tchad profile février 2017 - REACH Resource Centre

3 févr. 2017 - sur la base du niveau de saturation des données à atteindre, c'est-à-dire jusqu'à l'obtention de réponses de plus en plus uniformes et ...
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PRÉOCCUPATIONS SÉCURITAIRES DES POPULATIONS DANS LA RÉGION DU LAC TCHAD

TCHAD PROFILE FÉVRIER 2017

Préoccupations Sécuritaires dans la Région du Lac Tchad– Février 2017

TABLE DES MATIERES INTRODUCTION .......................................................................................................................................................... 2 METHODOLOGIE ............................................................................................................................................................ 2 Objectifs et Collecte de Données ........................................................................................................................ 2 Limites de la Méthodologie ................................................................................................................................... 3

RESULTATS .................................................................................................................................................................... 3 Participation et Perceptions ................................................................................................................................. 3 Insécurité et Risques Individuels ........................................................................................................................ 4 Insécurité ................................................................................................................................................................. 4 Violences de genre .................................................................................................................................................. 4 Mariage Précoce ..................................................................................................................................................... 5

Impact sur l’Accès aux Services de Base ......................................................................................................... 5 Cohésion Sociale .................................................................................................................................................... 6

CONCLUSION.................................................................................................................................................................. 7

LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Aperçu des groupes de discussion................................................................................................................ 3 Tableau 2 : Résumé des groupes de discussion - Sécurité ............................................................................................. 4 Tableau 3 : Résumé des groupes de discussion – Violences basées sur le genre.......................................................... 4 Tableau 4 : Résumé des groupes de discussion – Age moyen de mariage des filles et jeunes femmes ........................ 5 Tableau 5: Résumé des groupes de discussion – Accès aux services de base .............................................................. 5 Tableau 6 : Résumé des groupes de discussion – Attitude de l’autre communauté présente sur le site ......................... 6

Image de couverture : © REACH – Janvier 2017

A propos de REACH REACH est une initiative conjointe de deux organisations non-gouvernementales internationales, ACTED et IMPACT Initiatives, et du Programme Opérationnel des Nations Unies pour les Applications Satellitaires (UNOSAT). REACH a été créée en 2010 afin de développer des outils et des produits d’information qui contribuent à renforcer les capacités des acteurs et de faciliter la prise de décisions dans des contextes d’urgence, de relèvement et de développement. L’ensemble des activités de REACH est mené en appui et au sein des mécanismes inter-agences de coordination établis au niveau local, régional et global. Pour plus d’informations visitez notre site web : www.reach-initiative.org. Vous pouvez nous contacter directement à l’adresse : [email protected] et nous suivre sur Twitter @REACH_info.

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Préoccupations Sécuritaires dans la Région du Lac Tchad– Février 2017

INTRODUCTION Depuis janvier 2015, la crise humanitaire dans la région du Lac Tchad, la volatilité de la situation sécuritaire et les restrictions de mouvements imposées par l’état d’urgence ont causé d’importants déplacements de populations vers l’intérieur de la région du Lac. En date du 30 janvier 2017, 106 045 déplacés étaient enregistrés dans la zone du Lac par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM), et 8 218 réfugiés recensés. 1 A ceux-ci s’ajoute la présence de déplacés non-enregistrés, dont le nombre est estimé à 12 759. 2 La majorité de ces populations vit actuellement dans 50 sites de déplacés et 76 villages d’accueil, à travers l’ensemble de la région. Dans cette région où les ressources et les infrastructures sont limitées, ces déplacements de populations exercent une pression supplémentaire sur l’accès aux moyens de subsistance et aux services de base, avec plus de 345 000 personnes ayant besoin d’aide humanitaire.3 Cette pression peut engendrer des tensions entre les communautés locales et déplacées en ce qui concerne l’accès aux ressources et aux services disponibles. REACH, qui a mis en place depuis janvier 2016 un système d’évaluations régulières des besoins multisectoriels des populations touchées par la crise, a en effet constaté une dégradation des relations entre les différentes communautés présentes dans la région, se traduisant par un nombre croissant d’incidents signalés, qui mettent en question la sécurité et la protection des personnes. 4 Selon les données du HautCommissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), on reporte ainsi 126 incidents liés à des questions de protection dans 12 lieux de déplacement entre juillet et août 2016 5, notamment dans les zones de Daboua et de Liwa. Les informations disponibles sur ces incidents et les risques en termes de protection sont principalement quantitatives et peu d’éléments d’analyse existent sur les préoccupations sécuritaires des communautés, les facteurs de tensions, ainsi que

