Dépistage approprié ou surdiagnostic ? Sylvie Lacroix – Présidente de Médicie Le 9 mai 2017
La population active vieillit et avec ce vieillissement on note une plus forte incidence des maladies chroniques sur les travailleurs avec toutes les implications que cela signifie ; absentéisme, présentéisme, perte de productivité, hausse des charges d’assurances collectives, etc. De plus en plus d’employeurs considèrent comme primordial d’investir dans la santé de leur actif le plus important… leur main d’œuvre. Nul ne peut nier les bénéfices liés à cette démarche… toutefois, il faut éviter de tomber dans le piège du surdiagnostic. Qu’est-‐ce que le surdiagnostic ? Le surdiagnostic se définit comme une surabondance de tests ou d’examens non nécessaires et dont la prescription est abusive. Ainsi, certains tests sont prescrits alors que la condition du patient ne le justifie pas. Soumettre à un électrocardiogramme de dépistage des personnes asymptomatiques et à faible risque de coronaropathie peut entraîner des examens de suivi et des traitements qui comportent des risques supplémentaires. Un autre exemple consisterait à prescrire sans raison des radiographies qui exposent les patients à des rayonnements potentiellement cancérigènes. Selon l’Association médicale du Québec (AMQ), le surdiagnostic est coûteux puisque les prescriptions indues de médicaments et d’examens de toutes sortes coûtent à notre système de santé 5 milliards de dollars par année. Selon le docteur Alain Vadeboncoeur, urgentologue, chef du service de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal et professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal, le surdiagnostic est un enjeu majeur pour notre société.
Comment expliquer ce fléau ? Plusieurs éléments peuvent être en cause dont : • La fausse croyance qu’il est préférable de tout diagnostiquer et de tout traiter ; • Le paiement à l’acte du régime actuel favorise des rencontres brèves. Répondre aux questions des patients prend du temps et il est plus rapide de prescrire le test que de discuter avec le patient et faire évoluer ses demandes ; • Certains bilans de santé qui offrent une formule « tout inclus » sans discrimination de l’âge, du sexe, des antécédents et condition du patient ; • La disponibilité de plus en plus de tests permettant de dépister des prédispositions ou des conditions qui, sous un angle populationnel, n’ont pas montré leur efficacité ou dont les effets nocifs sont supérieurs aux effets bénéfiques ; • Le problème d’accessibilité à un médecin affecte le comportement des patients qui, dès la visite obtenue, ont des attentes nombreuses, pas toujours rationnelles, et ils ont tendance à exercer beaucoup de pression pour obtenir tests, examens et ordonnances ; • L’influence de l’industrie (pharmaceutique, laboratoires, entre autres) est souvent déterminante, certes variable, dans la prescription de dépistages inappropriés. Comment déterminer si le dépistage est approprié ? Nul ne peut nier l’importance du dépistage précoce et de la prévention. Nombre d’études scientifiques ont démontré leur pertinence. Le défi posé par le dépistage est justement d’éviter de faire du surdiagnostic, car outre son coût excessif, celui-‐ci a de nombreuses implications sur les individus. Aucun test n’est sans risque et il peut même parfois s’avérer dangereux pour la santé en raison de complications ou d’effets secondaires. Et, c’est sans compter les répercussions éventuelles si, par exemple, une personne cherche à conclure un contrat d’assurance suite à un électrocardiogramme où la présence d’un « faux » positif pourrait laisser présager le diagnostic de maladie coronarienne. À titre informatif, voici quelques recommandations de dépistage de base qui concernent les adultes en bonne santé : • • • • •
Hypertension artérielle ; Hypercholestérolémie ; Diabète ; Cancer du sein ; Cancer du côlon ;
Évidemment, si vous présentez des facteurs de risque ou que vous souffrez d’une maladie chronique (ce qui est le cas de 50 % de la main-‐d’œuvre active), il est possible que vous deviez subir des tests complémentaires, et ce, plus fréquemment.
Les dépistages et bilans de santé offerts devraient être adaptés à la condition du patient et ne devraient pas comporter de risques pour sa santé. Des tests et analyses de base permettant d’établir la condition générale en fonction de l’âge et du sexe, combinés à une analyse des réponses à un questionnaire exhaustif fournissant l’information relative à l’état de santé physique et mentale du patient, permettraient de préciser la pertinence de procéder à tel ou tel test subséquent. Le dépistage ainsi que la prévention méritent des mesures éducatives auprès du public, voire des professionnels de la santé. Le dépistage permet de déterminer plus précisément l’état de santé alors que la prévention consiste à modifier ses mauvaises habitudes de vie pour en adopter de bonnes. Leur utilité est de diminuer les risques d’apparition d’une maladie ou une de mettre en place des mesures de contrôle de l’évolution d’une condition pathologique. L’objectif ultime… Une meilleure santé au bénéfice des employés, des employeurs et de l’ensemble de la société québécoise ! Sources : http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201404/02/01-‐4753948-‐recours-‐excessif-‐aux-‐tests-‐medicaux-‐ des-‐economies-‐de-‐5-‐milliards.php http://lactualite.com/sante-‐et-‐science/2014/04/16/la-‐medecine-‐qui-‐en-‐fait-‐trop-‐nest-‐pas-‐sans-‐risque/ https://www.protegez-‐vous.ca/Sante-‐et-‐alimentation/tests-‐adn http://www.choisiravecsoin.org/materials/vous-‐croyez-‐avoir-‐besoin-‐de-‐certains-‐examens-‐traitements-‐et-‐ interventions-‐pensez-‐y-‐bien/ http://www.choisiravecsoin.org/materials/vous-‐croyez-‐avoir-‐besoin-‐de-‐certains-‐examens-‐traitements-‐et-‐ interventions-‐pensez-‐y-‐bien/ http://www.choisiravecsoin.org/materials/les-‐ecg-‐et-‐les-‐tests-‐a-‐leffort-‐a-‐quel-‐moment-‐en-‐avez-‐vous-‐ reellement-‐besoin/ https://www.amq.ca/images/stories/documents/mémoires/surdiagnotsic-‐plan-‐action-‐fr.pdf http://www.choisiravecsoin.org/recommendations/la-‐societe-‐canadienne-‐de-‐cardiologie-‐2/