Le numérique en questions - ESENESR - Ministère de l'Éducation ...

La première journée de ce colloque, consacrée à la société numérique, a permis d'engager ..... Pour les grands pontes des technologies de l'information, tous.
5MB taille 2 téléchargements 140 vues
Colloque international

e-éducation

Le numérique en questions Du 13 au 16 octobre 2014 ESENESR - POITIERS

Articles

Contributions des intervenants

Liens

Émissions webradio, interviews, conférences vidéo

Pour agir

Des propositions, des réflexions

Direction du numérique pour l’éducation (DNE) Inspection générale de l’éducation nationale Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

Colloque international

e-éducation

Actes numériques Les ressources de ce 4e colloque sont mises à votre disposition selon différentes modalités. Vous trouverez ici : • la version intégrale des articles préparatoires aux interventions des conférenciers, • les synthèses des ateliers conduits pendant le colloque à l'ESENESR et dans le réseau Canopé. À partir de ce document, vous pourrez également accéder directement à l'intégralité des ressources du colloque : • les émissions enregistrées sur la Webradio de l'école avec les intervenants du colloque et d'autres invités - ces émissions sont disponibles en podcast (format .mp3) sur le site web de l'ESENESR, et directement accessibles à partir des QR codes* contenus dans ce livret ; • les interviews vidéo des intervenants, disponibles en VOD streaming (format .flv ou .mp4) sur le site web de l'ESENESR ou celui du réseau Canopé (pour celle d'Evgeny Morozov), également accessibles directement à partir des QR codes* accompagnant les articles préparatoires. Vous pourrez enfin retrouver ce livret en version numérique ainsi que l'ensemble des ressources du colloque sur le site web de l'ESENESR : www.esen.education.fr

* QR codes Les QR codes sont des éléments graphiques qui intègrent des informations codées. Une application gratuite installée sur une tablette ou un smartphone iOS ou android permet de lire ces informations et d'accéder directement à des ressources Internet. Testez votre application avec le QR code ci-contre, qui vous permettra d'accéder à la version numérique de ce livret.

Remerciements L'équipe d'organisation s'associe aux partenaires pour remercier chaleureusement : • l'ensemble des conférenciers pour la qualité de leurs productions et de leurs prestations, • l'ensemble des animateurs d'ateliers à l'ESENESR et dans le réseau Canopé, ainsi que les intervenants qui en ont assuré la synthèse, • les témoins et animateurs des soirées à l'ESENESR et à l'atelier Canopé de Chasseneuil, • l'ensemble des participants pour leurs apports et leur dynamisme, • les différentes équipes des partenaires pour la préparation et l'organisation du colloque.

P2 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

e-éducation

Éditorial Plus que jamais, le numérique est au cœur de l’action de l’Éducation nationale mais également de l’ensemble des ministères. Le président de la République lui-même a ainsi pointé l’importance, pour la compétitivité de la France, pour l’accès à l’emploi mais aussi pour garantir une citoyenneté éclairée dans ces espaces digitaux, de permettre à nos jeunes de maîtriser les usages récents mais aussi émergents du numérique. Le ministère de l’Éducation nationale est ainsi engagé dans une véritable révolution qui impose à ses cadres d’appréhender tous les aspects d‘un "écosystème" numérique, afin d’être les moteurs d’une action dont l’objectif final reste l’amélioration de la réussite des élèves. La transformation de la nature de la relation pédagogique est en effet au cœur de cette révolution numérique. Après avoir longtemps favorisé l’expérimentation de nombreux usages, assuré le raccordement des établissements et l’équipement de ceux-ci, c’est désormais, à l’instar du projet M@gistère ou de la banalisation des ENT, de généralisation des usages du numérique dont on parle. Celui-ci est maintenant omniprésent dans notre quotidien, il fait évoluer notre société contemporaine et nos jeunes avec elle. Cette accélération jamais connue des transformations sociales, sociétales et comportementales interroge directement les éducateurs que nous sommes. L’esprit de ce colloque est simple : "Mettre en questions !" Alors que de nombreux gourous du numérique tentent de nous imposer une pensée unique, une nouvelle doxa, nous avons souhaité préserver une démarche critique, entendre des avis parfois dissonants pour les intégrer dans nos réflexions pour finalement toujours essayer de faire émerger des solutions efficaces, robustes, contradictoirement étayées.

Le public de ce colloque dépasse volontairement très largement celui des seuls personnels d’encadrement. En effet, comment réellement mettre en questions sans entendre l’avis de l’autre ; celui du chercheur, de l’enseignant, du gestionnaire, de l’élève, du parent mais aussi de nos collègues d’autres ministères comme celui de nos amis étrangers. C’est grâce à cette variété des points de vue que nous finirons par nous poser les bonnes questions, et que, souhaitons-le, s’esquisseront certaines réponses. Depuis cinq ans, l’ESENESR a résolument transformé son modèle de formation. C’est pourquoi ce colloque, au-delà des interrogations levées, se propose d’identifier de nombreuses pistes réalistes pour agir, dès demain, chacun au plus près de son terrain professionnel. Mais au-delà des discours, le numérique éducatif s’expérimente et se met en pratique. C’est pourquoi le choix a été fait de diffuser chaque étape de ce colloque en direct dans 40 ateliers Canopé répartis sur le territoire national. Au-delà de l’événement lui-même, nous avons souhaité permettre à des équipes locales de bénéficier des contenus proposés mais aussi et surtout de contribuer à l‘élaboration des propositions issues de cette action. Cette formation collaborative d’un genre nouveau préfigure également une nouvelle approche de la diffusion des savoirs et du développement des compétences. Ces actes numériques, enrichis de ressources textuelles et numériques, vous permettront de "revivre" cet événement. Ils se veulent être un outil concret, utilisable par les personnels d’encadrement avec leurs équipes, au service de la réussite des élèves par le numérique. Jean-Marie PANAZOL Inspecteur général de l’éducation nationale Directeur de l’ESENESR

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P3

Colloque international

Sommaire Au programme Mardi 14 octobre Société numérique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 5 Emmanuel Davidenkoff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 6 Evgeny Morozov. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 10 Divina Frau Meigs et Élisabeth Schneider. . . . . . . . . . . page 20 Ghislaine Azémard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 24

Mercredi 15 octobre Apprentissages et numérique. . . . . . . . . . . . . . . page 29 Elena Pasquinelli. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 30 Rémi Thibert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 36 Eddie Playfair. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 38 Antonine Goumi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 42

Jeudi 16 octobre Vers l'école du futur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 47 Marc Durando. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 48 Lionel Formentelli. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 52

Au fil du colloque Émissions de Webradio Vers une école numérique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 19 Le numérique, une nouvelle façon d'apprendre. . . . page 35 Les espaces d'apprentissage de l'ère numérique. . . . page 57

Ateliers témoignages. . . . . . . . . . . . . pages 28 - 34 - 56 - 58 Les soirées du colloque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pages 18 - 46

Synthèse des ateliers

P4 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

page 61

e-éducation

Colloque international

e-éducation

Mardi 14 octobre 2014 Ouverture du colloque Les interventions d’ouverture du colloque sont accessibles en ligne sur le site web de l’ESENESR : http://huit.re/eeduc14_conf ou grâce aux QR codes cidessous : Ouverture institutionnelle : • Jean-Marie Panazol (ESENESR) • Jean-Marc Merriaux (Canopé) • Serge Bergamelli (CNED)

Intervention de Catherine Becchetti-Bizot, directrice du numérique pour l’éducation (DNE)

é n r e u 1 Jo

Société numérique

La première journée de ce colloque, consacrée à la société numérique, a permis d'engager notre questionnement à travers trois prismes différents : Avec Emmanuel Davidenkoff, auteur du Tsunami numérique, et Evgeny Morozov, penseur et découvreur des côtés obscurs du numérique, nous avons d’abord voulu planter le décor de la société à venir et de la place qu’elle fera à l’éducation.

Avec Divina Frau-Meigs et Élisabeth Schneider, universitaires, c’est aux conséquences déjà mesurables du numérique sur les jeunes individus que nous nous sommes intéressés : conséquences parfois étonnamment positives, mais qui ne laissent pas de poser des défis d’envergure à l’éducation : littératie, translittératie, éducation aux médias et à l’information…

Enfin, avec Ghislaine Azémard, professeur des universités, et Patrick Treguer, professionnel de la culture, nous avons abordé la place de l’émotion et de son avenir dans un univers traversé par la technique.

