Rapport final - Annoncer la Couleur

CONTRADICTIONS ET TENSIONS STRUCTURELLES. 43. 4.3. ...... Viser les groupes cibles multiplicateurs (dont les enseignants) et les jeunes (aussi.
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L’Éducation à la Citoyenneté Mondiale dans les écoles de l’enseignement secondaire de la Fédération Wallonie Bruxelles

Rapport final

Jacques CORNET, Pierre WAAUB, Adélie MIGUEL SIERRA, Marie-Noëlle TENAERTS et Hélène DENNE

Cahier spécial des charges BTC/CTB 1528 Code Navision : BEL 1405611

mars 2015

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier les directions, les membres des équipes éducatives et les élèves qui ont accepté de nous rencontrer, ainsi que l’ensemble des représentants des structures et institutions qui ont eu l’amabilité de nous partager leurs points de vue sur l’objet de l’étude. Cette recherche a reçu l’appui, plus particulièrement, de Sabine JANSSENS du service qualité de HELMo, Céline DOHOGNE et Estelle COLLE, étudiantes au Master Population et Développement à l’Ulg, et des membres du secrétariat de la catégorie Pédagogique de l’HELMo. Leur collaboration a été précieuse pour l’aboutissement de ce travail.

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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Table des matières LISTE DES ABREVIATIONS LISTES DES SCHEMAS ET DES TABLEAUX ABSTRACT

5 6 7

1. INTRODUCTION

8

1.1. 1.2. 1.3. 1.4.

CONTEXTE DE LA CARTOGRAPHIE OBJET DE L’ETUDE OBJECTIFS DE L’ETUDE METHODOLOGIE

8 9 12 13

2. APPROCHES, CADRES ET LOGIQUES D’ACTEURS DE L’ECM

20

2.1. 2.2. 2.3. 2.4. 2.5.

20 21 25 26 27

L’EMERGENCE D’UNE PROPOSITION INTERNATIONALE OU GLOBALE POUR L’EDUCATION L’AGENDA DU DEVELOPPEMENT ET L’EVOLUTION DE L’EDUCATION AU DEVELOPPEMENT LE CADRE INSTITUTIONNEL AU NIVEAU EUROPEEN CADRE INSTITUTIONNEL BELGE REGARD CRITIQUE SUR LA POSITION DES ACTEURS D’ECM

3. LE CONTEXTE DE L’ECOLE

30

3.1. L'ECOLE HORS-JEU - CONTEXTE STRUCTUREL DE L'ECM A L'ECOLE 3.2. LE PILOTAGE HORS-JEU - CONTEXTE DECRETAL DE L'ECM A L'ECOLE

30 35

4. MODELE D’ANALYSE

42

4.1. 4.2. 4.3. 4.4. 4.5. 4.6. 4.7. 4.8. 4.9.

43 43 44 46 47 53 56 61 64

MISE EN RELATIONS DES ACTEURS CONTRADICTIONS ET TENSIONS STRUCTURELLES POSTURES EDUCATIVE ET POLITIQUE DES ACTEURS SCOLAIRES PARTENARIATS EN ECM ÉLEMENTS POUR DISTINGUER LES PRATIQUES D'ECM TYPOLOGIE DES DISPOSITIFS MIS EN PLACE POUR DES PRATIQUES D’ECM TYPOLOGIE DES PRATIQUES D'ECM TYPOLOGIE DES ETABLISSEMENTS QUATRE TYPOLOGIES POUR CARTOGRAPHIER

5. RESULTATS DE L’ENQUETE DANS LES ECOLES : MONOGRAPHIES

66

5.1. INTRODUCTION 5.2. MONOGRAPHIES

66 68

6. ANALYSE DES REPONSES AU QUESTIONNAIRE

87

6.1. 6.2. 6.3. 6.4.

87 89 103 106

DES REPONSES REPRESENTATIVES INFORMATIONS GENERALES INFORMATIONS COMPAREES ENTRE SOUS-ECHANTILLONS CORRELATIONS ET VARIABLES EN RESEAU

7. REGARDS INSTITUTIONNELS Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

114 3

7.1. L’ECM AU SEIN DES INSTITUTIONS CHARGEES DU PILOTAGE DE L’ENSEIGNEMENT 7.2. POINT DE VUE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS ET DES SYNDICATS

8. CONCLUSIONS 8.1. 8.2. 8.3. 8.4.

ARTICULATION DES DIFFERENTES TYPOLOGIES ATTITUDE DES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES FACE A L’ECM UNE VISION DE L’ECM COMPATIBLE AVEC LA CONFIGURATION INTERNE DE L’INSTITUTION DES CATEGORIES DE PORTES D’ENTREE : TYPOLOGIE OPERATIONNELLE OUVERTE

9. COMMENT UTILISER LES TYPOLOGIES DE LA CARTO-ECM

114 116

119 119 119 123 123

127

9.1. DE L’EDUCATION CITOYENNE A L’EDUCATION A LA CITOYENNETE MONDIALE 127 9.2. COMPRENDRE DANS QUEL CONTEXTE SCOLAIRE PRENNENT PLACE LES PRATIQUES D’EDUCATION CITOYENNE 128 ACTUELLEMENT 9.3. COMPRENDRE COMMENT, DANS CE CONTEXTE SCOLAIRE, AGIR SUR LES ETABLISSEMENTS, LEURS DISPOSITIFS ET LEURS PRATIQUES POUR LEUR DONNER UNE DIMENSION MONDIALE 130

10. RECOMMANDATIONS 10.1. 10.2. 10.3. 10.4.

POUR LES ACTEURS DE L’ECM POUR LES ACTEURS DES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES RECOMMANDATIONS TRANSVERSALES RECOMMANDATIONS OPERATIONNELLES

138 138 139 140 142

11. BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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Liste des abréviations ACODEV ALC AMO AOD APED ATTAC CADTM CAL CEPEONS CGé CGSP CNCD CONCORD CSC CTB DARE Forum DEEEP DGD DGEO ECM ED FAPEO FELSI FWB GEFI GIRSEF GPS - scolaire GTED ISE MOC NTTP OMD ONG OXFAMNESTY P.O. PAC PISA RWLP SCI UFAPEC UNESCO UNICEF

Fédération francophone et germanophone des ONG de coopération au développement Annoncer la Couleur Aide aux jeunes en Milieu Ouvert Aide Officielle au Développement Appel pour une Education Démocratique Association pour une Taxation sur les Transactions financières et l’Action Citoyenne Comité d’Annulation de la Dette du Tiers-Monde Centre d’Action Laïque Conseil des Pouvoirs Organisateurs de l’Enseignement Officiel Neutre Subventionné ChanGement pour l’Egalité Centrale Générale des Services Publics Centre National de Coopération au Développement Confédération européenne des ONG d’urgence et de développement Confédération des Syndicats Chrétiens Coopération Technique Belge Development and Awareness Raising Education Forum Developing Europeans’ Engagement for the Eradication of Global Poverty Direction générale Coopération au développement et Aide Humanitaire Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire Éducation à la citoyenneté mondiale Éducation au développement Fédération des Associations de Parents de l'Enseignement Officiel Fédération des Etablissements Libres Subventionnés Indépendants Fédération Wallonie-Bruxelles Initiative Mondiale pour l’Education avant tout Groupe interdisciplinaire de Recherche sur la Socialisation, l’Éducation et la Formation Groupe « pratiques et stratégies » du monde scolaire de l’ACODEV Groupe de travail éducation au développement de l’ACODEV Indice socio-économique Mouvement Ouvrier Chrétien Nombre Total de Périodes de Professeurs Objectifs du Millénaire pour le Développement Organisation non gouvernementale Oxfam-Magasins du Monde / Amnesty International Pouvoir organisateur Présence et Actions Culturelles Programme international pour le suivi des acquis des élèves Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté Projets Internationaux (ONG et organisation de jeunesses) Union des Fédérations d'Associations de Parents de l'Enseignement Catholique Organisations des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture Fonds des Nations Unies pour l’enfance

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Liste des schémas Schéma 1 : relations entre les acteurs de l’ECM à l’école ..................................................... 43 Schéma 2 : postures éducatives, politiques et choix pédagogiques ...................................... 45 Schéma 3 : premiers éléments pour une typologie des pratiques ........................................ 47 Schéma 4 : axe de l’implication des élèves........................................................................... 49 Schéma 5 : axe de la portée cognitive de l’intervention ....................................................... 49 Schéma 6 : axe de la portée socio-affective de l’intervention .............................................. 49 Schéma 7 : axe de la profondeur institutionnelle ................................................................. 51 Schéma 9 : éléments pour une typologie des pratiques (a) .................................................. 52 Schéma 10 : éléments pour une typologie des pratiques (b) ................................................ 52 Schéma 11 : formalisation résumée de la démarche ............................................................ 64 Schéma 12 : carte de positionnements des établissements ................................................. 85

Liste des tableaux Tableau 1 : textes de références par niveau de pouvoir ....................................................... 36 Tableau 2 : typologie des partenariats possibles .................................................................. 46 Tableau 3 : niveaux d’action appliqués aux pratiques de l’ECM ........................................... 50

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Abstract L’intégration de l’éducation à citoyenneté mondiale par les établissements de l’enseignement secondaire de la FWB est un objectif à la fois souhaitable et complexe. Malgré des moyens importants et une stratégie élaborée mise en œuvre par les acteurs spécialisés en ECM, ceux-ci ne parviennent à implanter des pratiques intéressantes et pérennes que dans un nombre limité d’établissements scolaires. Il fallait donc s’intéresser à ce qui fait obstacle et/ou aide au déploiement de l’ECM, tant du côté des stratégies mises en œuvre par les acteurs spécialisés de l’ECM que du côté des établissements scolaires. L’étude a investigué sur cette question en privilégiant les points de vue et les positionnements des acteurs scolaires à travers des entretiens qualitatifs sur base d’un échantillon de 25 établissements scolaires, complétés par un questionnaire en ligne diffusé plus largement. Des entretiens complémentaires auprès des acteurs qui encadrent le milieu scolaire au niveau institutionnel ont permis de mieux comprendre certaines tensions ou priorités qui se confrontent autour des missions de l’école. Dans les limites du temps octroyé et sans prétendre être totalement représentatives, les données recueillies donnent une image, une cartographie assez complète des freins et aides rencontrés. L’ensemble de ces données a permis, sur base d’un modèle d’analyse élaboré en interaction avec les objectifs de la recherche, de proposer quatre typologies théoriques (typologies des établissements, des dispositifs, des pratiques et des partenariats) qui permettent de rendre compte des différentes configurations rencontrées (monographies types). Les établissements scolaires semblent instrumentaliser des pratiques annoncées comme étant d’ECM au service de leurs propres intérêts et préoccupations. Ceux-ci sont centrés sur les problèmes liés à leur positionnement sur le marché scolaire et à la dynamique interne entre les acteurs de l’établissement. Dès lors, il serait intéressant de déplacer la question de l’efficacité des stratégies portées par les acteurs spécialisés en ECM. Cette efficacité ne sera pas seulement en fonction de la qualité de la proposition faite aux établissements et à l’explication de celle-ci aux acteurs de l’école, mais surtout à la capacité des acteurs spécialisés en ECM à convaincre les établissements que les démarches d’ECM proposées sont en mesure de les renforcer pour résoudre leurs problèmes liés aux confrontations des acteurs dans l’établissement et à leur positionnement sur le marché scolaire. Cette conclusion est d’autant plus intéressante que, dans l’échantillon de cette étude, les établissements qui semblent gérer le mieux leur image sur le marché scolaire et la dynamique des confrontations entre acteurs tout en garantissant une large mixité sociale dans leur recrutement sont précisément ceux qui développent les pratiques les plus intéressantes en terme d’ECM.

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1.1. Contexte de la cartographie Initié en 1997, Annoncer la Couleur - Kleur Bekennen est un programme fédéral d’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM) sous la tutelle du Ministère de la coopération qui, depuis 2003, en a confié la coordination à l’Agence belge de développement. En septembre 2014, le programme « Kleur Bekennen – Annoncer la Couleur » a défini de nouvelles orientations stratégiques 2014-2019. Il met désormais le focus sur l'enseignement secondaire avec une ouverture progressive vers les élèves de 3 à 12 ans ; la volonté étant de renforcer une certaine continuité pédagogique en ECM. Le programme cherche à ce que les jeunes agissent en citoyens responsables, conscients de l'importance de la solidarité internationale et contribuent à un monde plus juste. Dans ce cadre, son objectif spécifique vise à ce que les écoles intègrent les initiatives d’éducation à la citoyenneté mondiale dans leurs pratiques, et utilisent des ressources et des appuis de qualité à cet effet. Afin d’atteindre cet objectif spécifique, ALC portera particulièrement son attention sur : • la préparation et la mise à disposition d’une offre pédagogique de qualité répondant aux besoins des écoles ; • le renforcement des capacités des écoles et des enseignants en la matière ; • la capitalisation, l’échange et l’innovation sur base des bonnes pratiques en matière d'ECM. Lors du processus de formulation du nouveau Programme ALC 2014-2019, le besoin de mieux connaître l’ancrage de l’ECM/ED 1 dans les établissements de l’enseignement secondaire a été exprimé par l’ensemble des acteurs impliqués dans la démarche. La Direction Générale Coopération au Développement et d’Aide Humanitaire (DGD) a consenti à dégager des moyens pour mener à bien cette étude, pour autant que celle-ci se démarque, par ses visées, d’autres enquêtes déjà menées et qu’elle rencontre un intérêt pour le secteur des ONG actives en ECM/ED et le secteur de l’enseignement, en les impliquant dans la préparation, la réalisation et l’utilisation des résultats. Sur base de ces recommandations, ALC a invité des représentants de ces différents acteurs à se réunir en mai 2014 afin de croiser leurs attentes et définir les orientations stratégiques de cette recherche. Une équipe de recherche, composée de collaborateurs de la Haute École HELMo, du mouvement socio-pédagogique CGé2 ainsi que d’une consultante indépendante spécialisée en matière ECM/ECM, a été chargée de la mener à bien. In fine, cette cartographie devrait contribuer à améliorer la qualité et la pertinence de l’offre pédagogique en ECM/ED tout en renforçant les complémentarités et les synergies entre l’ensemble des acteurs.

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Éducation au développement est la nomenclature utilisée par le secteur des ONG et par les instances de la coopération au développement. L’ED est une dimension de l’ECM. 2 ChanGements pour l'Égalité asbl

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1.2. Objet de l’étude Cette étude vise à mieux appréhender le degré d’intégration de l’éducation à la citoyenneté mondiale dans l’enseignement secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les commanditaires de cette étude ont souhaité que celle-ci prenne la forme d’une cartographie afin de faciliter la visualisation de la réalité scolaire. Une cartographie est un travail d’identification des acteurs clés d’un secteur déterminé avec pour objectif de mieux comprendre comment ils s’inscrivent dans une dynamique relationnelle d’où émergent les processus observés. L’identification du rôle et de la position des acteurs dans le cadre du paysage social, institutionnel et politique d’un champ d’action donné ainsi que ses forces et faiblesses permettent d’analyser ses influences dans ce même paysage. Exercice dynamique et pas uniquement descriptif, il doit permettre aux acteurs impliqués de manière directe ou indirecte dans ce champ de redéfinir, entre autres, leurs stratégies d’actions.

1.2.1 Comprendre et agir sur le monde à travers l’éducation Au cœur de cette étude se trouve le concept d’éducation à la citoyenneté mondiale, terminologie principalement utilisée par certaines organisations non gouvernementales, Etats et institutions internationales. Bien qu’il existe des nuances dans la définition portée par chaque acteur, le dispositif Annoncer la Couleur, s’inspirant du cadre de référence du Conseil de l’Europe, s’inscrit dans ce mouvement en définissant l’ECM comme une éducation qui ouvre les yeux des citoyens sur les réalités du monde et les engage à participer à la réalisation d'un monde plus juste et plus équitable, un monde de droits humains pour tous. Il propose d’aborder les interdépendances mondiales en incitant les jeunes à faire des liens globaux entre divers thèmes touchant leur quotidien. Selon ALC, l'ECM situe l'individu non seulement par rapport à sa communauté de vie, mais lui attribue également une place et une responsabilité à l'échelle planétaire. Elle est attachée à̀ un objectif de changement afin de construire une éducation qui ne reproduit pas le système, mais qui envisage la transformation sociale3. Il s’agit de : 1. provoquer des changements de comportement, des manières de penser et de voir, en particulier, celles qui concernent les relations entre les pays du Nord et ceux du Sud ; 2. fournir les outils indispensables et proposer un entraînement pour aiguiser son esprit critique et exercer un droit à part entière de citoyen. Le défi de l'éducation à la citoyenneté mondiale (ECM) est de mettre à la disposition des personnes relais les ressources permettant aux jeunes : • d'identifier une question de société à dimension mondiale qui se manifeste dans leur environnement ou dans l'actualité ; • d'analyser cette question de société en la synthétisant, en la comparant et en tenant compte des interdépendances mondiales ; • de confronter cette analyse à des valeurs personnelles, collectives et universelles ; • de se situer et prendre position face à cette question afin de pouvoir opérer des choix ;

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Définition reprise dans le Cahier spécial des charges BTC/CTB du 13/08/2014 de cette étude.

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de faire preuve de créativité pour imaginer une action citoyenne dans une perspective mondiale et prendre part activement à sa réalisation.

Alors qu’ALC mobilise la notion d’ECM, les ONG et les instances de la coopération belge privilégient historiquement celles d’éducation au développement (ED). Pour ACODEV, la fédération des ONG francophones et germanophones, l'ED est un processus à deux versants, l'un est pédagogique, l'autre est politique. Il ne s’agit pas seulement d’être « solidaire avec les pays du Sud » mais de contribuer de manière conjointe à la construction d’une société plus juste qui intègre de manière articulée sa dimension internationale et ses spécificités locales. La singularité de l’ED réside dans sa connaissance des réalités diversifiées de certaines parties du monde, dans son expertise sur les enjeux internationaux nourris par sa relation partenariale avec des mouvements sociaux du Sud et dans sa capacité à mener des campagnes de plaidoyer auprès des décideurs sur ces enjeux. Les différents acteurs constatent qu’il n’y a pas de grandes différences sur ce que recouvrent les deux terminologies, ECM/ED, et sur les finalités de changement social poursuivies. Les acteurs traditionnels de la coopération au développement, traversés actuellement par des débats sur la pertinence de conserver la nomenclature ED, souhaitent, au-delà des définitions, maintenir, au cœur de leurs démarches éducatives, les relations Nord-Sud et la solidarité internationale. Bien que déjà anciens, les propos d’un collaborateur du Centre national de Coopération au Développement (CNCD) illustre bien un des enjeux des débats en cours : « Le tiers monde est aussi un lieu de résistance dont l’éducation au développement doit révéler les réalités et apports spécifiques afin de susciter des courants concrets d’échanges et de solidarité dans les deux sens. C’est sans doute là que l’éducation au développement trouve sa principale raison d’être au sein d’un processus de construction d’une citoyenneté agissant sur le terrain international. Comparer statistiquement le problème de l’emploi des jeunes de villes africaines et européennes reste un discours vain s’il ne s’incarne dans le témoignage du vécu des uns et des autres faisant ressortir singularités et ressemblances. De ces constats peuvent naître des confrontations porteuses d’idées et de motivation pour chacun. » 4 Ces débats autour des terminologies utilisées renvoient à une évolution des concepts et des visions de l’ED qui peuvent être schématisés comme suit : un pôle d’acteurs plus centré autour d’enjeux éducatifs (éduquer à la compréhension du monde), et un autre pôle plus centré sur la consolidation d’une citoyenneté mondiale engagée (éduquer aux changements sociaux). Dans la réalité, les ONG se positionnent de manière variable entre ces deux grands enjeux. Ce débat, mené de manière constructive, amène petit à petit les acteurs à redéfinir les finalités et les contours de l’ED, ainsi que son intitulé.

1.2.2 L’école, lieu d’apprentissage d’une citoyenneté à l’échelle mondiale ? Le dispositif Annoncer la Couleur, ainsi que de nombreuses ONG de coopération au développement, proposent leur collaboration en milieu scolaire belge francophone. Ils entendent ainsi contribuer à ce que les jeunes deviennent des citoyens plus conscients de 4

KARLSHAUSEN G., “Education au développement et citoyenneté: crises et perspectives”, in les Cahiers de l’éducation permanente, Education au développement et aux droits de l'homme, Action commune culturelle socialiste, 1998, n°3, p.44.

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l’inégale répartition des ressources dans le monde, des atteintes qui en résultent à la dignité et aux droits humains, et du rôle actif qu’ils peuvent et pourront jouer, individuellement et collectivement, dans un esprit de justice et de solidarité, pour y mettre un terme.5 Depuis plusieurs décennies, les acteurs de la coopération au développement ont multiplié leurs offres afin d’entrer dans les écoles et toucher un public par nature captif. Encore aujourd’hui, l’école reste un important terrain d’action de l’éducation à la citoyenneté mondiale. Il n’y a pas d’unanimité sur le rôle que devraient jouer les acteurs de la coopération au développement au sein des programmes scolaires ; s’agit-il d’apporter une bonne (ou mauvaise) conscience auprès des élèves ou d’appuyer les acteurs internes à l’école à définir une autre politique éducative qui tienne compte des évolutions sociétales ? Parallèlement à cette offre externe, des enseignants motivés tentent, malgré les difficultés auxquelles l’Ecole est confrontée, d’éveiller leurs élèves aux questions fondamentales de société à travers leurs cours ou à travers des projets périscolaires, sans forcément l’appui de collaborations externes. Quel regard l’école porte-t-elle sur les pratiques ECM ? Quels sont les stratégies et les types de pratiques mises en place en interne ? Quel en est le centre de gravité? Quels sont les freins/obstacles rencontrés par les acteurs scolaires? Quelle légitimité est octroyée aux acteurs externes qui ont une vision partielle des dynamiques et confrontations qui se jouent au sein du système éducatif tant au niveau de son fonctionnement qu’au niveau des finalités poursuivies ? Afin de tenter de répondre à ces questions, ou tout du moins d’en identifier certains éléments, le groupe de pilotage de cette étude a souhaité solliciter la parole des propres acteurs éducatifs. Quelques recherches et évaluations ont déjà été réalisées sur l’articulation ECM/ED6 et milieu scolaire. La spécificité de celle-ci réside peut-être dans le poids donné à l’écoute des analyses et trajectoires des acteurs scolaires sans les enfermer dans un cadre prédéfini par une logique de « marché » à investir, même si celle-ci ne peut être complètement niée.

1.2.3 Acquisition et mobilisation des compétences citoyennes En empruntant certains concepts au sociologue P. Bourdieu, l’ECM peut être analysée comme une éducation transformatrice qui, à partir de ses spécificités, a pour visée le renforcement du « capital citoyen » des publics auxquels elle s’adresse et des champs sur lesquels elle s’exerce. Cette notion de champ est fondamentale car elle facilite l’analyse des pratiques non seulement à partir des compétences citoyennes qui y sont développées (le capital citoyen) mais également à partir des espaces et thématiques où elles s’élaborent (champ culturel).

5

ACODEV, Présentation de quelques caractéristiques du terrain de l’éducation à la citoyenneté mondiale en milieu scolaire, 2013. 6 Afin d’alléger la lecture du document, nous utiliserons dorénavant les termes génériques ECM utilisés par le principal commanditaire de cette étude.

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Les compétences citoyennes peuvent ou non être mobilisées dans des champs plus larges au niveau territorial et/ou transférables ou non à d’autres problématiques. Par exemple, l’apprentissage de l’argumentation sur la plus-value du commerce équitable au sein d’un Jeune Magasin du Monde-OXFAM dans l’établissement scolaire peut potentiellement amener un jeune à s’investir dans un réseau d’économie sociale et solidaire au niveau national (le champ territorial de mobilisation de la compétence a été élargi mais pas transféré) ou peut amener celui-ci à s’impliquer activement dans le comité des élèves (la compétence est transférée dans un autre champ thématique sans élargissement de niveau territorial). Les compétences citoyennes développées dans les pratiques, si restreintes soient-elles, sont potentiellement d'une part élargissables géographiquement et transférables thématiquement. Le mondial s'atteint par le local et le global, s'atteint par le particulier. Cette étude n’a pas pour vocation ni les moyens d’analyser et d’évaluer ces transferts potentiels. Par contre, ce cadre conceptuel va permettre l’analyse des pratiques définies comme citoyennes menées actuellement au sein des établissements et leurs articulations avec les finalités de l’ECM.

1.3. Objectifs de l’étude Les objectifs visés par l’étude tels que définis dans ses termes de références sont: • de comprendre ce qui se fait (ou pas) à l’école en matière d’ECM/ED, dans quel contexte et avec quelle dynamique (typologie d’écoles sur base des pratiques et des stratégies menées) ; • d’identifier l’ensemble des acteurs liés au monde scolaire afin d’avoir une vue globale des parties prenantes, et comprendre leur rôle, leur fonctionnement et leur dynamique (état des lieux des parties prenantes). Il s’agit de mettre en relief de manière large ce qui se fait ou pas au sein des établissements scolaires en matière d’ECM/ED et non d’évaluer l’offre d’ALC ou des ONG. Cette cartographie des dynamiques existantes et des acteurs qui les portent, complétée par d’autres études pertinentes, notamment référencées dans le cahier des charges, devrait permettre de repérer des leviers et des freins à l’intégration de l’ECM/ED dans l’enseignement, de mieux comprendre les besoins des acteurs scolaires en la matière, ainsi que de favoriser une nouvelle stratégie de collaboration entre acteurs. Un comité de pilotage composé de représentants d’ALC, de l’ACODEV, de la Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire (DGEO), du Cabinet et de réseaux d’enseignement a joué son rôle de veille tout au long de la démarche et facilité son déploiement. Parallèlement, la même étude “Cartografie van wereldburgerschapseducatie in het onderwijs van de Vlaamse Gemeenschap : analyse en behoeften” a été réalisée par une autre équipe de recherche auprès des acteurs de l’enseignement secondaire flamand.

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1.4. Méthodologie 1.4.1 Équipe de recherche et appartenances multiples La définition des champs de recherche nous a amené à poser la question de nos appartenances singulières. Nous y avons porté une attention particulière afin d’éviter le caractère illusoire de l’expérience première et de prendre des précautions dans la relation avec l’objet d’étude, à la croisée de deux mondes, entre enseignement et coopération. Ainsi, le consortium proposé a permis de mettre en avant une réflexivité critique pour tendre vers une neutralité axiologique. Les premières hypothèses ont été posées en équipe en vue de la construction d’un modèle d’analyse travaillé de manière dynamique et itérative qui a ainsi accompagné toute la phase de recherche. Cette démarche s’inscrit dans la veine hypothético déductive en articulant une réflexion théorique et critique avec l’empirisme du terrain afin d’infirmer ou de confirmer les hypothèses posées a priori et celles construites lors de la recherche en tant que telle. Plusieurs réunions ont jalonné le travail pour déposer, ensemble, les réflexions issues de chacun des mondes d’appartenance en s’interrogeant mutuellement sur les présupposés en la matière et en visant l’enrichissement permanent du modèle d’analyse traversé par de nombreuses mises en tension.

1.4.2 Analyse documentaire L’exploitation de données issues de l’analyse documentaire a éclairé des éléments de l’objet d’étude. Elle a été utile au démarrage de l’étude afin de mieux appréhender les différents contextes institutionnels des acteurs impliqués dans celle-ci et de tenir compte des constats des études récentes menées en la matière. L’étude documentaire s’est poursuivie tout le long de la recherche pour éclairer les processus qui suscitent ou qui freinent certains changements en rapport avec l’ECM. Outre les études et documents proposés dans le cahier des charges, d’autres sources, plus particulièrement produites par les acteurs institutionnels ou les praticiens du monde scolaire, ont été consultées. Une analyse transversale des référentiels légaux (décrets Missions, Citoyenneté, Neutralité), des projets éducatifs des différents réseaux et des projets d’établissements a été réalisée.

1.4.3 Démarche exploratoire Sur base de l’approche théorique, des échanges en équipe, de l’élaboration des premières hypothèses, nous avons choisi de tester un premier guide d’entretien pour des entretiens semi-directifs auprès des directions et des équipes éducatives. L’idée sous-jacente était de permettre une amélioration du guide après une première phase de test. En outre, cette démarche exploratoire a été entrevue au bénéfice de la construction du questionnaire destiné à l’ensemble des enseignants et des directeurs du secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Enfin, nous avons choisi de travailler en binôme pour la récolte de ces données afin de mener les entretiens dans des conditions acceptables et transcrire les entretiens en séance.

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1.4.4 Dispositifs de récolte de données Au départ de l’annuaire des écoles secondaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous avons sélectionné un échantillon d’écoles correspondant à des critères d’appartenance de réseau (FELSI - CPEONS - FWB - SEGEC) ; de province (Luxembourg, Hainaut, Namur, Liège, Brabant wallon ainsi que la région de Bruxelles Capitale) ; des filières d’enseignement (général de transition, technique de transition, technique de qualification, professionnel et enseignement spécialisé); une répartition à respecter en termes d’indices socioéconomiques (ISE) ; de taille d’établissement ; une distribution selon une répartition théorique entre rural et urbain (un tiers / deux tiers). Enfin, nous avons pris en considération le type de pédagogie annoncée afin d’élargir le spectre des obédiences pédagogiques (pédagogies actives vs pédagogies traditionnelles).

1.4.5 Prise de contact avec les établissements scolaires Pour un premier contact avec les écoles, nous avons choisi d’adresser la demande de collaboration par lettre, directement adressée aux chefs d’établissement. Après cette première amorce, une relance téléphonique a été mise en place. Les contacts ainsi pris ont démontré le peu d’impact d’un courrier dans sa version papier. Nous avons donc convenu d’une part de faire une relance via les adresses mails et d’autre part d’élargir notre sélection initiale tout en respectant les critères établis au départ. Les écoles qui ont marqué un refus formel sont très largement minoritaires, les écoles qui ont accepté d’emblée un entretien le sont également. La stratégie a été celle de la persévérance… Cette tâche indispensable s’est révélée fastidieuse tant les écoles semblent envahies de demandes diverses. Les premiers contacts téléphoniques nous ont amené à revoir notre demande et à la fragmenter. Il s’est avéré difficile pour les chefs d’établissement d’organiser une rencontre avec eux, de réunir des membres de l’équipe éducative et de libérer une heure avec une classe en fin de cursus. Les obstacles rencontrés ont permis de dresser une série d’hypothèses relevant de la temporalité, du rythme scolaire et de la disponibilité des chefs d’établissement au regard des nombreuses sollicitations dont ils font déjà l’objet. Au final, 25 écoles7 ont accepté de nous rencontrer, certaines facilitant les trois types d’entretiens sollicités (direction, équipe éducative, élèves en fin de cursus), d’autres en partie.

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La liste complète des écoles se trouve dans les annexes.

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Réseaux

Fédération Wallonie-Bruxelles

CPEONS

SEGEC

FELSI

Description de l’échantillon Filières Provinces Bruxelles Brabant wallon Hainaut Transition/ Qualifiant Namur Liège Luxembourg Spécialisé Liège Bruxelles Brabant wallon Hainaut Qualifiant Namur Liège Luxembourg Bruxelles Transition Brabant wallon Liège Bruxelles Brabant wallon Hainaut Transition Namur Liège Luxembourg Bruxelles Brabant wallon Hainaut Qualifiant Namur Liège Luxembourg Transition Brabant wallon TOTAL

Nombre / 2 1 1 2 1 1 1 / 1 1 1 / 1 / / 2 2 / 2 1 1 1 2 1 25

1.4.6 Entretiens L’approche qualitative par entretiens semi-directifs a été choisie comme porte d’entrée pour interroger les acteurs de terrain en donnant à leurs expériences vécues, logique et rationalité une place de premier plan. Cette approche a facilité l’appréhension et la compréhension des réalités sociales vécues par les acteurs. Deux types de publics ont été approchés : les acteurs des établissements scolaires et des représentants institutionnels stratégiques du secteur de l’enseignement et de la coopération au développement.

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a) Entretiens au sein des établissements scolaires



La direction Un guide d’entretien a été spécifiquement élaboré pour les directions. Généralement, ce sont les chefs d’établissement qui nous ont reçus. Plus exceptionnellement, nous avons rencontré différents membres d’un même comité de direction.



Les équipes éducatives La rencontre avec les équipes éducatives s’est organisée sous forme de focus group afin de permettre aux intervenants de terrain de s’exprimer de manière dynamique sur leurs pratiques et faire état de la diversité des points de vue. Il s’est avéré difficile de rencontrer et d’entendre, dans la majorité des écoles, les membres de l’équipe éducative qui n’ont pas de pratique d’ECM (quels qu’en soient les motifs : pas dans les programmes, pas le temps, pas l’envie, pas la formation, etc.). Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce constat : choix des participants aux focus groups par la direction ellemême, désintérêt ou indisponibilité des non convaincus. Nous avons également eu l’opportunité d’interviewer 14 enseignants représentant une dizaine d’établissements scolaires lors d’une journée OXFAMNESTY. Un des organisateurs, membre du groupe de pilotage, nous a invités à animer un atelier de deux heures trente afin de récolter le point de vue et les pratiques d’enseignants d’écoles que nous n’avions pas rencontrées.

• Les élèves en fin de cursus En fonction des disponibilités internes aux écoles, nous avons également invité des élèves en fin de cursus scolaire à raconter leurs expériences vécues en matière d’ECM et à partager le sens donné à ces expériences. Les élèves d’une même classe, à partir d’un photo-langage ou d’un exercice de positionnement, ont partagé leur rapport au Monde et leur appréciation sur le rôle de l’école dans leur meilleure compréhension des enjeux et dans leur potentiel engagement vis-à-vis d’une société plus juste et solidaire. Grâce à ces trois types d’entretiens, l’équipe de recherche a pu croiser les points de vue des acteurs et « bénéficiaires » de l'ECM. De plus, les rencontres ont nourri la construction du questionnaire pour croiser l’approche de terrain avec les données quantitatives. Dans la veine de la sociologie compréhensive, considérant le discours dans sa valeur intrinsèque comme une porte d’accès à la réalité vécue, nous avons tenu à ne pas donner de définition au sens strict du terme de l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale. C’est un parti pris que nous avons retenu afin de ne pas orienter et perdre une partie des pratiques qui en relèvent mais qui ne sont pas « labellisées » comme telles. Il est évident que ce choix a suscité des réflexions dans la rencontre avec les directions et équipes éducatives. Est-ce que ceci est ou pas, relève ou pas du domaine de l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale ? Nous avons laissé le soin aux personnes interrogées de se faire leur lecture sur base de ce que nous avions convenu en équipe à savoir « ce qui permet aux élèves de contribuer à un monde plus juste »8.

8

Définition proposée en séance de travail

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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b) Entretiens institutionnels Afin de mieux appréhender les postures institutionnelles ayant une influence sur les pratiques de terrain, l’équipe de recherche a rencontré des représentants de différentes instances de l’administration de l’Enseignement, ainsi que les différents syndicats d’enseignants et les fédérations d’associations de parents. Ces entretiens ont nourri la réflexion en termes d’enjeux et facilité l’appréhension de la problématique dans son ensemble. Ils ont également permis d’alimenter l’élaboration d’hypothèses ainsi que la construction du modèle d’analyse. L’administration de la coopération au développement ainsi que l’ACODEV ont également partagé leurs postures en tant que collaborateurs externes de l’école.

1.4.7 Questionnaire en ligne Afin de replacer les données qualitatives dans un cadre plus large et éventuellement de pouvoir extrapoler quelques considérations sur les variables retenues, nous avons choisi de proposer un questionnaire en ligne avec l’appui technique du service qualité de l’HELMo. Le questionnaire a été rédigé sur base des premières hypothèses mais également en intégrant les réflexions issues de la démarche exploratoire. Validé par le groupe de pilotage, hasard du calendrier, le questionnaire a été diffusé au lendemain des évènements de Paris. Afin de ne pas introduire de nouveaux biais et de recouvrir l’ensemble des réalités de la Fédération Wallonie Bruxelles, nous avons sollicité l’appui du Cabinet de l’enseignement et de la DGEO9 pour une « diffusion homogène ». Le lien vers le questionnaire a ainsi été envoyé via une circulaire10 à l’ensemble des directions des établissements de la Fédération Wallonie Bruxelles qui étaient invitées à le transférer vers l’ensemble des équipes éducatives. Au vu du faible taux de réponses, une relance a été organisée auprès des différents établissements déjà rencontrés et via les contacts d’enseignants de différentes structures. 11 Au terme de la mise en ligne du questionnaire, nous relevons 394 répondants.

1.4.8 Questionnaire en présentiel, stratégie de mesure du biais A l’analyse des premiers résultats très homogènes, nous avons émis l’hypothèse que principalement les membres des équipes éducatives engagés ou sensibles aux visées de l’ECM répondaient au questionnaire. Afin de mesurer ou pour le moins de valider l’hypothèse du biais, nous avons confronté le questionnaire en ligne avec un questionnaire version papier que nous avons diffusé en présentiel à tous les enseignants d’une même école dans trois établissements différents. Le taux de réponse dans chacune de ces trois écoles a été d’un peu plus de 50%. Après dépouillement et encodage des questionnaires, nous comptabilisons 96 répondants.

9

Direction générale de l’enseignement obligatoire La circulaire 5117 11 ALC, CGé, OXFAM-Magasins du Monde, SCI. 10

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1.4.9 Contexte du recueil des données Toute démarche de recherche s’inscrit dans un contexte social particulier. Dans le cadre de cette étude, différents événements non prévisibles ont joué un rôle soit dans sa planification soit dans le type de données obtenues. L’équipe de recherche a dû s’adapter en réorganisant sa planification initiale et en consolidant sa stratégie de récoltes de données par des outils complémentaires afin de réduire certains biais suscités par l’actualité de ces derniers mois. •

Mobilisation contre l’austérité

Le démarrage de l’étude, notamment dans son volet planification, a été fortement perturbé par la mobilisation sociale qui s’est organisée à l’annonce des mesures d’austérité prises par le nouveau gouvernement dès sa prise de fonction le 11 octobre 2014. Le Front commun syndical a appelé ses membres à se mobiliser contre ces mesures à travers un solide plan d’actions. Une manifestation nationale, des grèves tournantes et une grève générale se sont étalées durant les deux derniers mois de 2014. Le secteur de l'enseignement n’a pas échappé à ce mouvement à travers différentes formes d’actions: personnel en grève, fermeture d’établissements, arrêt partiel de travail, séances d’informations syndicales, etc. La prise de contact avec les directions afin d’obtenir des rendez-vous pour des entretiens qualitatifs a été très ardue et énergivore. Une majorité de directions contactées, confrontées elles-mêmes aux difficultés de gestion du fonctionnement de leur établissement, a exprimé la nécessité de prioriser les urgences. Bien que soulignant l’intérêt de l’étude, elles ne pouvaient y consacrer du temps. •

Crispations autour du cours de citoyenneté

La question de la création d’un cours d’éducation à la citoyenneté est en négociation depuis la législature précédente. La déclaration de politique communautaire du nouveau gouvernement de la FWB et, par la suite, la vive émotion suscitée par les attentats de Paris en janvier 2015, ont remis à la une de l’actualité ce projet d’un cours commun d’éducation à la citoyenneté. Dans son accord de majorité adopté en juillet 2014, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) s’est en effet accordé pour tenter de remplacer une des deux heures de cours de religion et de morale assurées aujourd’hui dans l’enseignement officiel par une heure de cours sur la citoyenneté et « des philosophies » qui réunirait les élèves des différentes confessions. L’enseignement libre ne serait pas concerné par cette mesure au risque de toucher au cadre constitutionnel. Cours de civisme pour les uns, d’histoire comparée des religions ou cours de philosophie pour d’autres, différentes visions et postures autour de la notion de citoyenneté et de son articulation potentielle avec les différentes confessions se confrontent dans le débat actuel. Notre démarche de recherche, à l’écoute des acteurs scolaires, a été inévitablement traversée par ces débats. Bien qu’ayant pris des précautions méthodologiques afin de ne pas être happé dans des débats « périphériques » à notre objet d’étude, les acteurs scolaires rencontrés, plus particulièrement depuis janvier, ont partagé leurs points de vue sur l’intérêt ou pas d’organiser un cours de citoyenneté, en supplément des cadres et outils existants, et son articulation avec les enjeux de la citoyenneté et de la solidarité internationale. Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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L’après Charlie : l’école au cœur des questions de société

Les actes tragiques perpétrés en ce début d’année ont mis sur le devant de la scène les inégalités sociales et les discriminations qui traversent nos sociétés occidentales. L’école a été très rapidement placée au cœur des réformes proposées. Elle devrait, selon certains, jouer un rôle essentiel dans la lutte contre la radicalisation de certains jeunes et renforcer simultanément l’apprentissage du « vivre ensemble ». Face à la déferlante médiatique et aux amalgames exprimés, le débat sur la capacité du système éducatif à exercer la citoyenneté critique est relancé. Bousculés par les événements et les discours variés portés sur le rôle que devrait jouer l’école, les réponses des acteurs scolaires rencontrés ainsi que probablement ceux qui ont répondu au questionnaire en ligne ont été nourries par cette actualité préoccupante.

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2.1. L’émergence d’une proposition internationale ou globale pour l’éducation L’apprentissage « du reste du monde » fait l’objet d’attention de structures de l’éducation formelle et non formelle depuis particulièrement le 19e siècle. La connaissance de certains continents en Europe a été historiquement influencée par la propagande coloniale et par certaines traditions religieuses et missionnaires. Le regard sur l’Autre lointain s’est développé à travers un prisme ethnocentrique caractérisé par un sentiment de supériorité vis-à-vis de populations perçues comme moins civilisées. Empruntant des formes différentes selon les époques, ce regard influence encore aujourd’hui notre rapport à l’altérité et le type de solidarité à construire… ensemble. Afin de déconstruire les fondements de cette vision paternaliste et de favoriser des dialogues croisés, les Nations Unies, après la seconde guerre mondiale, formulent une série de recommandations soulignant la nécessité d’une éducation ouverte sur le monde pour mieux appréhender le contexte international et favoriser des apprentissages interculturels. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), en 1974, élabore une recommandation12 qui invite les Etats membres à envisager le rôle essentiel de l’éducation dans la promotion de la justice, des droits humains et de la paix. Elle souligne le rôle essentiel des acteurs scolaires dans ce débat. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), quant à elle, s’empare de ces enjeux en développant des programmes pour « éveiller l'intérêt et la curiosité des enfants et des jeunes en développant leur capacité à analyser leur propre situation et celle des autres, de manière à connaître les problèmes mondiaux et leur incidence sur les problèmes quotidiens de la société dans laquelle ils vivent » 13. Les notions de coopération, de justice et de dignité doivent se substituer à celles d'aide et de charité. Les jeunes, enseignants, pouvoirs publics et public en général doivent prendre conscience de la nécessité absolue de transformer les relations actuelles entre les peuples et œuvrer à cette fin. L'émergence d'un mouvement pour une éducation plus globale a des liens avec d'autres courants apparus dans les années 70. Il s’agit notamment de l'éducation environnementale, de l’éducation à la paix, l'éducation interculturelle, aux droits humains et plus tard l'éducation antiraciste. Bien que tous ces mouvements aient leur propre histoire, ils convergent sur la nécessité d'établir des liens entre l'apprentissage et la société et, surtout, de comprendre l'éducation comme un véhicule de transformation personnelle et sociale. L’éducation formelle ayant du mal à faciliter ces connexions.

12

Recommandation sur l’éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationales et l’éducation relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, UNESCO, 1974. 13 VICKERS J., L’histoire de l’éducation au développement à l’UNICEF, UNICEF, 1986.

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Fin des années 90, le Conseil de l’Europe tente de relier ces différentes démarches éducatives « aux valeurs » en stipulant que « l’éducation à la citoyenneté mondiale est une éducation holistique qui ouvre les yeux des individus aux réalités du monde et les incite à œuvrer pour davantage de justice, d’équité et de droits humains pour tous dans le monde »14. Selon cette définition, l’éducation à la citoyenneté mondiale englobe les autres courants éducatifs « aux valeurs », et les dimensions globales de l’éducation à la citoyenneté. Aujourd’hui, l’Initiative Mondiale pour l'Education avant tout (GEFI), lancée en 2012 par le Secrétaire général des Nations Unies, fait de l’éducation à la citoyenneté mondiale l’une de ses trois priorités. Au sein de l’UNESCO, des travaux sont actuellement en cours afin de définir les compétences que les jeunes devraient acquérir pour devenir des citoyens du monde en tenant compte des mutations sociétales de ce 21ème siècle. L’intégration de l’objectif de l’éducation à la citoyenneté mondiale dans les programmes scolaires nationaux est l’une des tâches les plus urgentes.

2.2. L’agenda du développement et l’évolution de l’éducation au développement Le concept d’éducation au développement a émergé dans les années 70 dans le secteur de la coopération au développement. Ce qui la distingue historiquement des autres courants éducatifs, c’est son histoire indissolublement liée à l'évolution des théories sur le développement des relations Nord-Sud et de la structuration du secteur de la coopération Afin de repérer de manière très synthétique les principaux éléments de cette évolution, nous avons repris l’adaptation par un membre de notre équipe de recherche15 du cadre de référence élaboré initialement par la pédagogue espagnole M. MESA. Ce modèle de cinq générations 16 ne doit pas être lu de manière linéaire. Il s’agit plutôt d’un processus accumulatif dans lequel le discours et la pratique de l’ED ont évolué de manière inégale. Dans les actions proposées par un acteur déterminé, on peut retrouver simultanément des caractéristiques de l’une ou l’autre génération. Chaque génération ayant renouvelé son discours et sa pratique, il reste donc d’actualité sous de nouvelles formes. •

Première génération : approche caritative - assistancielle

Les premières activités de sensibilisation et de récolte de fonds des ONG apparaissent dans les années 40-50. Elles ne peuvent être considérées comme des activités d’ED car elles sont dépourvues d’intentions éducatives. Cependant, elles constituent un précédent qui va interagir en permanence avec l’évolution du concept de l’ED jusqu’à aujourd’hui. 14

Déclaration de Maastricht sur l’éducation à la citoyenneté mondiale, Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe, 2002. 15 MIGUEL SIERRA A., Evolution des concepts et des pratiques d’éducation au développement, 2012, Séminaire ED, Ulg, syllabus du cours. 16 MESA M., « La educación para el desarrollo : entre la caridad y la ciudadanía global », in Revista Papeles para la Paz, Madrid, 2000, n° 70.

