ULCÈRE VEINEUX ET PLAIE ARTÉRIELLE

American Heart Association Task Force on Prac- tice Guidelines ... include revascularization, conservative treatment, amputation or palliative care. 37.
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ULCÈRE VEINEUX ET PL AIE ARTÉRIELLE COMPRIMER, DÉBRIDER OU ORIENTER ? Saviez-vous que de 60 % à 80 % des patients se présentant à votre cabinet pour un ulcère chronique à la jambe souffrent d’insuffisance veineuse chronique ? Et que de 10 % à 20 % d’entre eux ont aussi une insuffisance artérielle associée1 ? Comment choisir un traitement approprié en sachant que derrière chaque plaie peut se cacher un problème de tuyauterie ? Élise Thibault

L’ULCÈRE VEINEUX Un ulcère veineux est une plaie causée par une insuffisance veineuse chronique2, qui traverse le derme, plus fréquemment dans la région de la cheville, qui ne guérit pas spontanément et qui dure plus de trente jours3. Il est associé à des changements cutanés, des dermites ou une hyperpigmentation chez des patients ayant des antécédents de maladie veineuse thrombo-embolique ou des varices. Aucune autre cause (artérielle, immunologique, endocrine ou générale) ne peut l’expliquer. Idéalement, le diagnostic devrait être confirmé par un Doppler mettant en évidence un reflux veineux superficiel ou profond ou une obstruction du système veineux profond3-7. L’ulcère veineux doit être reconnu et traité à un stade précoce pour éviter une perte de tissu et des lésions cicatricielles irréversibles de la peau3.

1. POURQUOI PAS L’INTERVENTION CHIRURGICALE PLUTÔT QUE LES BAS DE COMPRESSION ? La compression est le traitement de première ligne des ulcères veineux1,4,6,7 ou de l’insuffisance veineuse chronique de classe C5 et C6 selon la classification CEAP (clinical, etiology, anatomy, pathophysiology)2. Aucune intervention chirurgicale ne peut la remplacer. La compression est très efficace dans le traitement de l’ul­cère veineux. Un taux de guérison de 97 % peut être ob­te­nu lorsqu’il y a fidélité au traitement (contre 55 % en cas de non-observance)7. Il faut cependant faire preuve de patience, car le temps moyen de fermeture de ces plaies est souvent long (de six à douze mois)3. L’intervention veineuse peut être indiquée si le Doppler a mis en évidence un reflux dans le système superficiel (c’est le cas chez environ 80 % des patients ayant un ulcère veineux)8. Par rapport à la compression seule, l’intervention diminue alors la récidive de l’ulcère, sans toutefois accélérer la guérison9,10. Les dernières recommandations américaines4 incluent un Doppler dans le bilan initial des patients présentant un ulcère veineux pour

La Dre Élise Thibault, chirurgienne vasculaire, exerce à l’Hôpital Charles-Le Moyne, à Greenfield Park. lemedecinduquebec.org

TABLEAU I

INNOCUITÉ DE LA COMPRESSION EN FONCTION DE L’ITH*1,4

État clinique

Degré de compression

ITH . 0,9 et plus

h

ITH entre 0,5 et 0,9

h

h

h

ITH de moins de 0,5 ou h Pression à la cheville de moins de 60  mmHg ou h Pression à l’orteil de moins de 30 mmHg  h

Compression de 30 mmHg à 40 mmHg sûre

Compression de 10 mmHg à 20 mmHg et suivi rapproché h Augmentation de la compression selon la tolérance Aucune compression : traitement de l’insuffisance artérielle sous-jacente

h

*ITH : indice tibiohuméral

vérifier l’existence d’un reflux. Un traitement effractif est conseillé, le cas échéant. Malheureu­sement, le Doppler que les hôpitaux pratiquent habituellement n’évalue pas la présence de reflux. Inscrivez donc spécifiquement la recherche de reflux ou d’obstruction du système veineux superficiel et profond sur votre requête d’examen. Bien souvent, vous devrez orienter votre patient dans une clinique privée.

