Recommmandation Internet et développement durable I

Les technologies de l'information, et en particulier internet, sont rapidement apparues ..... en Europe, un plan de mise en œuvre de l'accessibilité des sites internet en France. Ce .... proposés aux visiteurs, comme par exemple des documents sous format ..... Research Consortium for Informatics and Mathematics (ERCIM) et ...
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RECOMMANDATION Internet et développement durable I : L’accessibilité des services de communication publique en ligne du secteur public

25 novembre 2008 www.foruminternet.org

Le Forum des droits sur l’internet 6, rue Déodat de Séverac 75017 PARIS

L’accessibilité des services de communication publique en ligne du secteur public 25 novembre 2008

Introduction

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I. Ŕ Champ et sources techniques de l’accessibilité

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A. Ŕ Le champ de l’accessibilité

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1. – Un cadre large non limité par les technologies

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2. – Une limite importante : les services de communication du secteur public

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3. – La question des « intranets » et des « extranets »

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a.

Les intranets

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Les extranets

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4. – Le droit à la compensation

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5. – Le périmètre des pages concernées par la mise en accessibilité

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Le principe : accessibilité de niveau AA de toutes les pages internet et documents 16

b.

La phase transitoire

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c.

L’exception patrimoniale pour les archives de sites internet

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B. Ŕ Les règles de l’accessibilité

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1. – Les recommandations internationales pour l’accessibilité

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2. – La méthode d’application : le RGAA

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3. – Le dispositif d’évolution

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II. Ŕ Le dispositif de mise en œuvre et de contrôle A. Ŕ La structure en charge du pilotage de l’accessibilité 1. – Organisation de la structure de pilotage

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a.

Forme juridique de la structure de pilotage

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b.

Financement de la structure de pilotage

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L’appui d’un réseau de correspondants locaux

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2. – Missions

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a.

Le pilotage stratégique et la coordination des acteurs publics

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b.

La mission d’information

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c.

La mission de vérification et de contrôle

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d.

La gestion d’un « canal de plaintes »

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e.

Assurer la formation des personnels impliqués

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B. Ŕ Le plan de déploiement de l’accessibilité 1. – La mise en accessibilité pour les nouveaux sites internet

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2. – La difficulté posée par les refontes partielles des sites internet

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3. – La mise en accessibilité pour les sites préexistants

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C. Ŕ La valorisation des bonnes pratiques et les sanctions

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1. – La valorisation des bonnes pratiques

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2. – Quels comportements et quels acteurs doivent être sanctionnés ?

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3. – Les sanctions proposées

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Les sanctions de nature pénale

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Les sanctions financières

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c.

L’inscription sur une liste noire publique des sites non-conformes

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d.

Sanctions mixtes ou complémentaires

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4. – Une procédure étalée dans le temps III. Ŕ La procédure d’adoption du texte d’application A. Ŕ La procédure nationale

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1. – La consultation du CNCPH

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2. – La consultation de la CCEN

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3. – L’avis du Conseil d’État

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B. Ŕ La procédure communautaire

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1. – La notification préalable aux États membres et à la Commission dans le cadre de la directive 98/34/CE

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a. Champ d’application de la directive

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b. Procédure prévue par la directive

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2. – Le respect de la directive 2000/31/CE relative à la libre circulation de l’information sur le marché intérieur dans le cadre du commerce électronique

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ANNEXES

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Annexe 1 : Composition du groupe de travail

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Annexe 2 : Lettre de mission de la Délégation interministérielle aux personnes handicapées

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INTRODUCTION Les problématiques de développement durable sont progressivement entrées au cœur de la pensée collective : d’abord cantonnée aux aspects purement « écologiques », c’est-àdire aux interactions entre les milieux physiques et les organismes vivants 1, cette réflexion s’est ensuite rapidement portée sur les sphères sociales et économiques, formant ainsi les 3 « piliers » traditionnels du développement durable. La création, en France, en 2007, d’un ministère d’État en charge du Développement durable atteste, si besoin en était, de cet intérêt croissant des pouvoirs publics et de la société en général pour ces réflexions. Qu’est ce que le développement durable ? Pour beaucoup, la signification de cette expression reste pourtant floue : qu’entend-on exactement par « développement durable » ? Selon la première définition2 proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement durable, il s’agit d’un « développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».3 Il s’agit donc d’un concept très vaste, qui trouve une application dans tous les domaines de nos sociétés. La sphère culturelle a été l’une des premières déclinaisons du concept en dehors du contexte socio-économique et environnemental : dans cette optique, il s’agit en effet de préserver la diversité des solutions locales afin d’assurer la continuité culturelle. Les technologies de l’information, et en particulier internet, sont rapidement apparues comme pouvant être des vecteurs importants du développement durable, ce qui a soulevé de nombreux débats dont les réponses semblent incertaines. L’essor du télétravail, facilité par les technologies de l’information, a-t-il réellement un effet bénéfique sur l’émission des gaz à effet de serre, en limitant l’usage des transports ? L’essor de la vente à distance de produits et de services limite t-il aussi le recours aux transports ? L’abandon du papier au profit des systèmes informatisés est-il réellement bénéfique à l’environnement4 ? La part croissante dans la consommation d’énergie mondiale des technologies de l’information et plus particulièrement des « fermes de serveurs »5 hébergeant des millions de pages internet et les données qui y sont attachées n’est-elle pas inquiétante ?

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Charles J. Krebs, Ecology, Benjamin Cummins, 5e éd., 2001. La définition complète est la suivante : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » Rapport dit « Bruntland » intitulé « Notre avenir à tous », soumis à l’Assemblée générale des Nations unies en 1986 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Selon une étude menée par The Climate group dans le cadre des travaux de la Commission Européenne sur le changement climatique et publiée sur le site Euractiv, l’utilisation rapide d’ordinateurs, de téléphones portables et de l’internet dans les pays émergeants devrait doubler les émissions de CO2 d’ici 2020. http://www.euractiv.com/fr/changement-climatique/etude-jette-lumiere-empreinte-carbone-secteurtic/article-173728 La question de la consommation d’énergie des « fermes de serveurs » est une préoccupation grandissante chez les exploitants de quantités de serveurs importantes, si bien que l’optimisation de la consommation d’énergie ou PUE (Power Usage Effectiveness) est devenue un enjeu stratégique pour ces organismes. Pour illustrer ce propos, on consultera par exemple la politique d’utilisation de l’énergie électrique de la société Google : http://www.google.com/corporate/datacenters/measuring.html

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Il est également possible de réfléchir aux liens entre développement durable et internet en privilégiant une autre approche et en abordant la manière dont la société de l’information elle-même peut se concevoir comme durable. Comment appliquer le développement durable à l’internet ? Dans cette optique plus spécifique, plusieurs enjeux se dessinent : l’internet permet-il davantage d’échanges culturels ? En facilitant l’accès aux contenus étrangers, favorise til la diversité culturelle ? Une meilleure diffusion des langues et du savoir ? Permet-il d’assurer la durabilité dans le temps des supports d’information ? La structure technique de l’internet permettra-t-elle à chaque individu d’avoir accès au réseau dans de bonnes conditions ? De même, les contenus diffusés sont-ils accessibles à tous, que ce soit au niveau linguistique, ou au niveau technique ? Dans la mesure où l’accès à l’internet devient progressivement un droit garanti et opposable à tous les citoyens6 et qu’il permet désormais l’accès à l’information et à l’emploi, il ne faudrait pas que les évolutions technologiques soient l’occasion d’augmenter les freins à l’insertion, que ce soit pour les personnes en situation de handicap ou les personnes ne maitrisant pas certaines langues. Le Forum des droits sur l’internet a installé en mai 2008 un groupe de travail sur le thème « internet et développement durable »7 afin d’examiner de façon transversale les problématiques de développement durable qui peuvent se poser dans la société de l’information. Ce cadre reste en majeure partie à explorer, il a été largement ignoré lors du Grenelle de l’environnement8 qui s’est déroulé en France de mai9 à octobre 2007. Parallèlement au lancement de cette réflexion large sur le développement durable appliqué à l’internet, les pouvoirs publics ont souhaité saisir le Forum d’un sujet spécifique, celui de l’accessibilité des services de communication publique aux personnes en situation de handicap. Les services du ministre chargé des personnes handicapées, futur chef d’orchestre du dispositif, et notamment la Délégation interministérielle aux personnes handicapées (DIPH), membre du groupe de travail dès sa création, ont demandé au Forum de formuler des recommandations détaillées sur la mise en œuvre de l’accessibilité pour les sites internet publics et de susciter une dynamique positive au-delà du périmètre des services publics10. L’accessibilité des sites, un sujet spécifique du développement durable appliqué à l’internet Il peut être considéré que l’accessibilité des sites internet à tous les individus est une condition nécessaire au développement durable de l’internet et au bon fonctionnement d’outils aujourd’hui incontournables tels que les moteurs de recherche, les outils d’archivage des pages internet ou encore les outils de traduction automatique des

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Sur l’idée d’un « droit opposable » à tous les citoyens en matière d’accès à internet en haut débit, consulter le discours de M. Eric Besson, Secrétaire d’ État en charge du développement de l’économie numérique, prononcé le 20 octobre 2008 à l’Élysée à l’occasion de l’annonce du plan « France Numérique 2012 » : http://www.elysee.fr/documents/index.php?cat_id=7 Voir la page de présentation du groupe de travail sur le site du Forum des droits sur l’internet : http://www.foruminternet.org/spip.php?action=redirect&id_article=2686 Voir sur ce sujet le document récapitulatif des tables rondes finales du Grenelle de l’environnement : http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelle-environnement/IMG/pdf/07-1123_GE_TR_recap_bis.pdf Le Grenelle de l’environnement a été annoncé par Alain Juppé, ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durable le 18 mai 2007. Voir infra page 54 Annexe 2 « Lettre de mission de la Délégation interministérielle aux personnes handicapées ».

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contenus. Compte tenu du calendrier réglementaire resserré des pouvoirs publics sur ce sujet, le Forum a accepté de traiter en priorité de ce sujet. Au niveau mondial, les pays nord-américains ont pris de l’avance et ont imposé progressivement l’accessibilité aux sites internet publics à partir des recommandations pour l’accessibilité établies dès 199911 par le Web Consortium (W3C)12, considérées de facto comme les standards internationaux en matière d’accessibilité. Plus récemment, les dispositifs de lutte contre les discriminations des personnes handicapées ont été appliqués dans le cadre du non respect de ces recommandations pour l’accessibilité de sites internet privés, ce qui étend considérablement le périmètre de l’obligation de mise en conformité de ces recommandations. Aux États-Unis en particulier, ces dispositions13 ont fait très récemment l’objet de sanctions financières lourdes, une chaine de supermarchés ayant été condamnée à payer la somme de 6 millions de dollars suite à un recours collectif intenté contre lui en raison de l’inaccessibilité de son site internet14. Parmi les différents États de l’Union Européenne, une majorité (16 sur 24 répondants) dispose aujourd’hui d’un dispositif juridique favorisant la mise en œuvre de l’accessibilité sur les sites internet. 14 États indiquent l’existence de moyens de surveillance du niveau d’accessibilité des sites publics15. Bien qu’il n’existe pas encore de norme juridique, l’initiative eInclusion16 a publié un certain nombre de recommandations incitant les États à déployer au plus vite l’accessibilité numérique sur les sites internet publics. Selon une récente étude17 menée par cette initiative, seule une infime partie des sites publics français sont aujourd’hui accessibles, aucun n’étant conforme au niveau « double-A »18 des standards internationaux émis par le Web Consortium recommandé par la Commission européenne. Pourtant, il y a quelques années, la France se dotait d’un dispositif ambitieux : la loi du 11 février 200519 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées introduisait en effet une nouvelle obligation à la charge des administrations, collectivités locales et services publics : rendre accessibles

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Il s’agit des Web Content Accessibility Guidelines (WCAG), publiées en version 1.0 le 5 mai 1999 et non modifiées depuis : http://www.w3.org/TR/WCAG10/ Pour plus de détails à ce sujet, voir infra page 20 « Les recommandations internationales pour l’accessibilité ». Au sujet du W3C, voir infra page 20 « Les recommandations internationales pour l’accessibilité». Loi américaine Americans with Disabilities Act (ADA) de 1990 : http://www.ada.gov/ Voir notamment « Target accepte la condamnation de 6 millions de dollars pour l’inaccessibilité de son site », extrait de E-Access Bulletin, n°105, septembre 2008, article en français de l’association de parents d’enfants déficients visuels (APEDV) : http://www.apedv.fr/spip.php?article420 Selon l’étude réalisée en 2005 par l’institut Cabinet Office en Grande Bretagne sous forme d’un questionnaire envoyé aux 25 États membres : http://archive.cabinetoffice.gov.uk/e-government/resources/eaccessibility/content.asp Groupe d’étude de la Commission européenne consacré aux problématiques d’accès à l’internet et aux technologies de l’information et de la communication : http://ec.europa.eu/information_society/activities/einclusion/index_en.htm Selon l’étude « Measuring Progress of eAccessibility in Europe » réalisée en octobre 2007 dans le cadre de l’initiative eInclusion, seule une infime partie des sites publics français atteindraient le premier niveau d’accessibilité, tel que défini dans les WCAG version 1.0 de la Web Accessibility Initiative. http://www.eaccessibility-progress.eu/ Sur les différents niveaux de priorité des recommandations pour l’accessibilité, voir infra page 20 « Les recommandations internationales pour l’accessibilité ». Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=SANX0300217L

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leurs services handicapées.

de

communication

publique

à

tous,

notamment

aux

personnes

En 2008, aucun texte d’application n’a encore été pris pour préciser les modalités de mise en œuvre des dispositions de cette loi. Aujourd’hui, de nombreux acteurs s’en émeuvent et réclament la mise en application sans plus tarder du dispositif législatif : des associations représentant les différents types de handicap, mais aussi des entreprises, qui se sont exprimées lors des Assises du numérique20 sur les trois propositions21 d’Eric Besson, secrétaire d’État en charge du développement de l’Économie numérique. Ces propositions se sont traduites par trois « actions » spécifiques dans le plan France Numérique 201222 proposé le 20 octobre 2008 par Eric Besson : -

développer l’usage du numérique par les personnes handicapées (action n°28) ; lancer un plan stratégique de l’administration électronique avant la fin de l’année 2008 (action n°120) ; assurer l’accessibilité des sites de l’administration (action n°127).

Trois questions parlementaires ont par ailleurs été posées par des députés. Les deux premières, en date du 22 juillet 200823, demandaient au gouvernement de répondre sur les raisons du retard français en matière d’accessibilité des sites internet publics et sur les délais escomptés de publication du décret d’application. La troisième24, en date du 15 juillet 2008, concernait les sites privés et faisait état de l’impossibilité pour les malvoyants de consulter leurs comptes bancaires en ligne sur les sites des établissements financiers. Ces trois questions sont restées à ce jour sans réponse. La forte attente des utilisateurs en matière d’accessibilité des sites internet s’est enfin exprimée lors de la consultation des internautes 25 menée par le Forum des droits sur l’internet en 2007. La Recommandation du Forum des droits sur l’internet Dans ce contexte, le Forum a souhaité pouvoir proposer rapidement aux pouvoirs publics des recommandations opérationnelles sur la mise en œuvre de l’obligation légale de mise en conformité aux règles internationales d’accessibilité, à partir des débats et des travaux du groupe de travail « internet et développement durable » qui se sont déroulés au Forum entre juin et octobre 2008. Le document traitera de façon prioritaire l’accessibilité des services de communication publique, bien que le champ couvert par ce sujet soit beaucoup plus vaste et concerne

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Assises organisées en France par M. Éric Besson de mai à juillet 2008 visant à recueillir les attentes des internautes en ce qui concerne le numérique. http://assisesdunumerique.fr/ Voir les propositions d’Eric Besson dans son rapport en date du 29 mai 2008 intitulé « 27 pistes de travail ouvertes à la concertation pour préparer le plan de développement de l’économie numérique ». http://assisesdunumerique.fr/pdf/27pistes.pdf Consulter le plan « France numérique 2012 » réalisé par Eric Besson, secrétaire d’État chargé du développement de l’économie numérique et rendu public le 20 octobre 2008. http://francenumerique2012.fr/pdf/081020_FRANCE_NUMERIQUE_2012.pdf Questions parlementaire n° 27955 de M. Jean-Pierre Grand (UMP) au ministre de la solidarité et n° 27954 de M. Jean-François Chossy (UMP) au ministre de la solidarité, publiées au Journal officiel du 22 juillet 2008. http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-27955QE.htm http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-27954QE.htm Question parlementaire n° 27458 de M. Michel Terrot (UMP) adressée au ministre du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, publiée au Journal officiel du 15 juillet 2008. http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-27458QE.htm Consulter le rapport de synthèse des contributions des internautes sur la consultation, publié par le Forum des droits sur l’internet le 7 juin 2007 : http://www.foruminternet.org/spip.php?action=redirect&id_article=1174

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également les acteurs du monde parapublic et privé, représentés dans le groupe de travail, ainsi que les acteurs étrangers. Cette Recommandation a fait l’objet d’une consultation auprès de l’ensemble des membres du Forum des droits sur l’internet du 5 novembre au 20 novembre 2008. Elle a été définitivement adoptée par le Conseil d’orientation du Forum le 25 novembre 2008. Ce document se limitera aux points les plus sensibles devant être couverts par le décret, en apportant des réponses pratiques aux différentes obligations posées par l’article 47 de la loi de 2005, sur le champ d’application de l’accessibilité et sur ses sources techniques (I), sur le dispositif de mise en œuvre et de contrôle (II), et sur la procédure d’adoption du texte d’application (III). Les travaux et les auditions du groupe de travail du Forum se poursuivront jusqu’en 2009 dans le but de proposer, après avoir établi un état des lieux de l’accessibilité en France et en Europe, un plan de mise en œuvre de l’accessibilité des sites internet en France. Ce plan assurera la mise en mouvement des pouvoirs publics et des acteurs privés en matière d’accompagnement, d’information, de formation et de sensibilisation des publics concernés.

