Rapport sur la paix et la sécurité dans l'espace CEDEAO - ISS Africa

30 juin 2013 - de vives tensions sur fond de rivalités ethniques. Nombreux sont ceux ..... En fait la polarisation et la radicalisation ont annihilé les mécanismes ...
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Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO

Numéro 4, juin 2013

Comment sortir la Guinée de l’impasse? Introduction Depuis son historique « non » aux colonisateurs français, la Guinée a connu une trajectoire politique assez tumultueuse. On dénote au moins quatre tentatives de remise en selle du projet politique vers la mise en place d’institutions démocratiques avec des résultats plutôt mitigés : la période de 1958 à 1984, marquée par la volonté d’assumer et de préserver l’indépendance nouvellement arrachée par le Président Ahmed Sékou Touré, la période militaire sous le Général Lansana Conté dont le règne de 1984 à 2007 a été caractérisé par les exactions d’une dictature militaire et la tentative de pluralisme politique, la période de 2007 à 2008, marquée par une transition motivée par les forces vives guinéennes suite aux manifestations de 2006 et, enfin, la période de 2008 à 2010, marquée par la prise de pouvoir du capitaine Dadis Camara et l’élection présidentielle ayant porté au pouvoir l’ancien opposant, le professeur Alpha Condé. Toute cette trajectoire politique se caractérise par des moments d’optimisme pour un renouveau démocratique et socio-économique sans presque jamais connaître des lendemains meilleurs. En 2007, ce qui fut un mouvement de protestation pour l’amélioration des conditions de vie et de travail mené par les syndicalistes se mua en une remise en cause de l’ordre politique sous le général Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984, et dont le régime était affaibli, d’abord par la mauvaise gestion et, ensuite, par son état de santé. Malgré la mise en place d’un gouvernement de transition, doté d’une feuille de route précise et dirigé par Lansana Kouyaté, figure apparemment neutre et apolitique, la Guinée est restée dans une impasse politique d’où ni le coup d’État du capitaine Dadis Camara ni les élections présidentielles de 2010 n’ont encore réussi à l’extirper malgré les avancées notables. Nonobstant les efforts déjà déployés aussi bien à l’interne que sur le plan international, la Guinée traverse actuellement une crise politique qui pourrait remettre en cause les fragiles gains liés à la tenue des élections présidentielles de 2010. Si les élections législatives devaient parachever la transition et compléter le dispositif démocratique du pays, force est de constater que la gestion du processus desdites élections est devenue une source de désaccord et d’instabilité pour le pays. La crise électorale actuelle se greffe sur des difficultés socio-économiques persistantes pour alimenter de vives tensions sur fond de rivalités ethniques. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’avenir politique et socio-économique de la Guinée alors que l’avènement de la troisième république avait suscité d’immenses espoirs au sein d’une population déçue par des décennies de dictature, de corruption, de pauvreté et de violence politique. Comment expliquer les difficultés que connaît le processus électoral ? Y a-t-il des risques de remise en cause de l’ordre démocratique en gestation en Guinée ? Y a-t-il des risques de violence interethnique ? Que faire pour que le pays sorte de l’impasse politique et socio-économique dans laquelle il s’enfonce ?

Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO • Numéro 4 • juin 2013

À PROPOS DU RAPPORT SUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DANS L’ESPACE CEDEAO Le Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO vise à fournir aux décideurs de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) des analyses sur les questions de l’heure en matière de sécurité humaine dans la région. Ce rapport est le résultat d’un partenariat entre l’ISS et la Commission de la CEDEAO (Division Sécurité Régionale). L’objectif est de produire, sur la base de recherches de terrain, un outil d’analyse indépendant qui puisse appuyer les processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions de l’organisation ouest africaine, tout en alertant les instances décisionnelles régionales sur les enjeux émergents. Le Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO propose des analyses pays et des analyses thématiques ainsi que des recommandations. Il est distribué gratuitement, tant dans sa version électronique que papier, à un public diversifié en Afrique de l’Ouest et ailleurs. Le Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO est produit par la division Prévention des conflits et analyse des risques de l’ISS au bureau de Dakar avec l’appui des autres membres de la division basés à Addis Abéba, Nairobi et Pretoria.

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Le présent rapport vise à analyser la crise que traverse la Guinée. Il est basé sur des informations recueillies lors d’une enquête de terrain conduite du 13 au 23 mai 2013 à Conakry sur la problématique de la transition politique. Pour mieux cerner les contours de la crise actuelle, le rapport s’articule en quatre sections principales. La première section analyse les effets des élections présidentielles de 2010 qui continuent à se faire sentir sur le paysage sociopolitique en Guinée. La deuxième repose le problème de blocage découlant des difficultés d’un dialogue approfondi pour définir un nouveau consensus politique. La troisième section, quant à elle, s’interroge sur les véritables enjeux des élections législatives. On se demande finalement s’il s’agit vraiment d’un simple problème de fichier électoral ou de l’opérateur qui en a la responsabilité ? Et la quatrième met en lumière les risques inhérents au processus de démocratisation en Guinée en vue de formuler des recommandations.

