannec, l’ingénieurconseil régional. Le prix Acanthe, qui récompense, depuis 1992, un projet de construction neuve intégrant la prévention des risques professionnels dans la qualité des lieux de travail, nous a permis de promouvoir cette démarche en nous appuyant sur des relais : maîtres d’œuvre, organisations professionnelles, chambres consulaires, collectivités territoriales. » Deux décennies après le lancement du prix, et malgré une conjoncture économique défavorable, la caisse régionale dévoilera à la fin de l’année les lauréats de son 5e prix.

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Du plan, à l’usage

Mettre l’homme au centre des préoccupations Forts de l’expérience acquise pour intégrer la prévention des risques professionnels lors de la conception ou la rénovation des lieux et situations de travail, l’Assurance maladie-Risques professionnels et l’INRS souhaitent aller au-delà. Les pistes étudiées visent à donner un nouvel élan à une action au long cours. De nouveaux outils sont envisagés pour permettre une meilleure reconnaissance des efforts réalisés lors de la mise en œuvre d’un projet.

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a démarche de « Conception des lieux et situations de travail » (CLST) et l’action quotidienne de préven­ tion des risques professionnels au sein des entreprises se conjuguent. « Malgré les progrès réalisés en matière de prévention des risques professionnels, celle-ci relève encore trop souvent de l’action correctrice, souligne Yvon Créau, ingénieurconseil responsable du département de la prévention des risques professionnels à la CNAMTS. Lors d’un projet, l’équipe de conception et le bureau d’études s’attachent d’abord à l’aspect matériel en se souciant principalement du fruit de l’activité et, d’une façon annexe, des personnes en charge de la conduire. » L’image des abattoirs de Chicago est res­ tée célèbre : on sait transformer un bœuf en « corned beef » d’une façon automa­ tisée. Or, même dans ce cas de figure, l’homme est indispensable. « Il faut prendre en compte tous ceux qui vont

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concourir à la bonne marche d’un établissement, quelle que soit leur activité, expli­ que l’ingénieur-conseil. C’est vrai dans le secteur industriel comme dans le domaine commercial ou des services. » Dans une banque, par exemple, la relation clientsalarié dépend aussi de l’aménagement de l’espace clientèle et de la gestion de la file d’attente. Correctement appré­ hendés, ces deux facteurs contribuent à réduire le stress et à limiter l’agressivité au guichet comme dans le bureau du chargé de clientèle.

Trois secteurs tests La démarche CLST engagée au niveau national par l’Assurance maladie-Risques professionnels et l’INRS vise à inciter les maîtres d’ouvrage à s’engager dans des actions volontaires de prévention des risques professionnels et d’améliora­ tion des conditions de travail, le plus en amont d’un projet. Pour donner plus de visibilité aux démarches CLST engagées par les maîtres d’ouvrage, le réseau pré­ vention propose de valoriser les efforts accomplis aux différents stades du projet en certifiant la démarche CLST. Pour en étudier la faisabilité, l’INRS a lancé une enquête dont les premiers résultats vien­ nent de paraître (cf. encadré). « Quelles qu’en soient les modalités (label ou certification), il faut qu’il y ait une véritable reconnaissance de la prise en compte de la santé et sécurité au travail avec un mode d’affichage traduisant mieux la finalité de cette action de prévention », relève Yvon Créau. C’est l’in­ térêt de l’outil actuellement en cours de finalisation, qui permettra d'attester que le projet et sa réalisation ont bien mis la question de l’homme au travail au centre des préoccupations. Citons, par exemple, tout ce qui contribue à une élaboration participative durant le processus qui va

de l’intention initiale jusqu’à la mise en service : embauche anticipée de collabo­ rateurs, préparation en amont du projet, prise en compte de l’activité réelle des personnes et de l’usage, comptes-rendus des réunions de travail. « Pour enrichir cet outil, nous nous fondons sur les démarches CLST réussies et notamment celles qui se développent dans les secteurs les plus actifs », précise Yvon Créau. Dans un premier temps, il sera ainsi proposé d’ex­ périmenter cette démarche dans trois domaines d’activité tests : assainisse­ ment et traitement des eaux, logistique et distribution, secteur de l’accueil des personnes handicapées et dépendantes (cf. page 20). J.-P. R.

Une attente réelle

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’enquête menée par AfnorCertification auprès d’un panel de 18 000 personnes montre qu’il existe une demande des entreprises déjà engagées dans des actions de gestion de la qualité. La grande majorité des répondants estime qu’il existe un retour sur investissement lié à la prise en compte de la santé et sécurité du travail dans les projets de conception des lieux et situations de travail. Deux tiers d’entre eux déclarent mettre ou compter mettre des moyens dans celle-ci. Plus de la moitié juge plutôt intéressant le fait de disposer d’une reconnaissance du type certification CLST. Enfin, un quart se déclare prêt à s’engager dans une démarche de cette nature.

© Gaël Kerbaol/INRS

Les espaces dédiés au travail, tout comme ceux destinés aux pauses, doivent faire l'objet d'une démarche s'appuyant sur une participation étroite des personnels et des acteurs de la prévention.

rence. Il s’agit d’abord d’agir au stade du projet d’entre­ prise comprenant la construc­ tion d’un ouvrage ou son réaménagement, en tenant compte de l’usage qui en sera fait par tous les personnels, qu’ils soient per­ manents ou inter­ venants extérieurs. La charte invite à ce que tout projet de conception ou réa­ ménagement d’une situation de travail se fonde sur une démarche caracté­ risée par la partici­ pation étroite des personnels concer­ nés et des acteurs de la prévention ainsi que la prise en compte de l’en­ semble des com­ © Gaël Kerbaol/INRS

matière de communication et d’information (3). Le retour d’expériences du ter­ rain en matière de conception de lieux de travail a permis d’approfondir la démarche et de mieux en maîtriser la dyna­ mique. L’approche initiale, essentiellement centrée sur les bâtiments, les flux et les circulations, s’est élargie aux situations de travail. « Il n’y a pas de lieux de travail sans situations de travail, rappelle Jean-Louis Pomian, ergonome et copilote à l'INRS du groupe expert CLST. L’enveloppe du bâtiment doit être conçue à partir de la connaissance précises des situations et des activités réelles de travail. » Pour formaliser cette évolution et donner plus de cohérence aux actions engagées, le réseau CLST a ainsi élaboré une charte qui a valeur de réfé­

posantes du projet. Elle doit, en outre, permettre, à chaque stade, des allers et retours afin d’enrichir et de valider les choix effectués.

Retour sur investissement en prévention L’action concertée avec le maître d’ouvrage en amont de la conception permet de recueillir l’adhésion des utili­ sateurs futurs et de prévenir à moindre coût les situations à risques. En présentant la démarche nationale, le 16 juin dernier, à Lille, lors du salon Préventica, Jean-Louis Pomian a insisté sur son inté­ rêt économique : « On estime, par exemple, que, si le coût de l’intégration de la prévention dans le projet peut se chiffrer à 1  euro lors de la programTravail & Sécurité – ­­ Novembre 2010

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Trois secteurs d’activité en évolution rapide • Logistique, distribution

La part des entrepôts de plus de 10 000 m ne cesse d’augmenter depuis le début des années 1980 : pour l’année 2000, par exemple, la part des grands entrepôts atteint 46 %, contre 15 % en moyenne sur la période 1980-2000. Sont ainsi particulièrement concernées l’Île-de-France, les régions RhôneAlpes et Nord-Pas-de-Calais. Sur ces nouveaux sites, l’activité de préparation de commandes se développe en complément de celle d’entreposage. Les grandes enseignes de la distribution participent largement à ce redéploiement. Bien que le rythme de création d’hypermarchés se ralentisse, leur nombre continue à s’accroître : 1 459 hypermarchés en 2008, contre 1 374 en 2006 (Source : Insee 2010). La concurrence des maxidicounts et l’évolution de la demande obligent également les enseignes à restructurer leurs espaces de vente : Carrefour Market, Simply Market, Monop. Afin d’accompagner ces évolutions, la CNAMTS propose aux grandes enseignes du commerce et de la distribution d’élaborer des chartes « conception, rénovation » intégrant une préoccupation de prévention des risques professionnels (cf. pages 23 à 25). 2