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I. Ŕ CHAMP ET SOURCES TECHNIQUES DE L’ACCESSIBILITÉ Article 47 de la loi de 200526 : « Les services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées. L’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne. Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à l’accessibilité et précise, par référence aux recommandations établies par l’Agence pour le développement de l’administration électronique, la nature des adaptations à mettre en œuvre ainsi que les délais de mise en conformité des sites existants, qui ne peuvent excéder trois ans, et les sanctions imposées en cas de non-respect de cette mise en accessibilité. Le décret énonce en outre les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne. » Qu’entend-on précisément par le terme « accessibilité » ? Selon Tim Berners-Lee, directeur du Web Consortium (W3C)27, il s’agit de « mettre le Web28 et ses services à la disposition de tous les individus, quel que soit leur matériel ou logiciel, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, ou leurs aptitudes physiques ou mentales ». Deux questions doivent se poser préalablement à la mise en place d’un dispositif de mise en œuvre de l’accessibilité pour la France : elles concernent, d’une part, le périmètre exact de l’obligation de l’article 47 de la loi de 2005 (A), et d’autre part, les règles techniques qui trouvent à s’appliquer (B). A. Ŕ Le champ de l’accessibilité Le champ d’application de l’accessibilité est fixé par la loi de 2005, mais celui-ci doit être précisé. Quelles sont les technologies sont concernées ? Quels sont les acteurs concernés ? Quels sont les services concernés ? Comment le droit de compensation peutil être mis en œuvre ? Quel est le périmètre exact de l’obligation ?

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Voir en ligne la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées sur le site Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=SANX0300217L Au sujet du W3C, voir infra page 20 « Les recommandations internationales pour l’accessibilité ». Le World Wide Web, ou « toile », que l’on connait surtout par son acronyme « www » figurant dans la plupart des adresses internet, est composé du réseau de pages internet utilisant le protocole de navigation hypertextuel (protocole HTTP).

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1. Ŕ Un cadre large non limité par les technologies L’article 47 de la loi de 2005 dispose que « les services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées ». Sont visés ici les « services de communication publique en ligne », une expression proche de celle posée par la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 200429, qui définit les services de communication au public comme suit : « On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur. » Cette notion dont le périmètre exact fait encore aujourd’hui l’objet d’incertitudes recouvre a priori l’ensemble des diffusions publiques sous forme électronique, qu’elles soient sous forme hypertextuelle ou multimédia. Il convient naturellement d’écarter du champ d’application de l’article 47 de la loi de 2005 les services audiovisuels stricto sensu, qui relèvent du régime largement différent de la communication audiovisuelle au sens de la loi du 30 septembre 1986 30, et soumis au contrôle du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel31 (CSA). Ces diffusions peuvent revêtir diverses formes, telles que les sites internet, certains services téléphoniques ou multimédia sur internet. La technologie employée importe peu, certaines correspondances par courrier électronique pouvant en effet appartenir au périmètre concerné par l’obligation légale, comme par exemple une communication par lettre de diffusion publique (parfois appelées newsletter). Le Forum recommande aux pouvoirs publics de ne pas limiter le champ de l’obligation de mise en conformité aux règles d’accessibilité prévu par l’article 47 de la loi de 2005 à une ou plusieurs technologies de diffusion étant donné la nature mouvante de celles-ci. Ce périmètre large est confirmé par la phrase suivante du premier alinéa de l’article 47 : « l’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation. » La secrétaire d’État aux personnes handicapées, Mme Marie-Anne Montchamp, avait en outre précisé lors des débats devant l’Assemblée nationale sur la loi du 11 février 2005 que les services de communication publique pouvaient recouvrir des canaux aussi variés

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Voir article 4 IV alinéa 4 de la loi n° 2004-575 en date du 21 juin 2004 (Loi pour la confiance dans l’économie numérique) : http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEBX.htm Article 2 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite Loi Léotard : « on entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. » http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEAJ.htm Article 3-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité indépendante, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle en matière de radio et de télévision par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi. » http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEAJ.htm

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que « l’internet, le Minitel, le SMS, l’agenda électronique et les futurs moyens de communication »32. En dépit de ce champ large de l’obligation de mise en conformité avec les règles de l’accessibilité, la présente Recommandation traitera plus spécifiquement de l’accessibilité des sites internet ; les autres « canaux » de diffusion pourront faire l’objet de recommandations ultérieures. L’obligation de mise en conformité aux règles de l’accessibilité s’applique au site internet dans son intégralité. Cela inclut tous les documents échangés par ce biais ou proposés aux visiteurs, comme par exemple des documents sous format PDF33, très répandus, ou encore des documents issus de logiciels de traitement de texte. Compte tenu de la grande diversité des formats de documents disponibles sur le marché, le Forum des droits sur l’internet recommande aux pouvoirs publics de faire de l’accessibilité des pages internet proprement dites (pages HTML/XHTML classiques) une priorité, en y faisant expressément référence dans les textes d’application. Néanmoins, en raison de la forte présence de documents sous forme PDF sur internet, et de leur bon niveau de référencement par les différents moteurs de recherche sur le marché, ces documents, qui font déjà l’objet de plusieurs tests dans la méthode d’application des règles d’accessibilité, devraient également être mis en conformité de façon prioritaire. Il est ensuite recommandé aux pouvoirs publics d’identifier quels sont les formats les plus répandus et utilisés par les producteurs de contenus sur internet, afin de prévoir, si cela s’avère nécessaire, l’élaboration de nouvelles méthodes d’application pour ces formats par les acteurs concernés. Enfin, la loi de 2005 ne posant aucune restriction au niveau des supports utilisés pour la consultation des services de communication publique en ligne, la rédaction du décret d’application devra être suffisamment souple pour s’adapter aux modes de consultation existants aujourd’hui et demain34. Le Forum recommande par conséquent aux pouvoirs publics de s’assurer de la bonne adéquation des référentiels techniques avec les technologies utilisées par les citoyens. 2. Ŕ Une limite importante : les services de communication du secteur public Le premier alinéa de l’article 47 dispose que seuls les services de communication publique « des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent » sont concernés par l’obligation de mise en accessibilité. L’obligation se voit donc cantonnée aux services de communication en ligne mis en œuvre par le secteur public, mais peut recouvrir une grande diversité de sites internet : ceux de l’administration française, des ministères, des structures centrales et déconcentrées de l’État, ou encore ceux de toutes les structures décentralisées. Les régions, les départements et les communes sont donc tout autant concernés par l’obligation d’accessibilité, de même que les services qui en dépendent : sites internet des universités, des régies de transports publics ou de tout autre service dépendant d’une administration décentralisée. 32

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Compte rendu des débats devant l’Assemblée nationale, en première lecture, 1ère séance du mercredi 9 juin 2004 : http://www.assemblee-nationale.fr/12/cra/2003-2004/248.asp#P146_33381 Portable Document Format, format créé par la société Adobe Systems. Un site internet peut par exemple être consulté indifféremment depuis des matériels informatiques, des consoles de jeux, ou encore des terminaux ou des téléphones mobiles.

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Le Forum des droits sur l’internet souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics sur la grande quantité de sites internet concernés par l’obligation légale. Sur l’annuaire du site Service-public.fr35, on dénombre en effet plus de 10 000 sites publics. Compte tenu du nombre de communes françaises (36 000), il y en a probablement d’autres, qui n’ont pas été référencés36. La recherche d’un chiffre plus précis auprès de l’organisme gestionnaire du domaine .fr, l’AFNIC, est vaine, puisqu’il n’existe pas d’extension spécifique pour les sites publics d’une part37, et d’autre part, puisqu’un nom de domaine peut-être utilisé par un nombre illimité de sites internet distincts. Se pose ensuite la question de savoir si l’expression « les établissements qui en dépendent » est rattachée aux « collectivités territoriales » ou aux « services de l’État » et aux collectivités territoriales, la rédaction de l’article 47 étant ambigüe sur ce point. Il semble par conséquent nécessaire de clarifier la définition du périmètre, par exemple en reprenant l’expression utilisée dans l’article 1 du Code général de la propriété des personnes publiques38, plus claire : « le présent code s’applique aux biens […] appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics. » Il semble par ailleurs important d’inclure tous les établissements publics dans le champ de l’obligation légale, l’accès aux services de communication publique des établissements publics de l’État étant particulièrement important pour les usagers. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de clarifier le périmètre de l’article 47 de la loi de 2005 afin de lever toute incertitude concernant l’inclusion des établissements publics relevant de l’État dans ce périmètre, ces derniers devant relever de l’obligation de mise en conformité aux règles de l’accessibilité compte tenu de leur importance pour les usagers. Les débats sur l’appréciation du caractère public ou non public d’un service de communication au public ont donné lieu à de multiples interrogations, s’agissant du périmètre de l’obligation. Un site internet financé en majeure partie par des fonds publics doit-il être considéré comme public ? Un site internet réalisé et tenu à jour par des acteurs privés avec des fonds privés et publics mais réalisé en partenariat ou sur mission des pouvoirs publics est-il soumis à l’obligation de mise en conformité ? Qu’en est-il du site d’un centre de recherche ou d’une formation fonctionnant sur fonds privés mais rattaché à une université relevant de l’État, ou encore d’une crèche à structure associative financée par une mairie ? Par ailleurs, s’il semble acquis que les établissements publics tels que la SNCF, l’INA, la RATP, La Poste ou encore L’Opéra national de Paris relèvent du champ d’application de l’article 47 de la loi de 2005 en raison de leur statut public, le critère semble plus délicat à apprécier lorsqu’il s’agit d’acteurs privés investis d’une mission de service public. Étant donné que ceux-ci ne sont pas expressément mentionnés, il semble que la réponse soit

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Voir l’annuaire de l’administration en ligne sur le portail de l’administration française, service-public.fr : http://lannuaire.service-public.fr/ La question du nombre exact de sites publics a fait l’objet de débats importants et reste entourée d’incertitude. Selon l’Observatoire des éditions numériques, une association dont la mission est de sensibiliser les sites internet publics à l’accessibilité linguistique, il y en aurait 10 000 environ. http://www.editions-numeriques.org/ L’extension .gouv.fr est réservée aux seuls sites gouvernementaux (477 noms de domaine), périmètre beaucoup plus restreint que celui des « sites publics » proprement dit. Voir l’article 1 du Code général de la propriété des personnes publiques sur Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070299&dateTexte=20081107

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négative. Cependant, ces services pourraient utilement faire l’objet d’une réglementation ultérieure particulière visant à les ajouter au périmètre de l’obligation d’accessibilité. Enfin, la question de l’applicabilité du dispositif aux services de communication publique des assemblées peut aussi ce poser, le Parlement n’étant pas à proprement parler un établissement public, et ne dépendant pas directement de l’État, en raison du principe à valeur constitutionnelle de séparation des pouvoirs39. Compte tenu des incertitudes liées à l’appréciation du caractère public des exploitants des services de communication en ligne et des difficultés d’application pouvant en résulter, le Forum recommande aux pouvoirs publics d’étudier la possibilité d’élargir, en procédant à une modification législative, le périmètre de l’obligation légale de mise en conformité aux règles de l’accessibilité aux organismes privés investis d’une mission de service public. Le Forum souhaite enfin souligner l’intérêt des acteurs privés pour les démarches relatives à l’amélioration de l’accessibilité. En effet, aujourd’hui, l’internet est devenu un mode d’information et de consommation incontournable ; les sites de commerce électronique offrent par exemple aux personnes en situation de handicap des facultés d’achat beaucoup plus pratiques que le déplacement dans des magasins ; de même, il sera beaucoup plus simple pour ces personnes de consulter leur compte bancaire en ligne, plutôt que de se rendre dans leur agence bancaire. Par conséquent, le Forum recommande aux pouvoirs publics d’associer les acteurs privés concernés aux démarches de promotion de l’accessibilité dans le but de mettre en œuvre auprès d’eux des politiques d’information, d’incitation et d’accompagnement. La Recommandation finale du Forum des droits sur l’internet sur le sujet de l’accessibilité comprendra une partie consacrée à l’accessibilité des sites internet privés. 3. Ŕ La question des « intranets » et des « extranets » a. Les intranets L’expression « les services de communication publique » de l’article 47 de la loi de 2005 semble exclure du champ d’application de l’obligation d’accessibilité les sites internet utilisés en interne dans les structures de l’administration (les intranets), outils généralement réservés aux personnels de ces structures, et non accessibles au public. Il parait en effet difficile de considérer que les fonctionnaires employés par l’administration puissent être qualifiés de « public » et faire l’objet des « communications publiques », au même titre que les citoyens internautes. Les intranets sont cependant susceptibles d’être concernés par deux autres textes législatifs. Le paragraphe IV de l’article 24 de la même loi tout d’abord, codifié par l’ordonnance du 12 mars 200740 et modifié par la loi du 27 mai 200841 à l’article L. 5213-6 du Code du

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L’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, citée par le préambule de la Constitution d’octobre 1958 dispose que : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Dans sa décision n° 86224 DC du 23 janvier 1987, le Conseil Constitutionnel a par ailleurs indiqué que le principe de séparation des pouvoirs était un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (partie législative), portant recodification à droit constant et visant « à inclure (dans le code du travail) les dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées, d’améliorer le plan du code et de remédier, le cas échéant, aux erreurs ou insuffisances de codification ». http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=SOCX0700017R

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travail dispose « qu’afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ». L’article 24 de la loi de 2005 précise que « ces aides peuvent concerner notamment l’adaptation de machines ou d’outillages, l’aménagement de postes de travail, y compris l’accompagnement et l’équipement individuels nécessaires aux travailleurs handicapés pour occuper ces postes ». Ces aides semblent donc recouper aussi bien les matériels informatiques que les logiciels l’accompagnant ; l’employeur qui n’aurait pas pris les mesures pour adapter son intranet, outil de travail indispensable, aux besoins spécifiques de son personnel en situation de handicap pourrait être ainsi reconnu coupable d’une discrimination. Le dispositif de l’article 24 de la loi de 2005, bien qu’à portée très générale, semble donc s’appliquer aux intranets, dès lors qu’ils constituent des outils utiles à l’activité du salarié dans l’exercice de son activité professionnelle. Codifié dans le Code du travail, ces dispositions visent cependant en premier lieu les salariés du secteur privé, les fonctionnaires de la fonction publique faisant l’objet de dispositions particulières. L’article 3 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique42 semble quant à lui plus explicite : « l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les personnes privées chargées d’une mission de service public veillent à ce que l’accès et l’usage des nouvelles technologies de l’information permettent à leurs agents et personnels handicapés d’exercer leurs missions. » En vertu de ce dernier texte, les intranets sont donc soumis à une obligation de mise en conformité aux règles d’accessibilité, ces règles étant une des conditions nécessaires de l’usage des nouvelles technologies par les personnes en situation de handicap. Le périmètre de cette obligation est limité au secteur public et aux acteurs privés investis d’une mission de secteur public, contrairement à l’article 24 de la loi de 2005. La méthode de mise en œuvre de cette disposition n’est cependant pas précisée. Le Forum des droits sur l’internet attire l’attention des pouvoirs publics sur la difficulté résidant dans la coexistence entre deux régimes juridiques : l’un relatif aux services de communication publique (article 47 de la loi de 2005) et l’autre relatif aux intranets (article 3 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique). Le Forum recommande par conséquent aux pouvoirs publics d’unifier les régimes des services de communication publique et des intranets au bénéfice de la loi du 11 février 2005 pour les rattacher au régime général mis en œuvre par le décret d’application de l’article 47 de la loi de 2005, la coexistence de deux régimes juridiques différents étant préjudiciable, tant aux utilisateurs, qu’à la structure qui sera chargée de mettre en œuvre ces dispositions. Les obligations de mise en conformité aux règles d’accessibilité des intranets de l’administration ne pouvant pas être sanctionnées par le dispositif prévu pour l’application de la loi de 2005 dans l’état actuel de la loi, il est recommandé aux pouvoirs publics de rappeler aux usagers les voies de recours qui leur sont ouvertes auprès des

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Loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018877783&dateTexte= Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEBX.htm

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organismes existants tels que la HALDE ou le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des fonctions publiques d’État (FIPHFP). b. Les extranets Concernant les extranets, sites internet ouverts au public mais dont l’accès est protégé par des identifiants de sécurité43, ces derniers s’adressent à des publics extérieurs à l’administration qui ne sont donc pas couverts par les obligations spécifiques formulées à l’égard des personnels des administrations en ce qui concerne les intranets. Il parait donc nécessaire de les inclure dans le champ de l’obligation prévue par l’article 47 de la loi de 2005. Le Forum recommande aux pouvoirs publics d’inclure expressément dans le champ d’application de l’article 47 de la loi de 2005 les extranets publics. 4. Ŕ Le droit à la compensation Un site internet, contrairement à un bâtiment, est une technologie mouvante, affectée par un grand nombre de paramètres qui font du numérique un secteur tout à fait spécifique, marqué par une évolution et une obsolescence rapide des logiciels utilisés et des standards techniques de développement, des interactions de plus en plus profondes avec d’autres sites internet, une difficulté d’agir sur des productions de contenus externalisées, provenant d’autres sites44 ou des utilisateurs45 eux-mêmes. L’article 11 de la loi de 2005 garantit un nouveau droit aux personnes en situation de handicap : le droit à la compensation. Il dispose ainsi que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie »46.