1 Cluster Abris/AME/IOM/CCCM, Mise A Jour Des Chiffres Des Personnes Déplacées En Lien Avec La Crise Nigériane, 30 janvier 2017. https://goo.gl/10n77g 2 Ibid. 3 2 OCHA : Lake Chad Basin : Crisis Overview, 3 Février 2017 http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Lac%20Chad% 20Snapshot_3%20Feb%202017.pdf

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leur impact sur les mouvements et l’accès aux services de base des populations. Afin de contribuer à combler ce manque d’information, REACH a conduit une évaluation qualitative entre le 16 janvier et le 9 février 2017 visant à mieux comprendre les problématiques liées à la protection dans la région du Lac Tchad. Elle a pour but de permettre aux acteurs humanitaires présents d’adapter et d’améliorer leur réponse afin de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des communautés. Les résultats de cette évaluation sont présentés dans ce profil.

METHODOLOGIE OBJECTIFS ET COLLECTE DE DONNEES Cette évaluation vise à informer l'action humanitaire sur les risques liés à la protection auxquels sont confrontées les communautés déplacées et les communautés hôtes dans la région du Lac Tchad. Afin d'éclairer l'objectif ci-dessus, l’enquête REACH s’est attachée à étudier les questions de recherche suivantes: 1. Existe-t-il des difficultés ou problèmes pour accéder aux services de base ? 2. Existe-t-il des problèmes de sécurité et de protection majeurs dans les communautés? 3. Quelle était l’attitude des populations locales envers les déplacés à leur arrivée et comment cette attitude a-t-elle évoluée? 4. Existe-t-il des violences de genre dans les communautés locales et déplacées? Les données ont été collectées lors de 24 groupes de discussion, regroupant entre six et neuf participants chacun, organisés dans six localités différentes, incluant des sites de déplacement et des villages hôtes, entre le 16 janvier et le 9 février 2017. Les groupes de discussion ont été constitués en fonction du type de populations (locales ou déplacées), du genre (homme ou femme) ainsi que de l’âge (18-30 4 REACH, Évaluation Multisectorielle dans la région du Lac Tchad, Octobre 2016, http://bit.ly/2lz88tB. 5 Dans les lieux de déplacement suivants : Kiskawa (16 cas), Kiskawadin (4 cas), Moundi (8 cas), Borora (15 cas), Ngarana (9 cas), Tateverom (19 cas), Ndjalia (5 cas), Djilkori (10 cas) Daboua (21 cas), Fallah (4 cas), Djaouné (7 cas), et Chebrey (8 cas). Selon le monitoring de la protection réalisé par le HCR en collaboration avec l'UNICEF. https://goo.gl/EFWyEl

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ans ou plus de 30 ans), afin d’obtenir un degré élevé d'homogénéité parmi les participants d’un même groupe et ainsi créer un contexte favorable à la discussion. Tableau 1 : Aperçu des groupes de discussion

Homme

Femme

Statut

Age

Déplacé

18-30 ; 31+

Non déplacé

18-30 ; 31+

Déplacée

18-30 ; 31+

Non déplacée

18-30 ; 31+

Localité Dar Nahim ; Kafia ; Kousseri Bagosola ; Nguelia ; Kousseri Dar Nahim ; Kafia ; Kousseri Bagosola ; Nguelia ; Kousseri

Les participants des groupes de discussion ont été sélectionnés selon une approche d'échantillonnage choisi, bien qu’un certain degré de hasard ait été volontairement appliqué afin d'éviter le biais inhérent à certaines formes de processus de sélection personnelle, tribale ou familiale. Le nombre de groupes de discussion a été déterminé sur la base du niveau de saturation des données à atteindre, c’est-à-dire jusqu’à l’obtention de réponses de plus en plus uniformes et répétitives entre les différents groupes, qui permet de garantir une certaine fiabilité des données. Ainsi, la conduite de groupes de discussion a été interrompue lorsque cela a été le cas. Suite à la phase de collecte, les données ont été nettoyées et les réponses controversées ou incohérentes ont été interprétées et corrigées avec l’aide des commentaires des chefs d’équipe. Enfin, les résultats ont été croisés avec les données secondaires disponibles.