• Soins

Dans le secteur des soins, la restructuration hospitalière, tant publique que privée, est largement entamée. Le vieillissement de la population conduit également à prévoir une augmentation des capacités d’hébergement. Le Plan Solidarité grand âge 2007-

occasion, il a détaillé les résul­ tats préliminaires de l’enquête menée par l’Afnor en début d’année à la demande de l’INRS sur le thème de la « cer­

© Guillaume J. Plisson pour l'INRS

mation, il se situe à 10 euros en phase projet, à 100 euros pendant la construction et à 1 000 euros en phase d’exploitation », a-t-il expliqué. À cette

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2012, lancé par les pouvoirs publics, prévoit la création d’environ 35 000 lits au rythme annuel d’environ 5 à 7 500 lits au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD). La croissance actuelle des lits médicalisés est d’environ 1,5 % par an et se traduit par l’extension d’établissements existants ou par la construction de nouveaux. À ces créations, s’ajoute la mise aux normes d’un certain nombre. Les établissements ayant signé une convention tripartite font l’objet d’une réhabilitation partielle ou totale des chambres et autres pièces communes.

• Assainissement de l’eau et traitement des déchets Les différents plans gouvernementaux récents en matière de protection de l’environnement visent à réduire, d’une part, la pollution des sols et des eaux et, d’autre part, la pollution de l’air lié aux rejets des usines d’incinération tout en valorisant les déchets. Il s’agit de réorienter les flux de déchets de la filière d’élimination vers de nouvelles filières de valorisation. Depuis 1995, le nombre d’usines d’incinération d’ordures ménagères est passé de 300 à 130. Les nouvelles installations sont capables de traiter des quantités plus importantes de déchets. Parallèlement, l’activité de collecte sélective s’est fortement développée. La nouvelle directive cadre européenne sur les déchets 2008/2009 ainsi que les retombées du Grenelle de l’environnement fixent un objectif de 50 % de réemploi ou de recyclage en poids global d’ici 2020. Pour cela, les centres de tri existants doivent être transformés ou modernisés et de nouveaux centres créés.

tification CLST » et la santé et sécurité au travail (cf. encadré page  18). Il apparaît que les entreprises déjà engagées dans des actions de gestion de la qualité sont convaincues de son intérêt. Reste à mieux cerner les modalités d’une certification CLST. C’est un moyen de favoriser la prise en compte de la prévention des risques professionnels dans le plus grand nombre de projets. Et l’enjeu est réel : « Sur environ 3 000 projets identifiés par les caisses régionales comme relevant d’une approche CLST, constate Michel Charvolin, les

Le secteur de la logistique fait partie des trois secteurs retenus par l'INRS et la CNAMTS pour tester la démarche CLST.

agents des caisses en suivent en moyenne environ 300 à 400 en s’inspirant des principes préconisés par l’Assurance maladie-Risques professionnels et l’INRS. La certification permet d’espérer un effet démultiplicateur conséquent. » 1. Au début des années 1990, les CRAM Aquitaine, Rhône-Alpes et de Bretagne ont, chacune dans leur région, primé plusieurs dizaines de réalisations d’entreprises dans le but de promouvoir l’intégration de la sécurité dès la conception des lieux de travail : prix Qualité des lieux de travail en Aquitaine, prix Arch’enge en Rhône-Alpes et prix Acanthe en Bretagne. 2. Loi 91-1414 du 31 décembre 1991. 3. En 20 ans, les caisses régionales et l’INRS ont conjointement élaboré plus d’une centaine de documents de référence. La brochure de base Conception des lieux et des situations de travail (réf. ED 950) est le document édité par l’INRS le plus fréquemment consulté (jusqu’à plus de 80 000 téléchargements par mois).

J.-P. R.

Station d’épuration

La prévention intégrée entre en Seine

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nsertion du site dans un vaste plan d’eau, parc pay­ sager planté d’arbres, pro­ fil de bâtiments épousant la ligne d’horizon, couvertures végétalisées : la nouvelle sta­ tion de traitement des eaux usées de Léry, dans l’Eure, mérite, à plus d’un titre, le qualificatif de « STEP verte » (1). Pour autant, le projet de la Communauté d’agglomé­ ration Seine-Eure (CASE), qui en a réalisé la maîtrise d’ou­ vrage, ne s’est pas limité au seul aspect environnemen­ tal. « Cette nouvelle station matérialise la politique de développement durable de la collectivité territoriale », sou­ ligne Olivier Switala, respon­ sable du service du cycle de l’eau à la CASE. Mais le déve­ loppement durable ne peut

© Vincent Grémillet pour l'INRS

Située en lisière de la forêt domaniale de Bord, dans l’Eure, la nouvelle station de traitement des eaux usées de Léry restitue des effluents épurés à la Seine. En s’engageant dans une démarche de prévention intégrée dès la conception, la collectivité d’agglomération Seine-Eure montre l’intérêt de prendre en compte la protection des salariés.

À noter : à l’occasion de Pollutec, le salon International des équipements, des technologies et des services de l'environnement, l'Assurance MaladieRisques Professionnels et l'INRS organisent une série de conférences. Le programme est détaillé page 50.

ignorer la dimension sociale de l’exploitation de la station et notamment les conditions de travail : « Le rôle d’une station d’épuration est avant tout d’assurer le traitement de l’eau afin de la restituer dans le milieu naturel, précise Olivier

Switala. Cette évidence étant rappelée, la prévention des risques liés aux conditions d’exploitation et de maintenance ainsi que tout ce qui conditionne la vie au travail ne doivent pas être sous-estimés. » La capacité d’épurer l’eau et la disponibilité des installations dépendent, en effet, de l’ab­ sence de dysfonctionnement et de l’efficacité de la main­ tenance. C’est dans cet esprit que la CASE, Sogeti Ingénierie, le bureau d’études prenant en charge la partie technique de la maîtrise d’œuvre, et Veolia Eau, le futur exploi­ tant, ont engagé une réflexion commune dès le stade de l’avant-projet.

Référence L’investissement de Léry s’ins­ crit dans le cadre du schéma directeur de l’agglomération Seine-Eure. Il s’agit, à terme, de passer de onze stations anciennes, aux capacités de traitement insuffisantes mais aussi techniquement obso­ lètes, à six. La nouvelle station de Léry-Val-de-Reuil, d’une capacité de 60 000 équiva­ lents habitants, remplace ainsi les anciennes installations de Val-de-Reuil, Pont-de-l’Arche, St-Pierre-de-Vauvray et Andé. Elle répond également aux besoins de plusieurs autres communes dont les effluents étaient jusque-là rejetés direc­ tement dans le milieu natu­ rel. Enfin, outre l’épuration des eaux traitant la pollution carbonée, azotée et phospho­ rée, l’ouvrage doit également absorber les sous-produits de

l’assainissement générés par les stations du territoire ainsi que les réseaux de collecte : graisse, matières de vidange et de curage. Il doit également recycler la matière organique contenue dans les boues afin de produire un compost par mélange avec des déchets verts collectés en déchetteries. Le projet de la STEP de LéryVal-de-Reuil a bénéficié de l’ex­ périence acquise par la CASE avec Veolia Eau, en charge aussi de l’exploitation de la station voisine de Louviers construite en 2000. Le maître d’ouvrage a également sou­ haité que la Carsat Normandie participe à ce projet. « Depuis plusieurs années, nous proposons aux différents acteurs de la filière des métiers de l’eau et de l’assainissement d’intégrer la prévention des risques dans les projets de conception et d’aménagement des stations, commente Michel Charvolin, ingénieur-conseil à la Carsat Normandie, en charge des dossiers “eaux, déchets et assainissement” et “concep­ tion des lieux et situations de travail” (1). L’expérience développée avec, notamment, la CASE, le bureau d’études Sogeti Ingénierie et Veolia Eau, nous permet d’envisager de pérenniser cette démarche. » Comme dans tout projet, c’est en phase amont qu’il s’agit de bien analyser les besoins afin de préciser le programme. Dans le cas d’un ouvrage public tel que la station de Léry, cette phase constitue une obligation. « À l’étape de la maîtrise d’œuvre, commente Olivier Switala, la brochure Travail & Sécurité – ­­ Novembre 2010

