REFLEXIONS ET RECOMMANDATIONS DE L'ORDRE ... - AVDEMS

mouvement, le droit aux relations avec les proches et les parents, le droit à l'honneur, .... contention, soit les mesures portant atteinte à la liberté de mouvement.
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REFLEXIONS ET RECOMMANDATIONS DE L’ORDRE PROFESSIONNEL (OP) DE L’AVDEMS SUR LES MESURES DE CONTRAINTE EN EMS Mai 2010

PLAN I.- Préambule 1.- Cadre et objectif 2.- Point de vue adopté 3.- Rappel du cadre légal II.- Définition de la mesure de contrainte 1.- Définitions de la mesure de contrainte en Suisse dans le domaine de la santé 2.- Quelques définitions de l’étranger 3.- Définition retenue par l’Ordre professionnel 4.- La problématique de la contention chimique III.- Conséquences des mesures de contrainte 1.- Pour les résidents 2.- Pour les collaborateurs IV.- Les étapes à respecter selon l’OP en matière de mesures de contrainte V.- Etape 1.- : l’information 1.- Généralités 2.- Informations fournies par l’EMS 3.- Informations recueillies par l’EMS VI.- Etape 2.- : l’observation 1.- Situations où sont prises des mesures portant atteinte à la liberté personnelle 2.- L’opposition du résident à la mesure 3.- L’objectif des soignants 4.- La sécurité et le risque acceptable 5.- La dignité 6.- Le recours à la contention chimique 7.- Les autres intérêts en présence 8.- L’importance de l’observation et du «tableau clinique» VII.- Etape 3.- : la discussion 1.- Objet de la discussion 2.- Les personnes participant à cette discussion VIII.- Etape 4.- : le choix de la mesure de contrainte dans le respect des exigences légales 1.- Une mesure exceptionnelle 2.- Existence d’un danger grave pour le résident ou des tiers 3.- Nécessité absolue de cette mesure 4.- Absence de mesure moins incisive

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5.- Mesure de durée limitée 6.- Processus itératif IX.- Etape 5.- : la décision et l’application de la mesure de contrainte X.- Etape 6.- : l’encadrement et la surveillance des mesures de contrainte 1.- Encadrement et surveillance en vertu de l’art. 23e LSP 2.- La surveillance et la comptabilisation des mesures par la CIVEMS 3.- Position de l’OP par rapport aux critères retenus par la CIVEMS et sa surveillance XI.- Propositions de l’Ordre professionnel 1.- Constats tirés de ce qui précède 2.- Obligation générale du respect de la liberté personnelle et interdiction de la mesure de contrainte 3.- Les différents types de mesures 4.- Gradation de l’encadrement et de la surveillance – Protocoles 5.- Traçabilité 6.- Eventuelle comptabilisation 7.- Etape 7 du processus: mesures de compensation XII.- Ressources 1.- Gestion administrative et outils à disposition 2.- Formation, sensibilisation et accompagnement des soignants et autres collaborateurs 3.- Intégration d’un «tiers» de la société civile XIII.- Conclusions : Recommandations de l’Ordre professionnel Annexes : 5 tableaux : 1. 2. 3. 4. 5.

Tableau général résumant le système différencié de traitement des mesures de contrainte, de leur encadrement et de leur surveillance, préconisé par l’OP Tableau résumant le traitement des mesures d’ordre général et prévues par contrat Tableau résumant le traitement des mesures spécifiques et moyennement restrictives Tableau résumant le traitement des mesures de contention Tableau résumant le traitement des mesures de contention chimique

___________________ I.- PREAMBULE 1.- Cadre et objectif de ces recommandations Suite à de nombreuses et de plus en plus fréquentes interrogations des personnes confrontées aux mesures de contrainte au sein des EMS, l’Ordre professionnel de l’AVDEMS (ci-après : OP) s’est réuni à plusieurs reprises depuis l’été 2009 afin d’émettre des recommandations dans ce domaine, avant tout à l’intention des membres de l’Association, afin de leur offrir des «guidelines» dans ce domaine. Les présentes recommandations ont pour objectif, après un «état des lieux» sur la question, de se positionner de manière concrète sur la définition de ces mesures, leur mise en place dans la pratique et leur surveillance au sein des EMS dans le canton (rem: elles ne portent pas sur la problématique à domicile ou dans les hôpitaux). Ce faisant, l’OP livrera également son analyse des articles 23d et 23e de la loi sur la santé publique vaudoise (LSP). Il exposera la manière dont il

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recommande son application et formulera, dans l’objectif d’améliorer la situation, ses propositions, tout en ne perdant pas de vue la question de la faisabilité de celles-ci. 2.- Point de vue adopté Il s’agit ici d’aller au-delà du point de vue des directions d’EMS ou des soignants, voire de l’Etat, mais bien d’élargir le point de vue à celui de tous les acteurs concernés, soit non seulement celui des collaborateurs des établissements (en tenant compte également des différentes missions), mais aussi et surtout celui des résidents, de leurs proches et/ou de leurs représentants. De manière générale, sous l’angle éthique, il s’agit de prendre en compte davantage la dimension subjective, liée à la perception de chaque résident, en relation avec le contexte donné. 3.- Rappel du cadre légal Afin de pouvoir se positionner sur la question des mesures de contrainte et même si les présentes recommandations découlent d’une approche éthique et ne constitue pas un document à vocation juridique, il est indispensable de replacer la problématique dans son contexte légal, à la fois international, national et cantonal. a) Conventions européennes •

CEDH (Convention européenne des droits de l’homme)

Dans la CEDH, il convient de rappeler en particulier l’article 3, selon lequel nul ne peut être soumis à des traitements inhumains et dégradants, ainsi que l’article 8 qui consacre le respect de la vie privée et familiale. •

CEDHB (Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine; RS 0.810.2)

Quant à la CEDHB, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er novembre 2008, elle contient un article 5 qui pose le principe selon lequel une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. L’article 6 CEDHB, qui traite de la protection des personnes n’ayant pas la capacité de consentir, a la teneur suivante : «Sous réserve des art. 17 et 20, une intervention ne peut être effectuée sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct»(§1). «Lorsque, selon la loi, un majeur n’a pas, en raison d’un handicap mental, d’une maladie ou pour un motif similaire, la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l’autorisation de son représentant, d’une autorité ou d’une personne ou instance désignée par la loi. La personne concernée doit dans la mesure du possible être associée à la procédure d’autorisation» (§ 3).

L’article 7 de cette convention traite en particulier de la protection des personnes souffrant d’un trouble mental en ces termes: «La personne qui souffre d’un trouble mental grave ne peut être soumise, sans son consentement, à une intervention ayant pour objet de traiter ce trouble que lorsque l’absence d’un tel traitement risque d’être gravement préjudiciable à sa santé et sous réserve des conditions de protection prévues par la loi comprenant des procédures de surveillance et de contrôle ainsi que des voies de recours».

L’article 8 concerne les situations d’urgence et l’article 9 règle le sort des souhaits précédemment exprimés.

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b) La Constitution fédérale (Cst.) et la Constitution vaudoise (Cst.-VD) La Constitution fédérale garantit de manière générale la liberté personnelle. Cela vise non seulement la liberté de mouvement (art. 10 al. 2 in fine), mais également la dignité humaine en général ou encore l’intégrité physique et corporelle (art. 10 al. 3). On rappellera que l’art. 7 de la Cst. a la teneur suivante : «La dignité humaine doit être respectée et protégée». Bien plus, il résulte de la définition donnée par Tribunal fédéral1 que la liberté personnelle «ne tend pas seulement à assurer le droit d'aller et venir, voire à protéger l'intégrité corporelle et psychique, mais elle garantit, de manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement de la personne humaine et que devrait posséder tout être humain, afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures étatiques. Elle se conçoit comme une garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l'absence d'un droit fondamental plus spécifique. La portée de la liberté personnelle ne peut pas être définie de manière générale, mais doit bien plutôt être précisée de cas en cas, en tenant compte non seulement des buts de la liberté et de l'intensité de l'atteinte qui y est portée, mais également de la personnalité de ses destinataires».

La liberté personnelle étant un droit fondamental consacré par la Constitution, son atteinte est strictement interdite. Une restriction n’est possible que si les conditions suivantes, posées par l’article 36 Cst., sont réunies: existence d’une base légale; existence d’un intérêt public ou privé prépondérant ; respect du principe de la proportionnalité. L’article 36 Cst. in fine précise toutefois que «L’essence des libertés est inviolable». Il ressort de cette disposition constitutionnelle qu’il faut notamment une base légale pour pouvoir porter atteinte à un droit fondamental. La Constitution vaudoise consacre notamment la protection de la dignité humaine (art. 9), le droit à la vie et à la liberté personnelle (art. 12) et la protection de la sphère privée (art. 15). L’article 34 Cst.VD, qui porte sur les soins essentiels et le droit de mourir dans la dignité, prévoit que toute personne a droit aux soins médicaux essentiels et à l’assistance nécessaire devant la souffrance (al. 1er). Les restrictions aux droits fondamentaux sont réglées à l’article 38, qui reprend les conditions posées par l’article 36 de la Constitution fédérale. Cela étant, il faut relever que les droits fondamentaux ont d’abord vocation à s’appliquer dans les relations entre l’Etat et les individus. Toutefois, en vertu de l’article 35 alinéa 2 Cst., quiconque assure une tâche de l’Etat est tenu de les respecter. c) Le Code pénal (CP) Certaines mesures de contrainte pourraient tomber sous le coup du Code pénal. Cela peut être non seulement l’infraction de la contrainte (art. 181 CP), la mise en danger de la vie ou de la santé d’autrui (art. 127 CP) ou l’omission de prêter secours (art. 128 CP), mais aussi la violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen de prises de vues (art. 179quater CP), les lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) ou encore la séquestration (art. 183 CP). d) Le Code civil (CC)