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Authentification simple, au moyen d’un identifiant de connexion et d’un mot de passe, ou forte, assurée par un certificat de sécurité sur un protocole tel que HTTPS. Les flux « RSS » permettent par exemple de reprendre des « fils d’actualités » en provenance d’autre sites internet sur son propre site, sans qu’il soit possible de modifier la forme du contenu repris. Cette technique s’est fortement développée ces dernières années. Les sites qui publient des contenus générés par les utilisateurs sont de plus en plus nombreux. Ils permettent par exemple à leurs visiteurs de publier des avis, notes, messages de forum, images, vidéos ou tout autre media. Il sera dans certains cas difficile voire impossible d’imposer aux producteurs de contenus de ne soumettre que des documents accessibles, comme par exemple des séquences audiovisuelles sous-titrées. Article 11 de la loi de 2005 : Après l’article L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 114-1-1 ainsi rédigé : « Art. L. 114-1-1. - La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du développement ou de l’aménagement de l’offre de service, permettant notamment à l’entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du développement de groupes d’entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d’accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique régie par le titre XI du livre Ier du code civil. Ces réponses adaptées prennent en compte l’accueil et l’accompagnement nécessaires aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins. Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis. »

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Il est ensuite précisé que « cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du développement ou de l’aménagement de l’offre de service […] » Il semble par conséquent important de rappeler que le droit à la compensation, principe phare de la loi de 2005, pourra être appliqué et mis en œuvre en ce qui concerne l’accessibilité des services de communication en ligne, ces derniers étant une condition nécessaire à l’insertion professionnelle ou au plein exercice de la citoyenneté de ces personnes. Le Forum recommande à tous les exploitants de services de communication publique de mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder dans des conditions satisfaisantes aux documents recherchés, en application du droit à la compensation de l’article L. 114-1-1 du Code de l’action sociale et des familles. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de veiller à la bonne application du droit à la compensation en ce qui concerne l’accessibilité des services de communication en ligne. Ce droit pourra faire l’objet d’un réexamen régulier par la structure pilote. Le Forum recommande à la structure chargée du pilotage de l’accessibilité de déterminer les conditions d’appréciation des efforts faits par les exploitants publics et de prendre en compte la mise en place de mesures de compensation lors de l’application de sanctions47 en cas de manquement à l’obligation légale de conformité aux règles d’accessibilité. 5. Ŕ Le périmètre des pages concernées par la mise en accessibilité Il faut ici distinguer plusieurs situations : celle des nouveaux sites internet, postérieurs à la mise en œuvre du dispositif, celle des sites existants, qui font l’objet d’une période de transition, et le cas particulier des archives. a. Le principe : accessibilité de niveau AA de toutes les pages internet et documents Concernant les sites qui seront développés postérieurement à l’entrée en vigueur des textes d’application de la loi, la réponse à donner est claire : l’article 47 de la loi de 2005 prévoit une accessibilité des pages des sites internet conforme aux recommandations internationales. Le niveau minimal d’accessibilité recommandé par la Commission européenne est le niveau double-A des recommandations internationales48. En l’absence de mention restrictive particulière de la loi, il faut entendre l’obligation comme s’appliquant à l’intégralité des contenus diffusés par les services de communication publique. Toutes les pages d’un site internet doivent par conséquent être mises en conformité aux règles de l’accessibilité, sans qu’il y ait lieu de mettre en œuvre de traitements différenciés ou prioritaires pour certains services, pages ou rubriques.

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http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateTexte= Sur les sanctions applicables, voir infra page 34 « les mesures de valorisation des bonnes pratiques et les sanctions ». Selon le point 31 de la résolution du parlement européen du 13 juin 2002, le niveau minimal à atteindre pour les sites internet publics est la conformité double-A (AA). C’est par ailleurs le niveau recommandé par l’initiative « eInclusion » de la Commission européenne. Pour plus de détails sur ce sujet, voir « les recommandations internationales pour l’accessibilité », page 20.

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Compte tenu des nombreux échanges qui se sont déroulés au sein du groupe de travail à ce sujet, le Forum recommande aux pouvoirs publics de poser dans les textes d’application de l’article 47 de la loi de 2005 le principe essentiel de mise en conformité de l’ensemble des pages et documents internet avec les recommandations internationales pour l’accessibilité de niveau double-A49. Il est par ailleurs recommandé aux exploitants publics de tenir compte dans leur objectif de mise en accessibilité des recommandations internationales de priorité triple-A, qui dans certains cas ne présentent pas de surcoût ou de difficulté majeure dans leur mise en œuvre. b. La phase transitoire Les sites internet existants devront mettre en conformité l’ensemble des pages de leur site internet au terme de la « période transitoire » prévue dans les textes d’application. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de prévoir une phase transitoire garantissant aux responsables de sites publics existants un délai de mise en œuvre suffisant, étant entendu que ce délai ne pourra excéder 3 ans comme il est indiqué dans la loi. Les sites existants disposeront donc d’un délai maximal de 3 ans à compter de la publication du texte d’application leur permettant de mettre en conformité leurs pages internet. La mise en œuvre de l’accessibilité sur ces sites pourra donc se faire de manière progressive, dans l’objectif d’atteindre un niveau d’accessibilité maximal au bout de 3 ans. Il ressort des travaux du groupe de travail qu’il est absolument nécessaire de tenir les usagers informés de la pratique en matière d’accessibilité, et de leur permettre, si des pages ou documents ne sont pas accessibles, de contacter le service ou la collectivité territoriale légalement responsable du site internet, afin de pouvoir les obtenir par un autre moyen (courrier électronique ou téléphone par exemple). Il est recommandé aux pouvoirs publics de rappeler de manière expresse dans les textes d’application la nécessité pour les responsables de sites internet d’informer les publics en situation de handicap lorsque des documents ne sont pas encore accessibles pendant la phase transitoire des sites existants, sans préjudice du principe d’obligation globale de mise en accessibilité du site internet. La page d’accueil du site internet devrait donc en toute logique faire l’objet d’un traitement prioritaire, étant donné qu’elle conditionne généralement l’accès aux autres pages du site pour l’utilisateur, sauf dans le cas où celui-ci provient d’un moteur de recherche qui l’a mené directement sur une page interne du site. A défaut d’indication sur la page d’accueil, une page accessibilité50 devra présenter à l’usager la politique accessibilité du site internet, ainsi que son niveau de conformité, et les mesures compensatoires mises en œuvre pour les parties du site qui n’ont pas encore été mises en conformité avec les règles d’accessibilité. La page permettant à l’usager d’entrer en contact avec une administration, et notamment avec les producteurs de contenus, afin de les informer qu’un document ou

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Il s’agit d’un niveau d’exigence minimal, qui n’empêche pas les administrations concernées de respecter des règles plus exigeantes. Pour plus de détails sur les niveaux de priorité fixés dans les recommandations internationales, voir infra page 20 « les recommandations internationales pour l’accessibilité ». Sur le caractère obligatoire que pourrait présenter cette page, voir infra page 29 « Le plan de déploiement de l’accessibilité ».

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qu’une page spécifique n’est pas accessible, et de permettre à l’usager de connaître quels sont les autres moyens d’y accéder, devrait être elle aussi faire l’objet d’une accessibilité prioritaire. Le Forum recommande aux responsables de sites publics d’informer l’utilisateur en situation de handicap dès la page d’accueil dans le cas où l’accessibilité n’a pas encore été mise en œuvre, et de lui offrir un moyen de contact facile avec l’équipe en charge du site et avec la structure en charge de la mise en œuvre de l’accessibilité. Par ailleurs, à l’heure de l’internet « dynamique », il faut préciser que la forme (aspect visuel et « maquette » des pages internet) et les contenus sont de mieux en mieux séparés, la grande majorité des sites reposant sur des bases de données et sur un logiciel serveur, par exemple de type « CMS »51, générant les pages aux usagers à la demande à partir de modèles de pages définis pour les différentes rubriques et styles d’affichage des documents et des contenus présents en base de données. Dans certains cas, un seul gabarit dit « de rubrique » déterminera l’affichage de toutes les pages de rubrique sur un même site internet, de même qu’un « gabarit de page article » définira le style et l’affichage de toutes les pages de contenu de ce même site. Il est recommandé aux responsables de sites internet publics de mettre en accessibilité de façon prioritaire les gabarits communs à l’ensemble du site internet pour les différentes pages de rubrique et de contenu, ceci afin de permettre la bonne navigation des usagers sur le site en question. c. L’exception patrimoniale pour les archives de sites internet La question de la mise en accessibilité des archives des sites publics a soulevé un important débat au sein du groupe de travail. En effet, il est tout d’abord apparu nécessaire de garantir aux personnes en situation de handicap un accès normal et dans des conditions satisfaisantes aux archives des sites internet publics, ceci afin de leur permettre un libre accès à la culture et aux recherches documentaires. Pour autant, l’opération consistant à modifier ou altérer un document archivé et authentifié comme source historique datée peut sembler contraire au principe patrimonial de la conservation dans son état initial des documents historiques, à des fins de recherche, de mémoire, ou encore d’authentification. En outre, la faisabilité financière de telles opérations, eu égard au grand nombre de pages conservées au titre d’archives, pourrait être difficile à supporter pour les services publics qui les tiennent à disposition du public. Ceux-ci pourraient par ailleurs choisir une stratégie d’évitement qui consisterait à supprimer tout accès public aux archives afin de s’exempter de l’obligation de mise en accessibilité de leurs archives. A contrario, une telle exception risquerait d’encourager certains acteurs à ne pas rendre accessibles certains de leurs contenus plus anciens en les classant de façon abusive « archives », ceci leur permettant de s’affranchir de toute obligation de mise en conformité avec les règles de l’accessibilité. Il importe donc de limiter au maximum le champ d’application de cette exception.

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Content Management System : littéralement « système de gestion de contenus », logiciel installé côté serveur et permettant d’affranchir les producteurs de contenus des contraintes techniques en leur fournissant une interface simplifiée pour la publication desdits contenus sous forme standardisée à partir des modèles ou « gabarits » prédéfinis par les prestataires techniques et les créatifs.

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Le Forum tient à attirer l’attention des pouvoirs publics sur la contradiction entre les finalités de conservation patrimoniale des sites internet conférée à certains acteurs publics et la mise en conformité aux règles d’accessibilité de toutes les pages et documents d’un site internet52. Le Forum leur recommande par conséquent d’exclure expressément du champ de l’obligation de mise en conformité aux règles d’accessibilité les contenus relevant de la mission de sauvegarde à titre patrimonial de l’internet par les acteurs publics désignés par la loi53. Il est recommandé à la future structure de pilotage en charge du déploiement de l’accessibilité de déterminer quels sont les sites, rubriques de sites ou documents pouvant relever de l’exception en faveur des sites ayant pour mission la sauvegarde à titre patrimonial de l’internet et d’arbitrer les exonérations demandées par les acteurs publics concernés. Les exploitants concernés mettront en œuvre une solution de compensation 54 permettant aux utilisateurs en situation de handicap, sur leur demande expresse, d’obtenir un accès aux documents demandés figurant dans les archives des sites internet. B. Ŕ Les règles de l’accessibilité Lorsque l’on souhaite rendre accessible un site internet, comment faut-il procéder ? Existe-t-il des recommandations techniques à ce sujet ? S’il en existe plusieurs, lesquelles faut-il appliquer ? Le Forum tient à signaler aux pouvoirs publics que de nombreux acteurs publics et privés ont fait part de leur inquiétude concernant l’utilisation d’un document d’application complexe, et dont la mise en œuvre semble nécessiter plus de ressources que celles requises par les recommandations internationales à proprement parler. L’article 47 de la loi de 2005 est pourtant clair concernant les règles techniques de l’accessibilité, et dispose que « les recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne ». Il est indiqué ensuite qu’un « décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à l’accessibilité et précise, par référence aux recommandations établies par l’Agence pour le développement de l’administration électronique, la nature des adaptations à mettre en œuvre ». Le cadre juridique de l’accessibilité en France est posé : l’obligation légale repose sur les recommandations internationales, appliquées suivant la méthode précisée dans la méthode d’application établie par l’Agence pour le développement de l’administration

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Cette contradiction juridique donne lieu à de sérieuses difficultés d’application au Canada, où Bibliothèque et Archives Nationales du Canada est prise en tenaille entre sa mission d’archivage à titre patrimonial des contenus numériques et la politique volontariste de mise en conformité aux règles d’accessibilité poussée par les pouvoirs publics. http://www.collectionscanada.gc.ca/index-f.html Voir notamment, concernant les archives, les articles 221-1 et suivants du Code du patrimoine, et concernant le dépôt légal, l’article L132-2-1 du Code du patrimoine, ajouté par l’article IV de la loi n°2006961 du 1er août 2006 sur le Droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information, qui charge La Bibliothèque nationale de France (BNF) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) d’effectuer le dépôt légal des œuvres sous forme numérique : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MCCX0300082L Sur le droit à la compensation, voir supra page 15 « Le droit à la compensation ».

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électronique (ADAE) 55, le décret d’application assure la mise en œuvre de ce dispositif. Il faut par ailleurs prévoir la procédure d’adaptation de ce cadre en cas d’évolution des recommandations internationales. 1. Ŕ Les recommandations internationales pour l’accessibilité La loi fait en premier lieu référence aux « recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet ». Une formulation qui fait indirectement référence aux travaux du Web Consortium « W3C », organisme de référence au niveau international et dont la mission consiste à fixer les standards techniques et ergonomiques de l’internet. Le W3C est un consortium international fondé en 1994, doté d’une équipe permanente et de représentations dans de nombreux pays, administré conjointement par le MIT Computer Science and Artificial Intelligence Laboratory (CSAIL), l’European Research Consortium for Informatics and Mathematics (ERCIM) et l’université de Keio (Japon)56. Le W3C s’est rapidement doté d’une équipe de spécialistes « accessibilité » dans le but de formuler des recommandations pour la mise en accessibilité d’un site internet, la « Web Accessibility Initiative»57 (initiative pour l’accessibilité de l’internet). Cette initiative a conduit à la publication le 5 mai 1999 de la Recommandation intitulée « Web Content Accessibility Guidelines »58 (recommandations pour l’accessibilité des contenus internet), communément désignées sous leur acronyme WCAG. Ces règles ont été reconnues par la Commission Européenne comme le standard international pour tous les sites internet publics59. La version en vigueur aujourd’hui est toujours la 1.0, mais une réécriture complète de ces recommandations est sur le point d’être finalisée. La version 2.060 a en effet été publiée sous forme de « Proposed Recommendation » le 3 novembre 2008 pour adoption par les membres du W3C prochainement. Les WCAG 1.0 sont utilisées par de nombreux sites internet soucieux de l’accessibilité de leurs contenus dans le monde entier. Certains sites choisissent de montrer à leurs visiteurs leur niveau de conformité à ces critères d’accessibilité en affichant l’un des logos proposés par le W3C. Composé de 14 recommandations déclinées sur 65 points de contrôle permettant aux responsables du site internet d’effectuer des tests de validation sur leurs pages, le document prévoit plusieurs niveaux de conformité classés par « priorité » :

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L’Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE) était une agence gouvernementale française rattachée aux services du Premier ministre, créée par un décret n°2003-141 du 21 février 2003 dans le cadre du projet ADELE (ADministration ÉLEctronique), et refondue dans la DGME par le décret n°2005-1792. Pour plus de détails, consulter « About the World Wide Web Consortium » (à propos du World Wide Web Consortium) sur le site du W3C : http://www.w3.org/Consortium/ Pour plus d’informations sur la structure et ses travaux, consulter le site du WAI : http://www.w3.org/WAI/ Les WCAG 1.0 en ligne sur le site du W3C : http://www.w3.org/TR/WCAG10 Annoncé dans le plan eEurope 2002 puis confirmé par le plan eEurope 2005 : http://europa.eu.int/information_society/eeurope/2002/index_en.htm Consulter la Recommandation des WCAG 2.0 sur le site du W3C, dont la version actuelle est en statut de « Recommandation proposée », en date du 3 novembre 2008 : http://www.w3.org/TR/WCAG20/

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priorité 1 : éléments obligatoires et indispensables à mettre en œuvre pour l’accès de tous les usagers à l’information, correspondant au niveau A de conformité ; priorité 2 : éléments importants à mettre en œuvre levant des obstacles majeurs à l’accessibilité de l’information chez certains utilisateurs, correspondant au niveau double-A (AA) de conformité ; priorité 3 : éléments pouvant être mis en œuvre pour faciliter l’accès de certains contenus à certains utilisateurs, correspondant au niveau triple-A (AAA) de conformité.

