Télésoins à domicile : services collaboratifs en santé

The effect of telehomecare on heart failure self-care. MIA Annu Symp Proc. 2010: 71-5. 5. Bowles, K. H., Hanlon, A. L., Glick, H. A., Naylor, M. D., O'connor, M., ...
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Notre expérience, notre passion, vos résultats. Services professionnels en transformation de la santé

Télésoins à domicile : services collaboratifs en santé

May Tuason Infirmière autorisée et gestionnaire, consultation auprès des entreprises, TELUS Santé

Jeffrey Ho Expert-conseil principal auprès des entreprises, TELUS Santé

Au Canada, les patients reçoivent des soins de calibre mondial. Maintenir un tel niveau de qualité dans un contexte de hausse des coûts et de compressions budgétaires en santé n’est pas chose simple. Les télésoins à domicile, un secteur de la télésanté, représentent une approche viable pour améliorer l’accès aux soins à moindres coûts. Plusieurs provinces canadiennes adoptent des plans d’action orientés sur les télésoins à domicile afin de permettre aux patients de gérer leur état de santé dans le confort de leur foyer, en profitant d’un meilleur accès aux services dans l’ensemble du continuum de soins. Une étude de COACH sur la télésanté au Canada menée en 20131 révèle toutefois que la croissance affichée par les télésoins à domicile est bien inférieure à la croissance globale des services de télésanté. Actuellement, les télésoins à domicile sont implantés en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en ColombieBritannique et au Yukon. Les maladies les plus couramment prises en charge sont l’insuffisance cardiaque congestive (ICC), les maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC) et, dans une moindre mesure, le diabète et la santé mentale. Comment la technologie des télésoins à domicile peut-elle nous aider à résoudre les problèmes de nos systèmes de santé ? D’abord, fournir de l’équipement et des logiciels aux patients et aux professionnels de la santé n’est pas suffisant pour profiter au maximum des investissements

Un modèle de télésoins à domicile approprié permet aux cliniciens de prendre en charge un nombre accru de patients et de familles. La clé du succès? Un fort engagement pour transformer les soins et les intégrer dans tous les milieux.

technologiques. Toute nouvelle initiative doit pouvoir compter sur une vision et sur des mesures incitatives adéquates. L’implantation des télésoins à domicile n’y fait pas exception.

La planification intégrée des soins comme catalyseur Les télésoins à domicile permettent de réaliser des économies, un avantage souvent mis de l’avant qui découle de la réduction du nombre d’hospitalisations et des durées de séjour. Cela dit, pour profiter de cet avantage, il est essentiel de compter sur un modèle de soins intégré bien planifié et mis en œuvre avec minutie. Au cœur de ce modèle : le patient et sa famille. Ces derniers obtiennent le soutien d’équipes de soins de première ligne et de soins de proximité. La planification intégrée des soins, de la mise sur pied du modèle de soin jusqu’au transfert du patient vers son domicile, est donc un rouage incontournable du succès des télésoins à domicile. Lorsque les soins à domicile sont gérés efficacement par les efforts concertés des patients, de leur famille et des équipes de soins de première ligne et de soins de proximité, il est possible de tenir les patients loin des hôpitaux. En cas d’hospitalisation, il est possible de réduire les durées des séjours. Pour ce faire, il faut compter sur des patients motivés et informés et sur un lien de confiance entre les intervenants. La planification concerne alors autant les professionnels des soins de première ligne

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que ceux des soins de proximité, des soins spécialisés et des soins de courtes durées, et ce, durant l’hospitalisation et jusqu’au retour à la maison. Le personnel des hôpitaux doit être bien informé et se sentir en confiance. S’il sait que les prestataires de soins de proximité sont en mesure de faire un suivi étroit et d’intervenir rapidement et efficacement au moindre signe de détérioration de l’état de santé du patient, il sera enclin à donner plus rapidement le congé aux patients. Ainsi, pour tirer le maximum de la planification intégrée des soins dans un contexte de télésoins à domicile, il est indispensable de gérer les soins efficacement et d’adopter des efforts concertés.

