Les interactions BHE/leucocytes dans la sclérose en plaques

29 nov. 2012 - immunosuppresseurs. gerie par résonance magnétique [11, 12] et ii) la .... 1, caractérisés par la production d'interféron-ɣ sous la régulation du.
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REVUE

Les interactions BHE/leucocytes dans la sclérose en plaques BBB-Leukocyte Interactions in Multiple Sclerosis Catherine Larochelle1,2 et Alexandre Prat1,2 Laboratoire de recherche en neuroimmunologie, Centre d’excellence en neuromique, CRCHUM, Hôpital Notre-Dame, Faculté de médecine, Université de Montréal 2 Clinique des maladies démyélinisantes, CHUM-Hôpital Notre-Dame, Département de neurologie, Faculté de médecine, 1

Université de Montréal

Correspondance Alexandre Prat, MD, PhD Directeur de l’axe des neurosciences CHUM-Hôpital Notre-Dame 1560 Sherbrooke East, Montréal, Québec, H2L 4M1 Canada 514 890-8000 poste 24734 [email protected]

Date de réception : 29 novembre 2012 Date d’acceptation : 1 février 2013

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Résumé Près de 150 ans après sa description clinique, la cause exacte de la sclérose en plaques (SEP), une maladie inflammatoire du système nerveux central (SNC), demeure inconnue. La contribution du système immunitaire périphérique à la formation des plaques est toutefois indéniable, et la compréhension croissante des mécanismes moléculaires sous-tendant l’infiltration du SNC par des leucocytes inflammatoires a permis de nombreuses avancées thérapeutiques. Cet article propose une revue des connaissances actuelles concernant l’interaction des cellules du système immunitaire périphérique avec la barrière hémo-encéphalique (BHE), un événement crucial dans la genèse des lésions du SNC observées dans la SEP.

Summary Nearly 150 years after its clinical description by Charcot, the exact cause of Multiple Sclerosis, an inflammatory disorder of the central nervous system, still remains elusive. The contribution of the peripheral immune system to lesion formation is however undeniable, and the understanding of the molecular mechanisms underlying the infiltration of the central nervous system by inflammatory leukocytes has led to numerous therapeutic advances. This review article focuses on the interactions between peripheral immune cells and blood-brain barrier endothelial cells, a crucial early event in Multiple Sclerosis lesion formation.

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Introduction

E

n 1866, à Paris, Charcot décrit une

lique (BHE), constitue l’événement initial ou un

nouvelle entité clinique qui se mani-

phénomène secondaire à une dysfonction du

feste par des symptômes neurolo-

compartiment central [1]. Néanmoins, la com-

giques intermittents, variés et récurrents, et

préhension croissante des mécanismes molé-

est associée en pathologie à des plaques de

culaires sous-tendant l’infiltration du SNC par

démyélinisation au niveau du système nerveux

des leucocytes inflammatoires et la formation

central (SNC). Il lui donne le nom de sclérose en

subséquente des ‘plaques’ a permis de nom-

plaques (SEP). Près de 150 ans plus tard, bien

breuses avancées tant au niveau des connais-

que l’on attribue généralement les symptômes

sances concernant la pathophysiologie de la

de la SEP à une action inappropriée du système

SEP que du traitement pharmacologique de ses

immunitaire entraînant une atteinte de la myé-

manifestations cliniques. Cet article propose

line et des axones du SNC, la cause exacte de

une revue des connaissances actuelles concer-

la SEP demeure inconnue. Le débat demeure à

nant l’interaction des cellules immunitaires avec

savoir si l’entrée de cellules immunitaires péri-

la BHE, un événement considéré crucial dans

phériques dans le SNC, normalement restreinte

la genèse des lésions du SNC observées dans

par la présence de la barrière hémo-encépha-

la SEP.

