Quelle est la place des femmes dans l'EI en 2016

des femmes en Europe. Le dernier incident remonte à 2 semaines, une jeune belge de 17ans avait pour projet de monter un commando féminin, elle a été arrêtée le 30 septembre. Pourquoi ces femmes veulent s'engager et rejoindre les rangs de l'État Islamique et quelle est leur place au sein de cette organisation ?
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Quelle est la place des femmes dans l'EI en 2016 ?

Depuis presque un an nous sommes témoin de la multiplication d'attaques terroristes perpétrées par des femmes en Europe. Le dernier incident remonte à 2 semaines, une jeune belge de 17ans avait pour projet de monter un commando féminin, elle a été arrêtée le 30 septembre. Pourquoi ces femmes veulent s'engager et rejoindre les rangs de l’État Islamique et quelle est leur place au sein de cette organisation ?

Des faits indéniables, mais difficiles à expliquer Il y a encore un ou deux ans, les femmes présentes dans l'EI étaient décrites comme soumises, des actrices de seconde zone. Leur rôle se cantonnait à celui de femme au foyer en étant de bonnes épouses et de bonnes mères. Elles étaient cependant responsable de certaines tâches, la principale étant de fournir la prochaine génération de soldats. Donner la vie et élever ces futurs « lions de l'Islam dans l'amour du djihad » comme elles le disent, est la première étape afin de poser les fondements du califat et donc créer une société durable. Dans un article du Gardian datant de 2014 la journaliste Homa Khaleeli les qualifiait même de « cheerleaders » , « les femmes tweetent lors des entraînement au tir, postent des photos de leurs armes mais les experts s'accordent à dire qu'il n'y a rien qui prouve qu'elles aient le droit de se battre ».

C'est dorénavant en contradiction avec les actions que les femmes entreprennent de nos jours. Comme le démontre l'attentat déjoué à Paris le 4 septembre dernier. En effet 3 femmes avaient pour projet de faire exploser une voiture face à la cathédrale Notre-Dame. Projet avorté quand elles se sont rendues compte que l'habitacle ne prenait pas feu. Ce n'était que la première étape d'une longue liste d'attaques qu'elles comptaient mettre en œuvre « elles préparaient vraisemblablement de

nouvelles actions violentes et de surcroît imminentes » a déclaré le ministre de l'intérieur français Bernard Cazeneuve le 8 septembre. Le procureur de la République de Paris, François Molins souligne que « si les femmes ont pu d'abord sembler être confinées à des tâches familiales et domestiques, force est de constater que cette vision est aujourd'hui largement dépassée. Daech utilise non seulement des hommes mais aussi des jeunes femmes qui font connaissance et noue leur projet de manière virtuelle. ». En effet, un grand nombre d'appels ont été lancés sur Facebook par Daech encourageant les femmes à passer à l'acte directement dans leur pays : « si vous n'arrivez pas à rejoindre la Syrie il vous faut attaquer la France et commettre une opération martyr » comme l'affirmait à l'époque Maëva, celle qu'on appelait « la marieuse de Daech ».

Des recrues de plus en plus jeunes François Molins souligne que « sur les derniers mois, nous observons une accélération des dossiers de jeunes filles mineures avec des profils très inquiétants, des personnalités dures ». Les départs de jeunes filles constatés en Europe, aux États-Unis ou en Australie ne font que renforcer cette crainte, il y aurait même plus de 500 femmes occidentales en Syrie d'après le Telegraph. Selon un rapport confidentiel des services de renseignement français dévoilé par France Info, les femmes représentent 35 % du contingent français de Daech contre 10 % en 2013. Alors comment sont recrutées ces jeunes femmes ?

Dans le rapport « Jusqu’à ce que le martyr nous sépare : le genre et le phénomène EI » publié par The Institute for Strategic Dialogue, co-écrit par Melanie Smith et Erin Marie Saltman, chercheuses se penchant sur les femmes et l’extrémisme, mettent elles aussi en évidence l'âge des candidates au djihad. Elles sont souvent en fin d'adolescence, la plus jeune répertoriée jusqu’à présent aurait 13ans, en quête d'identité. La plupart de ces jeunes filles font partie de la génération post 9/11,

