Les labyrinthes du GRAV Le Groupe de Recherche d'Art

compliqués, enjamber des obstacles et trouver son équilibre sur des surfaces ... remettent pas seulement en question l'œuvre, sa poïétique et sa réception, mais ...
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Les labyrinthes du GRAV

Le Groupe de Recherche d’Art Visuel, actif de 1960 à 1968, est créé par François Morellet, Joël Stein, Jean-Pierre Yvaral, Julio Le Parc, Francisco Sobrino et Horacio GarciaRossi. Leur première œuvre collective est un Labyrinthe (1963) qui s’ouvre de manière significative sur une planche anatomique représentant la coupe d’un œil. Composé d’une suite de huit cellules, le labyrinthe joue en effet sur des variations d’intensité lumineuse, vibrations et scintillements qui mettent la rétine du visiteur à l’épreuve et l’incitent constamment à se déplacer. Des effets d’optiques similaires se retrouvent dans le Labyrinthe II (1964) qui sollicite davantage la motricité du spectateur amené à se frayer un chemin dans des passages compliqués, enjamber des obstacles et trouver son équilibre sur des surfaces molles ou des dalles mobiles. Le désir de mettre les corps en action est également au cœur des trois Parcours à volumes variables (1967) altérant respectivement le sol, le plafond et les murs de façon à imposer toutes sortes de contorsions au participant. Un quatrième parcours, resté à l’état de projet, devait prendre la forme d’une pièce entièrement pivotante que le spectateur aurait traversé en marchant successivement sur le sol, le mur, le plafond, le mur, le sol… Au contraire de ces dispositifs, la Journée dans la rue (1966) ne crée aucune structure labyrinthique, mais utilise la ville de Paris comme un dédale tout trouvé dans lequel le groupe élabore un trajet de huit heures ponctué de situations ludiques : des œuvres pénétrables, manipulables, des flashs qui se déclenchent au passage des piétons, un concours d’équilibre, etc. En d’autres termes, bien que le nom du Groupe de Recherche d’Art Visuel indique un intérêt prépondérant pour les phénomènes visuels, chacune des propositions de ce collectif implique le corps voyant, sensible et mobile du « spectateur », au point que ce terme (initialement : « celui qui regarde » avec une certaine passivité) devient obsolète. Or, cette métamorphose du spectateur en participant doit idéalement être transposée hors du cadre du musée (comme en témoigne la Journée dans la rue) et acquiert de cette façon une dimension politique évidente. En effet, les réalisations déstabilisantes et déroutantes du GRAV ne remettent pas seulement en question l’œuvre, sa poïétique et sa réception, mais encouragent finalement l’individu à sortir d’un état de cécité et d’inertie pour prendre conscience de sa capacité à agir sur le monde en vue de le transformer. Marie Escorne