2. DOIT-ON CRAINDRE UN TRAITEMENT DE COMPRESSION ? Il faut être vigilant lorsque vient le temps de prescrire un traitement de compression en présence d’une insuffisance artérielle sous-jacente, d’une neuropathie périphérique importante ou d’une infection. Avant de commencer une compression, il faut donc déterminer s’il y a une insuffisance artérielle sous-jacente1,4 en procédant à une palpation des pouls périphériques et à l’établissement de l’indice tibiohuméral (ITH) chez tout patient présentant un ulcère veineux. Le tableau I 1,4 vous

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guidera pour que l’application d’une compression se fasse en toute sécurité en fonction de l’indice tibiohuméral. Ce dernier doit être mesuré par une personne dont la formation est à jour et qui comprend les limites de cet examen pour en faire une interprétation adéquate. Il faut, par exemple, se méfier des patients atteints de médiacalcinose chez qui l’indice tibiohuméral est surévalué, ce qui pourrait faussement éliminer une insuffisance artérielle. Pensez à ce problème lorsque l’indice tibiohuméral est supérieur à 1,3 chez un patient diabétique ou hémodialysé. Certaines études révèlent que le résultat n’est pas fiable chez près de 50 %11 des patients dans un tel contexte. Quant à la palpation des pouls périphériques, sa fiabilité est aussi remise en question en présence d’œdème du pied et de médiacalcinose artérielle ou lorsqu’elle est faite par un examinateur inexpérimenté12. Dans le doute, avant de commencer toute compression, il est préférable d’obtenir une évaluation vasculaire plus complète, comme celle qui est faite dans un laboratoire vasculaire, par exemple.

3. BAS DE COMPRESSION OU BANDAGE ? BANDAGE SIMPLE, MULTICOUCHES, ÉLASTIQUE OU NON ? Les facteurs les plus importants à prendre en compte sont une grande compression (de 30 mmHg à 40 mmHg et plus)13 et la fidélité au traitement. Quel que soit le type de compression, si le patient ne le porte pas ou ne le tolère pas, il sera inutile. En contrepartie, la fidé­lité au traitement diminue lorsque la pression appliquée augmente. Il faut trouver un mode de compression réalisable qui pourra être ajusté à la hausse au besoin. De façon pratique, on commence le traitement « temporaire » de trois à six semaines environ pour réduire l’œdème (les bandes multicouches élastiques seront souvent recommandées)1,4,13. Une fois l’œdème atténué, on prendra les mesures pour des bas de compression de 30 mmHg à 40 mmHg qui seront employés jusqu’à fermeture de l’ulcère. Par la suite, le port de bas de compression4 de 20 mmHg à 30 mmHg offre un taux d’absence de récidive très acceptable (ou identique14) et une meilleure observance. Pour la description des types de compression et leur utilisation, consultez l’article de la Dre Madeleine Duclos intitulé : « Les hauts et les bas des “bas” », publié dans le numéro de juillet 2008 du Médecin du Québec au www.lemedecinduquebec.org/ Media/99448/055-061DreDuclos0708.pdf. Dans tous les cas, le traitement de compression sera recommandé à vie, et les patients devront être éduqués à cette réalité dès le tableau initial3. Les bas et les bandes sont remboursés par certains programmes d’assurances privés, mais ne le sont pas par la RAMQ.

4. EXISTE-T-IL D’AUTRES MOYENS EFFICACES DE PRÉVENIR OU DE GUÉRIR UN ULCÈRE VEINEUX ? Oui. Les principaux moyens étudiés pour la prévention et la guérison d’un ulcère veineux sont la diminution de

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l’œdème, les soins de la plaie, les méthodes pharmacologiques et la modification des habitudes de vie.