Selon le point 31 de la résolution du parlement européen du 13 juin 2002, le niveau minimal à atteindre pour les sites internet publics est la conformité double-A (AA). C’est le niveau recommandé par l’initiative « eInclusion » de la Commission européenne. 2. Ŕ La méthode d’application : le RGAA La méthode d’application, intitulée « Référentiel général pour l’accessibilité des administrations » (RGAA) est le document technique préparé par la DGME et qui précise, selon l’article 47 de la loi de 2005, « la nature des adaptations à mettre en œuvre ». Ce document a été publié en 2007 sur le site des référentiels de l’État, mais aucune date de sortie « officielle » ni de numéro de version n’a été indiqué. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de préciser le numéro de version sur le document d’application ainsi que sur toutes les pages à caractère officiel où il peut être téléchargé. Compte tenu de l’importance pratique de ces règles techniques, il est également recommandé de préciser au public s’il s’agit d’un document final, ou d’un document qui est encore susceptible d’évolutions. Enfin, il est recommandé de préciser la date de toute nouvelle version du référentiel, afin de faciliter l’identification et l’ancienneté des différents documents publiés. Concernant la mise en œuvre de ces recommandations méthodologiques, les pouvoirs publics pourront se référer utilement aux référentiels d’accessibilité du W3C, qui précisent, en préambule de chaque document, le numéro de version, la date d’adoption de la Recommandation, les différentes versions et traductions disponibles, le statut du document et son processus d’adoption. En l’absence du décret d’application de la loi de 2005, le référentiel français ne bénéficie pas d’une valeur normative et contraignante. Il est cependant mentionné à quelques reprises sur des sites publics61. Le Forum des droits sur l’internet recommande aux rédacteurs du décret d’application de reprendre la « hiérarchie » des documents de référence, énoncée dans l’article 47 de la loi, et de les présenter suivant le même ordre, les recommandations internationales devant apparaître en premier, la méthode d’application venant ensuite, dès lors qu’elle constitue un outil de mise en conformité aux recommandations internationales en vigueur. Afin d’assurer la stricte compatibilité du référentiel d’application proposé par la DGME avec les règles internationales, il est également recommandé de préciser dans le décret d’application que le référentiel d’application « reprend les standards internationaux de l’accessibilité tels que définis par le W3C », et qu’il en constitue la méthode d’application.

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À l’heure de la rédaction de cette Recommandation, le site officiel du RGAA, rgaa.referentiels.modernisation.gouv.fr est indisponible. Il est néanmoins possible de le télécharger à partir de l’adresse suivante : rgaa.dgme.fr.

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Le document est une méthode d’application de toutes les recommandations estimées non obsolètes des WCAG de priorité 1, 2 et 3. Il s’agit d’une déclinaison des WCAG 1.0 au niveau des tests unitaires62. Il détaille les modalités de leur mise en œuvre, de test et de validation de façon détaillée. Le document compte 300 pages et ne comporte pour le moment pas de textes d’accompagnement, de présentation, ou d’annexes. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de faire référence dès la première page du document aux règles du W3C et d’indiquer un lien hypertexte vers la dernière version en vigueur des WCAG, les points de contrôle du référentiel étant l’application des recommandations du W3C. Le caractère « obligatoire » ou « recommandé » de chaque test est mentionné, mais il ne correspond pas aux niveaux de priorité définis par le W3C. Il en résulte que des points de contrôles obligatoires selon la priorité double-A du W3C ne sont que « recommandés » dans le RGAA63 tandis que certains points de contrôle de priorité triple-A sont quant à eux obligatoires64. Le RGAA fait par ailleurs référence à la méthode d’application Unified Web Accessibility Evaluation Methodology (UWEM)65, actuellement en version 1.2, développée en 2003 par le consortium WABcluster sur demande de la Commission européenne. Compte tenu de la pluralité de niveaux de conformité définis dans le référentiel international (A, AA, AAA), le Forum recommande de mentionner de façon claire dans la méthode d’application que le niveau de priorité obligatoire retenu dans le RGAA est le niveau double-A, niveau d’accessibilité minimal déterminé par la Commission Européenne66. Il recommande aux pouvoirs publics de modifier les paragraphes « priorité » figurant dans la méthode d’application pour les aligner avec les niveaux de priorité définis dans les WCAG dans leur version en vigueur, le rôle de la méthode d’application n’étant pas de définir quelles sont les règles applicables, mais simplement de proposer une méthode de déclinaison de celles-ci. Concernant la qualification de certains points de contrôle des WCAG 1.0 « d’obsolètes » et l’ajout de nouveaux tests qui ne seraient pas requis par le niveau de conformité minimal double-A du W3C67, le Forum des droits sur l’internet recommande aux pouvoirs publics de réétudier avec précaution ces points. Ces différences rendent en effet difficiles68 la conformité totale d’un site transnational qui souhaite s’engager dans

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Le document reprend les points de contrôle des WCAG 1.0 à l’exception notable de deux points qualifiés d’ « obsolètes » dans la méthode d’application. Voir par exemple le point de contrôle 8.1 « rendre accessibles les éléments programmables », recommandé selon le seul test (8.1.1) du RGAA, et de niveau de priorité A du W3C. Voir par exemple le point de contrôle 4.3 « identifier la langue de traitement et son sens de lecture », obligatoire selon les tests 4.3.1 et 4.3.2 du RGAA, mais de priorité triple-A selon le W3C. Le document UWEM 1.2 propose une méthodologie d’application stricte de tous les points de contrôles de priorité AA des WCAG 1.0 ainsi qu’une méthode d’évaluation et d’audit des sites internet. Cette méthode a été réalisée par 23 organisations de 13 États membres en étroite collaboration avec les experts du W3C. Elle a été versée aux travaux communautaires relatifs à l’élaboration d’une norme d’accessibilité européenne dans le cadre du mandat 376 de la Commission européenne. http://www.wabcluster.org/uwem1_2/. Voir supra « Les recommandations internationales pour l’accessibilité », page 20. Certains tests absents des WCAG 1.0 mais présents dans la future version des WCAG 2.0 ont été repris dans le RGAA. Les outils de tests automatisés de l’accessibilité disponibles (voir infra note 93 page 30 pour des exemples) ne pourront pas valider la conformité des sites internet avec les tests qui n’étaient pas prévus dans les WCAG 1.0, ce qui peut rallonger le processus de validation.

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une démarche d’accessibilité auprès de plusieurs pays européens sur la base du niveau AA des recommandations internationales stricto sensu. Néanmoins, compte tenu des délais imposés par la procédure de publication des textes d’application, les pouvoirs publics peuvent s’appuyer sur les WCAG 2.0, actuellement en phase finale d’adoption69, afin d’arbitrer ces points. 3. Ŕ Le dispositif d’évolution Il est nécessaire de prévoir dans le décret le mécanisme d’adaptation du référentiel d’application français aux évolutions des recommandations internationales, afin de s’assurer de la conformité dans le temps de la méthode d’application avec les standards internationaux de l’accessibilité. Les recommandations pour l’accessibilité du W3C, les WCAG 1.0, en vigueur depuis plusieurs années, sont d’ailleurs sur le point de passer à une version entièrement nouvelle70. Il faudra ensuite prévoir le délai dont disposeront les exploitants de services de communication publique pour mettre en conformité leurs pages lors d’une évolution des recommandations internationales, et déterminer le point de départ de ce délai, qui pourrait être la publication de la nouvelle version des recommandations internationales ou de la méthode d’application française. Il est recommandé aux pouvoirs publics de déterminer dans le décret d’application, en concertation avec les acteurs responsables de l’évolution de la méthode d’application, le délai et la procédure de « transposition » des standards internationaux de l’accessibilité dans la méthode d’application française, en tenant compte des ressources budgétaires disponibles et des délais de validation qui seront nécessaires. Le Forum recommande par ailleurs à la structure de pilotage de coordonner la mise en œuvre des nouvelles recommandations internationales de l’accessibilité par les exploitants publics et de s’assurer de la progression globale du niveau de conformité en cas d’évolution de ces recommandations.

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Les WCAG 2.0 ont été proposées aux membres du W3C pour adoption le 3 novembre 2008 : http://lists.w3.org/Archives/Public/w3c-wai-ig/2008OctDec/0091.html Sur les WCAG 2.0 voir supra note 60 page 20 et note 69 page 23.

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II. Ŕ LE DISPOSITIF DE MISE EN ŒUVRE ET DE CONTRÔLE L’article 47 de la loi de 2005 ne fait pas référence à une structure ou à un organisme particulier en ce qui concerne la conduite de la mise en conformité aux règles de l’accessibilité des services de communication en ligne. Pourtant, compte tenu de l’importance du dispositif à mettre en place, de la technicité des règles de mise en conformité, et du grand nombre d’exploitants publics concernés par l’obligation, il semble nécessaire de confier ces missions à une structure dédiée à cette tâche. Cet organisme sera désigné sous le nom de « structure de pilotage » de l’accessibilité pour les besoins de l’exposé. Le Forum recommande aux pouvoirs publics la mise en place d’une structure de pilotage assurant les différentes missions afférentes à la mise en œuvre de la conformité aux règles de l’accessibilité des services de communication publique dans un objectif d’amélioration continue de l’accessibilité. Compte tenu de la procédure longue d’adoption et de publication du décret d’application71, le Forum des droits sur l’internet recommande aux pouvoirs publics de définir le plus clairement possible cette structure de pilotage (A) et son plan de déploiement (B), afin d’envoyer un signal clair aux acteurs concernés et aux usagers 72, et d’assurer une bonne visibilité de l’agenda de mise en œuvre pour les responsables de sites internet publics, paramètre essentiel à la réussite du dispositif. La valorisation des bonnes pratiques et les sanctions encourues en cas de non respect des obligations posées (C) doivent également être étudiées, celles-ci pouvant en effet nécessiter des ajustements réglementaires ou législatifs. A. Ŕ La structure en charge du pilotage de l’accessibilité Quelle doit être la philosophie générale de régulation et de pilotage de la mise en conformité aux règles de l’accessibilité ? Dans ce cadre précis, la procédure retenue devra répondre à plusieurs objectifs : un objectif de souplesse, tout d’abord, afin de garantir la pérennité du dispositif pendant et après la phase de transition, au fil de l’évolution des standards internationaux de l’accessibilité ; un objectif de contrôle des démarches faites par les exploitants publics, ensuite, afin de s’assurer de l’effectivité des efforts qu’ils auront porté ; un objectif de logique vertueuse, enfin, pour inciter les exploitants à se mettre en conformité aux règles et assurer le partage de la connaissance et des savoir-faire. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de privilégier une démarche incitative et souple afin de responsabiliser les acteurs concernés sur les enjeux de l’accessibilité numérique. La première voie envisageable est celle de la certification par une autorité qui assure le travail de vérification et de validation des règles techniques, en partenariat étroit avec chaque exploitant, afin de lui délivrer une marque de qualité strictement définie une fois l’ensemble des contenus diffusés vérifiés. Cette voie nécessiterait de la part des pouvoirs

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Voir partie III page 43 de la présente Recommandation. Cet aspect est au demeurant essentiel compte tenu de l’attente très longue (presque 4 ans) de la mise en œuvre des dispositions de l’article 47 de la loi de 2005.

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publics et des exploitants de services de communication publique des ressources financières et humaines importantes, et soumettait l’ensemble du dispositif à un cadre juridique fortement contraignant73. La seconde voie envisageable est celle d’un système autorégulé dans lequel les exploitants de services de communication effectuent eux-mêmes le travail de vérification et de validation de leurs contenus, et s’octroient ensuite un « label » attestant de leur conformité aux règles de l’accessibilité. Le rôle des pouvoirs publics est ici réduit au minimum, et le risque de voir des exploitants s’octroyer le label de façon abusive paraît important. Cette philosophie ne semble par ailleurs pas suffisante pour créer une logique vertueuse de mise en conformité chez les exploitants publics. La troisième voie est une solution intermédiaire dans laquelle chaque exploitant évalue lui-même avec précision la conformité de son service de communication avec les règles de l’accessibilité, au besoin en sollicitant l’avis de tiers experts en accessibilité, sous le contrôle de la structure de pilotage. Cette articulation repose tout d’abord sur les outils mis à disposition par la structure de pilotage pour les aider dans cette démarche, une partie de la validation des tests techniques pouvant être effectuée au moyen d’outils mis à disposition et adaptés par la structure de pilotage à partir des outils existants74, les autres tests étant guidés par un questionnaire de vérification des tests « humains ». Elle repose ensuite sur un système de déclaration par lequel les exploitants attestent auprès de la structure de pilotage et sur leur propre site de la conformité de leur service de communication aux règles de l’accessibilité, ou font état de leurs démarches de mise en conformité. La structure de pilotage effectue, ensuite, un contrôle a posteriori, sur plainte ou à son initiative, sur les déclarations déposées. Dans ce cadre, la structure de pilotage doit s’assurer que les exploitants publics mettent en œuvre des démarches de mise en conformité aux règles de l’accessibilité, et qu’il y a une progression effective du niveau de conformité des services concernés par l’obligation. Elle assure par ailleurs un rôle indispensable d’accompagnement, d’information et de formation des acteurs concernés, tout en effectuant des contrôles réguliers à partir des informations publiées sur les services de communication et des données recueillies dans le cadre de leur validation de conformité aux règles de l’accessibilité.

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D’après l’article L. 115-28 du Code de la Consommation, « peuvent seuls procéder à la certification […] les organismes qui ont déposé auprès de l’autorité administrative une déclaration relative à leur activité et contenant notamment toutes informations nécessaires en ce qui concerne les mesures destinées à garantir leur impartialité et leur compétence ». L’article R. 115-8 du Code de la Consommation prévoit que « les référentiels doivent […] être élaborés et validés en concertation avec des représentants des diverses parties intéressées, et notamment les associations ou organismes représentatifs des professionnels, les associations ou organismes représentatifs des consommateurs et des utilisateurs, ainsi que des administrations concernées. Lorsqu’il s’agit de documents élaborés unilatéralement, ils doivent au moins être validés par les représentants des diverses parties intéressées précitées. L’organisation de la concertation et de la validation incombe à l’organisme certificateur qui est tenu d’y associer l’ensemble des partenaires intéressés. » Selon l’article L. 115-28 alinéa 4, « l’existence des référentiels fait l’objet d’une mention au Journal officiel de la République française. Leur consultation s’effectue soit gratuitement sur place auprès de l’organisme certificateur, soit par la délivrance de copies aux frais du demandeur. » La mention au JO concerne non pas le référentiel d’accréditation de l’organisme certificateur mais le référentiel des produits ou services certifiés. L’article R. 115-11 du même code détaille les modalités de la publication au JO. Selon le texte réglementaire, la publication au JO comporte « le nom et l’adresse de l’organisme certificateur, l’identification précise du […] service concerné ainsi que les éléments essentiels du référentiel, et notamment les caractéristiques certifiées faisant l’objet d’un contrôle ». Voir infra note 93 page 30.

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Plusieurs institutions du monde numérique ont mis en pratique ces méthodes de gouvernance avec succès et peuvent être citées pour illustrer le propos, tel que le système PEGI75, en ce qui concerne le classement par tranches d’âge des jeux vidéo, ou encore Health On the Net76 (HON), concernant la « certification » de la qualité de l’information médicale. Dans la ligne posée par les travaux préparatoires des pouvoirs publics sur le sujet de l’accessibilité et afin d’établir une dynamique vertueuse de mise en conformité des acteurs concernés, le Forum recommande aux pouvoirs publics de mettre en place l’auto-évaluation des acteurs publics sous le contrôle d’une structure de pilotage. Concernant la méthodologie de vérification de la conformité, il est recommandé à la structure de pilotage de s’inspirer des recommandations européennes formulées par le Comité européen de normalisation (CEN) dans le CEN Workshop agreement n°15554 en date d’avril 200677 et des normes ISO78 y afférentes. 1. Ŕ Organisation de la structure de pilotage a.

Forme juridique de la structure de pilotage

Le Forum des droits sur l’internet considère qu’il est indispensable de donner une impulsion politique et des moyens suffisants pour mettre en œuvre de façon pérenne et durable l’accessibilité sur les sites publics français. Il semble par ailleurs important de constituer un « guichet unique » permettant aux usagers et aux exploitants de services de communication de s’informer et d’effectuer leurs démarches auprès d’un acteur formellement identifié. Concernant la forme juridique de la structure de pilotage, les pouvoirs publics pourront choisir différentes options relevant du secteur public ou privé79, dès lors que cette structure dispose des moyens nécessaires pour remplir ses missions et d’un statut souple lui permettant de s’adapter aux évolutions du secteur. 75

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Voir le site officiel du Pan European Game Information (PEGI), et une présentation succincte de ses activités sur le site du Forum des droits sur l’internet. Le système appartient à la Fédération européenne des logiciels de loisirs (ISFE) ; un groupe d’experts indépendants formule les normes de classement qui sont appliquées par le l’Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (NICAM) aux éditeurs qui ont rempli un formulaire automatisé en ligne ; un canal de plainte (Complaint board) permet quant à lui aux utilisateurs de faire remonter les contestations éventuelles. http://www.pegi.info/fr/ Voir le site officiel de la Fondation la santé sur internet (Health on the Net) et les principes garantis par le HONCode. En France, cette institution a été choisie par la Haute Autorité de santé (HAS) pour certifier les sites de santé. http://www.hon.ch/med_prof_f.html Dans le cadre du projet Support-EAM financé par la Commission européenne, le CEN a établi, en concertation avec 42 organisations de 14 États membres, un recueil de « spécifications pour un schéma d’évaluation de la conformité du Web et pour une marque de qualité de l’accessibilité du Web ». Une traduction française de ce document est également disponible sur le site de l’association BrailleNet : http://www.accessiweb.org/_repository/files/version_francaise_CWA_WAC_15554_20juin2006.doc EN 45011:1998, Exigences générales relatives aux organismes procédant à la certification de produits ; EN ISO/IEC 17000:2004, Évaluation de la conformité – Vocabulaire et principes généraux ; EN ISO/IEC 17020:2004, Critères généraux pour le fonctionnement de différents types d’organismes procédant à l’inspection ; EN ISO/IEC 17050-1:2004, Évaluation de la conformité – Déclaration de conformité du fournisseur – Partie 1 : Exigences générales ; EN ISO/IEC 17050-2:2004, Évaluation de la conformité – Déclaration de conformité du fournisseur – Partie 2 : Documentation d’appui ; ISO 10002:2004, Management de la qualité - Satisfaction des clients - Lignes directrices pour le traitement des réclamations dans les organismes. Ces normes sont disponibles en français sur le site de l’AFNOR : http://www.boutique.afnor.org/ Un statut privé ne pourra être retenu si la structure de pilotage doit appliquer auprès des acteurs publics des sanctions financières de nature administrative.

