pourquoi l'afrique francophone reste à la traine - Les Afriques

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DIPLOMATIE 1

MENSUEL INTERNATIONAL DIGITAL EN AFRIQUE

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ABDERRAZZAK SITAIL

N° 13 - mars 2014

POURQUOI L’AFRIQUE FRANCOPHONE RESTE À LA TRAINE ?

ER

lesafriques.com

AMBASSADEUR

DOSSIER

AVIS D’EXPERT

NOMINATIONS

POINT DE VUE

Quelle diplomatie pour l’Union africaine ? Interview : Wutibaal Kumaba Mbuta

Pourquoi l’Afrique francophone reste à la traine ?

«L’Afrique anglophone est plus autonome» Interview : Adama Gaye

S.E. Bangali Diakhabi, Quels enjeux pour la France ambassadeur de la et la GrandeGuinée en Iran Bretagne en Afrique ?

DIPLOMATIE Groupe Les Afriques Edition & Communication SA Au capital de 2’657’600.- CHF Siège Social : Rue du Cendrier 24 - 1201 Genève Suisse Président administrateur délégué

Abderrazzak Sitaïl Les Afriques Edition & Communication Europe SARL au capital de 160.000 € 149, rue Saint Honoré 75001 Paris France Les Afriques Communication & Edition Maghreb SARL au capital de 1.000.000 DH 219 bis, bd Zerktouni, Casablanca 20330 - Maroc Tél : +212 522 233 477 - Fax : +212 522 233 501 Directeur de la Publication Abderrazzak Sitaïl Rédacteur en chef Les Afriques DIPLOMATIE Ibrahim Souleymane [email protected] Secrétaire de Rédaction : Daouda Mbaye Rédaction : Walid Kefi, Tunis, Ismaïla Aidara, Paris, Dakar, Rodrigue Fenelon Massala, Abidjan, Achille Mbog Pibasso, CEMAC, François Bambou, Yaoundé, Bénédicte Chatel, Paris, Anne Guillaume-Gentil, Paris, Khalid Berrada, Casablanca, Sanae Taleb, Casablanca, Olivier Tovor, Lomé, Willy Kamdem, Yaoundé, Amadou Seck, Nouakchott, Mohamedou Ndiaye, Dakar. Responsable Artistique : Mouhcine El Gareh Maquettiste : El Mahfoud Ait Boukroum Directeur Développement et Marketing : Libasse Ka [email protected]

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SOMMAIRE

3

N°13 MARS 2014

3 AMBASSADEUR

Wutibaal Kumaba Mbuta est docteur en droit international public de l’Université Paris Descartes. Il nous livre ici sa vision des enjeux et des défis de l’Union africaine dans sa diplomatie aussi bien au niveau continent que sur la scène internationale.

WUTIBAAL KUMABA MBUTA

Quelle diplomatie pour l’Union africaine ?

4 DOSSIER

4

Le continent africain a été profondément marqué par les grandes puissances qui l’ont colonisé, notamment la France et la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, cette influence estelle toujours perceptible ? Entre la zone francophone et la zone anglophone de l’Afrique, quelle est la plus dynamique ? La plus stable ? Analyse.

5 AVIS D’EXPERT

Adama Gaye, consultant international, ancien conseiller Afrique de la candidature de Londres aux jeux Olympiques de 2012, nous livre les principales différences qui séparent les zones anglophones et francophones de l’Afrique, tant sur le plan économique, politique que culturel.

DOSSIER

Pourquoi l’Afrique francophone reste à la traine ?

6

6 AVIS D’EXPERT

Germain-Hervé Mbia Yebega, politologue et chercheur à l’Observatoire politique et stratégique de l’Afrique (OPSA), de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, analyse les aspects historiques, politiques et géopolitiques de ces «barrières» souvent invisibles, qui peuvent parfois séparer Anglophones et Francophones.

GERMAIN-HERVÉ MBIA YEBEGA

Francophones-Anglophones : des différences à nuancer

7 CONTRIBUTION

7

Patrick Sevaistre «La France s’est considérée comme l’éducatrice de ses colonies»

7 AVIS D’EXPERT

Jacques Manlay, expert Afrique anglophone du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN)

AFP, DR

Edition internationale

9

© Reproduction interdite sans l’accord écrit de l’éditeur

POINT DE VUE

2 • MARS 2014

Quels enjeux pour la France et la Grande-Bretagne en Afrique ?

JACQUES MANLAY

«Les Anglophones ont des mentalités d’entrepreneurs»

AMBASSADEUR

Quelle diplomatie pour l’Union africaine ? Wutibaal Kumaba Mbuta est docteur en droit international public de l’Université Paris Descartes. Il nous livre ici sa vision des enjeux et des défis de l’Union africaine dans sa diplomatie aussi bien au niveau continent que sur la scène internationale.

