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Le monde connaît l'une de ses plus extraordinaires révolutions, porteuse de mutations profondes dont un grand nombre reste encore inconnu. Le taux de.
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Talents : un vivier mondial en pleine mutation Par Dirk Van Damme

Le monde connaît l’une de ses plus extraordinaires révolutions, porteuse de mutations profondes dont un grand nombre reste encore inconnu. Le taux de croissance du pourcentage d’adultes diplômés de l’enseignement tertiaire, et les connaissances et compétences qu’ils ont donc acquis, n’ont jamais été aussi élevés. En 2013, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, 25 % des 55-64 ans étaient diplômés de l’enseignement tertiaire, contre 40 % des 25-34 ans – soit une hausse de 15 points de pourcentage sur une période de 30 ans. Toutefois, des différences considérables s’observent entre les pays de l’OCDE : certains avaient déjà amorcé l’expansion de leur système d’éducation il y a 100 ans, tandis que d’autres n’offrent des possibilités d’accès à l’enseignement tertiaire que depuis récemment. La localisation du capital humain est loin d’être un facteur anodin : au XXe siècle, les États-Unis et plusieurs autres pays ont ainsi pu tirer profit du vivier d’individus qualifiés à leur disposition dans leur population pour progresser – tant au niveau économique que social – à un rythme bien plus soutenu que leurs concurrents. En ces premières décennies du XXIe siècle, un tout autre tableau se fait jour : selon les données les plus récentes (publiées dans le dernier numéro des Indicateurs de l’OCDE à la loupe) sur la répartition géographique des diplômés de l’enseignement tertiaire âgés de 25 à 34 ans dans les pays de l’OCDE et du G20, en 2013, la Chine était déjà passée devant les États-Unis. Environ 17 % de

l’ensemble des diplômés de l’enseignement tertiaire venaient ainsi de Chine, contre respectivement 14 % des États-Unis et d’Inde. Cette note de synthèse propose également une projection pour 2030 à partir des tendances actuelles (voir le graphique ci-dessus). En 2030, la part de la Chine dans le vivier mondial de talents s’élèverait ainsi à 27 %, et celle de l’Inde, à 23 %. Les États-Unis suivraient avec une part de 8 % seulement, et parmi les économies émergentes, le Brésil et l’Indonésie viendraient ensuite avec une part de 5 % chacun. La Chine et l’Inde rassembleraient alors la moitié du vivier mondial de jeunes très qualifiés. Ces données sont tout à fait saisissantes et il est difficile d’en imaginer tout l’éventail des conséquences. D’emblée viennent à l’esprit l’incidence sur la répartition mondiale de la main-d’œuvre qualifiée et les changements en découlant en termes d’échanges, de croissance économique et de chaînes de valeur mondiales. Les mesures visant à préserver les composantes de recherche et de conception créatives au sein des cycles de production des nations industrialisées du XXe siècle semblent assez dépassées. Sans oublier les conséquences majeures pour les pays qui ont accompli cette modernisation dans un délai encore bien plus court que les « anciennes » nations industrialisées. Bien sûr, nombreux seront ceux qui mettront immédiatement en doute la qualité de ces diplômes. Dans divers pays industrialisés, l’expansion et l’accessibilité de masse de l’enseignement supérieur mettent sous pression la conception traditionnelle de l’excellence académique. Les pays qui ont fait l’expérience de cette transformation à un rythme encore plus soutenu seront également confrontés à cette problématique. Mais des changements d’une telle envergure transforment également le concept même de qualité académique. Rien n’indique que la Chine et l’Inde pourront se satisfaire davantage que les États-Unis ou les pays européens d’une qualité académique de deuxième ordre. À cet égard, il serait plus juste et plus honnête d’accepter qu’en fait, nous ignorons tout simplement la réponse. Nous ne disposons en effet pas à l’heure actuelle de mesures fiables de la qualité de l’apprentissage et des compétences chez les diplômés de l’enseignement tertiaire. Il est pourtant difficile d’imaginer un monde où les diplômes et les compétences occupent une place si prépondérante alors que personne n’en connaît la réelle valeur. Or nous savons grâce à l’Évaluation des compétences des adultes (PIAAC) que même dans « l’Ancien monde », l’équivalence des diplômes de l’enseignement tertiaire en termes de compétences peut connaître des variations considérables. Toujours est-il que la carte de la répartition mondiale des diplômés de l’enseignement tertiaire diffère sensiblement de celle de l’excellence académique, du moins telle que mesurée par les classements universitaires officiels à l’échelle internationale. Malgré leurs lacunes, ces classements laissent penser que l’excellence académique se concentre toujours au sein des systèmes universitaires des États-Unis, du Royaume-Uni et de quelques autres pays européens. Les universités des pays orientaux ne font que commencer à faire leur apparition dans

ces classements, et ce de façon très progressive. Le décalage entre la localisation de l’excellence académique et celle de la demande de diplômés de l’enseignement tertiaire peut engendrer des tensions qui ne sont que partiellement résolues par la mobilité internationale des étudiants et l’enseignement en ligne. Aussi nombreux les étudiants en mobilité internationale ou les MOOCs soient-ils, ils ne peuvent satisfaire la demande mondiale de diplômés de l’enseignement tertiaire très performants. À l’heure où des pays émergents tels que la Chine et l’Inde investissent massivement dans la création d’universités de calibre international, ils ne tarderont pas à rattraper les autres, tant en termes chiffrés que qualitatifs. En fin de compte, ces données sont encourageantes. Le monde accroît rapidement – et équilibre – son vivier de connaissances et de compétences. Au vu de la situation planétaire et des nombreux défis qui nous attendent, nous aurons besoin de toutes les forces intellectuelles que nous serons en mesure de mobiliser. Le renforcement du capital humain sera alors la seule stratégie pérenne, non seulement pour améliorer la productivité et la croissance des nations à titre individuel, mais aussi pour faire face aux nombreux défis mondiaux auxquels nous serons confrontés, grâce à la recherche, l’innovation et la collaboration.