constamment pointée du doigt par la population et les médias comme le problème du pays. Elles ont le sentiment d’être discriminées, stigmatisées et se sentent isolées dans la culture et la société occidentale. Les femmes choisissant de porter le hijab ou le niqab sont plus particulièrement ciblées. Elles sont donc à la recherche d'un sentiment d'appartenance qu'elles trouvent très souvent dans la propagande instituée par Daech. L'EI a développé une stratégie unique reconnaissant l'importance des femmes, les manifestes du magazine en ligne de propagande 'Dabiq' s’adressant aux « sœurs de l’État Islamique » se multiplient. Les femmes en charge du recrutement parlent sans cesse de la camaraderie, de l'unité et de la communauté qu'elles ont découvert au sein du califat, le tout illustré par des photos de femmes voilées posant ensemble. Daech leur promet un rôle d'importance dans cette utopie basée sur le devoir religieux, où elles seront libre d'exercer leur foi et donc protéger l'Islam.

Les recruteuses très actives sur Twitter, jouent sur la sensibilité de ces jeunes filles en leur envoyant des images ou vidéos de femmes et d'enfants brutalisés, affamés ou piégés dans les bombardements. Les ennemis sont clairement identifiés :le régime de Bachar El-Assad ainsi que les pays occidentaux s'opposant à l'EI. Cela crée une forte empathie envers la communauté musulmane, de la haine à l'encontre du gouvernement syrien et de la frustration envers ce qu'elles considèrent comme de l'inaction internationale. Elles se sentent donc comme des guerrières, se rendant dans un territoire en souffrance pensant qu'elles pourront sans doute aider la population opprimée.

Finalement, la promesse d'un mariage avec un combattant djihadiste est complètement glorifié. Ce sentiment romantique est nourri par la description faite de ces hommes :

« l'homme

djihadiste serait l'homme idéal, elles ont une image de virilité qu'elles mettent en opposition avec l'homme occidental, c'est un soldat capable de les protéger » précise la doctorante en sociologie des religions Géraldine Casutt. Le 'privilège' de devenir une veuve martyre est souvent recherché et

espéré.

Les femmes, moteur de radicalisation Nombreuses sont les femmes qui se sont radicalisées avant leur mari ou leur frère, croire que les hommes ont nécessairement l'ascendant idéologique est une erreur. La sœur de Mohamed Merah auteur de la tuerie d'enfants juifs à Toulouse en 2012, Souad Merah, a été la première de la famille à se convertir au djihad, elle fréquentait depuis 2001 des prédicateurs salafistes. Alors que son premier mari est incarcéré, elle plonge encore plus dans la radicalisation, à sa sortie de prison elle exige qu'il change de mode de vie pour devenir « un bon musulman ». Celui ci refuse, elle décide alors de divorcer et se remarie ensuite avec un salafiste strict et ensemble essaient d'embrigader le fils de sa sœur en l'emmenant en cachette à la mosquée et aux cours coraniques. Elle a été le pilier de l'endoctrinement des hommes de sa famille et continue à l’être avec la prochaine génération.

Pour Matthieu Suc, journaliste et auteur de « Femmes de djihadistes » ces femmes « sont beaucoup plus calées que les hommes en terme de religion » il explique ensuite qu'elles sont aussi « plus déterminées que les hommes dans le djihad ». C'est également le cas de Hayat Boumedienne, plus connue pour sa photo, voilée intégralement et pointant une arbalète à l'objectif. Elle a été la compagne d'Amedy Coulibaly le tueur de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes et de la policière de Montrouge en 2015. Dans l'entretien qu'elle a eu avec les policiers, Hayat Boumedienne avoue « Amedy n'est pas vraiment très religieux. Il aime bien s'amuser, il n'est pas du genre à se balader en tenue traditionnelle musulmane masculine. Il ne se rend à la mosquée que toutes les trois semaines » elle est loin de s’être fait embrigader par son mari, c'est même le contraire. Samia Maktouf, l'avocate des victimes de Mohamed Merah est convaincue que « ces femmes c'est la force, le point d'encrage des terroristes, elles agissent et jouent un rôle prépondérant, ce ne sont pas des victimes ».