L

es Afriques Diplomatie : Comment analysez-vous la diplomatie de l’UA sur la scène internationale, notamment dans ses rapports avec les institutions internationales telles que l’ONU, le FMI, la Banque mondiale, le G8 ou encore le G20 ? Wutibaal Kumaba Mbuta : L’Union africaine apparaît comme un acteur et partenaire important de la gestion des conflits sur le continent africain. Il me semble que la voix de l’ONU accorde une attention particulière aux résolutions de l’Union africaine. On l’a vu en RD Congo. Les États membres de la SADC ont manifesté leur intention de combattre le M23. L’Union africaine a autorisé ce déploiement. L’ONU a décidé d’incorporer ces forces africaines au sein de sa mission en RD Congo, la Monusco. L’Amisom (African Union Mission In Somalia) créée le 19 janvier 2007 par le CPS a été entérinée le 20 février par le Conseil de sécurité de l’ONU à travers sa résolution 1744. L’ONU et l’Union africaine ont pour principale mission de fournir un soutien aux Institutions fédérales transitoires somaliennes dans leurs efforts de stabilisation du pays et dans la poursuite du dialogue politique et de la réconciliation. Originellement prévue pour être déployée pendant six mois avant le déploiement d’une force de l’ONU, elle a été renouvelée à plusieurs reprises par le Conseil de sécurité puis renforcée en 2012 pour atteindre le seuil des 17 000 soldats déployés. Par ailleurs, l’Union africaine mène une autre avec l’ONU au Darfour, c’est la Minuad qui a été créée, après l’adoption de la résolution 1769 du Conseil de sécurité de l’ONU, le 31 juillet 2007. La Minuad a essentiellement pour mandat de protéger les civils, mais elle est également chargée d’assurer la sécurité de l’aide humanitaire, de surveiller et de vérifier l’application des accords, de favoriser un processus politique ouvert, de contribuer à la promotion des droits de l’homme et de l’État de droit et de surveiller la situation le long des frontières avec le Tchad et la République centrafricaine (RCA) et en rendre compte. En matière économique, dans le cadre de l’OUA, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) a été adopté lors du 37e Sommet de l’OUA à Lusaka (Zambie) en juillet 2001. En 2002, une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en a fait la voie principale pour soutenir l’Afrique. Le projet de la Nepad est depuis le

Sommet d’Algérie en 2007 intégré au sein de l’UA. Mais, il s’agit des structures quasi indépendantes. À l’égard des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale, il me semble que l’Afrique apparaît assez marginalisée du fait de la faiblesse de son économie. La situation est identique au niveau du G20 : l’Afrique du Sud est seul pays du continent qui y est représenté. Il y a incontestablement une marginalisation du continent. Il apparaît donc que le rôle de l’UA avec ses différents partenaires, excepté en moindre mesure l’ONU, est marginal. Il appartient à l’Union africaine de travailler pour représenter l’Afrique au sein de ces organisations. L’UA doit siéger au sein du G20 et ne plus se contenter d’être de la place de l’invité. LAD : On parle souvent de l’octroi d’un siège de membre permanent à l’UA dans le futur, lorsqu’il s’agira de réformer l’ONU. Cette hypothèse vous parait-elle plausible ? L’UA peut-elle assumer une telle responsabilité ? W.K.M. : Oui, je pense qu’il s’agit d’une hypothèse plausible. Le poids économique et démographique va continuer à s’accroitre au niveau international. La plupart des opérations de maintien de la paix se déroulent en Afrique. Il est inconcevable que l’Afrique ne dispose pas d’un siège permanent au niveau de l’ONU. On ne peut pas expliquer ni comprendre le fait que l’Afrique soit en réalité le seul continent qui n’a pas de siège permanent au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU et qui ne peut donc pas peser dans la prise de décisions par cet organe de l’ONU. Dans ce contexte, il est légitime que l’on attribue un siège au sein du Conseil de sécurité de l’ONU à l’UA. Il faut que l’Afrique y soit représentée. LAD : Comment voyez-vous l’avenir de l’UA W.K.M. : L’Union africaine est appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans l’émergence économique et dans la gestion des conflits en Afrique. Face aux grands ensembles qui se constituent au niveau international, l’Afrique est une puissance démographique et économique par ses ressources naturelles stratégiques qui font fonctionner les usines dans le monde entier. L’Afrique a donc sa place dans le concert des Nations. La responsabilité première dans cette émergence de l’Afrique revient aux États africains et à ses dirigeants. Mais, un État seul ou un

dirigeant seul ne peut peser au niveau international et fondamentalement les autres ensembles ne sont pas pour l’émergence de l’Afrique comme une puissance. Il appartient aux États africains et à ses dirigeants de travailler dans le sens de l’affirmation de l’UA au niveau international. L’intérêt stratégique des grandes puissances, parmi lesquels la Chine fait désormais partie, pour l’Afrique va s’accentuer. L’Afrique est déjà un enjeu stratégique pour la grande puissance. Elle va être confrontée à l’ingérence des grandes puissances qui va s’accentuer. On est dans une dynamique inverse de celle qu’on a observée au lendemain de la Guerre froide, période pendant laquelle les grandes puissances semblaient se retirer du continent. Les États africains ont le choix soit de continuer à subir les rivalités entre les grandes puissances, soit de s’affirmer comme acteurs indépendants à côté des autres acteurs internationaux. Il faut que l’Afrique apparaisse à travers l’UA comme partenaire des autres grands ensembles mondiaux comme l’Union européenne, les ÉtatsUnis, la Chine, etc., et non pas comme un continent qui ne fait que subir la géostratégie de ces ensembles. L’UA peut permettre aux États africains de peser sur la scène internationale et de ne plus subir la politique étrangère des grandes puissances à l’égard des États africains et de l’Afrique. Cela est nécessaire, car je suis d’avis qu’avec l’émergence des nouvelles puissances intéressées par les ressources naturelles des États africains, ces derniers vont être confrontés à un regain de conflictualité lié à des rivalités géostratégiques entre grandes puissances, pour l’accès aux ressources stratégiques du continent africain. Propos recueillis par Ibrahim Souleymane

BIO-EXPRESS Wutibaal Kumaba Mbuta est docteur en droit international public de l’Université Paris Descartes. Il est expert en matière de gestion des conflits armés et du droit de la sécurité collective, spécialiste de la région des Grands Lacs. Il est l’auteur du Livre «L’ONU et la diplomatie des conflits : le cas de la République démocratique du Congo», Éd. L’Harmattan.

