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thérapie efficace et sans danger pour le patient pourrait donc devenir une .... facteurs qui favorisent la conversion des monomères réduits vers sa forme mal ...
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REVUE

L’immunothérapie pour le traitement de la sclérose latérale amyotrophique Immunization approaches for the treatment of Amyotrophic Lateral Sclerosis Audrey Labarre, Bastien Paré, Lydia Touzel-Deschènes et François Gros-Louis Laboratoire d’Organogénèse Expérimentale (LOEX) Centre de recherche du CHU de Québec

Correspondance François Gros-Louis Hôpital de l’Enfant-Jésus (Bureau R-211) 1401, 18e rue Québec, Québec, G1J 1Z4 Canada 418 990-8255 poste 1708 [email protected]

Date de réception : 31 octobre 2012 Date d’acceptation : 5 avril 2013

Vol.2 n°2

AUDREY LABARRE ET COLL. 1

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Résumé La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie encore incurable caractérisée par la dégénérescence sélective des neurones moteurs du cerveau et de la moelle épinière. Des mutations dans le gène SOD1 sont l’une des principales causes génétiques connues associées à la SLA familiale. La découverte d’un mécanisme pathogénique basé sur la sécrétion de la SOD1 mutante a mené au développement de différentes stratégies d’immunisation afin de réduire les niveaux de la SOD1 mutante dans le système nerveux. Les protocoles d’immunisation développés ont tous mené au prolongement de la survie des souris transgéniques exprimant la SOD1 mutante. Le développement d’une immunothérapie efficace et sans danger pour le patient pourrait donc devenir une approche envisageable pour le traitement de la SLA.

Summary Amyotrophic lateral sclerosis (SLA) is an adult-onset neurodegenerative disease characterized by loss of motor neurons in the brain and spinal cord. Mutations in the SOD1 gene are amongst the major known genetic causes associated with familial ALS. The discovery of a secretion pathway for mutant SOD1 increased the possibility of using immunization approaches to reduce the burden of toxic SOD1 species in the nervous system. Both active and passive immunization protocols were successful in delaying the onset of disease and prolonging survival in immunized transgenic mice expressing mutant SOD1. Harnessing the immune system through immunization approaches might offer therefore promising future therapeutic avenues.

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Introduction

L

a Sclérose Latérale Amyotrophique

gène SOD1 trouvées chez les patients SLAF,

(SLA) est une maladie caractérisée par

ont déjà été générés (tableau 1). Dans tous ces

la dégénérescence sélective des neu-

modèles de souris, on observe la mort massive

rones moteurs du cerveau et de la moelle épi-

des neurones moteurs de la moelle épinière et la

nière. Elle se déclenche généralement à l’âge

perte d’axones myélinisés dans les racines ven-

adulte, entraînant une paralysie progressive et

trales motrices menant à des déficits moteurs,

la mort dans les 3 à 5 ans suivant l’apparition

de l’atrophie musculaire et à une paralysie fa-

des premiers symptômes. Environ 10% des cas

tale. En plus de la dégénérescence neuronale

de SLA sont familiaux (SLAF) et 90% sont spo-

observée chez ces modèles murins, on observe

radiques (SLAS) [1]. À l’heure actuelle, des mu-

également, de façon similaire à la pathologie

tations dans les gènes SOD1, TARDBP, FUS/

humaine, une astrocytose et une microgliose

TLS et C9ORF72 sont les principales causes

dans les tissus lésés. En dépit de ces similitudes

clairement identifiées de la SLAF [2-6]. Toute-

histopathologiques, le moment d’apparition des

fois, pour la plupart des cas de SLA, c.-à-d. les

premiers symptômes, la progression et la sévé-

cas sporadiques, les causes demeurent tou-

rité de la maladie diffèrent souvent de façon

jours inconnues. De façon intéressante, il a été

drastique. À ce jour, les chercheurs n’ont pas

démontré que les cas sporadiques partageraient

encore été en mesure d’établir une corrélation

avec les cas familiaux une voie pathogénique

entre ces différences phénotypiques et l’activité

commune impliquant le mauvais repliement de

enzymatique de SOD1, pouvant varier selon la

la protéine SOD1 [7]. Plus de 150 différentes

nature de la mutation, ou encore avec la sta-

mutations faux-sens dans le gène SOD1 ont été

bilité des différentes protéines SOD1 mutantes.

identifiées.

