L'interminable échec de la rue de la République

de finance internationale», dé- crypte Patrick Lacoste, d'un ... maire chargée du commerce il y a quelques mois. ... mais en charge de la gestion des actifs de ...
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Tout au long de la rue, de nombreux panneaux affichent des permis de construire prévoyant parfois une fin des travaux pour... 2013. PHOTO M.RI.

L’interminable échec de la rue de la République URBANISME 14 ans après sa réhabilitation menée par des fonds d’investissement avec le soutien de la mairie de Marseille, la rue de la République ne décolle pas. La moitié des commerces sont inoccupés et la plupart des logements sont vides.

C

’est l’histoire d’une population qui refuse d’investir une rue et d’une mairie qui la pousse obstinément à s’y installer. Depuis un siècle et demi, rien n’y fait : la rue de la République, anciennement rue Impériale (lire ci-contre), ne parvient pas à attirer les Marseillais. JeanClaude Gaudin l’assure pourtant : « La rue de la République, c’est mieux qu’avant ». À vrai dire, un simple coup d’œil suffit à convaincre du contraire. Le bas de la rue, côté Vieux-Port offre une vision crépusculaire en cette période de fêtes de fin d’année. Desigual a plié bagage,

Celio est parti depuis plus d’un an maintenant, O’Zen a tiré le rideau, H&M a fermé ses portes le 1er décembre, Michel Voyages a déménagé, Jules remballe en juin et Sephora est annoncé sur le départ… En fait, il ne reste plus qu’un resto Thaï, une pharmacie, une banque et le Starbucks. « Avant, il y avait un bar qui marchait du feu de dieu à la place. Mais quand le loyer a triplé, le patron est parti. Maintenant c’est une multinationale américaine qui ne paye pas ses impôts en France. Je ne risque pas d’aller boire un café chez eux ! ». s’exclame Michel Cuadra, la moustache rieuse. Mémoire vivante de la rue de la République. Il connaît tout le monde ici. Il est bien placé pour parler de son quartier. On a tenté, sans succès, de l’en expulser. Depuis, il aide les locataires à défendre leurs droits et à exiger des travaux à leur syndic.

Quartier artificiel

Retour en arrière. En 2004, la Société Immobilière de Marseille (SIM) vend la totalité des immeubles de la rue à deux fonds d’investissement. Lonestar, l’américain, rachète la partie Sadi-Carnot-Joliette et

ANF, le français, prend le côté Sadi-Carnot-Vieux-Port. Ils s’engagent à réhabiliter le quartier. L’objectif est clair et assumé : monter l’artère en grade pour attirer des cadres sup’ « ceux qui payent leur impôt », dixit Jean-Claude Gaudin. « C’est le péché originel. Ce chantier n’a jamais été une opération immobilière mais une opération de finance internationale », décrypte Patrick Lacoste, d’un Centre-Ville pour Tous. Les appartements sont retapés, les loyers doublés, les locataires relogés, parfois juste derrière… Hélas, ça ne prend pas. Les cadres sup’ tant espérés ne viennent pas, les appartements restent vides et les commerçants ne parviennent pas à s’installer durablement. 14 ans après, il ne reste plus que la maquette pour se remémorer le projet initial. « Cette maquette a sa place dans un musée… Le musée des illusions perdues », s’amuse Michel Cuadra. Aujourd’hui, deux opérateurs se partagent la rue. Primonial a racheté les parts de Lonestar et Atemi Méditerranée, filiale de Fréo Immo, celles d’ANF, pour 400 millions d’euros. Eux-mêmes ont revendu leurs logements à

d’autres agences immobilières et même à des offices HLM… « On a dépensé 100 millions d’euros pour rénover 14 immeubles de la rue. 90 % de nos bureaux sont occupés, 750 logements ont été vendus à la découpe », se défend Olivier Dubois, président de Freo Immo. Sachant que vente de logement ne signifie pas occupation. Avant de confesser : « 45% des locaux commerciaux sont pourvus », soit 55 % vides.

Absence de vision

Le dirigeant l’affirme pourtant : cette situation est provisoire. « On signe deux baux par mois en moyenne. On a un projet très clair désormais : le milieu de la rue sera consacré à l’équipement de la maison et le bas aux commerces de proximité indépendants et originaux », affirme Oliver Dubois. Du côté de Primonial, on annonce plus de restaurants avec une multiplication de terrasses sur le bas de la rue. « Sauf qu’ils visent toujours la même clientèle qui ne viendra pas plus demain qu’hier », réagit Patrick Lacoste. « Ça fait 14 ans qu’ils promettent la même chose », lance Michel Cuadra. La concurrence entre zones

commerciales en centre-ville explique aussi le manque de dynamisme de la rue, ici le Centre Bourse n’est qu’à quelques centaines de mètres. « Il y a clairement une suroffre commercial sur la ville », concède Nicolas Leonnard, directeur asset management chez Primonial. Depuis, le centre commercial du Prado ou les Docks Village sont, eux aussi, sortis de terre. « On a 860 000 habitants, je suis persuadée que l’on peut absorber trois centres commerciaux », assenait Solange Biaggi, adjointe au maire chargée du commerce il y a quelques mois. « Le vrai problème c’est l’absence de vision globale de cette municipalité », assène André Jollivet, ancien président de l’ordre des architectes Paca (lire ci-contre). Sandra Chalinet, directrice des Terrasses du Port, est désormais en charge de la gestion des actifs de Primonial… et ceux des Docks Village. Histoire de mieux déployer l’offre ? Pour Michel, Cuadra, ce ne sont que des gesticulations : « On ne change pas un quartier comme ça. Ils ont essayé de faire en quelque temps ce qui prend 40 ans d’habitude ». Marius Rivière