MARS 2014 • 3

DOSSIER

Pourquoi l’Afrique francophone reste à la traine ? Le continent africain a été profondément marqué par les grandes puissances qui l’ont colonisé, notamment la France et la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, cette influence est-elle toujours perceptible ? Entre la zone francophone et la zone anglophone de l’Afrique, quelle est la plus dynamique ? La plus stable ? Analyse. es anciennes colonies africaines de la France et la Grande-Bretagne font souvent objet de comparaison. Apparemment, les deux zones n’ont pas suivi les mêmes voies dans leur évolution. Lorsqu’on passe d’une zone à l’autre, des différences sont perceptibles en termes de dynamisme économique, de mode de vie, de gouvernance, etc. Par exemple, en Afrique subsaharienne, les pays francophones ne représentent que 19% de la part du PIB, contre 47% pour les anglophones (hors Afrique du Sud). Sur la période 2002-2012, la croissance moyenne des pays de l’Uemoa est inférieure de 2 points par rapport à celle des pays membres de la Communauté d’Afrique de l’Est. Selon les perspectives de l’OCDE, c’est la croissance des pays anglophones, comme le Nigéria et le Ghana, qui tirent la croissance du continent vers le haut.

L

Dynamisme économique L’Afrique anglophone s’en sort-elle mieux que l’Afrique francophone ? En tout cas, sur le plan économique, tout laisse à penser que les anciennes colonies britanniques restent les champions de la croissance en Afrique. En effet, sur ces 10 dernières années, selon plusieurs indicateurs, l’Afrique francophone afficherait de moins bons résultats que la partie anglophone.

L’Afrique coupée en deux ?

4 • MARS 2014

Lorsqu’on compare la zone anglophone de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et les deux principales zones francophones que sont l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) et la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), on constate en effet que le taux de croissance de 6,3% enregistré par l’EAC (Kenya, Tanzanie, Ouganda, etc.) est bien supérieur à celui des deux zones francophones qui affichent respectivement 3,7% et 4%, selon les chiffres de 2012. Par contre, cette différence est à nuancer, puisque le taux d’inflation est largement supérieur dans la zone anglophone. Que l’on s’intéresse aux indicateurs de croissance économique ou à ceux de l’accès aux nouvelles technologies (accès Internet et mobile), les pays anglophones occupent le podium. En effet, dans le top 10 des pays africains qui comptent le plus grand nombre d’utilisateurs Internet, 7 sont anglophones. L’insuffisance d’infrastructures dans les domaines de l’énergie, l’eau, le transport, etc., plus marquée chez les francophones, expliquerait aussi ce retard. Selon certains analystes, le franc CFA, la monnaie commune aux pays francophones, héritée du système colonial, et qui est rattachée à l’euro, reste surévaluée et ne reflète pas la

conjoncture de l’économie de ces pays. Ce qui pénaliserait leurs exportations.

Différence culturelle et politique Par ailleurs, la question de la différence culturelle entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone revient souvent dans les comparaisons. Du côté anglophone, les gens sont plus innovants notamment dans le milieu des affaires. Certains observateurs notent aussi l’importance de l’esprit d’entrepreneuriat qui reste plus développé chez les Anglophones, par rapport aux Francophones qui restent plus «bureaucratiques». Cette différence de culture s’explique aussi par le comportent des entreprises vis-à-vis de l’État. En effet, on constate que l’État «gère et décide de tout», du côté francophone. Alors que, du côté anglophone, «on n’attend pas», on lance sa propre initiative. Par ailleurs, la culture anglo-saxonne plus pragmatique favoriserait davantage l’esprit d’entreprise, le goût pour les affaires, alors que les citoyens d’anciennes colonies françaises caressent plutôt le rêve de devenir fonctionnaires. Comment améliorer les perspectives de la zone francophone ? Ce qui est sûr, les pays francophones gagneraient à calquer sur leurs voisins anglophones au moins les best practices qui expliqueraient leur dynamisme économique. Ibrahim Souleymane

AVIS D’EXPERT

«L’Afrique anglophone est plus autonome» Adama Gaye, consultant international, ancien conseiller Afrique de la candidature de Londres aux jeux Olympiques de 2012, nous livre les principales différences qui séparent les zones anglophones et francophones de l’Afrique, tant sur le plan économique, politique que culturel.

