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Qu'est-ce qui est primordial pour vous dans le contact avec les détenus ? Marlise Pfander : Je les considère non pas comme des criminels, mais comme des êtres humains. Ce qui est important, c'est que mes collaborateurs et moi- même ne les jugions pas. Ce n'est pas notre tâche. Nous ne devons pas pénaliser ...
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Que de questions !

Marlise Pfander

« Une parole réconfortante vaut bien mieux que des comprimés » Le succès, c’est quand sa journée se passe sans qu’il y ait d’agressions. Avec respect et considération, Marlise Pfander dirige la prison régionale de Berne : 54 collaborateurs, près de 130 détenus, 12 000 entrées et sorties par an. 20

Qu’est-ce qui est primordial pour vous dans le contact avec les détenus ? Marlise Pfander : Je les considère non pas comme des criminels, mais comme des êtres humains. Ce qui est important, c’est que mes collaborateurs et moimême ne les jugions pas. Ce n’est pas notre tâche. Nous ne devons pas pénaliser davantage les gens. Une partie de ces gens a fait des choses abominables. Comment parvenez-vous à voir l’être humain dans le criminel ? M.P. : Pour moi, il est essentiel d’être honnête. L’un des détenus était incarcéré pour un viol. Je lui ai dit : « En tant que mère, j’ai horreur de ce que vous avez fait. Mais, dans ce cadre-ci, je vous protège. »

Votre institution a déjà été qualifiée de « prison dorée » … M.P. : On ne peut pas parler de « prison dorée » lorsque les prisonniers sont enfermés 23 heures par jour dans leur cellule et ne peuvent sortir qu’une heure dans une petite cour. Qu’est-ce qui différencie votre style de direction ? M.P. : Je suis moi-même, simplement, d’un style maternel. Ici, à l’intérieur, je tente d’éviter les agressions. Cela renforce la sécurité interne. Nous nous situons en plein centre de la ville de Berne, sans murs de protection. Voyez-vous, nous n’avons aucune influence sur la sécurité à l’extérieur. Par contre, sur la sécurité à l’intérieur, oui. Comment évitez-vous les agressions ? M.P. : Les conflits entre les détenus surgissent souvent entre des gens de cultures différentes. Lorsque, par exemple, je constate que des gens de cultures differentes ne s’entendent pas sur un même étage, je ne suis pas obligée de les mettre ensemble dans une cellule. Vous discutez beaucoup avec les détenus … M.P. : J’ai beaucoup de contact et je connais également leurs noms. C’est très efficace. L’un des détenus m’a confié un jour : « Je n’avais plus d’espoir. Pourtant, ici, j’ai repris espoir. » Je lui ai dit: « Ecrivez-moi cela. » Il m’a fait un dessin représentant des souches d’arbres qui refleurissent.

Quelle expérience avez-vous faite avec l’Armée du Salut ? M.P. : Une fois par semaine, l’Armée du Salut vient visiter les détenus qui le souhaitent. C’est une tradition qui se perpétue. Lorsque j’ai débuté ici, j’ai notamment dit : à Noël, je voudrais chanter « Douce nuit » avec l’Armée du Salut à chaque étage. Je trouve cela si beau. Désormais, chaque 25 décembre, nous chantons ce chant du cinquième étage jusque dans les cuisines, au sous-sol. A quel point les visites sont-elles importantes pour les détenus ? M.P. : Très importantes. Purger une peine signifie être privé de famille, de relations. Cela marque. Il y avait un père, dont le fils avait peur. Je savais que ce dernier devait fêter son anniversaire. J’ai alors acheté un livre d’enfant, de telle sorte que son père puisse le lui remettre lors de sa prochaine visite, afin qu’une relation s’établisse à nouveau. Car le pire, c’est quand les relations meurent. Les personnes perdent alors leurs repères. Vous arrêtez cette année. Quel message souhaitez-vous transmettre à votre successeur ? M.P. : Qu’il prenne le temps de montrer sa considération pour les détenus. Questions : Florina German Photos : Tina Steinauer

Une image forte … M.P. : Beaucoup de nos « habitués » sont aussi comme des souches d’arbre. Sans espoir. Certains sont fortement dépendants de la drogue. Quelques-uns n’ont aucune perspective. Ça fait tout de même mal au cœur de les voir arriver, se faire requinquer, puis être libérés et retomber dans la même ornière. Comment peut-on prévenir cela ? M.P. : Je leur demande de s’engager : « Vous me promettez de ne plus revenir, n’est-ce pas ? » Ils me le promettent et reviennent tout de même souvent peu après. Où puisez-vous l’énergie nécessaire ? M.P. : Dans le plaisir d’accomplir mon travail. Même après huit ans. On peut faire tellement de bien avec si peu. Par exemple, lorsque je parle avec quelqu’un, que je mets la main sur son bras et lui dit : « Cela va s’arranger ». Cela vaut bien mieux qu’une boîte de comprimés.

Sa force, Marlise Pfander la puise dans la joie de faire son travail. 21