La SEP est une maladie inflammatoire du SNC associée à une perte de fonction de la BHE La SEP est une maladie inflammatoire du SNC

système immunitaire au développement de la

caractérisée par la présence de zones multifo-

SEP. Premièrement, les facteurs génétiques

cales d’infiltration leucocytaire et de démyélini-

associés au risque de développer la SEP sont

sation. Bien que la nature auto-immune de la

majoritairement impliqués dans la fonction

SEP ne soit toujours pas confirmée, plusieurs

immunitaire [2], le facteur génétique associé

facteurs appuient la contribution majeure du

au plus grand effet sur la susceptibilité (risque

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relatif 3.08) étant l’haplotype Human Leuko-

à des infiltrats immunitaires périvasculaires [7,

cyte Antigen (HLA)-DR, associé au complexe

8]. Ces leucocytes inflammatoires infiltrants re-

majeur d’histocompatibilité classe II [3]. Deu-

lâchent des facteurs toxiques et des molécules

xièmement, 90% des patients souffrant de SEP

inflammatoires qui activent et endommagent les

présentent des bandes oligoclonales au sein

cellules résidentes du SNC [9]. Ils sont donc lar-

du liquide céphalo-rachidien, témoignant d’une

gement considérés responsables du dommage

production d’anticorps au sein du SNC. Dans la

subi par les cellules gliales et neuronales, et

même veine, une étude récente suggère qu’un

subséquemment des symptômes cliniques neu-

anticorps anti-canal potassique KIR4.1 poten-

rologiques récurrents et/ou cumulatifs obser-

tiellement pathogénique serait retrouvé chez

vés chez les patients souffrant de la SEP. Dif-

46.9% des patients SEP [4]. Troisièmement, un

férentes sous-populations leucocytaires ont été

modèle animal de la SEP, l’encéphalite autoim-

incriminées dans la formation de lésions dans

mune expérimentale (EAE), est basé sur l’acti-

la SEP, dont les lymphocytes THelper, les lympho-

vation du système immunitaire périphérique en

cytes Tcytotoxiques, les cellules dendritiques et les

présence d’antigènes originaires du SNC [5]. Fi-

lymphocytes B [7, 8]. Quelle que soit leur na-

nalement, les traitements démontrés efficaces

ture, les leucocytes inflammatoires doivent tout

dans la SEP sont des immunosuppresseurs ou

d’abord pénétrer au sein du SNC et augmenter

des immunomodulateurs, tels les corticosté-

la perméabilité de la BHE pour être pathogé-

roïdes, la mitoxantrone, l’acétate de glatiramer,

niques dans la SEP [10]. La déstabilisation de la

les interférons bêta ou plus récemment le fingo-

BHE et l’infiltration périvasculaire de leucocytes

limod [6].

au niveau du SNC sont en effet considérées

Au niveau histopathologique, les plaques de

comme des événements précurseurs dans la

SEP sont caractérisées par de la démyélinisa-

formation des lésions de SEP, tel que démontré

tion, de la perte axonale, une gliose réactionnelle

par i) la présence de rehaussement des lésions

et une dysfonction focale de la BHE, associées

après injection de gadolinium, observé en ima-

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gerie par résonance magnétique [11, 12] et ii) la

suite aux traitements immunomodulateurs ou

diminution de l’incidence de nouvelles lésions

immunosuppresseurs.

La barrière hémo-encéphalique (BHE) Le SNC est considéré comme ‘immunoprivilé-

tionnelles. Les complexes macromoléculaires

gié’ puisque la présence de la BHE restreint la

formés par les JS sont attachés aux filaments

circulation des molécules et des cellules de la

d’actine du cytosquelette de la cellule endo-

périphérie vers le SNC [13]. En effet, les capil-

théliale par des molécules adaptatrices dont

laires et veinules post-capillaires du SNC sont

les zona occludens 1, 2 et 3, la cinguline et la

tapissés de cellules endothéliales spécialisées

protéine sérine kinase dépendante du calcium.

qui forment la première couche de la BHE. Cet

Les JA quant à elles sont formées de protéines

endothélium n’est pas fenêtré, présente une

telles que la cadhérine vasculaire-endothéliale

faible activité pinocytaire et exprime plusieurs

et sont liées au cytosquelette par des caténines.