L

es Afriques Diplomatie : Lorsqu’on compare les zones francophone et anglophone de l’Afrique, quelles sont les principales différences qui émergent ? Adama Gaye : Les différences trouvent leur origine dans les racines des différentes formes de colonisation que les deux zones linguistiques ont connues. Quand l’administrateur colonial britannique d’alors, Frederick Lugard, a mis en œuvre, au début des années 1900, sa théorie de l’indirect rule, la gouvernance indirecte des colonies britanniques sur le continent africain, à partir du modèle qu’il a imposé au Nigéria, où il était le représentant de la Couronne britannique, il a semé les germes de ce qui différencie les pays sous colonisation britannique de leurs autres équivalents sous domination étrangère, surtout francophone. Car, à cette approche d’une gestion distanciée du pouvoir, par l’entremise de chefs traditionnels ou de collaborateurs disposés à l’égard de l’ambition impériale britannique, ce fut plutôt la stratégie de l’assimilation que la France développa dans les pays francophones qui se trouvèrent sous son joug. De ces deux variantes de la colonisation, il en est resté, de part et d’autre, des attitudes différentes vis-à-vis du pouvoir colonial et postcolonial, mais aussi dans la manière d’opérer dans ces deux sphères linguistiques. L’Afrique anglophone a développé une capacité à se gérer sans régent ni superviseur, elle est plus autonome, disons, plus débrouillarde. En revanche, refusant de sortir du parapluie français, les pays francophones ont continué, à ce jour, à vouloir rester dans la maison, disons, du père. D’où la persistance de la françafrique et des réseaux mafieux ou sulfureux qui, malgré l’indépendance de jure, maintiennent ces pays sous une forme néocoloniale pour ne pas dire coloniale de facto. Dans les faits, la ou les pays anglophones agissent souvent de leur propre chef, ceux du monde francophone guettent toujours le signal de Paris, avant de bouger, même sur les questions nationales. Il est vrai que les Britanniques, ruinés par la Deuxième Guerre mondiale, avaient voulu couper leurs pertes en lâchant véritablement leurs colonies tandis que la France n’ayant plus que ses colonies pour justifier une quelconque légitimité pour jouer les premiers rôles dans les affaires mondiales n’a eu d’autres ressources que de s’accrocher à elles. Sa décolonisation fut feinte. Elle est encore à traduire dans les faits !

LAD : Comment expliquez-vous la croissance économique supérieure que l’on note souvent dans la zone anglophone ? A.G. : Les pays anglophones ont appris à bien gérer leurs économies. C’est-à-dire à ne pas être des bébés qui attendent toujours le biberon de l’ancienne puissance coloniale pour peu qu’ils se trouvent confrontés à des difficultés. La question monétaire, instrument fondamental de gestion d’une économie que les francophones ont préféré céder à Paris, est une explication de la marge de manœuvre qui permet aux pays anglophones de faire de meilleurs résultats. La monnaie, dans leur cas, reflète la vraie situation de l’économie de leurs pays. Dans les pays francophones, nous sommes face à des États qui se contemplent dans le miroir de leurs compromissions, en refusant de reconnaitre les bulles nombreuses qui plombent leurs économies. Parce qu’ils sont aussi plus nationalistes, les pays anglophones sont devenus progressivement plus exigeants quant aux termes de l’exploitation de leurs ressources naturelles. Contenu local, transfert de technologie, transparence, mécanismes institutionnels plus solides de gouvernance économique sont d’autres atouts pour eux. C’est dans le verbiage démocratique, qui n’est qu’un vernis, qu’ils sont dépassés par les francophones. Pour ce qui est de l’économie, les Anglophones sont en avance. Ils ont introduit avant les Francophones des places boursières, des normes de gouvernance plus strictes et, il faut aussi le dire, les cadres anglophones s’y connaissent mieux en matière financière. Les zones anglophones sont assujetties à des turbulences monétaires et économiques plus fréquentes, mais la stabilité des pays francophones, qui est largement le fait du Léviathan français qui l’assure, n’est qu’illusoire. Elle pourrait s’effondrer quand sonnera l’heure de la vérité économique toujours évitée par ces pays trop contents de vivre dans un pré-carré, sous le parapluie de Paris. Ce qui fait enfin la différence, c’est que, bien avant les Francophones, les Anglophones ont tenté de séparer la gestion politique de celle de la finance. Il ne faut pas penser que l’éviction du gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, Sanusssi Lamido, par le président Goodluck Jonathan, y est un cas de figure répandu. D’autant plus que dans le monde francophone, malgré le climat aseptisé qui règne dans les couloirs des Banques centrales

francophones, on sait qui nomme qui : la preuve est la manière dont le gouverneur de la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest, nommé par l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, a été démis de ses fonctions et remplacé par un homme plus convenable pour les nouvelles autorités avec l’assentiment de Paris, bien sûr, et des autres pays francophones ouest-africains... LAD : Entre ces deux zones du continent africain, peut-on parler de rivalité ou de complémentarité ? A.G. : En vérité, elles vivent plutôt côte à côte. Elles ne se connaissent pas. Même les Ivoiriens et les Ghanéens, si proches pourtant aussi bien culturellement que géographiquement, ne se connaissent pas très bien. Les Francophones ont un avantage : la colonisation française a fait la promotion de l’enseignement de plusieurs langues étrangères dans leurs colonies, à commencer par l’anglais. Pas étonnant qu’on trouve plus de polyglottes dans ces pays qu’en Afrique anglophone, où l’unilinguisme est un fait à peine masqué par la prévalence de certaines langues locales. Ces deux zones auraient pu cependant être complémentaires pour diverses raisons, la plus importante étant que de part et d’autre on y trouve des combattants de l’intégration africaine, aussi bien à l’époque des pères fondateurs du panafricanisme qu’actuellement. Leurs économies sont complémentaires. La géographie les rapproche. Et des liens culturels existent depuis les temps ancestraux des grands empires africains qui leur font partager de nombreuses valeurs. Les rivalités ne sont pas vraiment à l’ordre du jour dans leurs relations. Propos recueillis par Ibrahim Souleymane

BIO-EXPRESS Adama Gaye est journaliste et consultant international. Il est conseiller de plusieurs multinationales intervenant en Afrique. Il a été le principal conseiller Afrique de la candidature de Londres 2012. Adama Gaye est titulaire de plusieurs titres de troisième cycle obtenus à la Sorbonne (Paris) et à Oxford. Il a été chercheur associé à la Johns Hopkins University. Il est l’auteur du livre «Chine-Afrique : le dragon et l’autruche».