Le traumatisme des élections présidentielles de 2010 Les élections présidentielles de 2010 avaient deux objectifs essentiels. D’abord, elles visaient, conformément aux dispositions1 de la constitution et des textes régionaux, la restauration de l’ordre politique après le coup d’Etat militaire survenu au lendemain du décès du Général Lansana Conté. Si ce coup de force n’avait surpris presque personne, vu l’impasse politique dans laquelle le gouvernement de transition du Premier Ministre Lansana Kouyaté 2 s’était retrouvé, force est de constater que la junte militaire dirigée par le capitaine Dadis Camara conduisait le pays vers une autre période d’instabilité et de violence politique. De ce fait, le deuxième objectif des présidentielles, après moult péripéties, était de doter la Guinée d’autorités légitimes qui achèveraient la transition en veillant à la mise en place d’institutions républicaines crédibles, gages de survie du processus de démocratisation et du décollage économique. Les élections présidentielles ont été très controversées et les séquelles se manifestent encore actuellement dans la crise que traverse le pays. Les circonstances de la victoire du professeur Alpha Condé continuent de nourrir les antagonismes à l’égard de son administration. Pourtant, l’opposant historique qui a reçu 18,25 % des suffrages exprimés au premier tour face à son adversaire de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), l’ancien Premier Ministre Cellou Dalein Diallo qui a reçu près de 43,69 % du vote, réussit à mettre en place une large coalition dénommée RPG-Arc-en-ciel qui le porta au pouvoir avec 52,52 % des suffrages exprimés contre 47,48 % pour la coalition Cellou Dalein Président. De nombreux observateurs ont estimé que Diallo avait épuisé dès le premier tour ses réservoirs de voix et que les consignes de son principal soutien au deuxième tour, l’ancien Premier Ministre Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR), n’ont pas été suivies par son électorat. Néanmoins, cette victoire de la coalition arc-en-ciel met le vainqueur en présence de deux problèmes majeurs. D’une part, le président élu démocratiquement qui voulait incarner une rupture avec le passé politique de la Guinée se retrouve à composer avec des dignitaires des régimes défunts qui lui ont apporté leur soutien. D’autre part, sa victoire s’est accompagnée d’une forte montée des tensions ethno-communautaires.

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Le deuxième tour s’est en effet beaucoup joué autour de la question de l’accès de la communauté peul au pouvoir politique. De nombreux interlocuteurs estiment en effet que le message politique du RPG-Arc-en-ciel au deuxième tour se résumait assez largement à « tout sauf un peul ». Or, si les résultats annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont été acceptés du bout des lèvres par l’opposition et le nouveau président installé, les inquiétudes et les contradictions relevées lors des présidentielles ne se sont pas dissipées. Elles ont laissé un échiquier politique fortement polarisé qui met à rude épreuve la cohésion sociale. Ici encore, les doutes ont commencé à gagner les esprits avec une classe politique fragmentée et une situation socio-économique plutôt morose, même s’il y a eu des améliorations au plan macroéconomique. La question de la transparence du processus électoral, principal facteur du retard extraordinaire entre les deux tours des élections présidentielles de 2010 (5 mois de retard), n’est toujours pas réglée. Le débat s’articule aujourd’hui essentiellement autour du fichier électoral et de l’indépendance de la CENI.3

La question de la transparence du processus électoral, principal facteur du retard extraordinaire entre les deux tours des élections présidentielles de 2010 (5 mois de retard), n’est toujours pas réglée. En fait, les élections législatives qui devraient avoir lieu six mois après l’investiture du nouveau président se trouvent prises aux pièges des antagonismes politiques découlant des blessures des présidentielles de 2010 et des craintes, justifiées ou non, de fraudes. Les initiatives présidentielles, y compris les nominations à des postes de responsabilité, n’ont pas été perçues par l’opposition comme allant dans le sens de la réconciliation nationale et de la mise en place d’un système de gouvernement inclusif et la coalition au pouvoir a commencé à s’effriter avec le départ de quelques figures importantes dans le paysage politique guinéen. En surface, quatre principaux points de divergence sont à noter: • Le processus de sélection d’un nouvel opérateur technique pour confectionner un nouveau fichier électoral alors que le pays aurait pu utiliser l’ancien opérateur et la version révisée (selon la loi) du fichier ayant servi aux présidentielles de 2010. • Le problème de fiabilité du fichier mis en place par ce nouvel opérateur. • La composition et le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).4 • Le vote des Guinéens de l’étranger. Pourtant, ces préoccupations ne constituent que la partie visible des enjeux. Pour appréhender leur portée, il est important de les situer dans les dynamiques sociopolitiques assez complexes qui caractérisent la vie politique de la Guinée.