Les pages suivantes vous présentent les intervenants et les articles communiqués en vue du colloque. Vous pourrez également accéder aux interviews (vidéo), émissions de Webradio et ressources complémentaires en ligne de cette journée.

BONUS Interview vidéo de Catherine Becchetti-Bizot : http://huit.re/eeduc14_ itwDNE © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P5

"La première question que la démocratisation du numérique pose à l'école n'est pas d'ordre technologique mais pédagogique."

Emmanuel DAVIDENKOFF

à propos d'

Quels enjeux pour l’éducation dans une société numérique ?

Emmanuel

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Journaliste et auteur. Directeur de la rédaction du magazine "L’Étudiant", chroniqueur pour Radio France, L’Écho Républicain, l’Express. Expert de l’éducation et des nouvelles formes d’apprentissage. Emmanuel DAVIDENKOFF est également auteur de nombreux ouvrages, dont le récent "Le tsunami numérique" (Stock). ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview d'Emmanuel en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/ eeduc14_itwED

Pourquoi diable tant de cadres de la Silicon Valley inscrivent-ils leurs enfants dans une école qui interdit les écrans jusqu'à l'âge de 13 ans – l'école Waldorf of Peninsula ? Disposent-ils de quelque information confidentielle sur les ravages que le numérique commettrait sur les cerveaux des petits ? Non. S'ils choisissent cette école, c'est simplement parce qu'ils espèrent, comme tant de parents, que leurs enfants pourront faire le même métier qu'eux et tirer parti de la formidable mutation entraînée par le numérique. Cette école est en effet entièrement tournée vers le déploiement de la créativité des enfants, vers le travail en groupe, vers leur épanouissement. Cela n'empêche pas d'y apprendre à lire, écrire et compter, mais sans enfermer les élèves dans la gangue de programmes qui tiennent pour accessoires les savoirs et savoir-faire extra scolaires. Ce qu'ils ont compris : l'avenir appartient à ceux qui sauront inventer les machines numériques du futur – donc conceptualiser, collaborer avec les autres, innover... – et à ceux qui sauront développer des compétences difficilement automatisables et peu susceptibles de se traduire en algorithmes – créer, être dans la relation aux autres, produire l'empathie, penser, développer son esprit critique, etc. Ils ont compris que la première question que la démocratisation du numérique pose à l'école n'est pas d'ordre technologique mais pédagogique.

P6- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

Paradoxalement – mais est-ce une surprise ? –, il a fallu l'irruption des Moocs, les cours massifs en ligne, pour que le débat sur le numérique éducatif émerge enfin en France. Paradoxe, car le Mooc, sous sa forme dominante, se contente d'actualiser la forme la plus classique de l'enseignement : il est centré sur la délivrance de savoirs par un maître omniscient. Que le dispositif s'enrichisse de moyens de dialogue et de systèmes d'évaluation entre pairs n'y change pas grand-chose : les Moocs ont rapidement conquis droit de cité car ils prolongent la pédagogie héritée des collèges jésuites qui se pratique encore massivement dans enseignement notre secondaire et supérieur. Et l'on devine aisément comment d'autres outils numériques pourraient venir au service d'une pédagogie de l'imitation et de la répétition – la machine n'aime rien moins que le psittacisme et le geste reproductible.

e-éducation

pas un changement de natur e de certains de ces modèles. S'il est bien peu innovant en matière de délivrance des connaissances, le Mooc l'est dans les systèmes d'aide à l'enseignement qu'il offre : la possibilité de collecter massivement des données sur la façon dont chacun comprend – ou pas – telle notion laisse entrevoir la possibilité, inédite, d'industrialiser l'individualisation de l'enseignement, en offrant aux enseignants des données aujourd'hui inaccessibles sur les mécanismes et stratégies d'apprentissage.

L'on peut être de plain-pied dans la révolution digitale en se passant d'écrans. (...) L'on peut intégrer des écrans au service de dispositifs pédagogiques extrêmement classiques.

Il n'y a pas, en somme, de "modèle éducatif numérique". Notre premier exemple montre que l'on peut être de plain-pied dans la révolution digitale en se passant d'écrans ; le second, que l'on peut intégrer des écrans au service de dispositifs pédagogiques extrêmement classiques. Cette contradiction n'échappe pas aux tenants de l'innovation et de la "disruption". Depuis plusieurs semaines, le débat est vif à la Harvard Business School autour de cette question. Lorsqu'elle se crée, au début du XXe siècle, l'école invente la méthode des cas et chasse le cours magistral, vu comme l'expression d'un monde ancien, inadapté aux défis que rencontre alors l'économie américaine. Doit-elle, un siècle plus tard, au nom d'une prétendue "disruption", se mettre à produire et à utiliser les Moocs ? La modernité lui impose-t-elle de renoncer à sa modernité ? Elle n'a pas, à cette heure, tranché. Pas de modèle, donc. Le numérique permet en revanche d'améliorer les modèles existants et l'on peut se demander si les changements de degré qu'il apporte n'entraîneront

Le Mooc, toujours, permet à l'évidence de moderniser et de rendre plus engageantes les "classes inversées" (le cours est appris à la maison ou en bibliothèque, la séance présentielle permettant de revenir sur les points mal acquis et de mettre la théorie à l'épreuve de faits ou de problèmes à résoudre).

Si elle n'a pas été conçue à cette fin, l'imprimante 3D pourrait réenchanter les pédagogies tournées vers le "faire" (learning by doing). Le jeu sérieux (serious game), lointain héritier du serio ludere du XVe siècle, pourrait profiter de l'augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs pour offrir des environnements graphiques aussi engageants que ceux des jeux moins sérieux. La facilité à produire et à diffuser des contenus actualise les outils imaginés en son temps par Freinet pour faire produire des textes aux enfants et les inviter à communiquer par l'écrit – voir le succès des "twittclasses". Les systèmes de vision en 3D comme le casque Oculus sont déjà en train d'offrir aux filières technologiques et professionnelles des outils de simulation qui révolutionnent les apprentissages. Le seul courrier électronique, qui fait figure d'antiquité technologique, offre des potentialités formidables dont s'emparent, parmi d'autres, les enseignants qui pratiquent la correspondance scolaire ou ceux qui déploient des approches des sciences comme "La main à la pâte" (le mail permet d'échanger facilement et rapidement avec des savants, où qu'ils soient). Les tablettes tactiles pourraient déjà sauver bien des colonnes vertébrales si les collectivi© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P7

Colloque international

tés se décidaient à les préférer aux manuels scolaires en papier et si les éditeurs s'engageaient résolument dans cette voie et les alimentaient en contenus interactifs et plurimédias. Ces innovations permettront-elles l'émergence de nouveaux modèles ou, à tout le moins, bouleverseront-elles l'actuelle hiérarchie entre modèles existants ? Il leur faudra pour cela franchir deux obstacles, majeurs.

e-éducation

des centaines aux États-Unis, les millions de dollars de fondations comme celle de Melinda et Bill Gates ou de Georges Lucas, en embuscade les géants du web comme Google ou Amazon, en soutien les millions des sociétés de capital-risque... Mais ne nous y trompons pas : Amazon n'a pas réinventé la littérature, iTunes ne compose pas de chansons, Google n'écrit pas d'articles ni ne produit de la recherche de haut niveau. Ces plateformes ne font qu'amplifier, de manière parfois exponentielle, des tendances de consommation existantes. Il en ira probablement de même en matière éducative.

Le fond de la question est donc probablement Le premier tient à la nature de ces outils. L'in- de savoir qui, du privé ou du public, dustrie numérique est culturellement tournée concevra l'offre la plus convaincante. vers la quête de plusvalue pour les utilisateurs. Elle cherche à faire plus simple, plus efficace, plus engageant, souvent moins cher. Elle se nourrit d'horizontalité, de coopération, de confiance a priori. Le système éducatif, lui, réagit à une commande verticale – celle des programmes et de l'autorité fondée sur la maîtrise des savoirs –, aux notes et aux hiérarchies, à la mise en compétition des élèves, au contrôle a priori.

