Une centaine de tracteurs file à travers la Sarthe

3 sept. 2015 - embarqué une valise de vêtements chauds, sans même savoir où il allait dormir. Ça sera au parc des expos de. Chartres, dans l'Eure-et-Loir.
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Sarthe

Ouest-France Jeudi 3 septembre 2015

Une centaine de tracteurs file à travers la Sarthe Hier après-midi, le convoi en route pour la manifestation de Paris a fait halte au péage Le Mans-Ouest. À la clé, des ralentissements sur les autoroutes A11 et 81. tion La Ferté-Bernard, où une douzaine d’autres tracteurs du nordSarthe doit s’insérer dans le convoi. Face au défilé de tracteurs, dont plusieurs ornés de slogans et de drapeaux bretons, les automobilistes doivent prendre leur mal en patience : le rythme de croisière des engins agricoles, qui ne dépassent guère les 35 km/h, provoque bouchons et ralentissements sur l’A11 et l’A81. Lire aussi en page 3 Regarder la vidéo sur ouestfrance. fr/lemans

Joël Le Gall

Ils n’ont pas traîné. Hier, vers 15 h, environ 90 agriculteurs en colère, venus de Bretagne, Mayenne et Maineet-Loire, débarquent aux portes du Mans. L’imposant cortège coloré, en route pour la manifestation organisée ce jeudi à Paris, se stationne dans un champ, face au péage autouroutier Le Mans Ouest-Université. Après une pause casse-croûte et le renfort d’une dizaine d’agriculteurs sarthois, le convoi reprend la route peu avant 17 h. Une heure et demie avant l’horaire prévu initialement. Sous la surveillance des gendarmes, les engins remontent sur l’autoroute A11, via le péage. Direc-

Une partie du cortège dans un champ proche de l’autoroute.

Une vingtaine d’agriculteurs sarthois se sont joints au cortège venu de Bretagne, de Mayenne et du Maine-et-Loire. Au retour, jeudi soir, les agriculteurs qui ont encore de la route dormiront à la salle des fêtes de Cherré.

Son mari à la manif, elle tient seule « la baraque »

Un bisou, les moteurs vrombissent et les tracteurs s’ébranlent. Direction Paris. Patricia Leaumeau immortalise le grand départ de son mari et trois de ses collègues agriculteurs pour rejoindre le convoi en route vers la manifestation. La voilà seule pour gérer le travail de deux dans cette exploitation située à l’entrée de Parcésur-Sarthe, près de Sablé. « Il faut gérer le boulot des hommes en plus du nôtre, lâche l’exploitante. Ça a une grosse incidence sur notre élevage. » Quand il ne roule pas sur une autoroute en tracteur à 40 km/h, Anthony s’occupe d’une cinquantaine de taurillons et de plus de 2 000 porcs. L’exploitation compte aussi 200 hectares de cultures. Patricia Leaumeau se charge, en temps normal, des 22 000 volailles, d’une cinquantaine de vaches allaitantes et de l’administration. Pendant les trois jours du périple de son mari, elle doit tout faire : « Le tour de l’exploitation, les soins aux animaux, donner du travail à notre ouvrier… Plus la vie de famille ! », énumère la trentenaire.

« Conjoints en première ligne » « Les conjoints sont en première ligne. C’est une décision de couple », explique Michel Dauton, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles. « L’absence est lourde. On la gère tant bien que mal, par l’entraide, indique Anthony, quelques minutes

Le passage des tracteurs a provoqué des bouchons.

«

»

Quand on travaille à perte, mieux vaut travailler moins.

Un agriculteur sarthois ironique, au sujet du temps passé sur la route.

Gaël a fait le plein de gazole et lâché sa colère L’agricultrice subit des « journées à rallonge » : elle s’occupe du travail à la ferme en plus de la vile de famille pendant l’absence de son mari.

avant de grimper dans son tracteur. Grâce à nos conjoints. Mais aussi aux collègues qui ne peuvent pas se déplacer à Paris et donnent un coup de main dans nos exploitations. » Patricia soutient son époux. « Il faut monter à Paris pour se faire entendre. Ça me sort par les yeux, lance celle qui ne s’était pas destinée à devenir agricultrice. Si on n’était

pas passionnés, on aurait déjà tout lâché. » Fille d’ouvriers agroalimentaires dans la région de Sablé, elle a suivi une formation continue pour devenir exploitante, après son premier enfant. Elle s’est installée avec son époux en 2011. Lui avait repris la ferme familiale en 2006, au côté de sa mère. Patricia a pris la relève de sa belle-mère.

Le couple élève maintenant trois enfants. Et peine à joindre les deux bouts. « On voit les trésoreries se dégrader… Mais c’est pour tout le monde pareil. » Patricia doit filer. Un rendez-vous chez le dentiste pour un des gamins. C’est parti pour un marathon de trois jours.

Jérôme LE BOURSICOT.

Gaël Peltiot, agriculteur à Louplande, a lâché le travail pour aller manifester : « Ce n’est plus possible. »

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Il s’est décidé à rejoindre le convoi à la dernière minute, après avoir bossé plein pot pour semer le colza et préparer les poulaillers des poussins et des pintades. Associé à son frère, qui tient l’exploitation durant son absence, Gaël Peltiot produit volailles, lait et céréales du côté de Louplande. « On ne compte pas nos heures, mais là, on ne peut plus payer les factures. Ce n’est plus possible », lâche ce quadra au visage buriné, prêt à avaler 500 bornes au volant de son New Holland bleu, dont le moteur affiche déjà 600 heures de chauffe. Comment s’est-il organisé, pour cette virée parisienne ? « J’ai pris mon duvet, mon oreiller, ma brosse à dent. Pas de pyjama. Je dors habillé », sourit l’exploitant, qui a aussi embarqué une valise de vêtements chauds, sans même savoir où il allait dormir. Ça sera au parc des expos de Chartres, dans l’Eure-et-Loir. Le mal de dos ? « Ça va, c’est un fauteuil pneumatique. » Malgré le

ton blagueur, Gaël sait qu’il va laisser des plumes dans cette longue manif. Le gazole ? « J’ai fait le plein. On n’est pas en pleine charge, on consomme moins. Et la fédé a prévu un ravitaillement à Chartres, à l’aller comme au retour. » Les pneus ? « Ce n’est pas une gomme pour faire de la route. C’est sûr que l’usure générale du tracteur, ça sera à notre charge. » Sachant qu’un pneu arrière coûte la bagatelle de 2 500 €.

20 € de l’heure « Sans les outils, les tracteurs sont allégés, ça use un peu moins les pneus, qui ont une durée de vie assez longue, relativise Dominique Rousseau, qui, dans ce cas, souligne surtout le prix de la location. Moi, je loue un tracteur 20 € de l’heure à Claas France. Faites-le calcul : c’est sûr qu’en allant à la manif, on perd encore de l’argent. »

Jérôme LOURDAIS.