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AVIS D’EXPERT

Francophones-Anglophones : des différences à nuancer Germain-Hervé Mbia Yebega, politologue et chercheur à l’Observatoire politique et stratégique de l’Afrique (OPSA), de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, analyse les aspects historiques, politiques et géopolitiques de ces «barrières» souvent invisibles, qui peuvent parfois séparer Anglophones et Francophones.

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es Afriques Diplomatie : Selon vous, quel héritage colonial majeur la France et la Grande-Bretagne ont-elles laissé à l’Afrique ? Germain-Hervé Mbia Yebega : Le système de domination coloniale dans ses préfigurations et ses manifestations est terriblement réducteur et pervers. Qu’il soit britannique, français, espagnol, portugais, arabe ou italien, il se fonde sur l’assujettissement et le renoncement total de l’autre. Des nuances d’appréciation dans la manière dont chacun des pays colonisateurs a fait valoir ces principes ne changent globalement rien à son essence. C’est l’interprétation même qu’ont les Africains de ce fait social total qui s’impose. En cela, les luttes de libération coloniale ont été un puissant facteur de conscientisation et de mobilisation. Elles ont accru cette exigence d’unité, cardinale, sans laquelle il n’est point de progrès. Cette question d’intérêt général n’était pas déterminée selon l’appartenance à chacun de ces espaces francophone et anglophone. En résumé donc, c’est ce sentiment horrible et scandaleux de domination et d’assujettissement qui demeure, ses meurtrissures venant s’ajouter à celles encore présentes des traites esclavagistes. Il faut en prendre acte et travailler aujourd’hui pour que plus jamais cela ne se reproduise. Les formes d’assignation auxquelles nous nous prêtons nous-mêmes sont donc tout autant peu porteuses. Les exemples sont nombreux au cours des dernières années : Burundi, Kenya, RDC, Rwanda, Côte d’Ivoire, etc. LAD : Pour faire un peu d’histoire. Ces deux colonisations française et britannique ontelles eu des influences similaires ou différentes sur les pays africains ? G.M.Y. : L’opinion dans les États francophones en Afrique a bien été marquée par la présence de la France, matériellement plus manifeste que celle de la Grande-Bretagne depuis les indépendances. Je pense aux bases militaires, à la Françafrique et ses nombreux travers... À l’échelle du monde, cela procède d’une certaine banalité. La Conférence de Berlin a posé les bases d’une répartition des zones d’influence dans le monde. Elle a été suivie d’autres rencontres : le

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traité de Versailles en 1918 et la fameuse conférence de Yalta en 1945, en préfiguration de la création des Nations unies et de l’avènement de la guerre des blocs, pour ne citer que quelques-unes des plus importantes. Cette division du travail du système international existe toujours. Une des preuves en est le rôle traditionnellement dévolu à la France en Afrique, par ceux que j’appelle les acteurs déterminants dudit système. Il lui est donné de sous-traiter certaines opérations, comme ce fut le cas en Libye, il y a quelques mois. L’Afrique n’est pourtant pas la seule à faire les frais de cette projection. Les pays d’Europe de l’Est, d’Asie et d’Amérique latine ont été ou sont placés sous la coupe de tuteurs de circonstance. La crise actuelle en Ukraine en est une des preuves. Tous ces rapides rappels sont pour situer l’Afrique dans la marche du monde. Pour relativiser aussi la particularité de chacune des présences, fixées globalement entre le début du 20e siècle et la fin des années 1950 (avec les relatifs relâchements de 14/18 et 39/45). Je n’ai pas la conviction que l’Habeas Corpus est le principe le mieux partagé dans les pays dits anglophones d’Afrique. Quant au centralisme jacobin de nos «ancêtres les Gaulois» (rire), il est loin d’être le mo-

dèle de configuration par excellence des sociétés africaines dites francophones. LAD : Les systèmes politiques peuvent-ils expliquer certaines différences entre les zones francophone et anglophone de l’Afrique ? G.M.Y. : De quels systèmes politiques parlezvous ? Nous avons tous connu l’expérience des partis uniques une trentaine d’années durant. Les guerres et les rébellions n’ont point été alors l’apanage des soi-disant Anglophones ou Francophones. Voilà que nous nous lançons dans un pluralisme démocratique d’importation. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, les mêmes constats sont à effectuer. Dans une interview récente, Koffi Yamgnane rappelait une certaine vacuité du soubassement idéologique des dynamiques politiques actuelles dans le continent. Il semble à mon humble avis que les lignes idéologiques étaient beaucoup plus marquées et identifiables lors des luttes anticoloniales. Nous sommes d’abord Africains, avant d’être rangés dans des déterminismes qui ne procèdent que très marginalement des dynamiques qui nous sont propres. Les véritables enjeux du décollage du continent dépassent heureusement ces contingences-là ! Propos recueillis par I.S