Le second, possiblement plus important, touche à la défiance que suscite chez une majorité d'élèves l'idée qu'on peut apprendre si ce n'est en s'amusant, du moins en faisant l'économie de quelques souffrances, constante à laquelle se heurtent déjà tant d'enseignants, de l'école élémentaire à l'enseignement supérieur. Cette défiance, bien évidemment, n'est pas innée. Mais elle prospérera tant qu'il ne sera pas prouvé que l'on peut apprendre autrement et en tirer les mêmes bénéfices que via les voies traditionnelles. Le numérique sera-t-il capable d'administrer cette preuve ? D'inventer un Amazon, un iTunes ou un Google de l'éducation – un standard universel qui bouleverse le fonctionnement d'un marché ? Il y travaille résolument. Des dizaines de start up en France,

P8 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Le fond de la question est donc probablement de savoir qui, du privé ou du public, concevra l'offre la plus convaincante. Le numérique peut-il faire baisser les prix des écoles privées en délégant aux machines une partie du travail actuellement réalisé par des enseignants, ce qui rebattrait les cartes de la compétition public-privé en faisant émerger une réelle offre concurrentielle "low cost" (qui n'existe que de manière factice, aujourd'hui, entre public et privé sous contrat, ce dernier étant essentiellement financé sur fonds publics puisque l'État assume les salaires des enseignants) ? Le numérique peut-il organiser des modalités de validation et de certification concurrentes qui seront reconnues par les employeurs au point de fragiliser les actuels diplômes des universités ou grandes écoles ? Telles sont les questions qui se posent aujourd'hui ; elles sont avant tout pédagogiques et politiques, pas numériques.

Au fil de la conférence... #eeduc14 : faut-il revenir à la plume Sergent-major pour faire des progrès en orthographe ?

#eeduc14 : Davidenkoff a cité en moins d'1h le bac pro : en colloque, c'est un record absolu ! Merci pour eux-nous :)

#eeduc14 : Davidenkoff précise que le numérique peut servir le pire comme le meilleur, tt dépend du projet politique (et éducatif).

#eeduc14 : 6 minutes : durée moyenne de l'attention sur les Moocs !

#eeduc14 : le chef d’établissement au carrefour de tous les changements, il est au centre des stratégies réticulaires.

Retrouvez la conférence d'Emmanuel Davidenkoff et d'Evgeny Morozov en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/zYP1fFDe

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P9

"Nos relations sociales, une fois numérisées, sont, de par leur granularité et leur traçabilité, désormais transformables en un nouvel outil de ce que Michel Foucault nommait "gouvernementalité".

Evgeny MOROZOV à propos d'

Evgeny

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Rédacteur pour "The New Republic". Chercheur qui étudie les implications politiques et sociales des technologies numériques. Auteur de "To Save Everything, Click Here : The Folly of Technological Solutionism" (2013). (traduction française : "Pour tout résoudre, cliquez ici" ).

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview d'Evgeny en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/ eeduc14_itwEM

Surveillance numérique : tels des cobayes désorientés Pour les grands pontes des technologies de l’information, tous nos problèmes peuvent être résolus par la collecte de données. Plus on en donne, plus on en reçoit. Mais dès lors, c’est la "physique sociale" qui tiendra lieu de politique. Même les petits génies de la Silicon Valley ont parfois raison. Disons-le donc d’emblée : oui, la production, l’accumulation et l’analyse de nos traces numériques produit des avantages réels. À l’instar du Dividende de la Paix – un slogan populaire au début des années 1990, basé sur l’idée qu’une diminution des dépenses militaires devait favoriser la croissance économique – nous pouvons parler du Dividende de la Surveillance : l’idée que l’Internet des Objets, le Big Data et plus généralement l’inéluctable dérèglement de l’univers tout entier à cause d’une poignée de start-ups californiennes, doit se traduire à terme par l’abondance économique, l’émancipation politique et la prospérité universelle. Grâce à la traçabilité accrue de tout, nous pouvons concevoir mieux, optimiser mieux, gouverner mieux, connaître mieux. Le Dividende de Surveillance augmente l’efficacité. Il économise de l’argent. Il prolonge la vie. Ses avantages sont réels. La bonne question à poser, alors, n’est pas : "le Dividende de Surveillance nous permet-il de gouverner mieux ou de connaître mieux ?" Non, la bonne question, c’est : mieux que quoi ? Pour répondre à cette question, peut-être est-il utile d’analyser, au préalable, comment les promoteurs du Dividende de Surveillance nous vendent ses avantages dans divers domaines. Dans

P10- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

son nouveau livre Social Physics, Alex Pentland, professeur au Laboratoire des Médias (Media Lab) du MIT, conseiller auprès du Forum Économique Mondial de Davos et personnage très important (selon son site Web, il a dîné "avec la Royauté Britannique et le Président de l’Inde"), décrit une expérience baptisée FunFit qu’il a menée à Boston. Le but était d’amener des habitants d’un quartier à être plus actifs physiquement. Dans le passé, une telle étude aurait peut-être recouru à une campagne de publicité sociale sur les avantages de la santé. Ou encore payé les gens pour rester en forme. Mais c’est une stratégie différente qu’a choisie Pentland : tous les sujets de l’étude ont été associés à deux pairs de leur communauté, qu’ils connaissaient parfois à peine, parfois au contraire très bien. Les deux parrains se voyaient remettre de petites sommes d’argent pour motiver leur filleul commun à faire davantage d’activité physique, suivie par des accéléromètres intégrés dans les smartphones fournis par l’étude. L’idée était que, si un individu faisait plus de marche que d’habitude, c’étaient ses parrains (et non pas lui !) qui empochaient l’argent.

e-éducation

L’observation résout les problèmes Pentland donne un autre exemple : lors des élections au Congrès de 2010 aux États-Unis, des universitaires américains ont mené une étude sur 61 millions d’utilisateurs de Facebook, qu’ils ont divisés en deux sous-groupes. Les deux ont reçu des messages les exhortant à voter, mais là où le premier sous-groupe n’avait qu’un message générique et impersonnel, le second recevait un message personnalisé, montrant les visages de leurs amis ayant déjà voté. Les lois de la physique sociale se sont vérifiées : c’est dans le deuxième groupe que les gens ont davantage voté. Et pour les amis intimes – par opposition à de simples connaissances en ligne – les résultats étaient particulièrement impressionnants, car le taux de votants était quatre fois supérieur après le message personnalisé.

(...) Nous pouvons parler du Dividende de la Surveillance : l’idée que l’Internet des Objets, le Big Data (...), doit se traduire à terme par l’abondance économique, l’émancipation politique et la prospérité universelle.

Les systèmes basés sur la physique sociale fonctionnent parce qu’ils savent tout de nous : pas seulement nos déplacement quotidiens et nos profils de communication mais aussi qui sont nos amis et la nature de nos relations. Les conséquences à long terme de la physique sociale sont proprement vertigineuses. Avec un bon data-mining (exploration de données massives), on peut trouver les bons voisins pour nous convaincre de réduire notre consommation d’énergie, les bons amis pour nous mettre en garde contre la malbouffe, les bons collègues pour nous rappeler de ne pas nous relâcher pendant les heures de travail. Tout se ramène, en somme, à trouver les bonnes personnes au bon moment et à leur faire envoyer les bons messages.

(...) La bonne question à poser, alors, n’est pas : "le Dividende de Surveillance nous permet-il de gouverner mieux ou de connaître mieux ?" Non, la bonne question, c’est : mieux que quoi ?

Les résultats ont été étonnants : l’opération s’est révélée presque quatre fois plus efficace que lorsque c’étaient les individus qui étaient payés directement, comme dans les expériences classiques antérieures. En outre, si les parrains étaient des gens très proches des individus testés, l’efficacité était multipliée par huit et non plus par quatre. C’est ainsi que Pentland peut annoncer la naissance d’une nouvelle discipline, la "physique sociale". Donc, par l’étude de nos rapports sociaux existants et l’exploitation des résultats de cette étude pour fabriquer des motivations sur mesure pour chaque individu, nous pouvons enfin nous attaquer à des problèmes sociaux trop longtemps négligés.

Nos relations sociales, une fois numérisées, sont, de par leur granularité et leur traçabilité, désormais transformables en un nouvel outil de ce que Michel Foucault nommait "gouvernementalité". Au lieu d’en appeler au bien-être de la communauté ou à l’intérêt personnel du consommateur sur le marché, on peut réguler des comportements individuels en utilisant © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P11

Colloque international

l’amitié elle-même comme outil de gouvernance, nous exposant ainsi sélectivement à divers aspects de ce que les mastodontes de la haute technologie nomment notre "graphe social". Pentland propose un certain nombre de solutions institutionnelles pour résoudre les problèmes de confidentialité, mais cela dépasse notre cadre ici. Ce qui importe, c’est que le Dividende de Surveillance est bel et bien avéré : oui, l’observation continue des individus peut résoudre des problèmes.