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Du dialogue impossible à la radicalisation de la contestation Longtemps attendues, plusieurs fois annoncées puis reportées, les élections législatives qui doivent remettre en place une Assemblée nationale et clore la transition en Guinée ont finalement été fixées au 30 juin 2013. Toutefois, les conditions d’organisation de ces élections divisent la classe politique guinéenne. Au-delà de l’annulation du décret du 13 avril fixant la date des élections législatives exigée par l’opposition, le contentieux qui oppose le gouvernement en place et l’opposition dite républicaine tourne essentiellement autour de deux points fondamentaux d’ordre technique et d’ordre institutionnel. Il s’agit de la fiabilité du fichier électoral et du rôle de la CENI dans l’organisation des élections. S’agissant de la fiabilité du fichier électoral, l’opposition guinéenne s’est toujours opposée à la décision unilatérale du Président de la République d’engager un nouvel opérateur, une compagnie sud-africaine, Waymark Infotech, qui fournit l’équipement (les kits) alors que celui de l’opérateur français Sagem qui avait servi lors des présidentielles de 2010 pouvait être utilisé. L’opposition émet des doutes sur cet opérateur pour trois raisons. Premièrement, elle qualifie de « douteuse » la procédure d’engagement de Waymark. En fait, l’opposition précise qu’elle n’a pas été associée au choix de l’opérateur et dénonce le contrat de gré à gré par lequel il a été recruté. En d’autres termes, c’est l’absence d’appel d’offres et de compétition entre entreprises qui pose problème. Deuxièmement, elle remet en cause la fiabilité des kits de Waymark à établir un fichier sécurisé. Troisièmement, elle doute de la neutralité de l’opérateur, d’où les craintes sur la préparation d’une fraude par le pouvoir avec l’aide de cet opérateur. L’opposition s’est sentie confortée dans sa position, surtout lorsque les experts du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ont relevé un certain nombre de dysfonctionnements et de faiblesses relatifs à la capacité technique des kits Waymark. En outre, la société guinéenne Sabari Technology, associée avec Waymark dans le processus d’établissement des listes électorales, est fortement décriée par l’opposition qui la considère comme une société dirigée par les membres du RPG. S’agissant de la CENI, il faut rappeler que les divergences qui portaient sur la composition de cette structure ont été réglées par la loi organique L/2012/016/CNT du 19 septembre 2012 portant composition, organisation et fonctionnement de la CENI. L’article 6 de cette loi stipule que la CENI comprend 25 membres répartis comme suit : dix personnes désignées par les partis de la mouvance présidentielle, dix désignées par les partis politiques de l’opposition, trois désignées par les organisations de la société civile et deux désignées par l’administration. Mais cette recomposition de la CENI n’avait pas satisfait l’opposition. Le représentant de l’Union pour le Progrès de la Guinée, parti de l’ancien Premier Ministre JeanMarie Doré qui se déclare centriste, était contesté car n’étant pas considéré comme membre de l’opposition. Celui-ci s’est depuis lors rangé du côté de l’opposition. De même, des doutes pèsent toujours sur la neutralité des représentants

Ce panneau atteste de la préparation, par la CENI, des élections législatives initialement prévues le 30 juin 2013.

de la société civile et de l’administration qui, selon l’opposition, sont à la solde du pouvoir. Les désaccords qui opposent actuellement la mouvance présidentielle et l’opposition sur la CENI portent essentiellement sur deux points centraux. Il s’agit de son fonctionnement et de son indépendance. Le fonctionnement de la CENI est décrié par les partis de l’opposition. Ces derniers dénoncent le manque de consensus et de concertation dans le processus de décision, arguant que tout est fait au sein de cette structure pour que les représentants de l’opposition ne puissent pas prendre part aux réunions ou qu’ils soient mis en minorité. Il faut rappeler que les décisions sont prises par l’assemblée plénière qui regroupe l’ensemble des membres. Le quorum est de 2/3 des membres 5 et les décisions sont prises à la majorité simple, la voix du président de séance étant prépondérante en cas d’égalité.6 L’indépendance de la CENI est aussi fortement remise en cause par l’opposition. Le report de la date limite du dépôt des candidatures du 2 mai au 8 mai7, alors même que la mouvance présidentielle n’avait pas déposé sa liste, a ainsi été considéré par l’opposition comme une instruction du palais de la République. Même si la CENI justifie ce report par la nécessité de permettre aux partis politiques de réunir les pièces des dossiers requis, celui-ci a été largement perçu comme une injonction de la mouvance présidentielle, qui faisait face à des divergences internes relativement à la désignation de ses candidats. Malgré le manque de confiance à son égard, la CENI se dit techniquement prête à organiser les élections et s’emploie à mettre en place un double dispositif pour garantir la fiabilité du fichier électoral avec l’aide de la communauté internationale. Le premier dispositif vise, selon un communiqué de la CENI, à faire un « monitoring du fichier électoral » à l’aide « d’un logiciel externe » conçu par l’opérateur technique Waymark. Le second dispositif, confié à la société belge Zetes, a pour objectif d’éliminer les enregistrements multiples d’électeurs, opération dite de « dé-doublonnage ». Outre le fait que deux experts internationaux de l’OIF et un de l’UE travaillent sur le fichier avec d’autres experts nationaux, la CENI assure que « Waymark n’a rien à voir avec la production des listes électorales ni des