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Les organisations, à l’époque en majorité de type missionnaire, attirent l’attention du public sur la vie difficile des populations les plus défavorisées des colonies, sollicitant son aide pour améliorer leur situation. Afin de solliciter la compassion du public à travers des campagnes de récolte de fonds, les organisations utilisent des images catastrophiques très stéréotypées, décontextualisées dans lesquelles les personnes du Sud apparaissent comme des victimes impotentes. Elles proposent une vision linéaire de la réalité à partir d’explications monocausales. •

Seconde génération : approche développementaliste

Après la seconde guerre mondiale, l'avenir de l'humanité est envisagé comme une ligne ascendante guidée par la notion de progrès. Le développement est défini comme étant pour l'essentiel un problème de modernisation. En retard sur l'Occident, les sociétés traditionnelles et des anciennes colonies doivent franchir une série d'étapes qui constituent le processus de croissance économique et de modernisation sociale afin d'atteindre le modèle idéal de développement 17 , celui de la société de consommation de masse, personnifié dans l' « American way of life ». C’est aussi à ce moment que l’Aide Officielle au Développement (AOD) se met en place dans de nombreux pays occidentaux. Dans les années 60, de nouvelles ONG de développement et certaines organisations missionnaires et humanitaires déjà existantes intègrent dans leurs missions le soutien de « projets de développement » au niveau local dans une dynamique de modernisation des réalités lointaines traditionnelles. Au nord, les ONG et les pouvoirs publics s’attellent à informer le public sur les réalités des pays sous-développés et sur la pertinence des projets d’aide pour la modernisation de leurs sociétés. On est face à une information sur l’aide au développement. Malgré une meilleure image des populations appauvries, on maintient un discours euro-centriste et paternaliste. •

Troisième génération : éducation critique et solidaire

A la fin des années 60, les luttes pour la libération nationale et contre les dictatures dans plusieurs régions du monde, les nouveaux mouvements sociaux dans les pays industrialisés (opposition à la guerre au Vietnam et la mobilisation de mai 68) et la contribution des analyses d’experts en sciences sociales ont changé le sens et les pratiques de l’ED. Le paradigme de la modernité est contesté par la thèse de la dépendance alimentée par plusieurs pays du tiers-monde. Elle affirme que le sous-développement ne constitue en rien un retard, mais qu'il est au contraire la conséquence de l’exploitation et de la domination des pays de la périphérie par les pays du centre, dits développés Progressivement, les descriptions des situations de pauvreté des populations du Sud vont être substituées par des analyses sur les causes structurelles du sous-développement, mettant en exergue les responsabilités du Nord et le caractère injuste de l’ordre international. Les ONG proposent une conception plus critique et plus diversifiée de leur pratique éducative. C’est à ce moment que se généralise le terme même d’ED. 17 Cfr. les théories de Rostow.

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Les apports de pédagogues tels qu’Illich ou Freire, qui proposent une réflexion sur l’apprentissage comme outil de changement social en dénonçant le système scolaire comme lieu de reproduction des inégalités sociales, inspirent de nombreux éducateurs. Une profusion d’initiatives voit le jour, portée par de nouveaux acteurs tels que des comités de solidarité, des centres de recherche, une nouvelle génération d’ONG et certaines organisations internationales. Ces actions dénoncent la vision eurocentriste du développement. Tant dans le secteur de l’éducation formelle que non formelle, les objectifs pédagogiques des militants visent la compréhension des phénomènes de développement/sous-développement. Les ONG initient de vastes campagnes d’information et de sensibilisation sur des thématiques ciblées. •

Quatrième génération : éducation pour un développement humain et durable

La période des années quatre-vingt se caractérise par la crise de la dette, les programmes d’ajustement structurel et la fin du bipolarisme. La théorie néo-libérale s’impose. Le développement est défini comme un processus d’accumulation de richesses qui résulte du marché libre. Cette logique néo-libérale va augmenter le niveau de pauvreté dans les pays du Sud mais aussi dans les pays du Nord. En réaction à cette vision centrée sur la croissance économique, une nouvelle façon d'envisager le développement est alors proposée par les Nations Unies : le développement humain, qui ne se mesure pas seulement par des indicateurs économiques conventionnels mais plutôt par son impact réel sur la vie des personnes. Le concept de développement durable sera, lui, officialisé dans le rapport Brundtland, en 1987. Il y est défini comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Dans ce nouveau contexte d’interdépendance, l’ED intègre de nouveaux contenus et défis tels que l’analyse des conflits armés, les rapports hommes-femmes, les flux migratoires, le racisme et la xénophobie, les droits humains, les problèmes de l’environnement, la crise de la dette. Un rapprochement de différentes éducations « aux valeurs » s’initie afin de favoriser une meilleure compréhension des interdépendances entre le Nord et le Sud. La question du commerce équitable et d’une consommation éthique solidaire devient un axe important. On questionne le modèle de développement tant dans le Nord que dans le Sud qui n’est ni socialement ni écologiquement soutenable. •

Cinquième génération : éducation pour une citoyenneté mondiale

Depuis la décade des années 90, la scène internationale subit des transformations profondes passant du bipolarisme à une pensée qui se veut unique. La mondialisation de l'économie, l'organisation de nouveaux échanges commerciaux et financiers affectent, de différentes manières, l’ensemble de la planète. Le fossé croissant entre ceux qui accumulent les richesses et bien-être et ceux qui en sont de plus en plus exclus, cumulé aux coûts environnementaux qu'il engendre, met en évidence que ce modèle de développement ne peut être généralisé à toute l'humanité. Le débat sur les limites de la croissance est à l’ordre du jour. Face à ces dynamiques d’homogénéisation des modes de vie et de pensée, certains groupes revendiquent des identités et particularismes spécifiques. La crise du Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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développement n’est pas uniquement une problématique du Sud, elle affecte également le modèle occidental d’Etat-providence. En réaction à ce monde désormais globalisé, une série d’organisations, de syndicats et de groupes sociaux, un peu partout sur la planète, articulent leurs luttes afin d’élaborer des stratégies alternatives au modèle imposé. « Cette perte de confiance des citoyens en la capacité, ou en la volonté, des gouvernements à garantir la priorité des sécurités collectives sur les intérêts des grands groupes privés est à l’origine d’un « mouvement citoyen mondial » en quête de nouvelles formes de régulations collectives et démocratiques »18. Le développement dépend avant tout de la démocratisation politique et sociale de la collectivité. Dans ce contexte, l’ED explore de nouveaux contenus et méthodes qui facilitent la compréhension critique du modèle de globalisation et réaffirme les liens indissociables entre développement, justice, équité et droits humains. Elle promeut une conscience de citoyenneté mondiale coresponsable engagée tant au niveau local qu’au niveau international. Ses modes d’interventions se caractérisent par un renforcement du travail en réseaux et d’alliances entre mouvements et organisations de différentes zones de la planète, par une augmentation des campagnes de plaidoyer et de mobilisation sociale ainsi que par l’expérimentation de nouvelles formes d’engagement tant au niveau de l’espace public que dans des secteurs spécifiques tels que le monde scolaire. Aujourd’hui, l’éducation au développement, par son regard critique, bouscule les socles de base de la coopération traditionnelle en portant un nouvel éclairage sur les relations NordSud, non plus caractérisées par des frontières géographiques mais par les conflits et intérêts entre groupes de nantis et groupes exclus ; non plus basée sur le principe de l’aide mais sur celui des alliances et de la coresponsabilité dans la définition d’un nouveau cadre de vie à l’échelle planétaire. C’est un processus qui vise à provoquer des changements de valeurs et d’attitudes sur les plans individuel et collectif en vue d’un monde plus juste, dans lequel ressources et pouvoir sont équitablement répartis dans le respect de la dignité humaine. Elle se veut une éducation dynamique, ouverte à la participation active, créative, pluraliste, orientée vers l’action et le changement social.19 Au vu de l’évolution du discours et des pratiques en ED, certains acteurs s’interrogent sur la pertinence de maintenir le terme de développement dans son intitulé car perçu par de nombreux secteurs de la société civile comme la valorisation d’un modèle basé sur la croissance économique, producteur d’exclusions, et la promotion des modes d’interventions au Sud de type paternalistes ou assistanciels. Le concept de citoyenneté positionne les pays du Nord non plus comme bienfaiteurs, mais coresponsables des choix de société. L’éducation à la citoyenneté mondiale semble devenir un concept plus fédérateur que celui d’ED car il facilite l’apport de différents groupes sociaux de par le monde et est mieux appréhendé par le tout public.

18 19

POLET F., Introduction, in Mondialisation des résistances : l’état des luttes, CETRI, 2004. Extrait du Référentiel sur l’Education au développement, ACODEV, 2005.

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2.3. Le cadre institutionnel au niveau européen Depuis 1979, la commission européenne cofinance des actions visant à sensibiliser l’opinion publique européenne aux questions de développement, à encourager la solidarité entre les peuples européens et ceux des pays en développement et à mobiliser le soutien en Europe en faveur de stratégies et d’actions ayant un impact positif pour les populations de ces pays en développement. L’année 2001 marque l’introduction officielle de l’éducation au développement dans la déclaration de politique générale de la coopération et du développement de l’Union européenne suite à l’adoption d’une résolution. Celle-ci, bien que non contraignante, met en avant la valeur politique que les institutions européennes accordent à la reconnaissance de l’ED. En 2005, le Conseil, la Commission et le Parlement de l’Union européenne adoptent « Le consensus européen pour le développement » qui décrit les engagements de l’Union dans sa lutte pour éradiquer la pauvreté. En 2007, cette déclaration conjointe est renforcée par le « Consensus européen pour le développement : le rôle de la sensibilisation et de l’éducation au développement ». L’objectif poursuivit de l’ED est de permettre à chacun de comprendre les problèmes de développement mondial pour mieux exercer ses droits et responsabilités afin de contribuer au changement pour un monde plus juste et durable. Une ligne de cofinancement au sein de la Commission permet de soutenir des initiatives portées par de acteurs non-étatiques et autorités locales, sur base d’appels à propositions. Trois types de projets d’ED sont éligibles : 1. des projets d'apprentissage global à l'intérieur du système d'éducation formelle ; 2. des projets d'apprentissage global en dehors du système d'éducation formelle ; 3. des projets de campagne et de plaidoyer. Pour l’année 2011, le montant mis à disposition pour ces actions a été de 27.121.500 € pour les acteurs non étatiques et de 5.212.000 € pour les autorités locales. Au-delà de ces engagements internationaux, les structures de coordination des ONG jouent un rôle fondamental dans la promotion de l’ED au niveau européen. CONCORD, la Confédération européenne des ONG d'urgence et de développement, réalise, à travers un de ses groupes de travail, le DARE Forum (Development and awareness raising education), un plaidoyer important pour une meilleure reconnaissance de l’ED. Le Forum rassemble les plates-formes nationales et réseaux d’ONG européennes en charge de l’ED. Le DARE Forum est à l’initiative du projet Developing europeans’ engagement for the eradication of global poverty (DEEEP). Ce programme vise à faciliter la coordination et l’échange d’expériences entre acteurs, à appuyer les démarches de plaidoyer nationales et européennes pour une meilleure reconnaissance de l’ED, à élaborer un cadre de référence sur la qualité et l’impact des actions menées et à renforcer les compétences et les capacités des praticiens des 28 Etats membres.

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2.4. Cadre institutionnel belge En Belgique, la reconnaissance de l'ED s'est manifestée notamment par l'attribution, à partir de 1980, de subsides publics à des activités d'information réalisées par les ONG en vue de sensibiliser la population belge aux problèmes du développement du Tiers-Monde. En 1991, un nouvel Arrêté Royal (AR) intègre le concept de l’ED tel que préconisé par les ONG. Actuellement, la Loi relative à la coopération au développement belge du 19 mars 2013 (qui modifie la précédente loi de 1999) fixe les objectifs et les priorités de la Coopération belge au développement. L’ED y est reconnue en tant que volet essentiel de la coopération au développement au même titre que les interventions dans le Sud. Afin d’opérationnaliser au niveau national le consensus européen sur l’éducation au développement, la Direction générale de la coopération (DGD) a mené ces dernières années, avec le secteur ONG, un travail de réflexion sur les principes de l’efficacité de l’ED20 et s’est dotée en 2012 d’une note stratégique pour l’ED. Parallèlement, les ONG ont défini leurs propres orientations stratégiques pour les 10 prochaines années. Les trois priorités de la DGD sont : - Viser les groupes cibles multiplicateurs (dont les enseignants) et les jeunes (aussi bien dans les systèmes d’éducation formels et informels que dans les organisations de jeunesse) ; - Mettre en avant les thématiques prioritaires de la coopération belge au développement et les Objectifs du Millénaire (OMD) ; - Favoriser les collaborations, les complémentarités et les synergies entre acteurs en Belgique ainsi qu’entre ces derniers et les acteurs du Sud. Pour atteindre ses objectifs, la DGD développe d’une part ses propres programmes d’ED dont l’exécution est confiée à l’Agence belge de développement : – Annoncer la Couleur/Kleur Bekennen, programme éducatif de formation à la citoyenneté mondiale à destination du monde scolaire ; – Les infocycles, dispositif de formation à destination des jeunes adultes qui souhaitent approfondir leurs connaissances de la problématique du développement, à l’origine surtout dans la perspective d’un départ dans le Sud. D’autre part, elle cofinance des programmes introduits par les ONG agréées et propose des dispositifs spécifiques soutenant des initiatives plus ponctuelles d'organismes ou d'associations moins spécialisés dans la coopération au développement (syndicats, établissement scolaires, organisations de jeunes, médias et secteur audiovisuel). Les montants accordés à l’ED par les pouvoirs publics belges21 ont connu une certaine croissance depuis 2001 en chiffres absolus. Avec 27,6 millions € en 2012, soit 1,53% de l’Aide 20

Éducation au développement : notions et concepts, SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement, 2011. 21 Les montants et pourcentages sont extraits du document produit par l’ACODEV, L’évolution du financement en ED : dépenses des autorités publiques belges 2001-2013 et analyse des budgets Nord des programmes ONG 2014-2016, 2014.

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publique au développement (APD), la Belgique reste parmi les pays les mieux placés au niveau européen en termes de financement de l’ED. Près de 88% de ces dépenses en ED sont exécutées par le SPF Affaires étrangères (via la DGD), principal bailleur de fonds de l’ED en Belgique. Viennent ensuite les autorités régionales et dans une moindre mesure, les autorités provinciales. Les ONG restent les principales bénéficiaires des dépenses fédérales en matière d’ED. Depuis 2008, elles avoisinent les 18 millions €, soit plus des 2/3 du budget ED de la DGD. Les montants consacrés à l’ED « hors ONG agréées » représentent en 2012 presque 6 millions €, dont 2,870 millions € pour le programme Annoncer la couleur. Wallonie-Bruxelles International (WBI), l’agence chargée des relations internationales au sein de la fédération Wallonie-Bruxelles consacre une enveloppe d’environ 200.000€/an pour le cofinancement d’initiatives d’ED. L’appel à projet annuel est destiné aux communes ou provinces, syndicats, mutualités, associations de migrants, ONG, Hautes Ecoles ou Ecole Supérieure des Arts. Des espaces de concertations sont mis en place entre les autorités publiques et les acteurs de l’ECM tant au niveau fédéral qu’au niveau communautaire. Des moments plus spécifiques de dialogue croisé sont menés entre ALC et la fédération des ONG (à travers son groupe spécifique de réflexion sur le milieu scolaire) afin de renforcer la complémentarité de leurs missions respectives auprès des établissements scolaires et des Hautes écoles.

2.5. Regard critique sur la position des acteurs d’ECM Le secteur de l’ECM comme celui de monde scolaire n’échappe pas à ses propres tensions. Le repérage de certains nœuds devrait permettre aux acteurs des établissements scolaires d’être mieux outillé dans l’élaboration potentielle de leur stratégie de partenariat. Entre concurrence et complémentarité Les acteurs de l’ECM sont soumis à une double exigence: d’une part, démontrer leur plusvalue et spécificité singulière ; d’autre part, démontrer leur capacité à développer des synergies avec d’autres acteurs. La question des décloisonnements est posée dans la nécessité d’élargir et d’approfondir les alliances et coopérations entre organisations qui partagent les mêmes utopies, visions du monde, principes éthiques et méthodologiques. « Ces alliances existent déjà, mais nombreux sont ceux qui plaident pour un changement d’échelle, un saut qualitatif. D’une manière plus large, la confrontation et la coopération avec d’autres acteurs restent encore limitées, comme si une telle confrontation suscitait des craintes d’altération ou de perte d’identité. »22 Ces dernières années, des efforts en vue d’une plus grande synergie entre acteurs ont été déployés. Certaines initiatives collaboratives entre plusieurs acteurs se consolident afin de répondre de manière plus cohérente et plus globale aux besoins des enseignants noyés dans

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PLANCHE J., Accompagner l’émergence et le renforcement des sociétés civiles, Paris : GRET, Coopérer aujourd’hui n°38, août 2004.

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la multitude d’offres qui leur est adressée (exemple : journée OXFAMNESTY). ALC renvoie des demandes d’acteurs scolaires auprès d’ONG ou d’opérateurs culturels pouvant y répondre avec pertinence. Des outils et dossiers pédagogiques s’élaborent en commun entre acteurs de l’ECM ou entre acteurs de l’ECM et équipes éducatives sur une thématique ou démarche particulière. Afin de faciliter l’identification de l’offre de l’ECM par les acteurs scolaires, un catalogue «La solidarité internationale en classe » recense, depuis quatre ans, les outils pédagogiques de 25 ONG destinés à l'enseignement maternel, primaire et secondaire. ALC propose un répertoire en ligne de ressources pédagogiques produites par une multitude d’acteurs, outils accessibles dans les centres de prêts provinciaux. Tension entre démarche de sensibilisation et récolte de fonds Une tension se cristallise autour de l’accès aux ressources financières. L’aide publique au développement stagne, voire régresse. Les procédures d’accès se rigidifient. La recherche de financements publics ou privés amène une concurrence entre différents acteurs de l’ECM, spécialisés ou pas. Aujourd’hui, malgré les différents cadres de références institutionnels en ECM qui réaffirment la distinction entre récolte de fonds, promotion des activités et accompagnement de démarches éducatives, certaines structures, minoritaires, développent des articulations floues entre leurs stratégies de marketing et de récolte de fonds et leur action éducative. Selon ces acteurs, « ces différentes logiques ne s’opposent pas mais sont complémentaires : le même message serait traduit dans des degrés de complexité spécifiques, en fonction qu’il s’adresse à des donateurs potentiels ou à des citoyens. »23 Parallèlement, il existe une tradition de récolte de fonds ou de dons dans certaines écoles pour des projets de solidarité au Sud. Bien que ces initiatives puissent être perçues comme une forme d’engagement des jeunes, il existe un réel risque de nourrir un imaginaire qui enferme l’Autre-lointain dans une position d’assisté en attente de la générosité du Nord. L’énergie consacrée à la récolte de fonds, dans certains cas, supplante le temps nécessaire à l’exploration des causes qui engendrent l’exclusion et la pauvreté. Certains élèves rencontrés nous ont partagé leur démobilisation face aux récoltes de fonds répétitives dans leur école non accompagnées d’une analyse du contexte socio-politique qui a engendré la paupérisation de la population à soutenir. Une réflexion approfondie menée par les acteurs spécialisés de l’ECM et les acteurs scolaires gagnerait à être menée sur l’ambiguïté de cette forme de soutien et sur l’exploration d’autres formes de solidarité. Connaissance partielle du fonctionnement du système éducatif Alors que les acteurs de l’ECM tentent d’investir l’école depuis plusieurs dizaines d’années, ils ont des difficultés à appréhender le fonctionnement de l’institution scolaire, ainsi que les missions et rôles des différents acteurs qui y interagissent. La complexité du système éducatif, évoluant de réformes en réformes, ne facilite pas sa compréhension.

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ACODEV, Orientations stratégiques des ONG pour l’ED 2013-2018, 2013.

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Cependant, si l’objectif des acteurs spécialisés de l’ECM est bien d’accompagner les acteurs scolaires vers une plus grande intégration des enjeux, principes et démarches d’une éducation émancipatrice dans un contexte mondialisé, il est essentiel de tenir compte des leviers et acteurs qui facilitent cette évolution, ainsi que des contraintes et acteurs qui limitent son déploiement. Cette étude se veut une contribution à cette réflexion, mais elle n’est pas suffisante. Les acteurs de l’ECM devraient consacrer du temps, non seulement à l’élaboration de leur offre mais également au dialogue avec différents acteurs scolaires (élèves, enseignants, directions, conseillers pédagogiques, administration, mouvements socio-pédagogiques, etc.) afin de mener un appui plus pertinent et, en retour, apprendre également de l’Ecole. Alors qu’un certain nombre d’acteurs spécialisés en ECM s’investissent avec pugnacité pour la défense de l’enseignement public dans le Sud, l’articulation avec les mêmes combats menés pour la défense d’un autre modèle éducatif en Belgique ne semble pas s’opérer. Evidemment, on ne peut pas être partout. Mais le dialogue et la solidarité entre différentes postures éducatives pourraient ouvrir certains horizons. Car, in fine, ce n’est pas tant l’ECM qui au cœur des enjeux mais bien la construction d’une éducation (formelle et non formelle) qui accompagne les jeunes dans des processus d’apprentissage émancipateurs qui se déploient dans un monde interdépendant en recherche de plus de justice et de solidarité.

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3.1. L'école hors-jeu - Contexte structurel de l'ECM à l'école L'école va mal ; l'école secondaire, surtout, va mal. « L'école bientôt hors-jeu » était le titre d'un colloque du GIRSEF 24 particulièrement bien suivi en novembre 2014. Plusieurs organisations internationales (OCDE particulièrement) envisagent aujourd'hui quelle(s) sortie(s) d'écoles se profilent à relativement court-terme. Qu'est-ce qui va remplacer une école (publique) qui va mal au point d'envisager sa disparition et son remplacement ? Indépendamment de cette prospective, qu'est-ce qui va mal à ce point et dont devrait tenir compte une éducation à la citoyenneté mondiale ?

3.1.1 Le cadre institutionnel de l'école et ses acteurs en FWB Ce cadre organisationnel est déterminé par l'article 24 de la Constitution belge, justifié par la conjoncture politique de la création de la Belgique et qui fonde ce qu'on appelle aujourd'hui la double liberté pédagogique. En 1831, le jeune État belge, pour sa survie, décide de renoncer à une prérogative à laquelle aucun État ne renonce : celle d'organiser l'enseignement. A l'époque, ce renoncement est d'ordre philosophique, il veut permettre aux catholiques d'organiser leur enseignement et aux libéraux de l'époque de le faire organiser par l’État. Pour cela, il accorde la liberté à tout Pouvoir Organisateur d'organiser l'école de son choix et il accorde au chef de famille la liberté d'inscrire ses enfants à l'école de son choix. C'est la double liberté pédagogique, situation unique au monde dans sa forme, confirmée et renforcée par le Pacte scolaire (1959). Cette double liberté, en principe d'ordre philosophique, va progressivement évoluer pour devenir aujourd'hui quelque chose d'ordre « socio-économique », soit l'articulation de la liberté de l'Offre éducative et de la Demande éducative, ce que les chercheurs appellent désormais le quasi-marché scolaire. Cela signifie que la régulation de notre système d'enseignement est beaucoup plus une régulation « marchande » qu'une régulation « publique ». Ce qui amène les différents acteurs de l'enseignement à se constituer et se positionner en fonction de ce quasi-marché. Du côté de l'Offre éducative, les tentatives du pouvoir politique de reprendre la main dans la régulation du système a amené au regroupement des Pouvoirs Organisateurs en quatre fédérations : • l'enseignement organisé par la FWB s'adressant à 23 % des élèves du secondaire, principalement de l'enseignement de transition ; et trois réseaux d'enseignement subventionnés par la FWB dont ... ; • le SEGEC, enseignement catholique qui regroupe 56 % des élèves du secondaire, aussi bien en transition qu'en qualification ;

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Groupe Interfacultaire de Recherches sur les Systèmes d'Enseignement et de Formation, UCL.

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• •

le CPEONS, enseignement communal et provincial qui regroupe 16 % des élèves du secondaire, principalement pour de l'enseignement de qualification ; la FELSI, enseignement libre subventionné indépendant, qui regroupe plus ou moins 5 % des élèves du secondaire, souvent dans le spécialisé, et qui accueille entre autres des écoles nouvelles et alternatives.

Ces fédérations sont puissantes (et inégalement puissantes), d'abord pour maintenir leurs parts de quasi-marché ou essayer d'en grappiller de nouvelles, mais surtout en s'appuyant d'une part, sur la Demande des usagers, et d'autre part, sur la Constitution et sur le Pacte, pour garantir la plus grande liberté stratégique possible à tous et à chacun des établissements qui leur sont affiliés. Cette force stratégique est renforcée par le positionnement en « réseau » ou « pilier » des autres acteurs de l'enseignement. En effet, du côté des travailleurs (enseignants et personnel éducatif), la Centrale Générale des Services Publics (CGSP) est un enseignement très largement majoritaire dans le réseau « officiel » (FWB et CPEONS), tout comme la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC) l'est dans l'enseignement catholique. Et du côté des usagers (parents), la Fédération des Associations de Parents de l'Enseignement Officiel (FAPEO) en a le monopole dans l'enseignement officiel comme l'Union des Fédérations d'Associations de Parents de l'Enseignement Catholique (UFAPEC) l'a dans l'enseignement catholique. Et dans cette opposition « libre - officiel », de nombreux acteurs interviennent et se positionnent (par exemple : les mutualités, le Centre d’Action Laïque (CAL), la PAC (Présence et Actions Culturelles) et le Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC)). Une pilarisation qui n'épargne pas non plus les ONG (par exemple : Solidarité Socialiste et Entraide et Fraternité). Si chacun de ces acteurs poursuit des buts, des missions et défend des valeurs, ils développent le plus souvent des stratégies à buts d'intérêts, d'autant plus souvent que leurs valeurs déclarées ne s'opposent plus guère sur leur contenu mais plutôt sur leur justification, laïque ou chrétienne. La logique d’intérêts l'emporte d'autant plus que du côté des usagers de l'école, la Demande n'est plus en rien motivée par des préoccupations philosophiques. Cette configuration, faite de deux champs de solidarité : un vertical (solidarité de réseau, officiel contre libre) et un horizontal (solidarité de classes, employeurs contre travailleurs contre usagers) a un effet paralysant conservateur sur le système, chaque proposition de réforme entraînant l'opposition d'une des deux solidarités. Pour le cours de citoyenneté pris en partie sur les cours philosophiques (proposition Simonet), les acteurs laïques s'y sont opposés par méfiance des enseignants catholiques. Et pour la proposition des 2 X 45 minutes (proposition Simonet toujours), les syndicats d'enseignants s'y sont opposés par méfiance de l'utilisation de ces minutes gagnées (temps de travail). Du côté de la Demande éducative, la combinaison des demandes individuelles des familles prend une force considérable dont la liberté inconditionnelle (oppositions au décret Missions, par exemple) sera défendue envers et contre tout aussi bien par les fédérations de Pouvoirs Organisateurs des enseignements subventionnés par la FWB, que par les associations de parents (FAPEO et UFAPEC) et que même par les syndicats d'enseignants (au nom de l'emploi dans chacun des réseaux). Face à cette Demande, l'Offre éducative perd

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toute autonomie et chaque établissement scolaire est obligé de se positionner par rapport à ses concurrents directs. Dans cette évolution, des acteurs sont nés et se sont positionnés volontairement hors pilier, hors réseau au nom de la défense des intérêts de certaines catégories transversales d'acteurs. Ce sera le cas par exemples de la Ligue des Familles au nom de la défense de toutes les familles, l’Appel pour une école démocratique (APED) au nom des enseignants qui veulent une école démocratique, Eleves.be au nom de la liberté des familles aisées, CGé au nom de pédagogies émancipatrices, le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP) au nom des intérêts des plus pauvres, etc. Mais l'action de ceux qui défendent la démocratisation de l'école est bien faible face aux forces du quasi-marché.

3.1.2 La logique de niches et les contradictions structurelles Il en résulte que le système d'enseignement en FWB se configure à la fois centralement au niveau des réseaux et surtout localement au niveau des établissements en fonction de leurs concurrents proches. Toute la recherche (il n'y en a pas de dissonante) insiste sur cette logique de « niches éducatives »25. Chaque établissement doit, pour survivre et/ou se développer, se constituer une niche, c'est-à-dire trouver une articulation fine entre son offre éducative et la demande éducative à laquelle son offre répond, une articulation fine O/D qui se différencie suffisamment de celle de ses concurrents proches. Chaque établissement est amené à définir sa politique éducative à partir de ses ressources propres, de sa dynamique et des politiques éducatives de ses établissements voisins. C'est ce qui explique que, entre autres effets, notre système d'enseignement connaît la plus grande homogénéité sociale (OCDE) avec des écoles ghettos (regroupant les enfants de milieux populaires et ceux des classes moyennes exclus des autres écoles), des écoles sanctuaires (regroupant les enfants de la bourgeoisie et quelques autres élus), des écoles classes moyennes et quelques écoles encore relativement mixtes socialement. Cette homogénéité est beaucoup plus fine encore que ce regroupement par classe sociale. En effet, par exemple, des écoles de classes moyennes développent une pédagogie progressiste pour des familles dont le capital culturel est supérieur au capital économique et d'autres, au contraire, une pédagogie conservatrice pour des familles dont le capital économique est supérieur au capital culturel. Les écoles se différencient bien sûr aussi par leurs options et filières, spécialisations jamais neutres socialement parlant. Les écoles se différencient évidemment par le niveau d'exigence adapté à leur public avec, aux deux bouts de la chaîne, les écoles élitistes recherchées pour leur exigence maximale et les écoles « cocoonnantes » recherchées pour leur renoncement à toute exigence. Les écoles se différencient encore en fonction d'une identité propre recherchée, comme école mixte affirmant sa conviction d'ascenseur social, école mixte affirmant son sens de l'accueil et la qualité de son « vivre ensemble », école ghetto refusant le ghetto et affirmant sa volonté émancipatrice, école à pédagogie active pour les éclopés du traditionnel, immersion of course natuurlijk, port du voile interdit ou permis, inshAllah, etc. Les moyens de différenciation sont infinis. Il en résulte que l'essentiel des énergies propres à chaque établissement est mobilisé pour le maintien et la valorisation de sa spécificité propre.

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DUPRIEZ V. et CORNET J), La rénovation de l'école primaire. De Boeck 2005

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Face à cette évolution, désastreuse en termes d'efficacité et surtout d'équité et d'efficience26, efficacité et équité régulièrement mesurées par PISA, le pouvoir politique (presque exclusivement de gauche ou centre - gauche depuis 25 ans) tente désespérément de réagir. Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ayant corrélé en FWB le renforcement des inégalités entre élèves selon leur origine sociale avec de fortes inégalités entre établissements, le pilotage tente de réduire ces inégalités entre établissements : décret inscriptions, inspections, évaluations externes, renforcement des prescrits (référentiels, programmes, certifications par unités d’acquis d’apprentissage) et de leur contrôle, afin qu'on fasse de plus en plus la même chose dans tous les établissements. L'OCDE et l'UE obligent, il est aussi question de l'efficience de notre système d'enseignement (le coût du redoublement, par exemple). Il s'agit d'évaluer le rapport coûts / résultats (efficacité et équité), d'exiger des résultats mesurables attestant du meilleur usage de deniers publics (l'accountability). Il s'agit donc de prescrire réglementairement les manières de faire pour obtenir les résultats mesurables les plus élevés possible, renforcement des prescrits encore. Les deux logiques de pilotage, toutes deux du type « régulation publique centralisée » se heurtent de plein fouet à la logique du système scolaire en place pour lequel la Constitution a garanti un fonctionnement du type « régulation décentralisée par le marché ». Les acteurs institutionnels dominants, les établissements et les parents individuellement utilisent et détournent, chacun stratégiquement, les prescriptions centralisées (inscriptions, référentiels, épreuves externes, etc.) dans le sens de leurs intérêts en fonction de leur position dans le marché et, collectivement, instrumentalisent les enseignants pour cela. Dès lors, ce que dit Yves DUTERCQ27 à propos des systèmes scolaires en général est doublement vrai pour la FWB : « On peut considérer que le régime post-bureaucratique ajoute en fait les affres du pseudo-libéralisme aux défauts du dirigisme étatique ». Au sein de chaque établissement condamné à se différencier des autres, les enseignants sont sommés de faire la même chose en respectant les prescrits légaux (référentiels et programmes) qui s'accumulent et en étant évalué tant sur les résultats obtenus (évaluations externes) par des procédés qu'ils n'ont pas choisis que sur ces procédés eux-mêmes (inspection). Cette contradiction structurelle [se différencier des autres établissements] versus [faire tous la même chose] - déjà invivable en soi - devient carrément schizogène alliée aux autres injonctions paradoxales propres aux contradictions culturelles des social-démocraties libérales. En effet, l'école actuelle doit à la fois certifier, orienter, opérer la sélection propre à une société très inégale et à la fois accueillir, épanouir, favoriser la meilleure réussite de tous. Il est nécessaire de rappeler que l'échec scolaire n'est pas un problème mais au contraire, la seule solution possible au problème d'une nécessaire sélection sociale et il est nécessaire de rappeler que l'échec scolaire est le seul moyen de valoriser les réussites. Quel parent mettrait ses enfants dans une école où tous les enfants réussissent également ? La 26 L'OCDE distingue trois critères d'évaluation des systèmes d'enseignement, leur efficacité (niveau moyen de performances des élèves), leur équité (écarts entre les meilleurs et les moins bons) et leur efficience (rapport entre le « coût » du système et son efficacité et son équité). 27 Yves DUTERCQ, Le développement des politiques d'accountability et leur instrumentation dans le domaine de l'éducation, Éducation comparée, Vol 11, 2014

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pression sociale sur les enseignants pour qu'ils produisent de l'échec est extrême et celle pour qu'ils produisent l'égale réussite de tous est extrême également. C'est un double bind28 auquel les enseignants ne peuvent répondre. De la même manière, l'école actuelle doit à la fois préparer les jeunes, les adapter, les former en fonction du marché de l'emploi, les former à s'adapter à la société telle que nous la connaissons et à la fois préparer les jeunes, les former pour qu'ils réparent tous les maux actuels (en vrac : obésité, menaces environnementales, surendettement familial, accidents de la route, sida, maltraitances conjugales, etc.), sans oublier évidemment les inégalités dans le monde. L'école doit préparer les jeunes à devenir ingénieur chez Monsanto ET militant à Greenpeace ... Les pressions sociales sont également puissantes dans un sens et dans l'autre. Et ces contradictions sont toujours plus exacerbées, d'un côté comme de l'autre. Côté [se différencier des autres établissements] + [opérer une sélection sociale efficace] + [préparer à la société telle qu'elle existe], l'exacerbation s'opère conjointement par les familles et par les employeurs au nom de l'employabilité et de la compétitivité. Pour la première fois depuis longtemps, les parents de la génération actuelle craignent sérieusement que leurs enfants, la génération suivante, soit moins bien qu'eux, que la trajectoire socio-économique soit descendante. Et l'angoisse est conservatrice : ils font pression sur les enseignants pour que l'enseignement soit exclusivement orienté vers l’employabilité et qu'il soit conforme aux représentations souvent fausses qu'ils ont d'un bon enseignement. Pour les entreprises, ce n'est pas franchement nouveau, mais la pression se renforce : une pression mondialisée à la compétitivité, une pression qu'ils vont exercer sur l'école en termes d'employabilité, d'adéquation formations-emplois, pression pour que l'enseignement soit exclusivement orienté vers l’employabilité et qu'il soit conforme aux représentations souvent contradictoires qu'ils ont d'un bon enseignement. Côté [faire comme les autres établissements] + [garantir une égale réussite à tous] + [réparer la société de tous ses maux], l'exacerbation s'opère conjointement par les instances internationales, les pouvoirs publics et les associations, au nom des Droits de l'Homme, de la justice, de l'égalité et de la durabilité. Cette pression sur les enseignants et sur l'école est toujours plus forte parce que les risques de catastrophe écologique, de catastrophe financière, de guerre civile (radicalisation des jeunes) et de catastrophe sociale (fortes inégalités locales et globales) sont toujours plus grands. Les établissements et les enseignants sont dès lors condamnés à l'échec professionnel : il est impossible de réussir une chose et son contraire. Condamnés à l'échec et vilipendés pour cet échec, ils sont lourdement privés de reconnaissance sociale. Ils sont pris dans une effroyable combinaison d'injonctions paradoxales, sommés pour en sortir d'exécuter scrupuleusement des consignes qui mèneront à d'autres échecs. Ils sont condamnés à la perte de sens de leur travail, pour ainsi dire, condamnés à la bêtise, leur intelligence au travail interdite, instrumentalisés par leur hiérarchie, par leurs usagers (les parents) et par leurs clients (les employeurs), condamnés au malheur et à l'ennui, coupables de produire des résultats qu'ils n'ont pas voulu par des procédés et un environnement institutionnel qui leur sont imposés, 28 Le « double bind » est un concept apparu en 1956, théorisé par Gregory Bateson, qui désigne une situation de paradoxe imposé. Deux obligations ou injonctions contradictoires sont reçues, qui, s’interdisant mutuellement, induisent une impossibilité logique à les résoudre ou les exécuter sans contrevenir à l’une des deux.

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accusés de porter préjudice à leurs collègues et leur établissement pour toute initiative d'intelligence divergente ... Nous avons ici poussé le trait pour faire comprendre les logiques à l’œuvre. Mais il est capital de comprendre que c'est dans cette école secondaire-là, traversée par ces tensions et ces contradictions, que l'ECM doit se diffuser, capital de comprendre que l'injonction d'ECM vient renforcer encore des contradictions où c'est la logique dominante de la sélection sociale, de l'employabilité, de la compétitivité, c'est-à-dire l'exact contraire de l'ECM, qui l'emporte. Certaines pistes en fin de rapport sont proposées afin d’aborder l’ECM dans les écoles en tenant compte de ces différentes injonctions contradictoires.

3.2. Le pilotage hors-jeu - Contexte décrétal de l'ECM à l'école L’éducation à la citoyenneté mondiale est-elle une mission officielle de l’École et comment le pilotage de l'école en assure-t-il la réalisation ? Ainsi posée aux intervenants du monde scolaire, la question suscite des réponses qui ne sont pas unanimes et les documents de référence cités pour argumenter les propos ne sont pas les mêmes pour tous. Alors, est-ce que l’ECM fait partie des missions de l’école ? Pour répondre à cela, nous avons analysé les textes légaux. De l’institutionnel à l’opérationnel, nous avons questionné le statut et la portée de chaque document pour voir en quoi ils appuient ou s’inscrivent dans une démarche d’Éducation à la Citoyenneté Mondiale. Plusieurs outils institutionnels (les référentiels légaux) viennent en soutien aux activités d’ECM au sein des établissements scolaires dont le Décret Missions de 1997 et le Décret relatif au renforcement de l’éducation à la citoyenneté responsable de 200729. En quoi ces référentiels légaux sont-ils des freins ou des leviers pour la mise en œuvre de pratiques d’Éducation à la Citoyenneté mondiale ? Nous pouvons également poser la question de l’articulation entre les différents documents : décret missions, décret citoyenneté, programmes disciplinaires et projets éducatifs et projets établissements.

3.2.1 Le Décret « Missions » Au début des années nonante, des mouvements sociaux importants secouent les écoles. Les enseignants exigent des changements. A la même époque, les experts de l’OCDE mettent en évidence l’absence d’objectifs généraux du système éducatif de la FWB. Ainsi naît le 24 juillet 1997, le décret « Missions » qui définit les missions prioritaires de l’enseignement obligatoire et organise les structures propres à les atteindre. Ce décret précise ainsi les missions, les programmes et les socles de compétences de l’enseignement fondamental et secondaire. Ce décret est très ambitieux. Il établit d'abord une hiérarchie entre tous les textes de référence dont chaque niveau est responsable de sa rédaction et de sa concordance avec le niveau supérieur.

29 Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre (23/09/97) voir: www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/21557_018.pdf et Décret relatif au renforcement de l'éducation à la citoyenneté responsable et active au sein des établissements organisés ou subventionnés par la Communauté française, (20/03/2007), voir : www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/31723_000.pdf

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Chaque établissement est tenu d'organiser un Conseil de Participation dont la composition est imposée par le décret (à parts égales, des représentants du Pouvoir Organisateur (PO), des parents, du personnel, des élèves et de l'environnement social, culturel et économique de l'établissement). Le Conseil de Participation est chargé de ratifier le projet d'établissement. Celui-ci doit expliciter la mise en œuvre d’objectifs spécifiques menée par l’équipe pédagogique de l’école. Le projet d'établissement précise et approfondit, en l'adaptant à ses réalités locales, le projet éducatif de la fédération de Pouvoirs Organisateurs auquel l'établissement est affilié. Chaque fédération de PO est tenue de rédiger un projet éducatif et pédagogique. Il définit l'ensemble des valeurs, des choix de société et des références à partir desquels les établissements qui dépendent de lui définissent leurs projets d'établissements. Ce projet éducatif doit bien sûr être conforme lui-même aux Missions du décret du même nom. Les fédérations rédigent également les programmes de cours en conformité avec les compétences définies par décret et validés par une commission programme au sommet de la hiérarchie (Conseil de pilotage). Cette hiérarchie « juridique » est plus compréhensible en tableau :

Tableau 1 : textes de références par niveau de pouvoir

Ainsi le décret entérine et renforce la contradiction structurelle dénoncée à la section précédente30 entre le central et le local, même si ce décret tente justement de rendre de la cohérence à l'ensemble. Mais, en reconnaissant et encourageant l'autonomie du projet d'établissement, d'une part, et, en renforçant et affirmant l'autorité centrale, le parlement et le comité de pilotage, d'autre part, il fait le grand écart et fait comme s'il demandait aux établissements de faire comme tous les autres et de se distinguer de tous les autres.

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Voir ci-avant dans « L'école hors-jeu ».

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Mais, surtout, le décret « Missions », comme son nom l'indique, impose à l'école quatre missions que tous les établissements doivent poursuivre « simultanément et sans hiérarchie » : 1. promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ; 2. amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle ; 3. préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures ; 4. assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale. Ces missions sont à la fois généreuses, ambitieuses et exigeantes. Le problème de leur poursuite égale et simultanée est que ses quatre thèmes : épanouissement personnel, intégration socio-économique, citoyenneté et égalité se déclinent aujourd'hui de manière très contradictoire et réciproquement exclusive. L'intégration socio-économique se décline actuellement exclusivement en termes d'employabilité et de compétitivité dont l'entraînement à l'école laisse peu de place à l'épanouissement. La lutte des places, compétition scolaire préparant la compétition économique, donne peu de chances à des chances égales d'émancipation sociale. Et une citoyenneté responsable risque de grever toute chance d'employabilité ... On pourrait interpréter les quatre missions du décret, comme l'obligation pour l'école de faire de tous ses élèves des petits Dalaï Lama ou Paris Hilton, selon la conception qu'on a de l'épanouissement ou des petits Bill Gates (intégration socio-économique) et des petits José Bové (citoyenneté), ce qui semble objectivement difficile. A nouveau, le décret entérine et renforce les injonctions paradoxales dénoncées à la section précédente31. On pourrait néanmoins se féliciter de l'ambition citoyenne de ce décret et y voir une obligation légale de vivre la citoyenneté à l'école, à travers le Conseil de Participation et ce qui pourrait y préparer (conseils de classe, mandats donnés aux délégués, etc.) et d'éduquer à la citoyenneté mondiale à travers la 3e mission. Cependant, d'une part, ces textes sont extrêmement flous concernant la citoyenneté mondiale et, d'autre part, comme nous le verrons ci-après, aucun dispositif opérationnel n'est organisé pour favoriser et contrôler sa mise en œuvre.

3.2.2 Le Décret « citoyenneté » Dix ans après la publication du Décret Missions sort le décret relatif au renforcement de l'éducation à la citoyenneté responsable et active au sein des établissements organisés ou subventionnés par la Communauté française. Ce nouveau décret a pour principal objectif de permettre et, comme son nom l’indique, de renforcer une éducation à la citoyenneté dans les établissements scolaires. En conformité avec l’article 14 du décret, le chef d’établissement doit veiller à la mise en place d’une activité interdisciplinaire s'inscrivant dans la perspective d'une éducation pour

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Idem

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une citoyenneté responsable et active. Par activité interdisciplinaire, il y a lieu d’entendre une activité requérant la mise en œuvre de compétence d’au minimum deux disciplines différentes. Aujourd’hui, un nouveau débat est ouvert sur le cours de citoyenneté. Certaines des propositions de Madame la Ministre Milquet se trouvent déjà dans le décret citoyenneté de 2007. Il invite déjà le regroupement des élèves de confessions différentes pour la mise en œuvre d’activités communes. Ici aussi, on pourrait se féliciter de l'ambition de ce décret et y voir une obligation légale d'une ECM, mais à nouveau, comme nous le verrons ci-après, aucun dispositif réellement pratique n'est organisé pour favoriser et contrôler sa mise en œuvre.