Les laboratoires vivants L’expérience de Facebook pour encourager le vote est en fait un comparatif randomisé, un type très courant d’expérience scientifique, initialement popularisé dans un contexte médical, où les sujets testés sont répartis au hasard en deux groupes ou plus. Un groupe reçoit un stimulus quelconque – par exemple, ses membres voient les photos de leurs amis ayant déjà voté – et pas l’autre. Ces études étant de plus en plus populaires parmi les spécialistes des sciences sociales, on comprend que des services comme Facebook – avec leurs millions d’utilisateurs et des paramètres facilement réglables pour laisser voir telle ou telle chose et pas d’autres aux utilisateurs – soient des terrains d’expérimentation privilégiés, plein de cobayes involontaires (c’est-à-dire nous).

e-éducation

dées sur des preuves et axées sur des résultats, Facebook nous fournit une infrastructure intellectuelle idéale pour tester l’efficacité ou la non-efficacité de telle ou telle intervention. Le Dividende de Surveillance à nouveau : plus Facebook nous suit à la trace, plus efficaces seront les politiques qui véritablement changent le monde – et en temps réel plutôt que deux ans plus tard. Pentland prétend même "faire revivre les sciences sociales en construisant des laboratoires in vivo pour tester et prouver les idées pour construire des sociétés orientées données". James Fowler, co-auteur de l’étude Facebook sur l’élection, pousse le raisonnement encore plus loin lorsqu’il affirme que "nous devons faire tout notre possible pour mesurer les effets des réseaux sociaux et apprendre à les amplifier afin de pouvoir créer une épidémie de bien-être".

De l’observation à l’explication Un récent article dans la revue Foreign Affairs détaillait d’autres avantages du Dividende de Surveillance. Étant donné que les pauvres sont sous "la pression constante... d’utiliser leur argent exclusivement en dépenses contraintes", les auteurs, qui travaillent pour la Fondation Bill & Melinda Gates, encensent le potentiel de la téléphonie mobile à "coup-depoucer" les pauvres à faire des versements d’épargne réguliers. Dépenser ou épargner n’est pas la seule grande décision à laquelle doivent faire face les pauvres ; dans les pays en développement, ces décisions-là – sur la vaccination, l’éducation, l’assurance-récolte – sont nombreuses et ne sont pas toujours prises dans les meilleures conditions.

Les systèmes basés sur la physique sociale fonctionnent parce qu’ils savent tout de nous : pas seulement nos déplacement quotidiens et nos profils de communication mais aussi qui sont nos amis et la nature de nos relations. (...) Tout se ramène, en somme, à trouver les bonnes personnes au bon moment et à leur faire envoyer les bons messages.

La colère suscitée par une récente étude où Facebook montrait à certains utilisateurs heureux des messages positifs, et des messages négatifs aux utilisateurs malheureux, paraît bien naïve. Comme le formulait l’un des spécialistes scientifiques des données chez Facebook quelques mois avant le scandale, "chez Facebook, nous faisons plus de mille expériences par jour. Alors que nombre de ces expériences sont conçues pour optimiser des résultats spécifiques, d’autres visent à éclairer des décisions de conception à long terme". Traduction : mieux vaudrait vous inquiéter des milliers d’expériences quotidiennes dont nous ne vous disons rien ! À une époque de forte demande de politiques fonP12 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Pourquoi, alors, ne pas transformer les téléphones cellulaires en Siri ou Google Now (les deux assistants virtuels populaires) du pauvre ? Et dès lors, leur faire surveiller en permanence ce que fait l’utilisateur, faire le suivi des contraintes environnementales et leur suggérer les bonnes décisions ? Le Dividende de Surveillance une fois encore : grâce à un suivi constant, des personnes par ailleurs vulnérables

Colloque international

peuvent devenir plus résilientes et plus ingénieuses pour s’attaquer à leurs problèmes. Un jour, avec de meilleurs smartphones, nous pourrons même leur enseigner comment coder ! Ces idées paraissent fort attrayantes, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, la persistance des problèmes sociaux, depuis le changement climatique jusqu’à l’obésité, en passant par la pauvreté, a généré un consensus presque universel : il nous faut des mesures plus radicales. C’est ainsi que des méthodes ouvertement paternalistes autrefois frappées de tabou sont aujourd’hui sur la table. On voit des universitaires produire à jet continu des livres aux titres tels "Contre l’autonomie" ou "Pour un paternalisme épistémique", qui mettent l’accent sur la nécessité d’intervenir dans le processus décisionnel des particuliers, dans l’intérêt de la communauté ou pour leur propre bien.

e-éducation

core : quand tant de choses peuvent être observées, étudiées et testées, les grands débats théoriques et philosophiques deviennent inutiles et encombrants. L’un des postulats implicites partagés par beaucoup d’économistes comportementaux est que nous ne nous comportons pas toujours dans notre meilleur intérêt, et ce pour des raisons bien précises que l’on peut identifier, classer et rectifier. Dans leur récent ouvrage Scarcity, Eldar Shafir et Sendhil Mullainathan, deux éminents économistes, pionniers de l’application de l’économie comportementale à l’étude de la pauvreté, avancent que les pauvres sont tellement accablés par l’angoisse des soucis d’argent permanents qu’ils finissent par prendre des décisions qui vont à l’encontre de leur intérêt propre. La pauvreté, affirmentils, découle de l’insuffisance cognitive, qui "plutôt qu’un trait personnel... est le résultat de conditions environnementales... qui peuvent souvent être remédiées" – perspective qui, selon eux, aboutit à "une redéfinition conceptuelle radicale de la pauvreté". En d’autres termes, les pauvres prennent de mauvaises décisions financières parce que leurs autres préoccupations tirent trop sur leur "bande passante cognitive", exactement comme l’utilisation de Skype ou de Spotify peuvent réduire votre connectivité Internet. Dans cette perspective, si seulement les pauvres pouvaient avoir le bon message au bon moment, ils pourraient effectivement finir par épargner davantage. Dès lors, pour lutter contre la pauvreté, il nous faut "'raretéfuger' notre environnement" afin que des décisions mauvaises et irrationnelles soient exclues ou minimisées grâce à un quelconque système de surveillance permanente (que Mullainathan et Shafir comparent à un détecteur de fumée).

Une politique faite de dispositifs intelligents n’est pas nécessairement une politique intelligente.

L’attrait persistant de l’économie comportementale, qui vise à corriger ce qu’elle analyse comme des postulats naïfs de l’économie néoclassique sur la rationalité humaine, est un autre facteur décisif dans l’affaire. Ces économistes comportementaux se proposent d’expliquer comment les gens se comportent dans le monde réel et non pas dans certains modèles théoriques sophistiqués. À cette fin, ils – et en particulier les universitaires travaillant sur la pauvreté mondiale – vont sur le terrain et, après avoir soigneusement observé les pauvres, mènent des essais contrôlés randomisés pour voir si leurs intuitions sont correctes.

Une application contre la pauvreté Ces intuitions ne donnent pas toujours des théories ou des explications causales élémentaires : si les chercheurs découvrent par exemple que telle école rurale obtient avec un instituteur unique de meilleurs résultats avec ses élèves que telle autre avec deux, cette découverte devient "exploitable" même sans théorie. Il y a ici une certaine similitude avec l’attitude dynamique, axée sur les résultats, adoptée par les entreprises de haute technologie : Facebook n’a pas besoin de savoir pourquoi des histoires heureuses font davantage cliquer les utilisateurs pour pouvoir utiliser ces connaissances. Prédite par Chris Anderson dans le magazine Wired en 2008, la fin de la théorie a en fait touché ce champ-là plus tôt en-

Solutions magiques La pauvreté deviendrait alors un programme d’information qui peut être combattu avec les outils d’information du type de ceux qui produisent le Dividende de Surveillance. Prenons par exemple une application pour smartphone baptisée BillGuard. Elle va non seulement vous avertir dès que votre plafond mensuel de dépenses est dépassé, mais va également effectuer une recherche Internet pour trouver des coupons qui réduiront vos factures, sur la base de vos habitudes de dépenses. Autre exemple : l’iBag – un vrai sac, mais équipé de capteurs et connecté, qui se verrouille automatiquement (et verrouille aussi © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P13