molécules impliquées dans l’efflux de média-

En formant des complexes intercellulaires sem-

teurs solubles vers le sang [10, 14-17]. Il en-

blables à des fermetures éclair, les TJ et les AJ

trave donc fortement la diffusion transcellulaire

limitent la perméabilité intercellulaire de l’endo-

des éléments du sang vers le SNC et expulse

thélium capillaire du SNC.

activement les métabolites toxiques [18]. Les

Apposée à l’endothélium spécialisé de

cellules endothéliales de la BHE expriment éga-

la BHE, une lame basale endothéliale, formée

lement des molécules de jonctions serrées (JS)

de protéines de la matrice extracellulaire telles

et de jonctions adhérentes (JA) (figure 1) [10,

que les laminines 8 et 10 et le collagène type IV,

13, 14, 19-21]. Les JS sont formées par des

pose aussi entrave à la circulation moléculaire

protéines transmembranaires qui lient deux cel-

et cellulaire de la périphérie vers le SNC. Cette

lules endothéliales adjacentes. Ces protéines

lame basale délimite la première bordure de

appartiennent à la famille des claudines, des

l’espace périvasculaire [13, 22]. Des péricytes

occludines et des molécules d’adhérence jonc-

enchâssés à l’intérieur de cette lame basale

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Figure 1. Les étapes de la transmigration leucocytaire du sang périphérique vers le SNC 1- En condition physiologique, la BHE et les lymphocytes expriment peu de molécules d’adhérence/ligands. L’accès des leucocytes au SNC est hautement limité. 2- En condition inflammatoire, une augmentation de l’expression de molécules d’adhérence et de leurs ligands favorise les interactions BHE/leucocytes. Ces interactions mènent à l’adhérence des leucocytes à la BHE et à l’augmentation d’avidité des ligands leucocytaires, via les chimiokines. Les leucocytes activés sécrètent des cytokines pro-inflammatoires qui participent à l’activation endothéliale et leucocytaire, et qui favorisent le recrutement d’autres cellules immunitaires. 3- La sécrétion de cytokines et de métalloprotéinases matricielles par les leucocytes activés affecte l’intégrité des jonctions serrées et de la matrice extracellulaire, favorisant la migration intercellulaire et trans-matricielle. 4- Une fois l’espace périvasculaire atteint, les lymphocytes devront être réactivés par des cellules présentatrice d’antigène avant de pouvoir franchir la glia limitans. Les molécules inflammatoires sécrétées par les leucocytes vont activer la microglie et les astrocytes adjacents, qui contribuent à l’activation et la déstabilisation de la BHE et au recrutement d’autres cellules immunitaires.

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soutiennent quant à eux le développement [23]

la glia limitans périvasculaire, qui complète la

et le maintien des propriétés de la BHE [24].

barrière hémo-encéphalique [10, 26]. Les astro-

Entre autres, les péricytes régulent la formation

cytes eux-mêmes jouent un rôle majeur de gui-

des vaisseaux, la transcytose endothéliale, l’or-

dance et support aux cellules endothéliales de

ganisation structurelle des jonctions serrées et

la BHE. Ils influencent également la fonction de

l’apposition des pieds astrocytaires [23, 25], en

la BHE par la sécrétion de facteurs solubles qui

plus d’influencer l’expression de certaines mo-

promeuvent la stabilité et l’étanchéité de la BHE

lécules d’adhérence [23].

[26]. En condition inflammatoire comme dans la

Une deuxième lame basale dite paren-

SEP, les astrocytes peuvent toutefois également

chymateuse, formée de protéines telles que le

sécréter des molécules pro-inflammatoires qui

dystroglycan et les laminines 1 et 2, constitue

participent à la déstabilisation de la BHE et au

l’autre bordure de l’espace périvasculaire. Avec

recrutement et à l’activation de cellules immuni-

les pieds astrocytaires, qui enrobent plus de

taires [10, 26, 27].