3.2.3 Les projets éducatifs et pédagogiques des réseaux Au-delà des missions et des intentions de l’École, il nous a semblé intéressant de nous plonger dans la lecture des projets éducatifs et projets pédagogiques. En effet, les pratiques pédagogiques de terrain sont-elles subordonnées à une politique éducative spécifique à chaque réseau ? Afin d’infirmer ou de confirmer cette hypothèse, nous avons analysé les différents projets en question. Ces documents sont propres à chaque organe de représentation et de coordination des pouvoirs organisateurs (réseau) et à chaque pouvoir organisateur. Le projet éducatif définit l'ensemble des valeurs, des choix de société et des références à partir desquels un pouvoir organisateur (P.O.) ou un organe de représentation et de coordination des pouvoirs organisateurs définit ses objectifs éducatifs (article 63 du décret Missions). Le projet pédagogique définit les visées pédagogiques et les choix méthodologiques qui permettent à P.O. ou un organe de représentation et de coordination des pouvoirs organisateurs de mettre en œuvre son projet éducatif (article 64 du décret Missions). Dans les faits, les réseaux ont fusionné ces deux textes et nous retrouvons ainsi quatre documents, spécifiques à chacun des réseaux : les projets pédagogique et éducatif de l'Enseignement organisé par la Communauté française (FWB), le Projet éducatif et pédagogique du réseau officiel neutre subventionné (CPEONS), le Projet éducatif et pédagogique de la Fédération des Établissements Libres Subventionnés Indépendants (FELSI) et, enfin, Mission de l’école chrétienne, projet éducatif et pédagogique (SEGEC). Les projets éducatifs des différents réseaux mentionnent à différentes reprises le concept de citoyenneté. Ils s’inscrivent dans la poursuite des Missions de l’Ecole. Toutefois, il n’est que très rarement fait mention du concept de citoyen du monde (une occurrence dans un projet éducatif). Bien que les valeurs sous-jacentes aux projets éducatifs puissent être considérées comme similaires à celles visées par l’ECM, le chemin pour y accéder, les manières d’y tendre se distinguent en fonction des obédiences (laïques vs catholiques). Certains projets éducatifs semblent concéder une autonomie plus large aux établissements, d’autres précisent davantage les manières de tendre vers ces valeurs, par exemple en spécifiant la démarche pédagogique pour y parvenir. La nécessité pour les écoles de s’ouvrir sur l’extérieur ; permettre aux élèves cette ouverture ; participer activement ; initier des

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démarches pédagogiques au départ de situations et de projets intégrateurs ; faire et donner du sens sont autant de points fédérateurs dans le cadre qui nous concerne. Les projets éducatifs et pédagogiques de la FWB et du CPEONS (enseignement officiel) doivent obéir non seulement au décret « Missions », mais également au décret « neutralité ». En effet, conformément à la Constitution et au Pacte scolaire, les établissements officiels sont tenus de pratiquer la neutralité philosophique. Un décret neutralité (2003) est venu la définir en termes de neutralité active. Cela signifie que, si l'enseignant ne peut « privilégier aucune doctrine relative à ces valeurs », il doit éduquer les élèves « dans le respect des libertés et des droits fondamentaux tels que définis par la Constitution, la Déclaration universelle des droits de l'homme ». Ce texte fait ainsi clairement référence à une citoyenneté responsable dans une société pluraliste. Et le texte Missions de l'école chrétienne ira dans le même sens en s'en justifiant par les valeurs évangéliques. Malheureusement, cela n'empêche nullement les acteurs d'interpréter la neutralité active comme passive et les valeurs comme simple justification à l'appartenance d'un réseau bien plus d'intérêts que porteur de missions. Et à nouveau, les appareils de ces réseaux n'ont prévu aucun dispositif réellement pratique pour favoriser et contrôler la mise en œuvre des principes généreux de leurs projets respectifs.

3.2.4 Les projets d’établissements Le projet d’établissement est une mise en œuvre d’objectifs menée par l’équipe pédagogique de l’école et explicitée dans ce document, ratifié par un organe qui se veut, dans les textes, résolument participatif et démocratique, le Conseil de Participation. Outre les obédiences qui caractérisent chacun des réseaux, au départ de la recherche, nous avons voulu voir si une distinction s’opérait sur le papier. Que disent les écoles dans leurs projets d’établissement ? Les écoles se distinguent-elles par ce document ? Nous avons comparé les projets d'établissements de ceux qui ont refusé formellement une rencontre avec nous32 avec ceux qui ont accepté une rencontre. L’hypothèse étant de vérifier si les écoles qui acceptent s’inscrivent déjà dans cette démarche et la rendent publique par ce document et, parallèlement pour celles qui refusent, de pouvoir avoir un accès relatif à la politique éducative mise en place. Après la lecture des projets d’établissements, en confrontation avec les entretiens menés par l’équipe de recherche, plusieurs informations peuvent en être retirées. Tout d’abord, les projets d’établissement sont généralement très concis et peu révélateurs de la politique éducative mise en place et des projets réalisés. Sur l’éducation à la citoyenneté mondiale, rares sont les écoles évoquant ce sujet dans leur projet d’établissement. Les écoles les plus engagées au sens politique du terme ont généralement un chapitre sur l’éducation citoyenne sans pour autant expliciter leurs démarches et projets. Nous pouvons tout de même constater deux caractéristiques pour les écoles engagées en matière d’éducation à la citoyenneté mondiale : soit leur projet d’établissement évoque leurs pratiques en matière d’éducation à la citoyenneté mondiale (généralement, un 32 Il est important de préciser qu’aucune école n’a refusé par manque d’intérêt pour notre recherche. Les arguments évoqués sont : manque de temps, trop de sollicitations, déjà pas mal de projets en cours, autres recherches, etc.

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chapitre du projet d’établissement est consacré à la formation citoyenne), soit leur projet d’établissement évoque très peu l’éducation à la citoyenneté mondiale. Le constat est identique pour les écoles ayant refusé un entretien. Cependant, aucune des écoles portant un projet de Jeunes Magasins (JM) du monde Oxfam ou ayant collaboré avec Annoncer la couleur, par exemples, ne parle de ceux-ci dans leur projet d’établissement. Les projets d'établissement sont rarement aussi précis. On peut considérer qu'ils sont surtout, d'une part, la démonstration de leur mise en conformité avec les autres textes de référence et, d'autre part, une vitrine pour les usagers potentiels qu'il faut plus rassurer sur la qualité des pratiques pédagogiques que sur l'engagement des projets citoyens.

3.2.5 Les programmes de cours, l'inspection et les évaluations externes Le très grand nombre de programmes (un par discipline, par niveau d'études et par réseau), leur diversité et leur taille rendent difficile leur analyse détaillée. Il y a plus accessible : les référentiels des compétences socles et terminales que les programmes doivent respecter. Nul part des contenus d'ECM n'y sont explicités dans ce sens mais, dans de nombreux programmes, des compétences et des savoirs peuvent y être rattachés depuis les maths citoyennes jusqu'à la critique historique en passant par les dynamiques territoriales en géographie. Tous les programmes de cours, et plus particulièrement ceux des sciences humaines et des cours philosophiques, mais tous les autres aussi, peuvent justifier une ECM à l'école en termes de compétences et de savoirs. Cependant, aucun ne peut justifier l'exigence, comme obligation légale, de pratiquer de l'ECM à l'école. Par rapport à ce qui précède, les décrets « missions » et « citoyenneté », les projets éducatifs et d'établissement, comme pour les programmes et référentiels de cours, il est plus intéressant de situer par rapport à eux, l'inspection et les évaluations externes. Comme l'interprétation de tous ces textes de référence laisse une grande liberté aux acteurs, une liberté largement encouragée par le contexte structurel de l'école, c'est l'inspection et les évaluations externes qui peuvent orienter ces interprétations. Il faut d'abord insister sur le fait que l'inspection est strictement « disciplinaire ». Il n'y a d'inspecteurs et d'inspections que de chimie, de français, ou d'anglais, etc., il n'y a pas d'inspection « transversale ». Autrement dit, la poursuite des missions du décret « missions » comme les projets citoyens interdisciplinaires ne sont pas inspectés. Leur poursuite ne peut (devrait?) apparaître que dans le projet d'établissement et dans le rapport d'activités. Le problème est que nul ne sait qui lit vraiment ces milliers de pages pour évaluer les pratiques dans ce sens ... Il n'y pas davantage d'épreuves externes pour vérifier les apprentissages liés à la citoyenneté de la 3e mission du décret « missions » ou liés aux projets interdisciplinaires du décret « citoyenneté ». Les épreuves externes se centrent sur la mesure des acquis disciplinaires présents dans les référentiels. Ces épreuves externes, comme les inspections d'ailleurs, ont pour principale fonction de lutter entre les disparités entre établissements, de tenter d'homogénéiser et égaliser les pratiques dans la suite logique du renforcement des prescrits. Le problème est que plus on veut prescrire l'acte éducatif et l'évaluer à des fins de comparaison des établissements (évaluations standardisées et inspection comme contrôle

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du respect des normes), plus l'acte éducatif doit être observable, objectivable, contrôlable, c'est-à-dire vidé de sens, simplifié, morcelé. L'inspection et les évaluations externes, avec les meilleures raisons du monde, ont donc pour effets pervers d'orienter l'enseignement des disciplines vers des savoirs morts, parce que plus facilement observables et évaluables. Le problème s'aggrave quand on sait que, par peur d'une accusation de nivellement par le bas, les programmes et référentiels sont trop ambitieux dès lors qu'on s'estime obligé de faire acquérir tous les savoirs et toutes les ressources liées aux compétences. Il n'y a plus aucun temps pour faire autre chose. Certains acteurs avec des responsabilités de pilotage en convenaient avec nous : les enseignants ont en partie raison quand ils disent que les programmes, l'inspection et les évaluations externes les empêchent de faire de l'ECM en classe. Entre les parents et leur angoisse d'employabilité et le pilotage et son angoisse de PISA, cela devient du harcèlement pour pousser les enseignants à la stricte exécution de ce qui est le plus aisément mesurable dans les programmes. Et ce n'est certainement pas le cas de l'ECM ...

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En aller – retour entre les textes de référence et de recherches proches en matière d'éducation à la citoyenneté et nos rencontres en école ainsi que les premiers résultats bruts du questionnaire, nous avons progressivement construit un modèle d'analyse qui va nous servir de cadre théorique à la fois pour analyser l'ensemble du corpus d'informations récoltées et pour dresser la cartographie et formuler des recommandations. Ce modèle d'analyse fonctionne comme un ensemble d'hypothèses articulées entre elles. Il est conçu de manière ouverte, en recourant le plus possible à une dialogique33 critique34 (axes de tensions), il devrait développer notre capacité d'analyse plutôt que nous enfermer dans sa simple validation. Il consiste d'abord (schéma 1) en une mise en relations des acteurs exerçant une influence potentielle sur les pratiques d'ECM sur le terrain scolaire. Cette mise en relations insiste sur les tensions qui traversent chaque acteur et leurs rapports entre eux, et qui, par hypothèse, peuvent influencer les pratiques. A la suite de ce schéma 1 et après avoir explicité certaines des tensions et contradictions apparaissant dans ce schéma, nous développerons les postures éducatives et politiques des acteurs scolaires (schéma 2), les différents types de partenariats possibles (tableau 2) et différents éléments permettant de construire une typologie des pratiques, des dispositifs et des établissements conduisant à leur cartographie (schémas 3 à 11).

33 34

Dialogique en référence à Edgar MORIN Dialogique critique en référence à Marie-France DANIEL

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4.1. Mise en relations des acteurs

Schéma 1 : relations entre les acteurs de l’ECM à l’école

4.2. Contradictions et tensions structurelles Sans développer ici les contradictions et tensions qui traversent chaque acteur et qui structurent leurs relations, rappelons simplement deux éléments classiques. Coopération au développement, d'une part, et éducation et enseignement, d'autre part, dépendent de niveaux de pouvoir différents, fédéral et communautaire. Cela entraîne non seulement des conflits de compétences mais également, au moins potentiellement, des contradictions idéologiques, a fortiori lorsque les majorités diffèrent. Par ailleurs, plus fondamentalement, chaque acteur doit articuler logique d'appareil (intérêts) et logique de mission (valeurs)35. Ainsi par exemple, tout établissement scolaire doit concilier : •

35

ses valeurs éducatives en termes de justice par exemple, tant au niveau local (accueil et réussite de chacun et de tous) qu'au niveau international (rapports entre les peuples) ;

Mintzberg

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ses intérêts d'appareil (satisfaire la demande de parents inquiets, principalement et de plus en plus, de l’employabilité future de leurs enfants).

Ainsi, tout partenaire externe à l'école doit aussi valoriser sa position par rapport aux autres sur le « marché » de l'intervention en milieu scolaire et réaliser sa mission dans le respect de ses valeurs.

4.3. Postures éducative et politique des acteurs scolaires On peut considérer que chaque acteur scolaire peut situer sa mission telle qu'il la conçoit sur un axe d'implication pédagogique et sur un axe d'implication politique qui vont dans les deux cas de peu à beaucoup. Et cela est vrai pour chaque acteur, aussi bien pour l'institution elle-même que pour la direction, telle ou telle équipe éducative constituée, tel ou tel groupe informel et pour chaque enseignant ou éducateur individuellement. Il ne s'agit pas de juger négativement le « peu » d'implication et positivement le « beaucoup », mais d'expliciter la conception que se fait chaque acteur de sa mission. Une mission qui, pour l'établissement, doit être explicitée dans son « projet d'établissement » qui correspond plus ou moins, ou parfois pas du tout, à la mission telle qu'elle est réellement poursuivie. Pour l'implication éducative, chacun peut concevoir sa mission positivement comme le plus et le mieux possible dans le sens strict de l'instruction en termes de savoirs disciplinaires, réservant les autres dimensions à d'autres agents de socialisation, ou dans le sens global de l'éducation dans toutes ses dimensions.

Instruire versus éduquer, donc. Transmettre versus émanciper. Et, enfin, respecter les programmes et les injonctions versus les transgresser au nom de l'éducation et de l'émancipation des élèves. Ajoutons qu'il s'agit bien ici de tensions et non de simples contradictions, tensions dans le sens où les deux pôles de l'axe sont également souhaitables, même s'ils sont contradictoires. Pour l'implication politique, chacun peut concevoir sa mission positivement comme le plus et le mieux possible dans le sens strict de la neutralité passive36, réservant l'éducation aux valeurs à d'autres agents de socialisation, ou dans le sens de l'engagement en faveur des valeurs démocratiques au risque de s'opposer à d'autres acteurs scolaires et à d'autres agents de socialisation. Cet engagement pouvant bien sûr prendre différentes orientations.

L'engagement démocratique peut évidemment prendre des orientations divergentes. Rappelons que la démocratie est le seul système qui reconnaît la pluralité et la divergence 36

Neutralité passive par opposition à la neutralité active du décret Neutralité

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d'intérêts et en accepte les affrontements pour tenter de les concilier. Et cet affrontement – conciliation s'inscrit dans la tentative désespérée et toujours inachevée de concilier des valeurs contradictoires, d'augmenter la Liberté et l’Égalité de ses membres. Désespérée et inachevée parce que Liberté et Égalité sont en tensions, qu'on veut toujours plus de Liberté et qu'alors on perd en Égalité et qu'on veut toujours plus d'Égalité et qu'alors on perd en Liberté. Idem pour les autres tensions : Sécurité versus Libertés, Coopération versus Contestation, Singularité versus Pluralité, Solidarité versus Responsabilité, Croissance versus décroissance, communautarisme versus cosmopolitisme, etc.

Schéma 2 : postures éducatives, politiques et choix pédagogiques

Implication éducative et implication politique entraînent un certain nombre de choix pédagogiques, assez classiques eux-aussi. L'ECM est-elle intégrée à l'ensemble du projet pédagogique : tant dans les cours conçus eux-mêmes comme autant de savoirs et compétences citoyens que dans des projets plus globaux ? Pratique-t-on plus d'activités fonctionnelles (projets divers avec un but de production et une socialisation qui rencontrent les objectifs d'apprentissages) ou plus d'activités de structuration (centrées davantage sur la transmission ou l’appropriation de savoirs structurés), et celles-ci se font-elles plutôt a priori ou a posteriori ? Pratique-t-on des « cours métis » où on croise des regards culturels différents sur une même réalité et/ou des « cours méta » où on croise des approches disciplinaires différentes sur un même objet ? Privilégie-t-on une formation individuelle et d'autonomie ou développe-t-on

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des compétences collectives et de coopération ? Comment articule-t-on l'approche analytique et l'approche systémique ? Enfin, dans les différentes activités, quand les élèves sont-ils récepteurs (comme dans la transmission d'informations ou d'explications importantes), actifs (comme dans la plupart des activités de sensibilisation) ou acteurs (comme dans la réalisation d'un projet dont ils ont la co-maîtrise) ? Ajoutons évidemment que tous ces axes de tensions se combinent dans des configurations pédagogiques toujours originales et diverses.

4.4. Partenariats en ECM Avant d'en arriver aux pratiques d'ECM elles-mêmes, tentons d'élaborer une typologie des différents partenariats possibles. Nous proposons d'élaborer cette typologie à partir de ce que partagent les deux partenaires : objectifs, activités, évaluation et suivi, et comment ils les partagent (information ou non, consultation, concertation et négociation). Cela donne 5 types « purs » mais différentes combinaisons possibles, résumés dans le tableau suivant : Avec peu d'échange d'informations sur ...

L'un consulte l'autre sur ...

Objectifs

X

X

X

X

X

Mise en œuvre (activités)

X

X

X

X

X

Évaluation

X

X

X

X

X

Suivi

X

X

X

X

X

Type :

Compromis d'intérêts matériels

Intervention par procuration

Autonomie partagée

Interventions concertées

Engagement mutuel coopératif

Ignorance

Convenance

Compatibilité

Complicité

Complémentarité

Relation entre les deux :

Avec échange Avec concertation Avec négociation d'informations pour tenir compte pour décision en sur ... de l'autre sur ... commun sur ...

Tableau 2 : typologie des partenariats possibles37

37 Reconstruction libre à partir de différentes sources dont principalement Lise DEMAILLY (Politiques de la relation: approche sociologique des métiers et activités professionnelles relationnelles) d'une part et Michel BOISCLAIR (École d'administration publique, Québec) d'autre part.

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4.5. Éléments pour distinguer les pratiques d'ECM 4.5.1 Premiers éléments pour une typologie des pratiques En ECM, comme pour toute éducation, la question se pose d'apprendre ce qu'il faut penser ou d'apprendre à penser. Présenté comme cela, il est évident que tout le monde optera pour la deuxième proposition. La réalité est pourtant moins évidente que la déclaration. Si on estime qu'en ECM, il en est comme pour toute question politique, c'est alors aussi affaire de tensions. Et ici, tension, et donc opposition, entre émancipation et transmission. L'école doit bien sûr transmettre ET émanciper. La transmission est au service de l'émancipation et l'émancipation exige la transmission. L'école doit « donner à l’enfant et à l’adolescent les moyens de s’incorporer une culture sans qu’ils soient assignés à la reproduire, à s’approprier une tradition, des connaissances et des valeurs dont ils devront pouvoir s’émanciper. Pour prolonger un monde dont ils pourront devenir les acteurs ».38 Le problème est que si on n'est pas conscient de l'opposition, plus on transmet et moins on émancipe et réciproquement. Car, « la transmission peut basculer dans l’inculcation et l’émancipation dans une sorte de transgression systématique, voire d'une culture du vide »39 Transmettre ET émanciper, c'est éduquer à la citoyenneté, c'est apprendre à penser. Inculquer ou, au contraire, pousser à la transgression, c'est pourtant la même chose, c'est apprendre ce qu'il faut penser, sans apprendre à penser, apprendre ce qu'il faut penser en conformité avec l'ordre social établi, c'est l'éducation civique, ou en conformité avec l'opposition contestante, c'est l'éducation militante.

Schéma 3 : premiers éléments pour une typologie des pratiques

38 39

Philippe MEIRIEU, www.meirieu.com/DICTIONNAIRE/TRANSMISSION.htm Philippe MEIRIEU, www.meirieu.com/nouveautesblocnotes_dernier_01_2013.htm

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Ce schéma 3 reprend deux types de distinction, toutes deux claires dans l'intention, mais moins évidentes dans leur réalisation. D'une part, on distingue éducation civique, militante et citoyenne40. D'autre part, on distingue éducation à visée d'adhésion, de délibération et d'émancipation41. Cela nous permet de proposer de premiers éléments pour une typologie des pratiques.

4.5.2 Eléments seconds pour une typologie des pratiques Si l'ECM est une éducation à la citoyenneté à visée émancipatrice telle que définie ci-dessus, comment définir l'action pédagogique qui y contribuerait ? Nous proposons alors de considérer l'ECM comme la volonté de développer le « capital citoyen »42 des élèves dans un et/ou des « champs(s) » élargi(s), capital citoyen au sens que Bourdieu donne au capital culturel et en lui empruntant le concept de champ également. Et de quoi serait fait le capital citoyen ? Toujours en référence à Bourdieu, d'abord de « dispositions » et même d'un « système de dispositions », quelque chose de proche des savoir-être des pédagogues, dispositions à participer au débat démocratique et dispositions à agir dans l'espace démocratique. Et ensuite de « savoirs de compréhension et d'action », soit des savoirs conceptuels et procéduraux43 pour participer au débat démocratique ou pour agir dans l'espace démocratique. Dispositions et savoirs de compréhension et d'actions constituant le capital citoyen, constitué ainsi de compétences citoyennes. Ce capital citoyen peut alors s'exercer dans un ou des champ(s) plus ou moins large(s), dans le cadre scolaire étroit de tel projet jusqu'à différents champs extra-scolaires dans des thématiques différentes. Pour exercer sa citoyenneté (mondiale), il faut donc d'abord, condition nécessaire et insuffisante, « être disposé » à le faire ! Par exemples, du plus facile au plus difficile, être disposé à lire, comprendre et signer une pétition, à lire, comprendre et refuser de signer une pétition, à participer à une manifestation, à prendre la parole en public, à exprimer son (dés)accord en réunion, à écrire une carte blanche, à organiser une action, etc. Peu importe ici le contenu et l'orientation. C’est d'une posture à adopter qu'il s'agit et elle est plus rare qu'on ne croit, celle d'un Stéphane Essel à travers ses indignations, celle qui permet d'être sujet dans le monde. Et pour exercer sa citoyenneté (mondiale), il faut aussi développer des savoirs de compréhension et d'action, des savoirs conceptuels et procéduraux. Savoirs procéduraux : en situation, exercer la présidence d'une séance de travail, composer un ordre du jour, le présenter, le faire amender et accepter, rédiger le procès-verbal d'une réunion, tenir les comptes d'un projet, planifier une action, rédiger différents textes en lien avec le projet mené (article de présentation, lettre de demande, communiqué de presse, ...), réaliser une recherche documentaire, recourir à des savoirs disciplinaires nécessaires au projet, présenter oralement le projet à un public extérieur, utiliser les logiciels classiques (texte, présentation, tableur, ...) au service du projet, etc. Savoirs conceptuels: tous ceux, pourrait-

40 Distinction reprise à Jacques CORNET, Éduquer les inciviques, Traces n°218, pp. 10-11. 41 Distinction reprise à Cécile FORTIN-DEBART et Yves GIRAULT, De l'analyse des pratiques de participation citoyenne à des propositions pour une éducation à l'environnement, Éducation relative à l'environnement, Vol. 9, 42 En référence à Franck POUPEAU, Contestation scolaire et ordre social, Syllepse, 2004, lui-même en référence à Pierre BOURDIEU, La distinction, Minuit, 1979. 43 Sur ces différentes notions, voir Michel DEVELAY

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on dire, des sciences humaines (histoire, géographie, économie politique, sociologie, sciences politiques, ...). Soit, par exemples, les concepts de migration, ajustement structurel, mouvement social, délocalisation sur place, etc. L'ECM vise donc à développer au maximum le capital citoyen, ou les compétences citoyennes, fait d'un système de dispositions et de savoirs théoriques et procéduraux de compréhension et d'action, et cela, dans des champs de compréhension et d'action toujours plus larges et divers. Au-delà des deux fois trois premiers types d'éducation, citoyenne, civique et militante, à visée d'adhésion, de délibération et d'émancipation, et en valorisant ce qui constitue pour nous une véritable ECM44, à savoir l'éducation à la citoyenneté à visée émancipatrice telle que définie ci-dessus, on peut aussi classiquement distinguer les interventions en ECM selon la place qu'elle laisse à l'élève, selon l'implication personnelle qu'on attend de lui. On peut présenter cette implication attendue selon un axe qui va de moins à plus :

Schéma 4 : axe de l’implication des élèves

On peut également distinguer les interventions selon ce qu'on pourrait appeler la portée espérée de l'intervention, en distinguant la portée socio-affective et la portée sociocognitive, même si, à nouveau, cette distinction est purement théorique. Mais elle nous semble suffisamment heuristique pour la proposer. On peut présenter cette portée attendue selon deux axes qui vont aussi de moins à plus. L'axe de la portée cognitive de l'intervention :

Schéma 5 : axe de la portée cognitive de l’intervention

Et l'axe de la portée socio-affective de l'intervention :

Schéma 6 : axe de la portée socio-affective de l’intervention 44 Dans le sens où elle correspond aux définitions officielles de l'ECM, celle du Conseil de l'Europe, par exemple.

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Signalons au passage qu'on ne peut en aucune manière préjuger de l'impact d'une intervention, ni selon l'implication attendue, ni selon la portée attendue, même si évidemment on peut espérer un impact maximum lié à une implication maximale et une portée maximale. Un témoignage d'une femme africaine peut avoir un très grand impact en termes de dispositions, par exemple. On peut encore distinguer les pratiques selon ce qu'on pourrait appeler leur profondeur institutionnelle en s'inspirant des niveaux d'action d'Ardoino, maintes fois revisités. On pourrait en proposer le tableau suivant : Niveaux

Niveaux des relations humaines

de la personne :

des relations :

du groupe :

Niveaux des rapports sociaux

de l’organisation :

de l’institution :

de l’historicité :

Composantes

Impact (dans un sens ou un autre) Les dispositions et les Renforcement ou modifications représentations de chaque des dispositions et des personne, son « habitus » au sens représentations des participants de Bourdieu. par la pratique d'ECM, impact au niveau individuel sur le « capital citoyen » des participants. Les relations entre les personnes Modifications des relations (au sens de relations humaines entre les personnes à travers la interpersonnelles, et non en pratique d'ECM vécue. termes de rapports sociaux). La dynamique de groupe, sa Modifications de la dynamique cohésion, ses phénomènes du groupe à travers la pratique d'intégration / exclusion, de d'ECM vécue. coopération / contestation, de partage du pouvoir. L'organisation dans le temps et Modifications de l'organisation dans l'espace de l'environnement du temps et de l'espace dans lequel le groupe s'insère et, scolaires à travers la pratique dans ce cas, l'organisation de la d'ECM vécue. pratique d'ECM dans l'établissement scolaire et l'organisation du temps et de l'espace dans lesquels elle s'insère. Les réponses institutionnalisées Modifications des rapports aux problèmes permanents de la sociaux au sein de l'institution vie collective, principalement en scolaire à travers la pratique termes de rapports sociaux d'ECM vécue. potentiellement transversaux : supérieurs (statutairement) / inférieurs, forts / faibles, hommes / femmes, ... La capacité d'action d'une société Modifications de la capacité sur elle-même, de changements d'action collective à travers sociaux à travers des la pratique d'ECM vécue. mouvements sociaux. Tableau 3 : niveaux d’action appliqués aux pratiques de l’ECM

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Ce qui nous donne un nouvel axe sur le même principe que les précédents :

Schéma 7 : axe de la profondeur institutionnelle

On peut enfin croiser ces quatre axes (3 à 3 sans 4e dimension!), celui de l'implication personnelle des élèves, ceux de la portée cognitive et socio-affective de l'intervention et celui de sa profondeur institutionnelle, ce qui donne des éléments supplémentaires pour définir une typologie d’interventions en ECM. Croisons ici, pour mieux faire comprendre les schémas suivants, implication personnelle des élèves, portée cognitive et portée socio-affective de l'intervention. Comme on pourrait croiser aussi implication personnelle des élèves, portée cognitive et profondeur institutionnelle à la place de l'axe de la portée socio-affective.

Schéma 8 : éléments seconds pour une typologie des pratiques

Mettons ensuite en relation les premiers éléments développés ci-dessus (distinction entre éducations civique, militante et citoyenne et distinction entre adhésion, délibération et

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émancipation) et les éléments seconds (trois axes sur les quatre par défaut d'une 4e dimension ...), ce qui nous donne les deux schémas suivants.

(des élèves)

axe de l'implication personnelle

Schéma 9 : éléments pour une typologie des pratiques (a)

auteur

compétences e ti v

acteur

e ed ax

actif

informations

réceptif

ad hé ren ce

sans apport volontaire d'information ni travail cognitif

di In

« en retrait » « en rejet »

ni og c e té or p concepts la

ad hé si o n

ém an ci p at i on

dé li b éra ti o n

axe de la pr ofond eur insti el tutionn n n l ell e o a el p rs n u e o n p r r el g tio te nn ue sa in o i i ri q ut an o t g t i s st or hi in

l ue vid

Schéma 10 : éléments pour une typologie des pratiques (b)

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Cela nous permet finalement de proposer trois typologies, des dispositifs et des pratiques d'ECM et des établissements, en essayant de manière sans doute trop ambitieuse de combiner tout ce qui précède. Avant de développer ces typologies, on ne saurait trop insister sur le sens et les limites d'une typologie. Une typologie n'a de valeur qu'heuristique ; elle ne peut en aucun cas enfermer la réalité dans ses critères, réduire une réalité vécue à un de ses types. C'est d'ailleurs pour cela qu'on parle d'idéaltypes, de types « épurés ». Ne confondons donc pas la lune et le doigt qui montre la lune ...

4.6. Typologie des dispositifs mis en place pour des pratiques d’ECM Le schéma 10 permet de développer une typologie des dispositifs mis en place par les établissements qui sont centrés, pensés avec une visée d’action sur les relations humaines et les rapports sociaux. Les dispositifs mis en place par les établissements révèlent la manière dont les établissements s’emparent de la mission d’éducation citoyenne confiée au système scolaire. Ces dispositifs peuvent induire différents types de pratiques (voir ci-dessous). Ils constituent néanmoins le cadre dans lequel les pratiques vont pouvoir (ou non) s’implanter. Autrement dit, ils disent les limites, les conditions (freins, éléments facilitateurs) dans lesquelles les acteurs vont devoir mettre en œuvre (ou non) leurs pratiques d’ECM.

Type 1 : Dispositifs de mise en conformité Ce type de dispositif se caractérise par : • une faible implication de l’établissement dans la mission d’éducation citoyenne ; • une place minimale du dispositif dans les priorités de l’établissement. Et éventuellement une instrumentalisation de la mission d’éducation citoyenne à d’autres fins (image de l’école, respect des prescrits légaux, respect formel d’un projet d’établissement, neutralisation des conflits dans l’établissement,…). Nous utilisons ici le terme de « mise en conformité » qui suppose un positionnement peu investi et purement formel, sans visée ni sur les participants ni a fortiori sur leur environnement. Ce type de dispositif est pensé pour ne laisser place qu’à des pratiques : • « sans recherche d’implication socio-affective » ; • « sans apport volontaire d’information et de travail cognitif » ; • dans lequel seul le niveau individuel est concerné. Les élèves ne sont pas directement concernés par ce type de dispositif. On attend d’eux qu’ils soient au mieux réceptifs mais ils y seront probablement plus souvent « en rejet ou en retrait ». Le dispositif se met en place par inertie, par habitude (conformité à une « culture » d’école) ou parce que l’établissement l’impose pour respecter de manière formelle des prescrits internes ou externes (PO, direction, directive, décrets). Au mieux, le partenaire, s’il y en a un, cherchera à dépasser la situation. Les pratiques légitimes dans ce dispositif seront de type « Adhérence » (voir ci-après). Ces dispositifs ne visent pas à avoir une action sur le capital citoyen des participants.

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Type 2 : Dispositifs de sensibilisation Ce type de dispositif se caractérise par : • une implication de l’établissement dans les missions d’éducation citoyenne de manière secondaire par rapports à la mission d’instruction ; • une place secondaire mais visible du dispositif dans les priorités de l’établissement ; • une conception de la mission d’éducation citoyenne centrée sur la transmission des valeurs affirmées par l’établissement. Nous utilisons ici le terme de « sensibilisation » qui suppose un positionnement qui peut être fortement investi mais surtout dans le domaine socio-affectif. Ce type de dispositif est pensé pour ne laisser place qu’à des pratiques : • qui visent à mobiliser « de l’émotion et de l’empathie » ; • qui mettent en œuvre des « apports d’informations » ; et dans lequel c’est principalement le niveau individuel qui est concerné mais qui joue aussi sur les relations interpersonnelles dans le registre socio-affectif. Les élèves ne sont pas directement concernés par ce type de dispositif, mais certains d’entre eux peuvent être mobilisés sur une base volontaire dans sa mise en œuvre, voire dans sa conception. Les autres élèves restent dans leur position de public captif dont on attend qu’il soit réceptif. Ce type de dispositif peut être considéré par certains acteurs, voire par l’établissement, comme un préalable à la mise en place de dispositifs de type 3 et 4 (voir ci-dessous). Le dispositif se met en place, à titre d’exemple : soit parce qu’il fait partie d’une tradition dans l’école par fidélité à des valeurs affirmées (humanisme, valeurs chrétiennes, …), soit suite à la sollicitation d’un partenaire extérieur, soit parce qu’il fait partie du programme d’un cours ou encore parce que, dans l’école, un acteur est devenu une sorte de partenaire interne qui sollicite la mise en place du dispositif, par engagement personnel ou d’un de ses proches. Il ne nécessite pas toujours l’intervention d’un partenaire extérieur. Les pratiques légitimes dans ce dispositif seront de type « Adhésion» (voir ci-après). Ces dispositifs ont peu d’action sur le capital citoyen des participants, sauf peut-être pour les élèves qui se mobilisent volontairement autour des pratiques mises en œuvre.

Type 3 : Dispositifs de conscientisation morale Ce type de dispositif se caractérise par : • une réelle implication de l’établissement dans les missions d’éducation citoyenne ; • une place du dispositif qui peut être importante dans les priorités de l’établissement ; • une conception de la mission d’éducation citoyenne centrée sur la transmission des valeurs de la société et en lien avec la mission d’instruction ; • une certaine crainte de s’engager sur le terrain politique, notamment en se référant à l’impératif de neutralité et donc un cantonnement du dispositif au niveau des « relations humaines ».

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Nous utilisons ici le terme de conscientisation morale qui suppose une visée de transformation des participants surtout dans le domaine des « relations interpersonnelles ». Ce type de dispositif est pensé pour ne laisser place qu’à des pratiques : • qui visent à mobiliser « des principes de solidarité » ; • qui mettent en œuvre des « apports d’informations » et de « concepts » et les travaillent en lien avec des « savoir-être » ; • dans lequel tous les niveaux des « relations humaines » sont mobilisés. Le dispositif s’adresse à un public captif qu’il vise à rendre « actif » voire « acteur ». Certains élèves peuvent être mobilisés sur une base volontaire dans sa mise en œuvre, voire dans sa conception. Ce type de dispositif peut être considéré par certains acteurs, voire par l’établissement, comme un préalable à la mise en place de dispositifs de type 4 (voir ci-dessous). Le dispositif se met en place, à titre d’exemple : soit par la volonté d’un PO, d’une direction, d’un enseignant ou d’une équipe d’enseignant, parce qu’il est important dans l’image de l’école, parce que les acteurs des dispositifs de type 2 l’ont fait évoluer (avec l’aide d’un partenaire extérieur) , soit suite à la sollicitation d’un partenaire extérieur, soit suite à des événements marquants qui ont ébranlé la société au niveau local, soit parce qu’un acteur est devenu une sorte de partenaire interne qui sollicite la mise en place du dispositif, par engagement personnel ou d’un de ses proches. Ce type de dispositif implique le plus souvent un partenariat entre plusieurs acteurs (ONG, partenaire interne, direction, un enseignant ou une équipe d’enseignants). Il s’inscrit dans le cadre d’un ou de plusieurs cours et peut déboucher sur des actions de type « sensibilisation d’autres », aide à des projets extérieurs, etc. Les pratiques légitimes dans ce dispositif seront de type « Adhésion et/ou de délibération restreinte» (voir ci-après). Ces dispositifs peuvent avoir une réelle action sur le capital citoyen des participants, en particulier pour les élèves qui se mobilisent volontairement autour des pratiques mises en œuvre.

Type 4. Dispositifs de conscientisation politique Ce type de dispositif se caractérise par : • une réelle implication de l’établissement dans les missions d’éducation citoyenne ; • une place importante du dispositif dans les priorités de l’établissement ; • une conception de la mission d’éducation citoyenne centrée sur la mise en capacité des participants à agir sur leur environnement, et mise en lien avec la mission d’instruction ; • une volonté de s’engager sur le terrain politique tout en respectant l’impératif de neutralité, et donc en ouvrant le dispositif au niveau des « rapports sociaux », notamment au sein de l’établissement. Nous utilisons ici le terme de conscientisation politique qui suppose une visée de transformation des participants y compris dans le domaine des « rapports sociaux » et donc ouvre la possibilité d’une transformation de leur environnement (notamment au sein de l’établissement).

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Ce type de dispositif est pensé pour ne laisser place qu’à des pratiques : • qui visent à mobiliser des « valeurs d’engagement » ; • qui travaillent des « informations », des « concepts » et les travaillent en lien avec des « compétences » ; • et dans lequel tous les niveaux des « relations humaines » aux « rapports sociaux » peuvent être mobilisés. Ce type de dispositif s’adresse à un public, souvent déjà réceptif (par exemple parce qu’il a déjà vécu un dispositif de type 2 ou 3), qu’il vise à rendre « actif », « acteur », voire même « auteur ». Il sert de préalable à la mise en action des élèves sur un cadre concret qui les concerne et les implique, dans le cadre scolaire ou en dehors. Ce type de dispositif implique l’établissement scolaire en tout ou en partie, avec des partenaires externes ou internes et doit bénéficier au minimum du soutien de la direction, au mieux de moyens mobilisés par l’établissement scolaire (financiers, organisation du temps, …). Il s’inscrit dans le cadre de plusieurs cours et se donne comme objectif de déboucher sur des actions concrètes, dans le cadre scolaire ou en dehors. Les pratiques légitimes dans ce type de dispositif sont de type au minimum de « délibération élargie », voire « d’émancipation». Ces dispositifs visent à avoir une réelle action sur le capital citoyen des participants voire éventuellement sur l’environnement de l’école.

4.7. Typologie des pratiques d'ECM Dispositifs et pratiques sont indissolublement liés : les dispositifs rendent possibles les pratiques. Dans la logique de ce qui précède, nous distinguerons ici deux sous-types pour chaque type de pratique retenu : adhérence, adhésion, délibération, émancipation.

Types 1 : adhérences Ces deux types d'adhérences, souvent mises en place par des dispositifs de type 1, se caractérisent par : • une faible implication personnelle des élèves, en retrait ou en rejet ; • une faible portée socio-affective et cognitive des activités ; • une faible profondeur institutionnelle ; • pas de partenariat externe ou un partenariat de type « compromis d'intérêts matériels » ou « intervention par procuration » ; • une pédagogie plus individuelle que collective, etc. Nous utilisons ici le terme d'adhérence par opposition à celui d'adhésion qui suppose un mouvement, une dynamique, adhérence parce que chacun reste « collé » à ses dispositions, représentations, intérêts, valeurs, sans que personne ne développe son « capital citoyen ».

1a : adhérence neutralisante C'est le cas des établissements où existent peu ou pas de pratiques d'ECM parce qu'ils font le choix de privilégier : • l'instruction en vue de la réussite future de leurs élèves dans l'enseignement supérieur (à partir de convictions pédagogiques plutôt invalidées par la recherche) ;

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• •

et/ou la formation en vue d'une meilleure employabilité (à partir de représentations socio-économiques plutôt invalidées par la recherche également) ; et/ou l'évitement des conflits par renoncement ou incapacité à poursuivre réellement les missions de l'école, le tout, instruction, formation, pacification, aux dépends de l'éducation et de la socialisation. Ce choix, où à la fois l'implication éducative et l'implication politique explicite pour les enseignants et l'implication personnelle pour les élèves sont faibles, est fait : o par « intérêt », ou positionnement sur le quasi-marché scolaire en réponse à la demande présumée ou réelle des usagers ; o et/ou par « valeur » ou intériorisation d'une fonction sociale neutralisante, conception conservatrice du métier.

Cette politique de neutralisation, consciente ou non, explicite ou non, assumée ou non, peut être menée avec plus ou moins de stratégies : application formelle du décret citoyenneté, recours formel à des partenariats extérieurs inoffensifs, projets – vitrines, ... et parfois, sans stratégies du tout, en totale bonne foi. Les éventuels partenaires extérieurs qui collaborent à cette « adhérence neutralisante » ne peuvent le faire que par « intérêt », augmenter le nombre d'interventions, justifier son existence, mener une campagne, ... A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où on aurait soigneusement évité d'« être Charlie » ou de ne pas l'être, évité d'en parler (ainsi un éducateur s'affichant « Charlie » dans une de ces écoles s'est vu contraint de retirer son affichette).

1b : adhérence militante C'est le cas de pratiques d'ECM relativement marginales et parallèles aux autres activités dans des établissements qui connaissent trop de contradictions entre : • d'une part, leur fonctionnement institutionnel interne, où l'ordre scolaire apparaît, à juste titre ou non, injuste aux élèves, et/ou la réalité de vie des élèves en famille et/ou dans la rue ou les loisirs ; • et d'autre part, l'« engagement citoyen » externe de l'école dans des projets où la visibilité joue un rôle important et dont l'authenticité apparaît suspecte ou contestable aux élèves. Ces contradictions sont le plus souvent incarnées par des personnalités enseignantes reconnues à qui l'établissement accorde une place égale : des instructeurs féroces et des éducateurs missionnaires qui s'ignorent (s'acceptent) mutuellement. Face à ces contradictions, les élèves seront plutôt en retrait ou en rejet, n'accordant que peu de crédibilité aux projets « humanitaires » ou « citoyens », même si certains élèves y investissent en vue d'en retirer des avantages (faire autre chose, sortir de l'école, s'amuser en groupe, ...). Les partenariats pourraient aller jusqu'à l'« autonomie partagée », voire même l'« intervention concertée », mais en laissant dans l'ombre, par intérêts partagés, l'autre pan de l'institution auquel on s'interdit de toucher, dans une volonté partagée de croire à la même fiction. Cette adhérence militante peut même devenir contre-productive et renforcer le désabusement ou le cynisme des élèves. Il pourrait arriver également que, paradoxalement,

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cette situation pousse certains élèves à développer leur « capital citoyen » par la dénonciation de cette situation et l'organisation de l'opposition. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où on se serait affiché « Charlie », sans l'avoir jamais été, face à des élèves remettant en cause cet affichage auquel ils ne peuvent croire.

Type 2 : adhésions45 Ces deux types d'adhésions, souvent mises en place par des dispositifs de type 2, se caractérisent par : • une implication personnelle moyenne des élèves, réceptifs ou actifs ; • une portée socio-affective des activités qui peut être forte ; • une faible portée cognitive, se limitant le plus souvent à l'apport d'informations, • une faible profondeur institutionnelle - les pratiques ne modifiant que peu l'organisation scolaire et ne modifiant pas les rapports sociaux (voire au contraire même les renforçant) ; • des partenariats externes qui peuvent varier et aller même jusqu'à l'« engagement mutuel coopératif », mais avec la même volonté partagée de faire adhérer à des convictions prédéfinies, la même volonté d'apprendre ce qu'il faut penser plutôt que d'apprendre à penser, apprendre à pouvoir ; • une pédagogie plus individuelle que collective, etc. Nous utilisons ici le terme d'adhésion qui suppose un consentement, un mouvement, une dynamique, par opposition à celui d'adhérence où chacun reste « collé » à ses représentations, intérêts, valeurs.

2a : adhésion assimilatrice C'est le cas de pratiques d'ECM parallèles aux autres activités scolaires dans des établissements qui ne connaissent pas ou peu de contradictions entre : • d'une part, leur fonctionnement institutionnel interne, où l'ordre scolaire apparaît, à juste titre ou non, juste et légitime aux élèves et/ou leur réalité de vie en dehors de l'école ; • d'autre part, leur « engagement civique et/ou humanitaire » externe dans des projets dont l'authenticité est acceptée par les élèves. Ces pratiques d'ECM qui apportent des informations surtout factuelles (faim dans le monde, travail des enfants, conditions de travail dans le sud, ...) sans travail conceptuel ni entraînement de compétences et qui misent sur les émotions plus que sur la raison, cherchant surtout l'empathie, renforcent la légitimité et l'acceptation des discours dominants à propos des politiques sociales, économiques et culturelles. Elles favorisent aussi l'intégration (l’assimilation?) des élèves dans l'ordre scolaire et institutionnel. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où on aurait organisé des activités permettant à la majorité de se vivre et se déclarer très sincèrement « Charlie ».