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ATF 133 I 110 consid. 6.2

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Les mesures de contrainte peuvent constituer une violation des droits de la personnalité au sens du Code civil (cf. art. 27 ss CC), qui protège aussi le droit à l’intégrité corporelle, à la liberté de mouvement, le droit aux relations avec les proches et les parents, le droit à l’honneur, etc. L’article 28 CC, disposition essentielle en matière de protection de la personnalité, pose le principe en ce sens que toute atteinte aux droits de la personnalité est illicite, à moins que les conditions posées par l’article 28 alinéa 2 CC soient respectées. Il s’agit des conditions suivantes : le consentement de la victime; l’existence d’un intérêt prépondérant privé ou public; ou l’existence d’une base légale. Le Code civil réglemente en outre la privation de la liberté à des fins d’assistance (PLAFA) aux articles 397a et suivants. e) La Loi sur la santé publique (LSP-VD) L’article 23d LSP-VD sera analysé de manière détaillée ci-dessous. Il y a lieu ici de rappeler d’emblée que cette disposition pose le principe de l’interdiction de toute mesure de contrainte. L’instauration de celle-ci doit être exceptionnelle et suppose la réunion d’une série de conditions posées par la loi que l’on verra ci-après. f) Le nouveau droit fédéral de la protection de l’adulte Les nouvelles dispositions du Code civil2 (modification du 19 décembre 2008), qui entreront en vigueur au plus tôt en 2013, ne réglementent que les «mesures limitant la liberté de mouvement» (art. 383 nCC3) d’une personne incapable de discernement. Sur cette notion, le Conseil fédéral précise4 que «la liberté de mouvement doit être comprise dans un sens large». Les mesures limitant la liberté de mouvement recouvrent ainsi «aussi bien la surveillance électronique, la fermeture des portes et les entraves telles que des liens ou des barrières visant à éviter les chutes. Par contre, la sédation d’une personne incapable de discernement au moyen des médicaments ne tombe pas sous le coup de cette disposition». En matière de traitement médical, l’article 379 nCC prévoit que, en cas d’urgence seulement, le médecin peut administrer des soins médicaux «conformément à la volonté présumée et aux intérêts de la personne incapable de discernement». Une nouvelle disposition (art. 386 nCC) prévoit en outre de manière générale la protection de la personnalité de la personne incapable de discernement. II.- DEFINITION DE LA MESURE DE CONTRAINTE 1.- Diverses définitions de la mesure de contrainte en Suisse dans le domaine de la santé Plusieurs définitions ont été données par divers organismes dans le domaine de la santé. On citera les suivantes:

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Publiées à la Feuille fédérale du 6 janvier 2009 (FF 2009, p. 139 ss). Art. 383 nCPC : «1) L’institution ne peut restreindre la liberté de mouvement d’une personne incapable de discernement que si des mesures moins rigoureuses ont échoué ou apparaissent a priori insuffisantes et que cette restriction vise : 1. à prévenir un grave danger menaçant la vie ou l’intégrité corporelle de la personne concernée ou d’un tiers ; 2. à faire cesser une grave perturbation de la vie communautaire. 2) La personne concernée doit être informée au préalable de la nature de la mesure, de ses raisons, de sa durée probable, ainsi que du nom de la personne qui prendra soin d’elle durant cette période. Le cas d’urgence est réservé. 3) La mesure doit être levée dès que possible; dans tous les cas, sa justification sera considérée à intervalles réguliers». 4 Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6673. 3

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a) Définition de Sanimedia5 Une mesure de contrainte est une mesure grave, appliquée à l'insu ou sans le consentement libre et éclairé du patient. Elle restreint sa liberté individuelle et peut porter atteinte à sa dignité. L'enfermement, l'interdiction de circuler librement ou d'entrer en contact avec ses proches, l'isolement, l'attachement ou la contention médicamenteuse sont par exemple des mesures de contrainte. b) Définition de 2004 de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) 6 Ces directives se réfèrent à des mesures limitatives de liberté, en citant comme exemple la sédation médicamenteuse, la limitation de la liberté de mouvement par des ceintures ou autres restrictions de la liberté, comme par exemple l’interdiction de fumer. c) Définition 2005 de l’ASSM7 Ces directives définissent la mesure de contrainte comme étant «toute intervention allant à l'encontre de la volonté déclarée du patient ou suscitant sa résistance, ou, si le patient n’est pas capable de communiquer, allant à l’encontre de sa volonté présumée. Sont également considérées comme des mesures de contraintes des mesures moins incisives comme p.ex. le fait d'obliger un patient à se lever, à manger, ou à assister à une session thérapeutique». L’ASSM précise ici que dans la pratique, on peut distinguer entre les entraves à la liberté, qui impliquent une restriction de la liberté de mouvement, et le traitement sous contrainte, qui porte atteinte à l’intégrité physique d’une personne. d) Définition retenue par la CIVEMS 8 Il ressort de la lecture du document «Mesures de contrainte» de la CIVEMS, y compris dans sa dernière version, que c’est la définition de Sanimedia, citée plus haut, qui a été retenue par celle-ci. Dans la pratique, on peut même conclure que la CIVEMS ne vise en réalité que les mesures de contention, soit les mesures portant atteinte à la liberté de mouvement. e) Quid de la LSP vaudoise? La LSP ne définit pas la mesure de contrainte. Il résulte toutefois de la formulation, en particulier de l’art. 23d, que cette loi ne paraît viser que les mesures particulièrement incisives (le texte se réfère seulement à un danger «grave»). Pourtant, au départ, le législateur avait pour objectif de retenir une définition très large des mesures de contrainte, comme cela ressort de l’Exposé des motifs9, qui définissait la mesure de contrainte en ces termes: «toute mesure appliquée à l’insu d’un patient ou contre sa volonté et qui restreint sa liberté personnelle, comme l’isolement, l’interdiction de circuler librement, d’entrer en contact avec ses proches, les limites d’accès aux moyens de loisir (radio, TV, sortie, cafétéria), l’absence d’intimité, etc.»

2.- Quelques définitions de l’étranger a) Etats-Unis 5

Cf. «L’essentiel sur les droits des patients», brochure publiée par SANIMEDIA (version septembre 2007) Directives médico-éthiques et recommandations de l’ASSM, «Traitement et prise en charge des personnes âgées en situation de dépendance» du 18 mai 2004 7 Directives médico-éthiques de l'ASSM du 24 mai 2005 sur les «Mesures de contraintes en médecine». 8 Document «Mesures de contrainte» de la CIVEMS dans sa version du 19.1.2010 9 EMPL, BGC, 20 novembre 2001, p. 5113ss, spéc. p. 5123 ad art. 23d et e. 6

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«… a patient has the right to be free from.. any physical or chemical restraints imposed for purposes of 10 discipline or convenience and not required to treat the resident’s medical symptoms». (Trad. réd.: un patient a le droit d’être libre de toute contrainte physique ou chimique imposée dans un but de discipline ou de commodité et non requise pour traiter les symptômes médicaux manifestés par le résident).

b) Royaume Uni «Recent mental capacity legislation in the UK makes illegal the restriction of someone’s liberty of movement, 11

regardless of whether they resist». (Trad. réd : La récente législation sur la «capacité mentale» au Royaume-Uni rend illégale la restriction de la liberté de mouvement d’une personne, peu importe que celle-ci résiste ou non).

England and Wales Mental Capacity Act 2005 - Definition of restraint : «The use or threat of force to help do an act which the person resists, or the restriction of the person’s liberty of movement, whether or not they resist. Restraint may only be used where it is necessary to protect the person form harm and is 12 proportionate to the risk of harm». (Trad. réd: Définition de la contrainte : c’est l’usage ou la menace de la force pour inciter une personne à faire un acte lorsque celle-ci résiste, ou la restriction de la liberté de mouvement de la personne, qu’elle résiste ou non. La contrainte peut seulement être utilisée lorsqu’elle est nécessaire pour protéger la personne d’un préjudice, et que cette atteinte est proportionnelle au risque du préjudice).

c) Suède «In Sweden, the use of coercive measures in institutional elder care is forbidden according to an authority 13 instruction.» (Trad. réd.: En Suède, l’utilisation de mesures coercitives dans la prise en charge de personnes âgées en institution est interdite en vertu d’une injonction de l’autorité).

3.- Définition retenue par l’OP de l’AVDEMS Pour l’OP, compte tenu de sa lecture du cadre légal national et international, ainsi que de son objectif de privilégier une approche centrée sur la perception du résident, il y a lieu de retenir une définition particulièrement large de la mesure de contrainte, et ne pas se contenter en particulier de la limiter aux mesures portant atteinte à la liberté de mouvement. Ainsi, notre Ordre préconise de retenir la définition suivante : «Toute mesure portant atteinte à la liberté personnelle du résident et à laquelle celui-ci n’a pas consenti constitue une mesure de contrainte». Cela étant, le fait que la mesure de contrainte, telle que définie ci-dessus, suscite une opposition, exprimée verbalement ou non verbalement, de la part du résident, doit conduire à nuancer l’approche de la problématique de la mise en place de la mesure, ainsi que de son encadrement et de sa surveillance (cf. ci-dessous). 4.- La problématique de la contention chimique La contention chimique est décrite comme suit dans la littérature: «Chemical restraint describes both deliberate and incidental use of pharmaceutical products to control behaviour and/or restrict freedom of movement, but which is not required to treat medically 10

Omnibus Budget Reconciliation Act, 1987, cité par Werner & Mendelsson, 2001, p.785. Adults with Incapacity Act Scotland, 2000; Mental Capacity Act, 2005. 12 Department for Constitutional Affairs, 2007, cité par Hughes, 2008, p.34 13 Karlsson, Bucht & Sandman, 1998, p. 49. 11

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identified condition. These drugs may be purposively administered to sedate a patient as means of convenience. Convenience is any action not in the patient’s best interests to control or manage behaviour »14. (Trad. réd.: La contention chimique décrit à la fois l'usage délibéré et fortuit de produits pharmaceutiques pour contrôler le comportement et/ou restreindre la liberté de mouvement, sans que cet usage ne soit requis pour traiter une affection médicalement identifiée. Ces médicaments peuvent être administrés par commodité dans le but de calmer un patient. La notion de commodité recouvre toute action visant à contrôler ou gérer le comportement sans que cela ne soit dans le meilleur intérêt du patient.

«Chemical restraints : Psychoactive drugs used for discipline or convenience and not required to treat medical symptoms, such as antipsychotic drugs, hypnotics, tranquilizers and antidepressants.»15. (Trad. réd.: Contention chimique: substances psycho-actives, comme des médicaments anti-psychotiques, des hypnotiques, des tranquillisants et des antidépresseurs, utilisées dans un but de discipline ou de commodité et non requises pour traiter des symptômes médicaux).