Colloque international

sans doute votre portefeuille) lorsqu’il estime que vous approchez de votre plafond de dépenses. Un suivi constant, voilà ce qui rend ces innovations possibles. Ces applications pourraient bien faire sortir certaines personnes de la pauvreté. Elles pourraient même rendre leurs développeurs riches. Mais quel est le coût de cette "informationalisation" de la pauvreté ? Et est-ce ainsi que nous ("nous" désignant ici cette entité presque oubliée, une communauté de citoyens, pas de capital-risqueurs rusés ni d’entrepreneurs iconoclastes) voulons lutter contre elle ? On peut observer dans d’autres domaines des cas similaires d’informationalisation, où un problème se voit dépouillé de ses dimensions matérielles et politiques et présenté simplement comme une question d’information insuffisante ou tardive. Max Levchin, co-fondateur de PayPal, espère pouvoir appliquer l’apprentissage automatique et l’exploration de données massives pour résoudre des problèmes de santé. "La santé n’est jamais qu’un gros problème d’information en attente d’analytique de données et de capteurs portables", explique-t-il en annonçant Glow, son application pour aider les femmes à concevoir. C’est très exactement ce que fait Glow en observant leur activité sexuelle (y compris les positions) et leurs cycles menstruels et en leur envoyant des alertes diverses ("début de fenêtre de fertilité !" ou encore "Waouh ! Vous ovulez !).

e-éducation

Problèmes et Surveillance La fascination croissante pour le potentiel de l’énergie intelligente est un autre exemple spectaculaire de cette informationalisation à l’œuvre : réduite à des applis, des thermostats intelligents et autres compteurs intelligents, l’énergie se voit découplée du vaste complexe de réseaux politiques et économiques qui président à sa production, et présentée uniquement comme un problème d’information, résoluble par les sempiternelles boucles de rétroaction. Comme l’écrit l’universitaire australienne Yolande Strengers dans son nouveau livre Smart Energy Technologies in Everyday Life, les consommateurs sont fantasmés comme "orientés données, avides d’information, experts en technologie", tandis que l’apport de données "est le seul moyen par lequel [ils sont] censés fonctionner et évoluer".

Ces applications pourraient bien faire sortir certaines personnes de la pauvreté. Elles pourraient même rendre leurs développeurs riches. Mais quel est le coût de cette "informationalisation" de la pauvreté ?

Même à supposer que Levchin ait des motivations nobles, reste à savoir si la santé – ou d’ailleurs n’importe quoi d’autre – constitue un "problème d’information" ; et ce n’est pas là une question à prendre à la légère. Silicon Valley, pour l’essentiel, a déjà répondu pour nous – par l’affirmative. Donnez-leur n’importe quel problème et, quelques applications plus tard, une solution d’"information" émergera comme par magie. Reformulé ainsi, le problème conduit inévitablement à l’invocation du Dividende de Surveillance et de ses avantages incontestables. Mais ne devrions-nous pas nous demander également ce qui se passe une fois la santé, l’éducation ou la pauvreté reformulées comme problèmes réputés résolubles par l’information ?

P14 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Il existe des voies alternatives, non-informationnelles, plus politiques pour s’attaquer au problème de l’énergie ; mais votre compteur intelligent ne vous en dira rien. Avec lui, il y a peu de chances que votre connaissance et votre expertise sur la consommation d’énergie se développe beaucoup, et du coup, comme le souligne Stengers, "les consommateurs commencent à assimiler ‘gestion de l’énergie’ et ‘gestion des données’". Mais la compréhension de l’énergie n’est pas seulement fonction de préférences individuelles et de boucles de rétroaction  ; elle exige également une réflexion sur les normes d’efficacité énergétique, la conception de l’habitat, les habitudes de consommation, les pratiques de climatisation intérieures. Plus inquiétant encore, les problèmes que le Dividende de Surveillance permet de résoudre – changement climatique, obésité, pauvreté – sont de plus en plus reformulés en termes de sécurité nationale ; et une fois ce saut rhétorique effectué, le grand public, terrifié, va accepter même les mesures les plus draconiennes. Il n’est nullement exagéré de parler de sécurité nationale : il existe de plus en plus d’études qui visent à montrer les liens entre changement climatique et risques de guerres civiles, niveau de pauvreté et degré de radicalisation de la jeunesse, etc. Le complexe militaro-industriel sait comment étendre

Colloque international

ses tentacules vers des domaines apparemment non militaires.

Les lois sur la liberté de l'information Tout cela est parfaitement connu des partisans du Dividende de Surveillance. Voici par exemple comment Pentland lie applis, santé publique et questions de sécurité nationale : "une application sur un téléphone, argumente-t-il dans Social Physics, pourrait enregistrer en toute discrétion des variations inhabituelles du comportement, puis calculer si elles sont indicatives du développement d’une maladie". Ainsi, "la capacité de suivre des maladies telles que la grippe au niveau de l’individu devrait aboutir à une protection réelle contre les pandémies, car nous pourrions prendre des mesures pour traiter les individus infectés avant qu’ils ne transmettent la maladie". Étant donné que le paradigme de la sécurité domine encore largement le débat politique des deux côtés de l’Atlantique, de tels arguments trouveront forcément écho au FBI, à la CIA, la NSA et autres agences en trois lettres.

e-éducation

Les grandes sociétés sèment la confusion sur l’impact réel de leurs activités, fabriquant délibérément l’ignorance en finançant de douteuses recherches pseudo-scientifiques. Et du côté de Wall Street, on produit à la chaîne des instruments financiers si opaques qu’ils défient tout effort de compréhension.

Le marché Le mouvement pour des données ouvertes pourrait relever quelques-uns de ces défis, mais son plus grand succès à ce jour a été de contraindre les gouvernements à libérer des données qui sont pour la plupart d’utilité économique et sociale. Les données politiques sensibles sont toujours jalousement gardées. Il n’y a aucune "physique sociale" pour des Goldman Sachs ou des HSBC : nous ne savons rien des liens entre leurs filiales et leurs sociétés écrans enregistrées dans des paradis fiscaux. Personne ne conduit d’ECR pour voir ce qui se passerait si nous avions moins de lobbyistes. Qui va donner le "coup de pouce" amenant les militaires états-uniens à dépenser moins d’argent en drones et faire don aux pauvres de l’argent ainsi économisé ?

Les grandes sociétés sèment la confusion sur l’impact réel de leurs activités, fabriquant délibérément l’ignorance en finançant de douteuses recherches pseudoscientifiques.

Dans ces conditions, il ne servira pas à grand-chose de remettre en cause les avantages du Dividende de Surveillance. Physique sociale, essais comparatifs randomisés (ECR), "coups de pouce", rien de tout cela n’est inutile, et les partisans du Dividende de Surveillance présentent leurs avantages comme évidents et apolitiques : on nous dit que les problèmes d’informationalisation les rendent seulement plus accessibles et plus faciles à gérer. Mais il n’y a rien d’évident ni d’apolitique dans les outils et les méthodes du Dividende de Surveillance. En réalité, ils ne voient que ce qu’ils veulent voir et ils savent seulement ce qu’ils veulent savoir. Ce que souvent ils ignorent et ne veulent pas voir est leur propre politique. Nous vivons une époque de profonde asymétrie épistémique. L’hyper-visibilité de chaque citoyen, désormais traçable par toutes sortes de dispositifs intelligents, n’a d’égale que l’hyper-invisibilité croissante de tous les autres acteurs sociaux. Les gouvernements continuent de classifier de plus en plus de documents, externalisant au passage leurs fonctions à des sociétés privées qui ne sont pas tenues de respecter la législation sur la liberté de l’information.

Les outils du Dividende de Surveillance fonctionnent à un seul niveau : celui de chaque citoyen. Ils rendent celui-ci totalement transparent et manipulable, créant un semblant de "résolution de problèmes" tout en laissant gouvernements et grandes sociétés libres de poursuivre leurs propres projets. Pour paraphraser Foucault, nous sommes tous devenus éminemment traçables et éminemment coup-depouçables. Nos mauvaises habitudes peuvent être détectées, analysées et corrigées en temps réel, éliminant du même coup pas mal des problèmes qui étouffent actuellement les services sociaux. Ainsi, la notion même de la politique en tant qu’entreprise communautaire se transforme en spectacle individualiste et consumériste de l’environnement, où les solutions – que nous nommons applis de nos jours – se recherchent sur le marché plutôt que sur la place publique. Il n’y a rien de très surprenant à cette individualisation de la politique, dans la mesure où les méthodes qui nous donnent le Dividende de Surveillance ont délibérément abandonné toute recherche systé© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P15