LA DIMINUTION DE L’ŒDÈME Pour réduire le temps de guérison de l’ulcère, il faut favo­ ri­ser une surélévation des membres inférieurs afin de di­mi­nuer l’œdème. Dans la mesure du possible, la jambe doit se trouver au moins 30 cm au-dessus du cœur plusieurs fois par jour. Dans certains cas, l’hospitalisation est nécessaire pour procéder à ce « drainage postural », car tant que l’œdème sera présent, l’exsudat de la plaie sera très abondant et la gestion des pansements, plus difficile. LES SOINS DE LA PLAIE Tous les autres soins, tels que le nettoyage de la jambe et du lit de la plaie, les pansements non adhérents, le traitement de la surinfection bactérienne, la correction de la malnutrition et la régulation glycémique aident à la guérison (voir l’article de Mmes Louise Forest-Lalande et Annie Lavoie intitulé : « Une plaie bien “pensée” », dans le présent numéro). Il est recommandé de débrider chirurgicalement un ulcère veineux s’il y a présence de tissus nécrotiques, de charge bactérienne excessive ou de cellules mortes et nuisibles4. Le débridement enzymatique ne devrait être choisi que si l’intervention ne peut se faire rapidement. LES MÉTHODES PHARMACOLOGIQUES Les principales molécules à retenir sont la pentoxifylline (400 mg, 3 f.p.j., code de médicament d’exception CV 15 pour cette indication) et la fraction flavonoïque purifiée micronisée (Daflon) qui n’est pas approuvée au Canada. Ces deux molécules ont procuré un certain bienfait, en association avec les soins locaux et la compression, dans l’amélioration du taux de guérison et sont recommandées pour les ulcères veineux larges ou chroniques1,4. Aucun autre médicament ne s’est révélé efficace, sauf les diurétiques et seulement en présence d’insuffisance cardiaque congestive. LA MODIFICATION DES HABITUDES DE VIE L’insuffisance veineuse est une maladie chronique évolutive8. Il existe très peu de données scientifiques de qualité qui permettent de savoir chez quel patient elle va évoluer et de quelle façon. Heureusement, seul un faible pourcentage des patients ayant des varices ou ayant fait une thrombose veineuse profonde aura un ulcère veineux. Il n’a jamais été montré clairement que le port de bas de compression et les traitements de sclérothérapie, de laser ou chirurgicaux diminuaient les risques d’évolution d’un stade de la maladie à un autre (ex. : passer d’une classe CEAP basse à une plus avancée, comme C2 en cas de varices à C4-C6 en cas de changements cutanés ou d’ulcère). De même, il n’y a pas de preuve que ces traitements préviennent les thromboses veineuses profondes ou le syndrome post-phlébitique à long terme. De plus, ils ne sont pas couverts par la RAMQ pour la plupart et s’échelonnent sur une très longue période,

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souvent à vie. Voilà des arguments solides pour encourager vos patients à perdre du poids, à cesser de fumer et à être actifs.

5. QUEL PATIENT AYANT UN ULCÈRE VEINEUX DOIT ÊTRE ORIENTÉ RAPIDEMENT EN SPÉCIALITÉ ? Les patients ayant les caractéristiques indiquées dans le tableau II 1 doivent être dirigés vers le spécialiste approprié au tout début de la prise en charge1.