SOD1 est une importante métalloprotéine res-

Plusieurs modèles de souris transgé-

ponsable en quelque sorte de la défense contre

niques, surexprimant des mutations dans le

le stress oxydatif et la production de radicaux

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Lignée Publication originale Promoteur Expression du transgène Dégénération neurone moteur Stabilité de la protéine Début des symptômes Progression de la maladie Accumulation SOD1 mal repliée

G93Ahigh

G93Alow

G37R

G85R

hWT-SOD1

Sod1 KO

Gurney et al., Science 1994

Alexander et al., Brain Res Mol Brain Res 2004

Wong et al., Neuron 1995

Bruijn et al., Neuron 1997

Bruijn et al., Science 1998

Reaume et al., Nat Genet. 1996

hSOD1 Élevée Ubiquitaire

hSOD1 Faible Ubiquitaire

hSOD1 Faible Ubiquitaire

hSOD1 Faible Ubiquitaire

hSOD1

---

Élevée Ubiquitaire

---

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Stable

Stable

Stable

Réduite

Stable

---

Tôt 3-4 mois Modérée (3 semaines)

Tardif 6-7 mois Lente (8 à 9 semaines)

Tardif 11 mois Lente (4 à 6 semaines)

Tardif 7,5 mois Rapide (2 semaines)

---

---

---

---

Élevée

Élevée

Modérée

Modérée

Aucune

Aucune

--- : ne s’applique pas

Tableau 1. Souris transgénique SOD1 couramment utilisées pour l’étude de la SLA

libres lors de la respiration cellulaire. La grande

plutôt que d’une perte de fonction. De plus, les

variabilité dans l’activité enzymatique associée

souris transgéniques surexprimant de façon

aux différents mutants SOD1 et l’absence de

ubiquitaire diverses mutations du gène SOD1

dysfonctionnement moteur ou autres signes de

humain développent une neurodégénéres-

dégénération chez des souris knock-out (KO)

cence qui est similaire à la maladie humaine

pour le gène Sod1, rend la perte de la fonction

[10-13]. Toutefois, des souris transgéniques

un mécanisme pathogénique peu probable [8,

surexprimant à un niveau similaire la protéine

9]. Ces résultats suggèrent donc que la toxicité

SOD1 humaine de type sauvage (tgSOD1wt) ne

des divers mutants SOD1 viendrait d’un gain

développent pas la maladie [14]. Bien que ces

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modèles impliquent la protéine SOD1 mutante

avec le gain de propriétés toxiques associé

dans le développement de la dégénérescence

aux mutations du gène SOD1, suggérant que

des motoneurones, le mécanisme par lequel

l’adoption d’une mauvaise conformation pour-

SOD1 mutante provoque une dégénérescence

rait induire une forme de toxicité associée à la

spécifique des motoneurones, en l’absence de

protéine SOD1 ainsi modifiée. Plusieurs effets

pathologie dans d’autres tissus ou organes,

délétères peuvent résulter de l’interaction de

reste encore mal compris. Étonnamment, les

la protéine SOD1 mal repliée avec des com-

souris transgéniques exprimant de façon spéci-

posants cellulaires essentiels (figure 1). Des

fique la SOD1 mutante seulement dans les neu-

études ont démontré qu’une fraction de SOD1

rones (NFL-SOD1G37R) ne développent pas

mutante pouvait être transférée via le réseau

la maladie [15]. De plus, des études avec des

réticulum endoplasmique (RE)-Golgi. De plus,

souris SOD1 mutantes chimériques démontrent

les chromogranines, protéines abondantes

que la toxicité de la SOD1 mutante n’est pas

dans les neurones moteurs, les interneurones

uniquement intrinsèque aux motoneurones [16].