De fait, le sujet de la contention chimique est complexe. Cela est d’autant plus vrai que certains médecins pensent qu’elle n’existe pas. En effet, si une médication est donnée pour calmer une personne agitée, elle est en réalité prescrite pour traiter l’angoisse, l’agitation n’étant que l’expression de l’angoisse. Il n’est en outre pas rare, comme cela ressort des extraits de la littérature cités ci-dessus, qu’une médication qui a comme but de calmer le patient (ce qui implique une restriction de sa liberté de mouvement) soit prodiguée sur demande des soignants et par commodité pour ceux-ci. Or, si cette médication présente au final un bénéfice pour les soignants, il n’est pas certain que cette médication soit véritablement dans le meilleur intérêt du patient. Quoi qu’il en soit, dès lors qu’elle limite la liberté du mouvement du résident, la contention chimique constitue bel et bien une mesure de contrainte au sens de la définition retenue par l’OP. III.- CONSEQUENCES DES MESURES DE CONTRAINTE 1.- Pour les résidents On constate que la littérature internationale s’est en particulier penchée sur la contention. A cet égard, il est aujourd’hui clairement établi que l’application de moyens de contention comporte des risques importants en termes d’atteintes à la santé physique, à la santé psychologique, à la sécurité et à la dignité des patients âgés. Malgré ces risques, la contention physique semble rester une pratique répandue dans les hôpitaux et les institutions de long séjour (établissements médicosociaux). Une revue systématique de la littérature internationale16 montre qu’en contexte de long séjour, la prévalence de la contention physique se situerait entre 12 et 47 %, avec une moyenne à 27%. Bien qu’il existe une variabilité importante, cette étude indique par ailleurs que 32% des résidents en institution de long séjour subiraient de la contention au moins 20 jours par mois. Historiquement, les pays européens ont été les premiers à questionner l’usage de la contention physique et à chercher à réduire cette pratique17. Toutefois, la plupart des travaux sur le sujet ont été conduits aux Etats-Unis18. Depuis les années 1970, de nombreuses études quantitatives et

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Mott et al., 2005, cités par Hughes, 2008, p.33 Shugrue & Larocque, 1996, p.32 16 Evans et al., 2002 17 Evans & Strumpf, 1989 ; Williams, 1989 18 Pour une revue historique, voir Castle & Mor, 1998 15

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qualitatives ont mis en évidence les conséquences néfastes de l’utilisation de moyens de contention chez les personnes âgées19. Dans une revue systématique de la littérature, Evans et al.20 identifient deux catégories de dommages physiques causés par la contention physique. La première catégorie relève de l’impact direct de la contention sur le patient : lacérations, contusions, lésions nerveuses, accidents ischémiques, asphyxie, voire mort soudaine par strangulation, etc. La seconde catégorie est liée aux conséquences de l’immobilisation imposée par la contention : réduction de l’habilité fonctionnelle, perte de tonus musculaire et courbatures, perte de l’appétit, stress cardiaque, détérioration musculaire, etc.21. L’impact de cette seconde catégorie de conséquences est plus important chez les personnes âgées que chez les personnes plus jeunes, car elle peut conduire à de longues périodes d’hospitalisation, au développement d’escarres et d’infections, à des chutes, à de l’incontinence et à l’incapacité d’assumer son foyer. De nombreuses études confirment l’ensemble de ces résultats22 . Par ailleurs, il a été démontré que les taux de morbidité et de mortalité sont huit fois plus élevés chez les patients auxquels de la contention est appliquée que chez ceux qui n’ont pas de contention23. A ces dommages physiques, s’ajoutent des conséquences psychologiques24: réactions d’angoisse, de peur, de déni, de démoralisation, d’humiliation, de dépression, d’agitation, et comportements régressifs25. Un accroissement de la confusion et de la détérioration cognitive sont également souvent constatés26. Certains patients se plaignent d’un sentiment de perte de dignité et associent l’expérience de la contention à une atteinte humiliante à leurs droits humains27. Chez d’autres personnes âgées, la contention peut aggraver l’apathie et la dépression, augmentant ainsi les sentiments d’abandon et de fragilité. Une étude observatoire sur les comportements sociaux et la contention chez les résidents d’institution de long séjour a ainsi mis en évidence des différences importantes entre les résidents qui subissaient de la contention et les autres28. Cette même étude relevait que certains résidents cessaient complètement d’avoir des comportements de socialisation après avoir subi des mesures de contention. Certaines études se sont plus particulièrement intéressées aux retombées négatives, physiques et psychologiques, liées à l’utilisation de barrières de lit29. Ces effets néfastes incluent les accidents mortels30, la perte de dignité31, le sentiment d’être en prison32, le sentiment d’être piégé33, les risques de blessures34, ainsi qu’une augmentation des chutes depuis le lit35.

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Bromberg & Vogel, 1996; Huang et al., 2005 ; Mertin, 2002 ; Miles, 1996 ; Miles & Meyers, 1994 ; Mott et al., 2005; Paterson et al., 2003 ; Sullivan-Marx, 1996 ; Werner & Mendelsson, 2000). 20 Evans et al., 2002, cités par Cheung & Yam, 2005 21 Burton et al., 1992 ; Castle et al., 1997 ; Evans & Strumpf, 1989 ; Morse & McHutchion, 1991 ; Werner et al., 1989 22 Bromberg & Vogel, 1996 ; Burton et al., 1992 ; Castle et al., 1997 ; Dube & Mitchell, 1986 ; Evans et al., 1997 ; Evans & Strumpf, 1989 ; Huang et al., 2005 ; MacPherson et al., 1990 ; Mertin, 2002 ; Miles, 1996 ; Miles & Irvine, 1992 ; Miles & Meyers, 1994; Mion et al., 1989 ; Morse & McHutchion, 1991 ; Mott et al., 2005 ; Paterson et al., 2003 ; Robbins et al., 1987 ; Sullivan-Marx, 1996 ; Tinetti et al., 1992 ; Werner et al., 1989 23 Robbins et al., 1987. 24 Evans et al., 2002. 25 Gorski, 1995; Mion et al., 1989; Strumpf & Evans, 1988; Werner et al., 1989. 26 McHutchion & Morse, 1989. 27 Human Rights and Equal Opportunity Commission, 1993. 28 Folmar & Wilson, 1989. 29 Gallinagh et al., 2002. 30 Parker & Miles, 1997 ; Rubin et al., 1993 ; Todd et al., 1997. 31 Gray & Gaskell, 1990 ; Miller, 1989. 32 Donius & Rader, 1994. 33 FDA, 1995 ; Medical Devices Agency (MDA), 1997 ; MDA, 1999 ; MDA, 2000 ; Todd et al., 1997. 34 Gallinagh et al., 2001. 35 Rubenstein et al., 1983.

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Bien que moins étudiée, la contention chimique – et en particulier l’administration de neuroleptiques – présente des risques non négligeables et doit être utilisée avec précaution36. Son usage abusif est associé à de nombreux problèmes cliniques, qui ont une incidence sur le bien-être physique et psychologique des patients âgés : réhabilitation plus lente37, augmentation des risques de chutes et de blessures associées38, augmentation du déclin des capacités cognitives chez les personnes souffrant de démence39. La majorité des recherches démontre ainsi que la contention, plutôt que de protéger les patients âgés, cause des dommages involontaires à leur santé40. Aucune étude n’indique clairement que la contention permettrait de prévenir les chutes et les blessures41. Au contraire, des études statistiques révèlent que les institutions ayant recours à des moyens de contention présentent un taux plus élevé de blessures sévères résultant de chutes42. Il apparaît cependant que les équipes soignantes tendent à considérer la contention comme aidante dans la prévention des chutes43. Si, dans certains cas particulier, il est possible que la contention puisse avoir une action structurante pour le résident âgé, l’utilisation abusive de la contention (c’est-à-dire sans le consentement libre et éclairé du résident et dans un but non clairement thérapeutique) comporte néanmoins des risques importants. 2.- Pour les collaborateurs Comme le soulignent certains auteurs, l’usage de mesures de contention place les équipes soignantes devant un dilemme éthique44 et a un retentissement sur leur vécu45. Plusieurs travaux montrent que l’application de telles mesures s’accompagne souvent chez les soignants de sentiments de frustration, de culpabilité et d’ambivalence46 . IV.- LES ETAPES A RESPECTER SELON L’OP EN MATIERE DE MESURES DE CONTRAINTE Compte tenu de ces graves conséquences, de la définition retenue par l’OP et de sa compréhension des exigences légales, l’OP préconise de toujours respecter les étapes suivantes en matière de mesures de contrainte : 1.- L’information 2.- L’observation 3.- La discussion 4.- Le choix de la mesure de contrainte dans le respect des exigences légales 5.- La décision et l’application de la mesure de contrainte 6.- L’encadrement et la surveillance des mesures de contrainte 7.- Les mesures de compensation. Il y a lieu ci-après de s’arrêter en particulier sur les 6 premières étapes (l’étape 7 sera évoquée en fin du présent document, au chiffre XI, 7.-) : 36

Hughes, 2008. Mott et al., 2005. 38 Krauss et al., 2005. 39 Ballard et al., 2005. 40 Yamamoto & Aso, 2009. 41 Retsas, 1997. 42 Strumpf et al., 1990. 43 MacPherson et al., 1990 ; Strumpf & Evans, 1988; Yarmesch & Sheafor, 1984 44 Scherer et al., 1991 ; Yamamoto, 2000 ; Yamamoto et al., 2006 ; Yamamoto & Usui, 2004 45 Karlsson et al., 2001 46 Hardin et al., 1994 ; Helmuth, 1995 ; Liukkonen & Laitinen, 1994 ; McHutchion & Morse, 1989 ; Strumpf & Evans, 1988. 37

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V.- ETAPE 1 : L’INFORMATION 1.- Généralités L’information est un élément essentiel dans le cadre de la relation entre les collaborateurs de l’EMS et le résident. Cela est d’autant plus vrai en matière de mesures de contrainte. Certaines informations doivent être fournies par l’EMS, d’autres doivent être communiquées à celui-ci. 2.- Informations fournies par l’EMS Légalement, en vertu de l’art. 21 al. 2 LSP, les EMS sont tenus de donner au résident (et à leurs proches), lors de l’accueil, des informations quant aux prestations fournies et quant à leur organisation. Ces informations sont en principe fournies par le biais d’un document venant compléter le contrat d’hébergement type en vigueur dans le canton de Vaud. De l’avis de l’OP, ce document, éventuellement complété par des explications orales, devrait également mentionner ce qu’il en est des mesures pouvant constituer une limitation à la liberté personnelle et résultant de: -

contraintes architecturales, tels que jardin fermé, locaux fermés, porte d’entrée fermée (à clef, par un portail, par un code, etc.) contraintes organisationnelles, tels qu’horaires des repas, horaire d’utilisation des locaux communs, lieux de fumée, tenue vestimentaire dans les locaux communs, etc. contraintes sécuritaires, cf. p. ex. caméra de surveillance (dans couloir ou locaux communs), détection de présence, etc.