L’INSUFFISANCE ARTÉRIELLE La palpation des pouls périphériques doit être pratiquée chez tout patient ayant une plaie sur un membre inférieur. Une plaie artérielle doit être soupçonnée en présence de facteurs de risque d’athérosclérose, d’absence de pouls palpables, d’ulcères secs ou encore de rebords définis, douloureux et qui apparaissent sur les protubérances osseuses (talon, orteils et malléole externe). Elle se produit lorsque la pression d’irrigation est insuffisante pour les besoins de la plaie (ITH , 0,7 ou pression à l’orteil , 50 mmHg). Les conseils de prévention des plaies sont donc de mise chez de tels pa­ tients et pourraient empêcher une longue hospitali­sation ou une amputation. Dites à vos patients d’être pru­dents dans la taille des ongles et de faire appel s’il le faut à un spécialiste des soins de pied. Dites-leur également de bien choisir leurs chaussures ou leurs orthèses et d’éviter à tout prix l’autochirurgie de leur corne et autres lésions cutanées. L’INSUFFISANCE ARTÉRIELLE GRAVE Une ischémie critique (douleur de repos ou gangrène) peut survenir spontanément lorsque l’insuffisance artérielle est plus avancée (ITH inférieur à 0,4, pression à la cheville de moins de 50 mmHg, pression à l’orteil de moins de 30 mmHg15). Ces valeurs d’ITH ne sont toutefois pas, à elles seules, des indications de revascularisation selon les lignes directrices des principales sociétés vasculaires16-19. En effet, il peut se passer des années avant qu’un patient atteint d’insuffisance artérielle grave ne souffre d’une plaie artérielle ou d’une ischémie critique. Ces deux indications cliniques demeurent donc à ce jour celles qui nous guideront dans la décision de revasculariser un patient.

6. PEUT-ON DÉBRIDER UNE PLAIE ARTÉRIELLE ? QUE FAIRE EN PRÉSENCE DE GANGRÈNE SÈCHE ? Si le patient est en attente de revascularisation et qu’il s’agit d’une escarre adhérente ou de gangrène sèche, il vaut mieux ne pas débrider20,21. Cela ne pourrait en effet qu’agrandir la surface de la plaie. Il y a certaines exceptions, comme une infection avec abcès. Il faut alors débrider parce qu’il y a un risque d’évolution rapide et de destruction tissulaire supplémentaire en l’absence de traitement. Le débridement peut aussi faire partie de la stratégie de traitement conservateur si la revascularisation est impossible (voir la question 9 plus loin).Toutefois, le risque d’échec est beau-

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TABLEAU II

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CRITÈRES D’ORIENTATION EN SPÉCIALITÉ1

Présomption de cancer

h

Présomption d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (ITH , 0,8 ou si impossibilité de procéder à un ITH de qualité)

h

Polyarthrite rhumatoïde avec présomption de vasculite

h

Diabète

h

Distribution atypique des ulcères

h

Présomption de dermite de contact ou de dermite résistant aux corticostéroïdes topiques

h

Absence de guérison

h

coup plus important que chez un patient dont la plaie est bien irriguée. Si le patient a été revascularisé, il faut traiter la plaie comme toute plaie chronique et la débrider de tous ses tissus nécrotiques. Pour la gangrène sèche, la principale source de dété­rio­ra­tion, à part l’évolution de l’ischémie elle-même, est la sur­in­fec­tion bactérienne. Les soins locaux servent donc à l’empêcher ou à la retarder21. Une façon simple de prévenir l’infection est de nettoyer la peau saine autour de la gangrène avec du savon tous les jours et de faire des pansements protecteurs favorisant un environnement sec. On peut également désinfecter le foyer de la gan­grène avec un antiseptique, tel que la povidone-iode (Proviodine) ou la chlorhexidine. Il faut toutefois s’assu­rer de bien assécher et de ne pas provoquer de macération ni de brûlure chimique à la peau environnante, car cela pourrait augmenter la surface de nécrose. Il pourrait être judicieux d’appliquer un protecteur cutané à cet endroit.