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La station de traitement de Léry-Val-de-Reuil en bref

Conception des usines d’épu­ ration des eaux résiduaires a servi de référence. » Ce docu­ ment de l’INRS apporte des préconisations à l’intention des maîtres d’ouvrage en vue d’assurer la sécurité et la pro­ tection de la santé des per­ sonnels d’exploitation et de maintenance. Le respect de ces préconisations constitue un atout. C’est une garantie pour que le cahier des charges intègre les différents éléments favorables à la prévention des risques professionnels et l’amélioration de la qualité de vie au travail. Accès, cir­ culations, déplacement des personnes, manutentions, maintenance, stockage, fac­ teurs d’ambiance : aucun des éléments conditionnant l’usage des équipements par les futurs utilisateurs et mobi­ lisant le facteur humain ne doit être ignoré.

Programme innovant Exemples à l’appui, Gilles Meunier, responsable du service eau-assainissementmaîtrise d’œuvre de Sogeti, énumère les retombées posi­

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© Vincent Grémillet pour l'INRS

• Maître d’ouvrage : Communauté d’agglomération Seine-Eure (Case) • Financement : Agence de l’eau Seine-Normandie, Conseil général de l’Eure • Effectif : 6 personnes. • Activité : traitement des eaux usées de douze communes dont Val-de-Reuil, Pont-de-l’Arche, Saint-Pierre-de-Vauvray et Andé. • Équipements : une unité de prétraitement, deux bassins de traitement biologique de 1 100 m3, deux bassins de clarification de 7 900 m3, une unité de compostage des boues. • Capacité de traitement : 60 000 équivalents habitants. • Débit journalier moyen annuel : 9 500 m3/j. • Montant de l’investissement : 25 millions d’euros, dont 18 pour la station (eau, boues et usine de compostage), et le reste pour les travaux de canalisation de transfert.

tives de cette démarche glo­ bale et analytique qui met à contribution les multiples acteurs et particulièrement les utilisateurs des lieux et équipements de travail. Ces dispositions se sont concré­ tisées dans l’enrichissement du cahier des charges et en particulier lors de la rédac­ tion de clauses techniques particulières. • Implantation générale et circulations. Outre l’aspect fonctionnel, le programme de l’ouvrage de Léry s’est attaché à respecter le cadre naturel, mais aussi à faciliter l’accueil

de visiteurs. Les différents bâtiments sont implantés sur le site de telle façon que les visiteurs peuvent circuler et découvrir les principaux équipements de la station sans perturber l’activité quo­ tidienne. Cheminements, passerelles, éclairage natu­ rel par baies vitrées : tout est prévu pour favoriser les che­ minements sûrs en éliminant les croisements de flux mais aussi les risques de chute. L’implantation des ouvrages assure la séparation du circuit des piétons et des visiteurs, de celui réservé aux différents engins ou véhicules utilitaires. • Génie civil, acheminement des gros équipements. Les clauses du cahier des charges ont imposé que ces équi­ pements soient livrés après réalisation des ouvrages. Ultérieurement, lors d’inter­ ventions de maintenance lourdes, ceux-ci pourront ainsi être évacués sans multiplier les travaux et les risques. • Atelier de prétraitement, manutentions, milieux confinés. Le prétraitement des effluents met en œuvre des équipements mécaniques nécessitant une surveillance régulière et des interven­ tions périodiques fréquentes : pompes de relèvement, dégrilleur automatique, sys­ tème d’aération… Ces équi­ pements sont regroupés au sein d’un atelier clos équipé de deux ponts roulants des­ servant l’ensemble des postes et situations de travail. Toutes les fosses sont couvertes et dotées de trappes de visite à barreaudage escamotable

conformes au document de référence (2) ainsi que d’appa­ reils de détection de niveau. L’atelier est ventilé par un réseau de gaines d’assainis­ sement d’air à double flux. Son atmosphère, mainte­ nue en légère dépression, est contrôlée en permanence par des manomètres différen­ tiels. Les caissons d’extraction munis de filtres assurent ainsi l’assainissement de l’air, limi­ tent le risque d’intoxication lié aux émanations d’hydro­ gène sulfuré et garantissent le confinement des odeurs. • Unité de compostage. L’usine assure le traitement et la dés­ hydratation des boues et leur recyclage par mélange avec des déchets verts structu­ rants. Cette unité, entière­ ment close, est équipée de tunnels de fermentation ali­ mentés par une chargeuse ainsi qu’une machine à ren­ trer. L’installation assure la désodorisation des gaz de fermentation et le compos­ tage mécanique. Outre la prise en compte des risques mécaniques liés aux dépla­ cements des engins ainsi qu’aux organes en mouve­ ment, la démarche de préven­ tion conduite au stade de la conception de l’unité a éga­ lement permis de traiter les risques chimiques – présence d’ammoniac et de poussières de bois – ainsi que biologiques (endotoxines, moisissures). 1. STEP : STation d’ÉPuration des eaux usées. 2. La brochure Conception des usines d’épuration des eaux résiduaires ED 968 éditée par l’INRS en 2006 a bénéficié notamment de ce travail. Ce document est en cours de refonte.

J.-P. R.

Implantation d’un hypermarché

Un projet aux contraintes multiples Auchan France vient d’ouvrir un tout nouvel hypermarché au Kremlin-Bicêtre, en région parisienne. L’aménagement des locaux a été réalisé en suivant les grands principes de prévention des risques professionnels énoncés dans la charte signée par Auchan France et la CNAMTS (1). Compte tenu des contraintes propres à ce projet urbain, cela n’a pas toujours été facile.

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e nouvel hypermarché du Kremlin-Bicêtre, dans le Val-de-Marne, ouvert en mars dernier, est unique à bien des égards. D’abord, parce que c’est le premier nouvel hyper construit par Auchan France depuis dix ans. Ensuite, parce qu’il cumule des contraintes inhabituelles. Ses 11 200 m2 sont concentrés sur deux niveaux au-dessus des étages de parking du centre com­ mercial Okabé. L’exiguïté des locaux a imposé un arbitrage serré entre surfaces commer­ ciales et zones de stockage. Le fait qu’il n’y ait pas d’accès de plain-pied conditionne les flux de marchandises et de déchets. Chaque jour, il faut organiser l’approvisionnement et gérer l’espace. Les équipes doivent en effet assurer que les denrées arrivent dans la

grande surface régulièrement, sans perturber le trafic sur la route nationale 7 toute proche et en utilisant au mieux les trois quais de déchargement. L’aménagement de l’hyper­ marché ne s’est pas fait au hasard. Lorsque, en février 2009, Patrice Phélippeau, chargé de projet immobi­ lier chez Auchan, prend en main le chantier, son souhait est de s’inscrire dans le pro­ jet de charte de partenariat entre Auchan France et la CNAMTS (1). Il prend d’ailleurs l’initiative de contacter, dès le démarrage du projet, la Cramif afin de travailler en partena­ riat, sur la base de cette charte. Celle-ci reflète la volonté de l’entreprise d’intégrer la pré­ vention des risques profession­ nels lors de la conception, de la rénovation ou de l’extension

de ses hypermarchés. Elle défi­ nit des priorités, comme la pré­ vention des risques de chute de plain-pied, l’ergonomie des locaux, la réduction des manutentions manuelles… Elle propose également des enga­ gements à titre expérimental.