Par ailleurs, toujours dans le cadre des informations données par l’EMS, celui-ci devrait indiquer sa politique en ce qui concerne la gestion des mesures de contraintes, soit notamment qui peut prescrire ce type de mesures, comment les proches sont informés de leur entrée en vigueur, quel type de surveillance, comment sont évaluées de telles mesures, etc. Il est vrai qu’une fois ces informations données, reste la difficulté de savoir si les personnes concernées ont bien compris cette information et si la possibilité leur a été donnée de s’exprimer au sujet des mesures de contraintes. A cet égard, l’EMS devrait s’assurer dans la mesure du possible que l’information donnée a bien été comprise et si nécessaire l’expliciter et procéder à une reformulation. 3.- Informations recueillies par l’EMS du résident et/ou ses proches De son côté, pour l’établissement, il est nécessaire qu’il soit informé des mesures limitatives de liberté et des mesures qui étaient en vigueur. L’EMS devra recueillir les renseignements nécessaires des divers partenaires du réseau de soins à travers le Document Médical Social de Transmission (DMST). Si cela est possible, il faudrait recueillir également, à ce stade déjà, la position du résident et des proches sur la gestion du risque et les mesures limitatives de la liberté personnelle. VI.- ETAPE 2 : L’OBSERVATION 1.- Situations où sont prises des mesures portant atteinte à la liberté personnelle

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Dans le cadre des activités générées au sein des EMS, les collaborateurs prodiguent heureusement la grande majeure partie de leurs actes avec le consentement libre et éclairé des résidents, sans porter atteinte à l’intégrité ou à la liberté des résidents. Souvent, des actes de soins très intrusifs en ce qui concerne la sphère privée (toilette complète, aide à l’élimination) sont exécutés avec un accord tacite des résidents. Néanmoins, en raison de sa structure, de son organisation et de ses responsabilités et compte tenu de son activité particulière, l’EMS peut parfois être amené à limiter la liberté des résidents. Cette limitation est encore plus flagrante dans les structures qui accueillent des personnes relevant de la psychiatrie de l’âge avancé, où l’on est confronté de manière importante à des troubles du comportement. Les limitations qui sont apportées sont en lien avec la vie communautaire, la sécurité et plus rarement pour des raisons de dignité. On constate en outre une influence des stratégies de soins calquées sur le mode hospitalier. Dans les hôpitaux, l’accent est en effet souvent porté sur la sécurité et il est courant que les patients dorment avec des barrières de lits montées. Il n’est ainsi pas rare que certains patients très agités soient attachés à leur lit durant la nuit. 2.- L’opposition du résident à la mesure limitative de sa liberté personnelle Les résidents ne réagissent pas de la même manière aux mesures portant atteinte à leur liberté. Souvent, les limitations de liberté instaurées en EMS n’occasionnent pas de réactions négatives ou de résistance de la part des résidents. Par exemple, un établissement fermé ne révolte pas l’ensemble des habitants de l’EMS. Néanmoins, un résident peut s’opposer fortement à cette même mesure. La porte d’entrée fermée de l’EMS peut ainsi susciter sa résistance. Dans ce cas, on doit bien admettre qu’il s’agit pour ce résident d’une mesure de contrainte. Ainsi, il arrive que les équipes de soins observent des résidents qui ne supportent pas ces mesures ou versus qui les acceptent, ou plus précisément qui ne donnent pas de signes d’opposition. Dans le cas d’une non-acceptation, l’équipe optera dans les meilleurs délais pour une autre solution. Dans les situations extrêmes, une hospitalisation pourra être envisagée. En revanche, dans le cas d’une acceptation supposée ou totale, il sera plus difficile pour l’équipe de prendre conscience de l’atteinte à la liberté personnelle que constitue cette mesure et, partant, de renoncer à instaurer une mesure de contrainte. Il s’agit là d’un phénomène dont il faut tenir compte dans ce domaine. La fluctuation et/ou l’atteinte de la capacité de discernement des résidents complexifie encore la problématique et la gestion des actes de soins en lien avec les mesures de contrainte. Le dialogue entre certains résidents et les collaborateurs étant souvent rendu de ce fait impossible, ces derniers doivent dès lors se contenter d’observer la manière dont la personne supporte la mesure, afin de détecter la présence ou l’absence de souffrance, démarche courante dans l’approche «soins palliatifs». 3.- L’objectif des soignants

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Dans la pratique, les soignants doivent avant tout mener une réflexion qualitative et spécifique pour chaque résident. Une réflexion importante doit être menée en ce qui concerne l’objectif, soit l’utilité et le sens de la mise en place de mesures de contrainte. De manière générale, le souci de préserver au maximum l’autonomie du résident est constant. Par la suite, les soignants vont se centrer sur les conséquences des mesures de soins prises, plutôt que sur les mesures de contrainte. En d’autres termes, pour les soignants, la question centrale n’est pas la mesure de contrainte en soi, mais bien la présence ou l’absence de violence dans les soins qui sont prodigués aux résidents. 4.- La sécurité et le risque acceptable La sécurité renvoie le soignant, les collaborateurs et l’institution à la présence d’un danger. Cette dernière est prise en compte afin de préserver l’intégrité du résident, valeur importante pour les collaborateurs des EMS. Parfois, la problématique peut être l’opposition entre «faire le bien» et le désir de libre arbitre du résident, celui d’exercer son autonomie. Nous remarquons souvent que les proches sont aussi concernés par cette préservation de l’intégrité du résident. «Comment se fait-il que vous l’avez laissé se lever et prendre le risque de tomber, avec comme conséquence un hématome sur le visage ?» est une question courante. Au final, le sujet de réflexion est le risque acceptable47. Ensuite, il s’agit de veiller à son intégration dans le projet d’accompagnement, le projet de soins. 5.- La dignité humaine La dignité est aussi une préoccupation constante des collaborateurs. Or, pour veiller au maintien de cette dignité, il est parfois nécessaire, en présence de certains troubles du comportement, d’avoir recours à des mesures de contrainte. C’est par exemple le cas lorsque des personnes font une confusion en ce qui concerne l’utilisation de certains locaux et/ou se dénudent en publique. Il en va de même pour un manque d’hygiène qui porterait atteinte à la dignité. 6.- Le recours à la contention chimique Comme on l’a vu, la problématique de la contention chimique pose la question de l’intérêt du patient et de la présence de symptômes médicaux affectant le patient. Il ne faut pas perdre de vue que la contention chimique peut donner l’illusion qu’il n’y a pas de recours à une mesure de contrainte. Il s’agit de déterminer quelle cause amène à recourir à une telle contention. 7.- Les autres intérêts en présence Il est vrai que le recours à la contention chimique ou à d’autres mesures se justifie parfois pour sauvegarder la santé du résident. Cela ne doit pas amener non plus à négliger l’intérêt des autres résidents, des collaborateurs et de la collectivité en général. En effet, au sein d’un EMS, la vie est communautaire, si bien qu’il y a lieu d’être attentif à cette communauté, ce qui implique de préserver l’intérêt de l’ensemble des résidents. Or, parfois, un résident peut présenter par son comportement, un danger grave pour la santé de la collectivité. Dans ces cas, il est nécessaire, voire indispensable, de limiter l’impact des troubles du comportement de ce 47

En ce qui concerne la problématique du risque, cf. le mémoire de Sandrine JATON, «De l’influence du risque sur la personnalisation du soin. Quelle(s) conséquences (s) pour le soignant ?», Lausanne, Août 2008, qui traite la question de manière particulièrement intéressante et novatrice.

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résident sur l’ensemble de la communauté de l’institution, voire même parfois sur le voisinage de l’EMS, et recourir à diverses mesures, y compris à la prescription de médications limitant la liberté de mouvement du résident. 8.- L’importance de l’observation et du «tableau clinique» Il découle des considérations qui précèdent que l’étape de l’observation de la situation, du comportement du résident, de l’impact de celui-ci (sur le résident lui-même, mais aussi sur les autres résidents et sur les collaborateurs), ainsi que des différents paramètres à prendre en compte, est essentiel. En définitive, on ne saurait recourir à des mesures de contrainte sans avoir procédé au préalable à un «tableau clinique». En d’autres termes, il faut toujours se poser la question: «Quelles circonstances précises nous amènent à penser qu’une mesure de contrainte est nécessaire dans le cas d’espèce ?». Comme le souligne l’ASSM48, il est primordial que l’équipe soignante détermine si le comportement à l’origine du projet d’introduire une mesure de contrainte «n’est pas dû à des causes auxquelles il est possible de remédier (douleurs, effets secondaires de médicaments ou tension interindividuelles, p. ex.». Il faut traiter le mal dans un premier temps et non l’expression du mal. En définitive, la mesure de contrainte ne saurait être prise que conformément aux intérêts objectifs du résident. VII.- ETAPE 3 : LA DISCUSSION 1.- Objet de la discussion Les constats tirés d’une situation doivent systématiquement entraîner une discussion entre tous les acteurs concernés. L’exigence de cette discussion avant la mise en place d’une mesure de contrainte est prévue expressément par l’article 23d LSP alinéa 2, 1ère phrase. Elle résulte en outre de la Convention des Droits de l’Homme et de biomédecine citée ci-dessus. L’idée est de privilégier dans la mesure du possible une mesure «négociée», par opposition à la mesure imposée. En d’autres termes, la mise en place de la mesure ne doit pas être purement unilatérale et être imposée. Elle suppose un échange. La discussion va ainsi bien au-delà de l’information, même si celle-ci est un préalable nécessaire. Dans le cadre de cette discussion, il faut se poser la question du risque, et se déterminer par rapport au risque acceptable, soit la question de l’évaluation du risque, son intégration dans l’accompagnement (cf. le projet de soins). Au terme de la discussion, il faudra déterminer si une mesure de contrainte est vraiment nécessaire et si, oui, choisir celle qui est la plus appropriée, puis procéder à sa mise en place, en tenant compte du contenu de cette discussion. 2.- Les personnes participant à cette discussion Tous les acteurs concernés devraient y participer, soit :

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Cf. point 7.2 des Directives ASSM, 2004, précitées (repris au point 4.2.3 des Directives ASSM, aussi déjà citées, du 24.5.2005).

