Projet de loi C-452 – Loi modifiant le Code criminel (exploitation et ...

23 oct. 2013 - Par ailleurs, le projet de loi crée une présomption relative à l'exploitation d'une personne par une autre et il ajoute des circonstances ...
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Le 23 octobre 2013

Madame Maria Mourani Députée d’Ahuntsic 9880, rue Clark, bureau 100 Montréal (Québec) H3L 2R3 Objet :

Projet de loi C-452 – Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes)

Madame la Députée, Le Barreau du Québec a pris connaissance du projet de loi C-452 intitulé Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes) et vous soumet ses commentaires. Le projet de loi modifie le Code criminel afin qu’y soient prévues des peines consécutives pour les infractions liées au proxénétisme et à la traite de personnes. Par ailleurs, le projet de loi crée une présomption relative à l’exploitation d’une personne par une autre et il ajoute des circonstances présumées constituer de l’exploitation. Plus particulièrement, le projet de loi prévoit que « la preuve qu’une personne qui n’est pas exploitée vit avec une personne exploitée ou se trouve habituellement en sa compagnie constitue, sauf preuve contraire, la preuve qu’elle exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de cette personne en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation ». Finalement, il ajoute les infractions de proxénétisme et de traite de personnes à la liste des infractions visées par la confiscation des produits de la criminalité. La Cour suprême1 a confirmé, dans son analyse de l’ancien article 195(2) du Code criminel2 concernant le crime de proxénétisme, que la présomption permettant de donner lieu à une déclaration de culpabilité, malgré l'existence d'un doute raisonnable, portait atteinte à la présomption d'innocence contenue dans l'al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

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R. c. Downey 1992 2RCS10 Maintenant l’article 212(1) du Code criminel

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Madame la Députée Maria Mourani  Objet : Projet de loi C‐452 – Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes) 

La Cour concluait toutefois qu’il s’agissait là d’une limite raisonnable à l’exercice de ce droit constitutionnel, compte tenu du rapport de forces entre le criminel et la victime, de la présence de violence physique et psychologique à l’endroit de cette dernière, et donc, de la validité de son consentement à s’adonner à certaines activités de nature sexuelle. À ces arguments, la Cour soulignait que si le témoignage des victimes constituait généralement la seule façon d’obtenir la preuve nécessaire pour conclure à la culpabilité d’une personne soupçonnée de proxénétisme, celles-ci refusaient de témoigner, craignant des représailles de la part de leur souteneur. Ainsi, la présomption prévue par l’article 195(2) du Code criminel permettrait non seulement de protéger les victimes en leur évitant de témoigner contre l’accusé, mais en plus, constituerait une atteinte minime par opposition à un renversement de fardeau de la preuve, obligeant l’accusé de prouver, hors de tout doute raisonnable, son innocence. En ce qui concerne la proportionnalité de la présomption permettant de donner lieu à une déclaration de culpabilité, compte tenu de la preuve de cohabitation entre l’accusé et la victime, la Cour affirmait dans ces termes : « Le législateur a, par la présomption, fait porter son attention sur les cas où le fait d'entretenir des liens étroits avec des prostitués conduit raisonnablement à en déduire le fait de vivre des produits de la prostitution. Il n'y a pas réellement de danger que la disposition puisse entraîner l'inculpation de personnes innocentes qui partagent la vie de prostitués de façon légitime et non parasitique. Le ministère public présentera généralement une description suffisante pour établir la preuve du contraire. Sinon, il est facile de produire cette preuve. D'une façon ou d'une autre, la présomption sera écartée. En deuxième lieu, le paragr. 195(2) constitue une atteinte minimale à la présomption d'innocence. Tout ce que l'on demande à l'accusé c'est de faire ressortir un élément de preuve susceptible de soulever un doute raisonnable et il y parvient souvent par le contre-interrogatoire des témoins de la poursuite. La disposition ne le force pas nécessairement à témoigner. En adoptant le paragr. 195(2), le législateur a choisi une position raisonnable et adaptée aux besoins. Supprimer complètement la présomption récompenserait l'accusé pour l'intimidation de témoins vulnérables dans une situation où ce phénomène est répandu. Prévoir une inversion de la charge de la preuve qui imposerait à l'accusé une charge ultime encore plus lourde constituerait une atteinte plus grave à l'al. 11d) que la charge de présentation imposée par le paragr. 195(2). En troisième lieu, lorsqu'on pondère les intérêts de la société et ceux du particulier, il est évident que la mesure de l'atteinte est proportionnelle à l'objectif législatif. Compte tenu des problèmes sociaux qui découlent de la prostitution, il est très important d'obtenir des condamnations contre les souteneurs. Ce sont eux qui, souvent au moyen de la violence, encouragent les activités des prostitués, groupe particulièrement vulnérable de la société, et veillent à leur exécution. Le paragr. 195(2) 2

 

Madame la Députée Maria Mourani  Objet : Projet de loi C‐452 – Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes) 

vise non seulement à remédier à un problème social, mais également à accorder aux prostitués une certaine protection en supprimant la nécessité de recourir à leur témoignage. L'atteinte à la présomption d'innocence que constitue le paragr. 195(2) est minime3 ». À notre avis, ce même raisonnement trouve application dans l’analyse de la présomption proposée par le projet de loi C-452, à l’endroit des individus qui cohabitent avec la victime d’exploitation ou de traite de personnes. Ainsi, le projet de loi serait conforme aux enseignements de la Cour dans l’arrêt Downey. En espérant le tout utile à votre réflexion, veuillez recevoir, Madame la Députée, nos meilleures salutations. La bâtonnière du Québec,

Johanne Brodeur, Ad. E. JB/AVA/vs Réf. 149

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R. c. Downey 1992 2RCS10, p.12

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