LIMITES DE LA METHODOLOGIE Les limites suivantes doivent être prises en compte lors de la lecture de ce profil : 1. La méthodologie qualitative utilisée permet d’identifier les tendances et les thématiques par

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localité. Elle ne permet cependant pas, et ce n’en est pas l’objectif, de généraliser les résultats à l’ensemble de la population de leur sous-préfecture ou de la région du lac Tchad, puisque l’échantillonnage n’est pas représentatif. Les résultats doivent donc être considérés uniquement comme indicatifs de la situation dans les localités enquêtées. 2. Les données reposent sur les réponses et les discussions des participants. Bien que REACH s’efforce de créer un climat de confiance pour collecter des réponses objectives, la possibilité de biais ou de subjectivité dans les réponses demeure.

RESULTATS Ce chapitre présente les résultats des groupes de discussion dans la région du lac Tchad, divisés en quatre sections: 1. 2. 3. 4.

Participation et perceptions Insécurité et risques individuels Impact sur l’accès aux services de base Cohésion sociale

Les différences relevées entre la population locale et la population déplacée, et entre hommes et femmes, sont soulignées lorsque cela s’avère pertinent. Afin d’éviter la stigmatisation, les localités ne seront pas identifiées lors de la présentation des résultats de certains sujets.

PARTICIPATION ET PERCEPTIONS Le niveau de participation aux groupes de discussion variait en fonction du genre et de la communauté d’appartenance des participants. Ainsi, les femmes, bien que disposées à participer aux discussions, se montraient souvent plus réticentes à partager leurs opinions et leurs inquiétudes. Cela peut être lié à un facteur culturel, selon lequel les femmes font généralement preuve de plus de réserves. Par conséquent, la situation décrite par les femmes semblait souvent meilleure que celle présentée par les hommes. De manière similaire, les participants issus de la communauté déplacée semblaient plus discrets quant à l’occurrence et la fréquence de facteurs préoccupants en matière de protection, tels que la violence basée sur le genre et le mariage précoce. Les problématiques de

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protection semblaient ainsi prédominantes chez la population hôte par rapport à la population déplacée.

INSECURITE ET RISQUES INDIVIDUELS Insécurité Tableau 2 : Résumé des groupes de discussion - Sécurité Déplacés

Non déplacés

1830

Sécurité ; crainte sur les longs trajets

31+

Sécurité ; crainte sur les longs trajets, surtout quand les enfants voyagent seuls

Sécurité ; mais peur de se déplacer

1830

Sécurité ; crainte sur les longs trajets,

31+

Sécurité ; sauf quand les femmes/enfants voyagent seuls

Femmes

Hommes

Tableau 3 : Résumé des groupes de discussion – Violences basées sur le genre Déplacés Femmes

18-30 Hommes

Pas en sécurité dans les lieux publics et hors de leur localité

Oxfam, Analyse de protection sur les sites de déplacés de la cuvette nord du Lac Tchad, septembre 2016 https://goo.gl/9zQMGI

18-30 31+

Pas en sécurité dans les lieux publics

Bien que l’ensemble des populations soit concerné par ces menaces, les participants procédaient au transfert de leurs préoccupations sécuritaires vers les groupes les plus vulnérables, où le niveau de vulnérabilité était qualifié en fonction de la place dans la famille. Ainsi, les hommes rapportaient se sentir en sécurité mais craignaient pour la sécurité de leur femme tandis que les femmes, quant à elles, s’inquiétaient pour leurs enfants. Ce transfert découle du partage des responsabilités au sein de la famille, où la mère est en charge des enfants, alors que si elle-même est victime d’un incident, ceci sera perçu comme découlant d’un manquement de la part de l’homme dans son rôle de protecteur. Par conséquent, la perception des risques 4

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Violences basées sur le de genre

Sécurité ; mais peur de se déplacer

La vaste majorité des participants a indiqué se sentir en sécurité chez eux et dans leur communauté. Le sentiment d’insécurité survient lorsqu’ils doivent sortir de ce qu’ils considèrent comme étant leur « zone », ce qui arrive principalement pour accéder aux moyens de subsistance ou aux services de base situés en dehors de leur localité. Les principaux types de menaces identifiés pendant les discussions sont la crainte de conflit – notamment liée à la présence de groupes armés dans la région –, le banditisme ou, plus généralement, les risques d’agression.