et les astrocytes activés, pourraient agir en tant

Diverses hypothèses ont été proposées

que protéines chaperonnes afin de promouvoir

comme contributeurs potentiels de la mala-

la sécrétion de SOD1 mal repliée [17, 18]. La

die, telles que les dommages oxydatifs, l’exci-

protéine SOD1 mutante extracellulaire pour-

totoxicité, les anomalies mitochondriales, la

rait alors induire une microgliose et la mort des

neuroinflammation et l’autophagie, mais ces

motoneurones [18]. Un tel mécanisme patho-

derniers pourraient être secondaires au pro-

génique, basé sur la toxicité de SOD1 mutante

cessus de neurodégénérescence. L’hypothèse

sécrétée, est en lien avec les conclusions selon

la plus vraisemblable à ce jour est que la toxi-

lesquelles la maladie n’est pas strictement in-

cité de la protéine SOD1 mutante serait liée à

trinsèque aux neurones moteurs et que la toxi-

un mauvais repliement tertiaire de la protéine

cité se propage d’une cellule à une autre [16,

[7]. Cette hypothèse est pleinement compatible

19, 20]. Toutefois, même si un tel modèle est

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Figure 1. Modèle de toxicité associé au mauvais repliement de la protéine SOD1 et à son agrégation Dans des conditions normales, le monomère réduit (non métallé) de SOD1 se dimérise avec lui-même avant que les ions métalliques du cuivre (Cu) et de zinc (Zn) puissent s’incorporer au dimère. La formation de ponts disulfures intramoléculaires permet ensuite la stabilisation de l’enzyme. Le mauvais repliement de la protéine SOD1 par divers facteurs qui favorisent la conversion des monomères réduits vers sa forme mal repliée mène à la formation de petits et de gros agrégats protéiques avec des propriétés toxiques.

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intéressant et suggère que SOD1 mal repliée

murins transgéniques ont démontré que la ré-

peut induire le mauvais repliement de SOD1WT

ponse immunitaire pourrait jouer un rôle impor-

(protéine sauvage), la vulnérabilité sélective des

tant dans le processus de dégénération [21-24].

neurones moteurs dans la SLA reste énigma-

Le système immunitaire pourrait avoir des effets

tique. Les défis dans l’avenir sont donc d’iden-

bénéfiques ou indésirables selon le contexte.

tifier quels sont les dommages somatiques pro-

Récemment, des approches expérimentales

voquant un changement de conformation de la

visant à induire une réponse immunitaire humo-

protéine SOD1, de découvrir des façons de pré-

rale chez les modèles murins de SLA ont connu

venir le mauvais repliement de cette protéine et

des effets bénéfiques. Dans cet article, nous

de limiter sa propagation à travers le système

ferons une revue et discuterons de la manière

nerveux.

dont l’activation du système immunitaire via des

Bien que la SLA ne soit pas considérée

approches d’immunisation pourrait offrir des

comme une maladie déclenchée par le système

avenues thérapeutiques prometteuses dans la

immunitaire, des études utilisant des modèles

SLA.

Éléments cruciaux à considérer pour le développement d’une immunothérapie L’immunisation est l’action conférant l’immu-

(vaccination) est l’induction d’une réponse im-

nité, soit par injection d’antigènes (immunisa-

munitaire efficace contre l’antigène ciblé sans

tion active) soit par injection de sérum conte-

effets secondaires indésirables. Toutefois, une

nant des anticorps spécifiques (immunisation

telle stratégie d’immunisation doit être considé-

passive) (figure 2). Actuellement, les réponses

rée avec précaution avant d’établir des essais

immunes indésirables constituent un problème

cliniques chez l’humain étant donné le risque

majeur dans la thérapie par immunisation. Un

élevé de développement d’effets secondaires

élément souhaitable pour le développement

incontrôlables. En effet, même si certains résul-

d’une immunothérapie par immunisation active

tats bénéfiques ont été notés, une étude clinique

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NUMÉRO CRCQ Immunisation active

Périphérie

Immunisation passive

Cellules B

Jonction serrée

BHE

Cellules endothéliales

Membrane basale

1 Astrocytes activés

SNC

2

Microglie activée 3

1

2

2 2 Microglie activée

Neurone moteur

2

Anticorps anti-SOD1 SOD1 mutante/mal repliée

1) Phagocytose médiée par le fragment Fc 2) Neutralisation de SOD1 mutante/mal repliée extracellulaire 3) Neutralisation de SOD1 mutante/mal repliée à l'intérieur des neurones moteurs