2b : adhésion militante 45 Au sens de Cécile FORTIN-DEBART et Yves GIRAULT, De l'analyse des pratiques de participation citoyenne à des propositions pour une éducation à l'environnement, Éducation relative à l'environnement, Vol. 9, pp. 129-145

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C'est le cas de pratiques d'ECM relativement marginales et parallèles aux autres activités, parallèles à des activités de pure instruction sans implication éducative, et parallèles à d'autres types de pratiques d'ECM dans des établissements qui acceptent ces contradictions sans les arbitrer. Un établissement apparaît par exemple divisé entre les partisans d'un type de pratique liée à une ONG particulière et les partisans d'un autre type de pratique liée à une autre ONG. Ces pratiques d'ECM (adhésion militante) qui apportent à la fois des informations et un travail conceptuel et théorique, mais sans entraînement de compétences et qui misent sur les émotions plus que sur la raison, cherchant surtout l'empathie, renforcent la légitimité et l'acceptation des discours dominants à propos des politiques sociales, économiques et culturelles. Elles favorisent aussi l'intégration (l’assimilation?) des élèves dans l'ordre scolaire et institutionnel. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où certains enseignants militants auraient pu organiser des activités permettant à une minorité de s'affirmer solidaires d'une population dominée et pour qui la religion constitue la dernière stratégie identitaire possible.

Type 3 : délibération46 Ces deux types de pratiques à visée délibérative, souvent mises en place par des dispositifs de type 3, se caractérisent par : • une implication personnelle importante des élèves, actifs ou acteurs ; • une portée socio-affective des activités qui peut être forte, permettant l'entraînement de dispositions à participer au débat (être sujet dans le monde) ; • une forte portée cognitive, permettant la compréhension des phénomènes abordés et fournissant les outils langagiers pour en débattre ; • et une profondeur institutionnelle moyenne, les pratiques pouvant modifier en partie l'organisation scolaire (pratiques instituées plus qu'instituantes) et modifiant en partie les rapports sociaux en faisant des élèves des interlocuteurs à part entière ; • avec des partenariats externes qui peuvent varier et aller jusqu'à l'« engagement mutuel coopératif », avec la même volonté partagée de faire participer au débat démocratique tout en apprenant aux élèves à penser de manière autonome ; • une pédagogie plus collective qu'individuelle, etc. L'usage de l'étiquette « délibération » signifie bien qu'il s'agit de développer à la fois des dispositions à participer au débat démocratique et des savoirs conceptuels et procéduraux pour pouvoir y participer effectivement. Il s'agit ici de développer un capital citoyen, des compétences citoyennes pour débattre, non pour agir en faveur d'une option ou d'une autre.

3a : délibération restreinte C'est le cas de pratiques d'ECM en partie intégrées aux autres activités de formation, en lien avec des savoirs développés au sein de certains cours disciplinaires et/ou au sein de projets interdisciplinaires, mais se limitant à apprendre à débattre dans un champ donné, celui du

46 Au sens de Cécile FORTIN-DEBART et Yves GIRAULT, De l'analyse des pratiques de participation citoyenne à des propositions pour une éducation à l'environnement, Éducation relative à l'environnement, Vol. 9, pp. 129-145

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commerce équitable par exemple, ou de la résistance à l'extrême-droite, sans stratégie pour élargir le champ ou transférer à d'autres champs, d'autres enjeux sociaux et économiques. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où des enseignants auraient organisé des activités permettant aux élèves de débattre du sens de s'affirmer « Charlie » ou non, de prendre en compte ou non la situation sociale et économique de la population dont sont issus les agresseurs, mais sans élargir le débat, sans élargir le champ (en prenant en compte le conflit israélo-palestinien par exemple) et sans transférer à d'autres champs.

3b : délibération élargie C'est le cas de pratiques d'ECM en partie intégrées aux autres activités de formation, en lien avec des savoirs développés au sein de certains cours disciplinaires et/ou au sein de projets interdisciplinaires, apprenant à débattre en partant d'un champ donné, celui du commerce équitable par exemple ou de la résistance à l'extrême-droite, avec une stratégie pour élargir le champ et/ou transférer à d'autres champs, d'autres enjeux sociaux et économiques. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où des enseignants auraient organisé des activités permettant aux élèves de débattre du sens de s'affirmer « Charlie » ou non, de prendre en compte ou non la situation sociale et économique de la population dont sont issus les agresseurs, et en élargissant le débat, en élargissant le champ (en prenant en compte le conflit israélo-palestinien par exemple) et en transférant à d'autres champs (affirmation de quelles autres solidarités identitaires).

Type 4 : émancipation47 Ces deux types de pratiques à visée émancipatrice, souvent mises en place par des dispositifs de type 4, se caractérisent par : • une implication personnelle importante des élèves, actifs, acteurs ou auteurs ; • une portée socio-affective des activités qui peut être forte, permettant l'entraînement de dispositions à participer au débat (être sujet dans le monde) et à agir dans le monde ; • une forte portée cognitive, permettant la compréhension des phénomènes abordés et fournissant les outils langagiers pour en débattre et pour agir en faveur d'une option ou d'une autre ; • une forte profondeur institutionnelle, les pratiques contribuant à l'organisation scolaire (pratiques instituantes plus qu'instituées) et transformant les rapports sociaux en faisant des élèves des acteurs institutionnels à part entière, • des partenariats externes qui peuvent varier et aller jusqu'à l'« engagement mutuel coopératif », avec la même volonté partagée de faire participer au débat démocratique et d'agir dans le monde, en apprenant aux élèves à penser de manière autonome ; • une pédagogie plus collective qu'individuelle, etc. L'usage de l'étiquette « émancipation » signifie qu'il s'agit de développer à la fois des dispositions à agir dans l'espace démocratique et des savoirs conceptuels et procéduraux pour pouvoir y agir efficacement. Il s'agit ici de développer un capital citoyen, des 47 Au sens de Cécile FORTIN-DEBART et Yves GIRAULT, De l'analyse des pratiques de participation citoyenne à des propositions pour une éducation à l'environnement, Éducation relative à l'environnement, Vol. 9, pp. 129-145

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compétences citoyennes pour agir en faveur de plus de liberté ou de plus d'égalité dans le monde.

4a : émancipation restreinte C'est le cas de pratiques d'ECM en partie intégrées aux autres activités de formation, en lien avec des savoirs développés au sein de certains cours disciplinaires et/ou au sein de projets interdisciplinaires, mais se limitant à apprendre à agir dans un champ donné, celui du commerce équitable par exemple, ou de la résistance à l'extrême-droite, sans stratégie pour élargir le champ ou transférer à d'autres champs, d'autres enjeux sociaux et économiques. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où des enseignants auraient organisé des activités permettant aux élèves d'agir en faveur de plus de solidarité à « Charlie » ou non, d'agir en faveur de plus de solidarité aux populations dominées dont sont issus les agresseurs, mais sans élargir le cadre de l'action, sans élargir le champ (en prenant en compte le conflit israélo-palestinien par exemple) et sans transférer à d'autres champs.

4b : émancipation élargie C'est le cas de pratiques d'ECM en partie intégrées aux autres activités de formation, en lien avec des savoirs développés au sein de certains cours disciplinaires et/ou au sein de projets interdisciplinaires, apprenant à agir en partant d'un champ donné, celui du commerce équitable par exemple, ou de la résistance à l'extrême-droite, avec une stratégie pour élargir le cadre de l'action, le champ et/ou transférer à d'autres actions, d'autres champs, d'autres enjeux sociaux et économiques. A titre d'exemple, suite aux événements récents (janvier 2015), ce sont des établissements où des enseignants auraient organisé des activités permettant aux élèves d'agir en faveur de plus de solidarité à « Charlie » ou non, d'agir en faveur de plus de solidarité aux populations dominées dont sont issus les agresseurs, en élargissant le cadre de l'action, en élargissant le champ (en prenant en compte le conflit israélo-palestinien par exemple) et en transférant à d'autres champs (action en faveur d'autres solidarités identitaires). Ces différents types de pratiques ne sont évidemment pas indépendants de la dynamique institutionnelle propre des établissements scolaires où ils s'insèrent. En effet, c'est sans doute une des caractéristiques spécifiques de notre système d'enseignement en FWB (et en Belgique, de manière générale, étant donné la double liberté constitutionnelle), mais nos établissements scolaires jouissent d'une très grande autonomie, ou plus exactement d'une très grande liberté quant à leur offre scolaire (au sens économique du terme), c'est-à-dire une très grande liberté quant à leur manière de répondre à la demande scolaire spécifique de leurs usagers spécifiques. Il en résulte des dynamiques institutionnelles très différentes qu'il est nécessaire de prendre en compte.

4.8. Typologie des établissements Dans l’Institution, à différents niveaux d’analyse, les acteurs interagissent en fonction des valeurs et intérêts qui sont les leurs. Ceux-ci peuvent être convergents, différents ou divergents, voire contradictoires. Les acteurs tissent entre eux des stratégies qui les rapprochent ou qui les opposent. Les pratiques concrètes qui en résultent sont donc le fruit de confrontations et de rapports de force internes que les acteurs auront intérêt à cacher, à

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laisser entrevoir ou à mettre en évidence, en fonction de leur positionnement stratégique dans l’Institution (et/ou en fonction des attentes présumées ou réelles de l’intervieweur). On devrait donc aussi trouver différents types de pratiques d’ECM en fonction de l’implication plus ou moins grande des membres du personnel et de la direction dans une logique collective d’établissement. On pourrait classer les établissements sur ce critère en 6 types différents :

Type 1. Les établissements mobilisés : Il s’agit d’établissements dans lesquels des pratiques d’ECM sont portées par la grande majorité des acteurs (la direction, un nombre important de membres du personnel sont impliqués), les pratiques d’ECM sont instituées, récurrentes et se consolident d’année en année, et sont transmises aux nouveaux membres du personnel. Sans préjuger du type de pratiques, elles relèvent d’une approche cohérente et ont un effet structurant au niveau de l’établissement. Les partenariats sont secondaires, le projet est porté en interne. Le discours porté sur les pratiques sera plutôt du type positionnement commun, camouflage des failles, mise en évidence des éléments qui unissent, structurent.

Type 2. Les établissements pilotés : Il s’agit d’établissements dans lesquels des pratiques d’ECM ne sont portées que par un nombre restreint de membres du personnel autour de la direction, les pratiques sont récurrentes et instituées mais peinent à se consolider, nécessitent une « remise en route » récurrente et subissent les aléas d’un changement de direction. Sans préjuger du type de pratiques, elles relèvent d’une approche moins cohérente et qui ne structurent pas l’établissement. Les partenaires sont essentiels, comme alliés, parce qu’ils renforcent les rapports de force internes de ceux qui portent les pratiques d’ECM. Le discours porté sur les pratiques sera plutôt du type : discours volontaire, mise en évidence des éléments qui unissent ceux qui pilotent et des failles des autres. Et inversement si on a l’occasion de rencontrer les autres dans un climat de confiance. Sinon, le discours des autres dépendra de ce qu’ils percevront des attentes de l’intervieweur et de leur stratégie par rapport à celles-ci.

Type 3. Les établissements assiégés : Il s’agit d’établissements dans lesquels des pratiques d’ECM ne sont portées que par des initiatives personnelles de membres du personnel (individuellement ou collectivement par affinité). Ces pratiques doivent être négociées au coup par coup avec la direction et les autres membres du personnel. Ces pratiques ne tiennent que par l’implication personnelle de quelques membres du personnel plus ou moins soutenus par des directions opportunistes (stratégies propres) et subissent les aléas des changements d’attitude de la direction à leur égard en fonction d’intérêts plus ou moins opaques. Elles sont aussi tributaires de la lassitude ou de l’épuisement de ceux qui les portent.

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Sans préjuger du type de pratiques, elles relèvent d’une approche au coup par coup, par confrontation/négociation au sein de l’établissement. Elles sont peu ou pas structurantes pour l’établissement. Les partenaires sont essentiels, comme alliés, parce qu’ils renforcent les rapports de force internes de ceux qui portent les pratiques d’ECM, mais plus difficiles à impliquer quand ils requièrent des moyens financiers ou logistiques, ou quand leur image est moins lisse. Le discours porté sur les pratiques sera plutôt du type : discours volontaire, mise en évidence des éléments qui unissent ceux qui assiègent et des failles des autres. Le discours des autres dépendra de ce qu’ils percevront des attentes de l’intervieweur et de leur stratégie par rapport à celles-ci.

Type 4. Les établissements dirigés : Il s’agit d’établissements dans lesquels des pratiques d’ECM ne sont portées que par la direction qui impose des actions, des « projets » dans l’établissement en s’appuyant sur son Pouvoir Organisateur, des décrets, des circulaires… et sur des membres du personnel qui lui sont « redevables » ou disposent de peu de marge de négociation. Les pratiques ne tiennent que par la capacité de la direction à convaincre les membres du personnel de les mettre en œuvre, elles pèsent sur quelques membres du personnel, voir quelques élèves, et ne perdurent que tant que la direction a les moyens de les imposer ou que les membres du personnel ne résistent pas plus collectivement. Sans préjuger du type de pratiques, elles relèvent d’une approche forcément restreinte et ne sont pas structurantes pour l’établissement. Les partenaires sont complices ou faire-valoir, ils rendent possible l’existence des pratiques dans l’établissement et sont instrumentalisés par la direction. Le discours porté sur les pratiques sera plutôt du type : discours volontaire, peu habité (sauf si la direction est vraiment militante). Il camoufle le conflit ou le met en évidence selon la position des acteurs et la confiance qu’ils ont dans les intervieweurs.

Type 5. Les établissements infiltrés : Il s’agit d’établissements dans lesquels des pratiques d’ECM ne sont portées que par les membres du personnels, de manière quasi individuelle ou par petits groupes d’affinités, sans aucune demande à la direction, presqu’à l’insu de ou en résistance à l’établissement, en usant de la liberté pédagogique et en s’appuyant sur les programmes de leur cours. Les pratiques d’ECM ne subsistent que tant qu’elles ne s’écartent pas trop des programmes, de la ligne générale de l’école, en termes de valeurs et d’image. Elles sont aussi totalement tributaires de l’implication du ou des membres du personnel impliqués. Sans préjuger du type de pratiques, elles relèvent d’une approche forcément centrée sur ou légitimée par les contenus de cours et ne sont pas structurantes pour l’établissement. Les partenaires sont sollicités de manière discrète, extérieure, plus pour de l’aide (des contenus, des outils…) et des formations, de courtes interventions. Le discours porté sur les pratiques dépendra de la confiance accordée par l’interviewé. Discret, vague et appuyé sur les programmes en cas de méfiance. Revendiqué, fier et « embelli » dans le cas inverse. Type 6. Les établissements mobilisés sur autre chose :

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Il s’agit d’établissements dans lesquels les pratiques d’ECM ne sont pas portées du tout par la direction ou des membres du personnel, ou alors très formellement pour respecter les prescrits légaux, parce que l’établissement est mobilisé globalement sur d’autres objectifs et cherche à ne pas s’en laisser distraire. Les pratiques sont formelles et relèvent d’une approche de conformité. Les partenaires servent à combler les trous rapidement et sans trop d’effort avec du « clé sur porte » peu impliquant. Le discours porté sur les pratiques est consensuel et convenu. En fonction des attentes perçues des intervieweurs, il peut aussi chercher à en gonfler l’importance.

4.9. Quatre typologies pour cartographier Quatre typologies : des partenariats, des dispositifs, des pratiques et des établissements. Ces quatre typologies vont nous servir à relire et analyser l'ensemble des informations récoltées (interviews en école, interviews institutionnelles et questionnaire) et nous permettre de dresser une cartographie à valeur heuristique de ce qui se fait et comment, en matière d'ECM dans les écoles secondaires en FWB. On peut dès lors résumer notre modèle d'analyse en le schématisant de manière opérationnelle :

4 typologies ECM ÉTABLISSEMENTS

Dynamique interne (direction, équipes, initiatives individuelles)

Marché scolaire local Dynamique interne (à chaque partenaire et leurs relations)

Pilotage public

Marché des partenaires potentiels

Réseau DISPOSI TI FS Pilotage public

Partenaires externes (ONG, ALC, ...)

PRATIQUES

cartographie ECM recommandations Schéma 11 : formalisation résumée de la démarche

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On peut considérer que l'établissement est le niveau central (nous verrons par la suite qu'il est central non seulement théoriquement, mais aussi, comme les entretiens et le questionnaire le confirment, qu'il est relativement déterminant). L'établissement et sa dynamique institutionnelle influencent donc grandement les dispositifs mis en place en son sein, dispositifs qui, eux-mêmes, influencent grandement les pratiques mais, inversement, les pratiques influencent également les dispositifs qui, eux-mêmes, à nouveau, influencent la dynamique institutionnelle. Si les partenaires ne peuvent avoir d'impact sur l'établissement lui-même, ils peuvent agir sur les dispositifs et les pratiques qui peuvent avoir alors des effets sur l'établissement, dans le sens de favoriser par la suite des dispositifs et des pratiques plus intensifs. Inversement, le pilotage public de l'enseignement, lui, peut difficilement avoir un impact direct sur les pratiques. Par contre, il peut avoir un impact sur l'établissement et les dispositifs qui, euxmêmes, peuvent alors avoir un impact sur les pratiques dans le sens d'en favoriser de plus intensives. A partir de notre modèle d'analyse développé ci-dessus, nous proposerons donc des recommandations aux partenaires externes concernant leurs actions sur les dispositifs et les pratiques et des recommandations au pilotage public de l'enseignement concernant son action sur les établissements et les dispositifs.

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5.1. Introduction L’utilisation du modèle d’analyse a permis de synthétiser les fiches d’entretien. Les monographies qui suivent se donnent comme objectif de représenter de manière structurée la diversité des situations rencontrées lors des entretiens. Le descriptif de ce que le modèle d’analyse permet de révéler dans les établissements visités nous permet de les classer en mettant l’accent sur les logiques qui sous-tendent les actions menées dans ces établissements. Ces monographies cherchent aussi à présenter les éléments sur lesquels se fondent notre modèle d’analyse et notre analyse de manière moins désincarnée, afin que le lecteur puisse mettre des situations plus concrètes sur les constats auxquels nous avons abouti. Elles sont aussi un outil sur lequel nous nous sommes basés pour construire nos conclusions. Ces monographies sont donc fondées sur des établissements mais ne prétendent pas décrire ces établissements. Elles cherchent à typer ces établissements, ce qui impose le lissage de leur réalité. Le but n’est donc pas de présenter les établissements qui ont servi de base à la typologie, mais de présenter ce qui, dans ces établissements, nous permet de généraliser en simplifiant (modélisation). Le classement des établissements en fonction de l’ISE (indice socio-économique) est la seule mesure officielle de la composition sociale du public de l’établissement. C’est en fonction de cet ISE que l’école peut mesurer l’impact de sa stratégie sur le marché scolaire. L’ISE mesure assez mal la diversité sociale d’un établissement au sens où un même ISE peut cacher des situations assez différentes. Il n’empêche que les ISE, dont nous avons tenu compte ici en quatre catégories, correspondent à des conditions d’exercice du métier d’enseignant et des contextes d’apprentissage et de vie des élèves contrastés. L’attitude des établissements vis-à-vis de l’ISE est parfois assez ambiguë. Une baisse de l’ISE peut donner droit à des subsides complémentaires, une hausse de l’ISE en fait perdre. Mais une baisse de l’ISE fait craindre une détérioration de l’image de l’école sur le marché scolaire alors qu’une hausse indique le contraire. L’ISE reflète donc bien l’enjeu : c’est un instrument de mesure pour le pilotage et le pilotage veut l’utiliser pour favoriser la mixité sociale et compenser les inégalités entre les écoles. Mais au bout du compte, c’est le marché scolaire qui régule. Les établissements sont donc classés en fonction de leur ISE parce que cet ISE décrit des contextes fort différents et parce que le marché scolaire est hiérarchisé en fonction de cet ISE. Non pas qu’on y fait du moins bon travail quand l’ISE est faible, mais que ce n’est pas bon pour l’image sur le marché scolaire. Les deux critères qui sont ensuite les plus pertinents pour différencier les établissements scolaires sont la manière dont ceux-ci se mobilisent par rapport aux dynamiques internes entre acteurs et par rapport au marché scolaire. Ces deux critères sont liés étroitement, interagissent, et tous les établissements sont d’abord mobilisés sur ces deux axes.

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Les dispositifs mis en œuvre sont subordonnés à ces deux axes. C’est vrai pour l’ECM, mais c’est probablement vrai aussi pour tout ce que l’école fait et entreprend. Pour bien comprendre ce que nous entendons par « mobilisé sur », apportons deux précisions. D’abord, ce n’est pas parce que les établissements sont mobilisés sur autre chose que l’ECM qu’il n’est pas possible de faire de l’ECM dans ces établissements. Ensuite, bien que mobilisés sur autre chose, les acteurs de l’établissement sont sincères et ceux qui s’engagent, s’engagent vraiment. Par contre, les raisons pour lesquelles ils s’engagent ou pas, le dispositif sur lequel ils vont pouvoir compter ou pas et les pratiques qu’ils pourront plus ou moins déployer (ou pas), tout cela dépendra de la manière dont les établissements se positionnent sur ces deux axes, autrement dit sur quoi d’autre (que l’ECM) sont-ils mobilisés. Ce classement est en outre particulièrement opérationnel en termes de stratégie : selon le type de positionnement sur ces deux axes, on pourra identifier de vrais freins et de vraies aides, fondés sur ce qui mobilise vraiment l’établissement. De même, ce classement montre la pertinence d’une approche qui ne définit pas a priori l’ECM et laisse les acteurs se référer à leurs propres représentations. En effet, ce sont cellesci qui permettent de révéler ce sur quoi ils sont centrés et, par-là, de faire le lien avec leur contexte et leur positionnement sur les deux axes « dynamique interne » – « marché scolaire ». Enfin, cette classification permet aussi d’analyser des types de dispositifs en lien avec leurs finalités premières et de comprendre pourquoi, malgré l’abondance d’informations et de formations qui pleuvent sur les acteurs internes, ceux-ci s’obstinent à ne pas faire ce qu’un bon acteur de l’ECM devrait faire. Ce qui manque le plus dans les établissements pour y implanter de l’ECM, ce n’est ni de la motivation, ni des outils, ni de l’information, ni des formations, ni du temps, ni de l’argent. Ce qui manque dans les établissements scolaires, c’est qu’on se rende compte que leur contexte les oblige à se mobiliser sur autre chose, que cette priorité est vécue comme vitale par ces établissements et qu’il est indispensable d’en tenir compte. On ne pourra donc faire mieux avec plus de temps, d’équipe, d’argent, de meilleurs outils et des formations que si on parvient à les convaincre que l’ECM est un bon moyen de répondre, non pas à ce sur quoi ils sont centrés (le dispositif visible), mais à ce sur quoi ils sont mobilisés. Le thème sur lequel leur dispositif est centré, par exemple, ne témoigne pas d’une méconnaissance de la complexité de l’éducation citoyenne ou de l’ECM, il est simplement le reflet de ce qui anime et positionne les acteurs internes, et des rapports de force qui les traversent. Par exemple, si un établissement fait de l’éducation civique à la propreté en l’appelant ECM, on ne renforcera pas cet établissement en lui disant que l’ECM c’est plus que ça et plus complexe mais qu’on a tout pour l’aider. On ne pourra renforcer cet établissement dans ses pratiques d’ECM que si on peut le convaincre que, pour résoudre vraiment ses problèmes d’image sur le marché scolaire et de dynamique interne entre les acteurs, la version plus complète et plus complexe de l’ECM est plus efficace que l’éducation civique à la propreté. Rude combat nous en convenons, mais quelques modèles d’établissement semblent parvenir à maintenir de la mixité sociale en renforçant le capital citoyen des élèves et en le transférant à d’autres champs que celui de l’école et de la sensibilisation, ce qui est plutôt encourageant. L’autre solution serait de s’en prendre aux logiques et aux structures qui créent le marché scolaire, mais ce combat est encore plus rude.

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5.2. Monographies 5.2.1 Etablissements à ISE très faible a) Etablissements à ISE très faible centrés sur des projets « Mémoire » 48 et mobilisés sur : • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour la rééducation des compétences relationnelles des élèves entre eux ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour sauvegarder l’existence même de l’école.

Description Quelques enseignants autour du chef d’établissement portent le projet phare de l’établissement en lien avec un partenaire (par exemple : Territoire de la mémoire). Il existe quelques projets à l’initiative d’enseignants, en lien avec les apprentissages (stages, cadre de la qualification). Ces projets sont utilisés pour donner du sens aux formations qualifiantes mais pas nécessairement reliés au projet « Mémoire ». Dans la dynamique de l’établissement, porter des projets est soutenu par la direction, et les professeurs qui ne veulent pas porter des projets sont mal considérés. L’établissement est centré sur le civisme dans un contexte d’école multiculturel. Les confrontations entre les élèves et entre les élèves et l’établissement sont nombreuses et posent problème. Pour faire passer des valeurs communes, l’établissement se fonde sur un projet mémoire. Il espère de ce fait avoir une action sur les conflits dans l’établissement. L’association entre le travail de la mémoire et la transmission de valeurs n’est pas garantie, d’autant plus que ces projets ne sont pas toujours reliés aux cours (sauf au cours d’histoire). Le ou les partenaires sur lesquels s’appuie le projet apportent de la reconnaissance à l’établissement et/ou lui servent de garantie dans une thématique perçue comme potentiellement délicate. Sur le marché scolaire, l’établissement cherche à améliorer sa réputation. Il cherche dès lors à sensibiliser les élèves aux valeurs de respect pour éviter les actes de violence et les comportements jugés indésirables, qui nuisent à la réputation de l’école et aux bonnes relations entre ses membres. Les projets jouent essentiellement sur le registre socio-affectif en se basant sur les rencontres, les visites. L’absence d’implication sur l’axe cognitif et une posture politique trop centrée sur le pôle « neutraliser » peuvent mener ces établissements à un effet contre-productif de polarisation des positions (antisémitisme, etc.). •

Etablissements dirigés

Ce sont des établissements dans lesquels le projet phare (mémoire) est porté par une petite équipe d’enseignants autour de la direction. Le projet implique des partenariats importants. Quelques enseignants y trouvent leur compte en menant leurs propres projets dans l’établissement en s’appuyant sur l’existence du projet mémoire. •

Dispositifs de mise en conformité

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Le travail de mémoire peut se réaliser sur des événements qui ont engendré des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des faits de résistances ou des mouvements ayant résisté aux régimes qui ont suscité ces crimes, cfr le décret du 13 mars 2009 relatif à la transmission de la mémoire

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Le dispositif, parce qu’il reste dans un champ restreint et parce que ses finalités sont plutôt axées sur l’éducation civique, cherche trop souvent à inculquer des valeurs (des règles, des comportements ?) qui devraient améliorer le vivre ensemble dans l’établissement. •

Pratiques d’adhésion militante

Les pratiques cherchent à faire adhérer les élèves à des valeurs portées par ceux qui portent le projet. •

Champs et capital citoyen

Les établissements multiculturels, à indice socio-économique très faible, connaissent des difficultés de « vivre ensemble », liées à des conflits qui naissent des confrontations culturelles. Ces établissements connaissent aussi des problèmes liés au décrochage scolaire et aux difficultés d’apprentissage. Le vivre ensemble, et en particulier le respect des règles, est la préoccupation centrale sur laquelle est mobilisé l’établissement. Comme si c’était un préalable au recentrement sur les difficultés liées aux apprentissages. L’établissement a mauvaise réputation, il faut les éduquer d’abord. Ce qui pose problème du point de vue du capital citoyen des élèves, parce que l’enjeu (civisme) remplace les apprentissages possibles et empêche, dans le cas des établissements centrés sur les projets « Mémoire », d’aborder pleinement les problématiques abordées, ni du point de vue de la sensibilisation, ni du point de vue des apprentissages. b) Etablissements à ISE très faible centrés sur confrontations culturelles et discriminations et mobilisés sur : • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour la création d’un climat de confiance entre les élèves et entre les élèves et les enseignants ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour créer une image plus fière à laquelle les élèves peuvent s’identifier.

Description La dynamique interne entre les acteurs est très importante. Le chef d’établissement, pour sauver l’école, cherche à s’appuyer sur un noyau d’enseignants qui ont des projets. Il leur donne des moyens et des heures. Le chef d’établissement et cette petite équipe cherchent à valoriser les élèves au travers des projets citoyens dans lesquels ils sont acteurs. Les tensions sont nombreuses, avec les élèves et leurs parents, avec les enseignants et les éducateurs. Le chef d’établissement subit des résistances de la part de certains de ces acteurs. Le contexte de l’établissement est très difficile. Ces établissements connaissent des difficultés diverses (recrutements, difficultés socio-économiques des élèves difficultés scolaires, confrontations culturelles). Les PO de ces établissements ne sont pas toujours très réactifs et il faut souvent se débrouiller avec ce que l’on a (matériel, infrastructures, frais de fonctionnement, etc.). Les chefs d’établissement sont sensés reprendre la situation en main, ce qui leur donne une grande liberté d’action. Sur le marché scolaire, l’établissement cherche à se redonner une image positive et fière, pour que les élèves qui la fréquentent redeviennent à leur tour fiers. L’enjeu est de recruter

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un nombre suffisant d’élèves qui fréquentent effectivement l’école et d’attirer des enseignants plus motivés et compétents, pour renforcer la partie de l’équipe qui est déjà motivée. Le chef d’établissement est convaincu de la nécessité de faire des projets où les élèves sont actifs et de les ancrer dans une réflexion globale autour du vivre ensemble. Il est engagé et conscient des enjeux entre les finalités, les moyens disponibles et le projet d’émancipation qu’il a, notamment pour ses élèves mais aussi pour l’équipe éducative (même s’il y a des freins). Les projets sont vus comme fédérateurs à différents niveaux. La posture éducative est d’amener les élèves (et les enseignants) à retrouver du goût pour les savoirs au travers des projets de type éducation citoyenne dans lesquels on prend en compte leur réalité sociale. Le dispositif vise à permettre à l’élève de s’engager, de défendre des idées autour de « discrimination et exclusion », de redonner la parole aux élèves sur des sujets qui les concernent. Les élèves (pas tous) s’impliquent beaucoup. Les partenaires externes bénéficient d’une reconnaissance importante de ce qu’ils peuvent apporter, une approche différente que celle des enseignants par exemple. Le chef d’établissement reconnait l’importance des partenaires et la plus-value qu’ils peuvent apporter à l’école. Le dispositif sert surtout à redonner de la confiance, de la fierté aux élèves et aux enseignants, mais la volonté (et la difficulté) est d’y inscrire des apprentissages. La réalité sociale difficile des élèves envahit souvent les projets. Il s’agit de changer l’établissement, sa manière de fonctionner. •

Etablissement piloté

Ce sont des établissements pilotés, dont une part des acteurs est mobilisée. •

Dispositifs de conscientisation morale et politique

Les dispositifs mis en place cherchent en général à transformer des structures de l’école perçues comme des freins à l’émancipation des élèves. •

Pratiques de délibération restreinte

Ces projets doivent entrer en dialogue, en débat avec les élèves et doivent aussi nourrir ce débat. Mais le champ reste souvent celui de l’école et de ses relations internes ou locales. Le niveau international est peu concerné directement. •

Champs et capital citoyen

Le but de l’établissement est d’augmenter le capital citoyen des élèves, tant en termes de dispositions que de capacités de compréhension et d’action. Avec des productions destinées à être diffusées, la démarche se fonde sur des dispositifs de sensibilisation qui rendent les élèves acteurs du projet, voire auteurs, en lien avec des contenus de cours, pour s’attaquer aux préjugés, créer des ruptures et renforcer les capacités de comprendre. Les pédagogies actives sont au cœur de la réflexion pour mobiliser les élèves sur les questions qui les concernent. c) Etablissements à ISE très faible centrés sur l’exercice de la citoyenneté dans l’établissement et mobilisés sur

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• •

La dynamique interne entre les acteurs : pour lutter contre les actes graves et les incidents liés à la diversité sociale et culturelle ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour assumer pleinement l’image multiculturelle et pauvre de son public.

Description Les acteurs ne sont pas mobilisés sur l’ECM. Par contre, un projet basé sur l’exercice de la citoyenneté dans l’établissement est porté par le chef d’établissement et un nombre important d’enseignants. Il a un impact sur l’institution. Le projet mobilise des ressources internes (du temps, de l’argent). Il est porté par la direction et implique une part importante des enseignants et des éducateurs, du PMS (centre psycho-médicosocial), etc. Il n’y a pas consensus sur le dispositif lui-même, mais un large accord sur les objectifs du projet : mettre en œuvre des moyens pour réguler les relations entre élèves et entre les élèves et l’école afin de retrouver une image plus positive de l’établissement et de régler les problèmes du vivre ensemble. Les références de l’école sont celles de son projet d’établissement. Le dispositif prévoit des étapes, une organisation et des principes auxquels il faut adhérer. Son implantation dans l’établissement demande une réelle implication des acteurs, aussi bien des enseignants et éducateurs que des élèves. C’est un dispositif qui mobilise l’établissement. L’établissement veut former les jeunes à la citoyenneté (éduquer). La transmission de savoirs n’est pas l’essentiel dans ce dispositif. Le chef d’établissement et les enseignants qui s’y impliquent accordent la priorité au « vivre-ensemble » et au règlement des problèmes de disciplines. L’enjeu est d’essayer de retrouver un climat plus apaisé dans l’établissement afin de pouvoir se recentrer sur les apprentissages (instruire). L’implication socio-affective est d’autant plus forte que le dispositif questionne directement les relations dans l’établissement, les règles et les manières de les appliquer. C’est ce qui peut rendre ce dispositif réellement politique, au sens où il peut faire bouger les lignes dans l’institution. C’est un projet cohérent s’il joue vraiment le jeu de la citoyenneté sur des axes qui sont généralement peu présents dans les écoles (légitimité, enjeux, débat). Le dispositif peut permettre la transformation des relations interpersonnelles mais aussi, ce qui est plus rare, la transformation, certes dans un champ restreint (les règles du vivre ensemble), de l’Institution (niveau des rapports sociaux). Les partenariats sont peu présents parce que ce type de projet cherche à mobiliser les ressources internes et, de ce fait, bouscule déjà suffisamment les dynamiques internes entre les acteurs. •

Etablissements mobilisés

Etablissements dans lesquels les énergies sont fortement mobilisées autour du dispositif et qui perçoivent l’ECM comme arrivant trop tôt et impossible dans le contexte actuel. Si le dispositif prend, par contre, l’établissement pourrait peu à peu s’inscrire dans des démarches d’ECM qui viendraient renforcer les acteurs et leur capital citoyen en élargissant la question de la citoyenneté à d’autres champs (niveau international) que les élèves perçoivent comme délaissés, en tension avec la question de la citoyenneté locale. •

Dispositif de conscientisation politique

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Le dispositif permet l’action sur l’institution, permet d’envisager de modifier les rapports sociaux, dans le champ restreint de l’établissement. •

Pratiques de délibération restreintes

Les élèves sont mis en situation de débattre sur de réels enjeux. Les apports sur l’axe cognitif sont cependant limités, confinés aux formations qui rendent le projet opérationnel, sans y associer les disciplines enseignées. Le projet implique surtout l’axe éducatif et n’est pas relié aux apprentissages. Le champ est donc forcément restreint à l’établissement. •

Champs et capital citoyen

Le dispositif renforce la capacité des acteurs à influer sur l’institution, dans le champ restreint des règles et de leur application. Mais le dispositif laisse cependant aussi la place à la confiscation par les adultes de son aspect politique. L’éducation citoyenne peut aider l’élève à remettre en cause le système et les prises de pouvoirs. Les élèves y développent leur esprit critique. Cependant, vu l’absence trop souvent observée de liens avec les contenus de cours, sans approfondissement des savoirs, ni travail de compétences, cela laisse la place à un téléguidage du dispositif et de ses acteurs dans le sens voulu par l’institution.

5.2.2 Etablissements à ISE faible a) Etablissements à ISE faible centrés sur le vivre ensemble et la solidarité interpersonnelle et mobilisés sur • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour l’amélioration des relations entre et avec les élèves (convivialité) ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour éviter que cette image ne se détériore encore.

Description Les acteurs de l’ECM sont de trois types : • Soutien aux élèves pour le projet du partenaire ; • Travail en solitaire dans son cours ; • Implication dans des projets portés par l’établissement. Ces acteurs sont en concurrence entre eux, notamment en termes d’impact sur l’organisation du temps, et évidemment aussi avec les enseignants qui ne font pas d’ECM. Ces acteurs ont l’écoute du chef d’établissement. Il les soutient mais plutôt dans une optique de favoriser des projets qui améliorent les relations avec les élèves (meilleure ambiance) et l’image de l’établissement (ambiance, image). Les projets correspondent en outre aux principes défendus et revendiqués par l’établissement. Un projet centré sur l’éducation citoyenne reçoit des ressources humaines supplémentaires et l’ensemble de l’établissement est impliqué. En outre, des ressources financières européennes sont mobilisées (échanges européens). Les références de l’établissement sont le « Décret Missions », les valeurs humanistes laïques et la neutralité dans l’enseignement officiel, les valeurs de l’école chrétienne dans le réseau catholique. Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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Sur le « marché scolaire », l’enjeu principal pour le chef d’établissement se joue en termes d’image en lien avec les valeurs de référence. Une certaine focalisation existe concernant l’enjeu des cours « philosophiques » et du cours de citoyenneté. Ce type d’établissement fait appel à des partenaires pour tous ses projets (UE, Pouvoirs publics, Associatif, Culture, ONG). La posture éducative est plus du côté de « instruire » pour l’ensemble de l’établissement (école sérieuse dans laquelle on est là pour apprendre). Les projets viennent en plus, parce qu’un noyau d’enseignants veut aussi éduquer et que le chef d’établissement intègre leurs projets dans sa stratégie. Leur posture politique peut aller jusqu’à l’engagement mais plutôt sur des actions de sensibilisation. Certains élèves sont impliqués, soit parce qu’ils peuvent choisir de participer ou pas, soit parce que c’est un projet de cours, soit parce que c’est un projet de l’établissement. On attend d’eux en général qu’ils soient réceptifs mais parfois aussi auteurs parce que ce sont eux qui portent le projet. Et parce que l’enseignant qui s’en occupe ne veut lui consacrer qu’un temps limité (il faut aussi assumer les cours et les projets viennent en plus des cours). Les projets visent surtout l’information et la sensibilisation. Le but est d’en parler, d’échanger. Quand l’intervention est en lien avec les cours, on sait peu sur ce qui y est travaillé. Des thèmes sont abordés mais on ne sait pas comment. A ce niveau-là, on est sensé instruire. L’implication socio affective est la base de l’engagement des enseignants et des élèves qui s’inscrivent dans les projets facultatifs. Ces projets visent à sensibiliser, émouvoir ou conscientiser pour chercher à promouvoir des changements de comportement. Dans ces établissements, le projet appelé citoyenneté est le plus important mais il est souvent surtout pris en charge par les cours philosophiques ou les cours de sciences humaines. Il semble aussi chercher à se conformer par anticipation au projet de cours de citoyenneté. Les projets restent centrés au niveau des relations interpersonnelles (transformer les personnes et leurs interrelations) et n’ont aucune implication sur le niveau des rapports sociaux. Les partenariats sont de divers types. Ils vont du compromis d’intérêts matériels à des interventions concertées. Le compromis d’intérêts matériels domine. Les enseignants ont besoin des ONG parce qu’ils ont envie de faire quelque chose mais n’en ont pas les ressources (informations, organisation, contenus, etc.), les ONG ont besoin des écoles par opportunité de territoire. •

Etablissement Assiégé

Ce sont des établissements dans lesquels les enseignants sans coordination mènent des actions avec l’accord du chef d’établissement qui semble ne pas maîtriser, ou ne pas chercher à maîtriser les implications de ces projets sur le reste des activités de l’établissement. Les projets impliquent peu d’enseignants ou alors par effet collatéral. Des projets sont liés à des cours, d’autres concernent des élèves mobilisés sur base volontaire, certains projets impliquent des voyages dans le sud. Le projet d’éducation « citoyenne » cherche à concerner tous les élèves de l’établissement. •

Dispositif de sensibilisation

Etablissements dans lesquels les projets sont fortement investis mais surtout dans le domaine socio-affectif.

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Des pratiques diverses

Les pratiques sont diverses et peuvent aller jusqu’à la délibération restreinte. •

Champs et capital citoyen

Les enseignants se retrouvent en sous-petits-groupes de connivence et bénéficient d’un non pilotage des projets par la direction. Ce non pilotage est une condition favorable pour que les initiatives des enseignants puissent se côtoyer sans qu’une cohérence entre les projets soit nécessaire. Par contre, comme il n’y a pas de cohérence, on peut craindre que, sauf exceptions pour les élèves les plus motivés dans les divers projets, l’impact sur le capital citoyen des élèves soit faible. b) Etablissements à ISE faible centrés sur les compétences métiers et mobilisés sur • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour l’amélioration des relations entre et avec les élèves ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour éviter que cette image ne se détériore encore.

Description Dans les établissements d’enseignement qualifiant, le vivre ensemble peut se travailler sur base des compétences métiers. Le chef d’établissement axe son action sur la diversité culturelle, avec une ouverture sur les questions environnementales. Il s’appuie sur les qualifications proposées dans l’établissement et finance les projets liés aux compétences des métiers. Les enseignants ont intégré les composantes interculturelles ou sociales de la population de l’établissement et cherchent à désamorcer les confrontations potentielles en les reliant aux apprentissages. La composante environnementale figure souvent aussi dans leurs programmes. Il y a des résistances de certains pour participer aux projets et ceux qui s’investissent leur reprochent de leur laisser tout le travail. La référence est le programme et/ou une certaine vision du métier. La préoccupation est aussi de rester « à jour » sur les éléments professionnalisants du métier. Les partenaires ONG ne sont pas sollicités, sauf parfois pour un projet particulier. Les deux pôles de la tension de la posture éducative se mêlent : il s’agit d’instruire sur des thèmes qui sont à la fois éducatifs et qualifiants. Il n’y a pas d’engagement politique. La visée est plus de neutraliser, au sens où la mise en conformité (à des « normes métiers ») est la plus présente, certes sur des thèmes qui portent potentiellement des engagements (diversité culturelle, préoccupation environnementales) mais sans s’aventurer dans cette voie. Probablement que parmi les acteurs qui portent le plus ces projets, certains ont des postures politiques engagées mais celles-ci ne se manifestent pas dans le dispositif, plutôt dans les pratiques. La volonté est d’impliquer les élèves dans des responsabilités liées au projet (autonomie, responsabilisation). Il est nécessaire de s’appuyer sur eux pour porter le projet et le légitimer aux yeux des autres élèves. L’implication des élèves est pensée en termes de motivation des élèves, mais pas en termes pédagogiques.

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Les pratiques visent plutôt des principes de solidarité mais ne mettent pas l’accent sur cet axe parce que l’approche est plus de mobiliser les élèves sur l’importance de certains comportements, de certaines attentions dans les règles de l’exercice du métier. On reste ici au niveau des relations interpersonnelles au sens où ce qui est visé, outre les compétences liées à la qualification, c’est d’avoir un effet sur la dynamique des relations entre les élèves et entre les élèves et les enseignants/éducateurs. Le partenariat, quand exceptionnellement il y en a, semble plutôt de type « Intervention par procuration » et ne porter que sur l’organisation. L’établissement s’appuie sur le partenaire pour que le projet soit possible et le partenaire bénéficie ainsi de l’opportunité de territoire. •

Etablissements mobilisés sur autre chose

L’établissement est mobilisé sur autre chose : la qualification des élèves. Les questions de diversité culturelle et de respect de l’environnement sont des composantes de la qualification, des exigences du métier. Le lien avec certaines composantes de l’ECM est professionnalisant. •

Dispositif de mise en conformité

L’établissement vise à une mise en conformité à une conception ouverte du métier enseigné. Il s’agit d’une attention particulière à ce qui apparaît comme des nécessités du métier enseigné. C’est une façon de donner du sens à la conception du métier qui est proposée. Mais les intérêts sont ailleurs (l’image de l’établissement, valoriser en se mettant à jour sur les nouvelles exigences du métier, remettre une ambiance sympathique, changer un peu la manière, etc.) •

Des pratiques d’adhésion assimilatrice

Les pratiques visent l’adhésion mais le champ reste restreint (ce qui est en jeu, c’est la qualification, le métier). Cependant, les pratiques ne sont pas secondaires à l’instruction, elles en font partie. •

Champs et capital citoyen

Le capital citoyen des élèves n’est pas renforcé. Le capital citoyen est enrichi d’informations et de comportements conformes qui peuvent prendre du sens pour certains élèves, notamment en lien avec la qualification et un certain positionnement dans les différentes postures possibles du métier. Les pratiques sont investies de manière fortement superficielle, morale et donc risquent aussi de concerner peu les élèves en général. c) Etablissements à ISE faible centrés sur l’engagement citoyen et mobilisés sur : • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour conserver une mixité sociale paisible ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour renforcer son image de bonne école.