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est largement dictée par ces rôles et responsabilités, et le sentiment d’insécurité apparait lorsque les individus ne sont plus en mesure d’assurer la sécurité des groupes vulnérables dont ils ont la responsabilité, c’est-àdire à l’extérieur de leur « zone » ou localité.

31+

Pas de violence, services offerts à Bagassola Pas de violence Pas de violence, mais la crainte existe Pas de violence

Non déplacés Pas de violence Pas de violence Présence de violences Présence de violences physiques et sexuelles

Il ressort des groupes de discussion que les violences de genre sont perçues comme étant a) des violences physiques et/ou sexuelles envers les femmes b) commises par des personnes externes au ménage ou à la localité. Les violences domestiques, psychologiques et économiques, n’étant pas considérées par les personnes interrogées comme étant des violences de genre, n’ont pas été abordées pendant les discussions. Les violences de genre représentent un sujet sensible, dont il est difficile de parler, et donc fortement susceptible d’être sous-signalé ou tu. Les données visant à identifier la proportion de personnes victimes de ces violences varient de manière significative. Ainsi, une enquête menée par Oxfam évaluait cette proportion à 6% des femmes interrogées 6, alors que lors de la dernière enquête multisectorielle de REACH, 90% des informateurs clés interrogés indiquaient que des femmes étaient victimes de violence dans leur localité. 7 Par conséquent, il semble difficile de pouvoir qualifier de manière fiable la prévalence des violences de genre. Pour autant, les facteurs de risque peuvent cependant être identifiés et analysés. Lors des groupes de discussions, plusieurs participants ont indiqué la forte prévalence de REACH, Évaluation Multisectorielle dans la région du Lac Tchad, Octobre 2016, http://bit.ly/2lz88tB. 7

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violences basées sur le genre et ont notamment mentionné des cas de viols et de violences physiques. On relève également un grave manque de sensibilisation sur ces sujets ainsi qu’un manque de structure de prise en charge et d’accompagnement pour les victimes. D’après certains participants, les femmes ne sont actuellement pas en mesure d’extérioriser ces violences ou de trouver de l’aide. De plus, il semblerait au vu des résultats que les violences de genre sont moins répandues au sein de la population déplacée que de la population locale, l’ensemble des participants déplacés ayant répondu par la négative à la question de l’existence de violences contre les femmes de leur communauté. Cependant, étant donné l’ampleur des similitudes entre ces deux populations, il apparait que les déplacés ont tendance à minimiser certaines pratiques car, en raison de leur contact prolongé avec les acteurs humanitaires, ils sont conscients que ces pratiques sont perçues comme négatives par la communauté internationale. En effet, ceux-ci ont été la cible de plusieurs campagnes d’information et de sensibilisation et sont donc plus à même de comprendre ce qui est perçu comme socialement acceptable par les acteurs humanitaires. Ces différences n’indiquent pourtant pas une réelle amélioration de leurs pratiques et, comme susmentionné, il semble y avoir une sous-déclaration de ces problématiques au sein de la population déplacée.

Afin de limiter cela, les questions posées visaient à collecter des données factuelles, telles que par exemple l’âge moyen de mariage des filles et des jeunes femmes. De manière générale, les femmes ont donné des estimations d’âge moyen plus élevées que les hommes, et les déplacés que les hôtes. Ces derniers ont indiqué que les filles pouvaient se marier dès l’âge de 12 ans, et généralement jusqu’à 20 ans. D’après les participants déplacés, cet âge variait entre 14 et 25 ans, avec une majorité mentionnant plutôt un mariage entre 17 et 25 ans. Ces différences peuvent être le fruit du conformisme de la population déplacée aux attentes de la communauté humanitaire tel que susmentionné. Un rapport d’Oxfam semble en effet corroborer les données de la population hôte et la présence de mariages précoces dans les sites évalués, indiquant que « les petites filles peuvent être mariées dès l’âge de 11 ou 12 ans, pour certaines elles sont mariées avant la puberté ». 8 De plus, certains participants ont également mentionné des cas de violences physiques envers les jeunes filles qui refusaient de se marier, ainsi qu’un manque de structure de soutien vers lesquelles les filles et jeunes femmes peuvent se tourner en cas de besoin.

