Sortie du nucléaire en Allemagne : le meilleur du pire des réactions ...

31 mai 2011 - Nous pensons que l'énergie nucléaire est une solution d'avenir, .... Le chiffre d'affaire de cette filière représente plus de 36 milliards d'euros en ...
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31 mai 2011

Sortie du nucléaire en Allemagne : le meilleur du pire des réactions françaises « We love Germany » : cette déclaration d’amour de Greenpeace à l’Allemagne est aujourd’hui plus que jamais d’actualité, alors que ce pays nous montre la voix à suivre, avec le choix d’une transition énergétique planifiée, synonyme de création d’emplois, d’indépendance énergétique et d’avenir plus sûr.

Il est effarant de voir les réactions suscitées en France par la décision allemande… En Allemagne, le cœur du débat porte non pas sur « sortir ou non du nucléaire » mais « il faut en sortir dès 2015 et non en 2022 », les responsables français, à certaines exceptions près, démontre une méconnaissance totale de la situation énergétique en France et en Allemagne, beaucoup d’idéologie et beaucoup d’arrogance…Petit florilège des réactions les plus significatives : erreur, mauvaise foi, dogmatisme, ignorance… À vous de voir !

Éric Besson : « Un choix qui date d’un demi siècle et reste pertinent », car porteur d’indépendance et d’une électricité peu chère Pour un ministre de l’Énergie, Éric Besson semble vraiment fâché avec les chiffres, qu’ils concernent le coût de l’électricité ou l’indépendance énergétique française…

D’abord, l’argument massue du prix… Contrairement à ce qu’avance le ministre, les Français paient leur électricité 25 % moins cher que la moyenne européenne (source Eurostat), et non 40 %, chiffre qui sort d’on ne sait où… Ensuite, ce qu’Éric Besson se garde bien de préciser, c’est que ce prix va augmenter dans les années qui viennent. En mai 2010, un rapport de la CRE indiquait qu’un tarif de rachat de l’électricité fixé par la loi Nome à 42 € (pour l’instant, il est à 40 € d’ici à 2012, puis il passera à 42 €) entrainerait une hausse des tarifs de 25 à 30 % de l’électricité… Et cette augmentation du prix de l’électricité française aura lieu, que l’on sorte du nucléaire ou non ! Le parc français est vieillissant : 40 % des réacteurs vont atteindre leur limite d’âge de 30 ans dans les années qui viennent. En 2005, EDF estimait à 23 milliards d’euros le coût du démantèlement des 58 réacteurs français. Un chiffre revu à la hausse la même année par la Cour des comptes, qui parle de 38 milliards d’euros. Et qui semble largement sous-estimé dans la mesure où, au Royaume-Uni, qui ne compte « que » 35 réacteurs, on table sur… 103 milliards d’euros… Ensuite, que fait-on si on ne profite pas de la fermeture progressive de tous les réacteurs pour changer de modèle énergétique ? Deux possibilités s’offrent à nous, avec, dans les deux cas, une addition bien salée : - soit on prolonge le parc, en prenant en compte les enseignements de Fukushima (renforcement de l’enceinte de confinement des réacteurs, confinement des piscines de stockage des déchets, etc.). Dans ce cas, la facture va atteindre au moins 60 € par

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MWh, soit un niveau à peine inférieur à celui de l’éolien terrestre, qui passe pour hors de prix et coûte 65 à 70 € par MWh (source Global chance, avril 2011). - soit on renouvelle ce parc : la France affiche 63,4 GW de puissance nucléaire installée. Pour maintenir ce niveau, il faudrait construire par exemple 40 réacteurs EPR. Sachant que la construction d’un EPR est aujourd’hui estimée à un minimum de 5 milliards d’euros, le seul remplacement du parc se monterait à 200 milliards d’euros. Quant à l’indépendance énergétique, c’est la vraie tarte à la crème… Le chiffre de 51 %, fréquemment utilisé en France, procède d’un calcul qui ignore le fait que 100 % de l’uranium utilisé dans nos réacteurs est importé (facteur invalidant totalement l’idée que le nucléaire est garant de notre indépendance énergétique). Si on calcule l’indépendance énergétique de la France et de l’Allemagne en tenant compte que l’uranium utilisé dans les deux pays est entièrement importé les taux d’indépendance respectifs tombent à 9% pour la France – la contribution des énergies renouvelables locales à la fourniture d’énergie primaire – et à 30% pour l’Allemagne. Par ailleurs, la France a développé le nucléaire depuis les années 1970 pour réduire l’insécurité liée aux approvisionnements en hydrocarbures, or elle importe aujourd’hui autant de pétrole que ses voisins européens (1,677 millions de barils/jour).