Description

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Cette école avec un ISE faible continue à recruter ses élèves dans des familles de différentes catégories sociales. Les acteurs de ces établissements sont mobilisés sur cet objectif et mettent en œuvre différents projets dans cet objectif. Les élèves peuvent s’engager sur des projets internes à l’établissement et les partenariats externes sont nombreux. L’établissement insiste sur les liens entre les différentes composantes. Par exemple ? Dans un projet plutôt axé environnement, ils insisteront sur l’axe Nord/Sud. La légitimité du chef d’établissement est importante et se fonde sur une grande liberté laissée dans le développement des projets. Les projets ne sont pas coordonnés mais ne sont pas en concurrence non plus. Il s’agit plus d’une conception de ce que doit être une école : ouverte sur le monde, avec de l’apprentissage de la citoyenneté au niveau local et un intérêt pour les grands enjeux actuels. Le projet d’établissement est très explicite à ce sujet, au-delà des grands principes, il nomme les objectifs (privilégier l’approche par projet, favoriser les intervenants extérieurs dans les cours et les approches interdisciplinaires). L’établissement crée ou cherche à créer du temps dans l’horaire pour la coordination pédagogique entre enseignants et des ateliers pour les élèves peuvent devenir auteurs. Les projets sont acceptés facilement, indépendamment des contraintes horaires, mais ils doivent justifier le lien entre le projet et les apprentissages. L’espace pour faire vivre des projets dans la durée avec de réels partenariats est donc assez large. Des temps de coordination collective existent et fonctionnent bien, au minimum par groupes d’affinités. On trouve à la fois une réelle implication du chef d’établissement (politiquement engagé) et un moteur qui vient aussi d’une volonté de conserver de la mixité sociale, pas seulement défensive (peur de voir fuir la partie la plus aisée des élèves) mais aussi par conviction, comme un idéal à poursuivre. Les projets sont non seulement soutenus mais sont plus valorisés que les cours. Ce qui rendra crédible l’ensemble des projets, c’est une réelle politique de démocratie participative, tant au niveau des enseignants que des élèves. Le lien entre les cours et les projets n’est pas systématique, mais existe parce que l’école favorise des pédagogies du type « pédagogie du projet ». Les objectifs sont plus sur les relations interpersonnelles, mais les projets peuvent impulser des pratiques démocratiques dans l’organigramme de l’école, jusqu’au niveau des relations avec le chef d’établissement. La posture éducative est que l’éducation instruit parce qu’elle oblige à mobiliser des savoirs et des compétences. La posture politique favorise l’engagement, la pratique de la citoyenneté et les transferts vers d’autres champs que celui de l’école. Les enseignants semblent largement mobilisés sur les projets et ceux qui ne s’y impliquent pas sont marginalisés. Les élèves sont impliqués, soit volontairement dans des projets dont ils sont les auteurs, soit au travers d’activités scolaires qui ont le statut de cours. Les projets incluent la question des rapports sociaux, et pas seulement de manière théorique. Ils ont donc des implications sur le niveau des rapports sociaux, par exemple en les transformant dans l’établissement. L’établissement a de nombreux partenaires externes (et probablement autant de partenaires internes). Etablissements mobilisés Le chef d’établissement a un rôle important à jouer et une politique éducative qui doit être légitime, reconnue. Le projet vise l’émancipation des élèves et la sensibilisation à différents niveaux. La sensibilisation est également tournée vers les professeurs. Le chef

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d’établissement est profondément engagé et a convaincu une part importante du personnel de la légitimité des dispositifs qu’elle implante. Les enseignants sont impliqués (beaucoup de projets) et les élèves aussi adhèrent majoritairement, soit parce qu’ils portent des projets soit parce qu’ils les mettent en valeur et s’identifient à l’image de « l’école ouverte sur le monde ». Ils se sentent fiers d’être dans une école de ce type. Dispositif de conscientisation politique Dans le champ local certainement, au niveau des écoles, non seulement les élèves s’engagent mais ils sont auteurs des projets et certains d’entre eux ont une réelle influence sur la vie scolaire et sur les apprentissages. Des pratiques d’émancipation élargies Les pratiques qui peuvent se déployer sont diverses, mais sur certains projets, les élèves sont à la manœuvre. Champs et capital citoyen Il existe un réel intérêt pour la compréhension des enjeux globaux et que cette compréhension puisse déboucher sur une action, notamment au sein de l’école, mais aussi en dehors (transferts possibles). Inversement, l’action d’éducation citoyenne et de démocratie participative ne vise pas que des enjeux locaux. Elle vise aussi à laisser la place pour les projets qui ouvrent sur le monde. Et cela ne doit pas être une simple déclaration de principe. Bien que l’établissement soit surtout centré sur « conserver de la mixité sociale », le dispositif d’ECM mis en place est conçu pour réellement développer le capital citoyen de l’élève et son transfert vers des champs plus larges que celui de l’école. La crédibilité (et donc la cohérence) des pratiques d’ECM est une condition indispensable pour convaincre les populations plus aisées de continuer à faire confiance à l’école. d) Etablissements à ISE faible centrés sur la mobilisation des acteurs de l’établissement et mobilisés sur : • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour lutter contre l’apparition de problèmes liés à la diversité culturelle (et sociale) ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour résister à une image qui se paupérise.

Description Dans ces établissements, les projets d’éducation citoyenne et d’ECM sont fortement investis. Le renforcement des projets citoyens est une réponse à un changement de public de l’école, provoqué par le « Décret Inscription » : plus pauvre et plus multiculturel. La mobilisation sur les projets est collective, l’ensemble des enseignants et éducateurs est concerné pour définir la stratégie de l’établissement. La dynamique ainsi créée renforce des projets existants et donne naissance à d’autres, soit par le haut (initiative du chef d’établissement ou d’une équipe de coordinateurs autour de lui), soit par des initiatives des enseignants. De nombreux projets existent dans ces établissements. Ils sont autant de remparts contre la possible dégringolade de l’école sur l’échelle de l’ISE. Des enseignants résistent, voudraient qu’on se concentre sur les cours, mais dans l’ensemble l’établissement est mobilisé.

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En plus de ces projets, l’établissement s’investit dans le quartier, via des partenariats (école de devoirs, échanges de compétences, AMO (Aide aux jeunes en Milieu Ouvert), etc.) Le « danger » perçu mobilise un noyau important autour du chef d’établissement. L’école met en avant des valeurs de solidarité, avec des pays du Sud, mais aussi dans l’établissement en associant les élèves les plus âgés à la réalisation de projets en interne. Les projets servent donc aussi à soutenir un changement dans l’établissement, souhaité par le chef d’établissement, soutenu par un noyau important d’enseignants. Les professeurs peuvent prendre des initiatives mais elles doivent être autorisées par le chef d’établissement et sont évaluées par la suite en fonction de leur utilité pour les apprentissages. Les projets sont visibles et servent à promouvoir l’image d’une école dynamique, ouverte et moderne. Le Décret Inscription a bouleversé le recrutement de ces établissements et il faut l’énergie de tous pour y faire face. La réaction est à la fois teintée de regrets et plutôt dans l’acceptation. Le regret d’un public devenu trop homogène et pauvre. La référence principale est dans le projet d’établissement et dans les valeurs chrétiennes ou humanistes selon les réseaux. Le cadre du « Décret Missions » n’est évoqué que comme point d’appui. Le « Décret Inscription » a changé la population scolaire. D’autres écoles ont drainé les élèves des familles plus aisées et l’école recrute plus aujourd’hui dans les familles pauvres et les familles d’origine étrangère. L’établissement utilise donc ses projets à la fois parce qu’il y a la perception d’un problème (valeurs, interculturels, difficultés scolaires, relations avec les parents, éducations différentes) et pour tenter de redorer l’image de l’établissement auprès du public qui l’a désertée. La posture semble toujours fort axée sur instruire, au sens où la qualité des apprentissages est l’exigence première. Cependant, l’éducation est partie intégrante de ces apprentissages, conçue comme un engagement, dans des projets plutôt extra-scolaires mais pour lesquels l’établissement considère qu’ils font partie intégrante du rôle des élèves et de la fonction d’enseignant. Ce sont des choses en plus, qui servent la vie de l’école, le sentiment identitaire, le soutien scolaire, la compréhension mutuelle, comme si l’établissement entourait les cours de projets et d’activités qui rendent les cours possibles, plutôt qu’en lien avec les cours. Il y a clairement une volonté de promouvoir l’engagement et la solidarité, dans le champ de l’école et dans le champ de la solidarité internationale. L’approche est très dans l’aide et un peu paternaliste, pas politique, mais elle vise clairement à créer une transformation des élèves, à inscrire durablement des principes de solidarité dans la durée et qui mène à l’action sur son environnement immédiat. Les élèves sont pleinement associés à la réalisation des projets, ils n’en sont pas que consommateurs. La volonté est d’obtenir une réelle implication des élèves, mais les projets viennent plutôt d’en haut et le contrôle de la direction est quasi total (l’enjeu est stratégique). L’élève sera donc acteur, pourra difficilement être en retrait parce que les activités ont un caractère obligatoire. Les élèves ne font que participer de manière active à des activités dont les objectifs sont liés à la solidarité N/S, mais ces activités ne semblent viser que des savoir-être, des postures. Les objectifs sont liés à des collectes de fonds pour aider d’autres, pas à mieux comprendre les rapports sociaux. Par contre, dans leurs cours, certains professeurs abordent des thématiques liées à l’actualité, à la compréhension du monde et l’ensemble (les projets solidaires + les cours pour comprendre le monde) permet aux élèves de commencer à concrétiser des

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engagements, voire pour certains d’entre eux à aller plus loin dans leurs engagements auprès de partenaires rencontrés dans le cadre scolaire (partenariat dans la durée). Les projets de type récoltes de fonds, services citoyens, commerce équitable, Amnesty sont essentiellement des projets de sensibilisation qui diffusent de l’information. Certains projets sont reliés à des cours et font l’objet d’un travail en classe. C’est d’ailleurs une condition de leur acceptation par la direction : qu’ils soient reliés aux apprentissages. Les partenaires externes sont nombreux, dans le quartier et dans le domaine des solidarités N/S. L’établissement privilégie des partenariats de longue durée et négociés, au minimum concertés voire d’engagement mutuel coopératif. Etablissements pilotés L’établissement est encore largement piloté mais cherche à devenir un établissement mobilisé. L’importance de l’enjeu fait que tout tient fort au chef d’établissement et à sa garde rapprochée et que les projets nombreux et différents empêchent d’aller au fond des choses. Dispositifs de conscientisation morale Il se situe au niveau des relations interpersonnelles, groupales, ne met pas en évidence les rapports sociaux mais promeut un réel engagement, une volonté d’avoir une action, de pousser les élèves à avoir une action, en commençant par leur environnement immédiat : l’établissement. Pratiques d’adhésion militante L’école reste volontairement en dehors du champ politique, ne cherche pas à avoir une action sur les rapports sociaux, ni dans l’école ni en dehors et les pratiques attendues visent au mieux la délibération restreinte, mais seront plutôt d’adhésion militante. Ce n’est pas tant la compréhension qui est visée mais la transmission. Champs et capital citoyen Les élèves ne font que participer de manière active à des activités dont les objectifs sont liés à la solidarité N/S, mais ces activités ne semblent viser que des savoir-être, des postures. Les objectifs sont liés à des collectes de fonds pour aider d’autres, pas à mieux comprendre les enjeux, les rapports sociaux.

5.2.3 Etablissements à ISE moyen a) Etablissements à ISE moyen centrés sur l’environnement et les relations Nord/Sud et mobilisés sur : • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour l’identification des élèves et des enseignants à l’image de l’école ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour maintenir une image encore perçue comme positive.

Description Le chef d’établissement est à la manœuvre avec deux types d’intérêts : maintenir la réputation de l’établissement (école engagée qui propose des projets aux élèves, une vision

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d’ouverture, un enseignement exigeant sur les apprentissages mais qui donne une image dynamique) et sa propre vision engagée pour une éducation citoyenne militante dans l’environnement et la solidarité internationale. Il mobilise les enseignants qui sont prêts (ou ont intérêt) à travailler bénévolement. Il subit la résistance des enseignants qui perçoivent les projets comme des mangeurs de temps qui empêchent de se centrer sur l’instruction. Il n’y a pas de dynamique collective au sein des enseignants et des éducateurs. Tout au plus quelques petits groupes d’affinité. Chacun fait un peu comme il le sent à partir de sa position, • soit en s’appuyant sur le chef d’établissement pour mener des projets en fonction de ses centres d’intérêt personnel, de ses propres engagements ; • soit en s’engageant pour être dans les bonnes grâces de la direction ; • soit parce que les projets permettent d’échapper à la routine ; • soit en résistant parce que sa position, son statut le lui permet. Souvent, un enseignant qui a une expérience ou une relation utile dans le domaine de l’environnement ou des relations Nord/Sud sert de partenaire interne. Le pilotage public est vécu comme un obstacle. C’est la posture des enseignants engagés et du chef d’établissement, mais aussi des résistants qui se protègent derrière les contraintes (les programmes et le manque de temps, la formation et le manque de compétences), pour justifier leur résistance. Le cadre de référence est la réputation de l’établissement. C’est au nom de cette réputation que les uns et les autres se positionnent. Les projets jouent un rôle de stabilisateur du public qui fréquente l’école. Ils permettent à l’établissement de se situer dans un créneau qui lui apporte l’essentiel de sa population scolaire. Les partenaires externes sont utilisés pour la logistique (rendre les projets plus abordables pour faciliter l’adhésion des enseignants au projet) et pour la formation (combattre l’impression d’incompétence, rassurer, fournir les informations) afin d’essayer de faire en sorte que les enseignants changent de posture et acceptent de s’engager plus dans les projets. La posture du chef d’établissement est de concevoir l’instruction comme un moyen d’éducation, elle fait le lien entre l’éducation et les contenus de cours, cela fait partie du métier d’enseignant. La posture des enseignants est très dispersée : cela va de « l’essentiel, c’est l’éducation, il y a des tas de trucs inutiles dans les programmes » à une conception de métier centré sur « instruire », « on est des profs pas des animateurs ». La posture du chef d’établissement va dans le sens de l’engagement mais il cherche à promouvoir celui des enseignants et éducateurs. Les projets en eux même ne semblent pas devoir avoir d’impact sur l’engagement des élèves. Comme si l’essentiel pour eux était d’apprendre et que les projets servaient surtout à permettre de mettre les apprentissages dans un environnement plus attrayant, ayant plus de sens. La posture politique est à la fois neutralisante (l’essentiel, c’est l’exigence dans les apprentissages) et dans l’engagement au sens où l’établissement (le chef d’établissement) cherche à promouvoir une certaine vision du monde et des préoccupations actuelles. Les élèves sont des participants, ils doivent être réceptifs, ils sont dans leur rôle d’élèves, ils sont là pour apprendre et les projets sont des supports pour cela. Certains enseignants conçoivent leur cours en lien avec les projets et développent des aspects conceptuels et des compétences en lien avec ceux-ci. D’autres participent de

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manière plus formelle et se contentent de sensibiliser. D’autres encore ne font rien du tout, ils sont centrés sur leur cours. L’approche est plus centrée sur les aspects cognitifs (informations, concepts) et la portée socio-affective est peu abordée. Une conception froide de la solidarité, comme un principe, une posture de départ sur laquelle repose une démarche plutôt informative. L’impact des projets concerne peu les relations interpersonnelles et pas du tout le niveau des rapports sociaux. L’enjeu institutionnel des projets est centré sur des dynamiques internes (dire ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas dans le positionnement des enseignants vis-à-vis des projets) et des dynamiques externes (image progressiste mais sérieuse de l’école). Les partenaires servent d’appui logistique aux stratégies internes et externes de la direction. C’est le type d’établissement que les ONG connaissent le mieux. Le chef d’établissement utilise les partenaires pour rendre les projets possibles. Les partenaires y trouvent un terrain pour développer leurs activités. Ceci est aussi vrai pour le partenaire interne. Etablissement dirigé L’établissement est souvent dirigé par un chef d’établissement engagé, voire militant, probablement engagé par le Pouvoir Organisateur pour défendre cette image-là de l’école. Dispositif de sensibilisation Le dispositif n’est pas a priori tourné vers les élèves. Il ne prévoit donc que de la sensibilisation. Les projets existent pour eux-mêmes, pour être visibles et pour montrer aux enseignants ce qu’ils devraient faire pour correspondre à l’image de l’école. L’essentiel est que les thèmes soient abordés. Si le chef d’établissement pouvait s’appuyer sur une équipe plus militante, si toute l’équipe pouvait être à son image, il pourrait probablement s’intéresser plus au contenu des projets et à leur impact sur les élèves. Mais sa préoccupation principale est centrée sur la volonté de faire changer les enseignants par l’exemple et la pression morale, ce qui rend les relations internes difficiles. Pratiques d’adhésion militante Les pratiques les plus présentes sont portées par le chef d’établissement. Elles prennent une place importante, cherchant à intégrer, assimiler l’ensemble des membres de l’établissement (élèves et personnel) dans l’ordre scolaire qu’il promeut. Travailler les informations et les concepts, en lien avec les projets et dans les cours, c’est le dispositif, mais les contradictions internes sont fortes parce que cela résiste. Des pratiques avec fort degré d’implication coexistent avec des pratiques formelles de mise en conformité. Cela permet à certains et à l’établissement en tant qu’institution d’affirmer une solidarité de principe sur tous les thèmes abordés par les projets (environnement et solidarité internationale). Champs et capital citoyen Le capital citoyen des élèves peut être renforcé par les opportunités que l’école offre de s’engager. La plupart des élèves resteront en retrait, mais certains saisiront l’occasion pour améliorer leurs capacités de s’organiser, de porter et défendre un discours dans un environnement bienveillant et peut-être, au mieux, à surfer sur un discours consensuel pour aller un peu plus loin, pour légitimer des engagement personnels plus prononcés, pour élargir leur champs d’action.

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b) Etablissements à ISE moyen centrés sur le vivre ensemble et l’environnement local et mobilisés sur : • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour la remobilisation des enseignants ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour recréer une identité fière pour les enseignants et les élèves.

Description Il s’agit d’établissements dans lesquels un nouveau chef d’établissement est chargé de redresser la situation. Le chef d’établissement arrive avec des projets fortement engagés dans une institution qui croule sous les problèmes : de gros problèmes de population en nombre et en genre (concurrence très dure d’établissements élitistes) et de budget (chauffage, fournitures et équipements). Le chef d’établissement tente de mobiliser les enseignants à partir de projets proposés et portés par des élèves. Les enseignants sont en retrait, voire en rejet, démotivés, ce qui fait obstacle à la dynamique que le chef d’établissement veut insuffler. Il s'attelle à reconstruire une cohésion enseignante et une identité fière « maison » pour les enseignants et pour élèves. Et cela s’annonce difficile, d’autant plus que le PO exige plutôt des économies. L’établissement est sous la menace d’une fermeture si il ne parvient pas à recruter plus d’élèves, sans réel soutien de son PO et sous la pression de concurrents nantis et dominants. Les partenaires sont soit locaux (domaine culturel) parce que sans moyens le local s’impose et pour nouer des liens avec l’environnement local (recrutement), soit centrés sur des projets qui sont bien financés (appels à projets soutenus). Le chef d’établissement travaille sur deux axes : d'abord la démocratie interne, le vivre ensemble (très) difficile à l'école, puis le milieu local, l'environnement proche et un élargissement progressif à d’autres champs. Les actions citées sont toutes des actions qui peuvent être implantées d’en-haut sans trop mobiliser les enseignants et en s’appuyant plutôt sur des élèves motivés ou des ONG qui portent dès lors les projets. La posture éducative des projets est clairement dans une articulation des pôles instruire/éduquer, surtout en lien avec les options qualifiantes et avec un gros problème d'éducation pour gérer le vivre ensemble Le chef d’établissement recherche systématiquement l’implication des élèves en tentant d'utiliser cette implication des élèves pour provoquer celle des enseignants. Les projets sont liés aux apprentissages et pris en compte en particulier dans les options qualifiantes. Le chef d’établissement cherche à travailler beaucoup la fierté des élèves à travers des projets où ils sont impliqués et qu'ils réussissent. Cette fierté permettrait de changer l’image que les élèves ont d’eux même et de leur école, changer l’image de l’école et remotiver l’équipe des enseignants. •

Etablissements pilotés

Clairement, le chef d’établissement tente de piloter son établissement et d'y refaire du collectif d'abord pour survivre, comme un préalable à un ensemble de projets potentiels. Mais les enseignants ne semblent plus mobilisés/mobilisables par l’établissement. •

Dispositifs de sensibilisation

Comme un préalable à la possibilité d’implanter des dispositifs plus impliquant.

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Pratiques d’émancipation restreintes ou d’adhésion militante

D’émancipation restreinte, notamment dans les projets qui n’existent que parce qu’ils sont portés par les élèves, d’adhésion militante pour les projets portés par les partenaires. Champs et capital citoyen Le contexte local est lourd d'implications pour ce type d’établissement (paupérisation, difficultés internes, risque de disparition, désimplication des enseignants, fragilité des élèves, etc.) avec un chef d’établissement qui tente de piloter réellement. Des élèves qui portent des projets ou sont impliqués dans des projets de partenaires développent leur capital citoyen dans des champs restreints de l’ECM.

5.2.4 Etablissements à ISE élevé a) Etablissements à ISE élevé centrés sur le civisme, la distinction, l’instruction et mobilisés sur • •

La dynamique interne entre les acteurs : pour la sélection d’élèves et d’enseignants qui correspondent à l’image de l’école ; L’image de l’établissement sur le marché scolaire : pour maintenir une image dominante.

Description Les rapports entre le chef d’établissement et les enseignants sont conflictuels, de manière froide, le directeur cherche de la légitimité sans succès, les enseignants l’évitent. Il n’y a pas d’équipe éducative. Des enseignants mettent en place des dispositifs d’ECM dans le cadre de leur cours, en infiltrés, sans lien avec les autres, en fonction de leur programme, de leurs propres centres d’intérêts et des sollicitations externes. Les enseignants travaillent en solitaire dans leurs cours. Même pour une même discipline, les collaborations sont rares. Certains enseignants, peu nombreux et en concurrence avec les collègues qui ne veulent pas de projets, sont plus motivés par l’ECM. Mais l’espace est réduit. Les projets sont divers, les champs sont très variés, le projet le plus mis en évidence est un projet de type propreté. Ce projet se limite à un dispositif d’éducation civique, n’impliquera que très peu la dimension environnementale. Il y a des projets d’« aide au tiers monde » dans la lignée des références aux valeurs chrétiennes, ou des valeurs humanistes, le reste s’implante dans les cours en fonction du programme et de la personnalité de l’enseignant. La posture éducative est plus du côté de instruire, maintenir un niveau d’exigence, préparer aux études supérieures. Les projets viennent en plus, parce qu’un noyau d’enseignants veulent aussi éduquer. Sur le marché scolaire, l’enjeu est de ne pas perdre sa position dominante. L’établissement ne cherche pas l’engagement, il est clairement sur le pôle « neutraliser ». Les dispositifs des enseignants dans leurs cours sont plus impliqués. Les dispositifs des ONG dans l’école s’appuient sur des élèves et des enseignants motivés, ne concernent qu’un nombre limité d’entre eux et agissent surtout sur l’axe socio-affectif. Leur impact sur l’établissement est très limité, ce sont plutôt des ilots, des opérations récurrentes mais formelles. Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo – rapport final

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Etablissements infiltrés Seuls quelques enseignants inscrivent des dispositifs d’ECM dans leur cours et le font avec peu voire pas du tout de soutien de l’établissement, sauf si cela peut renforcer l’image d’école exigeante (projets à caractère exceptionnel, innovant, impliquant des technologies de pointe, etc.) Dispositifs de sensibilisation Il y a de nombreux dispositifs détachés les uns des autres, mais les enseignants qui les portent visent à sensibiliser les élèves. L’ECM sert de support pour illustrer les cours, pour inscrire l’établissement dans le paysage scolaire avec une image respectueuse de valeurs généreuses mais meilleure et plus exigeante. Des pratiques diverses Dans les cours, le modèle reste largement transmissif et est donc peu impliquant pour les élèves. Les projets des ONG dans l’école mobilisent plus les élèves et leur demandent un certain engagement. Champs et capital citoyen Dans les cours, il est possible que des enseignants augmentent les connaissances et les compétences des élèves, s’engagent dans l’axe de la profondeur cognitive et parviennent à augmenter le capital citoyen de leurs élèves en termes de participation au débat. Les projets des ONG sont plus axés sur la sensibilisation. Quand ces projets sont portés par des élèves, pour ces élèves, le capital citoyen est renforcé en termes d’engagement et d’action. La priorité ECM de l’école est centrée sur la cohésion sociale interne (civisme, bonne image, pas une école à problème) afin de garantir aux élèves une bonne préparation aux études supérieures.

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Schéma 12 : carte de positionnements des établissements

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5.2.5 Note concernant l’ISE des écoles L’indice socio-économique a été conçu afin de déterminer les implantations bénéficiant d’une aide financière dans le cadre de la discrimination positive (école en D+). En 2009, le gouvernement de la Communauté Française décide de remplacer les dispositifs de discrimination positive par le décret « Encadrement différencié » mais conserve l’Indice socio-économique. Le décret « Encadrement différencié » a été élaboré afin d’assurer à chaque élève des chances égales d’émancipation sociale dans un environnement pédagogique de qualité. Cet indice est défini sur base d’une étude interuniversitaire (ULB, UCL, ULG et UMons). Tous les 5 ans, le calcul est réactualisé. Pour le calcul des indices socio-économiques, 5 types de variables sont utilisés : le revenu par habitant, niveau de diplôme, taux de chômage, activités professionnelles et confort des logements. Ces 5 types de variables servent à définir 11 variables, tel que le prévoit l’arrêté du gouvernement. L’indice socio-économique des écoles est défini sur base de la moyenne des indices de sa population scolaire. Il permet de classer les écoles sur une échelle de 1 (ISE le plus faible) à 20 (ISE le plus élevé). Cet indice socio-économique a deux fonctions principales : • Définir si l’école peut bénéficier ou non d’un renforcement de moyens. Pour ce faire, l’école doit avoir un indice socio-économique entre 1 et 5 ; • Identifier les écoles avec un ISE faibles (de 1 à 8). Des écoles, situées dans le même quartier, peuvent avoir des indices socio-économiques très différents. Ces différences se renforcent lorsque l’on compare le type d’enseignement : les écoles techniques et professionnelles ont des indices socio-économiques faibles alors que les écoles de transition ont des indices socio-économiques plus élevés. En outre, dans chaque forme d’enseignement, l’indice socioéconomique moyen progresse avec l’année d’études. Cette hausse de l’indice socio-économique peut s’expliquer par la sortie des élèves socio économiquement faible49. Les critiques adressées à l’indice socio-économique Tout d’abord, les écoles à indice socio-économique moyen (de 7 à 10) n’accueillent pas toujours des élèves en difficulté. D’un point de vue sociologique, il est intéressant de rappeler que le diplôme de la mère est d’autant plus important que les critères socio-économiques. De plus, la publication de cet indice socio-économique peut engendrer un renforcement de l’image de l’école. Une école à indice socio-économique très élevé va amener l’inscription des enfants issus de milieu favorisé et démotiver l’inscription d’enfants issus de milieu défavorisé. L’indice socio-économique est méconnu de la plupart des enseignants. Raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas les interroger sur le sujet lors de nos entretiens. Seules les écoles de classe 1 à 5 connaissent leur indice au vu de l’aide financière qui leur est apportée. L’indice socioéconomique est donc connu par la direction et les parents cherchant un certain « standing » pour leurs enfants.

49

SIMONET M-D, Les indicateurs de l’enseignement, (2012), (Fédération file:///C:/Users/VDB004/Downloads/Indicateurs%202012%20-%20document%20complet%20 (ressource%209636).pdf, consulté le 11/03/2015

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Wallonie-Bruxelles),

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Nous ne présenterons ici que les informations 50 que nous avons estimées significatives et pertinentes. Nous nous interrogerons d'abord sur le type de représentativité de l'échantillon. Nous donnerons ensuite les grandes lignes de l'échantillon total. Nous comparerons encore les différents sous-échantillons (par genre, par province, ...) en nous arrêtant sur les comparaisons significatives. Enfin, nous tenterons de mettre les variables principales en réseau afin de voir si on peut dégager un schéma de corrélations.

6.1. Des réponses représentatives Un échantillon est toujours représentatif de quelque chose, la question et de savoir de quoi et de qui. Ici, notre échantillon est de 393 répondants sur plus ou moins 45.000 répondants possibles. Le problème n'est pas tant le nombre que le mode d'élection. Si notre échantillon était aléatoire, avec une population de cette importance, notre échantillon ne serait pas loin d'avoir une assez bonne représentativité statistique. Inutile de la calculer puisque l'échantillon n'est pas aléatoire, mais qu'un certain nombre de filtres ont opéré une sélection parmi les répondants. Outre des filtres matériels (transferts défectueux, absence de matériel, ...), on peut craindre une surreprésentation de répondants intéressés par la problématique et une sous-représentation de répondants indifférents à cette problématique. Pour évaluer ce biais probable, nous utilisons deux comparaisons : entre l'échantillon et la population et entre l'échantillon et un groupe-témoin. On peut d'abord raisonner en comparant la proportion de certaines catégories dans l'échantillon et dans la population. Dans notre échantillon principal, on peut d'abord remarquer une surreprésentation du personnel de direction (13,2 % au lieu de ±3 % théorique) et dans une moindre mesure des éducateurs (8 % au lieu de ±5 % théorique) par rapport aux enseignants (78,6 % au lieu de ±92 % théorique). Pour les directions, c'est logique d'une certaine manière, ce sont eux qui, tous en principe, ont reçu le questionnaire via circulaire ministérielle. Ils disposaient également du matériel pour y répondre directement en ligne ou non, mais à l'école. Comme les éducateurs aussi peut-être. Tandis que les enseignants devaient pour la plupart le faire à domicile. De plus, chaque transmission augmente le risque de perte. Même si on peut estimer que les directeurs qui ont répondu au questionnaire l'ont sans doute aussi transféré à leur personnel, on ne peut quand même pas en déduire que les directions seraient plus intéressées par la problématique que les enseignants. Mais ils sont sans doute plus que les enseignants soucieux de respecter une circulaire ministérielle. Voyons maintenant les sous-catégories pour lesquelles nous disposons d'informations sur leur proportion dans la population. Seule la répartition hommes / femmes dans notre échantillon est parfaitement conforme à la population enseignante (38 %/62 %). Nous constatons une surreprésentation : • • •

des licenciés (masters) sur les régents (36 %/56 % au lieu de 42 %/50 %) ; des enseignants plus âgés (50-59 ans : 37 % au lieu de maximum 30%) sur les plus jeunes ; du réseau de la FWB (28,5 % au lieu de 23%) et de l'enseignement communal et provincial (21,6 % au lieu de 16%), pour une légère sous-représentation du libre catholique (52,7 %

50 L'ensemble des tableaux et schémas concernant l'échantillon total est présenté en annexe. Les sous-échantillons (ex. les réponses du personnel de direction, ou par réseau, ou ...) sont disponibles en version numérique (DVD remis avec le rapport de recherches).

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• •

au lieu de 56 %)51 ; des enseignants des 2e et 3e degrés par rapport au 1er degré ; des enseignants des filières de qualification par rapport à ceux de transition.

Pour la situation géographique des écoles, nous ne disposons pas de la répartition par province de la population scolaire totale, mais notre échantillon nous semble assez disproportionné. Il comprend par province en % : Liège (32,6 %), Bruxelles (28,5 %), Hainaut (18,7 %), Luxembourg (9,0 %), Namur (6,4 %), Brabant wallon (4,9 %). Cela correspond à notre difficulté de trouver des écoles acceptant notre visite pour les entretiens en école dans les provinces de Namur et Brabant wallon, même si, bien sûr, en tenant compte de la population étudiante dans chaque province, les disparités sont moins fortes qu'il n'y paraît (la province de Namur est 2,5 fois moins peuplée que la Province de Liège, par exemple). Enfin, même si de la même manière, nous ne disposons pas d’informations exactes sur leur répartition, on peut aussi constater des disparités importantes pour les disciplines enseignées, disparités ici significatives du biais de « sensibilité » à la problématique. Nous constatons une forte surreprésentation des enseignants de sciences humaines (24,3%) et de cours philosophiques (23,6%) pour une plus ou moins forte sous-représentation des autres : langues étrangères qui devraient être les plus nombreux alors qu'ils sont les moins nombreux dans notre échantillon (8,4%), mathématiques (12,3%), sciences (12,6 %) et français (17,5%). Ensuite, pour évaluer le biais d'intérêt pour la problématique, on peut comparer notre échantillon principal (393 répondants) à un groupe-témoin, composé du personnel de trois écoles où nous avons tenté d'avoir le plus de réponses possibles à un questionnaire papier réduit (98 répondants sur plus ou moins 220 potentiels). Notre souci premier était de comparer la posture vis à vis de l'ECM entre l'échantillon et le groupe témoin. Sur ce point, nous avons été partiellement rassurés : les écarts existent, mais moins grands que nous ne le pensions. Les « opposants » sont un peu plus nombreux dans le groupe témoin, mais les pratiques sont équivalentes en nombre. Questions : (modifiées ici pour permettre la comparaison)

Échantillon Oui

Non

Groupe-témoin Oui

Non

(totalement) (pas du tout) (totalement) (pas du tout)

2. Partagez-vous la conception de l'ECM du CE ?

83,2%

0,3% 75,3 %

2,1 %

3. L'ECM fait-elle partie, selon vous, de vos missions ?

95,4%

2,3%

85,4%

8,2%

12. Pratiques d'ECM :

74,3%

25,7%

74,0%

26,0%

Dans le même ordre d'idées, la répartition entre disciplines est équilibrée entre professeurs de français, de sciences humaines, de sciences et de langues étrangères avec nettement moins de professeurs de cours philosophiques. Et cela sans différences notables dans les questions comme le montre le tableau ci-dessus. Il n'y a de différences significatives que pour la question 10 (missions poursuivies), l'épanouissement dans les études devenant prioritaire. Mais pour la représentativité de notre échantillon principal, nous pouvons ici conclure qu'il y a bien un léger biais : une proportion non mesurable de répondants indifférents ou opposés à l'ECM

51 Attention que dans notre enquête, pour cette question, le total n'est pas 100 %, mais 104 %, certains répondants travaillant dans deux écoles de réseaux différents.

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est sans doute sous-représentée dans notre échantillon. Celui-ci est donc néanmoins très représentatif d'une majorité du personnel éducatif sensible à l'ECM.

6.2. Informations générales Nous dégageons ici du questionnaire général les tendances lourdes qui nous semblent intéressantes et importantes pour la suite. Les résultats complets sont remis à ALC. Un consensus mou politiquement correct Ce qui ressort d'abord et principalement des réponses, c'est une acceptation assez généralisée à la fois de la conception officielle de l'ECM et de sa place à l'école. Il est cependant extrêmement difficile de savoir ce qui se cache derrière cette quasi-unanimité, l'inflation du discours et l'usure des concepts étant tels que, parfois, on finit par douter de son bon sens. A titre d'exemple, pour nous surréaliste, en même temps que nous réalisions cette recherche se développait, à l'initiative de l'UE et de l'OCDE, ce que certains appellent aussi une Éducation à la Citoyenneté Mondiale conforme à la définition du Conseil de l'Europe, à savoir un programme d'éducation financière soutenu par la DGEO, l'inspection générale et les conseillers pédagogiques. Le document à destination des enseignants dit : « L’éducation financière fait partie de l’éducation transversale à la citoyenneté et au bien-être et trouve sa place dans les apprentissages disciplinaires et interdisciplinaires. »52 Ne croyez pas qu'il s'agit de la diffusion des thèses d'ATTAC (Association pour une Taxation sur les Transactions financières et l’Action Citoyenne) ou du CADTM (Comité d’Annulation de la Dette du Tiers-Monde). Il s'agit d'éduquer le consommateur pour le rendre plus raisonnable et pour lui rendre confiance dans les institutions financières ... Dès lors, on peut à la fois se réjouir et ne pas s'étonner des résultats suivants. La majorité partage une conception de l'ECM proposée par le Conseil de l'Europe et relayée par la FWB qui peut se décliner de multiples manières.

La majorité des répondants estime aussi que l'ECM fait partie des missions de l'enseignement.

52 C'est nous qui soulignons cet extrait consulté le 10/03/15: http://www.wikifin.be/sites/default/files/suggestions_de_pistes_pedagogiques.pdf

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La majorité estime encore qu'il ne suffit pas d'ouvrir les yeux des élèves aux réalités du monde, mais qu'il faut aussi les inciter à œuvrer pour davantage de justice, d'équité et de droits humains pour tous dans le monde !

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La majorité estime que l'ECM doit être organisée et même planifiée dans le cursus.

Et pour les questions « 9. Le rôle principal de l'enseignant est ... », et « 10. Quelles finalités poursuivez-vous pour vos élèves ? », les réponses vont exactement dans le même sens. La majorité estime que le rôle principal de l'enseignant est d'enseigner, de sensibiliser les élèves, de leur donner les outils critiques pour mieux comprendre le monde (41,7%) et, en plus, de les mobiliser dans des projets d'actions citoyennes (46,3%). Et la majorité poursuit comme finalité que leurs élèves deviennent des acteurs critiques promoteurs de changement pour un monde plus juste (74,8%). Il ressort pour nous deux interprétations importantes de ce quasi consensus. Cela signifie qu'on peut à la fois se prévaloir et s'appuyer sur cet accord général en faveur de l'ECM à l'école. La grande majorité du personnel éducatif est d'accord avec cette orientation et, sans doute, est non seulement d'accord, mais la comprend relativement bien. Et cela signifie aussi qu'il faut se méfier de cet accord pour la diversité et les divergences d'interprétation de ces déclarations, qu'il faut

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être conscient que pour les uns, c'est faire de l'éducation financière avec wikifin, et pour d'autres, c'est faire la critique du système financier international avec le CADTM et que sans doute, pour tous, l'orientation que prendra l'ECM pour eux répondra d'abord aux problèmes locaux tels qu'ils les vivent subjectivement. Des objectifs d'éducation civique et de sensibilisation aux injustices Si un consensus mou existe sur des finalités relativement vagues, des clivages apparaissent en termes d'objectifs entre une majeure et une mineure (tableaux statistiques pages suivantes). Dans cette majeure, l'ECM est orientée : • beaucoup plus vers les élèves que vers l'établissement (l'institution) ou vers les enseignants (question 17) ; • beaucoup plus des savoir-être que vers des savoirs ou compétences (question 17 toujours) et que dès lors, l'ECM fera rarement l'objet d'une évaluation (question 22) ; • beaucoup plus de civisme, plus de respect des élèves, entre eux et avec l'équipe éducative (question 18). En lien avec le modèle d'analyse, cela signifie qu'il s'agit surtout d'une éducation civique qui cherche à obtenir l'adhésion à un certain ordre institutionnel, en jouant sur l'implication socioaffective, avec peu d'implication cognitive et aucune profondeur institutionnelle. Et à nouveau, lorsqu'on pose la question dans les termes convenus (question 19), le consensus mou réapparaît. En termes d'apprentissages de savoir et de compétences, alors qu'ils sont peu nombreux à estimer cet objectif prioritaire (24,2 % pour 67,9 % en faveur des savoir-être), une majorité se re-dégage en faveur de l'apprentissage d'une citoyenneté active et critique pour délaisser les compétences transversales et disciplinaires (respectivement 28,9 % et 15,0%). Tel quel, en lien avec les autres questions, cela signifie que cet apprentissage d'une citoyenneté active et critique peut se concevoir et s'exercer différemment selon les contingences locales. Cette majeure s'inscrit bien dans ce qui préoccupe prioritairement les membres du personnel éducatif (voir monographies établissements) : la vie et les relations au sein de l'école. En effet, la problématique à aborder prioritairement pour les répondants, c'est « les identités, la diversité culturelle, le vivre ensemble » (79,6 % à la question 5). Bien sûr, il y a l'effet Charlie, mais pas seulement. Assez logiquement et légitimement, les répondants sont préoccupés par le climat relationnel dans et hors de l'établissement scolaire. C'est pourquoi, sans doute, l'ECM pour eux, c'est surtout une éducation civique renforçant l'ordre institutionnel. Et il n'y a pas de différences non plus pour cette question entre l'échantillon et le groupe-témoin. A côté de cette majeure bien peu ECM au sens où nous l'entendons, existe une mineure qui rejoint la majeure dans son implication éducative. Il s'agit bien encore d'une ECM orientée vers les élèves plutôt que vers l'établissement (l'institution) ou vers les enseignants (question 17), et vers des savoir-être plutôt que vers des savoirs ou compétences (question 17 toujours). Mais il s'agit ici non pas d'éduquer au civisme et au respect, mais de sensibiliser les élèves aux injustices dans le monde, une sensibilisation que 50,0 % juge prioritaire. Dans les deux cas, majeure et mineure, il y a peu d'importance accordée à des objectifs d'apprentissages en termes de savoirs et de compétences (implication cognitive) et peu d'importance accordée à des objectifs d'évolutions ou de changements pour l'équipe enseignante ou pour l’établissement (profondeur institutionnelle dans notre modèle d'analyse). Tableaux et graphiques de ces questions 5, 17, 18, 19 et 22 dans les pages qui suivent :

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Question 5 :

Question 17 :

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Question 18 :

Question 19 :

Question 22 :

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Des implications politiques modérées Il est évidement difficile d'évaluer l'implication politique des répondants à partir d'un questionnaire de ce type. Simplement, nous souhaitions l'évaluer de manière combinée entre les questions « 5. Quelles sont les problématiques à aborder en priorité dans le cursus scolaire ?», « 11. Quelle(s) finalité(s) poursuivez-vous pour vos élèves ? », « 12. Quelles principales causes attribuez-vous aux inégalités internationales ? » et « 34. Adhésion à une association et de quel type ». Nous avons effectué un test de cohérence entre ces variables et la cohérence est assez faible. Néanmoins, nous estimons que leur « addition » révèle l'implication politique des répondants, une implication politique au sens de l'ECM. Nous nous sommes servis de cette addition pour calculer leur posture politique ECM et la mettre en relation avec d'autres variables (voir ci-après Variables en réseau). Voyons maintenant pour chacune de ces questions les orientations prises. Pour les problématiques à aborder en priorité, nous l'avons vu ci-dessus (tableau question 5), c'est la question des identités, de la diversité culturelle, du vivre ensemble qui l'emporte (difficultés locales), suivi des formes de gouvernance et la démocratie (consensus aisé) et de l'environnement et du développement durable (politiquement correct). Ces trois problématiques apparaissent largement prioritaires aux dépens de problématiques plus « politiques » au sens de l'ECM, comme la pauvreté et les inégalités (dans le monde et en Belgique) et la mondialisation et ses conséquences. Notons enfin que ce sont les rapports Nord / Sud qui bénéficient du plus bas score. Cette problématique n'est dès lors sans doute pas la meilleure entrée dans les écoles. Pour la finalité poursuivie, nous l'avons vu plus haut, on retrouve un consensus généreux en faveur de l'ECM. Et les deux hypothèses que nous formulions à la base de cette question, à savoir l'obligation de répondre aux injonctions de réussite dans l'enseignement supérieur et d'employabilité sont loin d'être confirmées par les réponses à cette question. En lien avec ce qui précède (voir L'école hors-jeu), nous pensons que les membres du personnel éducatif sont capables de jongler avec les deux mondes et condamnés à vivre cette schizophrénie : affirmer l'importance de l'ECM à l'école (faire des petits José Bové) et participer à la sélection sociale et intégrer à la société telle qu'elle existe (faire des petits Bill Gates). Et dès lors, qu'ils sont placés dans le monde de l'ECM, ils l'approuvent sincèrement.

Pour l'explication donnée aux inégalités dans le monde (et donc aussi indirectement les contenus de l'ECM pour lutter contre ces causes), il fallait choisir et hiérarchiser 3 causes parmi celles proposés : des explications naturelles, culturelles, économiques et politiques (voir tableau page

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suivante). Il est évident que le répondant qui associe capitalisme, suites de la colonisation et politique protectionniste des occidentaux, mais ils ne sont que 4,3 % à le faire dans l'ordre ou le désordre, est plus politisé que celui qui associe changement climatique, catastrophes naturelles et manque d'instruction (mais personne n'a fait cette association-là, dans l'ordre ou le désordre). Nous trouvons au contraire beaucoup de combinaisons relativement paradoxales, même si, d'une certaine manière, tout peut se justifier : capitalisme avec conflits identitaires et religieux, capitalisme avec incompétence et corruption, capitalisme avec changement climatique, etc.

Enfin, pour la participation à une association, nous avons une proportion importante de répondants membres d'associations : 41,7 % sont membres d'au moins une association, contre 58,3 % qui ne sont membres d'aucune association. Et ce sont les associations de coopération ou humanitaires qui attirent le plus de membres (19,3 % de l'échantillon total). Si on y ajoute les 17,8 % de membres d'associations sociales (aide aux personnes, ...), c'est évidemment beaucoup plus que les 15,3 % de Wallons (source : IWEPS). Peut-être faut-il nuancer cette information. Il est possible que les réponses englobent les bénévoles d'un jour (vente de marqueurs, de modules, de calendrier, ...). Autre chose est d'être membre d'une association, de participer à son Assemblée Générale ou Conseil d’Administration et ses réunions et faire ainsi l'exercice pratique de la démocratie.

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Néanmoins, il nous semble qu'en cumulant ces différentes caractéristiques, on pourrait établir un profil politique des répondants. Nous aurons l'occasion de discuter de sa validité (voir Variables en réseau), mais nous pouvons déjà dire que le profil dominant laisse augurer d'une implication politique (voir modèle d'analyse) vraisemblablement faible dans l'ECM pratiquée. Pratiques et partenaires : un peu de tout et des réseaux Comme déjà annoncé plus haut, le nombre de répondants qui déclarent mener des pratiques d'ECM est très important (75%), principalement dans leur propre cours mais également à travers des projets. Il est néanmoins difficile de préciser avec quelle fréquence pour certains et avec quelle importance (nombre d'heures consacrées) pour tous. Néanmoins, on peut dire que 45,3 % des répondants mènent un projet chaque année. Et ces projets sont très principalement menés avec des élèves du 3e degré.

La moitié de ceux qui pratiquent de l'ECM à l'école disent le faire sans partenaire extérieur. Très difficile de savoir de quoi il s'agit. Et parmi ces partenaires, multiples dans certains cas (ce qui explique un total supérieur à 100%), les ONG et ALC sont minoritaires. Dans la très grande majorité des cas (80%), il s'agit de contacts personnels. On voit ici l'importance des réseaux d'interconnaissance pour entrer dans les écoles.