90% des micro-vaisseaux du SNC, elle forme

Les étapes de la transmigration leucocytaire vers le SNC La présence de la BHE empêche la libre circu-

l’endothélium, avec leurs ligands, exprimés

lation de leucocytes du sang vers le comparti-

par les leucocytes. Les étapes classiques de

ment du SNC. Pour réussir à pénétrer à travers

la migration ont été décrites comme 1-roule-

la BHE jusqu’à l’espace périvasculaire, les leu-

ment-adhérence-capture, 2-activation, 3- arrêt/

cocytes doivent effectuer plusieurs étapes, cha-

rampement, 4- transmigration/diapédèse. Les

cune impliquant un échange avec les cellules

interactions entre la forme activée de l’intégrine

endothéliales de la BHE [18]. Cette diapédèse

a4b1 exprimée par les leucocytes et VCAM-

s’effectue via l’interaction séquentielle et concer-

1 exprimée par l’endothélium de la BHE sont

tée de molécules d’adhérence, exprimées par

considérées cruciales pour l’étape de capture et

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l’adhérence ferme aux micro-vaisseaux du SNC.

poussées cliniques et l’apparition de nouvelles

L’interaction entre la forme activée de LFA-1

plaques [6].

et ICAM-1 serait quant à elle impliquée dans

Après le passage à travers la BHE, le leu-

l’adhérence ferme, le rampement, la polarisa-

cocyte doit traverser la lame basale endothéliale

tion et l’extravasation des leucocytes à travers

avant de gagner l’espace périvasculaire. L’inte-

la BHE [18, 28]. L’activation des intégrines a4b1

raction des leucocytes avec les composantes

et LFA-1 exprimées à la surface des leukocytes

de la membrane basale joue également un rôle

est une étape cruciale dépendante de l’immobi-

dans la migration lymphocytaire, puisque la

lisation de chimiokines à la surface luminale de

composition en laminines semble influencer la

l’endothélium de la BHE. Via l’interaction avec

capacité de former des infiltrats inflammatoires

les récepteurs de chimiokines couplés à la pro-

[22]. Une étude récente rapportant l’interaction

téine G exprimés par les leukocytes, les chimio-

de MCAM, une molécule d’adhérence exprimée

kines induisent une signalisation intracellulaire

par les lymphocytes TH17 encéphalitogéniques

rapide qui résulte en l’activation des intégrines,

[31], avec la laminine 8 (a4b1g1) fournit une piste

augmentant l’avidité de ces dernières pour leur

quant à la nature de ces interactions [32]. Par ail-

ligand endothélial (respectivement VCAM-1 et

leurs, l’expression d’enzymes ayant la capacité

ICAM-1) [29, 30]. De nombreuses autres mo-

de dégrader les protéines de la matrice extracel-

lécules d’adhérence jouent également un rôle

lulaire, les métalloprotéinases matricielles pro-

dans la migration de certaines sous-populations

téiques (MMPs), serait plus marquée chez les

leucocytaires distinctes [10]. La pertinence cli-

patients SEP [10] et corrélerait avec la capacité

nique des interactions leucocytes/BHE dans la

leucocytaire d’invasion du SNC. Une fois dans

SEP est mise en évidence par l’efficacité thé-

l’espace périvasculaire, les leucocytes devront

rapeutique du médicament Natalizumab, un

d’abord être réactivés par des macrophages ou

anticorps monoclonal qui bloque l’interaction

des cellules dendritiques périvasculaires leur

a4b1/VCAM-1 et qui réduit de façon notable les

présentant un antigène spécifique avant d’être

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en mesure d’envahir le parenchyme cérébral en

que les lymphocytes T activés peuvent migrer

traversant la glia limitans [9], un processus lar-

vers le SNC sans égard à leur antigène spéci-

gement dépendant de la production de MMPs

fique [34]. La migration leucocytaire elle-même

par les leucocytes [33].