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Elle devra, dans tous les cas, respecter les règles de l’accessibilité qu’elle préconise pour ses services de communication au public, et notamment son site internet d’information. b.

Financement de la structure de pilotage

La question du financement de la structure de pilotage est déterminante et devra prendre en compte les besoins exprimés dans la présente Recommandation. Il sera par ailleurs utile de se référer aux structures mises en place dans d’autres États pour la mise en œuvres des règles de l’accessibilité. Concernant la dotation en ressources financières et humaines de la structure de pilotage de l’accessibilité, le Forum recommande aux pouvoirs publics de mener une étude comparative des différentes institutions existant déjà dans ce domaine80 au niveau européen. Le financement de cette structure de pilotage pourrait être pris en charge au moins en partie par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie81, un établissement public créé par la loi du 30 juin 200482 disposant d’un budget conséquent83 et dont les missions sont de financer les aides en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et pour l’ensemble des handicaps, et d’assurer une mission d’expertise, d’information et d’animation pour suivre la qualité du service rendu aux personnes. En ce qui concerne le financement spécifique de la mise en accessibilité des intranets, le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des fonctions publiques d’État (FIPHFP), un établissement public dont la mission est de « favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière »84 pourrait prendre en charge de manière plus significative le dispositif, qui relève de ses attributions. c. L’appui d’un réseau de correspondants locaux La loi de 2005 a mis en place des commissions d’accessibilité dans les communes de plus de 5 000 habitants ayant pour mission le suivi et l’accompagnement de la mise en œuvre de l’accessibilité du bâti85. Le champ d’action de ces commissions, composées notamment de représentants des personnes handicapées, pourrait être utilement étendu à l’accessibilité des services de communication en ligne, afin d’éviter de concentrer tout 80

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Selon l’étude réalisée en 2005 par l’institut Cabinet Office en Grande Bretagne sous forme d’un questionnaire envoyé aux 25 États membres, 14 répondants indiquent disposer de moyens spécifiques pour surveiller et contrôler le niveau d’accessibilité des sites publics : http://archive.cabinetoffice.gov.uk/e-government/resources/eaccessibility/content.asp Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, voir le site de la CNSA, http://www.cnsa.fr/ L’établissement public a été installé le 1er janvier 2006, l’éventail de ses missions ayant été précisé et élargi par la loi du 11 février 2005. Le budget prévisionnel adopté par le CNSA le 14 octobre 2008 pour l’année 2009 s’élève à 18,33 milliards d’euros. Pour en savoir plus sur sa composition, consulter « Le budget 2009 de la CNSA est adopté mais suscite des remous », 15 octobre 2008, Jean-Noël Escudié / PCA, localtis.info. Pour plus de détails, voir le site internet du FIPHFP : http://www.fiphfp.fr/ L’article 46 de la loi de 2005 a inséré un nouvel article L. 2143-3 dans le Code général des collectivités territoriales, qui dispose que « dans les communes de 5 000 habitants et plus, il est créé une commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées composée notamment des représentants de la commune, d’associations d’usagers et d’associations représentant les personnes handicapées. Cette commission dresse le constat de l’état d’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports. Elle établit un rapport annuel présenté en conseil municipal et fait toutes propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité de l’existant. »

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le travail d’accompagnement, de vérification et de contrôle sur la structure de pilotage en charge au niveau national. Est également prévue dans la loi86 la possibilité de créer des commissions intercommunales pour les communes de moins de 5 000 habitants qui souhaiteraient disposer de ces structures. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de permettre à la structure de pilotage de s’appuyer sur un réseau de correspondants locaux afin d’aider les collectivités territoriales dans leurs démarches de mise en œuvre de l’accessibilité. Pour ce faire, il suggère d’élargir le domaine de compétence des commissions d’accessibilité communales, intercommunales et d’arrondissement à l’accessibilité des services de communication en ligne. Cette solution permettrait en outre de stimuler l’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. 2. Ŕ Missions La structure de pilotage devrait mener plusieurs missions afin de s’assurer de la bonne mise en œuvre de l’accessibilité sur les sites publics : a. Le pilotage stratégique et la coordination des acteurs publics Dans la mesure où le nombre de sites, de services et de canaux concernés est considérable, il importe de mettre en place une structure apte à fixer et à ajuster en permanence une stratégie globale d’amélioration continue de l’accessibilité. Ce rôle stratégique ne devra pas s’arrêter au contrôle du respect des standards internationaux, puisque le travail sur l’accessibilité numérique est destiné à évoluer en fonction des usages et des technologies de consultation. Le Forum estime nécessaire de confier à la structure une mission de pilotage stratégique. Pendant la phase transitoire, elle fixera notamment des objectifs annuels d’amélioration, évaluera les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ces objectifs et en assurera la diffusion auprès de tous les acteurs concernés. Il semble par ailleurs indispensable que la structure de pilotage assure l’accompagnement et la coordination des acteurs concernés par l’obligation de mise en accessibilité, afin de les faire entrer dans une démarche positive et de leur fournir toutes les informations nécessaires. Eu égard à la mission de coordination des exploitants de services de communication publique, qui sera prioritaire, le Forum recommande à la structure de pilotage de mettre à disposition des acteurs publics une plate-forme internet à partir de laquelle ceux-ci pourront notamment : - trouver toutes les informations et documents techniques et aides nécessaires à la mise en place d’une politique d’accessibilité ;

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L’article L. 2143-3 du Code général des collectivités territoriales dispose : « des communes peuvent créer une commission intercommunale. Celle-ci exerce pour l’ensemble des communes concernées les missions d’une commission communale. Cette commission intercommunale est présidée par l’un des maires des communes, qui arrêtent conjointement la liste de ses membres. » http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnCode?code=CGCTERRM.rcv

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- accéder à la clause de conformité aux règles d’accessibilité devant être incluse dans les cahiers des charges de projets internet ; - accéder à des outils de vérification automatisés87 et à un formulaire en ligne permettant de guider la vérification « humaine » de conformité aux règles de l’accessibilité. La structure de pilotage devra par ailleurs veiller à la bonne mise en œuvre du principe de compensation si certaines ressources demeurent inaccessibles, et coordonner l’application de l’exception en faveur des services proposant des archives de sites internet. Au niveau local, les mesures de compensation pourront être mises en œuvre par les commissions d’accessibilité88 présentes dans les communes de plus de 5 000 habitants. Une plate-forme publique pourrait enfin proposer une interface conviviale aux collectivités, et notamment aux communes de moins de 5000 habitants, leur permettant, à partir des informations qu’ils souhaitent mettre en ligne, de créer un site dynamique et facilement modifiable, conforme aux règles de l’accessibilité, à l’instar des plates-formes de « blogs » qui ont rencontré un vif succès chez les particuliers en France notamment 89. Ces plates-formes affranchissent en effet les internautes des savoir-faire techniques nécessaires à la réalisation d’un site internet autonome. Afin de faciliter la mise en ligne de contenus conformes aux règles de l’accessibilité, le Forum invite les pouvoirs publics à réfléchir, à plus long terme, à la création d’une plateforme mutualisée de sites internet. Les pages générées par cette plate-forme devraient également respecter les critères de qualité de la charte ergonomie90 des services publics. b. La mission d’information La structure de pilotage veillera à sensibiliser les acteurs publics, les prestataires techniques, les producteurs de contenus et le grand public sur le sujet de l’accessibilité, et tiendra informés les usagers de la réglementation applicable, de leurs droits et de leurs recours. En matière d’information, il pourrait être opportun d’indiquer aux acteurs concernés les solutions techniques91 qui permettent de faire facilement des sites internet accessibles, ce qui pourrait inciter les éditeurs ou auteurs de solutions à améliorer leurs outils de sorte qu’ils soient davantage conformes aux règles de l’accessibilité. Parallèlement à cette tâche d’identification des solutions techniques, la structure de pilotage pourra utilement mener des actions auprès des principaux éditeurs ou auteurs de ces solutions afin d’améliorer leur conformité aux règles de l’accessibilité.

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Un certain nombre de tests proposés dans le RGAA sont automatisables et ne nécessitent pas de vérification humaine. Voir supra page 27 note 85 sur les commissions communales d’accessibilité. Selon le rapport « Les médias et le numérique » de Danièle Giazzi publié à la Documentation française en septembre 2008, « La France compte 9 millions de blogs dont 2,5 millions de blogs actifs. Elle se classe ainsi au 4e rang mondial, après les États-Unis, la Chine et le Japon, et au premier rang mondial en nombre de blogs par internaute. » http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000612/0000.pdf Voir infra note 97 page 32 sur la Charte ergonomie des services publics. Exemples d’outils fréquemment utilisés par les exploitants de sites internet : systèmes de gestion de contenus (CMS), systèmes de gestion de documents (GED), systèmes de gestion de relations clients/ fournisseurs (CRM), système de suivi ou de travail collaboratif…

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Le Forum estime nécessaire que la structure de pilotage mette en ligne un site d’information de référence, conforme aux règles de l’accessibilité, pour sensibiliser les acteurs publics et le grand public à l’accessibilité et aux démarches de qualité. Ce site d’information de référence comportera notamment un « observatoire des usages » visant à informer les internautes et les exploitants publics de l’évolution des pratiques en matière d’accessibilité et des différents outils leur permettant de produire des pages accessibles ou d’en effectuer la vérification lorsque cela est possible. L’observatoire pourra utilement réaliser un rapport annuel complet de l’accessibilité du parc de services de communication publique. La structure de pilotage indiquera par ailleurs sur son site d’information le contenu minimal des formations à l’accessibilité qui devront être dispensées aux acteurs concernés. c. La mission de vérification et de contrôle La structure de pilotage devra effectuer des contrôles réguliers afin de s’assurer du respect de l’obligation d’accessibilité des sites internet, de la mise en ligne d’informations relatives à l’accessibilité pour les sites en période de transition exonérés de l’obligation d’accessibilité, et de la mise en œuvre des mesures de compensations de l’article 11 de la loi de 200592. Concernant les vérifications des sites déclarés conformes, le Forum recommande aux pouvoirs publics de s’efforcer d’automatiser au maximum ces procédures de vérification. Il est en effet apparu que de nombreux outils de vérification de conformité aux règles d’accessibilité existaient93, et que ces outils permettaient généralement de vérifier la conformité d’une partie non négligeable des points de contrôles des règles d’accessibilité. Concernant les vérifications des sites en période de transition (présence d’une page mentionnant les démarches accomplies par le site en termes d’accessibilité, mise en place progressive de l’accessibilité sur les pages du site), le Forum recommande aux pouvoirs publics de doter la structure de pilotage d’une liste de sites internet publics la plus exhaustive possible, qu’il sera possible de réaliser à partir de la base de données de sites publics tenue à jour par la Documentation française dans le cadre de son site internet service-public.fr (plus de 10 000 références) 94. Cette liste pourra être maintenue à jour par une démarche collaborative avec les différents acteurs concernés. Il est enfin recommandé à la structure de pilotage de s’assurer de la mise en œuvre du droit à la compensation de l’article 11 de la loi de 2005 par les exploitants publics de services de communication publique. d. La gestion d’un « canal de plaintes » Afin de permettre aux utilisateurs et aux associations de faire remonter les difficultés qu’ils rencontrent sur les différents sites qu’ils fréquentent, le Forum recommande la

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Sur le droit à la compensation, voir supra page 15 « le droit à la compensation ». Pour des exemples d’outils de vérification, consulter le site internet du WAI (Web Accessibility Initiative) qui en présente une liste exhaustive agrémentée d’options de recherche sélectives. La plupart de ces outils sont disponibles en ligne ou sous forme de modules pour les navigateurs internet. Il faut noter cependant qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une procédure de certification particulière. http://www.w3.org/WAI/ER/tools/complete Voir supra page 12 note 36 sur le débat lié aux listes de sites internet publics.

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mise en place d’un « canal de plainte95 » accessible par téléphone et par voie numérique auprès de la structure de pilotage. Les responsables de sites internet publics devront prévoir un lien vers le canal de plainte depuis la page « accessibilité » de leurs sites internet. e. Assurer la formation des personnels impliqués Ce point doit obligatoirement être repris dans le texte d’application, l’article 47 de la loi de 2005 disposant en effet que « le décret énonce en outre les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne. » Il est par conséquent recommandé aux pouvoirs publics : - de déterminer avec précision, dans le décret d’application, le contenu minimal des formations dispensées aux différents publics concernés et notamment les techniciens, créatifs, communicants, producteurs de contenus ; - de mener une action au niveau des formations universitaires (IUT, BTS, écoles d’ingénieurs, de création graphique, de communication et concours de la fonction publique), afin de faire progresser le niveau de compétence des prestataires et de diminuer le coût de réalisation de projets conformes aux règles d’accessibilité ; - de mener une action forte au niveau de la formation professionnelle continue, élément indispensable pour l’amélioration des compétences des personnels existants, au besoin avec l’appui des principaux syndicats de salariés et du MEDEF. Le décret d’application devra indiquer que la structure de pilotage participera à la définition des éléments essentiels des programmes, diplômes et certifications en matière d’accessibilité, en coopération étroite avec les différents ministères concernés 96. Les actions de formation pourraient être utilement relayées par un réseau de partenaires locaux. La question de l’accréditation préalable des organismes de formation par la structure de pilotage a fait l’objet d’un débat entre les participants. S’il peut en effet être bénéfique aux exploitants de services de communication publique d’avoir accès à une liste d’instituts de formation accrédités, il semble en revanche délicat de demander à la structure de pilotage d’évaluer les formations relatives à l’accessibilité et d’accréditer celles qui remplissent certains critères de qualité, compte tenu des coûts financiers que cela peut représenter. B. Ŕ Le plan de déploiement de l’accessibilité Considérant l’importance des éléments d’information relatifs à l’accessibilité des sites internet pour les usagers, le Forum recommande aux pouvoirs publics de rendre obligatoire pour tous les sites publics la création d’une page « accessibilité » faisant état du niveau de conformité du site internet et des démarches accomplies en cas 95

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Un tel canal de plainte a déjà été mis en œuvre avec succès, en France, dans le domaine de l’accessibilité des sites internet : les sites labellisés « Accessiweb » proposent en effet à leurs visiteurs de faire part de leurs difficultés d’utilisation auprès de BrailleNet, l’organisme délivrant le label d’accessibilité Accessiweb. Cet organisme a indiqué recevoir 1 à 2 messages en moyenne par an et par site internet labellisé. http://www.braillenet.fr/ En ce qui concerne la formation, sont notamment concernés le ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité et la Délégation interministérielles aux personnes handicapées, le ministère de l’Éducation nationale et la Délégation aux usages de l’internet (DUI), le ministère de la Recherche, le ministère de la Culture et de la Communication et la Direction du développement des médias (DDM).

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de non-conformité. Cette page devra être accessible directement depuis la page d’accueil du site internet, la forme exacte de ce lien pouvant faire l’objet de recommandations spécifiques de la « Charte ergonomie97 » des sites internet publics. Cette nouvelle obligation sera fixée dans le décret d’application de l’article 47 de la loi de 2005, et pourra donner lieu à des sanctions adaptées, a priori plus lourdes que le simple défaut de conformité, cette phase d’information des usagers et de la structure de pilotage étant indispensable pour la mise en place d’une dynamique vertueuse de mise en accessibilité des sites existants. Compte tenu de l’état de l’art en matière d’outils de publication côté serveur (CMS notamment), il est ressorti des échanges entre les participants du groupe de travail que le développement d’un nouveau site conforme aux règles d’accessibilité n’engendrait pas de surcoût significatif. En revanche, la mise en conformité d’un site préexistant en dehors du cadre d’une refonte importante de la forme peut générer des coûts importants qui peuvent être très variables suivant les choix techniques opérés et l’ancienneté des outils de publication dynamique utilisés. Rappelons que la phase transitoire de 3 ans permettra pour la plupart des responsables d’éviter de mener des travaux trop importants consacrés à la seule mise en accessibilité du site internet. Considérant cet état de fait, le Forum recommande aux pouvoirs publics de distinguer deux situations dans la mise en œuvre de l’obligation d’accessibilité : les nouveaux sites internet, et les sites préexistants. 1. Ŕ La mise en accessibilité pour les nouveaux sites internet Étant une obligation légale, la conception de nouveaux sites internet, de même que la refonte complète de l’interface publique, de l’ergonomie, ou de la charte graphique des sites préexistants, doit se faire avec pour objectif obligatoire la conformité totale aux recommandations exprimées dans le référentiel technique. Le Forum recommande aux pouvoirs publics l’application immédiate de l’obligation d’accessibilité à tout projet de développement d’un site internet public qui n’a pas encore fait l’objet d’un marché public. En ce qui concerne la passation de marchés publics, les exploitants de services de communication (pouvoir adjudicateur) qui souhaitent faire appel à un prestataire tiers doivent généralement passer par un appel d’offres98. Ils peuvent, dans ce cadre, faire référence aux cahiers des clauses administratives générales (CCAG), qui comportent un grand nombre de clauses visant à sécuriser le contrat liant l’administration avec le prestataire. Bien que cette pratique ne soit pas obligatoire 99, elle est néanmoins très répandue en raison de la sécurité juridique que cela apporte au pouvoir adjudicateur. Face au développement des nouvelles technologies et notamment des marchés portant sur la conception de sites internet, et dans le prolongement de l’adoption du nouveau Code des marchés publics de 2006, la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie a entrepris en 2006 la rédaction d’un CCAG consacré aux technologies de

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Charte en cours d’élaboration par les pouvoirs publics et posant un certains nombre de critères d’ordre ergonomique aux sites publics, afin d’assurer une continuité et une homogénéité des sites administratifs et de simplifier l’usage par le citoyen de ces outils. Si le marché atteint un certain seuil fixé par le Code des marchés publics. L’article 12 du Code des marchés publics, qui énumère les conditions de forme devant être remplies dans le cadre de la passation de marchés public, ne rend pas obligatoire la référence à un CCAG.