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De nombreuses pratiques sans partenaires donc, des partenaires très divers et lorsqu'il y a partenariat, on ne peut pas dire qu'un élément ressort. On y trouve un peu de tout comme en témoigne les tableaux suivants dont on ne peut pas retirer grand-chose. On peut juste se réjouir que la seule vente de produits est rare et que les projets dont la collaboration est centrée sur une aide financière sont rares aussi. L'accompagnement pédagogique est équilibré lui aussi, sauf pour l'aide méthodologique à l'évaluation qui est très rare.

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Question 25 : en général, la collaboration s'organise autour de :

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Question 30 : s'il s'agit d'un projet existant dans lequel vous vous inséré, alors, il s'agit de :

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Et, question 31, le niveau de satisfaction est élevé :

Des freins et des aides paradoxaux On peut regrouper les différents items proposés comme freins et comme aides en deux fois trois catégories : • les freins qu'on pourrait qualifier de contraintes intériorisées (temps, sollicitations, bénévolat, matière) ; • les freins de dynamique interne (collègues, direction, organisation, coordination) ; • les freins manque de ressources (moyens, ressources, soutiens). • • •

les aides textes officiels (décrets, projets, programmes, recommandations) ; les aides dynamique interne (soutien direction et collègues, organisation, travail en équipe, reconnaissance interne) ; les aides ressources externes (aides, soutien parents, reconnaissance externe).

En partant de ces regroupements logiques, c'est très clair et cohérent pour les aides, pas du tout pour les freins et encore moins si on compare aides et freins. Les trois premiers freins cités appartiennent aux trois groupes : le temps, les moyens et l'organisation interne. Et il est clair qu'en effet, ce sont trois difficultés évidentes pour de nombreuses écoles. En dehors de l'organisation de l'école, ce sont les freins de dynamique interne qui sont les moins cités. Le soutien de la direction, des collègues, des élèves, etc. sont parmi les freins les plus faibles. Par contre, parmi les aides citées, c'est massivement les aides dynamique interne qui sont prioritaires (élèves, direction, collègues, organisation, travail interdisciplinaire). Cette contradiction manifeste ne peut se comprendre que si on accepte que déclarer des freins et des

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aides ne se fait pas dans la même logique de communication. Si on ne pratique pas l'ECM (ou autre chose) ou qu'on en pratique moins qu'on ne voudrait / devrait, on s'en justifie en citant des freins. Et si on pratique l'ECM (ou autre chose) ou qu'on en pratique autant qu'on voudrait / devrait, alors on se félicite des aides dont on a pu réellement bénéficier. Ceci révèle donc, ou confirme, la difficulté d'agir pour les partenaires extérieurs. En termes de freins à lever, s'il s'agit réellement de justifications à une incapacité ou à un renoncement, ou si les contraintes intériorisées sont prépondérantes, il sera difficile pour les partenaires de démontrer les possibilités réelles de mener des pratiques ECM. Et si, en termes d'aides, ce qui facilite le plus les pratiques ECM, nous en sommes convaincus, c'est la dynamique interne à l’établissement (direction, collègues, organisation, coordination, travail interdisciplinaire), alors, là aussi l'action des partenaires extérieures est difficile dès lors qu'ils conçoivent leur intervention en termes de ressources externes et de lobbying du côté aides en textes officiels. Des aides « textes officiels » : décrets, projets, recommandations, programmes, qui sont citées comme les moins utiles !

6.3. Informations comparées entre sous-échantillons L'ensemble des sous-échantillons est jointe sur DVD. Cela représente 2756 pages de données à comparer. De plus, les comparaisons par catégories étanches et évidentes ne sont pas aussi évidentes que cela. Par exemple, la comparaison [personnel de direction / personnel enseignant] se complique quand on sait que la grande majorité des directions sont des hommes et licenciés (masters), ce n'est donc pas nécessairement la fonction qui joue seule. Ou pour la comparaison [régents / licenciés], les régents enseignent principalement de la 1e à la 3e et les licenciés de la 4e à la 6e ou 7e, ce n'est donc pas seulement la formation qui joue. Nous ne reprendrons donc ici que quelques points que nous estimons pertinents et utiles. Ceux dont nous ne parlons, c'est qu'ils nous ont échappé ou qu'il n'y a pas de différences significatives. Directions / enseignants Peu de différences significatives entre les deux catégories. Une petite différence : les enseignants sont plus sensibles à l'environnement et au développement durable et les directions plus sensibles à la gouvernance et à la participation citoyenne. Les autres différences, parfois plus marquées tiennent directement à la fonction. Ainsi les directions à 69,2% répondent que les principes de l’ECM sont explicités dans le projet d’établissement de leur école. Et 39,2% des enseignants ignorent dans quel document ces principes sont explicités. Le projet éducatif du réseau est le deuxième item de réponse des directions (63,5%) alors qu’il est le cinquième pour les enseignants (24,6%). Sans surprise, les enseignants font référence à leurs programmes disciplinaires en troisième position (32,4%) alors que les directions y font moins référence (13,5%). La connaissance des référentiels légaux transversaux semble plus affirmée chez les directions que du côté des enseignants. Les directions (un peu moins de 10%) considèrent que le rôle d’un enseignant est d’enseigner sa discipline, l’ECM n’étant pas de sa responsabilité alors que ce n'est jamais le cas pour les enseignants.

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Régents / licenciés Peu de différences significatives et principalement liées à l'âge des élèves à qui ils s'adressent. Les régents déclarent un peu moins de pratiques ECM (69,7%) que les licenciés (79,1%). Et logiquement, les régents recourent moins au partenariat (42,3%) que les licenciés (57,7%), moins à des ONG (17,6 % contre 31,8%) et moins à ALC (12,7 % contre 14,1%). Réseaux On ne sait ce qui risque d'être le plus mal reçu : d'annoncer qu'il n'y a pas de différences ou de dire qu'il y en a ! Eh bien, il y en a mais peu et peu importantes. Pas de différences dans les conceptions de l'ECM. C'est dans le communal qu'il y le moins de pratiques (52,3 % pour une moyenne inter-réseau de 74,3%) et s'organisent plus dans les cours pour le Provincial et plus à travers des projets dans le catholique. Sans hypothèses explicatives, il y aussi des différences entre les causes principales attribuées aux inégalités. Le réseau FWB attribue moins d'importance au capitalisme et plus au manque d'instruction des populations ; le provincial étant celui qui accorde le plus d'importance au capitalisme. Pour les freins, la FWB et le communal insiste plus sur le manque de moyens tandis que le catholique insiste sur le manque de temps. Pour les aides, la FWB accorde plus d'importance aux recommandations officielles, tandis que le communal et le provincial insistent sur l'implication des élèves et le catholique sur le soutien de la direction. Pour les effets recherchés, le provincial insiste sur les savoir-être et la FWB sur les savoirs et compétences. Le communal accorde plus d'importance au civisme. Le catholique et la FWB recourent plus au partenariat que le communal et le provincial. La FWB recourent plus à des partenaires publics et le catholique beaucoup plus à des ONG. Le communal a très peu de contacts avec ALC. Provinces Peu de différences significatives entre les provinces, et les comparaisons doivent être prudentes, le nombre de répondants pour Namur (25), le Brabant wallon (19) et le Luxembourg (35) dans une moindre mesure étant trop faibles pour être significatifs. Des différences logiques et des différences inexpliquées. Différences inexpliquées : 9. Le rôle principal de l’enseignant est ... (une seule réponse possible)

Bruxelles

Hainaut

Liège

D'enseigner, de sensibiliser les élèves aux grands problèmes du monde et de leur donner les outils critiques pour mieux le comprendre

52 %

39 %

53 %

D'enseigner, de sensibiliser les élèves aux grands problèmes du monde et de leur donner les outils critiques pour mieux le comprendre et de les mobiliser dans des projets d'actions citoyennes

42 %

49 %

33 %

De petites différences apparaissent également pour le nombre de répondants déclarant ne pas mener de pratiques ECM : ils sont plus nombreux à Bruxelles (32%) et moins nombreux à

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Namur (16%) et dans le Hainaut (20%) pour une moyenne FWB de 25,7 %. Et assez logiquement, c'est aussi à Bruxelles qu'il y a le moins de partenariat (44%) et à Namur le plus (64%) pour une moyenne FWB de 51,4 %. C'est aussi à Bruxelles qu'ils déclarent le moins de partenariat avec ALC (4,5%), de même que dans le Hainaut (9,6%) et à Namur le plus (28%), dans le Luxembourg (20%) et à Liège (15,7%) pour une moyenne FWB de 12,5 %. Différences logiques : à Liège et dans le Hainaut, régions touchées par le chômage, les répondants accordent, dans les missions de l'école, plus d'importance à l'insertion professionnelle (49%), au contraire de Namur et du Brabant wallon (21%), Bruxelles paradoxalement se situant entre les deux (34%). Disciplines Les professeurs des différents cours ne donnent pas nécessairement un seul type de cours. Un professeur de français peut parfois donner quelques heures d'histoire, ou un professeur de mathématiques quelques heures de physique, et dans le libre catholique, il est fréquent que le professeur de religion donne également d'autres cours (français par exemple). Il arrive qu'un professeur ne dispose donc pas de la formation initiale pour un (ou même les) cours qu'il donne. Pour éviter ces biais et éviter les recouvrements entre catégories, nous avons sélectionné par discipline, ceux qui ne donnaient des cours que dans ces disciplines-là. Uniquement des sciences humaines ou uniquement des cours philosophiques, par exemples. Les professeurs qui donnent des cours de sciences humaines justement sont les plus nombreux à répondre au questionnaire, mais ceux qui donnent uniquement sciences humaines, c'est 40 % de ceux qui déclarent donner des cours de sciences humaines et pour les cours philosophiques 60 %. Nous ne prenons en compte ici que ceux qui ne donnent qu'un seul type de cours donc. Les professeurs uniquement de sciences humaines ne constituent cependant pas encore une catégorie homogène. L'appellation est d'ailleurs trompeuse puisque la majorité d'entre eux n'a pas de formation aux différentes sciences humaines, voire même parfois aucune formation à aucune science humaine. Ce sont simplement les professeurs qui donnent les cours d'histoire, de géographie, d'étude du milieu, de sciences sociales, ... Les professeurs de cours philosophiques ne constituent pas non plus une catégorie homogène et en ne prenant que ceux qui donnent uniquement ces cours philosophiques, nous avons sans doute exclu beaucoup de professeurs qui donnent religion dans le libre catholique. En quoi ces deux catégories étanches, sciences humaines et cours philosophiques, ont-ils répondu différemment des autres ? Car, entre eux, ils sont assez proches dans leurs réponses. Peu de différences pour ce qui est de la conception de l'ECM et du rôle de l'école à son propos, si ce n'est qu'évidemment, ils déclarent plus que les autres que l'ECM est explicité aussi bien dans leurs programmes que dans d'autres textes officiels. Aucun cependant ne cite le décret citoyenneté. Une grande différence entre eux : les sciences humaines sont les seuls à ne pas considérer les identités et le vivre ensemble comme problématique prioritaire (61,8 % contre 79,6 % en moyenne) et considèrent avec une égale importance le développement durable et la démocratie et participation citoyenne. Les cours philosophiques considèrent plus que tous les autres les identités et le vivre ensemble comme prioritaire (88,2 % contre 79,6 % en moyenne). Tous deux considèrent plus que les autres que l'ECM doit être prise en charge dans des cours spécifiques et également dans des projets citoyens à l'école.

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Les sciences humaines sont les seuls à poursuivre comme finalité prioritaire la compréhension du monde tout en attribuant une importance comparable aux autres pour la formation d'acteurs critiques d'un monde plus juste. Et assez logiquement aussi, plus que les autres, tous deux considèrent le capitalisme comme cause première des inégalités dans le monde, surtout les sciences humaines (94,1%). Ils sont de loin les plus nombreux à déclarer des pratiques d'ECM et tous ceux-là déclarent la pratiquer au moins dans leurs cours. Enfin, pour les sciences humaines, ces pratiques, plus que pour les autres cours, ont lieu au 3e degré (78,1%). Logiquement, ils se plaignent moins que les autres du manque de temps (puisque c'est dans leurs programmes de cours), mais paradoxalement, les sciences humaines considèrent moins que les autres le rapport entre leur programme et l'ECM comme une aide réelle pour en pratiquer. C'est un bon exemple pour illustrer le peu de pertinence des enquêtes de besoins, les agents en ayant rarement conscience eux-mêmes. Bien sûr, les sciences humaines, mais pas les cours philosophiques, sont plus nombreux à vouloir poursuivre prioritairement des objectifs de savoirs et de compétences mais moins qu'on ne pourrait s'y attendre (36,4 % contre en moyenne 24,2 %). Et les sciences humaines, toujours, placent en tête des savoir-être la sensibilisation aux injustices dans le monde avant plus de civisme et de respect. Ils sont aussi les seuls à considérer comme effet prioritaire sur leurs collègues un plus grand engagement sur des enjeux sociétaux tandis que pour les cours philosophiques, c'est plus de cohérence entre les paroles et les actes qui s'imposent. Les sciences humaines recourent plus que les autres au partenariat et ce partenariat, pour les sciences humaines et les cours philosophiques s'oriente principalement vers les ONG et vers ALC. Et pour plus que les autres, ce partenariat prend la forme d'une formation pour les enseignants. Les sciences humaines sont plus que les autres très satisfaits des compétences des partenaires et les cours philosophiques de la disponibilité des partenaires. Si les réponses des sciences humaines et des cours philosophiques se rejoignent en partie avec les écarts qu'on vient d'indiquer ci-dessus, assez logiquement les professeurs des autres disciplines se rejoignent à l'inverse sans grandes différences entre eux. Les différences les plus marquantes apparaissent logiquement à propos de l'explicitation de l'ECM dans leurs programmes : très peu pour les maths et les langues étrangères et moyennement pour les professeurs de français. Ceux-ci sont aussi ceux qui mettent le plus en avant un plus grand civisme et plus de respect.

6.4. Corrélations et variables en réseau53 Nous avons également voulu évaluer les relations entre les différentes variables du questionnaire. Le nombre de questions et le nombre d'items pour chaque question étant particulièrement élevés, il était impensable de réaliser une analyse multivariée complète. Nous avons donc à la fois opté pour une sélection de variables et pour un regroupement de certaines variables entre elles. Enfin, nous avons dû également attribuer de manière assez intuitive, et donc relativement arbitraire, des valeurs quantitatives à certaines variables qualitatives.

53

Les analyses ont été réalisées avec les logiciels R et JAGS

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Nous avons ainsi retenu, au risque de nous porter malheur, 13 variables, dont plusieurs sont des variables « regroupées » : •

posture politique du répondant (en fonction de ses réponses aux questions sur les problématiques prioritaires en ECM, sur les finalités prioritaires à poursuivre en ECM, sur les causes principales attribuées aux inégalités dans le monde, sur leur adhésion à une association et, si oui, laquelle) ;



freins dits de « contraintes intériorisées » (temps, activités concurrentes, bénévolat, intérêt personnel, lien avec matière) ;



freins dits de « dynamique interne » (manque d'intérêt des collègues et de la direction, organisation, coordination) ;



freins dits de « manque de ressources » (reconnaissance externe, moyens matériels, ressources humaines) ;



aides dites de « textes officiels » (décrets, projets, programmes) ;



aides dites de « dynamique interne » (soutien de la direction, des collègues, organisation, travail interdisciplinaire) ;



aides dites de « ressources externes » (ressources extérieures, soutien des parents, valorisation externe) ;



pratiques (pas de pratiques, pratiques dans son cours, dans un projet citoyen dans l'école, un projet interdisciplinaire ou un projet sur base volontaire pour les élèves)



partenariat (aucun et si oui, lesquels) ;



effets en termes d'apprentissages pour les élèves (plus grande implication cognitive, voir modèle d'analyse) ;



effets sur l'établissement scolaire (plus grande profondeur institutionnelle, voir modèle d'analyse) ;



effets en termes de plus grand civisme, respect (éducation civique plutôt que citoyenne, voir modèle d'analyse) ;



effets en termes de sensibilisation aux injustices dans le monde (plus grande implication socio-affective, voir modèle d'analyse).

Pour plusieurs de ces variables, nous les avons d'abord mis en relation une à une avec les pratiques (corrélations classiques sur base des fréquences). Nous les présentons ici sous formes de graphes de similitude (échelle de Likert). Attention que dans cette présentation, « pratiques minimales » signifie pas de pratiques du tout (plus ou moins 25 % dans notre échantillon), « pratiques moyennes » signifie une pratique déclarée dans son cours avec ou non une pratique dans un projet sur base volontaire pour les élèves et « pratiques importantes » signifie une pratique déclarée dans son cours plus au moins une pratique déclarée dans un projet citoyen et/ou dans un projet interdisciplinaire. Voyons d'abord les liens entre les freins « contraintes intériorisées » et les pratiques.

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Nous avons appelé ces freins contraintes intériorisées parce qu'ils sont avancés principalement par ceux qui n'en font pas (pratiques minimales) : manque de temps et lien matière principalement. De manière générale, on peut dire que ces freins ne freinent pas grand-chose en matière de pratiques. Voyons maintenant pour les autres freins.

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Mêmes remarques et de manière encore plus importante pour ces deux types de freins qui ne freinent pas grand-chose non plus. Voyons maintenant pour les aides.

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On voit ici que se dégagent un peu plus le projet d'établissement et le lien avec le programme. Cela indique aussi clairement que, pour les enseignants, le local l'emporte sur le central : le projet d'établissement est une aide plus précieuse que le décret Missions et que le décret Citoyenneté dont la majorité ignore sans doute l'existence.

Ressortent ici plus clairement les aides et ressources externes. Mais, comme nous l'avons également relevé dans les entretiens en école, beaucoup moins (voir ci-dessous) que les

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dynamiques internes à l'établissement. Ces dynamiques internes sont considérées par les répondants comme des aides souvent indispensables aux pratiques.

Enfin, nous avons voulu croiser les pratiques avec les quatre effets mesurés. Ce qui en ressort, c'est que la majorité des répondants, presque indépendamment du fait qu'ils pratiquent ou non l'ECM, sont plus ou moins d'accord sur les effets recherchés. Il est assez logique que personne n'estime superflu des effets en termes d'apprentissages, assez logique que personne ne juge superflu tout effet positif. Néanmoins, assez logiquement, les effets sur l'établissement (profondeur institutionnelle) sont moins recherchés.

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Nous avons ensuite voulu évaluer les corrélations entre ces 13 variables en utilisant la méthode54 des réseaux bayésiens. L’utilisation des réseaux bayésiens est une méthode empirique d’identification de la meilleure structure expliquant les données d’un système complexe. L’identification des causes amenant aux pratiques ECM est complexe, du fait du grand nombre de variables pouvant intervenir et interagir à des stades différents. Les réseaux bayésiens permettent d’aborder ce type de problème. Leur utilisation présente un double avantage. Dans un premier temps, ils permettent d’identifier la structure des relations de dépendance entre variables. Dans un deuxième temps, ils permettent de calculer les probabilités conditionnelles de chaque variable en tenant compte des dépendances identifiées. Au final, ce type de modèle graphique permet de représenter les variables sous la forme d’un graphe orienté acyclique dans lequel les nœuds correspondent aux variables aléatoires, et les arcs reliant ces dernières sont associés à des probabilités conditionnelles. Dans ce graphe, les relations de dépendance entre les variables ne sont pas déterministes, mais probabilisées : l'observation d'une variable a priori n'entraîne pas systématiquement l'effet ou les effets qui en dépendent, mais modifie seulement la probabilité de les observer. Nous avons utilisé ici un réseau bayésien additif généralisé, qui permet de transférer les problèmes d’apprentissage de structure aux problèmes de modèles généralisés additifs (GAM, generalized additive models).

54 Méthode décrite par Ward M.P. 2013. Bayesian graphical modelling: applications in veterinary epidemiology. Preventive Veterinary Medicine 110: 1-3.

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Nous ne reproduisons ici que le réseau de variables final où les flèches indiquent une relation de dépendance significative. Nous avons exclus du schéma les quatre « effets » retenus, car aucune corrélation significative n'apparaissait puisque quasi tous les répondants, indépendamment de leurs pratiques, estiment tous les effets désirables. Les flèches vertes indiquent une relation de dépendance significative positive et les flèches rouges une relation de dépendance significative négative.

Le résultat est assez intéressant puisqu'il montre que la posture politique du répondant à une influence positive sur le recours au partenariat qui a lui-même une influence positive sur les pratiques. Et la posture politique a une influence négative sur les contraintes intériorisées qui ont elles-mêmes une influence négative sur les pratiques. Les autres freins et les aides ont des relations assez logiques entre eux, mais pas de liens avec les pratiques, ni avec le partenariat, ce qui conforte notre analyse des entretiens en école. L’effet moyen des probabilités conditionnelles de chaque relation ainsi que leur intervalle de crédibilité est donné dans le tableau suivant :

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Comme explicité dans l’approche méthodologique privilégiée pour cette étude, l’équipe de recherche a rencontré des représentants de différentes instances de l’administration de l’Enseignement, ainsi que les différents syndicats d’enseignants et les fédérations d’associations de parents afin de mieux appréhender les postures institutionnelles ayant une influence sur les pratiques de terrain. L’administration de la coopération au développement ainsi que l’ACODEV ont également partagé leurs postures en tant que collaborateurs externes de l’école.

7.1. L’ECM au sein des institutions chargées du pilotage de l’enseignement 7.1.1 L’Inspection, un frein au déploiement de l’ECM ? L’inspection est souvent invoquée, par certains enseignants et directions, comme un frein important pour aborder des contenus et mettre en place des initiatives en lien avec l’ECM. D’autres soulignent l’existence de marches de manœuvre et de dialogues possibles avec certains inspecteurs disciplinaires si l’équipe éducative démontre la plus-value pédagogique de tels projets ou explorations thématiques. L’inspection générale confirme qu’il n'y a ni inspection sur la poursuite de la 4e mission du décret Missions (citoyenneté), ni à partir du décret citoyenneté. Globalement, les inspections se réalisent à partir d'une entrée unique qui est le respect des programmes des disciplines et de leurs injonctions pédagogiques. Elle est consciente que cette priorisation ne favorise pas de la part des enseignants la poursuite d’autres objectifs, dont ceux de l’ECM. L’ECM, perçue à priori comme une approche principalement des rapports Nord-Sud et de la solidarité internationale, pourrait être plus facilement explorée et évaluée par les acteurs scolaires si elle était reliée aux compétences terminales disciplinaires. C’est sur base de ce même constat qu’une équipe d’inspecteurs a travaillé de concert avec le Réseau IDée55, entre 2012 et 2013, pour identifier dans les compétences ce qui pouvait être poursuivi en matière d'ErEDD dans chaque discipline56, le pari étant que l’ErEDD entre dans le champ des pratiques courantes. Ce processus a pu être mené grâce à l’impulsion de la Ministre de l’Enseignement. Cette demande ministérielle est fondamentale car elle permet à l'Inspection de dégager des moyens impossibles à justifier sans cela, le mandat des inspecteurs étant trop large pour qu'ils puissent réaliser toutes leurs missions. L’Inspection souligne l’importance de mettre autour de la table tous les acteurs concernés pour la réussite de ce type de travail, pouvoirs publics et associatifs, l’inspection veillant au respect du cadre normatif. Cette démarche de travail collaboratif est exigeante notamment 55

Réseau des associations actives en l'Education relative à l’Environnement (ErE) en Wallonie et à Bruxelles. L’éducation relative à l’environnement et au développement durable (ErEDD) dans le système éducatif en Fédération Wallonie-Bruxelles : quelques portes d’entrée dans les référentiels inter-réseaux, AGERS, 2013. 56

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en termes de temps, c’est pourquoi elle ne peut être renouvelée de manière trop régulière. Cependant, les acteurs de l’ECM devraient s’inspirer du travail mené par leurs collègues de l’ErEDD tant au niveau du processus que des résultats engendrés. Les deux familles d’acteurs s’inscrivant dans un projet éducatif plus global, des interconnections sont également à construire tant au sein de l’école qu’en externe.

7.1.2 Déficit de formation des enseignants en ECM ? L’Institut de la Formation en cours de Carrière (IFC) est chargé d’organiser les formations en cours de carrière en inter-réseaux. Il établit son programme sur base des thèmes et orientations prioritaires arrêtés par le Gouvernement de la FWB, sur proposition de la Commission de pilotage. L’IFC recherche des formateurs via trois modalités : celle des marchés publics, celle des accords de coopération et celle des formateurs internes. Les formations ALC se réalisent à travers un accord de coopération. Un code est attribué à chaque strate du programme des formations. Les formations en lien avec la citoyenneté sont encodées dans la catégorie 4 c.à.d. les formations reliées à l’axe « L’école dans un système éducatif, dans la société ». C’est donc sous cet intitulé que vont s’inscrire les formations qui ont le monde comme objet d’analyse comme par exemple l’éducation aux genres, à la non-discrimination, à l’environnement, etc. La première des préoccupations de l’IFC est le monde de l’enseignement. Dès lors, si le projet de l’établissement reprend des champs de l’ECM, l’Institut va s’y intéresser et s’ouvrir aux offres. Certaines existent déjà dans son catalogue de formation. Bien que ces formations d’ouverture au monde ne soient pas priorisées par les enseignants, l’IFC constate une évolution positive ces dernières années au niveau des inscriptions. Les espaces inter-réseaux sont très intéressants et l’apprentissage de la citoyenneté, quel que soit son niveau territorial, doit faire partie de l’enseignement. Les écoles gagnent à s’inspirer de ce qui se fait ailleurs pour diversifier leurs idées. Mais les ONG de manière générale ont peu de notions quant aux réalités du monde scolaire, et donc leurs offres de formation peuvent être décontextualisées du travail de l’enseignant. De manière plus globale, il faudrait modifier le processus actuel de formation continue obligatoire pour tous. Les formations ne devraient plus être identiques pour tout le monde, mais devraient mieux répondre à des réalités spécifiques par un aller-retour entre théorie et terrain. Comment dès lors renforcer le travail collectif des équipes éducatives tout en tenant compte des besoins spécifiques de chacun ? Afin de répondre au mieux aux besoins de renforcement des équipes éducatives, les acteurs de l’ECM devraient davantage investir les formations micro proposées dans les écoles notamment lors de journées pédagogiques. Cela semble une bonne piste pour travailler l’ECM avec les enseignants et favoriser une réflexion sur le type de collaboration à construire ensemble. Par contre, toujours selon l’IFC, la formation initiale semble trop chargée pour y ajouter des modules supplémentaires. Cet avis est nuancé par d’autres acteurs scolaires

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(une partie des enseignants, directions et syndicats) qui considèrent que la formation initiale doit intégrer de manière transversale des approches méthodologiques que favorisent l’analyse de la complexité des phénomènes, une ouverture à l’approche interdisciplinaire et une réflexion socio-politique sur la notion de citoyenneté actualisée aux enjeux contemporains. L’apport des collaborateurs externes serait de nourrir cette démarche en socialisant des études de cas, des problématiques et des outils qui facilitent l’articulation de certains phénomènes sociaux au niveau de différents territoires (articulation ici/global/ailleurs).

7.1.3 Un offre en ECM mal connue par les établissements Au sein de la DGEO, la cellule citoyenneté est au service des équipes éducatives qui souhaitent renforcer l’éducation à la citoyenneté active dans leur établissement. La cellule défend une approche globale et systémique de l’éducation à la citoyenneté qui permet l’enrichissement mutuel au travers de différentes thématiques et démarches développées au sein de l’école. Au vu des mutations sociétales, les dimensions mondiales et de solidarité internationale de la citoyenneté sont devenues des enjeux majeurs. Et pourtant celles-ci sont encore insuffisamment explorées au sein de la DGEO. Dans des écoles, de nombreuses initiatives sont menées mais de manière ponctuelle avec des partenaires également ponctuels. C’est pourquoi, la cellule citoyenneté a entamé ces dernières années différents contacts (ALC et différentes ONG) afin de faciliter des ponts entre les écoles et les acteurs spécialisés de l’ECM. Envahies par les urgences, les directions et équipes éducatives n’ont pas une vision d’ensemble de ce que proposent les acteurs des ONG et le dispositif public ALC. Alors qu’encore trop d’écoles ont une vision des ONG principalement centrées sur la récolte de fonds, le responsable de la cellule citoyenneté constate qu’elles ont fortement évolué vers des propositions d’actions pédagogiques. Le secteur de l’ECM doit améliorer sa stratégie de communication afin de montrer la diversité des structures qui le composent tant au niveau des visions que des pratiques. Notamment, de nombreuses ONG se sont spécialisées sur la sensibilisation, la formation et la mobilisation de personnes et groupes sociaux ici en Belgique, sans soutenir financièrement des projets dans le Sud. Afin de faciliter des collaborations avec des structures externes, la cellule citoyenneté met en ligne au second semestre 2015, une Plateforme citoyenneté qui permettra aux équipes éducatives de mieux appréhender les principes, les structures, les ressources et des outils de différentes dimensions de la citoyenneté. Des partenaires représentatifs de chaque dimension (tels que ALC et ACODEV pour l’ECM) ont contribué à l’élaboration de cette plateforme.

7.2. Point de vue des associations de parents et des syndicats 7.2.1 Du côté des Fédérations des associations de parents

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L’intérêt pour les fédérations d’associations de parents57 de traiter de problématiques d’éducation à la citoyenneté et d’ECM semble dépendre tout d’abord des axes d’action développés autour de l’objet social dans le cadre de leur mission en tant qu’associations d’Education permanente58. L’objectif poursuivi par les deux fédérations est de permettre aux parents une meilleure compréhension du système éducatif en Fédération Wallonie Bruxelles. Les axes de mises en tension ainsi que les conclusions et recommandations59 portées sont étroitement liées aux obédiences et aux projets éducatifs des réseaux en présence. Par exemple, l’ECM s’inscrit dans le cadre des missions de l’Ecole chrétienne (tradition du Carême de partage) tandis que pour la FAPEO, l’éducation à la citoyenneté est un préalable à envisager avant une ECM. Les fédérations se distinguent également par leur vision de l’interconfessionnel et de l’interculturel, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Ecole. L’éducation à la citoyenneté, pour les deux fédérations, se traduit notamment par l’exercice réel de la démocratie au sein du conseil de participation. Il est à noter que malgré l’obligation légale de doter les établissements scolaires de cet organe participatif, moins d’une école sur deux reconnait de facto cette institution60, quand les dés du pouvoir ne sont pas pipés. Dans ces derniers cas, les parents, comme les élèves semblent être considérés comme des citoyens de seconde zone sur les thématiques, les enjeux à traiter. Il est à noter que les deux fédérations ont eu un rôle important en matière de formation des délégués de classe. A ce jour, cette mission n’est plus assumée par l’UFAPEC car elle est fort éloignée du public visé par l’objet social à savoir les parents. Pour les deux fédérations, il convient de souligner le biais de représentation de leurs membres. En effet, ce sont davantage les parents proches de la culture scolaire ou muni d’un capital culturel important qui s’inscrivent dans ces organes. Ainsi, quand on interroge les fédérations sur la place que prennent les parents par rapport au cursus scolaire, les réponses sont assez homogènes, au-delà d’une vision assez utilitariste de défense des intérêts particuliers et ceux de leurs enfants, ils interviennent plus comme des aides, des leviers, des auxiliaires à l’établissement mais prennent peu de place sur les activités, les dispositifs à suggérer (que ce soit ECM ou autre) et encore moins sur la méthode à proposer pour ce faire.

7.2.2 Le constat des syndicats Afin de penser l’ECM à l’instar des identités professionnelles enseignantes et des contingences qui leurs sont inhérentes, les différents syndicats ont été rencontrés 61 . Concrètement, il s’agissait de les entendre sur les missions de l’école telles qu’elles sont vécues par les équipes éducatives et sur la place que prend ou que peut prendre l’ECM dans ce cadre. 57

FAPEO, Fédérations des Associations de Parents d'Elèves de l'Enseignement Officiel. UFAPEC, Union Francophone des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique 58 Education permanente, décret 2003 59 Voir mémorandums respectifs 60 Source syndicat SEL SETCA 61 CGSP, APPEL, CSC, SEL SETCA et SLFP.

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Tout d’abord, les syndicats se prononcent unanimement sur une éducation à la citoyenneté comme mission de l’école et comme porte d’entrée pour une ECM. Pour tous, le décret Missions prévoyait déjà cela, le décret Citoyenneté l’a renforcé dans la forme mais le fond reste ici fédérateur. Quand on pose la question des difficultés rencontrées et des freins à la mise en place de dispositifs d’éducation à la citoyenneté, les syndicats font le relevé systématique des nombreuses réformes, depuis les années 80 à ce jour. Le constat est sans appel, l’encadrement n’a fait que diminuer, la concurrence entre établissements est rude, la mixité sociale et culturelle fait défaut : l’Ecole n’a plus les moyens de ses ambitions. Ensuite, les syndicats précisent que même si les intentions étaient déjà bien présentes dans les décrets, force est de constater que sur le terrain, il y a une méconnaissance relative mais bien réelle de ces documents. Les professeurs subissent de nombreuses réformes sans toujours en comprendre les objectifs ou finalités. Par exemple, tous les syndicats illustrent le conseil de participation comme premier lieu d’exercice réel de la démocratie mais au-delà du texte les dés de la démocratie sont pipés dans certains établissements. Les syndicats se prononcent également en faveur d’un cours d’éducation à la citoyenneté mais la forme que cela peut prendre varie d’une couleur à l’autre et il en est de même sur le contenu de ce cours. Il semble qu’au-delà de l’intérêt réel et compte tenu des moyens disponibles, c’est à dire en fonctionnant sur l’existant, à l’intérieur de la grille horaire, certains préfèreraient supprimer un cours pour la création de celui-là. Il convient d’introduire toute la réflexion relative aux titres et fonctions dans l’enseignement mais également les pertes d’emplois qui en découleraient. En outre, les syndicats expriment la volonté de repenser le système globalement. Les réformes subies n’ont pas tenu compte des principaux concernés. Il y a eu trop de changements qui arrivaient « d’en haut » et qui ont contribué à un malaise dans la fonction enseignante. Cette dernière est en crise à différents niveaux : dévalorisation de la fonction, perte de repères dans la relation aux élèves, avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ont changé le rapport aux savoirs, effritement des liens et rôles entre Ecoles et familles, etc. Il faut revaloriser les métiers au sein de l’Ecole, qu’elle s’ouvre davantage vers l’extérieur, qu’elle ne soit plus imperméable à la société mais qu’elle devienne un moyen de la comprendre et d’y agir. Concrètement pour y parvenir, il est nécessaire de favoriser des partenariats avec le secteur associatif, d’impulser des projets intégrateurs et interdisciplinaires et de proposer des cours en lien avec l’actualité. « Il faut mettre des outils à disposition des élèves pour comprendre le monde, sinon c’est le net qui s’en charge ». Cela suppose également l’apprentissage et l’exercice de la démocratie au sein de l’école afin de donner les moyens aux élèves de contribuer à un monde plus juste. Les différents représentants institutionnels convergent vers un même constat : l’urgence d’accompagner les jeunes vers une citoyenneté active et non normative, la dimension internationale devant être plus et mieux intégrée dans le cursus scolaire. Mais des démarches concrètes semblent difficiles à mettre en place dans un système lourd et cloisonné.

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8.1. Articulation des différentes typologies Le matériau brut est constitué des entretiens réalisés (écoles, institutionnels) et des réponses au questionnaire en ligne. Ce matériau brut a été récolté grâce au modèle d’analyse (comment organiser et donner du sens aux entretiens). Il a aussi permis en parallèle d’enrichir et de continuer à construire une typologie qui nous a servi de grille d’analyse (les quatre typologies : pratiques, dispositifs, établissements, partenariats). Ce matériau brut a ainsi pu être analysé à la lumière des interactions entre ces 4 typologies. L’analyse du matériau brut (entretiens et questionnaires) a permis de créer une typologie descriptive des résultats de la recherche en agrégeant les informations des fiches d’entretien et en les confrontant aux éléments de contexte de l’ECM et du monde scolaire (monographies). L’analyse des monographies et le décodage des résultats des questionnaires (comparaison des sous-échantillons et corrélations) permettent enfin d’aboutir ci-dessous (pt 8.4.) à une typologie opérationnelle et ouverte (exemples de portes d’entrée) pour l’action dans et sur les écoles Au point 8, nous développerons comment ces différents outils (typologies) et leur articulation peuvent aussi être utilisés par les acteurs spécialisés de l’ECM pour mieux comprendre les contextes des établissements et agir avec plus de pertinence sur ces derniers, leurs dispositifs et leurs pratiques afin de les faire évoluer vers l’ECM.

8.2. Attitude des établissements scolaires face à l’ECM 8.2.1 Nécessité de déplacer la question – de se décentrer Face à une très grande diversité et la dispersion des dispositifs et des pratiques mis en place dans les établissements, le premier constat est que chaque établissement a sa propre logique et que ces logiques reposent sur des représentations de l’ECM très diverses et fort éloignées de la définition de l’ECM (pratiques, champs, dispositifs, etc.). Il semble dès lors impossible de repérer des points communs susceptibles d’en justifier une cartographie de modèles-types pertinente et utile. L’objet même de la recherche n’étant pas lui-même compris, intégré par les acteurs de l’école. L’école et l’ECM apparaissent, à première vue, incompatibles, les établissements semblent encore travailler avec des représentations de l’ECM complètement dépassées (approche assistancielle) ou partielles voire parcellaires (éducation à la propreté). On pourrait s’arrêter sur ce constat et lister les freins et les aides qui sont serinés dans tous les établissements (manque de temps, manque d’argent, manque de soutien de la direction, concurrence avec les cours, absence de travail d’équipe, etc.). Pour dépasser ce constat qui n’apporterait rien aux connaissances actuelles sur la question, il est nécessaire de déplacer un peu la question. Le point de départ des analyses des relations école/ECM repose sur l’idée que les écoles connaissent mal l’objet ECM ou ne s’en préoccupent pas ou pas assez. Ce constat, posé de l’extérieur par les acteurs de l’ECM et confirmé par leurs partenaires dans l’école, induit qu’il faut essayer de comprendre

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comment les établissements se mobilisent ou ne se mobilisent pas ou mal sur l’ECM, pour tenter de repérer les établissements dans lesquels cela se passe bien et transformer en atouts pour l’ECM les dispositifs et les pratiques de ces établissements (les bonnes représentations, les bonnes attitudes, les bonnes pratiques, les bons partenaires internes à l’école), et inversement expliquer les freins (les manques, les mauvaises représentations, les acteurs internes qui empêchent) à partir des établissements dans lesquels ça se passe mal. Si le point de départ repose au contraire sur l’idée que les écoles connaissent suffisamment bien l’objet ECM et désirent sincèrement s’en emparer (Questionnaire : réponses aux questions 2 et 3), le constat devient paradoxal : comment expliquer que les bonnes pratiques n’aient pas encore remplacé les mauvaises et que les établissements ne se soient pas tous emparés de l’ECM ? Mais on pourrait dès lors retomber sur les freins classiquement évoqués dans ce genre de situation : si l’acteur sait ce qu’il doit faire et ne le fait pas ou mal, c’est qu’il manque de moyens. Il suffirait donc de les identifier et de les lui procurer pour résoudre le problème. Ce sont d’ailleurs les freins que les acteurs tant spécialisés de l’ECM qu’internes à l’école évoquent pour expliquer la situation. On remarque d’ailleurs dans les entretiens qualitatifs que la plupart du temps, les acteurs internes de l’école savent que ce qu’ils décrivent comme leur dispositif d’ECM n’en est pas un. Certains s’en excusent même. C’est là que la question doit être déplacée, ne fut-ce qu’un instant : comment l’ECM doit-elle se transformer pour correspondre aux dispositifs des établissements ? L’idée n’est pas ici de prétendre que ce sont les écoles qui détiennent la bonne vision de l’ECM, mais que cette question suppose a priori une rationalité aux dispositifs d’ECM mis en place dans les établissements. S’ils existent, si des acteurs internes à l’école s’y engagent avec conviction, ce n’est pas parce qu’ils ne savent pas ou parce qu’ils ne comprennent pas, c’est parce que ce qu’ils font répond à une logique propre. De même, si on se place dans l’établissement, et qu’au lieu de poser la question « que faire pour que les établissements intègrent les principes de l’ECM et la nécessité d’inscrire l’ECM dans la formation des élèves ? », on pose la question « que faire pour que l’ECM renforce la formation des élèves dans les établissements solaires ? », la perspective change. Reste alors à découvrir ces ou cette logique(s) et à identifier comment, dans l’interaction entre les logiques des établissements et celles des acteurs de l’ECM, il est possible que les uns s’appuient sur les autres pour se renforcer mutuellement.

8.2.2 Identifier les logiques propres des établissements scolaires Des logiques pragmatiques, propres à chaque établissement, créent ou empêchent les dynamiques d’ECM. Pourtant les établissements sont bien informés, leur chef d’établissement, des enseignants tiennent des discours parfois même très bien informés sur l’ECM sans que cela ne semble pouvoir vraiment se traduire dans les dispositifs mis en place. L’ECM semble souvent superflue, apparaît comme un bonus, un truc en plus, ce qu’on fait à côté si on a le temps. Autrement dit, même quand des dispositifs d’ECM ou d’éducation citoyenne existent dans les établissements, ces établissements sont mobilisés sur autre chose. Ce n’est pas qu’on ne sait pas, c’est que ça n’a pas d’utilité pour les acteurs dans leurs diverses stratégies, en termes de positionnement dans l’institution, en termes d’image sur le marché scolaire et en termes d’adéquation à des référents divers (le référent n’est presque jamais le pilotage public, il se limite le plus souvent au référentiel de l’établissement). De ce point de vue, on peut se demander d’ailleurs si le pilotage public est en mesure d’obtenir plus qu’un respect formel ou opportuniste, dès lors perçu comme un obstacle ou

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un support à ce qui sert de référentiel local (l’établissement et sa tradition, le réseau, l’image recherchée sur le marché scolaire, les problèmes identifiés dans l’établissement, etc.). Les établissements scolaires se servent dans les référentiels du pilotage public de ce qui vient renforcer leurs stratégies propres, en positif (citer le décret missions pour justifier les projets citoyens) ou en négatif (justifier l’impossibilité de faire autrement en dénonçant les programmes). Et ça tombe bien puisqu’on trouve dans ces référentiels publics suffisamment de contradictions pour justifier une chose et son contraire. Cela signifie qu’il y aura autant de situations qu’il y a d’établissements mais que paradoxalement, c’est aussi ce qui fait que, du point de vue de leur attitude face à l’ECM, tous ces établissements se ressemblent. Vu du côté des acteurs spécialisés de l’ECM, ce qui prime, c’est de convaincre de l’intérêt de l’ECM pour comprendre le monde, pour la formation citoyenne des élèves. Cela implique une vision globalisante, qui couvre tous les champs, du vivre ensemble au réchauffement climatique, en passant par les confrontations culturelles, les rapports sociaux, etc., du local au global. La complexité, les liens entre les niveaux d’analyse, la vision systémique. Le paquet est encombrant et difficile à faire passer par la porte de l’école. On le sait, mais on essaye de convaincre que l’école doit élargir ses portes, changer, s’ouvrir sur le monde, à de nouvelles pratiques, relier les cours dans des démarches interdisciplinaires, etc. Idéalement, une approche interdisciplinaire, fondée sur des savoirs et des concepts disciplinaires, pensée en équipe, qui se construit en strates successives de plus en plus complexes, des stratégies et des dispositifs qui permettent à l’élève, en collaborant avec ses condisciples, de se construire un point de vue argumenté sur cette complexité et le rendent peu à peu disposé à et capable d’agir dans et sur cette complexité. C’est cohérent. A condition que l’enjeu soit véritablement l’ECM. Même si toutes les pratiques des ONG sont loin de correspondre à cette vision idéale. Vu du côté des acteurs de l’école, les entretiens nous apprennent que, ce qui prime, c’est de se débrouiller avec ce qu’on a : les élèves, leurs plus ou moins grandes difficultés scolaires (apprentissages, comportement, découragement, etc.), leurs plus ou moins grandes difficultés socio-économiques, mais aussi le contexte local de marché scolaire (perdre ou gagner des élèves, types d’élèves, l’image de l’établissement, etc.), les dynamiques internes entre les acteurs (pouvoirs, rapports de force, enjeux personnels, légitimité, affiliations, reconnaissance, image de soi, etc.). Les contraintes institutionnelles (temps, argent, programmes, etc.), les limites de chacun (compétences, temps, connaissances, etc.) qui sont les freins les plus souvent cités, apparaissent dès lors plus comme des moyens de défense contre une stratégie qui semble vouloir les décentrer de leur objet premier, de ce qui fait la substance de leur métier. Au bout du compte, tout est morcelé, on veut bien faire un peu et on n’a pas que ça à faire. Il y a les cours, les problèmes des élèves, le temps qui manque, le bénévolat qui s’étend, et généralement aussi le souci de conserver une image fière de ses propres compétences professionnelles. Dans un tel contexte, la complexité fait peur parce qu’elle s’ajoute à une autre complexité déjà difficile à appréhender : celle de l’établissement scolaire et des enjeux sur lesquels il est centré. Les projets d’ECM nous apparaissent souvent instrumentalisés, ce qui a tendance à nous faire douter soit des compétences des enseignants qui les mettent en œuvre, soit de leur réelle volonté de faire de l’ECM. Voici des exemples tirés des entretiens :

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des projets environnement pour régler des problèmes de propreté et d’entretien ; des projets citoyens pour gérer des problèmes de comportement, d’incivilité ou d’insécurité ; des projets Sud caritatifs qui se jouent plus en termes d’image de l’école et qui sont centrés sur des collectes de fonds et/ou dont l’élément voyage semble le réel objectif ; des projets « devoir de la mémoire » pour régler des problèmes de diversité culturelle et sociale.