Modèles de télésoins à domicile Au Canada, il existe plusieurs modèles de télésoins à domicile. Ces modèles vont des programmes de prestations de services gérés à partir de bureaux privés, de cliniques spécialisées ou de bureaux de proximité, aux services contractés auprès de grandes institutions centralisées qui délèguent les considérations sur l’infrastructure et les besoins de formation à de plus petits organismes. Il existe également des modèles hybrides de gestion et de mise en œuvre centralisées de la technologie de télésoins, avec prise en charge régionale ou communautaire pour répondre aux besoins particuliers des populations à desservir. Le Réseau Télémédecine Ontario (RTO) est un exemple de modèle hybride. Le RTO est un modèle de télésanté dont la gestion est centralisée à l’échelle provinciale, mais les organisations en santé participantes peuvent adapter leur utilisation de la technologie en fonction de leurs mandats et de leurs objectifs. En devenant membre du RTO sur la base d’une entente, les organisations en santé reçoivent un soutien du RTO pour le développement d’applications et de programmes de télémédecine. Dans ce modèle, les infirmiers qui prodiguent des télésoins à domicile doivent obtenir la certification en télésanté de RTO (qui comprend des modules sur le soutien clinique et l’autogestion des patients, sur la confidentialité et la sécurité, sur les processus et les outils et sur la formation pratique). Une plateforme virtuelle a été mise en place pour les patients, les infirmiers et les autres professionnels en télésanté, afin qu’ils puissent partager leur expérience, témoigner des défis et proposer des solutions, et contribuer à l’essor d’une communauté qui réfléchit à la pratique. L’élément clé du succès du modèle du RTO est la possibilité de personnaliser les soins à une petite échelle, ce qui permet aux gestionnaires et aux utilisateurs en clinique de personnaliser les services pour répondre aux besoins de leur clientèle.

Certains modèles locaux orientés vers des besoins spécifiques diffèrent grandement de ce modèle hybride. À titre d’exemple, l’Hôpital d’Ottawa met présentement à l’essai une initiative de télésanté reposant sur la solution de suivi des patients à distance de TELUS Santé. Dans ce projet pilote, les patients qui reçoivent une chirurgie de remplacement de la hanche ou du genou obtiennent rapidement leur congé de l’hôpital (congé hâtif avec prise en charge) et sont suivis de près à la maison par un personnel infirmier formé pour les soins postopératoires et la réadaptation. Pour de nombreuses organisations, la mise sur pied du modèle adéquat est une question de temps et repose sur le principe de l’amélioration continue. Le modèle le plus approprié dépend des ressources d’une organisation, de ses contraintes et de ses capacités, y compris en matière de gestion et de capacité à opérer des changements organisationnels. Cela dit, il est essentiel de pouvoir compter sur d’ardents défenseurs, autant du côté de l’administration que du personnel en clinique, afin de garder le cap sur les orientations et les objectifs de l’organisation.

Optimiser le rôle des télésoins Les gens qui convoitent les professions dans le domaine de la santé sont souvent motivés par la possibilité de soulager les patients en leur prodiguant des soins sur la base d’une relation privilégiée. De telles relations reposent souvent sur des visites en personne. Les télésoins à domicile représentent une approche différente pour établir une relation avec les patients. Au moment de l’implantation d’une telle approche, certains professionnels y voient un obstacle à leur rôle traditionnel et peuvent se sentir mal à l’aise. Une étude sur les MPOC et les télésoins à domicile révèle que les équipes appelées à mettre sur pied des services de télésoins ont dû composer avec des problèmes de taille pour répondre aux demandes perçues quant à la continuité dans la relation avec le patient et à la continuité dans la gestion clinique2. La définition des rôles et des responsabilités en matière de télésoins mettra les cliniciens au défi d’évaluer les changements dans leur relation avec les patients et de déterminer une façon de gérer les risques sans augmenter le nombre de visites au domicile des patients. Certains d’entre eux y verront un risque accru pour le patient, arguant que le nombre réduit de contacts mine leur capacité de prodiguer les soins appropriés. D’autres auront l’impression que trop d’importance est accordée sur des cibles de volumes de patients suivis. Plutôt que de mettre des chiffres en valeur, les organisations doivent offrir leur soutien aux cliniciens dans