Colloque international

matique de facteurs et de causes de changement social transcendant l’individu. En troquant les explications causales contre l’"applicabilité", leurs promoteurs ont, de fait, abandonné toute théorie et sont donc contraints à feindre l’ignorance ou la naïveté à chaque fois qu’ils sont confrontés à un problème qui ne peut être facilement réduit à la prise de décision individuelle. Faut-il vraiment recourir à une étude contrôlée randomisée pour savoir ce que lobbyistes ou banquiers font toute la journée ? Le monde a beau être d’une complexité à vous rendre fou, il est aussi d’une simplicité fort embarrassante : les grandes sociétés veulent toujours faire de l’argent, les gouvernements veulent toujours bâtir des empires bureaucratiques, les agences de sécurité veulent toujours prendre le pouvoir. Fin de la "théorie" peut-être, mais pourquoi alors renoncer à ce qui est évident ?

e-éducation

vide le débat d’un certain nombre de questions-clés. "Les grandes questions que posait autrefois la discipline, portant sur l’effet d’institutions économiques et politiques alternatives (par exemple partage de propriété, commerce, politique agricole, industrielle et financière et rôle des mécanismes de protection sociale)... ont été mises de côté en faveur de questions telles ‘les moustiquaires imbibées d’insecticide doivent-elles ou non être distribuées gratuitement ?’, ou bien ‘deux enseignants en classe sont-ils beaucoup plus efficaces qu’un seul ?’", écrit-il. Le Dividende de Surveillance réduit la politique à des boutons à tourner, comme si la société était simplement un poste de radio qu’il fallait ajuster. Pire encore, lorsque la solution basée sur l’information est immédiatement disponible (ce qui sera le cas une fois tout numérisé et interconnecté), c’est à quiconque cherchera une solution non-informationnelle qu’incombera le fardeau d’avoir à prouver pourquoi cette méthode réputée moins efficace est meilleure qu’un nouveau recours au Dividende de Surveillance.

Le monde a beau être d'une complexité à vous rendre fou, il est aussi d'une simplicité fort embarrassante.

Se dispenser d’explications causales peut sans doute être une stratégie rentable en affaires. Un concessionnaire automobile peut tirer profit de savoir que les voitures d’occasion orange sont plus fiables que les voitures d’occasion d’autres couleurs – une corrélation typique (et authentique) révélée par l’analyse de données volumineuses – sans avoir à expliquer pourquoi. La transposition de ce modèle de l’entreprise à la politique, toutefois, revient à spéculer à l’excès sur la portée et les objectifs de la politique ainsi que la répartition des responsabilités entre les acteurs.

Rétrécissement de l'imaginaire politique Le prisme individualiste à travers lequel les outils et les méthodes du Dividende de Surveillance appréhendent les problèmes sociaux a tout simplement pour effet de faire passer certaines questions sous le tapis. Dans ce qui est peut-être la plus cinglante critique de l’économie comportementale dans le domaine du développement, l’économiste Sanjay G. Reddy met le doigt sur la façon dont cette quête de solutions empiriques, fondées sur des preuves,

P16 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Et pourtant, une politique faite de dispositifs intelligents n’est pas nécessairement une politique intelligente. Récemment, le Wall Street Journal décrivait des toilettes intelligentes capables de "se synchroniser avec les smartphones des utilisateurs... et passer leur musique préférée grâce à des haut-parleurs intégrés dans la cuvette". Il est notoirement facile de lui faire exécuter des essais contrôlés randomisés pour voir si la musique rend heureux les utilisateurs et les orienter vers une alimentation plus saine après avoir analysé leur… production. Qu’un tel gadget puisse, en toute plausibilité, passer pour un instrument de politique contemporaine – idéal pour la création d’une épidémie de bien-être – atteste fort tristement du rétrécissement de notre imaginaire politique. 30 juillet 2014 Article paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, Reproduit avec accord de l'auteur

Au fil de la conférence... #eeduc14 : le numérique nous invite plus que jamais à placer l’humain au centre.

#eeduc14 : E.Morozov est en train de nous dire que nous sommes tous des digital laborers.

#eeduc14 : récup des données ok, mais ne peut-on pas décider de ce qu’on donne et qu’on puisse encore chercher même si tout est prémâché ?

#eeduc14 : Morozoff : Il y a une idéologie de la Silicon Valley, c’est le solutionnisme.

Retrouvez la conférence d'Evgeny Morozov et d'Emmanuel Davidenkoff en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/zYP1fFDe

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P17

Colloque international

e-éducation

Les soirées du colloque Pour les participants présents à l’ESENESR, les activités du colloque se sont étendues à des propositions en soirée, que nous vous présentons au fil de ces actes numériques.

13 octobre : BARCAMP Afin d'introduire le colloque avec une véritable occasion de rencontres, de confrontation des points de vue et d'éveil des curiosités, un Barcamp, organisé le lundi 13/10 en début de soirée, a permis à tous les présents de commencer à se familiariser avec les questions liant numérique, pédagogie et éducation/ formation. Sous la direction de Christophe Batier, de l’université de Lyon 1, plusieurs participants se sont portés volontaires pour animer les 6 ateliers proposés : • Les Moocs : opportunité ou danger ? • Qui sont les nouveaux opérateurs de savoir ? • Trouve-t-on du contenu académique sur Youtube ? • Twitter pour apprendre, twitter pour enseigner ? • Quelles ressources web pour les enseignants ? • Qu'est-ce que la littératie numérique ?

Suite des soirées page 46 P18 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Vers une école numérique ? Émission spéciale d’Échafaudages, le magazine radio de l’ESENESR, avec : Divina Frau-Meigs, Emmanuel Davidenkoff, Simon Fau.

Retrouvez l'émission en mp3 : http://huit.re/ eeduc14_WR1 Émission animée par Thierry Revelen. Régie : Olivier Kappes. © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P19

"De vrais espaces d’innovation résident dans la construction de pratiques sociales et spatiales dans la mobilité, en utilisant le numérique, mais c’est aussi là que résident les risques d’inégalités et d’exclusion."

Divina FRAU MEIGS Élisabeth SCHNEIDER

à propos de

Divina

Enseignante-Chercheure, Université Paris 3 - experte auprès de l’UNESCO - directrice scientifique du CLEMI - publie sur les questions de diversité culturelle et d’acculturation, ainsi que sur la formation en ligne, l’identité numérique et la gouvernance d’internet. Autres recherches : la régulation et l’auto-régulation des médias. Retrouvez l'interview de Divina en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/eeduc14_ itwDFM

Savoir-devenir dans la société du numérique : pertinence de la translittératie pour l'action et la formation

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

à propos d'

Élisabeth

Docteure en géographie, qualifiée en Sciences de l’éducation et en Sciences de l’information et de la communication, Élisabeth Schneider est actuellement formatrice et chargée de mission "pédagogie du numérique et des médias" à l’ESPÉ de l’académie de Caen. Elle poursuit des recherches sur les usages du numérique des adolescents et sur l’écriture, en particulier dans le cadre de l’ANR Translit. Retrouvez l'interview d'Élisabeth en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/eeduc14_ itwES

De la société de l’information à la société de la connaissance, de la nécessaire adaptation aux nouveaux outils à l’apparente maîtrise, qu’il s’agisse des jeunes, des enseignants ou de l’encadrement, les usages du numérique sont au cœur des questions éducatives de ces dernières années. Cependant, le développement des usages du numérique dans la société a été l’objet de discours parfois performatifs qu’il fallait interroger pour permettre la réflexion et la décision. Un certain nombre de travaux de recherche en sciences sociales et humaines se sont ainsi intéressés à l’évolution des pratiques sociales et culturelles impliquant le numérique. Nous présenterons les résultats et les démarches les plus récents, fondant ainsi des propositions du côté de l’ingénierie professionnelle enseignante, des décisions publiques et de la prise en compte des jeunes dans une perspective du développement de leur pouvoir d’agir. Dans un premier temps, en nous appuyant entre autres sur des enquêtes ethnographiques, nous préciserons en quoi le mythe du digital native a vécu, tout en soulignant la réalité des ruptures dans les pratiques culturelles et les évolutions dans les formes sociales impliquant les jeunes. Ces derniers utilisent les outils de communication numérique, ils produisent et font circuler informations, vidéos, mais sont aussi créateurs de contenus. L’enquête menée (Schneider 2013) montre