Bref, des visions étroites de l’ECM, partielles, morcelées et peu « habitées ». Ce serait une éducation citoyenne à l’échelle internationale, sans mesurer la complexité que les changements de niveau d’analyse impliquent. A mieux y regarder, ces projets, ces pratiques entrent dans des dispositifs « mobilisés sur autre chose ». Par exemple, ce qui est désarçonnant, c’est que dans beaucoup d’écoles les projets ECM axés sur le Sud sont encore largement imbibés de la vision caritative et assistancielle (paternalisme, stéréotypes). Comme si les enseignants, les établissements scolaires avaient conservé une vision abandonnée depuis longtemps sans se rendre compte des évolutions des connaissances et des paradigmes dans ce domaine. L’école est refermée sur elle-même, les enseignants sont mal formés, etc. A y regarder de plus près, les discours sur l’ECM dans l’école (des chefs d’établissement et des enseignants) intègrent beaucoup des éléments défendus par les acteurs spécialisés de l’ECM. Ce sont des positions de principe, bien sûr, qui ont peu ou pas d’impact sur les dispositifs mis en place, mais elles nous apprennent que des acteurs dans l’école ne sont pas loin de porter des discours éclairés sur l’ECM. Alors pourquoi les dispositifs et les pratiques sont-ils si éloignés de ce discours ? La vision caritative et assistancielle, par exemple, permet de faire le lien avec la configuration interne des établissements. Elle permet de ne pas aborder la question sur l’axe cognitif (trop énergivore en temps), de cantonner les pratiques dans l’axe socio-affectif, émotionnel et d’empêcher qu’elles prennent de la profondeur institutionnelle (risque d’interférences dans les dynamiques internes). Cela permet de mobiliser les élèves (axe de l’implication des élèves) jusqu’à les rendre auteurs (fierté), parce qu’il y a peu de risques en termes de temps et d’implication de l’établissement, et que ça peut fonctionner à deux niveaux : une part des élèves volontaires qui s’impliquent et une part des élèves qui sont sensibilisés par les premiers (image de l’école, image de soi). L’établissement encadre et donne plus ou moins de moyens selon l’importance que le dispositif prend dans sa politique d’image vers l’extérieur (marché scolaire) ou l’action qu’il veut avoir à l’intérieur sur la dynamique entre les acteurs (pouvoir, concurrences, vivre ensemble, valeurs, respect des règle, valorisation des élèves…). Si l’école peut s’appuyer sur des partenaires externes, ça en diminue encore le coût et ça en augmente la fiabilité. Cela peut même lui donner plus de légitimité (plus de cohérence). On aura donc souvent aussi l’impression que les partenaires sont instrumentalisés et, au mieux, y trouve leur compte en termes d’opportunité (compromis d’intérêts matériels, intervention par procuration, autonomie partagée).

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8.3. Une vision de l’ECM compatible avec la configuration interne de l’institution Pour les partenaires externes, cela signifie qu’il faut tenir compte de cet aspect : ce n’est pas que les établissements ne comprennent pas la vision systémique de l’ECM, mais que cette vision n’est pas compatible avec la configuration interne de l’institution. Dans les entretiens, nous avons souvent le sentiment que les établissements sont « mobilisés sur autre chose », au sens où les dispositifs, même quand ils sont importants et portés par les établissements, sont pensés à partir d’une préoccupation qui est autre que celle de « la volonté de faire de l’ECM une mission, un objectif de l’établissement ». Du point de vue de l’ECM, nous constatons une multitude d’approches différentes, d’établissements qui fonctionnent tous avec des logiques différentes. On peinerait à identifier des caractéristiques qui permettraient de créer des catégories d’établissements qui auraient la même attitude face à l’ECM. Ce sentiment, qui était un peu notre crainte au début de l’enquête, est lié au fait que la question est posée à partir de l’extérieur. Ce qui frappe dans la lecture des entretiens, c’est que, en réalité, les établissements se ressemblent d’abord tous : leur préoccupation est de faire face aux contraintes du marché scolaire (garder sa place, regagner des places) et de gérer au mieux les difficultés scolaires des élèves, dans ce contexte (plus ou moins grande mixité sociale, plus ou moins d’importance des difficultés socio-économiques des élèves). Cela implique que les portes d’entrées sont multiples (des types d’écoles différents) mais que l’attitude face à l’ECM est la même : s’en emparer comme un outil pour rencontrer les enjeux propres à l’établissement.

8.4. Des catégories de portes d’entrée : typologie opérationnelle ouverte62 Si l’on admet que les établissements scolaires, même ceux qui semblent les plus engagés dans l’ECM, sont en réalité mobilisés sur autre chose, on pourra classer les établissements scolaires en fonction du critère « sur quels champs relatifs à l’ECM sont-ils centrés ? » et tenter d’identifier les portes d’entrée pour l’ECM dans les dispositifs de ces établissements, en essayant de s’appuyer sur ces champs. (Partir du local pour construire le global) Quelques exemples pour amorcer la typologie et les questions qu’ils posent : •

Etablissements centrés sur les compétences métiers

Les écoles qualifiantes (techniques et professionnelles) ont des problèmes d’image sur le marché scolaire, et d’image d’eux même pour les élèves, qui se traduisent en problèmes de comportement (confrontations) et en difficultés d’apprentissage (relégation). Pour améliorer leur image et l’auto-estime des élèves, ces établissements abordent dans les compétences métiers les aspects « innovants » de l’ECM (réchauffement climatique, recyclage, origine des 62

Non exhaustive, à compléter à la lumière de sa pratique

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produits, produits de qualité, techniques moins énergivores, diversité des approches culturelles, etc.). Ces établissements sont donc centrés sur autre chose (image et fierté, vivre ensemble) mais offrent des portes d’entrée à l’ECM dans les programmes (compétences métiers). Cela implique pour l’acteur d’ECM de connaître ces programmes ou d’entrer en concertation avec ces établissements pour négocier des partenariats qui permettent d’identifier les besoins dans les programmes. C’est une condition préalable, parce que toute entrée qui ferait de l’ECM un objectif en soi se heurterait aux freins identifiés dans ces écoles : manque de temps (on a autre chose à faire, on a des choses plus urgentes à faire, les élèves ne sont pas motivés). Vu du côté des élèves, faire de l’ECM parce que c’est important pour se situer dans le monde n’a pas de sens a priori. Par contre, penser leurs compétences métiers dans la réalité d’un monde en mutation, avec de nouveaux enjeux qui ouvrent de nouvelles perspectives pour de nouvelles pratiques dans leur (futur) métier, c’est potentiellement les prendre au sérieux et les valoriser. Ensuite, la question sera celle du comment faire. Et les pratiques devront être différentes selon le profil socio-économique des élèves, leurs plus ou moins grandes difficultés scolaires, et ces pratiques auront plus ou moins d’impact sur le capital citoyen des élèves. Mais cette question est pédagogique, elle se pose dans toutes les classes et pour tous les contenus de cours. Par contre, ces pratiques ne s’implanteront durablement dans ces établissements que si elles sont aussi en mesure d’apporter des réponses au moins partielles aux problèmes de positionnement de l’établissement sur le marché scolaire et aux problèmes d’image d’euxmêmes des élèves et des enseignants. Cela n’est évidemment pas sans poser des questions d’identité aux acteurs de l’ECM : doivent-ils, peuvent-ils se transformer en formateurs qualifiants en devenant des experts de morceaux de qualification de métiers ? Est-ce que ça entre encore dans leurs missions ? Et le souhaitent-ils ? •

Etablissements centrés sur « l’aide au Tiers Monde » et l’exigence sur les contenus des cours

Les écoles à ISE élevé qui dominent le marché scolaire ont des problèmes d’image sur le marché scolaire (école exigeante, fermée aux difficultés du monde, dans lesquelles on ne pense qu’à étudier), qui correspondent à la fois à une fierté (l’élite) et à une contradiction avec des valeurs affichées (humanisme dans l’officiel, valeurs chrétiennes dans le libre catholique). L’image sur le marché scolaire pourrait en souffrir, mais comment rester centré sur l’instruction exigeante et rester en accord avec les valeurs affichées ? Par des dispositifs centrés sur l’aide, la collecte de fonds, la solidarité locale, etc. Les voyages en Afrique ou en Amérique du Sud, répondent particulièrement bien à cette double exigence : c’est prestigieux et ça aide, c’est une manière de « se rendre compte de la chance qu’on a… ». De même, dans ces écoles, il est possible de s’engager dans la profondeur de l’axe cognitif en s’appuyant sur les cours (exigence sur les contenus) mais les titulaires des disciplines voudront en rester les experts attitrés, et l’approche devra rester strictement disciplinaire.

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Et cela n’est pas sans poser des questions aux acteurs de l’ECM : doivent-ils, peuvent-ils cautionner ces approches caritatives non « labellisées » en tant qu’ECM, assumer la contradiction des dispositifs mis en place pour tenter d’avoir accès aux contenus de cours en collaboration avec des enseignants centrés sur des approches strictement disciplinaires ? •

Etablissements centrés sur l’éducation « citoyenne »

Les écoles à ISE très faibles sont submergées par les difficultés socio-économiques des élèves et les conflits interpersonnels (incivilités, bagarres, etc.). Leur image sur le marché scolaire est telle qu’elles doivent se battre pour empêcher qu’elle ne se détériore encore plus, pour redonner de la fierté (ou des valeurs) aux élèves et les remettre dans une perspective positive face aux apprentissages. Les dispositifs d’éducation civique, de citoyenneté, interculturels, y sont incontournables. L’éducation est au centre, une condition minimum pour retrouver la capacité d’instruire. L’ouverture au monde s’arrête au quartier, parce que c’est là que se posent les questions les plus pertinentes pour eux, et toute tentative d’aborder la solidarité internationale se heurte de plein fouet au sentiment d’être une fois de plus oubliés, exclus des préoccupations de l’établissement. Ce type de dispositifs constitue donc une excellente porte d’entrée pour les acteurs de l’ECM. En commençant par l’éducation « citoyenne », on peut questionner les valeurs, prendre en compte réellement les enjeux locaux, etc. et tenter de renforcer le capital citoyen des élèves. Mais cela n’est pas sans poser des questions d’identité aux acteurs de l’ECM : doivent-ils, peuvent-ils renforcer les capacités de ces écoles en se transformant en acteurs d’éducation citoyenne au sens strict, sans que la dimension de solidarité internationale ne soit a priori présente ? Peuvent-ils, en s’appuyant sur l’éducation civique, questionner les valeurs, ouvrir sur d’autres champs, etc. ? •

Etablissements centrés sur des problématiques environnementales

Les écoles à ISE faible ou moyen qui sont situées dans des quartiers pauvres et multiculturels mais dans lesquels vivent des familles plus aisées (choix de la mixité sociale et culturelle, gentrification, loyers moins chers, etc.), cherchent à capter les enfants de ces familles en mettant en œuvre des projets liés à leurs préoccupations (économies d’énergie, consommation locale et durable, recyclage des déchets, etc.) Les dispositifs sont peu ambitieux, formels, cherchent surtout à inculquer des comportements et des attitudes « bonnes » et se limitent à poser la question localement, au mieux pour avoir une action dans l’établissement (propreté, habitudes alimentaires, etc.) Ici aussi, ces dispositifs pourraient constituer des portes d’entrée pour l’ECM à condition que les acteurs de l’ECM puissent, soit s’allier aux acteurs de ErE, soit considérer que l’environnement fait partie de leur identité. •

Etablissements centrés sur l’importance de la mémoire

Les établissements qui ont des problèmes de comportement et de discipline dans l’école, qui craignent que ces problèmes ne détériorent fortement leur image sur le marché scolaire et qui attribuent ces problèmes à la diversité culturelle et sociale de leurs élèves, cherchent à

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restaurer les valeurs. Mais comment le faire quand les difficultés d’apprentissage mobilisent les énergies et quand il est impossible d’aborder la question des valeurs de façon directe sans que les références aux cultures n’enveniment la situation ? En mettant en place des dispositifs d’ECM centrés sur la mémoire, dispositifs dont la charge émotionnelle et la force de persuasion sont sensés donner de la crédibilité aux valeurs mises en avant. Ici aussi, il sera possible de démarrer des projets ECM en se basant sur les projets mémoire, en garantissant à l’établissement le caractère pacificateur des relations de la proposition et en travaillant sur les valeurs. Mais est-ce encore de l’ECM, est-ce encore politiquement acceptable ? Toute la question est là.

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9.1. De l’éducation citoyenne à l’éducation à la citoyenneté mondiale Dans l’étude, pour appréhender l’éducation citoyenne et l’ECM, nous utilisons deux concepts : Le capital citoyen composé de • dispositions à s’intéresser et participer au débat et de dispositions à agir sur ce débat, à traduire des positionnements en actions qui ont pour visées de transformer les situations vécues ou en débat ; • savoirs de compréhension (de quoi s’agit-il ?) et d’action (comment et que faire ?) qui rendent possibles et pertinentes la participation au débat et l’action sur la situation. Les champs : Ce capital citoyen s’exerce nécessairement sur des objets concrets, des thématiques et des espaces (champs) plus ou moins nombreux, plus ou moins larges. Plus ce capital citoyen est travaillé dans des champs différents et plus larges, plus il augmente et plus le citoyen est en mesure de le transférer vers d’autres champs. L’éducation à la citoyenneté est une action sur le capital citoyen des élèves dans des champs thématiques restreints et proches. Elle est une condition nécessaire à son élargissement vers d’autres thématiques et des espaces géographiques plus larges qui impliquent la dimension mondiale (ECM). Dans les écoles : l’enjeu Les écoles ont une mission d’éducation à la citoyenneté définie comme suit : « Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures ». La dimension mondiale n’apparaît pas clairement dans cette définition et les acteurs spécialisés de l’ECM ne peuvent se transformer en acteurs d’éducation civique ou d’éducation citoyenne pour s’adapter aux établissements et à leurs enjeux. Ce n’est ni possible, ni souhaitable. L’enjeu est donc d’introduire cette dimension mondiale dans l’éducation citoyenne (déjà très pauvre) des élèves. Ce que montre cette étude, c’est que cet enjeu ne pourra être rencontré qu’aux conditions suivantes :

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• •

Comprendre dans quel contexte scolaire prennent place les pratiques d’éducation citoyenne actuellement ; Comprendre comment, dans ce contexte scolaire, agir sur les établissements, leurs dispositifs et leurs pratiques pour leur donner une dimension mondiale et systémique.

9.2. Comprendre dans quel contexte scolaire prennent place les pratiques d’éducation citoyenne actuellement Les écoles s’appuient sur le « décret missions » pour justifier leurs dispositifs d’éducation citoyenne mais leur référence principale est leur projet d’établissement. C’est donc au niveau de l’établissement scolaire que se crée, évolue et se consolide le système de références relatif à l’ECM. Les établissements scolaires agissent essentiellement dans ce domaine pour ajuster leur image sur le marché scolaire et pour régler des problèmes liés à la dynamique interne entre les élèves, l’équipe éducative, le chef d’établissement. Ces deux questions sont liées : le positionnement sur le marché scolaire se mesure en termes d’ISE, celui-ci reflète la composition socio-économique des élèves. Les établissements qui ont un ISE faible connaissent plus de tensions dans la dynamique interne entre les acteurs parce qu’ils cumulent les problèmes d’apprentissages et les difficultés socio-économiques des élèves et de leur famille. Les établissements scolaires ont des dispositions différentes vis-à-vis de l’éducation citoyenne et de l’ECM selon l’option (politique) de la direction et des membres de l’équipe éducative. Les différentes configurations possibles entre ces acteurs disent donc comment la dynamique entre ces acteurs est en mesure ou non d’accueillir des pratiques d’ECM. C’est une première manière de classer les établissements scolaires de manière pertinente si on veut y introduire des pratiques d’ECM (cf. typologie des établissements). Dans ces établissements scolaires, pour agir sur les pratiques et mettre en œuvre de l’éducation citoyenne, voire de l’ECM, des dispositifs sont mis en place. Ces dispositifs sont intéressants parce qu’ils disent la manière dont les établissements comptent s’emparer de l’éducation citoyenne. Plus l’implication personnelle des élèves est grande et plus l’éducation citoyenne implique les contenus des cours et plus le dispositif se donne comme objectif d’agir sur l’institution, plus on aura de chances de développer le capital citoyen dans des champs thématiques plus diversifiés et à une échelle géographique plus large. (cf. typologie des dispositifs). Dans le cadre de ces dispositifs, en les respectant ou non, en les débordant parfois, vers plus ou vers moins, ou vers autrement, les membres de l’équipe éducative mettent en oeuvre des pratiques d’éducation citoyenne. Ces pratiques auront d’autant plus de chances d’augmenter le capital citoyen des élèves qu’elles permettent à tous les élèves de s’impliquer réellement, impliquent des contenus de cours, et mènent l’élève à s’engager personnellement. Et plus ces pratiques porteront sur des thématiques diverses à une échelle géographique plus large. (cfr typologie des pratiques) On peut donc concevoir une grille d’analyse à trois dimensions qui permet en progressant sur chacune de ces dimensions de passer de l’éducation citoyenne de mise en conformité dans des établissements mobilisés sur autre chose avec des pratiques d’adhérence, à une

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ECM de conscientisation politique dans des établissements mobilisés avec des pratiques d’émancipation élargie (le Saint Graal). On peut représenter cette grille comme un « Vu mètre à lampes led » dont on voudrait pousser la puissance des trois axes dans le rouge, ces trois axes étant relativement indépendants l’un de l’autre. Etablissements

De l’éducation citoyenne à l’ECM >>>>>>>>

Mobilisés

Dispositifs

De conscientisation politique

Pilotés

Assiégés

Dirigés

De conscientisation morale

De sensibilisation

Infiltrés Mobilisés sur autre chose

De mise en conformité

Pratiques D’émancipation élargie D’émancipation restreinte De délibération élargie De délibération restreinte D’adhésion militante D’adhésion assimilatrice D’adhérence militante D’adhérence neutralisante

Du point de vue des acteurs spécialisés de l’ECM, il serait souhaitable, pour renforcer les établissements scolaires et diffuser leur point de vue sur l’ECM, que les établissements scolaires nouent des partenariats avec eux. Plus ces partenariats seront négociés, coopératifs, plus on a de chances que ça marche. On peut donc rajouter à la grille d’analyse le partenariat comme un curseur à pousser vers le haut afin de faire monter les leds dans le rouge.

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De l’éducation citoyenne à l’ECM

Etablissements

Dispositifs

Mobilisés

De conscientisation politique

Pilotés

De conscientisation morale

Assiégés

Dirigés

De sensibilisation

Infiltrés Mobilisés sur autre chose

De mise en conformité

Pratiques

Partenariats

D’émancipation élargie D’émancipation restreinte De délibération élargie De délibération restreinte D’adhésion militante

Interventions concertées

D’adhésion assimilatrice

Intervention par procuration

D’adhérence militante D’adhérence neutralisante

Compromis d’intérêts matériels

Engagement mutuel coopératif

Autonomie partagée

L’intérêt de cette grille d’analyse est qu’elle permet de classer les établissements avec lesquels on travaille sur les différentes échelles, de mesurer à quel niveau (établissements, dispositifs, pratiques) se situent les forces et les faiblesses, de mesurer où se situe le curseur des partenariats. Il s’agit alors de faire évoluer tout cela vers des établissements mobilisés sur l’ECM avec des dispositifs de conscientisation politique, des pratiques d’émancipation élargie et des partenariats d’engagement mutuel coopératif. (Evoluer vers un contexte qui maximise l’action sur le capital citoyen des élèves et son approche via des thématiques variées et des espaces géographiques plus larges : ECM).

9.3. Comprendre comment, dans ce contexte scolaire, agir sur les établissements, leurs dispositifs et leurs pratiques pour leur donner une dimension mondiale A ce stade, le but n’est plus de mieux comprendre le contexte, mais de mieux l’utiliser pour implanter durablement des pratiques d’ECM en milieu scolaire. L’état des lieux des établissements permet de modéliser la réalité des établissements comme suit :

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Hypothèses de base Les établissements scolaires fonctionnent chacun avec un système de références propre en matière d’ECM. En matière d’ECM, les pratiques, les dispositifs et les positionnements des acteurs de l’établissement ont pour mission principale de régler des problèmes de dynamique interne et d’image sur le marché scolaire. Thèse : Il faut entrer dans cette rationalité pour faire de l’ECM dans les établissements. On pourra donner une dimension citoyenne et mondiale à ces pratiques si on parvient à convaincre les établissements scolaires qu’en renforçant le capital citoyen des élèves et en lui donnant une dimension mondiale, ils renforcent aussi leur position sur le marché scolaire et apaisent les relations et rapports sociaux dans l’école. Par contre, il ne sert à rien de vouloir rentrer dans les écoles pour expliquer aux enseignants ce qu’est l’ECM, pour les former à de bonnes pratiques en matière d’ECM, non que les enseignants sachent déjà tout cela, mais que les enseignants ont des stratégies qui sont appropriées à leurs objectifs. Ils ne feront évoluer ces stratégies que si elles contribuent mieux à atteindre leurs objectifs. Or, ce que l’étude a constaté, c’est qu’ils font déjà de l’éducation citoyenne dans cette optique et que les établissements qui combinent le mieux cette « éducation citoyenne » et leurs objectifs sont ceux qui « montent » le plus dans les trois typologies de la grille d’analyse (établissement, dispositifs, pratiques), autrement dit qui se rapprochent le plus de l’ECM. Les établissements ont donc des préoccupations différentes selon leur dynamique interne et leur positionnement sur le marché scolaire. Les monographies montrent les liens entre leur positionnement sur ces deux axes. Elles permettent de se rendre compte que : 1. Les établissements scolaires à ISE très faible, parce qu’ils donnent une priorité absolue à l’apaisement des relations et des rapports sociaux en leur sein, abordent l’éducation citoyenne sur des thématiques plutôt centrées sur les valeurs civiques, les confrontations culturelles, l’exercice de la citoyenneté ; 2. Les établissements à ISE faible, parce qu’ils doivent restaurer le vivre ensemble mais aussi continuer à convaincre de la qualité des apprentissages et convaincre les populations à ISE plus élevé de ne pas quitter l’école, abordent l’éducation citoyenne sur des thématiques plutôt centrées sur le vivre ensemble, la solidarité interpersonnelle, la valorisation des contenus de cours (compétences métiers par exemple dans le qualifiant), sur l’engagement citoyen ; 3. Les établissements à ISE moyen, parce qu’ils doivent garantir que les relations et les rapports sociaux sont bons dans l’école, abordent l’éducation à la citoyenneté sur des thématiques variées (vivre ensemble, citoyenneté, environnement, N/S) et abordant des dimensions mondiales, plutôt centrées sur la mobilisation des acteurs de l’établissement autour du projet comme garantie de qualité et laissant plus de liberté aux acteurs ; 4. Les établissements à ISE élevé semblent en revenir au civisme, à l’instruction et à la distinction. L’éducation citoyenne vise donc à la fois le civisme et la distinction, le trait d’union s’exprimant en termes d’exigence dans les contenus d’apprentissages.

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Cette monographie synthétique n’est pas exhaustive, nous ne prétendons pas avoir rencontré suffisamment d’établissements pour avoir rencontré l’ensemble des combinaisons possibles. Une tendance se dessine cependant : actuellement, c’est avec les établissements à ISE moyen qu’il semble le plus aisé de faire de l’ECM. Les établissements à ISE très faible, quand ils sont mobilisés, déploient des pratiques d’éducation citoyenne qui ont une réelle profondeur institutionnelle, qui transforme les rapports sociaux en leur sein. Ces établissements pourraient être renforcés par des dispositifs d’ECM qui élargiraient les champs sur lesquels se développe le capital citoyen des élèves, à condition de concevoir ces dispositifs en tenant compte du contexte spécifique de ces établissements. Ainsi (typologie des portes d’entrée), nous avons voulu montrer que les acteurs spécialisés en ECM, s’ils changeaient de posture, pouvaient aussi entrer dans tous les types d’établissements, à condition de concevoir leurs partenariats en termes de renforcement de la capacité des établissements à rencontrer leurs objectifs d’amélioration de la dynamique interne entre les acteurs et de leur positionnement sur le marché scolaire. Nous avons aussi voulu montrer que les établissements scolaires, s’ils faisaient vraiment de l’ECM, pourraient mieux atteindre leurs objectifs, à condition d’accepter que cette ECM ait de la profondeur institutionnelle, autrement dit, à condition d’accepter que l’éducation citoyenne puisse aussi transformer l’institution. On peut sur cette base, construire un outil (à enrichir de son expérience) qui questionne la pertinence de l’ECM en fonction des types d’établissements et des stratégies qu’ils mettent en place. La grille de lecture proposée est la suivante : • Le contexte de l’établissement scolaire ; • Position sur le marché scolaire (ISE et finalités premières) ; • Types de stratégies en fonction de ces finalités, dispositifs et thématiques qui les soutiennent ; • Pertinence de l’ECM dans ces établissements ; • Analyse du lien ECM/contexte des établissements ; • Proposition d’action s’appuyant sur ce contexte et sur les apports spécifiques de l’ECM ; • Place de la dimension mondiale. 1. Les établissements à ISE très faible Finalités premières : L’image sur le marché scolaire est mauvaise, l’établissement cumule les difficultés liées à la situation socio-économique des élèves et à leurs difficultés d’apprentissage. Les tensions dans les relations sociales sont nombreuses et les rapports sociaux sont tendus, conflictuels. Ces établissements ont comme finalité première de rétablir un climat plus serein pour les apprentissages et de redevenir une école attirante sur le marché scolaire.

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Dans notre étude, pour ce type d’établissement, les stratégies sont de trois types : Image détériorée : La focalisation sur les problèmes de comportement, les contestations internes, les violences éventuelles, l’incapacité qu’ils entraînent et qui les entretient à assurer les apprentissages. Pour réinstaurer l’ordre, le respect des règles : des projets civiques pour rééducation relationnelle et adhésion militante aux valeurs inculquées. Ces établissements sont plutôt du type dirigé, ou infiltré/assiégé quand le chef d’établissement est défaillant. Image menacée ou déclinante : La volonté de réguler les relations sociales au sein de l’établissement, de rétablir la confiance entre les acteurs, recréer du dialogue autour du « vivre ensemble » Pour recréer du dialogue autour du vivre ensemble : des projets qui abordent les questions de discriminations et d’exclusion, qui redonnent la parole aux élèves sur des sujets qui les concernent. Ces projets s’appuient quand c’est possible sur les contenus d’apprentissages, y compris, dans l’enseignement qualifiant, sur les compétences métiers. Ces établissements sont plutôt du type piloté/assiégé quand le chef d’établissement est défaillant. Image assumée : La volonté de transformer les relations/les rapports sociaux dans l’établissement, de mobiliser les acteurs, de créer un cadre instituant impliquant tous les acteurs et capable de redéfinir le « vivre ensemble ». Pour créer les conditions nécessaires à l’exercice de la citoyenneté : un dispositif de délégation et de concertation qui constitue un espace de débat impliquant tous les acteurs et débouche sur des transformations de l’institution. Ces dispositifs impliquent peu les contenus de cours, fonctionnent plutôt en parallèle, en référence à la mission d’éducation à la citoyenneté. Ces établissements sont plutôt du type piloté/dirigé et impliquent nécessairement le chef d’établissement. La pertinence de l’ECM dans ces établissements : Elle passe par un travail préalable d’analyse, par les acteurs spécialisés de l’ECM, de ce que peut apporter l’ECM à des élèves dominés, exclus, avec une image abîmée d’eux-mêmes, à des enseignants, des éducateurs, une direction, débordés, qui se sentent menacés et impuissants, et oscillent entre découragement et volontarisme. Il faut convaincre dans ces écoles que c’est en augmentant le capital citoyen des élèves, en les mettant dans des dispositifs de conscientisation politique, qu’ils parviendront à faire de la fierté parmi les élèves et dans l’équipe éducative. A cette fin, il faut proposer et mettre en œuvre de vrais projets citoyens, centrés sur les préoccupations réelles des élèves et qui augmentent la capacité des acteurs (élèves, équipe éducative) à agir sur leur environnement et à lutter contre les rapports de domination. La dimension mondiale risque fort d’être considérée par les élèves et les équipes éducatives comme un moyen de ne pas les prendre en considération si celle-ci n’est pas conçue en lien avec les sujets qui les animent et les concernent directement.

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2. Les établissements à ISE faible Finalités premières : L’image sur le marché scolaire est problématique, l’établissement cumule des difficultés liées à la situation socio-économique des élèves et à l’augmentation des difficultés d’apprentissage (hétérogénéité et très grande diversité des situations scolaires des élèves). Les tensions dans les relations sociales sont nombreuses et les rapports sociaux ont tendance à se durcir. Ces établissements ont comme finalité première de conserver des élèves à ISE plus élevé en empêchant que les tensions latentes n’altèrent la qualité des apprentissages et de devenir une école mieux considérée sur le marché scolaire. Dans notre étude, pour ce type d’établissement, les stratégies sont de quatre types : Image détériorée : La volonté de mettre en avant les valeurs positives, rassembleuses qui sont portées par l’établissement et sont censées représenter la bonne ambiance, favorable aux apprentissages, que l’établissement cherche à instaurer en son sein pour rassurer son public, lui redonner envie de s’inscrire dans l’école. Pour créer une bonne entente et refaire du lien : des projets de toutes sortes, à différents niveaux (portés par des élèves, portés par des enseignants dans leurs cours, portés par l’établissement en extra-scolaire). Les projets animent l’établissement et existent à cette unique fin. Ils ne portent pas spécifiquement sur des contenus de cours. Ces établissements sont plutôt du type dirigé, ou assiégé quand le chef d’établissement est défaillant. Image déclinante : La volonté de ne pas laisser les relations sociales au sein de l’établissement se détériorer, de recréer de la fierté au moyen des apprentissages en liant les contenus de cours (ou les compétences métiers) à des préoccupations actuelles, liées à la modernité (prestige). Pour recréer de la fierté autour des apprentissages : des projets qui donnent du sens à ces apprentissages en les prenant au sérieux, en abordant les questions de discrimination et d’exclusion par le biais de la valorisation des apports de la diversité culturelle dans les contenus de cours et en y introduisant les préoccupations environnementales. Ces établissements sont plutôt du type piloté/assiégé quand le chef d’établissement est défaillant. Image menacée : La volonté de conserver une mixité sociale apaisée, de rassembler les acteurs autour de la défense d’une vision de l’établissement : ouvert sur le monde, tout le temps en mouvement et s’intéressant aux grands enjeux actuels. Pour créer une multitude de projets sur des thématiques diverses : un dispositif de valorisation des projets, présentés comme renforçant à la fois les apprentissages et l’éducation citoyenne des élèves. La seule contrainte est de rester en lien avec les apprentissages pour rassurer aussi sur la qualité de ceux-ci. Ces établissements sont plutôt du type piloté/dirigé et impliquent nécessairement le chef d’établissement.

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Image assumée : La volonté de faire de son image sur le marché scolaire un atout en mettant en avant une mixité sociale revendiquée, source de richesses à la fois pour les apprentissages et l’éducation citoyenne. Pour créer à la fois les conditions nécessaires à la participation citoyenne et une multitude de projets sur des thématiques diverses : un dispositif de démocratie participative interne à l’école et accroché aux projets, ceux-ci devenant des enjeux de la participation, et pouvant même éventuellement avoir une certaine profondeur institutionnelle. De la cohérence entre les trois axes (démocratie participative, projets ECM et qualité des apprentissages) dépend l’image de « bonne école » de l’établissement. La pertinence de l’ECM dans ces établissements : Elle passe par un travail préalable d’analyse, par les acteurs spécialisés de l’ECM, de ce que peut apporter l’ECM à des établissements qui vivent la difficulté de l’hétérogénéité sociale et scolaire des élèves dans un contexte concurrentiel. A tout moment, cette hétérogénéité sociale peut basculer vers une homogénéité à ISE très faible, parce que les familles les plus aisées subissent l’appel des sirènes des établissements à ISE moyen qui semblent mieux garantir les apprentissages et l’avenir, l’employabilité de leurs enfants. Il faut convaincre dans ces écoles que c’est en renforçant les liens entre les pratiques citoyennes, les projets ECM et les contenus de cours qu’ils pourront être crédibles sur le marché des bonnes écoles tout en vivant une hétérogénéité sociale apaisée. Pour le dire autrement, l’hétérogénéité sociale n’est un plus pour les apprentissages que si elle est vécue dans la solidarité interpersonnelle et dans des projets collectifs. Il s’agit, ici aussi, de montrer qu’en augmentant le capital citoyen des élèves, en les mettant dans des dispositifs de conscientisation politique, ils renforcent à la fois la motivation pour les apprentissages et l’image de l’école sur le marché scolaire. A cette fin, il faut proposer et mettre en œuvre de vrais projets d’ECM, centrés sur des contenus de cours et qui augmentent la capacité des acteurs (élèves, équipe éducative) à vivre l’hétérogénéité sociale dans la solidarité collective. La dimension mondiale peut ici être un moyen pour faire lien avec les contenus de certains cours et avec les grands enjeux actuels qui motivent les projets portés par l’établissement. 3. Les établissements à ISE moyen Finalités premières : L’image sur le marché scolaire est bonne, mais l’établissement a le sentiment de ne pas maîtriser totalement son image sur le marché scolaire. Il craint de subir la concurrence d’établissements à ISE élevé, cherche à s’en distinguer (ne se perçoit pas comme élitiste) mais pas trop. Les difficultés liées à la situation socio-économique d’élèves ou à des difficultés d’apprentissage ne sont pas envahissantes ce qui rassure sur la capacité à en maîtriser les effets. Il y a peu de tensions dans les relations sociales et les rapports sociaux ne sont pas vécus comme problématiques. Le cadre de référence est la réputation de l’établissement. C’est au nom de cette réputation que les uns et les autres se positionnent. Les projets jouent un rôle de stabilisateur du public qui fréquente l’école. Ils permettent à l’établissement de se situer dans un créneau qui lui apporte l’essentiel de sa population scolaire. Dans notre étude, pour ce type d’établissement, les stratégies sont de deux types :

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Image menacée: La volonté de raviver la réputation de l’établissement, de remobiliser l’équipe éducative sur des projets qui permettent à l’établissement de se distinguer, de montrer la qualité de son travail en l’ancrant dans des projets qui rencontrent des préoccupations actuelles. Pour montrer le dynamisme de l’établissement et de son équipe pédagogique et son ancrage dans la modernité : des projets exigeants en termes de contenus d’apprentissages, qui abordent des questions parfois complexes concernant les relations N/S et l’environnement. Ces établissements sont plutôt du type piloté/dirigé et impliquent nécessairement le chef d’établissement. Image déclinante: La réputation de l’école a changé, l’équipe éducative vit le changement de profil des élèves comme une menace. Ils sont découragés et démobilisés, parce qu’ils sont confrontés à de nouveaux problèmes qu’ils ne savent comment prendre. La volonté de remobiliser tout le monde, de montrer que c’est encore possible. Pour mobiliser les élèves sur des projets et des thématiques diverses : un dispositif qui suscite et valorise des projets d’élèves, afin de changer l’image qu’ils ont d’euxmêmes et de leur école et, par là-même, remotiver l’équipe éducative dans son ensemble. La contrainte de rester en lien avec les apprentissages est présente, mais ce sont les projets en eux-mêmes qui doivent être réussis. Ces établissements sont plutôt du type piloté/dirigé et impliquent nécessairement le chef d’établissement. La pertinence de l’ECM dans ces établissements : Elle passe par un travail préalable d’analyse, par les acteurs spécialisés de l’ECM, de ce que peut apporter l’ECM à des établissements qui ne connaissent pas la difficulté de l’hétérogénéité sociale et scolaire des élèves mais qui ont besoin sans cesse de valoriser leur image pour garder leur place dans un contexte concurrentiel. A tout moment, cette image peut se détériorer si un dynamisme de production de projets énergivore n’est pas constamment assuré. Il faut convaincre dans ces écoles que c’est en intégrant, en reliant leurs projets à des pratiques citoyennes, en plus des contenus de cours qu’ils pourront être crédibles sur le marché des bonnes écoles. Les convaincre aussi que ces pratiques citoyennes pourraient leur permettre de voir avec plus de sérénité une certaine augmentation de l’hétérogénéité de leur public scolaire. Pour le dire autrement, l’hétérogénéité sociale pourrait être un plus pour les apprentissages puisqu’elle serait vécue dans un contexte de plus grande solidarité interpersonnelle. Il s’agit, à nouveau, de montrer qu’en augmentant le capital citoyen des élèves, en les mettant dans des dispositifs de conscientisation politique, ils renforcent à la fois la motivation pour les apprentissages et l’image de l’école sur le marché scolaire. A cette fin, il faut proposer et mettre en œuvre de vrais projets d’ECM, centrés sur des contenus de cours et qui visent à instaurer aussi l’exercice de compétences citoyennes dans l’établissement. La dimension mondiale peut ici s’appuyer sur les thématiques de l’environnement et des relations N/S qui motivent souvent les projets de ces établissements.

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4. Les établissements à ISE élevé Finalités premières : L’image sur le marché scolaire est excellente, mais l’établissement subit des critiques d’enseignement élitiste qui le motive parfois à montrer une certaine ouverture à l’éducation citoyenne. L’établissement a le sentiment de maîtriser totalement son image sur le marché scolaire. Il craint peu la concurrence, et peut se permettre de valoriser son image avec quelques projets. Il y a peu de tensions dans les relations sociales et les rapports sociaux ne sont pas vécus comme problématiques. La dynamique interne est fermée, au sens où il y a peu de place pour faire autre chose que garantir la qualité des apprentissages en vue des études supérieures universitaires. Dans notre étude, pour ce type d’établissement, il n’y a qu’un seul type de stratégie : Image assumée: La volonté de garantir la réputation de l’établissement, de remobiliser l’équipe éducative sur les apprentissages d’abord, sur les contenus de cours, c’est ce qui permet à l’établissement de se distinguer. Les projets doivent renforcer cette image. Pour montrer l’importance du civisme, de la distinction et de l’instruction : des projets visibles qui font essentiellement appel à des valeurs de respect, et paternalistes. Ces établissements sont plutôt du type dirigé et impliquent donc surtout le chef d’établissement.

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10.1. Pour les acteurs de l’ECM En dehors des écoles, quand les acteurs de l’ECM conçoivent des dispositifs d’ECM, partir de la situation des participants, des problèmes qui les mobilisent, est une démarche cohérente pour mener des actions d’ECM. L’enjeu est l’augmentation du capital citoyen des participants (capacitation) et son extension progressive à différents champs thématiques et géographiques. Dans les établissements scolaires, cela signifie que l’ECM sera non seulement mieux reçue mais aussi plus cohérente si elle part de ce qui mobilise les établissements (dynamiques internes et positionnement sur le marché scolaire en terme de dynamique d’image qui se détériore ou se renforce). D’une part les établissements scolaires sont surtout préoccupés par les situations concrètes qui les mobilisent et cherchent surtout à utiliser des thématiques ECM pour « normer, cadrer » ce qui les sert, d’autre part leurs partenaires (quand il y en a) ne perçoivent pas suffisamment ce qui mobilise les acteurs de l’école et ne voient donc que le caractère « non adéquat » des actions menées. Certains, pragmatiques, s’en accommodent (c’est mieux que rien), d’autres, plus « éthiques » les critiquent et cherchent à les détourner, les faire évoluer. Les uns et les autres se heurtent à des « résistances à faire vraiment de l’ECM » qui apparaissent comme des incompréhensions des enjeux de l’ECM alors qu’elles sont aussi des incompréhensions des enjeux de l’établissement scolaire. Bien sûr, au départ, la traduction de ces préoccupations en actions concrètes pour agir sur la dynamique interne de l’établissement et le positionner sur le marché scolaire débouche sur des dispositifs qui instrumentalisent l’ECM et semblent s’en éloigner. Mais l’identification et la compréhension de la configuration interne des établissements par les acteurs de l’ECM pourraient les aider à construire des démarches cohérentes, à partir de ces problèmes qui mobilisent les acteurs (champ restreint) en cherchant à renforcer les acteurs internes de l’école (augmenter le capital citoyen) dans leurs capacités à agir sur leur environnement (cf. typologie opérationnelle). En terme d’aide, cela signifie que les prescrits légaux sont inopérants. Mobilisés sur leur propre stratégie, les établissements vont chercher dans les textes de références ce qui appuie le dispositif qu’ils ont mis en place (aides) et dénoncent dans les mêmes textes ce qui les déforce (freins). De plus, rien n’est prévu au niveau institutionnel pour inspecter la mise en œuvre des Décrets (Missions, citoyenneté). Seules les disciplines sont inspectées. Ceci explique d’ailleurs la question du manque de temps : devant garantir le programme, indépendamment des projets mis en œuvre sur base de textes de références de l’établissement sans référence aux décrets « Missions et citoyenneté»… L’établissement est le seul niveau pertinent pour entrer dans les écoles. C’est donc lui qu’il va falloir investir.

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Pour l’UNESCO, « l’intégration de l’objectif de l’éducation à la citoyenneté mondiale dans les programmes scolaires nationaux est l’une des tâches les plus urgentes». Mais ce sera une rude épreuve quand on voit les enjeux rien qu’autour d’une heure de citoyenneté, et elle ne suffira pas puisque les textes de référence vraiment significatifs pour les acteurs rencontrés dans les établissements sont précisément les projets d’établissement. Et l’ECM peut commencer dans des champs restreints, à conditions de rencontrer à la fois la stratégie de l’établissement sur ses enjeux propres et de renforcer le capital citoyen des élèves. Trois démarches stratégiques sont proposées : •

Entrer dans les écoles par la grande porte à partir d’une approche militante :

Il s’agir d’entrer dans les écoles pour influer sur les dispositifs, en montrant le lien entre, d’une part, des dispositifs ECM cohérents et, d’autre part, une meilleure image sur le marché scolaire, une amélioration des relations dans l’établissement, une meilleure image et reconnaissance des élèves et des enseignants dévalorisés. Les partenariats se construisent sur cette base. Plus encore, les acteurs de l’ECM peuvent essayer de rentrer dans les conseils de participation ou dans les PO pour agir directement sur les dispositifs. •

Entrer dans les écoles par la petite porte sur base d’une approche pragmatique :

S’appuyer sur ce qui se fait et faire bouger les lignes en interne en s’appuyant sur les partenaires internes (mobilisés, conscients) en bonne connaissance de ce sur quoi l’établissement est mobilisé. Si le partenaire interne est dans le dispositif alors faire le lien entre ECM et ce sur quoi l’école est mobilisée. •

Entrer dans les écoles par la porte de derrière sur base d’une approche infiltrée :

S’appuyer sur le partenaire interne infiltré et, en bonne connaissance de ce sur quoi l’établissement est mobilisé, veiller à ne pas le mettre en difficulté, ne pas perturber les stratégies de l’établissement par rapport à ce qui le mobilise.