IMPACT SUR L’ACCES AUX SERVICES DE BASE Tableau 5: Résumé des groupes de discussion – Accès aux services de base Déplacés

Mariage Précoce Tableau 4 : Résumé des groupes de discussion – Age moyen de mariage des filles et jeunes femmes

Femmes Hommes

18-30 31+ 18-30 31+

Déplacés

Non déplacés

14-20 17-25 NA 18+

16-20 18-20 13-18 12-15

Les résultats concernant la prévalence de mariages précoces sont relativement similaires à ceux sur les violences basées sur le genre. En raison de la sensibilité du sujet et de son caractère tabou, les données sont fortement susceptibles d’être sousreprésentatives de la véritable situation.

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Oxfam, Analyse de protection sur les sites de déplacés de la cuvette nord du Lac Tchad, septembre 2016, p.17 https://goo.gl/9zQMGI

5

18-30 Femmes 31+

Pas d’accès proche, sauf une clinique mobile Pas d’accès proche, sauf une clinique mobile

18-30

Pas d’accès proche, services de santé chers

31+

Pas d’accès proche, sauf une clinique mobile

Hommes

Non déplacés Pas de problème La peur limite l’accès aux services Manque de services, d’enseignants, et de ressources Manque de ressources, d’enseignants et de médicaments

Les considérations sécuritaires présentées plus haut ont un impact sur l’accès aux services de base (santé, eau et assainissement, éducation, et marchés), et en particulier sur l’accès à ceux situés

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en dehors des communautés des participants. Plus précisément, deux catégories de services, touchées par des problématiques différentes, doivent être différenciées dans le contexte des localités évaluées. D’une part, la distance à parcourir semble être le principal problème limitant l’accès aux services de base. De ce fait, la majorité des participants a indiqué que ces services n’étaient pas disponibles dans leur localité et qu’ils devaient effectuer de longs trajets pour pouvoir y accéder. D’après une enquête précédente de REACH, la distance moyenne pour accéder au service le plus proche était de neuf kilomètres pour un marché, huit kilomètres pour un centre de santé et cinq kilomètres pour une école. 9 Cela est d’autant plus problématique que le sentiment d’insécurité survient principalement lorsque les individus doivent se déplacer à l’extérieur de leur communauté. Ainsi, la crainte de se rendre dans d’autres localités restreint encore davantage l’accès à ces services. D’autre part, en ce qui concerne les services de base disponibles à proximité, les résultats varient en fonction du statut de la population. Ainsi, d’après les participants issus de la population hôte, le coût de ces services et le manque de moyens financiers de la communauté constituent les principales barrières d’accès. Les participants déplacés n’ont pas mentionné ces barrières, probablement dû au fait qu’ils ont accès à des services gratuits fournis dans le cadre de l’aide humanitaire mise en œuvre dans la zone. Par exemple, la mise à disposition d’une clinique mobile d’International Medical Corps pour les personnes déplacées a été rapportée quelques jours par semaine dans les localités de Kafia et Dar Nahim.

COHESION SOCIALE Tableau 6 : Résumé des groupes de discussion – Attitude de l’autre communauté présente sur le site (lorsqu’applicable)

Femmes

Déplacés

Non déplacés

18-30 31+

Réceptive Réceptive

18-30

Réceptive mais tensions quant au partage de l’eau et des terres arables

31+

Réceptive mais tensions quant au partage de l’eau

Réceptive Réceptive Réceptive mais tensions quant au partage des terres et au déséquilibre dans l’aide humanitaire Réceptive mais tensions dues aux dégâts causés par le bétail sur les champs

Hommes

Afin d’améliorer la situation des populations vivant dans la région du Lac Tchad, il apparait nécessaire d’incorporer les principes de la protection transversale 10 dans la mise en œuvre des programmes humanitaires. En effet, si des actions uniquement liées à la protection n’auront pas d’effet sur l’accès aux services de base, à l’inverse, l’offre de services de base doit intégrer une dimension sécuritaire pour notamment tenir compte des questions de protection. Cela est d’autant plus important qu’il existe des problèmes de cohésion sociale dans les localités évaluées. La plupart des participants aux groupes de discussion a souligné la présence de tensions entre populations hôtes et déplacées dans les localités qui accueillent ces derniers, principalement liées à l’accès aux moyens de subsistance, et plus précisément à l’accès à la terre. L’évaluation de REACH d’octobre 2016 a mis en lumière une détérioration des rapports intercommunautaires dans la région du Lac Tchad avec une hausse de sept points de pourcentage dans la proportion d’informateurs clés indiquant des tensions entre communautés dans leur localité depuis l’enquête de juin 2016. 11 Concernant les sources de tensions, la compétition engendrée par la limitation des ressources, et notamment les terres cultivables, représentait la source majeure de tensions intercommunautaires.