CONTRIBUTION

«La France s’est considérée comme l’éducatrice de ses colonies» Patrick Sevaistre, membre du comité de direction du CIAN. Membre du bureau de la Commission Afrique des conseillers du commerce extérieur de la France. a grande différence entre pays africains anglophones et francophones remonte loin. Elle tient à la différence de culture politique entre les anciens colonisateurs : la culture politique française selon laquelle sphère publique et sphère privée poursuivent des logiques opposées, contrairement à la culture anglo-saxonne où le processus de développement repose sur une relation gagnant-gagnant avec le secteur privé. Notre inconscient collectif reste profondément marqué par la colonisation romaine qui a duré 500 ans et qui, entre autres choses, nous a appris le sens et un très grand respect de l’Etat au point de l’écrire depuis avec un «E» majuscule. La mythologie romaine laisse des traces : Mercure est le dieu du commerce… mais aussi celui des voleurs ! Depuis, en France, le «logiciel» jacobin, étatiste, bonapartiste, gaullien a relayé, au fil des siècles, l’héritage romain, celui de la tradition chrétienne catholique, puis celui des Lumières et de la Révolution. Cette chaîne «logicielle» aboutit dans notre inconscient à un mépris des affaires et du capitalisme, et à l’inverse, à une sacralisation de l’État et de la haute fonction publique qui fait que, chez nous, le service de l’État a une grandeur que

L

le service de la seule économie n’aura jamais. Notre gestion coloniale (la gestion coloniale ndlr-) a été marquée par ce «virus». Nous avons en effet appliqué à nos colonies un système jacobin où tout était décidé à Paris et nous avons voulu privilégier un modèle d’assimilation là où les Britanniques ont poussé un modèle d’association. La France s’est considérée comme l’éducatrice de ses colonies, ce qui s’est traduit par l’envoi de missionnaires et d’administrateurs civils avec l’objectif de créer à l’échelle de l’Empire une France semblable à celle de l’Hexagone. Résultat : la colonisation française a été plutôt une colonisation de fonctionnaires et de missionnaires, alors que la colonisation britannique a été plutôt une colonisation de commerçants et de fermiers avec une forte empreinte «secteur privé». La culture britannique, qui n’est pas celle d’un peuple unique, mais celle du Royaume-Uni avec ses peuples anglais, gallois, écossais et irlandais gardant leurs coutumes et leurs histoires. Ce qui fait que les Britanniques ont gouverné leurs colonies en conservant les institutions locales (indirect rule). Dans son expansion coloniale, le gouvernement de Londres n’a jamais cherché à assimiler les populations soumises et a conservé leurs organisations, leurs

coutumes et leurs langues dans une logique d’association qui mettait en commun les richesses de son empire, le Commonwealth. De ce fait, l’ère postcoloniale n’a pas débouché dans les deux Afrique sur les mêmes comportements entre anciens colonisés et colonisateurs. Les ex-colonies britanniques ne font pas grief à l’ancien colonisateur d’un passé sans cesse ressassé. De leur côté, les Anglais ne se sentent pas aussi impliqués que nous dans les crises qui secouent leurs ex-colonies. Résultat, aujourd’hui les champions africains de la compétitivité (cf. le classement du World Economic Forum) sont principalem e n t a n g l o p h o n e s ( à l ’ e xce p t i o n d u Rwanda). Ils ont pour caractéristiques d’avoir développé une conception holistique à long terme du développement sur la base d’une relation gagnant-gagnant avec le secteur privé qui a permis de créer une culture de la compétitivité et de la responsabilité. De mon point de vue, c’est la grande supériorité des pays africains anglophones. En effet, cela n’a pas été le cas des pays d’Afrique francophone. C’est encore plus vrai de La Zone franc avec une monnaie sur évaluée qui a joué un rôle très négatif. I.S

AVIS D’EXPERT

«Les Anglophones ont des mentalités d’entrepreneurs» Jacques Manlay, expert Afrique anglophone du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) es pays colonisés par les puissances européennes étaient au départ différents tant par leur population que par leurs richesses naturelles existantes (ou à venir). Si la France a fait plutôt du copier-coller de son administration, l’Angleterre a toujours appliqué la loi «indirecte» et a gardé les structures locales civiles et religieuses ; au lendemain des indépendances, cela a facilité la construction des institutions. Les pays anglophones, associés dans le cadre du Commonwealth, se sont émancipés plus vite que les francophones ; ils n’ont dû compter que sur eux-mêmes et après des dif-

L

ficultés, ils sont parvenus à une «gouvernance apaisée», dont l’illustration se trouve dans les résultats d’élections, parfois serrées et contestées en justice, sans débordement. Le droit des affaires a suivi naturellement. La langue anglaise prédisposait à l’ouverture sur l’extérieur et la mondialisation a été une opportunité extraordinaire. Les Anglophones se sont habitués très vite à la concurrence, ils ont des mentalités d’entrepreneurs dans le bon sens du terme. Ils sont habitués aux changements de situation, s’adaptent très vite et sont en position de choisir leurs partenaires écono-

miques (Chine, Brésil, Turquie, Inde, etc.). Les capitaux du monde anglo-saxon (fonds de pension, la «City») se sont investis massivement dans leur économie. Les pays francop h o n e s s o n t p l u s d a n s u n e é co n o m i e administrée qui trouve une justification dans les pays pauvres, mais moins dynamique... Le développement des échanges transafricains, même si pour des raisons linguistiques et de mentalité il se fait en priorité entre pays de langue identique, devrait aider les pays francophones. Ibrahim Souleymane MARS 2014 • 7