Anticiper pour mieux résoudre « L’existence de la charte, même à l’état de projet, nous a servi de base de travail : les principes étaient définis et le sens du travail donné », explique Patrice Phélippeau. Jean-Pierre Depay, contrôleur de sécurité à la Cramif, a été sollicité par l’équipe de ce dernier afin de l’aider dans sa réflexion et ses choix. Il se félicite de « cette charte qui a été un acquis pour l’équipe de conception, une

© Gaël Kerbaol/INRS

La mise en place d'une lance de projection de glace au rayon poissonnerie a sonné la fin du pelletage de centaines de kilos de glace par jour. Un système innovant que réclament d'autres magasins de l'enseigne.

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© Gaël Kerbaol/INRS

Pour éviter l'immobilisation des chariots transpalettes lors du chargement des batteries, celles-ci sont amovibles et installées sur des rolls qui permettent de les pousser jusqu'aux chargeurs.

base commune de dialogue ». Si Patrice Phélippeau et son équipe n’avaient pas construit d’hyper depuis dix ans, ils avaient l’expérience de deux restructurations importantes (Vélizy et Issy-les-Moulineaux, en région parisienne). Ils savaient que, du point de vue économique, l’intégration de la prévention très en amont permet d’éviter des modifica­ tions ultérieures coûteuses. Par exemple, après analyse sur plan des flux de matières, Jean-Pierre Depay propose d’augmenter le nombre de monte-charges. En effet, « il n’y

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avait qu’une batterie de montecharges pour tous les déplacements verticaux. Il fallait pouvoir prévenir tout engorgement », précise-t-il. C’est ainsi que de nouveaux montecharges sont ajoutés. En antici­ pant les inévitables pannes ou dysfonctionnements du maté­ riel, il est possible de garantir l’acheminement des produits, tout en facilitant l’évacuation des déchets engendrés par ces activités. L’équipe de conception a été vigilante sur les manutentions manuelles. Un canon à glace a été installé au stand pois­ sonnerie. Cette proposition, soutenue par la Cramif, a été estimée à 30 000 euros pour la machinerie, sans compter les 10 m2 d’espace consa­ crés à son implantation. Un réel effort quand chaque m2

compte. Un système de trans­ port à vis et une lance de pro­ jection acheminent les deux tonnes de glace neuve dont les poissonniers ont besoin chaque jour pour installer leur stand. « C’est la fin du pelletage de centaines de kilos de glace par jour. Nous avions observé deux cas de lombalgies dans d’autres magasins », rappelle Jean-Pierre Depay. « Avec ce système, on est passé de 1 h 30 à 25 min de temps de mise en glace. On a nettement limité la pénibilité du travail, ce qui redonne aux poissonniers du temps pour mieux se concentrer sur leur métier », souligne Patrice Phélippeau. Interrogés, les poissonniers remarquent que, « aujourd’hui la glace ne s’écoule pas très vite. Mais c’est très bien quand ça marche ». Après la phase de démar­

rage, le fonctionnement de cet équipement innovant a été optimisé et d’autres magasins de l’enseigne ont demandé son installation.

Adapter les principes aux réalités du terrain Un même soin a été apporté à l’élimination des cartons. Un poste de broyage par étage limite leurs circulations ver­ ticales et réduit la mobilisa­ tion des monte-charges. On épargne aussi le « transport de vide » grâce au transfert pneumatique des copeaux d’emballages jusqu’à la benne de compactage. Autre innova­ tion en matière de réduction des manutentions : le poste de rechargement des bat­ teries des chariots transpa­ lettes. Traditionnellement, le

chariot dont la batterie est en cours de chargement doit être immobilisé auprès du char­ geur. Dans le nouvel hyper­ marché, les engins électriques ont été adaptés. Ils sont dotés de batteries amovibles qui sont facilement débranchées et poussées par un système de rolls et de rails jusqu’à un ensemble de chargeurs. Ce dispositif permet de mainte­ nir le parc de chariots en fonc­ tionnement. En effet, seule la batterie est immobilisée, tan­ dis que le transpalette repart avec une batterie pleine. Seule limitation, les 6 000 euros que coûte l’installation. Néanmoins, l’équipe Auchan a dû adapter certains points de la charte. Ainsi, impos­ sible d’aménager un éclairage naturel dans les laboratoires de boucherie et boulangerie. « On a trouvé une solution, commente Jean-Pierre Depay. Des baies vitrées s’ouvrent d’un laboratoire sur l’autre pour éviter l’impression de local aveugle. » En revanche, la plupart des préconisa­ tions concernant les quais de déchargement (2) ont pu être mises en œuvre : les trois quais situés dans le bâtiment au-dessus du second niveau de parking ont été équipés de niveleurs motorisés, de butoirs de 50 cm et de guideroues. L’impossibilité de per­ forer la dalle béton a conduit au choix d’un dispositif de calage posé sur le sol. « On a quand même essayé », indique Patrice Phélippeau. Au final, cette solution s’est révélée décevante, mais il ne se décou­ rage pas : « Ce ne sont pas des

Prévenir plutôt que guérir

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’approche de la prévention au moment de la conception du nouvel hypermarché Auchan du Kremlin-Bicêtre a permis de traiter un certain nombre de points : • réduction des risques d’écrasement sur les quais de chargement-déchargement ; • réduction des manutentions de glace au rayon poissonnerie ; • mise en place d’un sol antidérapant dans les laboratoires et aires de vente alimentaires ; • réduction des manutentions de déchets d’emballage ; • création d’un local pour l’entreprise de nettoyage ; • réduction des nuisances sonores par la mise en place d’un traitement acoustique au plafond de la salle de restaurant d’entreprise ; • réduction de l’exposition à la poussière de farine dans la boulangerie par la mise en place de pétrins à capots pleins. Pour Auchan France, cette liste n’est pas limitative. L’entité nationale suit de près les progrès de la technique et se met à l’écoute des suggestions des contrôleurs de sécurité des Carsat, CRAM et CGSS.

problèmes, mais des particularités avec lesquelles il faut composer, et nous recherchons d’autres solutions. ». Quant à Jean-Pierre Depay, il estime que « l’ensemble du travail de conception a mis en évidence des points forts qui pourront être généralisés dans l’enseigne et des points faibles comme le choix des meubles qui reste à améliorer ».