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l’adoption d’un nouveau système, en tenant compte de leurs préoccupations quant à la dépersonnalisation des services et aux risques perçus et réels découlant d’une réduction du temps passé auprès des patients. Les discussions sur les risques sont importantes, car elles s’inscrivent dans l’effort nécessaire pour élaborer des stratégies d’atténuation des risques dans les processus opérationnels, et parce qu’elles permettent aux cliniciens d’assumer leur responsabilité en matière de sécurité des patients. Les discussions doivent aider les cliniciens à reconnaître les avantages des télésoins à domicile sur le plan humain : la possibilité d’encadrer les patients afin qu’ils prennent soin de leur santé et qu’ils se maintiennent dans le meilleur état possible; la possibilité de faire un suivi auprès de douzaines de patients supplémentaires par rapport aux méthodes traditionnelles; la possibilité d’éviter les conséquences néfastes d’une hospitalisation à davantage de patients et de familles en intervenant dès les premiers signes de détérioration de l’état de santé. Grâce aux télésoins à domicile, les cliniciens peuvent avoir une incidence positive sur la vie de plus de patients et de familles que jamais.

Dans quelles circonstances l’implantation des télésoins à domicile est-elle inefficace ? Pour être efficaces, les programmes de télésoins à domicile doivent tenir compte de plusieurs facteurs. En voici quelquesuns : la perception que la technologie est facile à utiliser, le besoin d’encadrement des patients et du personnel soignant, la barrière de la langue et l’accès à un personnel non professionnel pour prodiguer des soins personnels, au besoin. Une étude met en lumière le risque que les patients rejettent la technologie3, en soulignant que les patients affirment être « trop malades pour s’occuper de la chose » et qu’ils refusent donc d’utiliser la technologie, voire de permettre son installation. Les stratégies d’atténuation de ce risque nécessitent la collaboration des médecins, des infirmiers et des membres de la famille. Il s’agit de faire découvrir au patient l’utilité et les avantages d’intégrer la télésurveillance dans leur vie. Cette prise de conscience peut se faire en mettant en correspondance l’utilisation de la technologie et l’atteinte des objectifs du patient, comme la possibilité de demeurer actif ou de passer du temps en famille. En plus de l’encadrement nécessaire pour que le patient ne perde pas de vue ses objectifs, l’accent doit être mis sur la facilité d’utilisation, notamment grâce à la technologie sans fil et à l’interface utilisateur simple présentant un langage clair.