P20- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

en particulier que les usages s’articulent entre "hors" et "en ligne", entre support traditionnel – comme le papier – et numérique. Entre les différentes activités que les jeunes ont à mener, de l’école au domicile, les outils du numérique peuvent ouvrir un possible pouvoir d’agir. De vrais espaces d’innovation résident dans la construction de pratiques sociales et spatiales dans la mobilité, en utilisant le numérique, mais c’est aussi là que résident les risques d’inégalités et d’exclusion. Comprendre les usages réels des jeunes, de la maternelle à l’université, et dans une perspective de formation tout au long de la vie, nécessite de passer de la prise en compte des pratiques des technologies de l’information à des enjeux bien plus complexes : ceux de la translittératie, comprise comme la convergence de l’éducation aux médias, à l’information et à l’informatique dans les cultures de l’information. Ce concept en chantier est au cœur des travaux de l’ANR TRANSLIT, qui rassemble une équipe pluridisciplinaire s’attachant à la fois à comprendre les pratiques des jeunes lycéens, l’émergence de nouvelles compétences mais aussi à dresser un état des lieux des politiques européennes sur ces questions. Celui-ci inscrivant les perspectives tracées dans un cadre international à la hauteur des enjeux éducatifs, sociaux et économiques (www.translit.fr).

e-éducation

2.1. En milieu scolaire • Il se confirme l’existence d’une translittératie en émergence dans la mesure où les jeunes érigent le numérique comme cadre de référence tandis que les enseignants l’utilisent dans le discours d’accompagnement ; • l’organisation des activités est en hybridation (en ligne/hors ligne, papier/numérique) et dépend des situations ; • le sentiment d’expertise est très présent et se produit de manière "répartie", selon les tâches, entre apprenants ; • les outils numériques utilisés varient énormément, et diffèrent selon l’usage formel et non formel (en liaison partielle aux contraintes de l’institution) ;

(...) ceux de la translittératie, comprise comme la convergence de l’éducation aux médias, à l’information et à l’informatique dans les cultures de l’information.

Nous présenterons les premiers résultats significatifs des travaux de l’ANR TRANSLIT, articulés autour de 3 axes : 1. les politiques publiques, 2. les retours de terrain, 3. les retombées pour l’action et la formation. 1. L’analyse des politiques publiques a révélé un certain nombre de tendances permettant d’ores et déjà de poser un diagnostic en France et en Europe. L’éducation aux médias voit sa place contestée à côté d’autres "éducations à", mais s’enrichit de l’augmentation numérique. La richesse des ressources et de l’engagement associatif peut générer un trompel’œil préjudiciable à une mise en œuvre efficiente. C’est aussi la question de l’évaluation que nous soulèverons (Frau-Meigs et al, 2014). 2. Les premiers résultats des enquêtes de terrain permettent de dégager des tendances essentielles pour des responsables éducatifs.

• les observations en contexte de projet montrent que les compétences se transforment largement dans le cadre du groupe ; • la distribution des compétences et de la connaissance dans le cadre du groupe s’observe autour de trois axes : la collecte de l’information, l’écriture et la synthèse, la communication ; • les modalités de travail observées montrent que la fracture la plus large est celle qui sépare la culture scolaire des pratiques culturelles individuelles, particulièrement dans les modes de représentation et de légitimation de l’information. 2.2. En milieu informel • Les tensions existent en matière de créativité, entre "le faire en créant" et "le faire en imitant" qui reflètent, même dans les terrains informels, un difficile "lâcher prise" des modèles mimétiques plus traditionnels ; • les distinctions se manifestent entre les compétences opératoires et les compétences d'éditorialisation, celles envisageables en ligne étant sous-utilisées mais très prégnantes (injonction). 3. De l’ensemble des travaux présentés, nous pourrons dégager quelques pistes. 3.1. La nécessité d’une médiation pédagogique C’est dans la médiation entre le non scolaire et le travail scolaire que des usages translittéraciques © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P21

Colloque international

e-éducation

tionnel des environnements distribués mis à leur semblent pouvoir se mettre en place de façon effidisposition, par le biais de la translittératie et la maîcace. Cette médiation repose sur l’existence de dispositifs qui comprennent des conditions minimales trise des cultures de l’information (Frau-Meigs 2013). d’apprentissage : un projet explicité, des consignes, C’est un pilier qui s’ajoute aux 4 piliers de l’éducation la levée de blocages techniques éventuels, l’accomdu rapport Delors (1996) : apprendre à connaître, pagnement par des enseiapprendre à faire, apprendre gnants qui eux-mêmes sont C’est dans la médiation entre le à vivre ensemble, apprendre à mobilisés sur les questions être. Dans ces usages auxquels non scolaire et le travail scolaire de littératie et pas seuleil faudra former les jeunes, ces ment sur les contenus de que des usages translittéraciques derniers s’engagent dans des programmes. La proposition processus de médiation de soi, semblent pouvoir se mettre en de formats de connaissances de modélisation ludique et de place de façon efficace. permet la mise en place de prise de décision, développant conditions communicationainsi leur pouvoir d’agir. nelles et fournit un cadre facilitant l’émergence de compétences translittéraciques et d’une grammaire 3.3. Les politiques publiques doivent évoluer en cohédes usages. Ainsi, trois facteurs d’intégration apparence raissent associés aux scénarios translittéraciques  : Il s’agit de mettre en phase l’évaluation et le finanles stratégies individuelles et collectives, les compécement, soulevant en cela la question essentielle du tences instrumentales mises en place autour d’outils rôle des acteurs de l’édition/publication/documentaet de dispositifs et l’accompagnement pédagogique tion, dans le secteur public, privé et associatif. proposé. 3.2. L’enjeu de la translittératie est bien un "savoirdevenir" Il s’agit de développer la capacité projective des apprenants, qui s’approprient le potentiel informa-

P22 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Au fil de la conférence... #eeduc14 : digital native désigne un être qui n'existe pas, pur mythe, ados agacés qu'on les nomme ainsi.

#eeduc14 : ce qui est sûr par contre c’est que nous sommes des digital migrants.

#eeduc14 : translittératie : éducation aux médias / à l'information / l'informatique. Culture de l'info. Pas du numérique : trop axé sur outils.

#eeduc14 : les univers informationnels des ados comportent toujours l'écrit sous sa forme traditionnelle ...

#eeduc14 : distribution des compétences : collecter, écrire, synthétiser, communiquer.

#eeduc14 : belle réflexion #eeduc14 commencée avec cette phrase "c'est avec la recherche qu'on ne cède pas à la panique et au sentiment de déshérence".

#eeduc14 : la translittératie est une convergence, hybridation et appropriation de tous actes ou système d'écrit ?

#eeduc14 : c'est dans le collaboratif que les compétences augmentent.

#eeduc14 : nécessité d'une médiation pédagogique entre le non-scolaire et le travail scolaire.

#eeduc14 : digital natives qui sont "digital naïves" sont à présent à l'ESPE : fort besoin de formation sur intérêts pédagogie du numérique.

#eeduc14 : il faut des enseignants qui accompagnent - mobiliser sur la notion de littératie, médiation pédagogique.

#eeduc14 : l’institution est contraignante et n'autorise pas toujours le passage de l'école au hors l'école.

#eeduc14 : le numérique en France ou le syndrome du bonzaï : croître et prospérer dans la contrainte.

Retrouvez la conférence de Divina Frau-Meigs et d'Élisabeth Schneider en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/q9oWelm8

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P23

"S’il est aujourd’hui admis que

certaines formes d’intelligence sont programmables et rendent les machines productives de manière quasi-autonome, l’émotion reste l’attribut humain le plus difficile à modéliser, à virtualiser et à synthétiser."

Ghislaine AZÉMARD à propos de

Ghislaine

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Ghislaine Azémard est professeur des universités en SIC (sciences de l'information et de la communication) à l’Université Paris 8. Titulaire de la Chaire Unesco Unitwin (FMSH/UP8) Innovation, Transmission et Édition Numériques, elle est spécialiste des innovations d’usage dans le secteur numérique et des nouvelles formes d’éditorialisation. Elle dirige le programme Idéfi CréaTIC qui propose aux étudiants des modules de formation et d’expérimentation transdisciplinaires dans le cadre d’un MédiaLab. Elle dirige la collection d’ouvrages scientifiques hybrides "100 notions" aux éditions de l’Immatériel. ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview de Ghislaine en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/eeduc14_itwGA