augmente la perméabilité de la BHE, favorisant

La BHE exprime constitutivement peu

ainsi l’infiltration leucocytaire subséquente. Par

de molécules d’adhérence, et en condition phy-

le biais de cytokines inflammatoires et d’en-

siologique très peu de cellules immunitaires ont

zymes MMPs, les cellules immunitaires peuvent

donc accès au SNC. Les lymphocytes T naïfs ou

donc parvenir à influencer la fonction des cel-

quiescents ne peuvent atteindre le parenchyme

lules endothéliales de la BHE [10].

cérébral, mais il a été précédemment démontré

Les interactions leucocytes-BHE Différents sous-types de leucocytes ont été im-

Par la suite, les lymphocytes CD4 TH17, carac-

pliqués dans la physiopathologie de la SEP et la

térisés par la production d’IL-17 sous la régula-

médiation du dommage dans le compartiment

tion du facteur de transcription RORc, ont été

du SNC. Plusieurs groupes se sont intéressés

décrits comme hautement inflammatoires et as-

aux processus régulant l’entrée dans le SNC de

sociés avec la SEP et l’EAE [9]. Des études plus

sous-populations leucocytaires inflammatoires

récentes ont permis de constater que les TH17

dans la SEP, en particulier les lymphocytes CD4

encéphalitogéniques produisent non seulement

TH17, les lymphocytes CD8 T cytotoxiques et

de l’IL-17 mais aussi de l’interféron-g et du

les cellules présentatrices d’antigènes.

GM-CSF, et expriment à la fois T-bet et RORc

Les lymphocytes CD4 TH1, caractérisés par la

[35-37]. Notre groupe a pu démontrer que les

production d’interféron-ɣ sous la régulation du

lymphocytes TH17 [38], en particulier les TH17

facteur de transcription T-bet, ont été longtemps

qui produisent également de l’interféron-g [39],

considérés comme responsables de la maladie.

migrent plus efficacement à travers la BHE que

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les lymphocytes TH1. Plusieurs raisons sous-

TH17 double-positives en induisant l’expression

tendent ce phénomène, entre autres la produc-

de molécules d’adhérence par les cellules en-

tion d’IL-17 et d’autres cytokines pro-inflamma-

dothéliales de la BHE, entre autres la molécule

toires comme l’IL-22 et l’interféron-g, qui activent

ICAM-1 mais également la molécule MCAM,

et déstabilisent l’endothélium cérébral. En effet,

aussi exprimée par les lymphocytes CD4 ayant

les cellules endothéliales de la BHE possèdent

la capacité de produire de l’IL-17 [31]. MCAM

des récepteurs pour l’IL-17, l’IL-22 [38] et l’inter-

peut présenter des interactions homophiliques

féron-g [10].

(MCAM/MCAM), et il a été démontré que l’inac-

L’IL-17 agit en augmentant significati-

tivation de MCAM permet de restreindre la mi-

vement la perméabilité de la BHE par le biais

gration des lymphocytes TH17 à travers la BHE

d’une diminution de l’expression d’occludine et

[31]. Puisque MCAM peut aussi présenter des

une perturbation de l’expression et de l’organi-

interactions hétérophiliques (MCAM/laminine 8)

sation de zona occludens-1 [38, 40], deux molé-

[32] et est associée à l’expression de la molé-

cules impliquées dans la formation des JS de la

cule ‘extracellular MMP inducer’ (EMMPRIN/

BHE. L’IL-17 augmenterait également la sécré-

CD147) [31], MCAM est probablement égale-

tion de CCL2 et CXCL8 par l’endothélium de la

ment impliquée dans le passage des TH17 à tra-

BHE [38], des chimiokines qui vont promouvoir

vers la membrane basale endothéliale.