Du temps pour la prévention Avec un effectif de 500 salariés dans cet hypermarché, Auchan voulait rapidement développer l’esprit d’équipe. Chaque sala­ rié a bénéficié d’une semaine d’intégration avec un temps consacré à la sécurité. Après plusieurs mois de fonctionne­ ment, le directeur du site du

Kremlin-Bicêtre, Pierre-René Tchoukriel, est satisfait des conditions d’exploitation du nouveau site. Il se souvient des premiers jours après l’ou­ verture, qui ont montré les limites des répétitions géné­ rales magasin fermé. Les sala­ riés n’étaient pas préparés à tous les aléas liés à l’arrivée du public. Une semaine après l’ou­ verture du magasin, les capaci­ tés de gestion des flux étaient saturées, nécessitant un entre­ posage intermédiaire. Il a fallu organiser des compléments de formation, sensibiliser à nouveau les salariés à la sécu­ rité et à l’usage des machines. Pour faciliter les échanges et les remontées du terrain, Pierre-René Tchoukriel anime des réunions régulières au cours desquelles un repré­ sentant de chaque secteur ou

service fait part du vécu des salariés au sein du magasin. En outre, chaque matin, les chefs d’équipe, quel que soit le secteur, interrogent leurs coolaborateurs sur les aspects commerciaux et sur les petits soucis quotidiens, appelés « irritants ». À savoir un outil manquant ou détérioré, une panne de machine, un pro­ blème d’organisation… Bref, tout ce qui entrave la bonne marche de l’activité ou affecte la sécurité est ainsi passé en revue et inscrit sur un tableau visible de tous. Les « irritants » sont résolus par le chef de rayon, en collaboration avec le service de sécurité. Si le pro­ blème est structurel, l’informa­ tion remonte jusqu’au comité directeur qui statuera. Statistiquement, les « irri­ tants » les plus fréquents ont trait à la gestion des matériels de manutention. Pour PierreRené Tchoukriel, « une intervention immédiate, dès que le problème surgit, procure un meilleur confort de vie au travail pour les salariés. La création du nouvel hyper était l’opportunité de créer des emplois dans le secteur du Kremlin-Bicêtre. Pour les fidéliser, il fallait créer un cadre de travail agréable… mettre le plaisir collectif au travail ». 1. CNAMTS : Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. La charte, à l’état de projet pendant la phase des travaux du nouvel hypermarché, a été signée en janvier 2010. Ce texte est disponible sur le site www.risquesprofessionnels.ameli.fr 2. ED 6059. Conception et rénovation des quais. INRS. À consulter et à télécharger sur www.inrs.fr.

C. L. Travail & Sécurité – ­­ Novembre 2010

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Agrandissement

Quand souci de qualité et prévention se Chez Pierrat, dans les Vosges, on est charcutier de génération en génération. Lorsque Stéphanie Cunat-Pierrat reprend les rennes de la charcuterie familiale, elle décide d’agrandir le site de production et d'en doubler la surface. Un projet qui a pris du temps et où, depuis le sol jusqu’au plafond, tout a été pensé. En termes de production comme en termes de prévention des risques professionnels.

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a photo date de 1943. Elle représente un gamin de 7 ans, hilare, portant un chapelet de saucisses. Depuis, cette image est devenue le logo de l’entreprise Pierrat, une charcuterie artisanale installée dans les Vosges. 67 ans plus tard, le gamin est toujours là, il a juste grandi. C’est Gérard Pierrat. Il a dirigé l’entreprise jusqu’en 2006, puis a cédé la place à sa fille, Stéphanie Cunat-Pierrat. Il n’a certes plus le même âge, mais semble heureux de raconter l’histoire de cette entreprise familiale. Et surtout, de ses dernières

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évolutions. Ou plutôt, de sa grande révolution. Car la char­ cuterie vient de s’installer dans de nouveaux locaux où tout, dans ses moindres détails, a été mûrement réfléchi… Depuis 1985, l’entreprise était implantée à Jussarupt, un petit village des HautesVosges. Ces dernières années, les locaux s’avèrent trop exigus pour une activité en pleine expansion et, surtout, inadaptés pour répondre à la réglementation en matière d’installation classée. « Notre premier souhait était de rester sur place et de nous agrandir,

explique Stéphanie CunatPierrat. Mais rapidement, s’est posé le problème important du réseau d’assainissement dont ne disposait pas la commune. » S’ensuivent des années de recherche. Six années durant lesquelles la PDG, aidée d’un cabinet d’ingénierie, Agropôle Ingénierie, planche sur trois projets. « Nous sommes allés très loin à chaque fois, se rap­ pelle Stéphanie Cunat-Pierrat. Nous avons associé des salariés, pensé aux matières premières, aux flux, à l’ergonomie, à la chaîne du froid… Les salariés étaient dans les starting blocks.

e rejoignent

© Vincent Grémillet pour l'INRS

Les locaux sont vastes et un code couleur permet de délimiter les zones. Ici, le vert signifie qu'il s'agit du conditionnement.

Et quand le troisième projet n’a pas abouti, je me suis demandé si je faisais un dernier essai ou si j’arrêtais. » Arrêter, cela signifiait cesser la recherche de site et mettre un terme au développement de l’activité.

Des zones identifiées Finalement, les choses se débloquent avec l’arrivée d’un nouveau sous-préfet en 2008. « Il s’est intéressé à notre problème et a rapidement réuni autour d’une table toutes les administrations. De notre côté, nous venions de trouver le site

du Tholy et tout s’est enchaîné rapidement », raconte la diri­ geante. Le projet avance vite, même si les plans ont dû être refaits 50 fois. Pendant un an, Stéphanie Cunat-Pierrat sélec­ tionne une à une les entre­ prises qui vont participer à la construction de son nouvel outil de travail : « Mes critères ? Compétence et proximité. Au final, 75 % des entreprises viennent du grand Est de la France. » En onze mois, le site de pro­ duction est sorti de terre, sur la commune du Tholy, juste à côté de la route la plus pas­ sante des Vosges. « C’était un sacré challenge, remarque Philippe Marceau, contrôleur de sécurité de la Carsat NordEst. Car, vu l’hiver rigoureux que nous avons eu, l’affaire n’était pas gagnée. » Tout a été longuement analysé par une équipe pluridisciplinaire du cabinet d’ingénierie, avant le passage à la construction proprement dite : « Nous sommes multiprocess et multi­ produit, souligne Stéphanie Cunat-Pierrat. C’est vrai que c’est compliqué, mais c’est aussi ce qui fait notre force : nous avons réfléchi par famille de produits et par flux, de personnel et de produits. » Avec, en ligne de mire, la ferme volonté d’obtenir la certifica­ tion IFS (International Food Standard). « C’est une certification assez récente qui

reprend tous les critères les plus exigeants des grandes enseignes, ouvrant ainsi potentiellement un immense marché », explique Christophe Ritter, associé fondateur de la société Agropôle Ingénierie. Plusieurs règles doivent ainsi être respectées : la marche en avant (du personnel et des produits), pas de croisement entre produits propres et sales, séparation des produits crus et cuits ainsi que des matières

sont en inox. « Pour ce qui est des sols, il a fallu faire un compromis entre des critères antidérapants et de nettoyabilité, explique Christophe Ritter. Il fallait aussi qu’en certains endroits ils résistent aux chocs thermiques (l’eau qui coule au sol peut atteindre  80 °C) et aux chocs mécaniques… Au final, le choix s’est porté sur deux types de sols : des sols en résine à base de polyuréthane dans les zones de cuisson et pour le reste,

Pierrat en chiffres • Date de création : 1892. • Superficie du nouveau bâtiment : 3 600 m2 (l’ancien faisait 1 100 m2). • Production : 1 500 tonnes de charcuterie par an ; à terme, 3 000 tonnes. • Nombre de salariés : 40. • Production : charcuterie traditionnelle des Vosges, saucisses, boudins, saucissons, fuseaux lorrains, jambonneau, etc. • Chiffre d'affaires : 6,1 millions d’euros. • Débouchés : essentiellement en France, en grandes et moyennes surfaces, chez des grossistes et, pour une moindre part, chez les bouchers, restaurateurs.