Figure 2. Réaction immunitaire spécifique résultant de différentes stratégies d’immunisation L’immunisation passive avec des anticorps spécifiques contre la SOD1 mutante/mal repliée pouvant être administrés à la périphérie ou directement dans le SNC. L’immunisation active avec la protéine SOD1 mutante permet de déclencher une réponse immunitaire humorale et la production d’anticorps par les lymphocytes B. La barrière hémato-encéphalique (BHE), formée des jonctions serrées entre les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins dans le SNC, empêche le passage des macromolécules et des agents pathogènes entre la circulation sanguine et le SNC. Dans les deux modes d’immunisation, une petite fraction d’anticorps périphériques peut traverser la BHE et provoquer différents effets bénéfiques par le biais de divers mécanismes potentiels (1 à 3). Vol.2 n°2

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de phase 2 sur l’administration de l’antigène Ab

immunisation passive semblent donc plus ap-

chez les patients atteints de la maladie d’Alzhei-

propriées dans le développement d’immunothé-

mer a été interrompue, étant donné que 6% des

rapie spécifique puisque l’administration d’anti-

sujets de l’étude sont décédés d’une ménin-

corps peut être facilement stoppée advenant

go-encéphalite aigüe suite au traitement [25].

l’apparition d’effets secondaires indésirables.

Pour des raisons de sécurité, les approches par

Les approches d’immunisation pour la SLA causée par des mutations dans le gène SOD1 Le mauvais repliement de protéines est une

SLA sporadique n’ayant aucune mutation dans

caractéristique commune à plusieurs maladies

le gène SOD1 [7]. Cette découverte fondamen-

neurodégénératives. Dans la SLA, les diffé-

tale nous a permis d’établir pour la première fois

rentes mutations dans le gène SOD1 semblent

un lien possible entre la SLA familiale et la SLA

favoriser l’adoption de conformations anor-

sporadique ainsi que l’existence potentielle d’un

males, par les protéines mutantes ainsi pro-

mécanisme physiopathologique commun aux

duites, se traduisant en général par la formation

deux formes de la maladie, impliquant le replie-

d’agrégats cellulaires. En effet, des agrégats de

ment tertiaire anormal de la protéine SOD1. Le

SOD1 ont été détectés dans les cas de SLAF

mauvais repliement de SOD1 pourrait donc être

causée par des mutations dans le gène SOD1

la cause centrale de la maladie, par un méca-

et dans les diverses souris transgéniques SOD1

nisme qui reste à être déterminé.

mutantes [26]. De plus, grâce à la production

Suite à la découverte d’un mécanisme

d’anticorps spécifiques à certaines formes mal

pathogénique basé sur la toxicité de la protéine

repliées adoptées par la protéine SOD1, nous

mutante SOD1 sécrétée [18], plusieurs straté-

avons récemment démontré que l’on pouvait

gies d’immunisation ont été développées afin

détecter SOD1 mal repliée dans des cas de

de réduire l’accumulation de SOD1 mutante ex-

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tracellulaire. Ainsi, des protocoles d’immunisa-