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a.- Le résident En premier lieu, qu’il ait la capacité de discernement ou non, un représentant ou non, le résident doit toujours être consulté. Cela résulte notamment du respect de l’autonomie et du droit à l’autodétermination. Il convient de s’arrêter ici brièvement sur la notion de capacité de discernement, laquelle est, il convient de le rappeler, présumée. Cette capacité suppose la faculté d’agir raisonnablement. Cela signifie qu’il faut avoir la faculté de comprendre et d’apprécier correctement une situation déterminée et de se former une motivation et une volonté qui ne soient pas totalement à l’écart des valeurs admises par la société. Cela implique l’aptitude à agir conformément à sa volonté. Ainsi, l’incapacité de discernement consiste, au sens de l’article 16 du Code civil, en une absence de la faculté d’agir raisonnablement, en raison d’une maladie mentale, de faiblesse d’esprit ou «d’autres causes semblables». Il faut souligner que la capacité de discernement est une notion relative, en ce sens que les conditions de cette capacité s’apprécient par rapport à un acte donné et en fonction de la situation concrète dans laquelle se trouve l’intéressé. Cet acte doit être pris en compte pour mesurer le degré des exigences posées au niveau des aptitudes intellectuelles et volitives de l’individu quant aux actes de même nature et importance49. Cela étant précisé et pour en revenir à la discussion, le résident doit clairement être reconnu comme un partenaire, de sorte qu’il doit être pleinement intégré à la discussion dans la mesure de ses possibilités. Ainsi, même s’il s’agit d’un résident souffrant de démence, il faudra essayer de lui parler, chercher dans la mesure du possible, à connaître sa position par rapport à une situation donnée, s’inquiéter de son éventuelle résistance (laquelle peut prendre diverses formes). 2.- Les soignants et autres collaborateurs La discussion que le résident aura avec les collaborateurs de l’établissement ne doit pas se limiter à une discussion avec l’infirmier responsable ou le médecin de l’établissement. Elle doit être pluridisciplinaire et intégrer l’ensemble des soignants et autres collaborateurs de l’établissement en lien avec le résident. 3.- Le représentant légal et le représentant thérapeutique Le représentant du résident, que ce soit son tuteur, son curateur ou son représentant thérapeutique doivent, dans la mesure du possible (cf. cas d’urgence), participer à cette discussion. Le représentant devra bénéficier également d’une information complète, afin qu’il puisse poser des questions, réagir, voire saisir la Commission des plaintes en cas de désaccord. Il convient de préciser que le nouveau droit de la protection de l’adulte contient une disposition particulière en matière de représentation à l’art. 378 nCC, qui prévoit un système «en cascade»50.

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ème

cf. A. BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4 éd., Bâle 1999, n° 86. Selon l’art. 378 nCC peuvent représenter la personne incapable de discernement et à consentir ou non aux soins médicaux que le médecin envisage de lui administrer ambulatoirement ou en milieu institutionnel, dans l’ordre: le représentant thérapeutique désigné dans une directive anticipée; le curateur; le conjoint ou partenaire enregistré qui fait ménage commun ou fournit une assistance personnelle régulière; la personne qui fait ménage commun et qui fournit une assistance régulière; les descendants, les pères et mères, les frères et sœurs, qui fournissent une assistante personnelle régulière. Al. 2 : «En cas de pluralité des représentants, le médecin peut, de bonne foi, présumer que chacun d’eux agit avec le consentement des autres ». Al. 3 : «En l’absence de directives anticipées donnant des instructions, le représentant décide conformément à la volonté présumée et aux intérêts de la personne incapable de discernement». 50

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Malgré tout, l’OP est d’avis que, même en présence de représentants, la discussion doit toujours avoir lieu avec le résident. Il faut toujours observer et prendre en compte sa réaction dans le processus. 4.- La famille et autres proches Même si la famille ou les proches n’ont actuellement51 pas en soi de pouvoirs légaux de représentation, il faudra essayer de les intégrer à la discussion. Il s’agit de leur permettre de poser des questions, d’apporter si nécessaire de précieux renseignements sur le résident ou d’obtenir des explications, que ce soit sur les observations opérées, les mesures envisagées ou leur application. VIII.- ETAPE 4 : LE CHOIX DE LA MESURE DE CONTRAINTE DANS LE RESPECT DES EXIGENCES LEGALES Le choix de la mesure de contrainte, qui est intimement lié aux éléments apportés par l’observation (cf. ci-dessus), doit se faire dans le respect des exigences légales. 1.- Une mesure exceptionnelle Il ne faut jamais perdre de vue que la mesure de contrainte est une mesure exceptionnelle. Cela résulte du simple fait que la liberté personnelle est un droit fondamental, de sorte que son atteinte ne peut qu’être exceptionnelle. Cela étant, en ce qui concerne cette notion, l’OP la comprend non pas comme étant une mesure exceptionnelle au sein de l’établissement où se trouve résident, mais bien par rapport à l’individu concerné (cf. ci-après). Il faut ensuite s’assurer que les conditions cumulatives exigées par l’article 23d alinéa 2 LSP (qui sont en réalité l’expression de l’application du principe de la proportionnalité), sont bien réunies dans le cas d’espèce. Il s’agit des conditions suivantes : 2.- Existence d’un danger grave pour le résident ou des tiers Le comportement du résident doit présenter un danger grave. Ce danger ne peut concerner que la sécurité ou la santé du résident lui-même ou celles d’autres personnes. En aucun cas, d’autres motifs, relevant par exemple de considérations financières, d’ordre pratique ou organisationnel, ne sauraient entrer en ligne de compte. Ce danger et sa gravité ont pu être constatés dans le cadre de la phase de l’observation (cf. cidessus). Idéalement, soit en-dehors de situations d’urgence, ils ont pu être abordés dans le cadre de la phase de discussion (cf. ci-dessus). 3.- Nécessité absolue de cette mesure La mesure de contrainte doit être strictement nécessaire à la prise en charge du résident. Il s’agit là de la concrétisation du respect du principe de l’aptitude (composante du principe de la proportionnalité exigée par l’article 36 Cst), selon lequel la mesure en question doit être apte à

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En réalité, aujourd’hui, la portée de l’avis des proches est différent selon les cantons concernés : dans certains cantons (p.ex. Neuchâtel), le proche peut donner son consentement à la place du patient qui est incapable de discernement ; dans d’autres (p. ex. Vaud), l’avis du proche doit être pris, mais sans que celui-ci s’impose; dans d’autres encore, il n’y a pas d’obligation de prendre l’avis des proches. Cf. à l’avenir, le nouveau système prévu par l’art. 378 nCC précité.

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atteindre le but visé. Cela signifie qu’une mesure qui ne permettrait pas d’écarter le danger grave identifié n’est pas admissible et illicite. Il convient de rappeler ici que le respect du principe de la proportionnalité au sens étroit suppose une pesée de l’ensemble des intérêts en présence. 4.- Absence de mesure moins restrictive D’autres mesures moins restrictives doivent avoir été recherchées. Ce n’est que si ces autres mesures moins incisives, soit portant moins atteinte à la liberté personnelle du résident, n’existent pas ou si elles ont déjà échouées, que la mesure de contrainte envisagée, par hypothèse plus incisive, est admissible. Cette condition résulte de l’exigence constitutionnelle résultant du principe de la proportionnalité et qui implique de respecter le principe de la nécessité, selon lequel la mesure doit être la seule à même d’atteindre le but cherché : parmi toutes les mesures envisageables pour atteindre l’objectif recherché, elle doit être celle qui porte le moins atteinte à la liberté personnelle du résident. 5.- Mesure de durée limitée Il résulte du caractère exceptionnel de la mesure de contrainte et des principes rappelés ci-dessus que la durée de la mesure doit être limitée strictement à ce qui est nécessaire. Le respect de cette condition suppose des conditions d’encadrement et de surveillance de la mesure qui seront examinées ci-dessous. 6.- Processus itératif Il est essentiel de rappeler que ce processus de mise en place d’une mesure de contrainte est un processus itératif. Cela signifie que chaque fois que le constat de départ change, il faut refaire tout le processus : discussion, examen des diverses mesures envisageables, recherche de la mesure la moins incisive, etc. IX.- ETAPE 5 : LA DECISION ET L’APPLICATION DE LA MESURE DE CONTRAINTE Comme on l’a vu, l’article 23d LSP-VD pose le principe de l’interdiction de toute mesure de contrainte. Il précise que la mesure de contrainte doit être exceptionnelle et qu’elle suppose la réunion d’une série de conditions posées par la loi (cf. ci-dessus), en particulier le respect du principe de la proportionnalité et l’exigence d’une discussion préalable avec le patient, son représentant thérapeutique, son représentant légal ou ses proches. En outre, il ressort de l’article 23d LSP-VD que la mesure ne peut être ordonnée que par le «médecin responsable de l’établissement sanitaire», étant précisé que l’alinéa 3 permet audit médecin de déléguer cette prérogative à un «autre professionnel de la santé compétent». Selon l’OP, cet autre professionnel de la santé doit avoir une certaine expertise dans le domaine de la gérontologie. X.- ETAPE 6 : ENCADREMENT ET SURVEILLANCE DES MESURES DE CONTRAINTE 1.- Encadrement et surveillance de la mesure en vertu de l’article 23e LSP-VD

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L’article 23e LSP-VD prévoit les modalités pour la surveillance des mesures de contrainte et la protection du résident. Cette disposition implique en particulier: -

une surveillance renforcée du résident durant la période où la mesure de contrainte est appliquée; l’établissement d’un protocole détaillé; des voies de droit permettant de s’opposer à la mesure de contrainte ou sa levée52.