premières et des produits finis. Des zones ont été délimitées : rouges pour la viande crue, jaunes pour la production et vertes pour le conditionne­ ment. Chaque salarié est muni d’un badge lui permettant d’accéder à certaines zones et à certaines heures seule­ ment. Les cartons d’embal­ lage et palettes des matières premières ne pénètrent pas dans l’enceinte de l’usine. Question d’hygiène. À chaque zone de production ensuite ses spécificités. La plupart des murs et des pla­ fonds des zones de production

des sols en résine type époxy monile. » « Sur l’ensemble du site, rien que les sols ont coûté 175 000 euros, précise le contrôleur de sécurité. Ils ont été choisis dans la liste recommandée par la CNAMTS. » Toutes les eaux sont évacuées par des goulottes et les résidus de viande tombés au sol sont récupérés dans des paniers. « Cela constitue un premier traitement, explique Jérôme Magny, responsable de pro­ duction. On les vide tous les jours. » Au plafond, des évapo­ rateurs permettent de réguler la température entre 2 et 4 °C Travail & Sécurité – ­­ Novembre 2010

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Des aides aux manutentions La fabrication de saucisses suit une autre voie : la viande réceptionnée est découpée et envoyée, dans des bacs, en salle de fragmentation. Elle passe dans une sorte de gros robot ménager où la farce est mélangée à des épices, de l’eau et du sel. Jusqu’à 50 types de farces différentes peuvent être fabri­ quées. Un salarié – le pousseur – pousse ensuite la farce dans les boyaux, un autre coupe les saucisses à l’aide d’une bague. Un sys­ tème très astucieux, repéré par Philippe Marceau. « Cela évite les coupures et permet aux opérateurs d’aller très vite. » Il faut savoir qu’un « pousseur » pousse entre 300 et 400 kg de farce par jour… La Carsat Nord-Est a aidé à l’achat de palans, basculeurs ou élévateurs de cuves, à hau­ teur de 50 000 euros. Autant de systèmes d’aides à la manutention qui réduisent les risques d’apparition de TMS ou de lombalgies.

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« Mais ce qui est le plus novateur chez Pierrat, remarque Philippe Marceau, c’est le plénum pour la maintenance : un système situé au-dessus de l’ensemble du site de production et dans lequel passe l’ensemble des installations techniques. » C’est-à-dire les arrivées d’eau, d’air comprimé, les pompes à vide, les systèmes élec­ triques, les bacs de sciures, les armoires de contrôle des tem­ pératures, etc. « Ainsi, les zones de circulation piétonne des opé-

rateurs de production restent dégagées, poursuit le contrô­ leur de sécurité. Cela évite les risques de chutes de plain-pied souvent dues à l’encombrement des sols. De plus, ces salariés de production ne subissent plus le bruit généré par Pour limiter les manutentions, la plupart des postes sont équipés de palans, basculeurs ou élévateurs de cuves. Des installations qui ont pu se faire grâce à l'aide financière de la Carsat Nord-Est.

les installations techniques. » Tout est en dehors des zones de production et monté de façon étanche. Le lieu n’est accessible qu’à quelques per­ sonnes, dont le responsable de maintenance. « Nous sommes passés d’un système archaïque à un système ultramoderne, explique, enthousiaste, le res­ ponsable de production. Un fourreau passe à travers le plafond et permet des interventions de maintenance en toute sécurité. » Même à l’extérieur, Stéphanie CunatPierrat a le souci du détail : elle a fait recouvrir le toit d’une bâche verte en PVC, afin que le bâtiment s’intègre au mieux dans le paysage et souhaite, à terme, créer un parcours pédagogique et un verger de pommes et pêches anciennes. Mais tout cela a un coût. Plus de 5 mil­ lions d’euros ont été investis pour créer cette nouvelle unité de production. Gérard Pierrat, avec un brin d’admiration, reconnaît que c’est le projet de sa fille. Un projet qui, pour être viable, devra voir la production de charcuterie doubler en cinq ans. Une page de l’histoire Pierrat se tourne, même si Gérard est toujours présent… à travers le logo de l’entreprise. © Vincent Grémillet pour l'INRS

en principe. Et pour fumer les produits, trois générateurs de fumée sont alimentés par de la sciure qui provient d’une scierie située… de l’autre côté de la route départementale, à quelques mètres de l’entre­ prise Pierrat.

L’environnement, un engagement majeur

T

out, ou presque, a été conçu dans un souci de protection de l’environnement. Ainsi, le froid est produit grâce à un système d’eau glycolée, avec seulement 150 kg d’ammoniac. Par ailleurs, un système de récupération d’énergie permet d’être autonome en eau chaude et en chauffage. Les eaux de toitures sont également récupérées pour arroser les extérieurs.

1. Agropôle Ingénierie est un cabinet d’ingénierie du bâtiment, spécialisé dans l’agroalimentaire.

D. V.

Produits en béton

Vers une protection sur mesure

L'une des deux halles de fabrication : l'intervention en amont d'une équipe pluridisciplinaire a permis d'installer un pont roulant, des baies vitrées à hauteur d'homme, de traiter acoustiquement les murs et plafonds…

U

ne boîte en tôle. Voilà ce que j’ai vu, sur plan, en février 2005. » Roland Riess, contrôleur de sécurité à la Carsat RhôneAlpes, n’en démord pas : il n’était pas question pour lui de laisser passer en l’état le projet de nouveau bâtiment que lui avait présenté l’en­

être particulièrement persua­ sif. Car le résultat est loin, très loin, d’une boîte en tôle... C’est dans les années 1960 que l’en­ treprise Delta Préfabrication, filiale du groupe Rampa (cf. encadré page 31), s’installe à Privas, en Ardèche. Profitant de l’explosion du logement collectif, elle y fabrique des

réalisé sur place, à l’extérieur, quasiment dans les conditions d’un chantier. Les équipes sont exposées au vent, au froid ou à la chaleur…car seulement abritées par un toit coulissant. « C’était très pratique, car cela nous donnait beaucoup de souplesse, poursuit Frédéric Heyraud. D’autant que Delta

éléments en béton pour ces constructions. « Un travail répétitif et uniforme, explique Frédéric Heyraud, directeur technique. Mais, une fois que ces logements collectifs ont été achevés, le marché local s’est tari et il a fallu réorienter notre activité. Nous nous sommes alors tournés vers des produits sur mesure, de qualité, toujours à base de béton. » Tout est

Préfabrication s’est spécialisée dans les pièces en béton particulières, souvent hors normes en ce qui concerne les dimensions. Avec cette organisation, nous n’avions pas de problème d’espace. » Au début des années 2000, la direction décide de construire de nouveaux locaux . Objectifs : améliorer les conditions de travail, gagner

© Guillaume J. Plisson pour l'INRS

Dans la zone industrielle du lac, à Privas, en Ardèche, deux grues permettent de repérer de loin la société Delta Préfabrication. Spécialisée dans la préfabrication de produits en béton sur mesure, elle s’est lancée, il y a quatre ans, dans la réalisation de nouveaux bâtiments afin de donner de meilleures conditions de travail à ses salariés.

treprise Delta Préfabrication, spécialisée dans la préfabrica­ tion de produits en béton sur mesure. « Aucun traitement thermique ni acoustique n’était prévu, et seules quelques ouvertures placées très en hauteur laissaient passer la lumière naturelle. » Trois ans après l’achèvement des travaux, en visitant les nouveaux locaux, on se dit que Roland Riess a dû

