Vivre et écrire pour deux. - Amazon Simple Storage Service (S3)

mots. J'adorais inventer des histoires, presque autant que de jouer au hockey ou au baseball. J'ai imaginé que Marie, contrairement à ses frères, avait marché ...
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Sarah et moi

Vivre et écrire pour deux. Je n’ai jamais pu et jamais voulu reléguer ma fille Marie dans la malle aux souvenirs. J’ai vu grandir et évoluer ses trois frères (Félix, en production télé; Francis, en électricité et en sport de planches; Simon, en ingénierie) et je n’ai jamais accepté que la présence de Marie ne s’éteigne en même temps que son petit corps. J’ai donc vécu sa vie par procuration : j’ai eu dix ans à sa place, puis quinze, et vingt, et trente. C’était facile, au fond : je n’avais qu’à suivre Félix, son jumeau. J’avais douze ans quand je suis tombé en amour avec les mots. J’adorais inventer des histoires, presque autant que de jouer au hockey ou au baseball. J’ai imaginé que Marie, contrairement à ses frères, avait marché dans mes traces et avait été elle aussi fascinée par l’écriture et l’invention d’histoires. Quand l’idée de Sarah et moi a germé en moi, je savais que j’allais devoir procéder différemment : j’allais écrire le roman en empruntant le cerveau, l’âme et le cœur d’une jeune fille au caractère de béton. Ma narratrice s’appelle Emma (comme dans M-A…); vous l’aurez deviné : je la connaissais déjà depuis longtemps, cette jeune fille qui n’a pas froid aux yeux... Dans les jours qui ont suivi le 29 septembre 1985, date du décès de ma fille, je me suis découvert une autre fascination : les rêves. La raison en est fort simple : c’est uniquement dans ces situations où j’ai de réels contacts avec Marie. Je la serre dans mes bras, je lui cours après, je lui parle, je flatte sa petite tête rousse, je lui demande pourquoi elle est partie si vite, etc. 1

Ces rencontres dans l’inconscient sont toujours chargées d’émotions réelles. Il était donc évident que mon roman allait grandir et pousser dans le champ des rêves. Le rêve ne connaît ni limites, ni balises, ni logique, ni notion de temps ou d’espace. C’est un matériau fantastique pour créer des histoires! Marie était d’accord. Ainsi sont nés et se sont développés les deux tomes de Sarah et moi. Je me suis attablé devant mon ordinateur et j’ai suivi le fil de son histoire. Soyons honnête : il m’est arrivé de le guider, ce fil, de lui inculquer certaines de mes priorités. Je suis un fan d’Histoire et des personnages et des moments transcendants qu’elle a fournis à l’Humanité; il fallait donc qu’on les retrouve dans le bouquin. Ce qui fut fait. Il fallait aussi qu’on accroche quelques sujets plus contemporains : l’intimidation, l’homoparentalité, l’adoption, le drame des jeunes autochtones, le suicide chez les jeunes, la violence et les maladies mentales. Et il fallait aussi que les valeurs sans âge y soient : l’amour inconditionnel, le sacrifice de soi au profit des autres… Marie et moi, on s’est mis d’accord sur une liste et je lui ai dit : Go!! - Mais n’oublie pas, beauté : faut que ton histoire soit intéressante, ok? - Inquiète-toi pas, p’pa. Fie-toi sur moi. Je me suis fié sur elle. Je pense que j’ai eu raison. Elle a fait une belle job. Christian Tétreault

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