Des protocole individuels doivent ainsi être tenus et apporter certaines précisions: but de la mesure; mention de chaque type de mesure utilisée; le nom de la personne responsable, le résultat des évaluations. 2.- La surveillance et la comptabilisation des mesures de contrainte par la CIVEMS Afin de s’assurer que les exigences légales sont bien respectées (notamment en lien avec l’autorisation d’exploiter), l’Etat de Vaud a mis sur pied une Coordination Interservice des Visites en Etablissements Médico-Sociaux (CIVEMS)53. La CIVEMS assure une surveillance des EMS par le biais d’inspections ciblées sur les plans de la dignité et de la sécurité des résidents. La loi d’aide aux personnes recourant à l’action médico-sociale (LAPRAMS) et la Loi sur la santé publique (LSP) en précisent la portée et les conditions. Dans le cadre de ses inspections, la CIVEMS vérifie en particulier que les mesures de contrainte sont exceptionnelles (critère 2.4 de la grille d’évaluation) et que le protocole des mesures de contrainte est appliqué de manière conforme dans le formulaire individuel (critère 4.3). Afin d’évaluer le caractère exceptionnel des mesures de contrainte (critère 2.4), la CIVEMS examine54 : -

le nombre de résidents ayant des mesures de contrainte : «Pour être exceptionnelles, les mesures de contrainte ne devraient pas dépasser le quart des situations. Si plus de la moitié des résidents ont une ou plusieurs mesures de contrainte, elles ne le sont plus.»

-

la qualité de la réflexion dans ce domaine : «La connaissance du fondement de la loi, soit ‘par principe, toute mesure de contrainte à l’égard des patients est interdite’, par l’ensemble du personnel, la qualité de la réflexion sur ces questions et le refus de la banalisation sont également des éléments importants pour l’évaluation du critère. La gravité des mesures de contrainte sur un seul résident et/ou l’appréciation globale de la concrétisation des principes légaux sont également des éléments pouvant entraîner une évaluation négative.»

-

le confort du résident : «L’installation du matériel et son état seront examinés afin de vérifier que malgré l’utilisation de mesures de contrainte, le résident est installé confortablement et sans danger.»

De plus, les formulaires utilisés par la CIVEMS contiennent des exigences qui ne sont pas expressément mentionnées par l’article 23e LSP quant au contenu du protocole, mais qui tendent à 52

Le résident, son représentant ou ses proches ou un accompagnant peuvent s’adresser à la Commission d’examen des plaintes (cf. art. 23e al. 2 et 3 LSP-VD). 53 Cf. www.vd.ch/fr/themes/sante-social/ems/quels-controles-fait-letat/les-controles-de-qualite/ 54 CIVEMS (2009), Explicatif des inspections ciblées en établissement médico-social et division C d’hôpital, Département de la santé et de l’action sociale, Etat de Vaud, p.10.

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s’assurer du respect de la loi. Ces formulaires doivent ainsi contenir également les descriptions des autres mesures moins restrictives qui ont échoué ou encore les horaires de l’application de la mesure. Plus précisément, la CIVEMS consulte dans le dossier du résident, le formulaire individuel en accordant une attention particulière à55: -

la démarche en amont précisant les alternatives tentées pour éviter l’utilisation de mesures de contrainte (par exemple : tapis d’alarme, lit près du sol, etc.); le motif de la mesure et les modalités d’utilisation (circonstances, durée); l’ordre médical signé pour une durée limitée; les mesures compensatoires mises en place pour pallier la privation de la liberté du résident (présence renforcée ou par exemple faire marcher régulièrement un résident attaché); les évaluations en équipe avec un contenu personnalisé, à une fréquence adaptée à la situation de chaque résident.

3.- Position de l’OP par rapport aux critères retenus par la CIVEMS et sa surveillance L’examen des critères retenus par la CIVEMS pose un certain nombre de questions en regard de la définition large de la mesure de contrainte proposée par l’OP, du focus mis sur la perception individuelle de chaque résident et de la démarche de mise en place et de suivi recommandés. Ainsi, l’évaluation de l’exceptionnalité des mesures de contrainte par le biais d’une comptabilisation du nombre de résidents ayant de telles mesures dans l’établissement pose un certain nombre de problèmes dès lors que l’on place le résident et sa perception au centre de la réflexion. Le caractère exceptionnel de la mesure devrait en effet concerner le résident lui-même, et non être évalué pour l’ensemble de l’établissement. Le système actuel de quotas présente l’avantage d’éviter une banalisation de l’usage de la contention au sein des EMS et d’inciter à une réflexion sur la nécessité de ces mesures, mais les seuils fixés pour l’atteinte du critère d’évaluation (respectivement 25% et 50% des situations) ne permettent pas de vérifier l’exceptionnalité de la mesure en regard de la situation spécifique de chaque résident. Ainsi, une mesure de contention appliquée 3 à 4 fois par année dans des conditions très spécifiques est actuellement comptabilisée de la même manière qu’une mesure appliquée quotidiennement et pendant plusieurs heures. Par ailleurs, la démarche ayant conduit à l’établissement de ces quotas n’étant pas explicitée, ceux-ci peuvent sembler arbitraires. L’OP est conscient que pour procéder à des évaluations à large échelle et objectiver l’évolution de l’usage des mesures de contrainte dans les EMS du canton de Vaud, une comptabilisation de ces mesures peut paraître nécessaire. Toutefois, afin d’affiner l’évaluation de l’exceptionnalité des mesures de contrainte et de mieux prendre en compte la singularité de la situation de chaque résident, l’OP préconise, s’il doit y avoir une comptabilisation, l’introduction d’un système de pondération. Cette pondération de la comptabilisation des mesures de contrainte devrait tenir compte à la fois de l’exceptionnalité de la mesure en regard de la situation du résident lui-même (et non de l’ensemble de l’établissement) et de la mission de l’établissement. Par ailleurs, pour être en adéquation avec les exigences légales, la surveillance ne devrait pas seulement porter uniquement sur les mesures de contention physique, mais s’appliquer également à

55

Ibid, p. 13.

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la contention chimique et aux mesures de contrainte de manière générale (c’est-à-dire à toutes les mesures portant atteinte à la liberté personnelle du résident et auxquelles celui-ci n’a pas consenti). XI.- PROPOSITIONS DE L’OP 1.- Constats tirés par l’OP de ce qui précède Compte tenu de la définition de la mesure de contrainte qui s’impose selon l’OP, les dispositions de la LSP ne paraissent pas entièrement adaptées, en tout cas pour la problématique concernant les résidents en EMS. Même si le législateur n’a pas défini la mesure de contrainte, il résulte, comme on l’a vu, de la lecture de cette disposition qu’il n’a finalement envisagé que deux extrêmes : d’une part, l’absence de toute mesure, et d’autre part, une mesure grave incisive, pour éviter un danger grave (visant en substance la contention). Or, il apparaît sur le terrain que de nombreuses mesures sont prises envers les résidents qui portent en réalité atteinte, certes parfois de manière moins grave, à leur liberté personnelle, mais qui ne sont pas considérées dans la pratique comme tombant dans le champ d’application de cette disposition. Cela peut avoir des conséquences importantes. En effet, actuellement, même si l’établissement respecte la LSP et l’application que l’Etat fait de cette loi (cf. rapport CIVEMS), il peut être exposé à se voir reprocher une violation de la liberté personnelle ou de la personnalité du résident. Il n’est en effet pas exclu qu’un résident ou son représentant se plaigne d’une atteinte à sa liberté personnelle ou à sa personnalité résultant par exemple de la contention médicamenteuse, de la mise en place d’un tapis d’alarme au pied de son lit ou du port de mitaines. Par ailleurs, sous l’angle éthique et du respect des droits fondamentaux des résidents, on ne peut, comme le fait la CIVEMS, écarter du champ d’application de la LSP toute une série de mesures, qui sont à l’évidence des atteintes à la liberté personnelle du résident et qui devraient être également soumis à une certaine surveillance. En réalité, l’OP se demande si l’expression «mesure de contrainte» est encore adéquate. Aujourd’hui, elle suscite tant de confusion et est tellement assimilée à la mesure de contention qu’il serait peutêtre opportun, pour désigner ces mesures, de recourir à une autre terminologie, par exemple les mesures portant atteinte à la liberté personnelle. 2.- Rappel de l’obligation générale du respect de la liberté personnelle et de l’interdiction de la mesure de contrainte En conséquence, l’OP rappelle tout d’abord que les professionnels de la santé, ainsi que les établissements sanitaires et médico-sociaux et leurs collaborateurs ont l’obligation générale de respecter et de préserver la liberté personnelle et les droits fondamentaux des patients et des résidents. Toute mesure qui n’a pas été consentie par le patient ou le résident et portant atteinte à sa liberté personnelle est interdite. 3.- Les différents types de mesures Cela étant, afin de tenir compte de la différence du caractère incisif sur le résident concerné de la mesure limitant la liberté personnelle, l’OP propose de distinguer d’une part, les différents types de

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mesures, et d’autre part, selon que le résident exprime, directement ou indirectement, un refus de la mesure. Il s’agit là d’un moyen de remettre le résident et sa perception au centre de la problématique. En ce qui concerne les différentes mesures, l’OP considère qu’il y a lieu de distinguer entre : a) Les mesures d’ordre général, concernant l’ensemble des résidents de l’établissement et prévues par contrat (ex : contraintes architecturales; horaires de l’établissement; chambres à deux lits) : Il s’agit des mesures nécessaires à la vie en communauté, ne dépendant pas du cas particulier et ayant vocation de s’appliquer de manière continue. b) Les mesures de contention Il s’agit là de toutes les mesures limitant la liberté de mouvement, y compris la contention chimique. c) Les mesures moyennement restrictives et plus spécifiques (ex : tapis alarme) Il s’agit en substance de toutes les autres mesures portant atteinte à la liberté personnelle, qui n’entrent pas dans le champ de la définition de la mesure définie sous lettre a) et qui ne sont pas de la contention. Ce sont souvent des mesures qui ne sont appliquées qu’à un résident. 4.- Gradation de l’encadrement et de la surveillance de la mesure - Protocoles Compte tenu de leur différence, il y a lieu de prévoir une gradation de l’encadrement exigé selon la mesure en cause et l’opposition du résident. Puis, selon la mesure concernée et l’opposition exprimée, il convient de prévoir un système de surveillance différencié (contenu et fréquence) . L’OP propose également une gradation dans le contenu des protocoles, de manière à ne pas alourdir inutilement la charge de travail administratif des collaborateurs. Ainsi, une solution adéquate pour remettre le résident au centre de la problématique serait de prévoir de manière générale un protocole ou un ancrage écrit pour toutes les atteintes à la personnalité et à la liberté personnelle, avec toutefois des protocoles et/ou des mesures différenciées selon l’atteinte en cause, le consentement du résident, ainsi que son opposition exprimée. Pour les premiers types de mesures, elles devraient pouvoir être prises par les établissements sanitaires et médicaux-sociaux pour autant qu’elles soient prévues dans leurs règlements et qu’elles ne portent pas atteinte de manière trop incisive à la liberté personnelle. Pour les deuxièmes, un protocole et une surveillance reprenant en substance les exigences des actuels art. 23d et d LSP devraient être prévus. Et pour les troisièmes, un protocole et une surveillance devraient exister, mais être plus «légers» que ceux prévus pour les mesures de contention. Les cinq tableaux ci-annexés concrétisent les propositions qui précèdent et résument la position de l’OP (cf. tableaux annexés). En ce qui concerne le signataire de la décision ordonnant la mesure de contrainte, l’OP préconise la solution suivante :

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-

-

s’il s’agit d’une contention chimique, la signature du médecin responsable de l’établissement est indispensable; ce dernier peut toutefois déléguer à un autre médecin (p. ex. médecin traitant). dans les autres cas, cette prérogative devrait pouvoir être déléguée, outre à un autre médecin, également à un autre professionnel de la santé apte à prendre une telle décision et au bénéfice d’une certaine expertise (ce qui suppose une certaine spécialisation en gérontologie).