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En fait, la polarisation et la radicalisation ont annihilé les mécanismes nationaux de résolution de la crise. Il est difficile aujourd’hui de se prononcer sur la crise sans être taxé de partisan. cartes d’électeur. Il n’est pas concerné par la totalisation des résultats des votes et le calcul se fera manuellement ». Ce qui exclut le décompte électronique des votes. Dans ce contexte de crise de confiance, des avancées ont pu être notées avec la reprise du dialogue, le 3 juin, sous l’égide du collège des facilitateurs, créé le 10 mai 2013 et composé du représentant du Secrétaire-général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, et de deux facilitateurs nationaux choisis par l’opposition et le pouvoir. Même si aucun accord n’a encore été signé, les deux parties semblent être tombées d’accord sur un certain nombre de points. Le pouvoir a accepté le vote des Guinéens de l’étranger et l’opposition s’est dite prête à aller aux élections avec le fichier de Waymark sous certaines conditions. Parmi les conditions posées par l’opposition on peut noter : la recomposition des CARLE8, la réouverture de la révision des listes électorales, la réouverture du dépôt des candidatures, la mise en place d’un comité de veille auprès de la CENI, le recrutement de deux experts qui viendront s’ajouter à l’équipe des experts internationaux et le recrutement d’un nouvel opérateur pour les prochaines échéances, notamment les présidentielles de 2015. La médiation conduite sous l’égide du Représentant du Secrétaire-général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest représente le cadre approprié pour aplanir les divergences par un dialogue direct et franc entre les différents protagonistes. S’inspirant de l’expérience du groupe de contact international qui a joué un rôle prépondérant par le passé, le processus en cours pourrait aider les acteurs politiques à forger un consensus sur la création d’un environnement propice à l’organisation d’élections législatives crédibles. Néanmoins, le succès de la médiation ne dépend pas exclusivement du médiateur ni des représentants de l’opposition et de la mouvance présidentielle mais d’un engagement réel de tous les acteurs et surtout des dirigeants à œuvrer pour le retour de la confiance dans le processus électoral. Or, c’est précisément à ce niveau que de nombreuses difficultés surgissent. Pour nombre d’observateurs, il est difficile de comprendre la décision de la présidence de prendre un décret pour fixer la date des élections presqu’au même moment où les Nations unies désignaient un médiateur pour relancer le dialogue, tout comme il est difficile de donner un sens à la décision de la Cour Suprême qui a rejeté la proposition de report des élections introduite par la CENI. Aussi, faudra-t-il s’interroger davantage sur les incidents de violence à l’encontre des membres de l’opposition malgré les assurances données par le gouvernement. La bonne foi des uns et des autres aiderait

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à lever les obstacles existants et à éviter d’autres écueils qui pourraient nuire aux efforts de la médiation. Parallèlement à la médiation officielle, des acteurs locaux se sont toujours impliqués dans la résolution de la crise. Outre l’intervention des religieux, le groupe informel de femmes leaders de la Guinée, composé de femmes des partis politiques, de l’administration et de la société civile, s’est fortement impliqué dans la recherche de solution à la crise mais sans avancées majeures. En fait la polarisation et la radicalisation ont annihilé les mécanismes nationaux de résolution de la crise. Il est difficile aujourd’hui de se prononcer sur la crise sans être taxé de partisan. C’est particulièrement le cas des facilitateurs nationaux qui sont perçus comme agissant au nom et pour le compte de leur mandant, toute chose qui pourrait affaiblir la facilitation du représentant de l’ONU. Avec les efforts de la médiation, le dialogue a repris après des mois d’immobilisme et un accord sur l’organisation des législatives semble désormais possible. Un tel accord signifierait de facto un report de la date initialement fixée, report qui dépend, de la CENI9, selon le Président de la République. Malgré ces avancées notées, des incertitudes demeurent autour de ces élections et les enjeux restent importants.

Enjeux et incertitudes des élections législatives L’Assemblée nationale guinéenne comprend 114 sièges. Les dernières élections législatives tenues dans le pays remontent à 2002. D’ailleurs, le Parlement issu de ces élections a été dissout en 2008 et remplacé par le Conseil national de transition (CNT) prévu pour servir d’organe législatif pour six mois seulement. Mais plus de deux ans après les élections présidentielles, le CNT sert toujours d’organe législatif ad hoc, souvent ignoré par l’exécutif et sans un mandat du peuple, ce qui pose un problème de légitimité. La mise en place du Parlement pour compléter l’architecture démocratique en Guinée est indispensable et la volonté de contrôle de l’une ou l’autre des forces politiques en présence n’est pas à négliger. L’existence d’une assemblée délibérative réunissant les représentants du peuple, le lieu de la parole publique où l’on consent l’impôt, où l’on vote la loi, où l’on contrôle le gouvernement, est indispensable pour la démocratie naissante en Guinée. Selon l’article 2 de la Constitution de la Guinée « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par la voie du référendum ».10 Elle est aussi importante parce que c’est seulement après cela que plusieurs autres institutions de contre-pouvoirs légitimes – Cour Suprême, Cour Constitutionnelle, Haute Autorité de la Communication, Commission nationale des Droits de l’Homme – pourront être installées. De l’avis de certains observateurs, la base électorale du Président s’est effritée avec le départ de l’ancien Premier Ministre Lansana Kouyaté, leader du PEDN, de Jean-Marc Telliano, ancien Ministre de l’Agriculture, et de Kassory Fofana (les trois ont totalisé environ 10 % de l’électorat au premier tour de la présidentielle). On estime aussi que les rapports de force sur l’échiquier politique national ont évolué à telle enseigne que, si les législatives sont organisées dans les conditions de transparence,

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il est fort possible que la mouvance présidentielle ne soit pas en mesure d’être majoritaire à l’Assemblée nationale (AN). Cet état de chose entraverait l’action gouvernementale et hypothèquerait une probable réélection en 2015.11 Une assemblée dominée par l’opposition est certainement un signal fort du processus démocratique. Cependant, il est aussi probable qu’elle pourrait, tout en exerçant son droit légitime de contrôle de l’action gouvernementale, causer un blocage institutionnel en cas de désaccord, obligeant le gouvernement à faire recours à la Cour Suprême ou à gouverner par décrets (mesures exceptionnelles), ce qui pourrait être interprété comme des dérives dictatoriales. De toute évidence, l’impact psychologique d’une assemblée dominée par l’opposition sur les électeurs pourrait être non-négligeable.