François Fillon, le nucléaire, une « solution d’avenir » à la rescousse de la lutte contre le dérèglement du climat « Nous pensons que l'énergie nucléaire est une solution d'avenir, notamment par rapport aux engagements que nous avons pris (...) sur la question des rejets de gaz dans l'atmosphère », nous dit le Premier ministre. Qui devrait relire les données établies par l’Agence internationale de l’énergie qui montre le peu d’impact du nucléaire sur la lutte contre le dérèglement climatique. Selon les projections de l’AIE, si on parvenait à construire 1 400 réacteurs nucléaires dans le monde d’ici à 2050 – ce qui signifie qu’il faudrait que sorte de terre un réacteur tous les dix jours ! –, on ne parviendrait à réduire les émissions globales de gaz à effet de serre que de 4 %... Autant dire beaucoup de risques et d’argent pour un résultat très faible…

Laurence Parisot, Medef : le « passager clandestin »

Cette prétendue « théorie » s’appuie une idée généralement admise et rabâchée depuis ce matin : l’Allemagne a beau jeu de dire qu’elle sort du nucléaire, elle est bien contente d’importer de l’électricité venant des centrales françaises. En réalité, depuis les années 1990, la France est importatrice nette d’électricité provenant des centrales à charbon d’outre-Rhin. Ainsi, pour 2010, le solde des échanges entre la France et l’Allemagne s’élève à 6,7 TWh en faveur de… l’Allemagne ! Source : le bilan électrique français de 2010, établi par RTE : http://www.rtefrance.com/uploads/media/pdf_zip/presse/dp2011/2011_01_20_DP_Bilan_electrique_francais_2010.pdf (page 18)

Jean-Louis Borloo : l’Allemagne va émettre du CO2 et le nucléaire représente 80 % de notre énergie

Inquiétant. En méprisant les ambitions climatiques allemandes et en se trompant sur ce que représente le nucléaire en France (moins de 80 % de notre électricité, soit seulement 17 % de l’énergie que nous consommons !), « Monsieur » Grenelle de l’environnement ne fait pas mieux que François Fillon ou Éric Besson…

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Concernant les émissions allemandes de gaz à effet de serre, il est bon de rappeler que l’Allemagne reste engagée sur une réduction de 40 % de ses émissions polluantes d’ici à 2020 – elle pourrait même dépasser cet objectif – là où la France plafonnera à une diminution de 20 %. Certes, l’Hexagone partait de moins loin que son voisin, mais il est à noter qu’avec le temps, l’écart entre les deux pays se resserre. Ainsi, au global, entre 1990 et 2008, les émissions de gaz à effet de serre pris en compte par le protocole de Kyoto ont diminué de 6,1 % en France et de 22,2 % en Allemagne (source : Source : CCNUCC, 2010 (n° 142 de « C’est dans l’air », bulletin du CITEPA, janvier 2010). Quant à la situation française, Jean-Louis Borloo se plaît à rappeler le fameux engagement du Grenelle de développer les renouvelables en France à hauteur de 23 % du mix énergétique d’ici à 2020. Mais la réalité est tout autre : à moins d’un changement majeur de la politique de développement de l’éolien et du photovoltaïque, les renouvelables en France n’atteindront jamais 23 % du mix énergétique en 2020 (voir par exemple l’analyse du plan d’action national pour les énergies renouvelables réalisée par Marc Jedliczka, pour la Green European Foundation, http://bit.ly/kK9CmA).