Des femmes égales aux hommes dans la violence Pouvoir imaginer que la femme puisse être aussi dangereuse et létale que l'homme est une idée qui dans notre société, est dure à admettre comme le confirme Géraldine Casutt « une femme est considérée comme une victime avant d’être considérée comme une actrice de la violence ». Or, la violence est le lot quotidien des femmes décidant de rejoindre l'EI. Le passage obligé pour toute femme non-mariée ou seule avec ses enfants est le « maqqar ». Dans le livre « Dans la nuit de Daech », Sophie Kasiki partie faire le djihad en Syrie pendant 2 mois, décrit cet endroit comme « une espèce de crèche pour femmes où toutes les portes étaient fermées ». La violence n'était pas seulement en dehors, elle était aussi présente dans cet endroit à travers les télévisons qui diffusaient des images de propagande en boucle. Personne n'était épargné, les enfants et adolescents assistaient aussi à ces visionnages, elle ajoute même qu' « à coté d'eux, leurs mères pouvaient applaudir ou rire de ce qu'elles voyaient. Je me rappelle d'un homme dans une cage, qu'on brûlait. Les petits que j'ai vus, de 2 à 6 ans et plus, avaient l'air d’être habitués à cette violence ». En dehors du maqqar, les femmes se dénotent aussi par la violence extrême des sms envoyés les unes aux autres. La co-fondatrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, Dounia Bouziar décrit les messages qu'elle a pu se procurer et comme les hommes, elles s'échangent des photos macabres « elles apprennent à des enfants de un an à jouer au football avec des têtes coupées ».

Une chose tout aussi surprenante est la mise en place à Raqqa il y a deux ans, d'une brigade de femmes de la police islamique. Cette police religieuse appelée Al Khansa contrôle la bonne conduite des habitants, fait respecter ce qu'elle considère être les bonnes mœurs et leur impose les lois de la charia. Pour Farhad Khosrokhava, sociologue et directeur d'études à l’École des Hautes Études en sciences sociales « les protagonistes de l'EI donnent une forme de légitimité à ces jeunes filles et surtout leur confèrent du pouvoir sur les 'mauvaises musulmanes' ». Ces femmes armées,

terrorisent la population et n'hésitent pas à faire usage de la torture. Dans un documentaire réalisé en caméra cachée par Haya Al-Ali, la jeune syrienne constate que « les femmes de Daech se comportent exactement comme les hommes, elles fouettent les autres femmes. Si une femme commet un délit, la brigade la traîne de force dans une voiture et l’emmène en prison ». Les syriennes sont donc habituées à ce genre de scènes, qu'elles sortent du maqqar ou le vivent dans leur quotidien, le monopole de la violence n'est désormais plus tenu par les hommes.

Des femmes trop peu surveillées « Le focus judiciaire s'est davantage axé sur les hommes, c'est un stéréotype pour nous beaucoup plus facile, connu et compréhensible aussi par rapport à l'idée que l'on se fait du terrorisme » explique Béatrice Brugère, ancienne juge antiterroriste. Un cliché très alarmant compte tenu de la détermination et de la barbarie dont font preuve certaines femmes. Contrairement aux hommes, les femmes qui revenaient de Syrie n'étaient pas systématiquement interrogées. Et les chiffres le prouvent, elles sont seulement 22 à être mises en examen en France contre 213 hommes. Cependant Romain Caillet, spécialiste des mouvements djihadistes prévient « fatalement un jour une femme fera un attentat suicide et là on changera peut-être de perception du phénomène ». Les femmes dont la dangerosité a longtemps été ignorée, sont donc à surveiller, tout autant que les hommes, elles remettent donc en cause et complexifient la tâche des services de renseignement.

Une vraie évolution se met en place dans l’État Islamique, Daech décide de miser sur les femmes contrairement à Al-Qaida qui refusait radicalement de s'en associer. Pour l'instant les cas sont isolés ou n'ont pas été reconnus par l'EI et les avis divergent concernant le futur du rôle de femmes dans cette guerre. Pour Farhad Khosrokhava les cellules féminines djihadistes sont une « vraie innovation dans un monde arable musulman où seuls les hommes font des attentats » elles pourraient donc sévir mais en Occident, où elles sont plus autonomes. Géraldine Casutt au contraire

pense que « l'idéologie de Daech est fondée sur la complémentarité des sexes, ce n'est donc pas près d'arriver, le jour où l'EI annoncera que les femmes peuvent combattre, il sera très probablement en mauvaise posture ». Il est certain qu'il faut tempérer l'engagement physique des femmes dans l'EI cependant on ne peut nier ce virement stratégique. Le début d'une mobilisation féminine n'arrive qu'en ultime recours, on peut y voir un signe de faiblesse de l'EI qui voit chuter le nombres d'hommes morts sur le terrain.

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