La mise en place du Parlement pour compléter l’architecture démocratique en Guinée est indispensable et la volonté de contrôle de l’une ou l’autre des forces politiques en présence n’est pas à négliger. Cette crainte serait à la base du flou dont le gouvernement aurait voulu entourer le scrutin. Il faut signaler que le vote en Guinée est resté éminemment communautaire avec très peu de variations, ce qui renforce la conviction des membres de l’opposition, en particulier, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) très implantée au sein de la communauté peul, qu’ils recueilleront au moins 40 % des suffrages et peut-être plus avec les coalitions récemment formées. Il existe environ quatre coalitions se réclamant de l’opposition qui pourraient, selon elles, totaliser plus de 60 % des suffrages : • l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), • le Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition, • le Club des républicains, • le Front d’union pour la démocratie et le progrès. D’aucuns pensent que les nominations à des postes stratégiques, aussi bien au sein du gouvernement que dans l’administration territoriale, de personnes issues de l’ethnie malinké visent à consolider la base électorale malinké, l’ethnie du Président au détriment des peuls. L’opposition est convaincue que les peuls sont victimes d’une épuration politique qui prendrait bientôt des proportions sociales et économiques, d’autant plus que les intérêts économiques des membres de la communauté peule sont attaqués. On rapporte que les manifestations qui avaient eu lieu en mars 2013 et qui auraient coûté la vie à plus d’une vingtaine de personnes avaient aussi vu le pillage des magasins appartenant aux membres de la communauté peule même si ces derniers avaient aussi riposté.12 Pour sa part, le gouvernement rappelle que les agissements de l’opposition sont de nature à rendre le pays ingouvernable

et que les véritables enjeux sont ailleurs. De l’avis de plusieurs personnalités proches du pouvoir, la crise que traverse actuellement la Guinée n’est pas un problème de déficit démocratique, encore moins une quelconque volonté du pouvoir en place de fabriquer des résultats favorables à la coalition gouvernementale. Elles soutiennent que, pour apaiser la tension, le gouvernement a pris plusieurs initiatives de dialogue qui ont souvent été boycottées par l’opposition. Pour nombre de partisans de la coalition au pouvoir, le gouvernement est victime d’un procès d’intention qui cache mal la volonté délibérée de l’opposition d’empêcher l’exécution du programme d’action de la coalition au pouvoir afin de remporter les présidentielles de 2015. On estime également que tous ces agissements auraient pour but d’éviter la poursuite judiciaire des auteurs de malversations économiques sous les régimes précédents. Même si au sein de l’opinion publique guinéenne les malversations économiques concernent aussi bien les acteurs politiques de l’opposition que du gouvernement, on avance qu’il s’agit en fait de la réaction de ceux qui ont été aux affaires, ont commis des malversations et craignent de rendre compte à la justice. On a aussi fait ressortir la fin des privilèges et des monopoles perdus dont les frustrations individuelles se transforment, du jour au lendemain, en opposition politique. La révision du code minier et surtout des contrats miniers soulève des inquiétudes chez certains acteurs « qui se laissent aller à l’irrationnel politique avec un habillage ethnique ».13 La question de l’impunité est une préoccupation essentielle. Pourtant, elle ne s’applique pas seulement pour les crimes économiques commis par les divers régimes successifs. C’est dans le domaine politique qu’elle est le plus accentuée et qu’elle doit être abordée avec beaucoup de circonspection pour éviter de donner l’impression d’une chasse aux sorcières. À tort ou à raison, on craint, tant au sein de l’opposition que du côté du gouvernement, qu’une assemblée en place puisse voter des lois autorisant la poursuite devant la justice des auteurs de délits ou crimes économiques et politiques. Aussi, nombreuses sont les voix de l’opposition et de la mouvance qui émettent des doutes sur la volonté réelle des acteurs politiques de mettre fin à l’impunité en raison des alliances politiques et des risques d’embrasement, surtout si elle touche aux leaders politiques d’influence sur l’échiquier politique national. Dans ce contexte, que l’on soit de l’opposition ou de la mouvance, le discours politique semble manquer de fond idéologique et les mouvements de protestation s’apparentent beaucoup plus à une instrumentalisation de la pauvreté. Ceux qui se joignent aux marches de protestation le font moins par conviction idéologique ou politique que pour exprimer leur désespoir face à la détérioration des conditions de vie caractérisées par les coupures intempestives d’eau et d’électricité, la cherté de la vie et le chômage. Comme l’a d’ailleurs si bien dit un haut fonctionnaire de l’administration, « la Guinée est une société en profondes mutations mais la personnalisation du débat politique, surtout dans un contexte d’affaiblissement des structures sociales, politiques et morales, fait que la transition politique est prise en otage ».14 En conséquence, l’attention est détournée des problèmes socio-économiques auxquels le pays est confronté. Autrement dit, même si, en surface, la crise actuelle en Guinée est vue comme une crise politique qui se

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nourrit des difficultés socio-économiques des citoyens sans y apporter des solutions, elle est aussi le résultat d’une lutte entre différents réseaux politico-financiers qui perdent ou qui cherchent à maintenir leur accès au pouvoir et aux ressources. En outre, selon certains observateurs, elle est la manifestation d’égocentrismes politiques à divers niveaux de responsabilité susceptible d’empêcher tout compromis qui pourrait être perçu comme un acte de faiblesse dans l’un ou l’autre des camps. De plus, il n’est pas exclu que les acteurs politiques cherchent déjà à se positionner dans la perspective des élections présidentielles de 2015. Il va sans dire que la victoire aux législatives permettrait de valider ou d’invalider le dispositif électoral dans la perspective des échéances électorales à venir et dont les jalons sont posés dans le contexte du contentieux qui entoure les élections législatives.