7. QUEL PATIENT ATTEINT D’INSUFFISANCE ARTÉRIELLE DOIT-ON ORIENTER RAPIDEMENT EN SPÉCIALITÉ ? Les patients présentant une plaie profonde (exposition tendineuse ou osseuse), une gangrène avancée ou une infection associée devraient être dirigés à l’urgence pour une prise en charge immédiate. L’infection est évoquée lorsqu’il y a un écoulement purulent, une odeur nauséabonde, une cellulite, une lymphangite, une douleur importante ou de l’air dans les tissus mous à la radiographie. Il en est de même en présence de signes généraux de sepsis, comme une fièvre, une augmentation du nombre de globules blancs ou un choc septique. Les patients dont la plaie est superficielle et non infectée, qui présentent une douleur de repos, une escarre ou une gangrène sèche de taille limitée peuvent être vus et évalués en consultation externe s’ils ne sont pas trop souf­f rants et que

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TABLEAU III Grade de Wagner

ÉCHELLE DE WAGNER (PLAIE ARTÉRIELLE) ET INCIDENCE D’AMPUTATION11,16

TABLEAU IV

PROTOCOLE DE PRISE EN CHARGE DES ULCÈRES ASSOCIÉS À L’INSUFFISANCE ARTÉRIELLE

Consultation externe toutes les semaines pendant un mois, puis toutes les semaines à trois semaines selon l’évolution

h

Aspect de la plaie

Amputation à 12 mois

0

Lésion préulcérée, ulcère guéri, déformation osseuse

1

Ulcère superficiel (pas d’exposition du tissu sous-cutané)

12 %

2

Ulcère qui pénètre le tissu souscutané (s’étendant aux tendons, aux os et aux articulations)

19 %

3

Abcès, ostéite, ostéomyélite

31 %

4

Gangrène de l’avant-pied

49 %

5

Gangrène de tout le pied

100 %

Documentation de la plaie • Photo numérique • Détermination de la surface de la plaie (planimétrie) • Détermination du grade selon l’échelle de Wagner (tableau III)

h

Débridement • Débridement chirurgical des tissus non viables et de la corne environnante à chaque visite au besoin • Enlèvement des escarres épaisses à l’endroit où ils se détachent des bords de la plaie

h

Pas de mise en charge sur la plaie • Utilisation appropriée de semelles ou de chaussures orthopédiques adaptées dans le but de diminuer le poids de mise en charge sur la plaie

h

Prise en charge de l’infection • Utilisation rare des agents topiques • Débridement, culture des tissus ou pus profonds et antibiotiques par voie générale en cas de présomption clinique d’une augmentation de la charge bactérienne ou d’une infection

h

leur état évolue lentement. Il est toutefois préférable de s’assurer que la consultation en chirurgie vasculaire s’effectuera dans des délais raisonnables (de deux à quatre semaines).

8. PEUT-ON REVASCULARISER UN PATIENT DE 90 ANS AYANT UNE PLAIE ARTÉRIELLE ? Oui. Il est possible de revasculariser un patient âgé. Tout dépend de son état fonctionnel, de l’intervention nécessaire à la revascularisation et des chances de succès de cette dernière. De nos jours, la majorité des personnes souffrant d’une ischémie critique peuvent être revascularisées par voie endovasculaire, ce qui réduit de beaucoup la morbi­mortalité des interventions. Toutefois, un pontage consti­tuera parfois la meilleure option. Dans le doute, votre patient mérite au moins une évaluation globale de son état vasculaire et de ses plaies, ce qui demande des connaissances avancées de toutes les formes de revascularisation existantes ainsi qu’une compréhension des soins locaux appropriés aux plaies d’origine artérielle et à la gangrène. Une fois l’évaluation terminée, c’est au patient de décider s’il veut subir une revascularisation. Pour qu’il soit en mesure de donner un consentement éclairé, il doit être informé par un expert des taux de succès, de la durée probable des soins, des risques de complications et de décès et des répercussions sur son état fonctionnel à long terme.