REACH, Évaluation Multisectorielle dans la région du Lac Tchad, Octobre 2016, http://bit.ly/2lz88tB. 610 La protection transversale a été définie par le Cluster Mondial de la Protection comme étant « le processus consistant à incorporer les principes de la protection et à promouvoir un accès significatif à 9

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l’aide humanitaire, dans la sécurité et la dignité ». https://goo.gl/AtRNwo 11 REACH, Évaluation Multisectorielle dans la région du Lac Tchad, Octobre 2016, http://bit.ly/2lz88tB.

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Ce résultat est supporté par un aperçu des besoins humanitaires publié par OCHA qui indique que les tensions intercommunautaires sont présentes surtout autour des questions d’exploitation des ressources naturelles comme les terres arables. 12 Les participants ont également mentionné une augmentation des tensions en raison du fait que le bétail des éleveurs déplacés se nourrit des terres labourées par la population hôte. De plus, l’accès à l’aide constituait une seconde source de tensions, du fait que seule la population déplacée est bénéficiaire d’aide humanitaire. Si ce déséquilibre persiste, la cohabitation et la cohésion sociale entre les communautés pourraient s’aggraver.

CONCLUSION Cette évaluation avait pour but de mettre en lumière les préoccupations en termes de sécurité des populations hôtes et déplacées vivant dans la région du Lac Tchad d’un point de vue qualitatif et leurs impacts sur l’accès aux services de base. Les résultats suivants doivent être soulignés : •

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Malgré le sentiment général de sécurité dans leurs localités ou lieu de résidence, les participants aux groupes de discussion estiment que les mouvements en dehors de leur communauté ou habitats sont dangereux. Cette problématique est ressentie à la fois par les populations déplacées et hôte. D’après les participants, les femmes et les enfants sont les plus vulnérables lors de ces mouvements.



Ce sentiment d’insécurité pose un problème particulier pour accéder aux services de base (santé, éducation, marché, eau et assainissement) et aux moyens de subsistance. Les populations doivent ainsi faire face à un dilemme entre accéder à ceuxci mais s’exposer à certains risques, ou rester en sécurité mais ne pas y avoir accès.



Ce dilemme est exacerbé par le fait que l’offre de services de base se trouve en deçà de la demande. Il existe peu de structures et les populations doivent souvent parcourir d’importantes distances pour les atteindre.



Alors que les déplacés bénéficient souvent d’un accès gratuit à ces services à travers l’aide humanitaire, la population hôte fait face

OCHA, HNO 2017, p. 12, https://goo.gl/3qQUFy

à un obstacle supplémentaire : le manque de moyens financiers permettant d’assumer les coûts élevés de ces services. •

Cet accès inégal aux services de base, aux moyens de subsistance ainsi qu’à l’aide humanitaire a exacerbé la présence de tensions intercommunautaires, comme indiquée par un nombre significatif de participants.



En ce qui concerne la présence de violences basées sur le genre, celles-ci sont comprises comme étant des violences physiques ou sexuelles contre les femmes perpétrées par des personnes externes. Les violences domestiques, psychologiques et économiques ne sont pas inclues.



En raison de leur caractère sensible, ces violences sont fortement sous-mentionnées; les individus se montrent généralement très réticents à aborder ce sujet, d’autant plus en groupes. Bien que plusieurs indicateurs proxys indiquent que des violences de genre, y compris des mariages précoces, existent dans les localités évaluées, une étude visant à évaluer leur prévalence ne serait pas efficace.



Les campagnes de conscientisation et de sensibilisation contre les violences de genre semblent s’être concentrées sur la communauté déplacée uniquement. Cela se traduit par le fait que les participants déplacés, conscients que certaines pratiques sont considérées comme négatives par les acteurs humanitaires, les taisent ou les minimisent, alors que les réponses de la population hôte apparaissent comme plus sincères. Ce décalage ne permet cependant pas de confirmer des différences en termes de pratiques.