n’est pas idéale pour neutraliser la très grande

tion active et passive ont été décrits et montrent

quantité de SOD1 mutante présente dans le

tous des effets thérapeutiques bénéfiques chez

système nerveux central (SNC) puisque seule

les souris immunisées [27-30]. En effet, des

une fraction des anticorps produits passera la

protocoles d’immunisation active en adminis-

barrière hémato-encéphalique. En revanche,

trant soit la protéine recombinante SOD1 mutée

l’immunisation passive par administration d’an-

(G93A), soit la protéine SOD1 WT non métal-

ticorps spécifiques anti-SOD1 mal repliée chez

lée (apoSOD1) et mal repliée, ou soit un pep-

des souris SOD1G93Ahigh, directement dans le

tide ciblant l’interface de dimérisation de SOD1

SNC, a permis de prolonger significativement

aux souris transgéniques SOD1G37R ou SOD-

la survie des souris immunisées et de retarder

1G93Alow (souris exprimant de façon modérée

l’apparition des premiers symptômes [27]. Les

la protéine SOD1 mutée) ont permis de pro-

anticorps anti-SOD1 mal repliée, reconnais-

longer significativement la survie et de retarder

sant spécifiquement la protéine SOD1 mutante/

l’apparition des premiers symptômes des souris

mal repliée et non la forme sauvage native, de-

immunisées [28-30]. Toutefois, cette approche

viennent donc des outils moléculaires uniques

n’a pas permis d’obtenir des effets bénéfiques

pour étudier l’influence du mauvais repliement

importants chez la souris SOD1G93Ahigh pré-

de SOD1 dans la pathogenèse de la maladie et

sentant un haut niveau d’expression de la pro-

ouvre la porte au développement d’une immu-

téine SOD1 mutée. Ceci n’est pas surprenant

nothérapie de type passive pour le traitement

compte tenu du niveau excessivement élevé

de la SLA.

de la protéine SOD1 mutée dans ce dernier

Les mécanismes exacts qui confèrent les

modèle animal comparativement aux souris

effets bénéfiques observés lors des différents

transgéniques SOD1G37R et SOD1G93Alow

protocoles d’immunisation ne sont pas encore

(tableau 1). En effet, une immunisation péri-

entièrement compris. En raison de l’existence

phérique (sous cutanée, intrapéritonéale, etc.)

de la protéine SOD1 mutante extracellulaire, il

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est présumé que la phagocytose par les cel-

tie pour assurer une protection [27]. Cependant,

lules microgliales, induite par le fragment Fc,

l’administration de l’anticorps intact (Fc + Fab)

permettrait d’induire une opsonisation subsé-

est plus efficace pour prolonger la survie des

quente ou l’activation du complément afin de

souris immunisées que le fragment Fab seul.

réduire la toxicité associée à SOD1 mutante. Il

Cette donnée suggère que des mécanismes

a également été démontré que l’internalisation

différents, comme la phagocytose induite par

des anticorps dans les neurones moteurs de la

le fragment Fc et la neutralisation des épitopes

moelle épinière, suite à l’injection d’anticorps

toxiques par simple liaison de l’anticorps à la

anti-SOD1 mal repliée, pourrait favoriser la

SOD1 mutante, peuvent travailler de concert

neutralisation des propriétés toxiques de SOD1

pour atténuer la sévérité de la maladie. Cette

mutante à l’intérieur des neurones moteurs,

découverte ouvre donc la porte pour l’utilisation

diminuer l’accumulation de SOD1 mutante et

de fragments fonctionnels d’anticorps à domaine

la formation d’agrégats, ainsi que d’abaisser la

unique (scFv), aussi appelés « intrabodies ».

neuroinflammation [27]. De façon intéressante,

L’utilisation de ces « intrabodies » offre certains

l’immunisation passive à l’aide du fragment Fab

avantages pour le développement d’une immu-

des anticorps anti-SOD1 mal repliée a mené à

nothérapie, en raison de leur poids moléculaire

un prolongement notable de la durée de vie des

plus faible, une immunogénicité réduite et une

souris immunisées suggérant que le fragment

meilleure pénétration dans le système nerveux.

Fc des anticorps utilisés est dispensable en par-

Discussion et perspectives futures L’activation du système immunitaire par le biais

beaucoup de mise au point à faire avant de pas-

de l’immunisation passive représente une ave-

ser de la souris vers la mise en place d’essais cli-

nue thérapeutique intéressante pour les per-

niques chez les humains. Pour le moment, l’im-

sonnes atteintes de SLA. Par contre, il reste

munisation active n’apparaît pas être l’approche

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la plus appropriée compte tenu du risque trop