Pour les situations qui ne sont pas de la contention, et où il n’y a pas d’opposition du résident, le recours à une personne de référence devrait suffire. 5.- Traçabilité Conformément à la démarche de mise en place et de suivi des mesures de contrainte décrite dans le présent document, l’OP préconise que chaque étape de ce processus (Information, Observation, Discussion, Choix de la mesure de contrainte, Décision et Evaluation continue) soit documentée dans le dossier du résident. 6.- Eventuelle comptabilisation Comme on l’a dit, la comptabilisation des mesures de contrainte devrait intégrer une approche qualitative centrée sur l’accompagnement du résident. Le système actuel de quotas pose en effet un certain nombre de problèmes dès lors que l’on place le résident au centre de la réflexion et de l’évaluation. Pour répondre à cette limite, l’OP propose, s’il doit y avoir une comptabilisation: 1. d’introduire une pondération dans la comptabilisation des mesures de contrainte, cette pondération portant sur le caractère exceptionnel de la mesure en regard de la situation du résident (et non de l’établissement); 2. de tenir compte de la mission de l’établissement (gériatrique, psychogériatrique, ou psychogériatrique compatible) dans la comptabilisation des mesures de contrainte au niveau de l’institution; 3. d’expliciter la démarche permettant d’argumenter la pertinence des seuils fixés, de manière à éviter que ces quotas n’apparaissent comme arbitraires. Par ailleurs, l’OP souligne que, pour correspondre aux exigences de l’article 23e LSP, la surveillance ne devrait pas porter uniquement sur les mesures de contention physique, mais aussi sur les mesures de contention chimique et les mesures de contrainte de manière générale. Ces mesures étant déjà répertoriées par le biais d’outils comme PLAISIR, leur comptabilisation et leur suivi semblent réalisables sans trop de difficulté. 7.- Les mesures de compensation Dans une étape 7 du processus proposé par l’OP, celui-ci préconise de rechercher des mesures compensatoires adéquates et adaptées. La mesure de contrainte mise en place doit ainsi, dans la mesure du possible, être compensée par une animation personnalisée (p.ex. lecture par un animateur, promenade particulière, etc.)

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prodiguée au résident dont la liberté individuelle a été restreinte. De telles mesures compensatoires, bien réfléchies et adaptées à la situation individuelle du résident, s’avèrent souvent efficaces. XII.- RESSOURCES 1.- Gestion administrative et outils à disposition Lorsque, en dernier recours, une mesure de contrainte doit être mise en place, on ne saurait faire l’économie d’une gestion administrative performante, permettant de mettre en lumière et de «tracer» l’ensemble des réflexions et décisions pluridisciplinaire prises, et de s’assurer du respect des exigences légales et de la nécessité de tenir toujours compte des intérêts objectifs du résident et de sa situation individuelle. Cette gestion administrative doit se faire au moyen d’outils adéquats. Elle se fait soit sous format papier depuis plusieurs décennies (cf. p. ex. Kardex pour identifier le dossier du résident), soit, plus récemment, de manière informatisée (on parle aujourd’hui par exemple de Dossier Informatisé du Résident pour SADIES-DIR56; de Système d'Information pour les Etablissements Médicalisés ou de Soins chez Siems57; de dossier de soins infirmiers pour le DSI- GammadiA58 ou encore de dossier de l’usager pour VitaDoc chez Novateam59 pour ne citer que les plus connus sur le plan romand60). Dans la pratique, ces outils sont précieux dans la gestion du temps, dans leur qualité de soutien pour gérer de manière efficace la mesure en cause, ainsi que les fréquences d’évaluation de celle-ci et sa durée. La plupart des supports informatisés permettent ainsi la mise à disposition très rapide d’une série d’informations, pour certaines incontournables, mais surtout, de toute une batterie de rappels et autres indicateurs particulièrement utiles dans le cadre d’une analyse professionnelle de la situation et dans l’examen du maintien de la mesure. A cet égard, on signalera l’existence du logiciel GESCO, développé récemment par l’association ARPEGE. Cet instrument permet d’avoir une vision globale de la situation du résident. Il oblige l’équipe à se poser les questions adéquates à chaque étape ou encore d’envoyer des mails lors de validation et d’évaluation à exécuter. 2.- Formation, sensibilisation et accompagnement des soignants et autres collaborateurs Afin d’améliorer et d’arriver à une application adéquate des mesures de contrainte, il faut, outre un cadre légal satisfaisant, une pratique cohérente et une surveillance efficace, prévoir aussi des formations spécifiques des soignants et autres collaborateurs dans ce domaine. Plusieurs formations traitent spécifiquement de la question des droits des patients et abordent les notions de mesures de contrainte et de contention, en particulier : -

Le Centre de formation de l’Avdems (Association vaudoise d’établissements médico-sociaux) offre un cours «Droits du patient et du résident» (cours 106). Infos sur www.avdems.ch

-

ARPEGE (Association pour la Recherche et la Promotion en Etablissements Gérontopsychiatriques) propose dans le cadre de son cours FAP (Formation d’Accompagnateur en Psychaitrie de l’Age avancé) un cours sur les « Spécificités des droits des patients en psychiatrie de l’âge avancé, devoirs des soignants » (cours FAP 4). Infos sur www.arpege.vd.ch

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Cf. www.sadies.ch Cf. www.tecost.ch/siems 58 Cf. www.gammadia.ch 59 Cf. www.novateam.com 60 Cf. aussi www.qualisoin.fr; www.polymedis.com; www.bellerive.ch/content/view/100/94 57

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-

L’association Alter Ego (Association suisse pour la prévention de la maltraitance envers les personnes âgées) offre la possibilité de centrer son cours «Sensibilisation à la problématique de la maltraitance envers les personnes âgées » sur la thématique des mesures de contention et de contrainte. Infos sur www.alter-ego.ch

D’autres formations touchent plus généralement à la promotion du bien-être et de la qualité de vie des personnes âgées. Même si elles ne sont pas focalisées sur les mesures de contention et de contrainte, elles offrent une réflexion et des outils permettant d’agir en amont sur les conditions influant sur leur usage. Ces formations sont notamment proposées par : -

le Centre de formation de l’Avdems (www.avdems.ch)

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l’association Alter Ego (www.alter-ego.ch)

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l’association ARPEGE (www.arpege.vd.ch)

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l’Espace Compétences (www.espace-compétences.ch)

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la Croix-Rouge (www.croixrougevaudoise.ch)

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la HES-SO (DAS en santé des populations vieillissantes, DAS en santé communautaire, CAS Liaison et orientation, CAS santé au travail, CAS Soins palliatifs et Personnes âgées, CAS Psychiatrie de la personne âgée, etc.). Catalogue des formations continues sur www.hes-so.ch

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l’Institut Universitaire Ages et Générations - INAG (www.cours-inag.ch)

Une sensibilisation sur la question des mesures de contraintes et de contention devrait en outre être systématiquement effectuée. Des groupes de discussion s’adressant aux collaborateurs et/ou aux résidents et aux proches pourraient également être mis en place dans les établissements, afin de promouvoir le dialogue et la collaboration dans ce domaine. De manière générale, une sensibilisation du public à la problématique des mesures de contrainte et de la gestion du risque serait indiquée. Il s’agit d’attirer l’attention du public non seulement sur les risques auxquels on cherche à répondre par le biais des mesures de contrainte (ex : risque de chute), mais également sur les risques pour le résident de la mesure de contrainte elle-même (ex : blessures physiques, atteintes psychologiques). De même, des coachings et des supervisions des collaborateurs devraient être prévus dans les situations complexes. Une liste de superviseurs reconnus est disponible sur le site Internet de l’Association Romande des Superviseurs – ARS (www.superviseurs.ch). Ces supervisions pourraient être centrées sur les questions de contention et de mesures de contrainte ou plus généralement sur l’amélioration du bien-être et de la qualité de vie du résident. Actuellement, le Service de la Santé Publique de l’Etat de Vaud soutient financièrement des interventions centrées sur la résolution de situations problématiques liées à la contention (Association Uniger-Interventions/Alter Ego). Ces interventions de type systémique sont réalisées en interdisciplinarité et visent à trouver des solutions alternatives à la contention. Descriptif sous www.uniger.ch La mobilisation de ces différentes ressources constitue un moyen efficace de lutter contre la banalisation de l’usage de mesures de contention et de contrainte. Ces ressources fournissent par ailleurs aux collaborateurs et aux établissements médico-sociaux des outils pour prévenir plus largement les dérapages, en améliorant la qualité de l’accompagnement des résidents et le quotidien des collaborateurs. 3.- Intégration d’un «tiers» de la société civile

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L’usage de mesures de contention et de contrainte étant souvent lié à de multiples enjeux (financiers, organisationnels, etc.) au sein des établissements médico-sociaux, on peut se demander si l’intégration d’un tiers «neutre» (appartenant à la société civile) dans la réflexion sur l’utilisation de telles mesures ne serait pas indiquée, en particulier lorsque le résident concerné ne dispose pas de sa capacité de discernement. Ces «accompagnants» pourraient être issus d’associations défendant les intérêts des personnes âgées, telles qu’Alter Ego (Association pour la prévention de la maltraitance envers les personnes âgées, www.alter-ego.ch), Résid’ems (Association pour le bien-être des résidents en établissement médico-social ; www.residems.ch), ou l’AVIVO (Association des Vieillards, Invalides, Veuves et Orphelins, www.avivo-suisse.ch). XIII.- CONCLUSIONS En résumé et en conclusion, l’Ordre professionnel de l’AVDEMS constate, recommande et propose ce qui suit : 1.-

La loi vaudoise sur la santé publique (LSP) interdit les mesures de contrainte. L’OP constate toutefois que cette loi ne définit pas la mesure de contrainte. Compte tenu de sa lecture du cadre légal et de son objectif de privilégier une approche centrée sur la perception du résident, l’OP recommande de retenir une définition large de la mesure de contrainte, à savoir : «Constitue une mesure de contrainte toute mesure portant atteinte à la liberté personnelle du résident et à laquelle celui-ci n’a pas consenti».