Jean-François Copé, UMP : « Le nucléaire, c’est 85 % de notre énergie… Comparaison n’est pas raison sur tous les sujets »

Là aussi, gros souci de chiffre du côté du secrétaire général de l’UMP. Le nucléaire ne produit pas 85 % de notre énergie mais moins de 80 % de notre électricité, ce qui correspond à 17 % seulement de l’énergie consommée en France. Ensuite, de nombreux responsables politiques français citent l’exemple allemand quand on parle compétitivité économique, retraite ou temps de travail. Et quand on aborde d’autres sujets, comme le nucléaire, au hasard, on « oublie » subitement que l’Allemagne est la 4e puissance mondiale, la première économie européenne, et on tente de nous dépeindre nos voisins au mieux comme doux rêveurs, au pire comme des gens carrément irresponsables.

Jérôme Cahuzac, PS : « La convergence avec l'Allemagne n'est pas indispensable » mais il faut développer « les renouvelables et les alternatives »

Le président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale devrait le savoir : on ne peut dépenser deux fois le même euro. Il faut donc bien faire des choix. L’Allemagne a, elle, enclenché une transition énergétique rentable à tous points de vue. Les renouvelables y représentent aujourd’hui 18 % de la production électrique, un chiffre qui devrait monter à 40 % d’ici dix ans. Le chiffre d’affaire de cette filière représente plus de 36 milliards d’euros en 2009 pour l’Allemagne, contre à peine 13 milliards en France (source EurObser’ER). Côté emplois, c’est le jackpot : d’ici à 2030, 500 000 emplois devraient être créés dans ce secteur – aujourd’hui, cette filière fait déjà vivre 370 000 personnes. À titre de comparaison, on estime que le nucléaire en France emploie entre 100 000 et 200 000 personnes… Pour information, le scénario négaWatt, qui dessine pour la France un scénario énergétique alternatif prévoyant une sortie des fossiles et du nucléaire à 2050. Selon ces projections, un changement de modèle énergétique sortant des énergies sales et misant sur l’efficacité énergétique et les renouvelables, permettrait la création de près de 700 000 emplois nets.

Alain Juppé : « Nous ne pouvons nous passer » du nucléaire pour le moment

Cette position du ministre des Affaires étrangères a des airs de « demain, on rase gratis »… Que signifie « à échéance de quelques décennies » ? Que pourrait-il se passer

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d’extraordinaire d’ici 10, 20 ou 30 ans, qui rendent tout à coup une sortie du nucléaire possible ? Pour Greenpeace, ça ne va pas se faire tout seul. Il faut prendre une décision aujourd’hui, pour sortir en vingt ans du nucléaire. Personne ne parle de fermer d’un coup les 58 réacteurs nucléaires français ! Quant à l’échelle européenne, les renouvelables sont en mesure de prendre le relais et de couvrir 68 % des besoins en électricité de l'UE dès 2030, et 99,5 % en 2050.

Anne Lauvergeon, Areva : « Une décision politique »

Mais oui ! Scoop ! Greenpeace rejoint Anne Lauvergeon sur un point : oui, en Allemagne comme ailleurs, la sortie du nucléaire procède d’une décision politique. Tout comme, la décision prise dans les années 1970 de lancer le grand programme électronucléaire français. Une sortie du nucléaire en France prendrait plus de temps qu’ailleurs : raison de plus pour s’y mettre sans tarder ! Et pour stopper dès aujourd’hui les projets en cours (EPR de Flamanville), annuler ceux qui sont dans les cartons (EPR de Penly, EPR de Jaïtapur, en Inde, ou projets concernant l’Afrique du Sud, etc.), fermer les centrales les plus dangereuses et réorienter nos investissements en matière d’énergie. Contact Adélaïde Colin, Communication : 06 84 25 08 25