le recrutement et la migration de lymphocytes

Bien que moins largement étudiés que

et de cellules présentatrices d’antigènes. Une

les CD4, les lymphocytes CD8 T cytotoxiques

augmentation de la formation dans les cellules

sont néanmoins retrouvés dans les lésions de

endothéliales d’espèces réactives de l’oxygène

SEP et dans le CSF des patients atteints de

affectant la machinerie contractile des cellules

SEP [41, 42]. À l’image des CD4, nous avons

endothéliales est également observée sous l’in-

pu démontrer que les CD8 qui ont la capacité

fluence de l’IL-17 [40]. L’interféron-g contribue

de transmigrer à travers la BHE produisent de

également à la capacité migratoire élevée des

l’IL-17 et de l’interféron-g, en plus de l’enzyme

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lytique granzyme B [42]. En présence de blo-

laire, dont la réponse va à son tour influencer

queurs des intégrines a4, bien que leur capa-

le phénotype des lymphocytes avec qui elles

cité à adhérer à la BHE ne semble limitée que

vont interagir [46]. Les MMPs sécrétées par les

temporairement [43], leur capacité de migration

cellules myéloïdes périvasculaires vont égale-

à travers la BHE est significativement réduite in

ment participer à la formation de brèches dans

vitro et in vivo [42].

la glia limitans [33], favorisant ainsi l’entrée de

Une fois dans l’espace périvasculaire, les

leucocytes au sein du parenchyme cérébral et

lymphocytes devront interagir avec des cellules

ultimement la formation de plaques caractéris-

présentatrices d’antigènes avant d’atteindre le

tiques de la SEP.

niveau d’activation nécessaire pour pénétrer la

L’impact des péricytes sur les interac-

glia limitans. Les cellules présentatrices d’anti-

tions BHE/leucocytes dans la SEP est encore

gène utilisent également des molécules d’adhé-

méconnu. Outre leur influence dans la formation

rence pour passer à travers la BHE, entre autres

et le maintien de la BHE, des études semblent

ALCAM, aussi utilisée par les lymphocytes ex-

démontrer des propriétés anti-inflammatoires et

primant CD6 [44], et Ninjurin-1, spécifique à la

pro-regénératrices via la phagocytose [47] de

migration des cellules myéloïdes à travers la

débris de myéline, l’inhibition des lymphocytes T

BBB [45]. Les cytokines sécrétées par l’endo-

activés et la sécrétion d’IL-10 [48]. Toutefois, en

thélium de la BHE vont influencer le phénotype

fonction du milieu, les péricytes auraient égale-

des cellules myéloïdes de l’espace périvascu-

ment la capacité de sécréter des cytokines proinflammatoires et des MMPs [49, 50].

Conclusion Chez les patients souffrant de SEP, les interac-

avec le médicament Natalizumab, on observe

tions BHE/leucocytes sont impliquées dans la

une réduction de la formation de nouvelles lé-

transmigration des leucocytes vers le paren-

sions inflammatoires démyélinisantes caracté-

chyme cérébral. En bloquant ces interactions

ristiques de la SEP ainsi qu’une diminution de

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la fréquence des poussées cliniques. Toutefois,

d’adhérence impliquées spécifiquement dans

la cible du Natalizumab, l’intégrine a4, est expri-

la transmigration de sous-populations leucocy-

mée par une vaste proportion des leucocytes

taires inflammatoires et encéphalitogéniques

et des complications infectieuses sérieuses

vers le SNC, afin de réduire la formation de

peuvent survenir en cours de traitement [51].

lésions SEP sans entraver les processus nor-

Il est donc primordial d’identifier des molécules

maux d’immunosurveillance du SNC.

Remerciements et financements Le laboratoire du Dr Prat est financé par des oc-

Sénior) des Fonds de la Recherche du Québec-

trois provenant de la Société Canadienne de la

Santé. La Dre Larochelle est la récipiendaire

Sclérose en Plaques et des Instituts Canadiens

d’une bourse post-doctorale de la Société Ca-

de Recherche en Santé. Le Dr Prat est le réci-

nadienne de la Sclérose en Plaques.

piendaire d’une Bourse de Carrière (Chercheur

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NUMÉRO CRCQ

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