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en productivité, rendre plus attrayant le métier et amélio­ rer l’image de la société visà-vis de la clientèle. « Nous avons tout imaginé, raconte Frédéric Heyraud : quitter l’Ardèche, se rapprocher de la vallée du Rhône. Puis nous nous sommes dit que la qualité de nos produits reposait essentiellement sur les hommes… et nous n’avons pas voulu prendre le risque que des salariés ne nous suivent pas. » Donc les nouveaux bâtiments seront réalisés à Privas. Le terrain de l’usine – qui n’appartenait pas à la société – est acheté et un préprojet voit le jour.… Le fameux projet qui a fait réagir le contrôleur de sécurité de la Caisse régionale : « J’étais effaré, ajoute-t-il. J’ai pris le directeur à part, à la sortie de la réunion, pour lui expliquer que les risques n’étaient pas bien pris en compte et qu’il fallait revoir la copie. » Le direc­ teur technique reconnaît, a posteriori, qu’ils s’étaient focalisés sur le produit et les aspects techniques. Roland Riess convainc la direction de réunir architecte, ergonomes, médecin du travail et deux personnes des laboratoires interrégionaux de chimie et de physique. Parallèlement, une enquête est menée auprès des 50 salariés pour connaître leurs attentes. « Nous avons identifié les points à améliorer, explique le Dr Malika Chabanis, le méde­ cin du travail qui suit cette entreprise : le bruit (de chocs, des impulsions et lorsque l’on fait vibrer le béton) ; la conception inadaptée des zones

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© Guillaume J. Plisson pour l'INRS

Le béton est fabriqué à l'extérieur des halles : il est repris par une benne à béton qui se déplace grâce à un pont roulant.

de travail ; les problèmes de manutention et de troubles musculosquelettiques ; la luminosité et les conditions climatiques. » L’étude menée par le Centre interrégional de mesures physiques conclut : « Le nouveau bâtiment devra être traité acoustiquement afin de diminuer l’amplification des bruits due au local, il devra avoir des parties vitrées importantes et intégrer des protections solaires pour une bonne uniformité de l’éclairement.

Enfin, il devra pouvoir être ventilé naturellement avec des ouvertures face au vent dominant. » Quelques mois après le premier projet, la deuxième mouture est adoptée par tous. Il s’agit de deux halles de fabri­ cation jumelles, de 800 m2 chacune : disposées avec de vastes ouvertures à l’Est, elles mesurent chacune 40 mètres de long sur 20 de large et 12 de haut. Elles sont équipées chacune d’un pont roulant qui permet de démouler et de

transporter des produits en béton pouvant peser jusqu’à 10 tonnes. « On pensait avoir vu large, remarque le directeur technique, mais on vient de remettre exceptionnellement en fabrication des produits dans d’anciens ateliers car ils pèsent 15 tonnes et la capacité des ponts roulants est insuffisante ! » Deux rangées de baies vitrées sont disposées sur la longueur de chaque halle, à 1,40 mètre de haut, à hauteur d’homme. « Au départ, nous n’avions pas prévu de mettre des baies vitrées aussi bas, par peur de la casse », reconnaît le directeur tech­ nique. Après trois années d’ac­ tivité, seules deux vitres ont été remplacées, à cause d’im­ pacts. « C’est très important, l’éclairage naturel à hauteur des yeux, remarque le méde­ cin du travail. Cela permet aux salariés de se repérer dans le temps et de voir également l’activité à l’extérieur. » Et cela facilite le nettoyage des vitres.

Des halles tempérées Le béton est réalisé dans une centrale légèrement excen­ trée. Il arrive dans un chariot convoyeur, directement à l’intérieur des bâtiments. La personne en charge du béton – le bétonnier – gère son ache­ minement à l’aide de liaisons radio et de caméras situées sur le parcours du convoyeur. Une fois arrivé à destination, il est repris avec une benne à béton et le pont roulant pour être versé dans les moules. Les murs des deux halles et

À l'extérieur des bâtiments, les produits sont acheminés à l'aide de ponts roulants, puis stockés sur des rateliers.

© Guillaume J. Plisson pour l'INRS

de faire de substan­ tielles économies. « Auparavant, nous chauffions le béton, pendant les nuits d’hiver, avec de la vapeur d’eau produite à l’aide d’une chaudière à fuel. Un procédé extrêmement gourmand en énergie fossile », explique Frédéric Heyraud. Le nouveau système, qui fonctionne à l’électricité, est plus économe. Quand on interroge le direc­ teur technique sur la possi­ bilité de chauffage solaire, il avoue ne pas y avoir pensé. « Ou plutôt, trop tard, regrettet-il. On a loupé le coche. » Le seul « loupé » de ces nouveaux bâtiments, semble-t-il. Philippe Tartare est respon­ sable des achats du magasin et membre du CHSCT. « Ces nouveaux bâtiments ont beaucoup amélioré les conditions de travail, déclare-t-il. Je craignais un peu que les salariés n’adhèrent pas immédiatement, car ils ont dû changer beaucoup d’habitudes, mais

des plafonds ont été traités acoustiquement avec du bar­ dage microperforé. « Les analyses du Centre interrégional de mesures physiques et les spécialistes de la Carsat nous ont aidés dans le choix des matériaux. Nous avons ainsi pu diminuer le bruit d’une quinzaine de décibels », remarque Frédéric Heyraud. « Les zones les plus bruyantes – les ateliers de fabrication – ont également été séparées des zones moins bruyantes – l’atelier de ferraillage) », poursuit le méde­ cin du travail. Cependant, lorsque les salariés font vibrer le béton, le bruit reste impor­ tant. « Impossible de traiter totalement ce bruit, explique le contrôleur de sécurité. Les fréquences sont trop basses. La seule solution trouvée à ce jour est le port de bouchons d’oreilles ou de casques. » Une obligation qui semble bien acceptée. Une fois les pro­ duits démoulés, ceux-ci sont acheminés vers l’extérieur grâce aux ponts roulants qui peuvent sortir des bâtiments jusqu’à une zone de stoc­ kage de produits équipée de râteliers. Du côté de l’air ambiant, les

nouvelles conditions de tra­ vail n’ont plus rien à voir avec les anciennes. Les salariés tra­ vaillent désormais à l’abri, dans des locaux chauffés en hiver et aérés à l’aide d’un système de claire-voies en été. Lors de notre venue, la température extérieure avoisinait les 35 °C. « Vous avez remarqué : dès que nous franchissons l’enceinte des nouveaux bâtiments, l’air est nettement plus frais et baisse d’une dizaine de degrés par rapport à l’extérieur », souligne le médecin du travail. L’hiver, l’installation d’un chauffage rayonnant permet à la fois de chauffer les locaux, de procé­ der à l’étuvage des bétons…et

Delta Préfabrication en bref • Filiale du groupe Rampa entreprises. • Effectif : 54 personnes. • Activité : préfabrication de produits dans toutes sortes de béton, sur mesure et souvent hors normes dimensionnelles. • Année d'installation à Privas : 1966. • Nouveaux locaux mis en service en 2007 : deux ateliers de fabrication, un atelier de coupe et de façonnage d’acier, un atelier de façonnage des treillis soudés et d’assemblage des armatures, après 15 mois de travaux. • CA 2009 : 3,7 millions d'euros HT. 

au final, ils se sont rapidement approprié les lieux et les nouvelles méthodes de travail. » Une analyse que Didier Dupin, responsable du laboratoire et membre du CHSCT lors des travaux, confirme aisé­ ment : « D’énormes progrès ont été réalisés, remarque-t-il. Les personnes qui travaillent dans ces locaux sont désormais protégées des conditions atmosphériques. Mais cela va même au-delà : la qualité de nos produits s’en trouve améliorée. » L’objectif du CHSCT est maintenant de faire adop­ ter les mêmes méthodes de travail dans d’autres halles et de continuer à progresser… comme sur le choix du maté­ riel de projection des huiles de démoulage ou le passage d’un bâtiment à l’autre. Le Dr Malika Chabanis se montre très satisfait du travail accom­ pli : « Pendant la phase de travaux, l’activité s’est poursuivie, explique-t-elle. Les salariés étaient très à l’étroit et les accidents du travail ont augmenté. Mais avec les nouvelles installations, les accidents sont en baisse. La Caisse régionale est intervenue au bon moment. Ni trop tôt, ni trop tard. » Un sentiment partagé par Roland Riess, qui mesure le chemin parcouru : « Lorsque les travaux étaient presque achevés, conclut-il, un salarié présent depuis plusieurs dizaines d’années m’a dit : “Maintenant, je pourrais sans hésiter proposer à mon fils de venir travailler ici.” ». Car on est loin de la boîte en tôle de départ. D. V. Travail & Sécurité – ­­ Novembre 2010