Risques d’escalade des tensions intercommunautaires L’un des aspects majeurs de la crise politique que traverse actuellement la Guinée demeure la rivalité ethnique qui, au-delà des antagonismes au sein de la classe politique et des violences qu’elle a créées, a profondément fragilisé la société guinéenne. Cette rivalité, largement instrumentalisée à des fins politiques et qui risque de nuire aux relations entre les différentes communautés qui composent la Guinée, oppose essentiellement les deux principales ethnies que sont les Peuls et les Malinkés et elle s’articule autour de l’exercice du pouvoir et du contrôle des ressources. La rivalité entre ces deux communautés ne date pas d’aujourd’hui et l’histoire politique guinéenne explique en partie cette situation. En effet, du Président Sékou Touré au Président Alpha Condé, en passant par le Général Lassana Conté et du Capitaine Dadis Camara, des frustrations se sont accumulées au sein de ces communautés surtout du côté des Peuls qui demeurent le seul groupe social à n’avoir pas eu de président issu de leur communauté. Se sentent-ils exclus ou pensent-ils que leur tour est venu ? En tout cas, la stratégie électorale du deuxième tour des présidentielles de 2010, qui semblait être basée sur un repli identitaire, est un indicateur de la division qui existe entre ces différentes communautés. En effet, le jeu des alliances et les discours qui ont caractérisé le deuxième tour des élections présidentielles de 2010 avaient fini par créer les dissensions entre les deux principales ethnies des deux candidats en lice. Les coalitions semblaient être constituées sur une base ethnique. La stratégie mise en œuvre par les coalitions, qualifiée d’ « ethno-stratégie » par certains observateurs, même si Sidya Touré et Abé Sylla ont soutenu Cellou Dalein Diallo et si Bah Ousmane a soutenu Alpha Condé, a largement dominé la campagne électorale du deuxième tour. La crise politique en cours, ponctuée par une répression violente des manifestations de l’opposition, est venue creuser davantage le fossé et aggraver les tensions intercommunautaires. La contestation n’est plus seulement politique. La contestation sociale avec des relents ethniques est venue se greffer sur la crise politique. Le communautarisme et l’ethnicité sont devenus le langage des politiques qui affectent davantage la cohésion

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sociale. Depuis les élections de 2010, les politiques font de plus en plus ouvertement référence à l’aspect ethnique dans leurs discours, soit pour exacerber le sentiment de haine, soit pour tirer la sonnette d’alarme et apaiser les tensions. La réaction des forces de l’ordre, qui a occasionné plusieurs morts du côté des manifestants, est considérée par l’opposition, à tort ou à raison, comme une tentative délibérée du pouvoir de vouloir réprimer l’opposition et, en particulier, la communauté peule.15 Cette réaction des forces de l’ordre est qualifiée de « répression ciblée » par certains opposants, en particulier Cellou Dalein Diallo qui relève au passage que « 96 % des morts sont des Peuls ».16 Il souligne que « ce n’est pas l’ethnie malinké qui agresse les Peuls. C’est le système d’Alpha Condé, ce sont le gouvernement et les forces de l’ordre ».17 Cette précision ne suffit toutefois pas à masquer la tournure ethnique qu’est en train de prendre la crise politique. La tentative de viol d’une jeune fille, évoquée dans la presse à la mi-mai, à qui ses agresseurs ont demandé si elle était « diabéré » ou « kapré » est révélatrice de cette tension. « Diabéré » signifie taro, en peul, et « kapré », igname, en malinké. D’où le message d’apaisement du Président de la République du 28 mai, prononcé à la radiotélévision nationale, dans lequel il déclare qu’en Guinée, « personne ne doit être victime d’exactions du fait de ses origines ou de ses opinions ». La mise en garde de Cellou Dalein Diallo contre le risque de voir les violences déboucher sur un conflit interethnique révèle le danger que court la Guinée. S’insurgeant contre la répression des manifestations et l’attitude du régime, il a affirmé que « si les violences continuent, si les massacres ciblés contre une communauté et contre les militants de l’opposition ne s’arrêtent pas, si l’impunité continue, si le président continue de diviser la Guinée, l’entraînant dans des violences qui pourraient déboucher sur une guerre civile, il n’est pas exclu qu’on demande le départ de M. Alpha Condé ».18 Cette situation est exacerbée par des suspicions alimentées par des politiques qui constituent la classe des radicaux au sein des deux camps. La tournure qu’a prise la crise politique semble en effet échapper aux leaders politiques qui font de plus en plus face à des militants radicaux qui sont prêts à descendre dans la rue. Des rumeurs sur la préparation du renversement du pouvoir en place, sur l’introduction d’armes à Conakry et sur la mobilisation des forces de sécurité par le pouvoir, participent à la radicalisation. Ainsi le compromis qui se dessine autour de l’organisation des législatives représente-t-il une avancée notable, vu que le pouvoir semblait décidé à aller aux élections avec ou sans l’opposition et que cette dernière se disait décidée à « empêcher la tenue de ces élections », ce qui risquait de plonger le pays dans un cycle de violence pré et postélectorale sur fond de rivalité ethnique que seuls les politiques peuvent éviter. Les deux parties, en l’occurrence la mouvance présidentielle et l’opposition dite radicale, s’accusent mutuellement. Autant l’opposition suspecte le pouvoir d’avoir déployé à Conakry des milices constituées des dozos et des anciens rebelles malinké du Mouvement de libération uni pour la démocratie au Libéria (The United Liberation Movement for Democracy in Liberia-ULIMO), autant la mouvance présidentielle suspecte l’opposition d’avoir introduit des armes pour préparer le renversement du gouvernement.

Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO • Numéro 4 • juin 2013

La situation d’instabilité de la sous-région pourrait faciliter l’escalade de la violence. La Guinée est entourée par des pays qui font face à des problèmes sécuritaires. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, du Libéria, du Mali, de la Guinée-Bissau et du Sénégal avec la crise casamançaise. L’instabilité de la sous-région et la porosité des frontières favorisent en effet la circulation des armes et des mercenaires. Le président Alpha Condé déclarait lui-même dans une interview accordée à Jeune Afrique que « Des individus mal intentionnés venus de Guinée-Bissau ont été arrêtés avec des munitions… ».19 De même, la Guinée-Bissau, considérée par certains observateurs comme un narco-État, pourrait être utilisée comme zone de transit de la drogue pour alimenter le trafic en Guinée. Ce qui constituerait une source de revenues pour les ennemis de la paix qui pourraient utiliser l’argent issu de la drogue pour acheter des armes et recruter des mercenaires. Par ailleurs, l’armée demeure toujours une source d’inquiétude en Guinée. Malgré la réforme du secteur de la sécurité qui a été engagée et qui a mené à la retraite 4 000 militaires, l’affectation de plusieurs d’entre eux à l’intérieur du pays et la démilitarisation de Conakry, l’armée n’est pas totalement sous le contrôle du pouvoir civil. Elle est aujourd’hui dans une position de spectateur et risque, si la crise actuelle perdure et vire à la violence, d’interférer dans la vie politique. Pourtant, le gouvernement a pris d’importantes mesures visant à empêcher les forces de sécurité chargées d’encadrer les manifestations de détenir des armes à balles réelles. Alors que certains estiment que les forces de l’ordre sont infiltrées par des inconnus, d’autres pensent que

les consignes du gouvernement ne sont pas respectées et que la répression sanglante des manifestants de l’opposition à chaque sortie est une stratégie délibérée de dissuasion de la contestation de la part des autorités.

Conclusion La Guinée se trouve à la croisée des chemins avec l’organisation des législatives à haut risque pour le pays. Si le consensus politique survit et se consolide, la Guinée pourra enfin connaître la stabilité politique et mettre fin à des années de violentes crises. Le pays a l’opportunité de tourner résolument le dos à la violence politique qui a fortement marqué son histoire et compromis son épanouissement socio-économique. La construction d’un véritable Etat de droit est essentielle pour relancer le développement du pays, rassurer les investisseurs et répondre aux attentes des populations. Les bailleurs de fonds aussi attendent la mise en place du Parlement et, surtout, des efforts en vue d’une normalisation politique du pays. Avec son élection en 2010 et sans vouloir faire des prescriptions, le nouveau président était attendu sur de nombreux chantiers, y compris la réconciliation nationale, la mise en place d’un système de gouvernement inclusif qui ferait de l’opposition politique un partenaire dans la gestion des affaires du pays, la lutte contre l’impunité sous toutes ses formes, l’établissement de l’État de droit, la réforme du secteur de la sécurité et l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive car il n’est pas exagéré d’arguer que tout est à faire en Guinée.

Recommandations principales 1. Le collège des facilitateurs, même s’il réussit à dégager un consensus pour faire avancer le processus électoral, objet de sa mise en place, pourrait être élargi à d’autres institutions telles que la CEDEAO et l’Union africaine pour servir de cadre de médiation et de concertation, surtout dans la perspective des élections présidentielles de 2015. Car la suppression du groupe de contact international ayant servi comme cadre de concertation par le passé a laissé un vide et a peut-être contribué à l’accumulation des problèmes qui affectent jusqu’à présent les élections. 2. Pour un processus électoral transparent et crédible et outre les représentants des partis politiques, la société civile doit être impliquée dans toutes les étapes de l’élaboration du fichier électoral, à l’observation du scrutin et du décompte des voix, en passant par la distribution des cartes d’électeur. 3. La Commission de la CEDEAO pourrait, à travers le Réseau paix et sécurité des femmes de l’espace CEDEAO, soutenir les initiatives nationales telles que celles du groupe des femmes leaders de la Guinée et contribuer à impliquer davantage les chefs religieux et traditionnels, non seulement dans l’apaisement de la tension sociale mais aussi dans la promotion de la cohésion nationale.