9. UNE PLAIE D’INSUFFISANCE ARTÉRIELLE PEUT-ELLE GUÉRIR SANS REVASCULARISATION ? Oui. Les patients atteints d’insuffisance artérielle modérée (ITH : de 0,5 à 0,7) dont la plaie est limitée (Wagner 1 et 2) (tableau III11,16) sont les plus susceptibles de voir leur plaie guérir à la suite d’un traitement conservateur (tableau IV) ou à tout le moins d’éviter une amputation importante sans

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Agents topiques • Pansements choisis pour maintenir l’humidité du lit de la plaie (le plus souvent hydrogel, compresses ou mousses absorbantes)

h

Traduit de : Marston WA, Davies SW, Armstrong B et coll. Natural history of limbs with arterial insufficiency and chronic ulceration treated without revascularization. J Vasc Surg 2006 ; 44 (1) : 108-14. Reproduction autorisée.

subir de revascularisation. L’échelle de Wagner, bien que d’utilisation simple, a toutefois des limites puisqu’elle a été créée pour les personnes diabétiques sans insuffisance artérielle. Un système de classement des plaies pour les patients souffrant d’ischémie critique a été publié par la Society for Vascular Surgery22. Néanmoins, son recours en clinique est plus complexe. Lorsqu’un patient présente une insuffisance artérielle et une plaie, quatre orientations s’offrent à vous : la revascularisation avec ou sans amputation d’un segment de membre (ex. orteil), le traitement conservateur, l’amputation de la jambe (au-dessus ou au-dessous du genou) ou les soins palliatifs. C’est une décision difficile à prendre qui doit être adaptée à chaque patient. Lorsque la revascularisation est raisonnable, elle offre le meilleur pronostic et devrait être entreprise sans tarder. Par contre, si votre patient souffre d’autres maladies importantes, que son état fonctionnel n’est pas très bon, qu’il a une anatomie défavorable à une

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revascularisation ou qu’il refuse l’intervention, un traitement conservateur est préférable.

10. QUELLES SONT LES INDICATIONS D’AMPUTATION ? Les cas où il vaut mieux amputer sont : h une infection grave du foyer de gan­ grène qui menace la vie ; h une douleur intolérable malgré la prise d’analgésie optimale ; h une malpropreté (si les soins locaux sont complexes ou si la plaie est nauséabonde) ; h une fonction déficiente (si le patient est un bon candidat pour une réadaptation avec une prothèse et que le membre n’est pas fonctionnel). Il arrive aussi que les patients ou leur famille optent pour des soins palliatifs lorsque l’espérance de vie est très limitée et que l’espoir de réadaptation et de maintien à domicile est absent.

CONCLUSION À l’avenir, lorsqu’un de vos patients ayant des varices présentera une plaie non infectée de la malléole interne, un pouls pédieux palpable ou un indice tibiohuméral de 0,95, vous pourrez lui prescrire sans crainte une compression à raison de 30 mmHg à 40 mmHg, en plus d’un Doppler à la recherche d’un reflux veineux ou d’une obstruction. En l’absence de tels indices ou si vous soupçonnez une insuffisance artérielle, vous devriez diriger votre patient vers un spécialiste. Toutes les plaies chroniques doivent être dé­bridées de leurs tissus nécrotiques, la seule exception étant la présence d’une insuffisance artérielle sous-jacente. // Date de réception : le 8 septembre 2014 Date d’acceptation : le 24 septembre 2014 La Dre Élise Thibault n’a déclaré aucun intérêt conflictuel.

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SUMMARY Venous and Arterial Ulcers: Compression, Debridement or Referral? Peripheral pulse palpation must be performed in all patients with lower limb wounds. Venous ulcers must be detected and treated early to avoid tissue loss and irreversible changes due to scarring. The ankle-brachial index (ABI) measurement allows us to initiate safe compression treatment when the result is greater than 0.9. In the presence of certain comorbidities, it is best to refer your patients. The diagnosis should preferably be confirmed by a Doppler examination revealing venous reflux or obstruction, which can then be treated to prevent recurrence. Arterial ulcers should be suspected in the presence of risk factors for atherosclerosis, a lack of a detectable pulse, and dry, painful ulcers over bony prominences. These develop in patients with an ABI of 0.7 or lower. Critical ischemia will instead develop in patients with an ABI less than 0.4. For these patients, possible options include revascularization, conservative treatment, amputation or palliative care.

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