MOUVEMENTS ET NOMINATIONS

Nouvel ambassadeur d’Italie aux Comores Le nouvel ambassadeur d’Italie aux Comores, S.E. Luigi Scotto, a présenté ses lettres de créance au Chef de l’État comorien, Dr Ikililou Dhoinine. Lors de cette rencontre, l’ambassa-

S.E. Bangali Diakhabi, ambassadeur de la Guinée en Iran Le nouvel ambassadeur de la Guinée en Iran, S.E. Bangali Diakhabi, a présenté ses lettres de créance au président iranien Hassan Rouhani. Lors de cette rencontre, le président Rouhani a déclaré que la promotion des relations avec les pays africains est l’une des priorités de son pays. L’ambassadeur Diakhabi a pour sa part souligné l’importance de l’Iran dans la civilisation de l’humanité, et rappelé la volonté de la Guinée à renforcer ses liens avec l’Iran. S.E. Ousseini Mamadou, ambassadeur du Niger au Maroc

deur Luigi Scotto a, dans un discours, rappelé l’initiative ItalieAfrique, lancée et qui vise à renforcer les relations entre l’Italie et l’Afrique et promouvoir «une série de projets de partenariats soutenables, notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie, des infrastructures et de la culture».

Le général Ousseini Mamadou est le nouvel ambassadeur de la République du Niger auprès du Royaume du Maroc. S.E. Ousseini Mamadou a été, entre autres, ministre de la Défense dans le gouvernement de transition mis en place après le coup d’État militaire qui avait renversé l’ancien président nigérien, Tanja Mamadou.

S.E. Eric Y. Tiaré, ambassadeur du Burkina en Espagne Le nouvel ambassadeur du Burkina Faso en Espagne, S.E. Eric Y. Tiaré, a présenté ses lettres de créance au représentant de la diplomatie espagnole.

Nouvel ambassadeur de la Guinée en Afrique du Sud

Nouvel ambassadeur d’Algérie à Djibouti

Le président guinéen Alpha Condé a nommé S.E. Mamady Camara, économiste et consultant international, comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Guinée en Afrique du Sud.

Le gouvernement djiboutien a donné son agrément à la nomination de S.E. Rachid Benlounes, en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’Algérie auprès de la République de Djibouti avec résidence à Addis-Abeba.

Avec les responsables espagnoles, l’ambassadeur Tiaré a notamment évoqué les initiatives à mettre en œuvre pour dynamiser la coopération sur l’axe Madrid/Ouagadougou. Avant sa nomination, S.E Eric Y. Tiaré avait auparavant servi en France et au Saint-Siège.

Genève, Suisse Le Sommet mondial sur la société de l’information (ou SMSI) est un forum mondial organisé par l’Union internationale des télécommunications (UIT), une agence de l’ONU. Il vise à réduire l’inégalité vis-à-vis de l’accès à l’information à travers les NTIC et l’Internet. Du 19 au 23 mai 2014 Assemblée annuelle du Groupe de la BAD, Kigali, Rwanda La prochaine assemblée annuelle du Groupe de

la BAD se tiendra à Kigali au Rwanda. Le thème de la rencontre est : «Les 50 années à venir : L’Afrique que nous voulons». Du 23 au 25 mai 2014 3e édition New York Forum Africa à Libreville, au Gabon La 3e édition du New York Forum Africa se tiendra du 23 au 25 mai 2014 à Libreville, au Gabon. Le thème de cette année sera «La transformation du continent».

AGENDA DIPLOMATIQUE 10-21 mars 2014 ONU/58e Session de la Commission de la femme à New York La 58e session de la Commission de la condition de la femme se tiendra au siège des Nations unies à New York. Du 23 au 25 avril 2014 UA/Session de la commission du travail, Namibie La session extraordinaire de la commission du travail et des affaires sociales de l’union africaine aura lieu à Win8 • MARS 2014

dhoek (Namibie) sur le thème : «Emploi, éradication de la pauvreté et développement inclusif». Du 27 mars au 1er avril 2014 UA/Conférence des ministres des Finances à Abuja, Nigéria La 7e Conférence des ministres de l’Économie et des finances de l’UA aura lieu, à Abuja, au Nigéria. Du 5 au 11 avril 2014 Forum urbain mondial (FUM) à Medellin, Colombie Organisée par ONU-Habitat depuis 2002, cette 7e

édition du Forum urbain mondial sera consacrée à «L’équité urbaine en développement - Des villes pour la vie». Avril 2014 Sommet Afrique-Europe Un sommet Afrique-Europe se tiendra en avril prochain. Ce sommet de 2014 sera l’opportunité pour l’Europe de repenser son partenariat et son agenda avec le continent africain. Du 19 au 23 mai 2014 Sommet mondial sur la société de l’information,

POINT DE VUE

Quels enjeux pour la France et la Grande-Bretagne en Afrique ? ême après l’accession des pays africains à l’indépendance dans les années 1950 et 1960, la présence et l’influence de la France et de la Grande-Bretagne ont été très visibles en Afrique. Par contre, on pourrait dire que, depuis la chute du Mur de Berlin, les Britanniques ont été plus discrets et moins interventionnistes. Alors que la prépondérance de la France dans la gestion des affaires du continent a atteint un point tel que certains sont allés jusqu’à la qualifier de «Gendarme de l’Afrique». Mais comment ces deux puissances exercent-elles leur influence sur l’Afrique ? Et quels en sont les enjeux aujourd’hui, plus de 50 ans après les indépendances ? Une chose est sûre. Les anciennes puissances coloniales convoitent encore l’Afrique pour ses richesses minières et pétrolières. Mais pas seulement. En effet, aujourd’hui d’autres enjeux géopolitiques entrent en compte, et font de l’Afrique une zone d’influence très importante, et qu’il faut bien ménager.