4. Dans les améliorations à apporter à la CENI, il faut s’assurer que tous les agents disposent du même niveau de compétence technique et de compréhension des modes de fonctionnement de la structure. Aussi, les agents de la CENI devraient-ils éviter de donner une coloration politique partisane à leur fonction et préserver ses attributs techniques en même temps que son indépendance en matière de gestion du processus électoral. Il faudra aussi améliorer la communication d’abord au sein même de la CENI, ensuite entre la CENI et les acteurs politiques et les autres parties prenantes du processus électoral (à commencer par les citoyens). 5. Le consensus atteint en ce qui concerne le vote des Guinéens de l’étranger représente déjà une avancée notable. Les autorités doivent à présent s’assurer que tous les moyens logistiques soient mis en place et les modalités clairement définies pour bien conduire cette opération. 6. Il est indispensable qu’un code de conduite soit élaboré, accepté et respecté par les acteurs politiques et les médias pour éviter les formules incendiaires, la promotion de la haine et surtout l’idée de la « guerre comme ouvrant la voie à la démocratie »20, comme le sous-tend une certaine presse locale.

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Dates importantes 13 avril 2013

Le président de la république prend le décret convoquant le corps électoral pour le 30 juin 2013.

25 avril 2013

La CENI fixe le 2 mai comme date limite du dépôt des candidatures.

2 mai 2013

La CENI reporte la date limite du dépôt des candidatures au 8 mai.

14 mai 2013

La Cour Suprême proroge la date de dépôt des candidatures jusqu’au 19 mai.

22 mai 2013

La CENI publie la liste des candidats.

3 juin 2013

Reprise du dialogue entre l’opposition et la mouvance présidentielle

19 juin 2013

Affrontement entre les forces de l’ordre et les militants de l’opposition aux alentours du domicile de Ceillou Dalein Diallo.

20 juin 2013

L’opposition décide de se retirer du dialogue politique à la suite des heurts survenus aux alentours du domicile de Cellou Dalein Diallo.

Contributeurs

Contact

ISS-Pretoria David Zounmenou

Division Prévention des conflits et analyse des risques Institut d’études de sécurité ISS Dakar Route de Ouakam, Immeuble Atryum (Face au Lycée Mermoz) 4ième étage, B.P. 24378 Dakar, Sénégal

ISS-Dakar Paulin Maurice Toupane

Tel: +221 33 860 3304/42 Fax: +221 33 860 3343 Courriel: [email protected]

Notes 1 Voir l’article 27 de la Constitution guinéenne adoptée par le CNT du 19 avril 2010 et, pour les textes régionaux la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007 et le Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité du 21 décembre 2001. 2 Cette impasse lui a d’ailleurs coûté son poste puisqu’il a été remplacé par Ahmed Tidiane Souaré en 2008. 3 En réalité, ces préoccupations sont apparues en 2010. 4 La question relative à la CENI a été plus ou moins réglée en septembre 2012 avec la recomposition de l’organe. Pourtant, l’opposition continue d’insister sur son manque d’indépendance. 5 Ce qui donne à l’opposition une minorité de blocage dont elle ne s’est jamais servi. 6 Article 15 de la loi organique L/2012/016/CNT, du 19 septembre 2012 portant composition, organisation et fonctionnement de la CENI. 7 La Cour Suprême, par son ordonnance du 14 mai et sur demande de la CENI, a prorogé la date du dépôt des candidatures jusqu’au 19 mai. 8 Commissions administratives de révision des listes électorales. 9

Jeune Afrique n° 2736 du 16 au 22 juin 2013, p.24.

10 La Constitution de la République de Guinée du 19 avril 2010. 11 Un Parlement contrôlé par l’opposition pourrait être un signal fort de la vitalité démocratique en Guinée. Pourtant, ce scenario comporte des risques de blocage institutionnel en cas de désaccord entre l’opposition et le pouvoir en place. 12 Entretien à Conakry du 13-23 mai 2013. 13 Un haut fonctionnaire de l’administration, entretien a Conakry, du 13–23 mai 2013. 14 Entretien a Conakry du 13–23 mai 2013. 15 Des directives ont très régulièrement rappelé aux forces de l’ordre de ne pas utiliser d’armes à feu et, par rapport à celles de Conté ou de la junte, la répression sous Condé et moins brutale. 16 Entretien avec Cellou Dalein Diallo à l’AFP, le 29 mai 2013. 17 Ibidem. 18 Ibidem. 19 Jeune Afrique n° 2736 du 16 au 22 juin 2013, p.24. 20 Référence à l’intitulé de l’article d’un analyste politique publié dans le journal Le Lynx du 20 mai 2013.

Bailleurs de fonds Ce rapport est publié grâce au soutien d’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) et du Centre de recherches en développement international du Canada. L’ISS est également reconnaissant de l’appui des partenaires principaux suivants : les Gouvernements de la Norvège, de la Suède, de l’Australie et du Danemark. L’Institut d’études de sécurité (ISS) est une organisation africaine à l’avant-garde de la recherche axée sur le développement des politiques et de la formation. La vision de l’ISS est d’œuvrer pour une Afrique en paix et prospère pour tous ses habitants. L’ISS s’est donné pour mission de faire progresser la sécurité humaine en Afrique en contribuant à l’élaboration des politiques, en fournissant un soutien technique et en travaillant au renforcement des capacités.

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