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l’information et de la communication100. Ce document a été amendé par les contributions reçues lors de plusieurs consultations, dont la dernière s’est achevée le 29 septembre 2008101. Le « CCAG-TIC »102 devrait être adopté avant la fin de l’année 2008103, mais il ne comprend pas de clauses relatives à la conformité aux règles de l’accessibilité. Afin de garantir l’efficacité du dispositif de mise en œuvre de l’accessibilité, le Forum recommande aux pouvoirs publics d’ajouter une partie « conformité à l’accessibilité » dans le projet de cahier des clauses administratives générales relatif aux technologies de l’information (CCAG-TIC), composée des clauses obligatoires de mise en accessibilité aux recommandations internationales telles qu’interprétées par le RGAA. Les sites accessibles devront obligatoirement faire figurer sur leur page « accessibilité » l’indication de la conformité aux règles d’accessibilité, éventuellement accompagnée d’un visuel graphique fourni par la structure de pilotage. Ils sont invités à reprendre ce visuel graphique sur toutes les pages de leur site. Ce dispositif devrait permettre, d’une part, une mise en conformité progressive de l’internet public, et, d’autre part, de tirer vers le haut le niveau de compétence des prestataires techniques français en matière d’accessibilité104. À moyen terme, c’est tout l’internet privé qui bénéficierait de cette montée en compétence des prestataires techniques. 2. Ŕ La difficulté posée par les refontes partielles des sites internet Se pose la question de savoir si le site internet d’un exploitant public qui a opéré une refonte partielle de son site internet pendant la période transitoire sort entièrement ou seulement partiellement du périmètre de la phase transitoire. Il semble logique de répondre que la partie ou les rubriques du site ayant été refondues relèvent de l’obligation de mise en conformité immédiate de l’article 47. En revanche, une refonte d’ordre purement éditoriale ou technique, visant par exemple à optimiser une base de données ou à renforcer la sécurité d’un applicatif, ne devrait pas emporter obligation de mise en conformité immédiate sur les pages et rubriques concernées. En ce qui concerne les refontes partielles de sites internet effectuées pendant la phase transitoire, le Forum recommande à la structure de pilotage de considérer que l’obligation de mise en conformité immédiate doit être appliquée sur les rubriques ou zones du site internet concernées par la refonte dès lors que des modifications graphiques, visuelles ou ergonomiques105 majeures y sont apportées.

100

. Pour plus d’informations sur le contenu de ce document, consulter la présentation du CCAG-TIC sur le site marche-public.fr : http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Textes/CCAG/CCAG-TIC/CCAG-TIC.htm 101 . Voir l’article « Dernier tour de concertation avant l’adoption définitive du projet de CCAG-TIC », 26 août 2008, localtis.info. 102 . La dernière version du projet de CCAG-TIC est téléchargeable depuis le site internet de la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi : http://www.minefi.gouv.fr/directions_services/daj/marches_publics/ccag/projet-ccag-tic.rtf 103 . Voir notamment l’article « Publication de l’ensemble des CCAG pour fin 2008 », 2 septembre 2008, localtis.info. 104 . Sur ce point particulier, voir infra page 48 les questions juridiques que cela peut poser au regard de l’application de la directive 2000/31/CE. 105 . C’est-à-dire des modifications portant sur les gabarits ou modèles de pages, parfois aussi appelés templates ou squelettes.

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3. Ŕ La mise en accessibilité pour les sites préexistants Compte tenu du coût parfois élevé de la mise en accessibilité des sites existants106, le Forum recommande aux pouvoirs publics d’établir une période de transition qui ne pourra excéder 3 ans durant laquelle les sites internet publics préexistants devront s’efforcer de mettre tous les moyens en leur disposition pour rendre leurs contenus accessibles, et notamment les contenus prioritaires mentionnés précédemment, tout en bénéficiant d’une exonération totale des sanctions relatives au défaut de mise en conformité de leur site internet. La durée et les modalités de la phase de transition devront figurer de manière expresse dans le décret d’application de la loi. Ce dispositif de transition n’exonère pas le responsable du site internet de l’obligation relative à la page accessibilité mettant en ligne les informations destinées au public et faisant état du défaut partiel ou total de conformité du site. Cette mention, dont la forme exacte reste à déterminer, pourra être complétée par une mention « site non accessible » sur la page d’accueil du site internet. Une fois passée la phase de transition, tous les sites internet publics devront être conformes à l’obligation légale d’accessibilité. C. Ŕ La valorisation des bonnes pratiques et les sanctions Conformément à ce qui a été indiqué précédemment, les pouvoirs publics doivent privilégier une dynamique positive ; en conséquence, ils devront valoriser les bonnes pratiques afin de susciter une dynamique positive chez les exploitants de services de communication publique. Par ailleurs, conformément à ce qu’exige la loi, une politique de sanctions devra être mise en place, dans un souci constant de proportionnalité et de mesure. 1. Ŕ La valorisation des bonnes pratiques L’objectif du dispositif proposé aux pouvoirs publics est de faire entrer le plus rapidement possible les exploitants et responsables de sites publics dans une démarche de mise en œuvre des règles de l’accessibilité. Au fil des débats, il est apparu nécessaire de prévoir différentes mesures de valorisation des bonnes pratiques des acteurs publics, afin de récompenser les efforts parfois importants qui pourront être faits. Il est tout d’abord recommandé à la structure de pilotage d’éviter de présenter l’obligation de mise en conformité sous l’angle de la contrainte, mais plutôt de communiquer sur les bénéfices multiples107 liés à la mise en accessibilité d’un site internet. Il pourra être bon de rappeler qu’un site accessible peut être utilisé par tous, ce qui est un principe fondamental du service public. Le principe d’égalité d’accès et de

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. L’Association des Régions de France (ARF) rapporte à titre d’exemple le cas du site internet de la région Alsace, dont la réalisation a coûté 30 000 euros, et la mise en conformité avec les règles de l’accessibilité, effectuée plus tard, le même prix. http://www.region-alsace.eu/ 107 . À ce sujet, voir notamment la mesure 11 page 38 du rapport produit par l’initiative Renaissance Numérique, qui illustre en détail les principaux bénéfices de la mise en conformité avec les règles de l’accessibilité. http://www.renaissancenumerique.org/files/RapportInitiativeFranceNumeriquePointCom.pdf

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traitement des citoyens par les services publics est issu des articles premier et 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de valeur constitutionnelle108. La mise en conformité aux règles de l’accessibilité garantira aussi une meilleure compatibilité des pages avec les différents logiciels de navigation, systèmes d’exploitation, matériels et terminaux numériques utilisés par les internautes. Cette précision est d’autant plus importante que les citoyens sont de plus en plus nombreux à utiliser des terminaux de téléphonie mobile pour accéder à l’internet109. Au-delà des aspects techniques, la remise à niveau et l’optimisation des interfaces de navigation facilitera l’usage des services de communication par toute la population, et notamment ceux qui ne bénéficient pas de compétences particulières en termes d’usages de l’internet. Les exploitants de sites, eux-mêmes, pourront tirer directement profit d’une mise en conformité de leur site avec les règles d’accessibilité. Reprises dans leur communication, ces démarches permettront de donner une image positive à l’administration concernée. En outre, dans la plupart des cas, un site conforme sera mieux référencé, la bonne structuration du contenu et la présence sous forme textuelle des mots représentatifs du contenu110 permettant une meilleure remontée de ces informations dans les moteurs de recherche. Par ailleurs, un site accessible offre de meilleures garanties en termes d’archivage et de conservation des données mises en ligne. Ces avantages s’appliquent à deux niveaux : la meilleure structuration du contenu permettra aux robots d’archivage automatique111 de découvrir et de copier un plus grand nombre de documents ; par ailleurs ces contenus eux-mêmes seront plus faciles à conserver sur le long terme grâce à l’emploi de standards plus pérennes. Un site accessible sera, enfin, plus facile à modifier et à faire évoluer, étant donné qu’il nécessite dès sa conception une séparation forte de la forme et du contenu 112. Cela signifie dans la plupart des cas un coût de maintenance réduit, et des économies financières substantielles à long terme. Afin de valoriser les efforts produits par les acteurs publics, il est recommandé à la structure de pilotage de mettre en avant sur son site d’information, dès la page d’accueil, les derniers sites internet mis en conformité aux règles d’accessibilité, et de présenter des liens vers ceux-ci. Cette citation officielle permettra d’augmenter la notoriété de ces sites et leur fréquentation.

108

. Voir la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ligne sur le site Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/const01.htm Article 1er : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. Article 6 : La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. 109 . Selon une étude TNS-Sofres réalisée en novembre 2007 et publiée le 22 juillet 2008, 51% des français disposent d’un téléphone mobile permettant d’accéder à internet, et 19% utilisent cette fonctionnalité. http://www.tns-sofres.com/etudes/telecoms/220708_gti.pdf 110 . Les mots tels que les titres des pages, le titre des sections et sous-sections du document, le titre des rubriques seront mis en avant si le site internet est développé dès l’origine dans une optique de conformité avec les règles de l’accessibilité. 111 . Ces robots d’archivage sont notamment utilisés par les institutions en charge du dépôt légal de l’internet au titre des articles L. 132-1 et suivants du Code du Patrimoine. 112 . On entend par « forme » l’habillage graphique et la maquette des pages internet, et « contenu » les différents éléments éditoriaux (textes, images, documents…) produits par l’organisme.

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Il est par ailleurs recommandé à la structure de pilotage d’organiser de façon annuelle une remise de prix récompensant les meilleurs projets internet en termes de conformité aux règles de l’accessibilité. Cet événement permettrait en outre de distinguer les meilleurs prestataires et de susciter une dynamique de qualité chez les acteurs privés. 2. Ŕ Quels comportements et quels acteurs doivent être sanctionnés ? Plusieurs dispositifs doivent être prévus parmi les outils proposés pour sanctionner les manquements aux obligations décrites précédemment : -

L’absence de mise en ligne de la page accessibilité sur un site internet public : le Forum recommande la mise en place de sanctions plus lourdes, étant donné la facilité de mettre en place cette page sur un site. Des sanctions administratives ou pénales d’ordre contraventionnel pourraient être adaptées.

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La non-conformité du site internet au référentiel technique : des sanctions plus légères pourront être retenues si le site internet a déjà engagé des travaux de mise en conformité accessibilité ou si la vérification échoue sur un ou plusieurs points de contrôle isolés.

Tous les exploitants publics doivent-ils être sanctionnés de la même façon en cas de manquement à ces obligations ? Les débats ont mis en exergue plusieurs difficultés dont il faudra nécessairement tenir compte dans la mise en œuvre du dispositif. Tout d’abord, il semble fort délicat de sanctionner les sites dont le coût comptable est égal à zéro, qui ont été développés dans de petites collectivités, souvent par des proches du personnel de la collectivité ou par le personnel administratif lui-même. Ces services de communication résultent d’une démarche souvent bénévole de leurs producteurs, qui n’auraient de toute façon pas eu les moyens de faire réaliser un site internet par un prestataire professionnel. Ensuite, il a été rapporté qu’une part importante des sites internet des communes de moins de 5000 habitants n’avait pas été mise à jour depuis plus de 3 ans. Pour éviter de voir les municipalités mettre hors ligne ces sites internet par crainte du dispositif, la structure de pilotage devra privilégier le dialogue avec les parties concernées plutôt que d’adopter une démarche coercitive. Il est recommandé à la structure de pilotage d’appliquer avec discernement les sanctions qui seront prévues par les textes réglementaires, eu égard notamment à la taille et aux moyens dont dispose l’acteur public concerné. 3. Ŕ Les sanctions proposées L’article 47 de la loi de 2005 dispose que le décret indique « les sanctions imposées en cas de non-respect de cette mise en accessibilité ». Le texte d’application devra donc obligatoirement prévoir des sanctions en cas de manquement à l’obligation de mise en accessibilité d’un site internet. Ces dispositions, fortement demandées par les usagers en situation de handicap, doivent cependant respecter le cadre législatif et constitutionnel strict en matière d’édiction de sanctions. Le Forum des droits sur l’internet recommande aux pouvoirs publics de mettre en place un dispositif de sanctions proportionné aux manquements à l’obligation de nature légale.

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Les modalités du dispositif de sanction devront figurer de manière expresse dans le décret d’application de la loi, des aménagements d’ordre législatifs pouvant être nécessaires en fonction des solutions retenues. a. Les sanctions de nature pénale Il faut tout d’abord signaler qu’en matière de sanctions pénales les pouvoirs publics devront être particulièrement prudents, s’agissant de prononcer des sanctions à l’égard de personnes publiques. La difficulté d’identifier clairement les auteurs de l’infraction, élément indispensable en matière pénale, pourrait en effet conduire à condamner les plus hauts responsables juridiques des exploitants fautifs. D’une manière générale, la mise en cause de la responsabilité pénale de l’État, notamment de ses structures centrales, apparait problématique. Le Forum recommande tout d’abord aux pouvoirs publics de mobiliser le dispositif pénal avec prudence et d’opter pour l’utilisation des mécanismes déjà existants, et, au besoin, de les modifier afin d’en élargir le périmètre, plutôt que de créer de nouvelles incriminations. Il faut noter que les modifications des textes d’incrimination des délits existants nécessitent l’adoption d’une loi, conformément au principe de légalité des peines113. Par ailleurs, outre le caractère disproportionné que peuvent revêtir ces sanctions pénales eu égard au manquement constaté par la structure de pilotage, et la relative lourdeur du dispositif à mettre en œuvre, nécessitant l’intervention du juge pénal, l’autre inconvénient de ces solutions réside dans le fait que les sommes versées ne pourraient pas être réutilisées au bénéfice de l’accessibilité. -

Application des articles 225-1 et suivants du Code pénal

L’article 225-1 dresse une liste des discriminations réprimées pénalement, et mentionne que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison […] de leur handicap […] ». L’article 225-2 pose ensuite différentes conditions préalables à la mise en œuvre d’une sanction pénale lourde (3 ans d’emprisonnement, 45 000 euros d’amende). Se pose ici la question de savoir si le premier cas, consistant à « refuser la fourniture d’un bien ou d’un service » peut-être appliqué aux services de communication en ligne. Le dernier alinéa de ce texte prévoit en outre que « lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ». En l’absence de jurisprudence sur ce point, et considérant d’une part que le défaut de conformité aux règles de l’accessibilité d’un site internet ne fait pas explicitement partie de cette liste, et d’autre part que la loi pénale est d’interprétation stricte, le Forum considère préférable d’écarter la possibilité d’invoquer le non-respect de l’article 225-2 du Code pénal pour sanctionner le défaut d’accessibilité d’un site public.

113

. Sur le principe de légalité des délits et des peines, voir l’article 34 de la Constitution de 1958, l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme de 1789, les articles 111-2 et 111-3 du Code pénal.

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Application de la loi en date du 30 décembre 2004 sur la lutte contre les discriminations

La loi du 30 décembre 2004 114 installant la Haute Autorité de Lutte contre les discriminations (HALDE)115 pourrait néanmoins permettre aux usagers qui s’estimeraient victimes d’une discrimination du fait de la non-conformité d’un site internet de saisir cette autorité au titre de l’article 4 qui dispose que « toute personne qui s’estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État. » La HALDE pourrait alors proposer une amende transactionnelle à la partie défaillante dont le montant pourrait atteindre 15 000 euros en ce qui concerne les personnes morales. Le Forum met en exergue une incertitude : les dispositions visant les intranet 116 peuventelles faire l’objet d’un recours devant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) au titre de l’article 4 de la loi en date du 30 décembre 2004, qui dispose que « toute personne qui s’estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État » ? Le Forum des droits sur l’internet sollicitera officiellement la HALDE sur la question de savoir si l’accessibilité des services de communication publique et les discriminations qui peuvent en résulter entrent dans le champ de compétence de la Haute autorité. -

Mise en place d’une contravention spécifique

Il a été débattu de la possibilité d’introduire une nouvelle incrimination de nature contraventionnelle dans le Code pénal, qui réprimerait le défaut de conformité accessibilité d’un site public. Instituées en principe par le pouvoir réglementaire, des contraventions susceptibles de viser des collectivités territoriales devraient cependant faire l’objet d’une loi spécifique, compte tenu du principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé à l’article 34 de la Constitution de 1958117. L’autre inconvénient de cette solution serait la fixation du montant de cette sanction de façon rigide (parmi les 5 classes contraventionnelles en vigueur), ce qui rendrait le poids de la sanction inégal selon qu’elle s’applique à une structure importante ou une structure de taille modeste. Le Forum recommande aux pouvoirs publics d’écarter l’idée de mettre en place un nouveau dispositif pénal d’ordre contraventionnel, outil qui semble trop rigide et peu adapté à l’extrême diversité des acteurs concernés par l’obligation de mise en conformité aux règles de l’accessibilité.