Un autre risque concerne les méthodes d’enseignements des télésoins à domicile, qui peuvent être jugées trop peu flexibles pour répondre aux grands éventails de besoins des patients en la matière4. Une courbe d’apprentissage trop ardue pour le patient peut décourager le clinicien d’opérer le transfert de connaissance nécessaire pour que le patient puisse utiliser un appareil. Les stratégies d’atténuation de ce risque doivent tenir compte de l’application des principes de l’éducation des adultes dans la méthodologie d’enseignement. De plus, un accès facile à des documents de référence en un lieu centralisé, notamment un document de foire aux questions exposant clairement les problèmes courants et leurs solutions, permet de diminuer les inquiétudes quant à la rétention de l’information. La mauvaise évaluation de la compréhension des techniques d’autogestion des soins5 est également susceptible de miner le succès des télésoins à domicile. La perte d’informations est possible lorsque les cliniciens passent en revue les indicateurs de santé avec les patients sans recourir aux différentes stratégies d’évaluation du degré de rétention, notamment la méthode de « l’enseignement réciproque ». Il est essentiel de s’assurer que les cliniciens ont bien véhiculé leur message. Entre autres types de soutien à offrir au patient en matière d’autogestion, mentionnons la répétition du message sur une longue période et la proposition de trucs pour adopter des changements durables à l’égard de l’autogestion des soins et du mode de vie. Dans le cas des patients qui ne peuvent compter sur personne pour leur prodiguer des soins, les télésoins à domicile reposent non seulement sur la compréhension et sur le jugement du patient à l’égard du système, mais également sur sa capacité à intervenir. Une attention particulière doit être accordée aux personnes qui présentent des troubles cognitifs moyens à graves, de même qu’à celles qui ne comprennent ni l’anglais, ni le français, qui sont les deux langues les plus largement desservies par les logiciels de télésoins à domicile existants. Par ailleurs, les patients dont la mémoire et les capacités motrices se détériorent peuvent également ne pas envoyer en temps opportun les données requises par le personnel soignant pour procéder à leur évaluation.

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Conclusion Devant les défis que posent la croissance de la population, les listes d’attente pour les soins en établissement et l’augmentation des soins de courte durée, les provinces canadiennes modifient leurs stratégies en santé pour emboîter le pas aux services de soins à domicile. L’augmentation de l’adoption des télésoins à domicile se traduira par une multiplication des occasions d’analyser les efforts d’implantation, d’évaluer les programmes, de tirer des leçons et de s’adapter devant les difficultés. L’approche intégrée de la planification des soins jumelée au choix du modèle approprié et à une attention portée à la relation entre le patient et les professionnels de la santé sont des éléments clés pour assurer le succès de l’entreprise. En outre, la facilité d’utilisation de la technologie, l’encadrement du patient et l’accès à un personnel non professionnel pour prodiguer des soins personnels sont autant de facteurs à ne pas négliger. Pour obtenir un succès à grande échelle, les solutions de télésoins à domicile doivent tenir compte de la langue et d’autres aspects culturels, de même que de considérations entourant l’éthique et la confidentialité, autant du côté de la réglementation des agences que de celui des droits et des libertés des patients. Pour l’avenir, les organisations en santé dans l’ensemble du Canada ont tout intérêt à partager leurs connaissances et leurs expériences, afin d’assurer une meilleure collaboration entre elles et de contribuer à améliorer la compréhension des facteurs de réussite dans l’implantation des télésoins à domicile.

Références 1 COACH (2013). Telehealth Report Based On the 2012 Telehealth Survey . Consulté en ligne : http://coachorg.com/en/resourcecentre/resources/TeleHealth-Public-FINAL-web-062713-secured.pdf 2 Fairbrother, P., McCloughan, L., Sheikh, A., Pagliari, C., McKinstry, B., Pinnock, H., & Hanley, J. (2012). Continuity, but at what cost? The impact of telemonitoring COPD on continuities of care: A qualitative study. Primary Care Respiratory Journal, 21(3), 322-328. 3 Bowles, K. H., Holland, D. E., & Horowitz, D. A. (2009). A comparison of in-person home care, home care with telephone contact and home care with telemonitoring for disease management. Journal of Telemedicine and Telecare, 15(7), 344-350. 4 Bowles, K.H., Riegel, B., Weiner M.G., Glick H., Naylor M.D. (2010). The effect of telehomecare on heart failure self-care. MIA Annu Symp Proc. 2010: 71-5. 5 Bowles, K. H., Hanlon, A. L., Glick, H. A., Naylor, M. D., O’connor, M., Riegel, B., et al. (2011). Clinical Effectiveness, Access to, and Satisfaction with Care Using a Telehomecare Substitution Intervention: A Randomized Controlled Trial. International journal of telemedicine and applications, 2011, 1-13.

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