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Carrière

Les risques mis à distance

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n plein cœur de la campagne basque, à quelques encablures du village d’Arbouet-Sussaute, dans les Pyrénées-Atlantiques, est exploitée une des carrières du groupe Durruty. Sous le soleil de ce début d’été, la structure est étincelante. Un aspect plutôt inhabituel pour une installation de ce type. Les convoyeurs de carrière et les unités bardées sont en général

projet de refonte de son pro­ cess de traitement des maté­ riaux. Objectif : moderniser les installations en intégrant au maximum la prévention des risques professionnels dans la conception de l’unité. L’exploitation des carrières est une activité industrielle à risque. Même si de plus en plus de tâches sont méca­ nisées et que l’intervention humaine se situe désormais

triques, chutes ou glissades, manutentions manuelles et mécaniques fréquentes. Bien qu’aucun accident grave n’ait été déploré sur ce site, l’in­ tégration de la sécurité à la conception des installations faisait partie des préoccupa­ tions de la direction. Un réa­ ménagement de fond a donc été réalisé. Toute la zone de traitement des matériaux a été déplacée sur le site, aux

couverts de terre et de pous­ sière dans un décor lunaire. Ici, rien de cela. Depuis février, une nouvelle unité de traitement est en fonction­nement. La car­ rière de calcaire est exploitée depuis 1982 et tournait depuis cette date avec la même unité de traitement. En 2008, l’entre­ prise, qui emploie une dizaine de salariés, se lance dans un

plus au niveau des contrôles que de la production, les taux de fréquence et de gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles res­ tent élevés. Le nettoyage et la maintenance des installa­ tions constituent notamment des opérations délicates, avec exposition à différents types de risques : mécaniques, élec­

abords de la zone d’extraction, et les équipements neufs ont été installés. Dans le cadre de cet aménagement, toutes les sources de risques à intégrer lors de la conception de la nouvelle unité ont été prises en compte dans un cahier des charges « risques profes­ sionnels » initialement pro­ duit par la Carsat Aquitaine

© Albert Pereira pour l'INRS

La carrière Durruty située à ArbouetSussaute, dans les Pyrénées-Atlantiques, a fait l’objet d’un réaménagement de fond de ses installations. Opérationnelle depuis février 2010, elle a intégré à tous les niveaux la protection des salariés pour des opérations d’exploitation, mais aussi de maintenance et de nettoyage.

Cabine de contrôle délocalisée et insonorisée (ici, à gauche), convoyeurs réhaussés… de multiples éléments ont été aménagés pour améliorer les interventions sur la chaîne de production mais également pour les opérations de maintenance et de nettoyage.

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Travail & Sécurité­­– Novembre 2010

Sur le site, tous les passages pour piétons ont été réaménagés et protégés.

Concassage Un poste était particu­ lièrement problématique en termes de conditions de travail : l’unité de concas­ sage. Il s’agit de la phase où les matériaux sont broyés. Trois broyeurs concassent les pierres suivant différentes granulométries. Or, par les forces qu’elles exercent, ces machines ont un fonctionne­ ment générateur de bruit, de poussières et de vibrations. La nécessité d’un contrôle per­ manent conduit à toujours poster un salarié à cette étape du process, l’exposant à tous ces risques. Afin de revoir ce poste sensible, les opérations de contrôle ont été totalement revues. Tout a été automatisé, et l’opérateur « délocalisé ». Il contrôle en effet désormais à distance le fonctionnement de l’unité, depuis une cabine climatisée et insonorisée construite à l’extérieur. « Sur les anciennes statistiques à ce poste, on constatait beaucoup de cas de surdité liée à l’exposition au bruit et de lombalgies résultant des vibrations. Ça a toujours été un poste problématique du point de vue des conditions de travail », pré­ sente Aurélien Cotelo, contrô­

convoyeurs », présente Stéphanie Souillart, res­ ponsable prévention chez Durruty. L’amélioration des conditions d’interven­ tion en espace confiné sur les convoyeurs a éga­ lement fait l’objet d'une réflexion. Ces tapis, dont la base est souterraine, peuvent être une source de risques lors de diffé­ rentes interventions. Ils peuvent exposer en effet à des risques d’entraînement (doigts, membres), notam­ ment lorsque doît être réalisé le nettoyage de tambours ou de rouleaux, ou encore à l’occasion du graissage, du recentrage des bandes, etc. Les dimensions du tunnel ont été pensées pour permettre l’accès des opérateurs et des moyens de maintenance. Une sortie de secours participant à une ven­ tilation naturelle de la zone a été créée. Enfin, la préservation du maté­ riel étant aussi une action de prévention puisqu’elle réduit les interventions de mainte­ nance, des aménagements particuliers ont été réalisés : les trémies ont été dotées de revê­ tements de caoutchouc pour les préserver de l’usure tout en atténuant les niveaux sonores émis. Les convoyeurs ont éga­ lement été capotés afin de limiter l’émission de pous­ sières sur le site. Cette nouvelle installation fonctionne depuis février dernier. Elle a coûté la somme de 3,5 millions d’eu­ ros et a fait l’objet d’un contrat de prévention avec la Carsat Aquitaine. C. R.

© Albert Pereira pour l'INRS

et fourni par l’entreprise aux concepteurs en phase projet : flux de circula­ tion de piétons, véhicules et engins, accès au vide, organes mécaniques en mouvement, exposition à des poussières, manuten­ tion de charges lourdes, niveaux sonores élevés.

leur de sécurité à la Carsat Aquitaine. Aujourd’hui, par cet éloignement, l’opérateur est soustrait aux risques. De multiples autres aména­ gements ont été réalisés sur les autres postes de la car­ rière. Sur le crible, qui trie les matériaux en fonction de leur taille, un accès sécurisé a été installé pour permettre au personnel d’accéder à l’inté­ rieur de la tête de crible lors des opérations de nettoyage ou de changement des grilles. Celle-ci se recule grâce à des rails, et deux plates-formes se déplient à l’horizontale, proté­ geant les opérateurs de tout risque de chute de hauteur. Un système de graissage du crible automatisé et déporté ainsi que des équipements d’aide à

Pour en savoir plus • La sécurité dans les carrières. Livret à usage des salariés. ED799. INRS À consulter et à télécharger sur www.inrs.fr.

la manutention à demeure ont également été mis en place. « Cela évite des manutentions et l’exposition du personnel lors de l’intervention », poursuit Aurélien Cotelo. Tous les passages pour piétons sont protégés et aménagés sur le site. Des passerelles fixes installées autour des installa­ tions sécurisent les accès et les interventions des opérateurs en phase production et en phase maintenance. Des par­ kings distincts ont été délimi­ tés pour les différents types de véhicules (légers, poids lourds, gros engins, etc.). Les flux de piétons, de véhicules et de gros engins sont séparés pour évi­ ter tout risque d’écrasement. Un dispositif d’arrosage du sol est installé pour limiter l’émis­ sion de poussières. Les convoyeurs qui ache­ minent les pierres ont été réhaussés volontairement. « Leur base est désormais à un mètre du sol. Cette surélévation par rapport aux installations habituelles facilite les opérations de maintenance et de nettoyage en termes de postures et sécurise la circulation des piétons autour des

Travail & Sécurité – ­­ Novembre 2010

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