114

. Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000423967&dateTexte= 115 . Voir le site de la HALDE pour davantage de détails : http://www.halde.fr/Missions-et-pouvoirs.html 116 . Sur ces dispositions spécifiques, voir supra page 13 « La question des intranets et des extranets ». 117 . L’article 34 de la Constitution de 1958 dispose notamment que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ». http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/constitution2.htm#titre5

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b. Les sanctions financières Il ressort des débats et des travaux menés par le Forum des droits sur l’internet l’intérêt de mettre en œuvre des sanctions financières pour s’assurer de la bonne mise en œuvre du dispositif. Concernant la méthode de collecte, différentes possibilités ont été évoquées au cours des débats. Il a néanmoins été fait état de plusieurs modèles qui ont appliqué des sanctions financières avec succès et qui doivent être observés en détail avant de se prononcer définitivement sur le mode de sanction devant être retenu. Le FIPHFP, d’une part, est un établissement public institué par l’article l’article 36 de la loi de 2005, qui collecte les contributions des employeurs publics qui ne satisfont pas à l’obligation d’emploi d’un minimum de 6% de personnes handicapées. Les modalités de fonctionnement de cette structure ont été précisées par un décret du 3 mai 2006 118, tandis que les modalités de la contribution financière sont intégralement détaillées dans l’article 36 de la loi de 2005 repris dans le Code du travail119. Le FIPHFP dispose de la structure permettant de percevoir les sommes de l’administration. Le contrôle est effectué à partir des déclarations annuelles transmises par les employeurs publics et par des contrôles effectués sur le terrain. Les sommes collectées sont ensuite affectées à des aides en faveur de l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Il a été discuté de la possibilité pour la structure de pilotage de s’appuyer sur le FIPHFP et de lui déléguer la mission de collecter les indemnités versées au titre de l’accessibilité des services de communication en ligne. Cette possibilité, qui aurait pour avantage de simplifier la mise en place de la structure de pilotage, devrait cependant nécessiter des modifications statutaires du FIPHFP. L’AGEFIPH, d’autre part, est une association qui a pour mission de gérer le fonds, de collecter les financements versés par les entreprises, et de financer l’insertion des personnes en situation de handicap dans le secteur privé 120. Il a ainsi financé 465,2 millions d’euros d’aides en 2007. Ces deux illustrations montrent que ces mécanismes de sanction ou de collecte de fonds fonctionnent bien, et qu’ils facilitent l’intégration des personnes handicapées dans le monde du travail. Elles reposent toutes les deux sur un dispositif législatif. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de réfléchir à la mise en œuvre de sanctions financières au bénéfice de l’accessibilité, levier qui semble important pour s’assurer de la 118

. Décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000814863&dateTexte= 119 . Article L. 5212-12 du Code du travail : Lorsqu’ils ne satisfont à aucune des obligations définies aux articles L. 5212-2 et L. 5212-6 à L. 5212-11, les employeurs sont astreints à titre de pénalité au versement au Trésor public d’une somme dont le montant est égal à celui de la contribution instituée par le second alinéa de l’article L. 5212-10, majoré de 25 %. Article L. 5212-10 du Code du travail : Les modalités de calcul de la contribution annuelle, qui ne peut excéder la limite de 600 fois le salaire horaire minimum de croissance par bénéficiaire non employé, sont déterminées par décret. Pour les entreprises qui n’ont occupé aucun bénéficiaire de l’obligation d’emploi, n’ont passé aucun contrat prévu à l’article L. 5212-6 ou n’appliquent aucun accord collectif mentionné à l’article L. 5212-8 pendant une période supérieure à trois ans, la limite de la contribution est portée, dans des conditions définies par décret, à 1 500 fois le salaire horaire minimum de croissance. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006903691&idSectionTA=LEGISCTA00 0006195884&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20081107 120 . Pour plus d’informations concernant l’AGEFIPH, consulter le site internet de l’association : http://www.agefiph.fr/

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mise en œuvre de l’obligation de conformité aux règles de l’accessibilité par les exploitants. La nature de la sanction prévue par l’article 47 de la loi de 2005 n’étant pas clairement définie, une modification législative peut s’avérer nécessaire. Les sommes collectées en cas de manquement aux obligations prévues par le décret d’application de la loi de 2005 pourraient utilement financer les activités de la structure de pilotage et la mise en accessibilité des sites internet de l’administration. Il serait possible de rendre public sur le site d’information de la structure de pilotage les sanctions financières prononcées pour les manquements aux obligations de mise en conformité, ce qui accroitrait l’efficacité du dispositif. Concernant les modalités de la sanction, il a été évoqué plusieurs hypothèses. Il a tout d’abord semblé particulièrement délicat de mettre en œuvre une sanction qui porterait uniquement sur un des éléments (page ou document isolé par exemple) du service de communication, sans apprécier le contexte général du service en question. Il n’est par ailleurs pas souhaitable qu’un site internet puisse être condamné un jour pour un défaut sur une page A, puis un autre jour pour un défaut sur une page B, et que la faculté pour les exploitants du site en question de corriger le défaut ne soit pas prise en considération. Il est donc apparu nécessaire de prévoir un mécanisme annualisé, chaque sanction prononcée devant faire l’objet d’un suivi par la structure de pilotage. Il semble par ailleurs souhaitable d’assurer une progressivité de la sanction, afin de sanctionner de façon plus forte les exploitants qui préfèrent payer et contourner le dispositif plutôt que de rendre leurs services conformes. Dans le cas contraire, si les acteurs sanctionnés obtempèrent et corrigent le défaut dans l’année, il est souhaitable de réduire ou de les exonérer de la sanction financière. Le mécanisme pourrait ainsi se dérouler de la façon suivante : -

première mise en demeure pour mise en conformité du service de communication, avec indication des sanctions encourues ; deuxième mise en demeure et notification de la sanction pour l’année en cours ; à la fin d’un délai déterminé par la structure de pilotage, si l’exploitant ne fait aucune démarche pour se rendre conforme, il est sanctionné, s’il obtempère, le montant est réduit ; à la fin de l’année N+1, si l’exploitant n’est toujours pas conforme, le montant de la sanction appliquée à la fin de l’année augmente de façon substantielle ; augmentation continue du montant de la sanction pour les années N+2 et suivantes.

Le Forum recommande aux pouvoirs publics d’établir une sanction annualisée, dont le montant sera progressif si l’exploitant ne rend pas son service conforme aux règles de l’accessibilité. Le montant de la sanction devra en revanche être réduit si celui-ci se rend conforme pendant l’année. Concernant l’assiette de calcul de la sanction, différentes possibilités ont été évoquées sans qu’aucune ne soit privilégiée : -

un pourcentage calculé sur le budget global du site internet, notion dont le périmètre semble particulièrement délicat à apprécier, notamment si le site est développé en interne par l’exploitant ;

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-

un pourcentage calculé sur les statistiques de visite du site internet121, qui pose comme préalable l’utilisation par les sites publics d’une méthodologie de calcul statistique uniforme ; un pourcentage calculé sur le budget de communication de l’exploitant ; un pourcentage calculé sur le budget de fonctionnement global de l’exploitant.

Ce montant variable pourrait éventuellement être complété par un seuil plancher en cas de défaillance du premier critère (par exemple, absence de budget de communication ou site réalisé à titre gratuit). Le choix de la méthode de calcul de la sanction financière doit dans tous les cas faire l’objet d’une étude approfondie par les pouvoirs publics préalablement à leur mise en œuvre. c. L’inscription sur une liste noire publique des sites non-conformes Quand la structure de pilotage constate un manquement à l’obligation de mise en accessibilité d’un site internet, elle inscrit sur une « liste noire » publique, tenue à jour, présente sur son site internet et accessible directement depuis la page d’accueil le site en question, accompagné d’un lien vers celui-ci, et d’un commentaire rapide indiquant la nature des défauts constatés. Il apparait par ailleurs qu’une telle mesure ne pourra être efficace que si elle assortie d’une importante communication visant à assurer une visibilité maximale de la liste sur le site internet de la structure de pilotage, et éventuellement des relais de diffusion sur d’autres sites internet. Une difficulté dans l’application de cette mesure doit être portée à l’attention des pouvoirs publics : elle nécessiterait de s’appuyer sur une liste de sites publics exhaustive qui n’existe pas pour le moment, car c’est le seul moyen d’identifier les exploitants « discrets » qui ne font aucune démarche auprès de la structure de pilotage. Il semble dès lors que l’inscription sur une liste noire ne remplisse pas l’objectif qui est d’inciter les acteurs à entrer dans une démarche de mise en conformité aux règles d’accessibilité, tandis qu’elle stigmatise les acteurs ayant effectué des démarches sans y parvenir totalement. Le Forum émet des réserves quant à l’efficacité de cette mesure qu’il ne considère pas comme une sanction à proprement parler122, et ce d’autant plus si la liste est longue, et découpée en plusieurs pages. Cette mesure prise de façon isolée ne semble donc pas répondre à la rédaction de l’article 47 qui implique la mise en œuvre de sanctions, et risque de ne pas recevoir un avis favorable du CNCPH123. d. Sanctions mixtes ou complémentaires D’autres sanctions complémentaires pourraient être introduites : affichage obligatoire sur toutes les pages du site d’un bandeau indiquant aux visiteurs le défaut de conformité du site, modification de l’attribut TITLE124 des pages non conformes, déplacement

121

. Le Service d’information du gouvernement (SIG) tient à disposition du public le service Stat@gouv, qui renseigne les usagers sur les statistiques de visite des sites publics les plus importants : http://www.internet.gouv.fr/informations/information/statatgouv/ 122 . Sur la légalité d’un dispositif de sanctions se fondant exclusivement sur ce mécanisme, voir infra page 38 « l’avis du Conseil d’État ». 123 . Pour plus d’informations sur la procédure particulière d’adoption du texte d’application, voir infra partie III. 124 . Cet attribut, défini au moyen de la balise sur une page internet, permet de modifier le titre de la page apparaissant généralement en haut de la fenêtre du navigateur internet. Cet attribut est

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temporaire hors du sous-domaine .gouv.fr pour les sites gouvernementaux, à l’instar de ce qui se fait au Royaume-Uni125. Cette dernière solution est néanmoins fortement déconseillée en raison du préjudice important qu’elle peut causer aux utilisateurs, ces derniers ne pouvant plus accéder du tout aux services de communication dont ils connaissent l’adresse internet. 4. Ŕ Une procédure étalée dans le temps Les sanctions proposées peuvent être lourdes à supporter et elles doivent permettre de remplir l’objectif de mise en conformité aux règles internationales de l’accessibilité du plus grand nombre de sites possible. La mise en conformité peut par ailleurs être complexe, notamment sur certains points de contrôle nécessitant par exemple une adaptation de la charte graphique126. Pour ces raisons, le Forum recommande à la structure de pilotage de gérer une politique de sanction dans le temps, en prévoyant un délai de réponse et de mise en conformité de 3 à 6 mois consécutif à l’envoi d’une mise en demeure. Un délai plus court d’environ un mois pourra néanmoins être prévu pour le manquement à l’obligation de mettre en ligne une page « accessibilité » sur le site. Compte tenu des risques qui peuvent peser sur les exploitants de services de communication publique en cas de non respect des règles techniques, il convient par ailleurs d’appliquer un principe de transparence de la procédure de mise en demeure puis de rectification par l’exploitant défaillant. Il est par conséquent recommandé à la structure de pilotage d’indiquer sur son site internet la méthode d’évaluation de la conformité aux règles de l’accessibilité pratiquée, gage de son impartialité, et la procédure contraignante qui sera mise en œuvre en cas de non-conformité. Il sera particulièrement important d’indiquer la durée des délais prévus entre les différentes étapes de la procédure. La structure de pilotage pourra utilement s’inspirer des travaux réalisés sur la méthodologie d’évaluation effectués dans le cadre de la Commission européenne 127 en ce qui concerne la détermination des délais et des étapes du processus de mise en demeure suite à une non conformité.

particulièrement mis en évidence sur les logiciels de revue d’écran utilisés par les personnes affectées d’un handicap visuel. 125 . Les sites gouvernementaux britanniques non accessibles sont temporairement privés du bénéfice des sous-domaines .gov.uk. 126 . Voir par exemple le point de contrôle 2.2 du RGAA : « proposer des contrastes de couleur suffisants », qui nécessite une adaptation de la charte graphique du site internet si celle-ci n’a pas été conçue dès l’origine par les créatifs dans une optique d’accessibilité. Une fois la charte adaptée, il faut ensuite la mettre en œuvre sur les pages du site, ce qui peut nécessiter des développements supplémentaires. 127 . Voir, concernant le CEN Workshop agreement n°15554 en date d’avril 2006, supra notes 77 et 78 page 26.

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III. Ŕ LA PROCÉDURE D’ADOPTION DU TEXTE D’APPLICATION La procédure d’adoption des textes d’application de l’article 47 de la loi de 2005 présente certaines spécificités que le Forum tient à signaler aux pouvoirs publics, tant au niveau national (A) que communautaire (B). A. Ŕ La procédure nationale 1. Ŕ La consultation du CNCPH L’article 101 de la loi du 11 février 2005 dispose que « les textes réglementaires d’application de la présente loi sont publiés dans les six mois suivant la publication de celle-ci, après avoir été transmis pour avis au Conseil national consultatif des personnes handicapées. » Le projet de texte d’application doit donc être transmis pour avis au Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui statue en assemblée sur la conformité du texte proposé. Une première version du décret a reçu en 2006 un avis conforme du CNCPH, mais le projet a beaucoup évolué depuis lors. Or, selon un arrêt du Conseil d’État, « l’organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l’intervention d’une décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevées par cette décision. Dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l’autorité compétente pour prendre ladite décision envisage d’apporter à son projet des modifications qui posent des questions nouvelles, elle doit le consulter à nouveau. »128 La saisine du CNCPH pour avis est donc obligatoire pour tout nouveau projet de décret, sous peine d’irrégularité de la procédure. Son avis n’est cependant pas contraignant. Le Forum recommande aux pouvoirs publics de solliciter un nouvel avis du CNCPH, et de tenir compte, dans la mesure du possible, des éventuelles remarques qui seraient formulées par ce biais, cette institution représentant la grande diversité des personnes en situation de handicap, principaux bénéficiaires de la loi de 2005. 2. Ŕ La consultation de la CCEN Prévue par la loi du 25 décembre 2007 129 codifiée sous l’article L1211-4-2 du Code général des collectivités territoriales130 et mise en place très récemment par un décret du 22 septembre 2008131 complété par une circulaire, la Commission consultative

128

. CE, Ass. 23 octobre 1998, Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilées. . Loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=BCFX0770033L 130 . Cet article dispose « qu’il est créé au sein du comité des finances locales une formation restreinte dénommée commission consultative d’évaluation des normes. Composée de représentants des administrations compétentes de l’État, du Parlement et des collectivités territoriales, elle est présidée par un représentant élu des collectivités territoriales. Elle est consultée préalablement à leur adoption sur l’impact financier des mesures règlementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. » 131 . Décret n°2008-994 du 22 septembre 2008 relatif à la commission consultative d’évaluation des normes : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019507022&dateTexte=&oldAction=r echJO 129

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d’évaluation des normes (CCEN) doit être consultée préalablement à l’adoption de normes réglementaires contraignantes pouvant avoir un impact financier sur les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. Seules sont exclues de cette consultation préalable les normes justifiées directement par la protection de la sûreté nationale. Les normes techniques comme la norme AFNOR ne sont pas concernées, sauf si elles ont un caractère contraignant. Compte tenu du fait que l’article 47 de la loi de 2005 est antérieur à la mise en place de ce dispositif, se pose la question de savoir s’il est nécessaire de consulter la CCEN dans le cadre de la publication du décret d’application de cette règle. Pour répondre à cette question, il convient de se demander si le caractère contraignant provient de la loi ou du décret. L’article 47 de la loi de 2005 pose un principe de mise en conformité des services de communication en ligne aux règles internationales de l’accessibilité, et renvoie au décret en ce qui concerne la mise en œuvre, les adaptations à effectuer, et le référentiel d’application reprenant les différentes règles techniques. Cet article a-t-il un caractère contraignant ? En l’absence de référentiel technique, il semble impossible d’appliquer l’article 47 de la loi. Le point de départ du délai de mise en conformité, n’a d’ailleurs pas encore été précisé. En outre, aucune impulsion politique pouvant attester de l’effectivité de cette disposition n’a pu être constatée. En pratique, depuis bientôt 4 ans, faute d’accompagnement, très peu de sites publics français ont accompli des démarches de mise en œuvre de l’accessibilité, et aucun n’a été sanctionné. Les dispositions de l’article 47 de la loi semblent donc, en l’absence de texte d’application, dénuées de tout caractère contraignant. En revanche, le décret d’application de cet article doit mettre en œuvre un dispositif d’accompagnement, de vérification de conformité, de sanctions et consacrer la valeur normative de la méthode d’application des standards internationaux. Le décret doit permettre l’application effective de l’article 47 de la loi de 2005 et l’application de sanctions aux acteurs qui ne répondent pas aux obligations posées par la loi. Il consacrera le point de départ de la phase transitoire, au terme de laquelle tous les sites existants devront être accessibles. Le caractère contraignant du dispositif de mise en œuvre de l’accessibilité semble donc résulter de ses textes d’application, et non de la loi en elle-même. Il faut ensuite se demander si le décret d’application pourrait avoir un impact financier sur les collectivités territoriales. Compte tenu des coûts de mise en conformité aux règles de l’accessibilité des sites existants, et des besoins en termes de formation des personnels concernés, il parait difficile d’affirmer le contraire. Compte tenu du caractère contraignant que pourra revêtir le décret d’application de l’article 47 de la loi de 2005 et de son impact financier potentiel sur les collectivités territoriales, le Forum recommande aux pouvoirs publics de consulter la Commission consultative d’évaluation des normes dans le cadre de la procédure de l’article L1211-4-2 du Code général des collectivités territoriales préalablement à la transmission pour avis au Conseil d’État132 du projet de texte et à sa publication.