duisant 10 à 20 fois plus de SOD1 mutante/

élevé d’effets secondaires incontrôlables qui lui

mal repliée que les patients (une seule copie du

sont associés [25]. Toutefois, le développement

gène étant défectueux), l’immunothérapie sera

d’une immunothérapie de type passive pour le

t’elle encore plus efficace dans un contexte

traitement de la SLA va demander une quantité

où l’expression de la protéine mutante/mal re-

importante d’anticorps monoclonaux humani-

pliée est beaucoup moins extrême? L’évalua-

sés et dirigés contre la protéine SOD1 mutante/

tion d’une autre question s’impose quant à la

mal repliée. Idéalement, ces anticorps devraient

voie

reconnaître spécifiquement la protéine SOD1

beaucoup d’autres agents thérapeutiques, les

mal repliée, peu importe sa conformation, sans

anticorps ont une longue demi-vie et un faible

toutefois reconnaître la forme native de type

taux de pénétration dans le système nerveux

sauvage. Ce cas de figure permettrait alors de

central lorsqu’ils sont administrés en périphérie.

développer un traitement prophylactique effi-

Le recours à des injections intrathécales via un

cace pour la majorité des cas de SLAF associés

système implantable, employées pour le traite-

aux multiples mutations décrites dans ce gène,

ment de douleurs chroniques réfractaires, pour-

ainsi que pour les cas de SLAS associés à la

rait représenter une alternative à court terme.

SOD1 mal repliée.

Toutefois, le coût de l’injection quotidienne pen-

d‘administration des anticorps. Comme

Plusieurs autres questions demeurent

dant plusieurs années d’une grande quantité

encore en suspens pour le développement opti-

d’anticorps monoclonaux humanisés coûteux

mal d’une immunothérapie dans le traitement

à produire, devient un facteur limitant impor-

de la SLA. Les résultats obtenus chez la souris

tant à prendre en considération. Le développe-

seront–ils applicables à l’humain ? Comment la

ment d’anticorps fonctionnels à domaine unique

longévité accrue de 10% observée en moyenne

(scFv) de petite taille et moins immunogéniques

chez la souris immunisée va-t-elle se traduire

capables de traverser aisément la barrière hé-

chez les patients? Les souris SLA-SOD1 pro-

mato-encéphalique laissent toutefois entrevoir

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une alternative efficace aux anticorps conven-

Le manque d’outil diagnostique ou de biomar-

tionnels. Quel serait le meilleur moment pour

queurs de progression permettant un diagnostic

commencer la thérapie? Les résultats obtenus

précoce de la SLA sporadique devient donc un

lors ces protocoles d’immunisation faits chez la

inconvénient majeur pour un traitement avant

souris suggèrent que le plus tôt serait le mieux.

l’apparition des premiers symptômes.

Conclusion L’immunothérapie offre des perspectives pro-

administration intrathécale d’anticorps monoclo-

metteuses pour le traitement de la SLA familiale

naux spécifiques à la protéine SOD1 mutante/

associée à des mutations dans le gène SOD1

mal repliée est concevable pour la vaste majorité

mais également pour le traitement de la SLA

des patients. Le développement d’outils nova-

sporadique. En effet, il a été démontré que la

teurs et l’identification de biomarqueurs pour le

protéine SOD1 mal repliée a été détectée dans

diagnostic précoce de la SLA sont donc des voies

une fraction importante des cas de SLA spora-

de recherche inévitables dans les années à ve-

diques ne présentant aucune mutation dans le

nir. Pour les cas de SLA familiale sans mutations

gène SOD1. En faisant fi du caractère invasif de

SOD1, des stratégies d’immunisation similaires

la méthode d’injection et du coût de production

pourraient être envisagées en ciblant les autres

des anticorps, un traitement prophylactique par

gènes identifiés et associés à la SLA familiale.

Remerciements et financements Les recherches du Dr François Gros-Louis sont

niveau 2 en biomodélisation et traitement des

supportées par le Fond de recherche du Qué-

maladies neurodégénératives. Madame Audrey

bec en santé (FRQS), par la Fondation GO et

Labarre est récipiendaire d’une bourse d’étude

par la Fondation des hôpitaux Enfant-Jésus et

octroyée par la Faculté de médecine de l’Uni-

St-Sacrement. De plus, le Dr Gros-Louis est ti-

versité Laval. Les auteurs ne déclarent aucun

tulaire d’une Chaire de recherche du Canada de

conflit d’intérêts.

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