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Enjeux géopolitiques pour la France En Afrique, la France dispose de trois principales zones d’influence qui constituent son pré-carré : l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale et le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). Si ces pays ont accédé à l’indépendance politique depuis, l’influence française y reste toujours omniprésente, et ce, malgré la disparition progressive de la «Françafrique» et des «réseaux Faucard». Les destins de la France et de ses anciennes colonies d’Afrique restent encore très liés. D’une part, on peut dire que la France a besoin des votes de ces anciennes colonies d’Afrique, pour renforcer sa stature de puissance, sur la scène internationale. Que ce soit à l’ONU ou dans différentes organisations internationales, la France peut «toujours» compter sur la fidélité de ses alliés historiques. En échange, ces pays peuvent à leur tour compter sur la France pour les défendre, et même les représenter dans certaines sphères d’influence très fermées, et qui décident parfois du sort du monde. C’est le cas notamment au Conseil de sécurité de l’ONU où la France détient un droit de veto, avec quatre autres grandes puissances (USA, Russie, Chine, Royaume-Uni), ou encore au sein du G8.

Dans ce sens, notons que la France, alliée du Maroc, défend la position du Royaume sur la scène internationale et à l’ONU, sur le dossier crucial du Sahara, qui occupe une place prioritaire pour la diplomatie du Royaume chérifien. La France a aussi montré sa capacité à se mobiliser militairement à travers l’opération Serval pour défendre la souveraineté du Mali contre l’invasion des groupes djihadistes. Même si certains y voient aussi une volonté habile de la France de protéger ses intérêts économiques dans la sous-région. Mais de toutes les façons, il est tout à fait légitime aussi pour la France de protéger ses citoyens et ses intérêts économiques dans un continent en proie aux conflits. Et

Les anciennes puissances coloniales convoitent encore l’Afrique pour ses richesses minières et pétrolières. Mais pas seulement. En effet, aujourd’hui d’autres enjeux géopolitiques entrent en compte, et font de l’Afrique une zone d’influence très importante, et qu’il faut bien ménager. à l’instar des autres pays puissants qui convoitent l’Afrique (comme la Chine, la Turquie, etc.), la France, qui est sur un content qu’elle connait bien depuis plus d’un siècle, encourage et protège les activités économiques des entreprises françaises comme Total, Bolloré, Bouygues, Peugeot, Renault, Areva et les autres. Rappelons au passage que 75% des entreprises françaises présentes en Afrique réalisent plus de 40 milliards d’euros de chiffres d’affaires, selon les chiffres officiels du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique). Par ailleurs, la France entretient aussi un lien étroit avec ses anciennes colonies à travers le réseau de la Francophonie (Organisation internationale de la Francophonie) et qui s’élargit pour intégrer des pays qui ne sont pas des anciennes colonies françaises (il compte aujourd’hui 56 États membres).

Ibrahim Souleymane Rédacteur en chef Les Afriques DIPLOMATIE

Tout cela donne à la France un grand rayonnement et une grande influence sur la scène internationale et à ses anciennes colonies un fort sentiment d’appartenance à un groupe et une culture commune.

Enjeux pour la Grande-Bretagne Depuis les indépendances, la politique étrangère de la Grande-Bretagne en Afrique a toujours été assez souple et discrète, disons fidèle au «indirect rule». Alors que le système français tentait d’adapter les populations africaines à l’administration, les Anglais, eux, considéraient que c’est l’administration qui était au service des personnes et qui doit donc s’adapter aux populations. Les Britanniques ont opté pour l’autonomie interne («self gouvernement» ou «home rule»). La Grande-Bretagne réunit ses anciennes colonies au sein du Commonwealth, qui est l’ensemble des pays ayant fait allégeance à la Couronne britannique. Aujourd’hui, le Royaume-Uni peut toujours compter sur ses anciennes colonies pour assurer la sécurisation de son approvisionnement en ressources naturelles, notamment énergétiques. La Grande-Bretagne peut aussi compter sur les Dominions (les républiques membres du Commonwealth) pour soutenir ses positions au sein des organisations internationales et renforcer ainsi sa stature de puissance que lui confère son siège de membre permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Et depuis peu, la Grande-Bretagne est de plus en plus active aux côtés des États-Unis dans la lutte contre les groupes terroristes en Afrique. Boko Haram au Nigéria, les Shebab en Somalie, par exemple. Récemment, le gouvernement britannique s’est aussi engagé à envoyer 350 soldats pour soutenir les efforts de lutte contre les groupes djihadistes au Mali. Mais sur le plan sécuritaire, la tendance actuelle aussi bien pour la France que pour la Grande-Bretagne est d’aider les pays africains à prendre en charge eux-mêmes la sécurisation de leur continent. Le dernier en date est le Sommet Afrique-France tenu en fin 2013, en vue, justement, de mettre au point une force africaine de maintien de la paix, qui pourra fonctionner peutêtre à l’image de l’OTAN. Ibrahim Souleymane MARS 2014 • 9