Pour un commentaire, voir l’actualité à ce sujet sur le site secteurpublic.fr : http://www.secteurpublic.fr/public/rubrique/la-commission-consultative-d-evaluation-des-normes(ccen).html?id=14557 132 . Voir infra page 45, « l’avis du Conseil d’État ».

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Cette consultation pourrait permettre d’obtenir des indications supplémentaires de nature financière, afin de déterminer les moyens de mise en œuvre les plus adaptés. 3. Ŕ L’avis du Conseil d’État Les décrets en Conseil d’État ne peuvent être pris ou modifiés qu’après saisine de celuici. Les pouvoirs publics ne sont pas tenus par l’avis de l’institution, mais ils ne peuvent édicter que des textes ou des projets soumis pour avis133. Un premier projet de décret d’application de l’article 47 de la loi de 2005 a été soumis au Conseil d’État en 2005. Cependant, depuis 3 ans, les pouvoirs publics ont modifié de façon substantielle l’économie générale du projet de décret. Il apparait nécessaire que cette nouvelle version du texte doive faire l’objet d’une nouvelle saisine du Conseil d’État134. Il a en effet été jugé que « ne peut être regardé comme ayant été pris en Conseil d’État un décret qui reprend le texte adopté par le Conseil d’État mais qui, en le complétant, même par des dispositions qui figuraient dans le projet initial du Gouvernement, en modifie l’économie générale sans pour autant revenir à celle du projet initial » 135. La sanction d’un défaut de consultation est l’illégalité de l’acte, qui peut-être soulevée d’office par le juge administratif. Le Forum des droits sur l’internet recommande aux pouvoirs publics de saisir le Conseil d’État de tout nouveau projet de décret modifiant l’économie générale du texte par rapport au projet initial. Sur le calendrier prévisionnel de la saisine, le guide de légistique de Légifrance136 précise que « le Conseil d’État doit être saisi après les autres organismes dont la consultation est requise ou souhaitée ». La saisine du Conseil devra donc intervenir en dernier, une fois que toutes les institutions devant obligatoirement rendre un avis ont été consultées. Concernant les actes nécessitant une communication à la Commission européenne dans le cadre de la directive 98/34/CE137, il est ainsi indiqué que « le Conseil d’État refuse d’examiner les projets qui n’ont pas été soumis à la Commission ou pour lesquels le délai dont elle dispose n’est pas expiré »138. On trouvera des applications jurisprudentielles de ce principe sur les consultations requises pour les textes nationaux instituant des aides au sens des articles 92 et 92 du Traité CE139.

133

. Voir le rappel détaillé de ces règles sur le site du Conseil d’État : http://www.conseil-etat.fr/ce/missio/index_mi_cg01.shtml 134 . Selon le guide de légistique de Légifrance sur l’adoption d’un décret en Conseil d’État, « il est rappelé qu’en cas de consultation obligatoire, même si l’autorité administrative n’est pas liée par l’avis, elle ne peut pas retenir un texte traitant de questions nouvelles par rapport au projet soumis à consultation et aux observations ou suggestions éventuellement émises par l’organisme consulté ». http://www.legifrance.gouv.fr/html/Guide_legistique_2/242.htm 135 . Voir notamment CE, 10 janvier 2007, Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles. 136 . Voir supra note 120 page 38. 137 . Voir infra, page 40, « la notification préalable aux États membres et à la Commission dans le cadre de la directive 98/34/CE ». 138 . Guide le légistique de Légifrance : les consultations préalables. http://www.legifrance.gouv.fr/html/Guide_legistique_2/212.htm 139 . Voir notamment CJCE, aff. C. 354/90, 21 novembre 1991, Rec. I. 5505 et CE, 2 juin 1993, Féd. nat. du commerce extérieur des produits alimentaires et Synd. nat. des négociants et transformateurs de saumon.

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B. Ŕ La procédure communautaire 1. Ŕ La notification préalable aux États membres et à la Commission dans le cadre de la directive 98/34/CE a. Champ d’application de la directive La directive 98/34/CE140 (ex-83/189/CEE) met en place une procédure qui oblige les États membres de l’Union européenne à notifier à la Commission et aux autres États membres tout projet de règle technique relatif aux produits et aux services de la Société de l’information avant que ceux ci ne soient adoptés dans leurs droits nationaux141. L’accessibilité des services de communication en ligne entre-t-elle dans le champ des « services de la société de l’information » ? Le paragraphe 5 de l’article 1 de la directive vient étayer cette expression : « une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services ». Il semble que le sujet de l’accessibilité entre dans le champ visé par la directive. Quelles règles et textes doivent faire l’objet de la procédure ? Le paragraphe 11 de l’article 1er de cette directive précise ensuite qu’il faut entendre par règle technique « les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre qui renvoient soit à des spécifications techniques ou à d’autres exigences ou à des règles relatives aux services, soit à des codes professionnels ou de bonne pratique qui se réfèrent eux-mêmes à des spécifications techniques ou à d’autres exigences ou à des règles relatives aux services, dont le respect confère une présomption de conformité aux prescriptions fixées par lesdites dispositions législatives, réglementaires ou administratives », de même que « les accords volontaires auxquels l’autorité publique est partie contractante et qui visent, dans l’intérêt général, le respect de spécifications techniques ou d’autres exigences ». Cette définition particulièrement large semble donc viser à la fois les référentiels techniques tels que le RGAA et tous les documents qui y font référence, tels que les décrets ou arrêtés d’application mettant en œuvre l’accessibilité. b. Procédure prévue par la directive L’article 8 de la directive dispose que « les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

140

. Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998 portant modification de la directive 98/34/CE prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1998:217:0018:0026:FR:PDF 141 . Voir la procédure expliquée en détail et les rapports annuels au Parlement européen sur le site de la Commission européenne : http://ec.europa.eu/enterprise/tris/about/index_fr.htm Pour un commentaire plus détaillé de cette directive, voir notamment « La directive de notification : anguille sous roche ? », Christoph De Preter, http://www.droit-technologie.org, 20 février 2003.

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Au terme du paragraphe 12 de l’article 1, il faut entendre par règle technique « le texte d’une spécification technique, ou d’une autre exigence ou d’une règle relative aux services, y compris de dispositions administratives, qui est élaboré dans le but de l’établir ou de la faire finalement établir comme une règle technique et qui se trouve à un stade de préparation où il est encore possible d’y apporter des amendements substantiels. » Il est par conséquent recommandé aux pouvoirs publics de communiquer à la Commission européenne, dès que possible, le référentiel technique d’application (RGAA) et tous les textes d’application y faisant référence, avant que ces documents ne soient finalisés, afin que les éventuelles demandes de modification puissent être prises en compte. Une fois la communication à la Commission européenne effectuée, celle-ci transmet le projet aux autres États membres, qui peuvent présenter des observations. L’article 9 précise ensuite que « les États membres reportent l’adoption d’un projet de règle technique de trois mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication prévue à l’article 8 ». Ce délai est porté à six mois concernant l’adoption des projets de règles techniques réalisés par les organismes de normalisation142. La Commission ou les États membres disposent, à compter de la réception de la communication, d’un délai de 3 mois pour formuler un avis circonstancié concernant le projet de règle technique. c. Sanctions encourues en cas de manquement L’arrêt de la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) CIA-Security du 30 avril 1996143 confirme la sanction appliquée par la Commission européenne en cas de manquement à cette obligation : une disposition qui n’a pas été notifiée est inapplicable aux particuliers. Il incombe par ailleurs au juge de refuser d’appliquer toute règle technique nationale qui n’a pas été notifiée. d. Éléments d’opportunité Le respect de cette procédure par les pouvoirs publics français apparait d’autant plus important que la Commission européenne a donné mandat 144 aux différentes autorités de normalisation communautaires145 pour faire un audit des normes existantes en matière d’accessibilité dans les États membres et de proposer une norme européenne d’accessibilité.

142

. Aux termes de l’annexe II de la directive 98/34/CE, seuls, en France, l’AFNOR et l’UTE sont soumis au délai prolongé de 6 mois en ce qui concerne le report de l’adoption du texte par l’État membre. 143 . CJCE, 30 avril 1996, CIA-Security : « Les articles 8 et 9 de la directive 83/189, telle que modifiée par la directive 88/182, doivent être interprétés en ce sens que les particuliers peuvent s’en prévaloir devant le juge national, auquel il incombe de refuser d’appliquer une règle technique nationale qui n’a pas été notifiée conformément à la directive. » http://ec.europa.eu/enterprise/tris/194_94/index_fr.pdf 144 . Mandat 376 de la Commission Européenne : http://ec.europa.eu/information_society/policy/accessibility/deploy/pubproc/eso-m376/index_en.htm 145 . European Committee for Standardization (CEN) et European Telecommunications Standards Institute (ETSI). http://www.cen.eu/cenorm/index.htm http://www.etsi.org/

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2. Ŕ Le respect de la directive 2000/31/CE relative à la libre circulation de l’information sur le marché intérieur dans le cadre du commerce électronique L’article 3 paragraphe 2 de la directive 2000/31/CE 146 dispose que « les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre. » S’agissant du domaine coordonné, le paragraphe h) de l’article 2 de la directive le définit comme « les exigences prévues par les systèmes juridiques des États membres et applicables aux prestataires des services de la société de l’information ou aux services de la société de l’information, qu’elles revêtent un caractère général ou qu’elles aient été spécifiquement conçues pour eux. » Qu’entend-on par l’expression de « prestataires des services de la société de l’information » ? La définition donnée par la directive est très large et désigne « toute personne physique ou morale qui fournit un service de la société de l’information », c’està-dire « tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services ». Cette notion recouvre donc non seulement les prestataires de développement des sites internet, qu’ils soient techniciens, communicants, producteurs de contenus ou créatifs, mais aussi et surtout tous les exploitants de sites internet publics, qui mettent en ligne des pages internet à disposition du public. Qu’entend-on ensuite par l’expression « d’exigences » ? Une obligation de mise en conformité d’un site internet avec des règles techniques constitue-t-elle une exigence au sens de la directive ? Selon la définition donnée par l’article 2 de la directive, les « exigences » recouvrent « l’accès à l’activité d’un service de la société de l’information » et « l’exercice de l’activité d’un service de la société de l’information ». L’article 47 de la loi de 2005 prévoyant une obligation de mise en conformité des services de communication publique aux règles de l’accessibilité, applicable dès l’entrée en vigueur des textes d’application aux nouveaux sites, elle conditionne donc l’exercice de l’activité d’un exploitant ou d’un prestataire de la société de l’information en imposant la mise en conformité avec les règles de l’accessibilité. Il semble dès lors acquis que, relevant du domaine coordonné, l’obligation de mise en accessibilité devra se conformer à l’article 3.2 de la directive et ne devra pas restreindre la libre circulation de l’information. Le paragraphe 4 de l’article 3 de cette directive offre cependant une possibilité pour l’État membre de déroger à la règle posée par l’article 3 paragraphe 2, si celui-ci répond à plusieurs conditions cumulatives relativement strictes147.

146

. Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32000L0031:FR:HTML 147 . Les États membres peuvent prendre, à l’égard d’un service donné de la société de l’information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2 si les conditions suivantes sont remplies : a) les mesures doivent être : i) nécessaires pour une des raisons suivantes : - l’ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et contre les atteintes à la dignité de la personne humaine, - la protection de la santé publique, - la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,

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Il est par conséquent recommandé aux pouvoirs publics d’être particulièrement vigilants à la conformité du dispositif de mise en œuvre de l’accessibilité avec la directive 2000/31/CE compte tenu des exigences qui seront demandées tant aux prestataires relevant du secteur privé qu’aux exploitants publics de sites internet et, le cas échéant, d’examiner dans quelle mesure la France peut s’exonérer des obligations posées par la directive par le jeu de son article 3.4, dans l’hypothèse d’un recours de la Commission européenne.

- la protection des consommateurs, y compris des investisseurs ; ii) prises à l’encontre d’un service de la société de l’information qui porte atteinte aux objectifs visés au point i) ou qui constitue un risque sérieux et grave d’atteinte à ces objectifs ; iii) proportionnelles à ces objectifs ; b) l’État membre a préalablement et sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris la procédure préliminaire et les actes accomplis dans le cadre d’une enquête pénale: - demandé à l’État membre visé au paragraphe 1 de prendre des mesures et ce dernier n’en a pas pris ou elles n’ont pas été suffisantes, - notifié à la Commission et à l’État membre visé au paragraphe 1 son intention de prendre de telles mesures.

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL Représentants des acteurs économiques : Association française des opérateurs mobiles (AFOM) o

Stéphane Hayat

Fédération des entreprises de vente à distance (FEVAD) o

Marc Lolivier, délégué général

Google France o

Olivier Esper, relations institutionnelles

Microsoft France o

Frédéric Géraud de Lescazes, responsable des affaires publiques

Renaissance Numérique o

Jérôme Adam, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris et membre de l’association

o

Éric Von Rompay, délégué général de l’association

Société Générale o

Eric Bouthier, responsable des relations interbancaires

o Représentants des utilisateurs : Aquitaine Europe Communication (AEC) o

Marcel Desvergne, président

Association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC) o

Stéphane Bortzmeyer, multilingues

ingénieur

R&D,

spécialiste

des

techniques

Association française de normalisation (AFNOR) o

Jean-François Legendre, responsable développement

Association des maires de France (AMF) o

Véronique Picard, chargée d’études

Association pour la promotion et la recherche en informatique libre (APRIL) o

Frédéric Couchet, délégué général

Association des régions de France (ARF) o

Marc Tailliez, délégué systèmes d’information

Agence de développement en charge du développement de la société de l’information et du numérique en Ile-de-France (ARTESI Ile de France) o

Claude Virlogeux, journaliste 51

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Bibliothèque nationale de France (BNF) o

Gildas Illien, chef du service du dépôt légal numérique, département du dépôt légal

o

Clément Oury, conservateur au service du dépôt légal numérique, département du dépôt légal

Centre-Inffo.fr o

Jean-Philippe Simonnet, responsable des développements internet et chef de projet accessibilité

Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) o

Pierre de Bernières

Comité National pour Amblyopes (CNPSAA) o

la

Promotion

Sociale

des

Aveugles

et

des

Fernando Pinto Da Silva, président de la commission NTIC

Conseil National Handicap o

Aude de Chavagnac, administratrice, membre du Conseil National Handicap

La Documentation Française o

Bénédicte Roullier, responsable du site portail service-public.fr

o

Olivier Roumieux, administrateur des sites, département des produits internet

Internet Society France (ISOC) o

Sébastien Bachollet, président

Linguo-responsable.org o

Jérôme Gouadain, président

Union Latine o

Daniel Prado, directeur de la direction Terminologie et industries de la langue

Villes-Internet o

Florence Durand-Tornare, déléguée générale

Observateurs des pouvoirs publics : Conseil général des nouvelles technologies de l’information (CGTI), ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi o

Robert Picard, ingénieur général

Direction du développement des médias (DDM) o

Axelle Hovine, bureau du régime juridique de la presse écrite et des services d’information

Délégation générale à la langue française (DGLFLF), ministère de la Culture o

Odile Canale, chef de la mission emploi et diffusion de la langue française

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Direction générale de la modernisation de l’État (DGME) o

Perica Sucevic, conseiller juridique

o

Pascal Souhard, chargé de mission

Délégation interministérielle aux personnes handicapées (DIPH) o

Soraya Kompany, chef de cabinet, chargée de mission accessibilité

o

François Tanniou, chargé de mission accessibilité numérique

Délégation aux usages de l’internet (DUI) o

Pierre Perez, secrétaire général

Organisation internationale de la francophonie (OIF) o

Pietro Sicuro, directeur de l’Institut de la francophonie numérique

Spécialistes : Accessiweb (BrailleNet) o

Pierre Guillou, responsable de la cellule Accessibilité du Web

Institut national des télécommunications (INT) o

Fabrice Flipo, ingénieur, docteur en Philosophie des Sciences et Techniques, maître de conférences au département langues et sciences humaines

Temesis o

Aurélien Levy, expert accessibilité

o

Élie Sloïm, ingénieur qualité, directeur

La coordination des travaux est assurée par Thibault GROUAS et David MELISON, chargés de mission au Forum des droits sur l’internet. Conseiller juridique : Stéphane HOYNCK, Maître des Requêtes au Conseil d’État.

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ANNEXE 2 : LETTRE DE MISSION DE LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE AUX PERSONNES HANDICAPÉES

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