10.2. Pour les acteurs des établissements scolaires Les acteurs des établissements scolaires qui veulent faire de l’ECM doivent intégrer l’idée que c’est en partant des réalités de l’école que l’ECM a d’une part le plus de chances de s’implanter vraiment et d’autre part le plus de chances d’être efficiente. C’est aussi avec les projets qui renforcent vraiment le capital citoyen des élèves au niveau local qu’ils auront le plus de chances de transformer les dynamiques internes de l’établissement dans le sens d’une amélioration de leur image sur le marché scolaire. Certains établissements de notre échantillon montrent que c’est en améliorant le capital citoyen des élèves qu’on améliore les relations et la dynamique interne entre les acteurs et donc l’image de l’école sur le marché scolaire. De même, les projets interdisciplinaires, parce qu’ils rassemblent nécessairement des équipes d’enseignants autour d’un projet commun, parce qu’ils relient plusieurs champs même restreints, des contenus de cours et des possibilités d’action sur l’institution,

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maximisent les chances d’augmentation du capital citoyen des élèves et de son transfert dans d’autres champs (autres thèmes, autres niveaux géographiques). •

Entrer dans l’ECM par la citoyenneté locale

Pour les enseignants et les éducateurs, cela signifie que c’est entre eux qu’ils doivent être capables de déterminer ce qu’ils veulent en termes d’éducation, d’éducation citoyenne et d’éducation à la citoyenneté mondiale, et investir les instances de l’établissement pour y revendiquer des projets d’éducation citoyenne qui ont un impact à la fois sur l’institution et en termes de compétences citoyennes. (Etablissement mobilisé et dispositif de conscientisation politique) •

Entrer dans l’ECM par les disciplines

Les enseignants s’appuient sur leur cours, sur le programme, sur les compétences. Partir des contenus et les laisser questionner l’environnement local des élèves (l’école, le quartier). Montrer que c’est possible et souhaitable et que cela peut améliorer la dynamique interne de l’établissement et son image sur le marché scolaire dans le sens souhaité. (Etablissement infiltré, dispositif d’émancipation politique) •

Entrer dans l’ECM par les partenariats

C’est sur base de cette réalité aussi que les acteurs scolaires doivent négocier les dispositifs avec des partenaires externes qui ne font pas que leur apporter des ressources et des opportunités mais les adaptent pour tenter de rencontrer à la fois les objectifs de l’ECM et ceux sur lesquels l’établissement est centré. (Engagement mutuel coopératif)

10.3. Recommandations transversales Les freins et les aides identifiés par les acteurs des établissements scolaires sont ceux qu’ils invoquent pour justifier leur positionnement : ils connaissent les limites de leur dispositif et de leurs pratiques en terme d’ECM mais rappellent qu’on ne vit pas dans un monde idéal et qu’il y a des limites, que l’école vit enserrée des contraintes et que tout le monde n’est pas motivé comme ils le sont. Les stratégies des acteurs de l’ECM pourront améliorer leur impact dans les établissements en tenant compte de ces freins et en proposant des dispositifs qui pallient aux manques (de temps, de ressources, d’argent), déplacent les contraintes intériorisées et tentent d’influer les dynamiques internes (travail d’équipe, collaborations, etc.). De même, les acteurs de l’ECM peuvent améliorer leur impact en renforçant l’ECM dans les textes de références (Décrets, programmes, projets d’établissement, etc.), en s’appuyant sur les dynamiques internes positives pour eux (enseignant-partenaire interne, noyau d’acteurs militants, etc.) et en améliorant les ressources externes qu’ils apportent (contenus, outils pédagogiques, financement, appui logistique, etc.). Bien que, comme souligné antérieurement, les prescrits légaux ne sont pas les meilleurs leviers pour mobiliser les établissements dans des projets d’ECM, ils peuvent, plus particulièrement au niveau du

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projet d’établissement, faciliter la reconnaissance des projets existants et des équipes éducatives qui les portent ou encourager de nouveaux enseignants à s’y intégrer. C’est d’ailleurs en agissant sur ces freins et ces aides que depuis de nombreuses années, les ONG et les dispositifs d’ECM ont réussi à mener dans un nombre plus ou moins important d’établissements des projets d’ECM plus ou moins importants et satisfaisants. Cependant, il faut bien constater que ces projets ne touchent qu’une petite part des écoles, qu’ils ont des difficultés à se pérenniser et ne touchent que peu d’élèves en terme de renforcement de leur capital citoyen et dans des champs toujours limités, soit de manière thématique, soit de manière géographique. Cette frustration pour les ONG et ALC est d’ailleurs en partie à l’origine de cette commande : identifier mieux les freins et les aides, et les acteurs sur lesquels on peut s’appuyer pour augmenter le taux de pénétration et l’efficience de l’ECM dans les établissements scolaires. Ce que nous mettons ici en avant ne disqualifie pas ces freins et aides déjà identifiés dans d’autres enquêtes mais nous en constatons les limites opérationnelles pour les acteurs de l’ECM et tentons donc de les dépasser. Les résultats de notre enquête et de notre analyse nous ont permis de mettre en évidence l’instrumentalisation de l’ECM dans les établissements scolaires, non que les acteurs soient perfides, ne soient pas sincères quand ils exposent leur motivation à développer des projets ECM, mais que dans l’institution, ces projets sont d’abord le résultat d’une mobilisation des établissements sur d’autres enjeux et que ces projets ECM ne peuvent se penser qu’à partir de ces enjeux. Le travail actuel des partenaires externes sera renforcé s’il s’appuie sur ce constat : les établissements scolaires ne font de l’ECM que si les dispositifs qu’ils peuvent mettre en œuvre dans ce cadre viennent renforcer leurs stratégies concernant soit leur position sur le marché scolaire, soit des difficultés rencontrées dans les dynamiques internes entre les acteurs de l’établissement, soit concernant les deux en interaction. Autrement dit, si il est clair que dans les établissements scolaires de l’enseignement secondaire, les missions 2 et 3 du Décret Mission sont en concurrence, les programmes sont chargés, le travail d’équipe est difficile à mettre en œuvre et pas souhaité par tous, que plus de temps (ou moins à faire), plus d’argent et plus d’outils et de ressources seraient les bienvenus, et que les élèves ne sont pas a priori motivés, il est aussi primordial de savoir que tous les établissements scolaires subordonnent leurs actions ECM à la configuration interne de l’institution et en particulier à l’interaction entre les dynamiques internes entre les acteurs et le positionnement de l’établissement sur le marché scolaire. En effet, tant le questionnaire que les entretiens qualitatifs montrent que les freins et les aides invoqués par les acteurs de l’enseignement n’ont que peu d’impact sur leur pratique réelle. On pourrait se dire qu’en bons militants de l’ECM, ils se surpassent pour agir malgré les freins et le manque d’aide. Mais on est alors frappé par l’écart entre la relativement bonne connaissance qu’ils ont des enjeux de l’ECM et le décalage avec leurs pratiques

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réelles. De même, dans les établissements infiltrés, on se demande comment survivent des pratiques parfois importantes en termes de temps, de visibilité et de ressources, alors que le chef d’établissement semble assez éloigné des préoccupations de l’ECM.

10.4. Recommandations opérationnelles Si chaque établissement est d’abord mobilisé à partir de l’interaction entre les problèmes de positionnement sur le marché scolaire et les dynamiques internes entre les acteurs, il n’empêche qu’il existe aussi dans le système scolaire et dans les établissements des possibilités de mobiliser des acteurs de l’Ecole sur l’ECM. C’est tout le sens de ces recommandations complémentaires. Comme nous l’avons montré, ces acteurs peuvent agir comme alliés de l’ECM, en infiltrant, dirigeant ou assiégeant les établissements. Le constat sur l’état de la question (relation Ecole – ECM) dans le système scolaire tel qu’il est n’empêche pas de se demander comment il serait possible de faire évoluer la situation. Les entretiens avec les « représentants institutionnels » montrent qu’il serait intéressant d’explorer certaines portes entrouvertes pour faire évoluer les positionnements respectifs des acteurs spécialisés de l’ECM et les acteurs de l’Ecole. 1. Formaliser des espaces de dialogue et de concertation A l’instar d’autres pays, un dialogue entre les instances du ministère de l’enseignement et celles du ministère de la coopération devrait être entamé afin de faciliter une meilleure connaissance des priorités et logiques des fonctionnements des deux secteurs éducatifs et de mieux définir la plus-value du partenariat entre les acteurs scolaires et les acteurs spécialisés de l’ECM. Il s’agit à terme d’appuyer un enseignement de qualité qui intègre les nouveaux enjeux contemporains dans la formation des jeunes. •

Inexistant actuellement, un premier échange entre l’AGERS et la DGD permettrait d’appréhender le cadre de référence de chaque administration, d’identifier les personnes de contacts clés et d’envisager des pistes éventuelles d’échanges d’information ;



Le groupe de pilotage mis en place pour cette étude, regroupant des acteurs de l’enseignement et de la coopération au développement, constitue un espace privilégié pour son suivi. Le renforcement de ce groupe par d’autres acteurs (notamment ceux des réseaux d’enseignement) et sa formalisation sur la durée devraient faciliter l’élaboration d’une feuille de route partagée afin d’entamer différents travaux et stratégies qui facilitent une meilleure prise en compte des enjeux internationaux dans le programme scolaire ;



Au niveau du pilotage du système scolaire, les différents niveaux de pouvoir devraient inciter et favoriser des modes d’organisation du temps de travail des enseignants et des autres personnels de l’enseignement qui rendent possible le travail en équipe et le travail interdisciplinaire. L’objectif de mener dans l’établissement un projet interdisciplinaire à visée d’éducation citoyenne serait inscrit dans ces temps ;

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Au niveau des établissements, les acteurs spécialisés de l’ECM, afin de mieux s’imprégner de ce qui occupe les écoles, pourraient solliciter leur présence dans les Conseils de participation des établissements comme "représentant de l'environnement social, culturel et économique". Dans l’enseignement libre, la participation à certains Pouvoirs organisateurs devrait être explorée.

2. Entre acteurs spécialisés de l’ECM et acteurs du monde scolaire, élaborer et négocier ensemble un cadre de référence de l’ECM en milieu scolaire Les acteurs spécialisés de l’ECM et les enseignants et leurs instances doivent travailler ensemble au confluent de leurs deux domaines d’expertise afin d’adapter le cadre de l'ECM produit par ALC/ONG et produire un cadre spécifique de l'ECM en milieu scolaire. A cette fin, les acteurs spécialisés de l’ECM devraient prendre l’initiative de nouer des partenariats avec les enseignants, les établissements ou l’administration de l’enseignement dont le but serait d’élaborer ce cadre. Une des difficultés soulevées lors des entretiens tourne autour de la formalisation des compétences individuelles et collectives mobilisables par des démarches d’ECM. En effet jusqu’à présent, peu de documents de références ont été produits à ce sujet. A ce déficit s’ajoute la difficulté apparente d’articuler les compétences suscitées et pratiquées par l’ECM avec les référentiels des compétences disciplinaires, interdisciplinaires et terminales du programme scolaire. Lorsque ces articulations sont activées, elles le sont souvent de manière implicite. Les intentions n’étant pas explicitement formulées en objectifs. Au niveau de l’Inspection générale • Solliciter Mme La Ministre pour qu’elle mandate l’Inspection générale à mettre en place un groupe de travail chargé de construire et de formaliser les articulations entre les objectifs de l’ECM, les préoccupations des établissements scolaires et les programmes scolaires à partir des référentiels des compétences inter-réseaux Ce groupe de travail pourrait être constitué d’inspecteurs, de conseillers pédagogiques, de chefs d’établissements, d’enseignants de différentes disciplines, de représentants d’ALC et de la fédération des ONG. A l’instar du partenariat engagé ces dernières années par l’Inspection avec les acteurs de L’ErEDD63, ce processus, au-delà des résultats recherchés, faciliterait une meilleure connaissance des logiques institutionnelles respectives des acteurs en présence et une conscientisation de la plus-value de l’ECM, non seulement dans la formation des élèves mais aussi pour contribuer à renforcer les établissements scolaires. Au niveau de la formation initiale des enseignants et des éducateurs • Introduire la réalisation d’un projet concret d’éducation citoyenne mondiale dans le cadre d’un atelier interdisciplinaire dans la formation initiale des enseignants. Afin d’amener les enseignants (et les élèves) à s’approprier une méthode de questionnement systémique (favorable à l’ECM), la pratique de l’interdisciplinarité doit devenir une compétence professionnelle des enseignants. A cette fin, ils doivent 63

Education relative à l’environnement et au développement durable

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être formés à la didactique de l’interdisciplinarité et à sa mise en œuvre dans le cadre de l’élaboration de projets concrets à visée d’éducation citoyenne. Au niveau des équipes éducatives • Afin de valoriser les initiatives d’ECM menées au sein des écoles mais surtout afin d’identifier les apprentissages qu’elles suscitent et les compétences qu’elles mobilisent, tant pour les élèves que pour les équipes éducatives et les partenaires de l’ECM, il serait nécessaire d’impulser la systématisation de ces expériences par les enseignants. Ce référentiel articulant présentation et analyse des pratiques pourrait alimenter des rencontres d’échanges et d’expériences au sein d’un même établissement, entre établissements d’une même zone, au niveau de la FWB ou au niveau national ; rencontres à favoriser par une action conjointe du pilotage public et des acteurs spécialisés en ECM. Ces rencontres pourraient en outre déboucher sur l’élaboration d’une charte reprenant les attentes réciproques des acteurs spécialisés de l’ECM et des établissements scolaires et les traduisant en critères de partenariat ; • Ces mêmes acteurs rédigeraient un argumentaire méthodologique qui explicite la plus-value de l’ECM pour l’établissement tant au niveau des contenus et de l’approche pédagogique qu’au niveau des deux axes sur lesquels sont centrés les établissements (image sur le marché scolaire et dynamiques internes entre les acteurs), par exemple en termes de transformation des relations et des rapports sociaux, d’implication dans les apprentissages, d’ambiance générale dans l’établissement, etc. Au niveau des acteurs spécialisés en ECM • En complément à l’activation d’un groupe de réflexion proposé au niveau de l’Inspection générale, un travail commun plus opérationnel entre ALC/ONG et enseignants permettrait d’explorer les contenus disciplinaires inhérents aux démarches d’ECM, d’identifier les savoirs et compétences qui peuvent entrer dans des démarches d’ECM et d’adapter l’offre des acteurs spécialisés en ECM aux attentes des différents types d’établissements. En particulier, créer une offre qui s’appuie sur les contenus disciplinaires et les compétences de l’enseignement qualifiant (compétences métier). Au niveau des élèves • Ouvrir de réels espaces de proposition, de négociation et d’engagement dans les établissements dans lesquels les élèves peuvent faire émerger des projets qui ont une visée d’ECM et s’appuient sur les contenus disciplinaires de leurs cours. 3. Sensibiliser et renforcer la formation des équipes éducatives et des directions L’ECM est encore trop souvent perçue comme un « contenu » en dehors du domaine de compétence de l’enseignant, une activité de solidarité à réaliser bénévolement en parascolaire ou limitée à la représentation des élèves au sein des instances de participation des établissements. « Dans plusieurs établissements scolaires, la tendance est de considérer comme activité «citoyenne » tout dispositif permettant à l’élève de se faire représenter. Passons outre le fait que certains de ces

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dispositifs sont mis en place de façon « réactive » (par exemple, l’organisation d’un conseil d’élèves pour pallier des incivilités qui se sont produites ou des actes de violence qui ont été perpétués). Les systèmes de représentation facilitent certes le «vivre ensemble » et incarnent des formes plutôt socialisantes mais, il convient de rappeler que l’éducation à la citoyenneté ne se limite pas à une bonne intégration dans la vie de la classe ou de l’école. Il s’agit aussi d’agir et de prendre du recul par rapport à des enjeux plus vastes, afin de pouvoir s’engager à l’avenir dans le contexte plus complexe de la société. Or, il semble bien que comprendre les enjeux de cet engagement exige plus qu’une habileté à saisir le fonctionnement des institutions démocratiques et de leurs procédures »64

Les formations initiale et continue des enseignants et des directions apparaissent comme des lieux intéressants pour leur permettre d’appréhender et d’explorer la notion de citoyenneté dans un contexte de mondialisation et d’interdépendances planétaires à travers ses dimensions sociales, politiques, culturelles et économiques. Il ne s’agit pas de produire de nouveaux contenus mais d’aborder son métier à partir de nouvelles paires de lunettes. •

Comme déjà souligné, les directions, de par leur fonction, sont des vecteurs importants pour l’intégration et la reconnaissance de l’ECM dans les établissements. La promotion de l’ECM et de sa plus-value non seulement au niveau éducatif et interdisciplinaire mais surtout au niveau du renforcement des établissements est une piste à envisager dans le cadre de journées d’information ou de formation des directions.



Pour les équipes éducatives, au-delà des formations citoyennes proposées dans le catalogue de l’IFC, la promotion de l’ECM pourrait être structurée dans le cadre de journées de formation disciplinaires, de formation « métiers » du qualifiant, de formation à l’interdisciplinarité ou formation à l’éducation citoyenne, etc. Il s’agit de varier les portes d’entrée avec un objectif partagé entre acteurs scolaires et acteurs spécialisés en ECM « d’éducation de qualité pour tous », plutôt que de proposer des formations à une ECM de qualité à des enseignants qui cherchent avant tout à « instruire au mieux ».

Aujourd’hui, plus que jamais, « préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures », comme le souhaite l’article 6 du Décret « Missions » dépasse le strict cadre pédagogique et l’approche disciplinaire. Elle exige des décloisonnements pour développer un projet d’établissement, regroupant tous les acteurs du champ éducatif qui acceptent d’articuler des processus dynamiques d’apprentissage aux enjeux et défis qui se confrontent dans la société, le jeune devenant acteur de sa formation. In fine, l’objectif est moins d’intégrer une vision de l’ECM dans le système scolaire que de renforcer une vision de l’éducation émancipatrice. 4. Améliorer la communication à destination des acteurs scolaires

64

RIGNON P. & RUOL M., Les enjeux pédagogiques, philosophiques et sociaux de l'éducation à la citoyenneté, Namur : Centre Interface/UNamur, les cahiers Interfaces n°2, juin 2004, p.30.

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Tout au long de cette recherche, nous avons été frappés par la méconnaissance de la part des acteurs rencontrés du travail mené par le secteur de l’ECM et de la diversité des structures qui le composent. En dehors de quelques grandes ONG bien implantées dans certains établissements, les acteurs scolaires n’ont pas une visibilité de l’offre proposée en ECM. C’est moins le cas pour le dispositif ALC qui est mieux identifié et régulièrement sollicité, mais dans certaines zones plus que d’autres. Les partenariats avec des structures externes, quand ils existent, se concentrent plus particulièrement avec des organisations locales du quartier (des AM0, des associations patriotiques, des musées, des comités de quartier), des organisations d’ErEDD, ou avec d’autres écoles, plus particulièrement européennes, dans le cadre de projets Comenius. Souvent l’ECM est réduite à la mise en place des projets de voyages d’immersion dans le Sud ou au soutien des projets de solidarité dans un pays du Sud. Les écoles s’associent principalement avec des associations créées quelques membres du corps enseignants, par des structures religieuses ou par des associations non labellisées « ONG ». Au niveau des acteurs de l’ECM • La DGD, ALC et ACODEV, en complémentarité, devraient définir une stratégie de communication qui permette aux acteurs scolaires d’accéder non seulement à leurs offres d’appui (humain, pédagogique ou financier) mais également à des outils et documents de référence facilitant tant l’approche méthodologique privilégiée en ECM que certaines thématiques. Les initiatives prisent actuellement vont dans le bon sens ; • Bien que certains outils de communication existent déjà, la diffusion de ces informations posent problème, notamment car les directions des écoles sont débordées. Des initiatives plus dynamiques devraient être explorées, en concertation avec les acteurs scolaire, pour atteindre non seulement les enseignants, mais également les élèves, les éducateurs et autres personnels scolaires. Au niveau des établissements • De nombreux enseignants ont partagé leur souhait d’accéder à une information sur le secteur de l’ECM mais pas de manière dispersée. Une stratégie de diffusion de ce type d’information gagnerait à être mise en place dans une logique d’efficacité mais également d’ouverture à l’externe. Evidemment, bien que cela pose la question des moyens, la désignation d’une personne au sein de l’établissement pour coordonner, jouer un rôle d’interface et faire un premier traitement de l’information serait un atout indéniable.

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.

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Annexes Annexe 1. Annexe 2. Annexe 3. Annexe 4. Annexe 5. Annexe 6. Annexe 7.

Liste des écoles rencontrées Liste des représentants institutionnels rencontrés Guide entretien à destination des directions Guide entretien à destination des équipes éducatives Guide d’entretien ateliers avec les élèves de réthos Guide entretien syndicats et associations parents Questionnaire en ligne

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ANNEXE 1: Liste des écoles rencontrées Etablissement 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.

9. 10. 11.

12.

Athénée Royal Charles Rogier Ecole d’Hôtellerie et de Tourisme Institut Saint Sépulcre Institut SaintJoseph Lycée SaintJacques Liège Atlas Institut Saint-Jean Berchmans Ecole d'Ens. Secondaire Spécialisé de la CF Lycée Guy Cudell

Type(s) d’enseignement Transition

Réseau

ISE

Province

Commune

Direction

Officiel

9

Liège

Liège

Transition et qualification Transition et qualification Transition

CPEONS

8

Liège

Liège

Libre confessionnel Libre confessionnel Libre confessionnel Officiel

4

Liège

Liège

12

Liège

Chênée

12/13

Liège

Liège

4

Liège

Libre confessionnel Officiel

9

CPEONS

Transition Transition et qualification Transition et qualification Spécialisé

Transition et qualification Transition

Institut des sœurs Libre de Notre-Dame confessionnel Institut NotreTransition et Libre Dame de la qualification confessionnel sagesse Ecole souhaitant garder son anonymat

Classe rhéto X

Liège

07/11 1h 18/11 1h 07/01 40 min 18/11 1h 24/11 30 min 09/12

Equipe éducative 10/12 1h 16/12 1h 17/11 1h 24/11 50 min 24/11 1h X

Liège

Liège

09/12

X

X

/

Liège

Verviers

28/01

28/01

X

1

Bruxelles

St-Josse

01/12

1/12

X

8

Bruxelles

Anderlecht

X

9

Bruxelles

Ganshoren

13/01 1h 13/01 1h

27/01

21/01 2h 27/01

Bruxelles

/

X

X

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

27/01

27/11 2h X X X X

150

13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20.

21.

22. 23. 24.

25.

Institut des Ursulines Athénée Royal de Jodoigne Athénée de Nivelles Collège Da Vinci

Technique et Professionnel Transition et qualification Transition

Libre confessionnel Officiel

1

Bruxelles

Molenbeek

19

Jodoigne

Officiel

18

Transition

FELSI

10

Institut SainteMarie Athénée Royal de Gilly Collège Pie 10

Transition

Libre confessionnel Officiel

5

Brabant wallon Brabant wallon Brabant wallon Hainaut

La Louvière

2

Hainaut

Gilly

Institut Notre Dame de Charleroi Institut Provincial de Nursing du centre Collège NotreDame du Bonlieu Athénée Royal d’Athus Athénée Royal du Condroz-Ciney Ecole hôtelière Provinciale de Namur

Transition et qualification Transition et qualification Transition et qualification Technique (de T et de Q) et professionnel Transition Transition et qualification Transition et qualification Technique et professionnel

Nivelles Perwez

13/2 1h15 02/12

13/2 1h X

X

08/01 35 min 22/01 40 min 28/11 1h 06/01 1h 12/01 1h 29/01 50 min

X

X

22/01 35 min 28/11

X

06/01 50 min X

X

Libre confessionnel Libre

5

Hainaut

Chatelineau

7

Hainaut

Charleroi

CEPEONS

4

Hainaut

La Louvière

10/2 50’

10/2 40’

Libre confessionnel Officiel

17

Luxembourg

Virton

11

Luxembourg

Athus

15/01 50 min X

Officiel

14

Namur

Ciney

15/01 1h 15/01 40 min 23/01 1h30

CPEONS

16

Namur

Namur

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

10/3

X

23/01 (éducateurs1h30 X

X

X

12/01 1h30 X

10/2 2 classes 1h/groupe X X X

10/3 2 classes

151

ANNEXE 2 : Liste des représentants institutionnels rencontrés Institutions- Structures

Représentants institutionnels

Ministère de l’éducation MFWB - AGERS - DGEO – Cellule Citoyenneté RIFAUT Emmanuel Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire Inspection

DELFOSSE Philippe

Fonction

Chargé de mission Cellule Citoyenneté



Inspecteur général Service de l’Inspection de l’Enseignement secondaire ordinaire

IFC Institut de la Formation en cours de HICTER Anne Directrice Carrière Réseau ayant répondu à notre demande BETTENS Michel FELSI Fédération des Établissements Libres Subventionnés Indépendants LEONET Valérie

Secrétaire Général Conseillère

Syndicats CGSP – Enseignement CHARDOMME Pascal Centre Général des Services Publics CGSLB – APPEL Centrale Générale des Syndicats MANSIS Marc Libéraux de Belgique CSC – Enseignement Confédération des Syndicats ERNST Eugène Chrétiens SETCA – SEL Enseignement Libre SLFP – Enseignement Syndicat Libre de la Publique

LISMONT Joan

Fonction VANDEVOIR Daniel

Secrétaire Général Secrétaire Général

Secrétaire Général Permanent Communautaire (Président) Secrétaire Syndical (en charge du secondaire)

Fédérations associations de parents UFAPEC Union Francophone Associations de Parents l’Enseignement Catholique

HOUSSONLOGE des Dominique de HUBIEN Bernard

Animatrice, responsable de l’éducation permanente, chargée d’études et d’analyses d’éducation permanente Secrétaire Général

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

152

FAPEO Fédération des Associations de LECOMTE David Parents de l’Enseignement Officiel Secteur de la Coopération DGD DEWORME Michèle Service public fédéral Affaires étrangères, Commerce extérieur et COPPENS Coopération au développement D'EECKENBRUGGE Mara LUCY Magali ACODEV Fédération des ONG de Coopération ROEGIERS Hugo au Développement DEUTSCH Laurent

Animateur et formateur des délégués de classes Responsable Société civile (D3) Chef de service (Service ED)

D3.1

Chargée thématiques et qualité secrétariat Membre GPS scolaire Coordinateur GPS scolaire

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

153

ANNEXE 3: Guide entretien à destination des directions Etablissement Nom prénom + statut personne (s) interviewée (s) Réseau - Filière ISE Ville Date et durée entretien Intervieweur Preneur de notes

1. Quelles sont les pratiques d’éducation citoyenne dans votre établissement ? Ces pratiques sont-elles articulées à des enjeux plus globaux (dimension internationale, mondiale) ? 2. Quel rôle jouez-vous en la matière ? 3. Quels sont les cadres de références sur lesquels vous vous appuyez pour impulser ou pas ce type d’apprentissages et démarches ? 4. Quels sont, selon vous, les aspects prioritaires de l’ECM à aborder dans le cursus scolaire et/ou à travers des projets scolaires? Pourquoi ? 5. Quels sont les freins, obstacles rencontrés en la matière ? 6. Quelle est la plus-value de ce type d’approche pour les élèves, l’équipe éducative, l’établissement scolaire ? 7. Selon vous, que faudrait-il mettre en place ou mobiliser pour favoriser l’intégration de l’ECM dans les écoles ?

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

154

Annexe 4 : Guide entretien à destination des équipes éducatives Nom Etablissement Réseau - filière ISE Ville Personnes rencontrées fonctions Date et durée entretien Intervieweur Preneur de notes

+

1. Comment comprenez-vous les notions d’ECM ? Quelles valeurs et attitudes elle promeut ? Quels principaux thèmes elle explore ? 2. Pouvez-vous nous présenter des activités d’ECM qui ont été réalisées ces deux dernières années dans votre école ? Quels en étaient les objectifs ? Quelles compétences étaient visées? Quels ont été les processus mis en place ? 3. Avez-vous collaboré avec des acteurs externes pour mener à bien ces activités, séquences ? Oui / Non 4. Si oui, quelle appréciation faites-vous de cette collaboration ? 5. Sur base de votre expérience scolaire, comment analysez-vous la situation de l’ECM dans le système éducatif ? 6. Pensez-vous que l’école doit jouer un rôle plus important en la matière ? Pourquoi ? 7. Au sein des établissements scolaires, quels sont les acteurs qui devraient la prendre en charge ? Pourquoi ? 8. Quels sont les leviers et les freins à l’exploration des enjeux de l’ECM au sein de l’école ? 9. Que faudra-t-il faire pour faciliter et améliorer l’intégration de l’ECM dans les écoles ? ( Si nécessaire : ECM = donner les moyens de contribuer à un monde plus juste ce qui suppose ...Quels moyens donner et comment ? Comment contribuer ? Qu'est-ce qu'un monde juste ?

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

155

ANNEXE 5: Guide d’entretien ateliers avec les élèves de réthos Objectifs de l’atelier Recueillir auprès des élèves de 6ème/7ème secondaire • leurs intérêts concernant les mécanismes à l’œuvre dans nos sociétés mondialisées • leurs souhaits concernant l’exploration de ces enjeux au sein de l’école • des expériences significatives de conscientisation à ces enjeux en milieu scolaire 1. Présentation des animateurs et des objectifs de l’étude (10’) 2. Le débat mouvant (50’) Le débat mouvant est une technique de débat qui vise à permettre l’échange à partir d’une affirmation polémique. Consignes Les participants sont debout au milieu de l’aire de débat. L’animateur propose une affirmation polémique. Les participants, après quelques instants de réflexion, se positionnent dans un espace délimité (debout) par les panneaux : d’un côté s’ils sont «D’ACCORD», de l’autre s’ils ne sont «PAS D’ACCORD ». Quelques minutes permettent à chaque groupe de réfléchir sur son argumentation. Ensuite, le groupe minoritaire partage ses arguments. L’autre groupe présente les siens. On peut changer de camp autant de fois qu’on veut : cela signifie qu’on vient d’entendre un argument pertinent, persuasif, convaincant. Lorsqu’on change de place, il faut expliquer pourquoi (cela donne l’occasion à des gens qui parlent peu de s’exprimer). Quel est le rôle de l’animateur pendant ce débat ? Il distribue la parole, interroge les participants qui parlent le moins, interrompt ceux qui parlent trop, demande des précisions ou des exemples quand un argument est obscur, reformule pour aider le groupe à bien comprendre une phrase, rappelle les règles, relance la discussion. Il doit rester neutre pour pouvoir jouer ce rôle, ne jamais faire siens les arguments qu’il donne pour relancer le débat : « Oui, d’accord mais certains considèrent aussi que… » . Exemples d’affirmations: 1. Les jeunes ne se sentent pas concernés par le monde qui les entoure 2. C’est plus important de s’intéresser à ce qui se passe en Belgique que ce qui se passe ailleurs 3. L’école n’est pas assez ouverte sur ce qui se passe dans le monde 4. Un des rôles de l’école est de faciliter l’engagement concret des jeunes

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

156

ANNEXE 6 : Guide entretien syndicats et associations de parents A destination des syndicats Pour vous, l’éducation à la citoyenneté mondiale, c’est une nouvelle demande portée sur l’école ou une confirmation des missions de l’école ? Nouvelle injonction ou précisions par rapport au décret Missions ? Quels sont les relais en matière d’éducation à la citoyenneté mondiale en termes de référentiels légaux ? Posture politique ou posture éducative dans les missions d’enseignement ? Comment donner aux élèves les moyens de contribuer à un monde plus juste ? Pour vous, quels sont les freins de ce type de démarche ? Quels sont aussi les succès dans ce cadre ? Pensez-vous que faire de l’ECM est réaliste ? Si oui, comment et pourquoi? Avec quelles pratiques et quelles démarches pédagogiques ? ________________________________________________________

A destination des Fédérations des associations de parents Pour vous, nouvelle demande pour le monde scolaire ou confirmation, précision du décret missions ? L’éducation à la citoyenneté mondiale dans les écoles ? Quelles approches selon les associations de parents ? Quels relais en avez-vous ? Quelle est la volonté des parents par rapport au cursus scolaire ? Entre émancipation et conformisme ? Quelle mise en tension ? Répondre à l’adéquation du marché scolaire / entreprises ? Comment donner aux élèves du secondaire les moyens de contribuer à un monde plus juste ? Et si on vous consultait dans ce sens... les priorités selon vous ?

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

157

ANNEXE 7: Questionnaire en ligne

Une citoyenneté ouverte sur le monde : quelles approches dans les écoles ?

Bonjour, Cette enquête est réalisée dans le cadre d'une étude commanditée par "Annoncer la couleur", programme fédéral d'Education à la Citoyenneté Mondiale (ECM), en concertation avec la cellule citoyenneté de la DGEO. A destination des écoles secondaires, elle vise à 1. mieux comprendre ce qui se fait (ou pas) à l'école en matière d'ECM, dans quel contexte, avec quelle dynamique et quelles stratégies; 2. identifier les acteurs et comprendre leur rôle, leur dynamique et interactions. Afin de connaître votre point de vue et expérience en la matière principalement en tant qu'enseignant ou membre de la direction, nous vous invitons à répondre à ce questionnaire avant le 3 février 2015. Le temps estimé pour le compléter est de 20'. Ne fermez pas votre session durant le remplissage de l'enquête car vos données ne seront pas sauvegardées. En vous remerciant pour votre précieuse contribution, L'équipe de recherche

Sur l'ECM et les missions de l'enseignement 1. Quelle est votre fonction principale dans l'école ? Membre de la direction

Enseignant

Autre

Explicitez :

Il y a de nombreuses définitions de l'ECM (Education à la Citoyenneté Mondiale). Celle reprise par le Conseil de l'Europe est la suivante : "L'éducation à la citoyenneté mondiale est une éducation qui ouvre les yeux des individus aux réalités du monde et les incite à œuvrer pour davantage de justice, d'équité et de droits humains pour tous dans le monde."

2. Partagez-vous cette conception ? Totalement

Partiellement

3. L'ECM fait-elle l'enseignement ?

partie,

selon

Pas du tout

vous

des

missions

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

de

158

une seule réponse possible Oui

Non

Sans avis

4. Selon vous, les écoles secondaires devraient : une seule réponse possible "Ouvrir les yeux des élèves aux réalités du monde" "Ouvrir les yeux des élèves aux réalités du monde ET les inciter à œuvrer pour davantage de justice, d'équité et de droits humains pour tous dans le monde" Laisser l'ECM à d'autres agents de socialisation (la famille, les associations,...)

5. Quelles sont les problématiques à aborder en priorité dans le cursus scolaire ? hiérarchisez de 1 à 5 les plus importantes pour vous Les rapports entre pays occidentaux et pays "du Sud" La mondialisation et ses effets La pauvreté et les inégalités (y compris en Belgique) L'environnement, les ressources naturelles, le développement durable La consommation responsable Les rapports sociaux entre femmes et hommes Les identités, la diversité culturelle, le vivre ensemble les formes de gouvernance, la démocratie et la participation citoyenne La paix et la gestion des conflits Les formes de solidarité et de coopération Autre(s) Explicitez :

6. Les principes de l'ECM sont-ils explicités dans un document officiel qui vous concerne ? plusieurs réponses possibles Dans le projet éducatif de votre réseau Dans le projet d'établissement de votre école Dans le(s) programme(s) de votre (vos) discipline(s) Dans le décret missions Je ne sais pas Aucun Dans un autre document Explicitez :

Votre vision de l'ECM dans le cadre scolaire

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

159

7. Dans le cadre scolaire, selon vous, l'ECM doit être prise en charge par... plusieurs réponses possibles Certains cours spécifiques De manière transversale par l'ensemble du programme scolaire A travers des projets citoyens dans l'école A travers des projets d'école hors cadre scolaire, sur base volontaire

8. Dans le cadre scolaire, au niveau institutionnel, l'ECM doit être pour vous ... une seule réponse possible Organisée de manière ponctuelle selon les opportunités Organisée selon les opportunités mais en veillant à une certaine répartition par année Planifiée et programmée de manière régulière et récurrente

9. Le rôle principal de l'enseignant est une seule réponse possible D'enseigner sa discipline, l'ECM n'est pas de sa responsabilité D'enseigner et de sensibiliser les élèves aux grands problèmes du monde D'enseigner, de sensibiliser les élèves aux grands problèmes du monde et de leur donner les outils critiques pour mieux le comprendre D'enseigner, de sensibiliser les élèves aux grands problèmes du monde et de leur donner les outils critiques pour mieux comprendre le monde et de les mobiliser dans des projets d'actions citoyennes

10. Quelle(s) finalité(s) poursuivez-vous pour vos élèves ? hiérarchisez de 1 à 3 par ordre d'importance Qu'ils deviennent compétents dans la matière que j'enseigne/enseignée par mes collègues Qu'ils s'épanouissent dans leurs études Qu'ils poursuivent des études supérieures Qu'ils s'insèrent dans la vie professionnelle Qu'ils comprennent le monde tel qu'il fonctionne Qu'ils deviennent des acteurs critiques promoteurs de changement pour un monde plus juste

11. Quelles principales causes attribuez-vous aux inégalités internationales ? hiérarchisez de 1 à 3 par ordre d'importance

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

160

Le changement climatique, la fertilité des sols, le manque de ressources Les catastrophes naturelles (tremblement de terre, tsunami,...) Le capitalisme libéral, le système financier mondial et le diktat des multinationales L'incompétence et/ou la corruption des dirigeants des pays "du Sud" Les suites de la colonisation et de la décolonisation La politique protectionniste des pays occidentaux Les conflits identitaires et religieux (entre groupes, communautés, ethnies, tribus,...) Les logiques patriarcales et la violence envers les femmes Le manque d'instruction et de formation de certaines populations Autre(s) Précisez :

Sur vos pratiques d'ECM 12. Dans quel cadre menez-vous vos pratiques d'ECM ? plusieurs réponses possibles Je ne mène aucune pratique d'ECM (dans ce cas, vous allez automatiquement passer à la question 15) Dans le cadre de mon cours Dans un projet interdisciplinaire Dans un projet mené dans le cadre scolaire Dans un projet d'école hors cadre scolaire sur base volontaire pour les élèves

13. Avec quelle fréquence menez-vous des projets d'ECM ? une seule réponse possible De manière ponctuelle selon les opportunités Chaque année, selon les opportunités du moment Chaque année de manière programmée et récurrente dans l'école

14. Vous menez des projets d'ECM principalement avec des élèves de quel degré? une seule réponse possible 1er degré de l'enseignement 2ème degré de l'enseignement 3ème degré de l'enseignement

15. Voici une liste de freins qui peuvent vous limiter ou empêcher de réaliser des projets d'ECM. Pour chaque frein proposé, quel est votre positionnement ?

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

161

Frein paralysant Frein important

Frein léger

Sans impact

Manque de temps, programmes déjà trop exigeants Trop d'activités concurrentes, trop de sollicitations Trop d'investissement bénévole Manque d'intérêt personnel Manque d'intérêt, voire opposition, des élèves Manque d'intérêt, voire opposition, des collègues Manque de soutien, voire opposition, de la direction Manque de soutien, voire opposition, de l'inspection Manque de soutien, voire opposition, des parents Manque de reconnaissance, de légitimité en général Manque de lien avec votre matière Complexité des contenus à aborder Formation insuffisante Difficultés d'organisation (horaires, sorties, interdisciplinarité,...) Absence de lieux et d'espaces de coordination (instabilité des équipes, ...) Manque de moyens (matériels, financiers,...) Manque de soutien et de ressources extérieures

16. Voici une liste d'aides qui peuvent vous encourager et vous permettre de réaliser des projets d'ECM. Pour chaque aide proposée, quel est votre positionnement ?

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

162

Aide indispensable

Aide importante

Aide légère

Les recommandations officielles (décret Missions, décret citoyenneté,...) Le projet éducatif de votre réseau Le projet d'établissement Le soutien de la direction Le soutien des collègues La bonne organisation de l'école (réunions, coordination, travail d'équipe, existence d'un coordinateur de projet, stabilité des équipes pédagogiques, implication des différents Les aides et ressources extérieures L'implication des élèves Le travail interdisciplinaire entre enseignants Les liens entre les projets d'ECM et les programmes La visibilité du projet dans l'école Le soutien de certains parents et/ou de l'association de parents La valorisation du projet en externe (label, presse, concours,...)

17. Parmi les effets favorables des projets d'ECM, quel degré d'importance octroyez-vous à chaque proposition ? Prioritaire Important Secondaire

Superflu

Des effets en termes de savoir-être pour les élèves Des effets en termes d'apprentissages pour les élèves Des effets sur les enseignants Des effets sur l'établissement scolaire 18. Parmi les effets favorables des projets d'ECM, en termes de savoir-être pour les élèves, quel degré d'importance octroyezvous à chaque proposition ?

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

163

Sans impact

Prioritaire Important Secondaire

Superflu

(Re)motivation pour le travail scolaire (Re)motivation pour s'impliquer dans l'école Amélioration de la confiance en soi Plus grand civisme, de respect entre les élèves et vis-à-vis de l'équipe éducative Une sensibilisation aux injustices dans le monde Volonté de s'engager dans des actions sociales et de solidarité Autres Si autres, explicitez :

19. Parmi les effets favorables des projets d'ECM, en termes d'apprentissages pour les élèves, quel degré d'importance octroyez-vous à chaque proposition ? Prioritaire Important Secondaire Superflu Apport de sens aux apprentissages Développement de compétences transversales Développement de compétences disciplinaires Apprentissage de la citoyenneté active et critique Autres Si autres, explicitez :

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

164

20. Parmi les effets favorables des projets d'ECM sur les enseignants, quel degré d'importance octroyez-vous à chaque proposition ? Prioritaire

Important

Secondaire

Superflu

(Re)motivation des enseignant(e)s pour leur travail (Re)dynamisation des équipes éducatives Expériences et rencontres enrichissantes pour tous Une sensibilisation aux injustices dans le monde Plus de cohérence entre les discours et les actes Un plus grand engagement sur des enjeux sociétaux Autres Si autres, explicitez:

21. Parmi les effets favorables des projets d'ECM sur l'établissement scolaire, quel degré d'importance octroyez-vous à chaque proposition ? Prioritaire Amélioration de l'image de l'école Respect des textes officiels Ouverture de l'école au monde Cohérence entre discours et actes Nouvelles collaborations externes Changements structurels dans fonctionnement de l'école Autres

Important

Secondaire

Superflu

le

Si autres, explicitez :

22. Dans votre établissement, les compétences acquises dans le domaine de l'ECM font-elles l'objet d'une évaluation (formative ou certificative) spécifique ? une seule réponse possible Oui, systématiquement Oui, dans certains cas Non, elles sont évaluées dans un ensemble plus large de compétences Non, elles ne sont pas évaluées

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

165

Sur vos partenariats en ECM 23. Quels sont vos partenaires les plus réguliers ? plusieurs réponses possibles Aucun (dans ce cas, vous passez automatiquement à la question 32) Institutions publiques (communales, FWB,...) ONG belge ou internationale de coopération Association socioculturelle (ex : organisation de jeunes, d'éducation aux médias, ...) ONG d'un pays du Sud Annoncer la Couleur Autres

Citez le nom de vos partenaires les plus réguliers :

24. Par qui ces partenariats ont-ils été initiés ? plusieurs réponses possibles Un contact personnel d'un enseignant ou vous-même Une demande officielle de votre établissement scolaire Une démarche du partenaire extérieur Une campagne thématique initiée par l'ONG ou l'institution publique Autre(s) Explicitez :

25. En général, la collaboration s'organise autour de Toujours

Souvent

Rarement

Jamais

L'animation d'une animation ponctuelle proposée et menée par un partenaire extérieur Différentes interventions menées par un ou des partenaire(s) externe(s) dans le cadre d'un projet que vous menez Un accompagnement pédagogique de votre projet Un soutien à votre projet (supports pédagogiques et didactiques) Une formation pour les enseignants Un projet existant dans lequel vous vous intéressez La participation à une action concrète de solidarité (récolte de fonds, de dons, pétitions,...)

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

166

26. S'il s'agit d'activité(s) proposée(s) et menée(s) par ces partenaires externes, alors, c'est plutôt sous la forme de... Toujours

Souvent

Rarement

Jamais

Animations (exercices, jeux, photolangages, affiches,...) Cadrages thématiques Témoignages Conférences, projections de film, débats Stands d'information Vente de produits Animations, visites, rencontres à l'extérieur Autre(s) Si autres, explicitez :

27. S'il s'agit d'accompagnement pédagogique de votre projet, alors, c'est plutôt sous la forme de ... Toujours

Souvent

Rarement

Jamais

Avant le projet : une collaboration méthodologique pour le concevoir Avant le projet : une aide logistique (accès à des ressources, des contacts,...) Pendant le projet : une aide méthodologique (outils pédagogiques, documentation,...) Pendant le projet : une collaboration à l'animation Après le projet : une aide méthodologique pour l'évaluer Autre Si autre, explicitez :

28. S'il s'agit d'un soutien matériel à votre projet, alors, c'est plutôt sous la forme de ... Toujours Souvent Rarement

Jamais

Une aide financière Une aide matérielle (contacts, documentation,...) Autre Si autre, explicitez :

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

167

29. S'il s'agit d'une formation pour les enseignants, alors, c'est plutôt sous la forme de... Toujours

Souvent

Rarement

Jamais

Formation aux outils pédagogiques de l'ECM Formation à une problématique spécifique Formation aux contenus disciplinaires liés aux thématiques de l'ECM Préparation à un voyage d'immersion dans un pays du Sud Autre Si autre, explicitez :

30. S'il s'agit d'un projet existant dans lequel vous vous insérez, alors, c'est plutôt sous la forme de ... Toujours Un concours, une exposition, rassemblement... Une activité régulière Un atelier d'immersion Un voyage dans le sud Une campagne de solidarité Autre

Souvent

Rarement

Jamais

un

Si autre, explicitez :

31. De quoi êtes-vous particulièrement satisfait collaboration avec vos partenaires habituels en ECM ? Très satisfait

Satisfait

Insatisfait

dans

la

Très insatisfait

Disponibilité Capacité d'écoute et d'adaptation Convivialité Compétences Aide matérielle ou financière Apports méthodologiques Autre Si autre, explicitez :

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

168

Pour

vous

situer

(tout

en

maintenant

votre

anonymat) 32. Sexe Féminin

Masculin

33. Age (... ans) 20-24

25-29

30-39

40-49

50-59

60-65

34. Etes-vous adhérent(e)/bénévole au sein d'une association ? oui

non

Dans quel type d'association ? plusieurs réponses possibles Culturelle (théâtre, musique,...) Sociale (aide aux personnes...) Sportive Environnementale De coopération ou humanitaire (Oxfam, Père Damien, ...) Autre Explicitez

35. Depuis combien d'années occupez-vous de façon principale le poste que vous occupez actuellement ? (depuis.... années)

36. Quel est votre niveau de formation le plus élevé ? Régendat (bac)

Licence (master)

Autre

Si 'Autre' précisez :

37. Si vous enseignez des cours généraux, de quelles disciplines êtes-vous en charge ? possibilité de cocher plusieurs cases Français Mathématiques Langues étrangères Cours philosophiques Langues anciennes Sciences (bio, chimie, physique,...) Sciences humaines (histoire, géo, sciences sociales) Sciences économiques Eduction physique Je n'enseigne pas de cours généraux

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

169

38. Si vous enseignez dans le qualifiant, quels sont les domaines auxquels se rattachent vos cours? possibilité de cocher plusieurs cases Industrie Construction Agronomie Arts appliqués et beaux-arts Economie et secrétariat Habillement Hôtellerie, alimentation Education physique Services aux personnes Soin de la personne Sciences appliquées Je n'enseigne pas dans le qualifiant

39. Dans quelles classes enseignez-vous ? possibilité de cocher plusieurs cases 1e 2e 3e 4e 5e 6e 7e

40. Dans quel(s) réseau(x) travaillez-vous principalement ? Fédération Wallonie-Bruxelles Libre catholique Officiel communal Officiel provincial Libre non confessionnel

41. Dans quelles principalement ?

filières

enseignez-vous

ou

travaillez-vous

Général de transition Technique de transition Technique de qualification Professionnel Alternance Différencié

42. Indiquez le code postal de l'établissement dans lequel vous enseignez principalement

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

170

Avant de clôturer ce questionnaire, avez-vous des remarques ou commentaires à nous partager ? Nous vous remercions pour votre précieuse collaboration.

Merci pour votre collaboration !

__________________________________________________

Un questionnaire réduit reprenant les questions de 1 à 12 et de 32 à 42 a été distribué en version papier dans trois écoles afin de vérifier l’hypothèse du biais par rapport aux réponses du questionnaire en ligne.

Cartographie de l’ECM en milieu scolaire – HELMo- rapport final

171