Sur la piste des Canotiers

Les berges y sont moins vertes. La baignade y est toutefois interdite depuis 1971. Près des jardins familiaux, le bâtiment de la Société nautique de Strasbourg.
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NATURE

Sur la piste des Canotiers Les îles et les rives de l’Ill au sud-ouest de la ville offrent un petit coin de paradis méconnu et pourtant chargé d’histoire. Visite sur site, au fil de la rivière.

Sur le parcours, la vue de l’île Gutenberg laisse apparaître une trouée verte et bleue à quelques encablures de la ville : le bonheur des promeneurs et des rameurs - PHOTO JÉRÔME DORKEL

E

n ce dernier mercredi d’août, l’autoroute A35 et ses bretelles d’accès proches de la porte de Schirmeck déversent leur flot de conducteurs pressés. Pourtant, à deux pas de ce tumulte, c’est tout un milieu naturel qui s’épanouit paisiblement au fil de l’eau. A côté du mur d’escalade de l’ASCPA, au croisement de l’Ill et du Rhin tortu, le panneau « Accueil des Canotiers » affiche un parcours pédestre, balisé par le Club vosgien, qui fait partie du programme d’action du Parc naturel urbain Ill-Bruche (PNU). « La mise en valeur de l’Ill et de la vie nautique ici fait partie du programme initié par une série de rencontres entre les clubs

en 2014 et l’identification de cette petite boucle insolite de 2,2 km », précise Béatrice Pipart, responsable du projet. LE MARTIN-PÊCHEUR EN VILLE

« Dans le cadre du PNU, ce milieu a été valorisé et préservé pour qu’espèces naturelle et végétale circulent, poursuit Olivier Gadrat, animateur naturaliste au Centre d’initiation à la nature et à l’environnement de Bussierre. Les berges sont végétalisées, la ripisylve, forêt de bord de rivière, forme une continuité et permet une meilleure activité écologique. » Sur la rive nord de l’Ill, les vestiges des anciens bains de rivière du Herrenwasser

Elisabeth, la gardienne de l’île Weiler, est une ex-championne d’aviron - PHOTO JÉRÔME DORKEL

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STRASBOURG MAGAZINE OCTOBRE 2016

aménagés en 1861 se laissent deviner. Les berges y sont moins vertes. La baignade y est toutefois interdite depuis 1971. Près des jardins familiaux, le bâtiment de la Société nautique de Strasbourg (SNS 1887) abrite le seul club strasbourgeois qui entraîne des équipes de joute nautique, pratique ancestrale qui a à nouveau animé le cours de l’Ill en juillet dernier. Sur le chemin, la verdure domine. Au plus près de l’autoroute, c’est même « la jungle », affirme un joggeur habitué des lieux. En effet, confirme Olivier Gadrat, « la végétation semble anarchique, pourtant cette zone est idéale : des ronces, des cachettes pour les animaux, des endroits pour nicher. Il faut laisser plus de place à la nature en ville et changer de regard pour apprécier le côté sauvage de ces espaces. Voir passer le martinpêcheur en pleine ville est à ce prix. Sa présence ici, comme celle du grèbe huppé, de la foulque ou de l’aigrette, est un gage de propreté ». Après une petite boucle, rue des Imprimeurs, une passerelle conduit à l’île Gutenberg avec sa stèle. De 1434 à 1444, Gutenberg aurait habité au couvent

Saint-Arbogast tout proche. Au 31, rue des Imprimeurs, le Sport nautique de l’Ill, en place depuis 1923, demeure actif : ses membres y peaufinent la coque d’un canoë en cours d’assemblage. Au 31A, un magnifique bâtiment en bois aux airs d’élégante guinguette 1900 dissimule ses charmes derrière la végétation : il s’agit du Cercle nautique Ill-Club, créé en 1884. Dernière étape, le pont de l’écluse 85 qui sépare l’Ill du canal du Rhône au Rhin. Et le parcours rejoint l’ASCPA où les jeunes rentrent leurs kayaks sous l’œil vigilant d’un éducateur. L’activité nautique n’est pas prête de tarir ici. PASCALE LEMERLE Départ au panneau du parcours, près du mur d’escalade de l’ASCPA, sur la piste du canal du Rhône au Rhin www.sinestrasbourg.org

L’île Weiler sous bonne garde Cette charmante île, au beau milieu du parcours, est peu connue : seuls les membres du Cercle d’aviron de Strasbourg (CAS) y accèdent. Ce matin, Elisabeth de Barry, gardienne de l’île, fait glisser sa barque à fond plat pour une visite exceptionnelle. Cette ex-championne internationale pratique l’aviron depuis quinze ans. Elle accompagne volontiers les sorties du CAS, si son travail d’infirmière aux soins intensifs le permet. Elle œuvre dans le sillage de FrançoisCharles Weiler, qui occupait l’île à la fin du XIXe siècle et lui a donné son nom. Il portait notamment secours aux baigneurs. Elisabeth ouvre les portes du hangar datant de 1924 : parmi les avirons, un « huit », comme celui utilisé par les membres du CAS aux Jeux olympiques de 1920. Au nord de l’île, règne une forêt originelle. Ici, une merlette se délecte dans un sureau, là, un écureuil a fendu une coquille de noisette : un refuge de biodiversité.