2.-

En regard de la définition large de la mesure de contrainte préconisée, l’OP recommande que la contention chimique (recours à des substances psycho-actives utilisées dans un but de discipline ou de commodité, non requises pour traiter des symptômes médicaux), qui est également une mesure de contrainte, soit prise en compte et traitée comme telle.

3.-

L’OP recommande de toujours tenir compte, en matière de mesures de contrainte, de l’opposition du résident, qu’elle soit exprimée verbalement ou non verbalement. Il s’agit d’accorder de la place à la dimension subjective dans ce domaine. Selon l’OP, le seul accord du représentant légal (tuteur, curateur) ne suffit pas pour l’application d’une mesure de contrainte. De plus, l'OP recommande de ne pas se contenter non plus de l’accord du représentant thérapeutique, en particulier lorsque le résident manifeste une opposition. Même en cas d’accord desdits représentants, il y aura donc lieu de respecter les étapes du processus décrit ci-dessous, processus lié à la mise en place et l’encadrement de la mesure de contrainte, en intégrant et en respectant la position du résident.

4.-

Si les circonstances justifient la prise d’urgence d’une mesure de contrainte, il convient de veiller ensuite à ce que l’ensemble des exigences légales et du processus recommandé (cf. points suivants) soit respectés.

5.-

L’OP recommande qu’une information (Etape 1. du processus) complète sur les mesures de contrainte soit donnée au résident et à ses proches. Cette information devrait intervenir dès l’accueil du résident dans l’établissement, la politique de celui-ci à cet égard devrait être clairement exposée. Il faudrait aussi vérifier que cette information a bien été comprise.

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De son côté, l’EMS devrait recueillir du résident et de ses proches les informations nécessaires concernant leur position sur les mesures de contrainte, ainsi que sur les mesures appliquées jusqu’ici. En ce qui concerne ces dernières, l’EMS recueillera les renseignements nécessaires des divers partenaires du réseau de soins à travers le DMST. 6.-

L’OP rappelle qu’on ne saurait recourir à des mesures de contrainte sans s’être interrogé au préalable sur les causes du comportement du résident qui amène l’équipe à envisager l’instauration d’une mesure de contrainte et sur les moyens d’agir sur ces causes sans porter atteinte à la liberté personnelle du résident. Il s’agit de l’étape de l’observation (Etape 2.).

7.-

L’OP recommande que la mise en place de toute mesure de contrainte soit précédée d’une discussion (Etape 3.) avec le résident, y compris avec le résident privé de la capacité de discernement. Cette discussion intégrera, dans la mesure du possible, les autres acteurs concernés (familles et autres proches, médecin, autres soignants et collaborateurs, représentant légal et représentant thérapeutique), bien entendu toujours dans le respect du secret professionnel et médical.

8.-

L’OP recommande que la question du risque acceptable soit systématiquement abordée dans le cadre de la discussion recommandée au point précédent. Le résident doit être considéré comme un véritable partenaire dans le cadre de cette problématique.

9.-

Les conditions légales pour instaurer une mesure de contrainte (Etape 4. Choix de la mesure de contrainte) doivent toujours être réunies, en particulier l’exigence du respect du principe de la proportionnalité. Ce principe impose notamment que d’autres mesures moins restrictives doivent avoir été recherchées préalablement. Ce n’est que si ces mesures plus légères n’existent pas ou si elles ont déjà échouées, que la mesure de contrainte peut être envisagée. Les considérations financières, pratiques ou organisationnelles ne sauraient justifier la mise en place de mesures de contrainte.

10.-

Selon la lecture que fait l’OP du cadre légal, le caractère exceptionnel de la mesure de contrainte s’applique au résident lui-même et non à l’ensemble de l’établissement. Il devrait donc être évalué en regard de la situation de chaque résident.

11.-

En ce qui concerne le responsable ordonnant la mesure de contrainte (Etape 5. Décision) et hormis les cas de contention chimique (cf. ci-dessous), le médecin responsable de l’établissement peut déléguer cette prérogative à un autre professionnel de la santé, pour autant, selon l’OP, que celui-ci ait des compétences spécifiques reconnues en matière de gérontologie. Pour les mesures de contrainte ne suscitant pas d’opposition de la part du résident incapable de discernement et qui ne sont pas des mesures de contention (ex : tapis d’alarme), l’OP considère que la décision d’ordonner la mesure peut incomber à un infirmier, sans délégation nécessaire de la part du médecin. Pour la mise en place d’une contention chimique, la signature du médecin est indispensable.

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12.-

L’OP recommande de tenir compte du fait qu’il y a différents types de mesures de contrainte, plus ou moins restrictives, chaque type de mesure appelant une application, un encadrement et une surveillance différenciés.

13.-

Dès lors, l’OP recommande qu’il y ait une gradation dans l’encadrement et la surveillance (Etape 6.) des mesures de contrainte en fonction de leur type. Cela entraîne une gradation dans les exigences liées au protocole. L’OP préconise ainsi l’application du système résumé dans les 5 tableaux ci-annexés.

14.-

L’OP recommande que, s’il doit y avoir une comptabilisation des mesures de contrainte, elle doit tenir compte de l’exceptionnalité de la mesure en regard du résident lui-même, ainsi que de la mission de l’établissement. Il s’agit en effet de privilégier une approche qualitative, plutôt que quantitative.

15.-

L’OP recommande de prévoir et d’appliquer des mesures de compensation adaptées (étape 7.), en particulier lorsqu’une mesure de contention est maintenue malgré l’opposition du résident.

16.-

L’OP préconise que chaque étape du processus (1. Information; 2. Observation; 3. Discussion; 4. Choix de la mesure de contrainte; 5. Décision et application; 6. Encadrement, surveillance et protocole; 7. Compensation) lié à la mesure de contrainte soit documentée.

17.-

Afin de mettre en place ce qui précède, l’OP recommande aux établissements, en complément du respect du processus et des réflexions préconisés ci-dessus, l’utilisation d’outils adéquats, créés par l’EMS ou déjà existants dans ce domaine.

18.-

Selon l’OP, des formations spécifiques aux mesures de contrainte, ainsi qu’une sensibilisation, supervisions et groupes de discussion devraient être mises en place en faveur des soignants et des autres collaborateurs des EMS.

19.-

L’intégration d’un «tiers neutre», issu d’associations chargées de la défense des intérêts des résidents, dans la réflexion sur l’utilisation d’une mesure de contrainte pourrait être utile, notamment en cas d’incapacité de discernement du résident. Ce tiers aurait un rôle d’«accompagnant» du résident à cet égard.

20.-

De manière générale, une sensibilisation du public à la problématique des mesures de contrainte et de la gestion du risque serait également indiquée selon l’OP. En qui concerne cette dernière, il s’agit d’attirer l’attention du public non seulement sur les risques auxquels on cherche à répondre par le biais des mesures de contrainte (ex : risque de chute), mais également sur les risques pour le résident de la mesure de contrainte elle-même (ex : blessures physiques, atteintes psychologiques). Les présentes recommandations de l’OP s’inscrivent dans une période donnée, à savoir en mai 2010.

ANNEXES: 5 TABLEAUX RESUMANT LE SYSTEME DIFFERENCIE DE TRAITEMENT DES MESURES DE CONTRAINTE PRECONISE PAR L’OP.

_____________________ OP AVDEMS/MN/ 31.10.2010

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Processus lié à la mise en place des Mesures de contraintes Mesures de contraintes Contrat

Protocole

Suivi particulier

Suivi standard

(ex. barrières architecturales, horaires, chambres à 2 lits,…)

Information (1)

X

Observation (2)

Acceptation

Evaluation (6)

au minimum 1 x année

Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Evaluation (6) Compensation (7) Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Surveillance/Protocole (6) Compensation (étape 7)

X Opposition X X Infirmier(ère) au minimum 1 x année X

Mesure spécifique

Contention

Contention

(par exemple tapis alarme)

(par exemple attache, barrière)

chimique

X Acceptation X X Infirmier(ère) au minimum 1 x année X Opposition X X Méd. & Prof. de la santé

X Acceptation X X

X Opposition X X

Médecin & Prof. de la santé

X Acc. / Opp. X X Médecin

Au minimum

Au minimum

Au minimum

Au minimum

au 3 mois X

chaque mois

chaque semaine

chaque semaine

X

X

Processus lié à la mise en place des Mesures de contraintes Mesures de contraintes

Suivi particulier

Suivi standard

Contrat (p.ex. barrières architecturales, horaires, chambres à 2 lits, etc. ) Information (1)

X

Observation (2)

Acceptation

Evaluation (6)

au minimum 1 x année

Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Evaluation (6) Compensation (7)

X Opposition X X Infirmier(ère) au minimum 1 x année X

Processus lié à la mise en place des Mesures de contraintes Mesures de contraintes Mesure spécifique

Protocole

Suivi particulier

(par exemple tapis alarme) Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Evaluation (6) Compensation (7) Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Surveillance/Protocole (6) Compensation (étape 7)

X Acceptation X X Infirmier(ère) au minimum 1 x année X Opposition X X Méd. & Prof. de la santé au 3 mois minimum X

Processus lié à la mise en place des Mesures de contraintes Mesures de contraintes

Protocole

Contention Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Surveillance/Protocole (6) Compensation (étape 7)

(par exemple attache, barrière) X X Acceptation Opposition X X X X Médecin & Prof. de la santé chaque mois minimum chaque semaine minimum X

Processus lié à la mise en place des Mesures de contraintes

Protocole

Mesures de contraintes

Information (1) Observation (2) Discussion (3) Choix de la mesure (4) Décision (5) Surveillance/Protocole (6) Compensation (étape 7)

Contention chimique X Acc. / Opp. X X Médecin chaque semaine minimum X