L'émotion est-elle compatible avec le numérique ? En posant cette question, ce sont les limites de la médiation numérique que l’on interroge. S’il est aujourd’hui admis que certaines formes d’intelligence sont programmables et rendent les machines productives de manière quasi-autonome, l’émotion reste l’attribut humain le plus difficile à modéliser, à virtualiser et à synthétiser. Même si la notion d’émotion artificielle cherche encore ses ancrages théoriques et expérimentaux, on peut considérer que l’environnement technologique a un impact important sur les comportements, les humeurs, les sensations et émotions des individus. La médiation homme-machine concurrence fortement la médiation humaine traditionnelle dans les rapports amicaux, ludiques, pédagogiques ou encore dans les pratiques artistiques ou les activités professionnelles. L’espace de vie, d’apprentissage, d’action et de relation devient, et cela encore bien davantage pour les "digital natives", un espace hybride qui se nourrit à la fois d’un certain décollement de la réalité et paradoxalement aussi d’une réinscription territoriale inédite par la géolocalisation des données personnelles. C’est un espace hybride où les informations apportées par la réalité sont augmentées par celles provenant de l’immersion dans un univers immatériel, proposées par les ressources informationnelles massives disponibles sur internet. Par ailleurs, la dominance des interactions exclusivement et directement humaines est remplacée par un va-et-vient entre les interactions humaines et celles assistées par ordinateurs, ou par des machines et objets communicants. Éprouver et exprimer des émotions dans l’univers numérique dépend en grande partie de l’interface homme-machine. Qu’il s’agisse d’un écran de cinéma, de télévision, d’ordinateur ou des objets communicants, les interfaces numériques opèrent de manières

P24- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

radicalement différentes pour provoquer des émotions et des réactions. Dans le cadre des médias traditionnels, c’est le phénomène de la projection qui domine, alors que pour les objets communicants c’est la dimension de l’interaction qui est centrale. Le phénomène de la projection a été longuement analysé par les chercheurs et on sait aujourd’hui à quel point des récits émouvants sont susceptibles de provoquer chez l’individu de l’empathie pour des personnages de fiction. Les jeux vidéo, eux aussi, sont le théâtre d’engouements qui génèrent des émotions tellement intenses qu’elles peuvent provoquer l’addiction.

e-éducation

avec l’utilisateur à travers des comportements-réponses construits à partir des codifications verbales et non verbales des émotions. Si la relation émotionnelle homme-machine est unilatérale, le numérique peut être un medium pertinent pour communiquer et partager des émotions entre êtres humains. Lorsque le débit ne permettait pas d’utiliser le son ou la vidéo dans les conversations instantanées, pour reproduire au plus près la communication interpersonnelle présentielle et sa charge d’émotion sur Internet, les codes émotionnels ont été adaptés à ce nouveau média avec les smileys et autres émoticônes qui ponctuaient et continuent à illustrer les communications écrites succinctes.

Si la relation émotionnelle homme-machine est unilatérale, le numérique peut être un medium pertinent pour communiquer et partager des émotions entre êtres humains.

L’immersion dans un univers virtuel peut avoir des vertus thérapeutiques pour l’individu, lui permettre d’apprendre à contrôler certaines émotions, le guérir de phobies. La machine prend toute sa valeur en ce qu’elle limite les émotions négatives provoquées par le regard d’autrui, ses jugements de valeur ou ses injonctions directes. Les applications numériques cherchent aussi à susciter des émotions positives pour faciliter l’apprentissage. Dans les pratiques de transmission et de quantified self, la médiation numérique devient un outil d’entraînement en soi, pour soi, indépendamment même de tout avatar.

L’avatar est considéré par certains comme un support projectif, en particulier pour les enfants et dans le cadre de l’apprentissage ; ce serait l’accompagnant idéal, le doudou numérique qui stimule et réconforte. Dans cet esprit, et suivant un implicite théorique socio-constructiviste, de nombreux programmes proposent des plateformes dont l’avatar est la pierre angulaire du dispositif. Médiateur projectif et incitatif, on cherche à l’inscrire dans un dialogue émotionnel

La créativité des pionniers et celle des usagers sont au rendez-vous des réalisations, des services et œuvres numériques. Elles optimisent chacun des médias, elles travaillent leur pertinence et leur impact conjugué. Elles inventent de nouvelles écritures crossmédia, elles scénarisent ce nouvel espace hybride. Elles le contextualisent pour augmenter le rapport à la réalité, la plus triviale comme la plus artistique. La complémentarité Arts, Sciences et Technologies est à l’œuvre dans tous les secteurs de l’activité humaine. C’est au cœur de ces nouvelles configurations technologiques et symboliques que l’individu réinvente ses relations interpersonnelles et les émotions qu’elles lui procurent, qu’il cultive son imaginaire pour créer et participer à un monde que nous ne qualifierons pas de posthumaniste ou transhumaniste mais qui devra trouver le chemin d’un nouvel humanisme numérique.

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P25

Colloque international

e-éducation

La conférence de Ghislaine Azémard s'est tenue conjointement avec Patrick Treguer, responsable du "Lieu Multiple" à Poitiers (86).

P26 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Au fil de la conférence... #eeduc14 : réaliser la quantification du lexique de l’émotion.

#eeduc14 : présentation du blog de veille du Master création et édition.

#eeduc14 : les émotions en monde virtuel et en simulation médicale.

#eeduc14 : capacité à inférer l’émotion des autres à partir d'indices.

#eeduc14 : émotion associée à l'humeur mais aussi à la motivation, essentiel.

#eeduc14 : le like (aimer) c'est déjà une émotion

#eeduc14 : c'est l'e.motion ? :-)

Retrouvez la conférence de Ghislaine Azémard et de Patrick Treguer en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/WzXzcqvh

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P27

Colloque international

s e g a n g i Témo

e-éducation

Au fil du colloque

Tout au long des trois journées du colloque, les participants présents sur le site de l’ESENESR ont pu rencontrer des acteurs du numérique éducatif venus présenter leurs expériences. Des temps spécifiques ont été aménagés dans le programme avec une organisation en séquences courtes de nature à favoriser les échanges avec les participants.

Méthodologie, découpage et cahier des charges des interventions • Séquences déployées sur 1h15 (75 minutes) - pour chaque séquence, possibilité de participer à deux témoignages successifs sur 30 minutes (avec des intervalles de 5 minutes pour les déplacements) ; • pour chaque atelier, présentation de 10 minutes (15 maximum), suivie de 20 minutes d’échanges avec le public .

Le format recommandé pour les présentations était celui du Pecha Kucha 20x20 Pour en savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pecha_Kucha ou QR code : Nous remercions encore l’ensemble des acteurs venus partager leur expérience du numérique en pédagogie : L’équipe des enseignants et des élèves du lycée pilote innovant international (LP2I) du Futuroscope :

• Hélène Paumier • Numérique et média - exemple de la radio scolaire • Pédagogie de projet et webfolio • Xavier Garnier : Living School Lab • Antoine Coutelle : Usages du numérique dans les disciplines • Pierric Bergeron : Retour sur 25 ans de numérique éducatif • Joël Coutable : Living Cloud, ou fonctionnement d’un lycée tout numérique

http://www.lp2ipoitiers.fr/

Suite page 34 P28 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

e-éducation

Mercredi 15 octobre 2014 Cette deuxième journée était placée au cœur de la problématique des apprentissages, sous le double signe de la science et de la pratique. La science et l’expérimentation d’abord, avec l’intervention d’Elena Pasquinelli, universitaire et auteur, membre de la fondation La main à la pâte, et de François Villemonteix, universitaire, traitant de l’impact du numérique sur les apprentissages à travers divers travaux de recherche.

é n r e 2 u o J

Apprentissages et numérique

La pratique ensuite, avec une analyse croisée sur la mise en pratique du numérique à l’école, par Eddie Playfair, principal de NewVIc – Newham 6th form College, à Londres, et Rémi Thibert, de l’IFÉ, ainsi qu'une réflexion sur les interactions entre pédagogie et numérique.

Cette journée s’est conclue par une intervention d’Antonine Goumi, maître de conférences, qui a pu apporter des réponses à la question sensible des transformations de l’écriture numérique.

Retrouvez l’interview de F. Villemonteix en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/eeduc14_itwFV © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P29

"Si les limites ne sont plus imposées par l’espace et par le temps, elles le sont par notre nature : limites d’attention, d’intégration des connaissances dans l’espace mental, de pensée."

Elena PASQUINELLI à propos d'

Elena

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Membre associé de l'Institut Nicod (Centre national de la recherche scientifique - CNRS, École des hautes études en sciences sociales - EHESS, École normale supérieure - ENS). Membre de la Fondation "La main à la pâte" pour l’éducation à la science. Auteur de "L’illusion de réalité", éditions Vrin, 2013.

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview d'Elena en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/eeduc14_itwEP

Pour un usage raisonné des technologies numériques Pour bien utiliser les technologies numériques, de façon intelligente et sage, dans un contexte de recherche comme dans un contexte pédagogique, il ne suffit pas de mieux comprendre les technologies. Il faut aussi développer une compréhension plus approfondie de notre cerveau et de ses fonctions – ses possibilités et limites. Les sciences cognitives ont par conséquent un rôle à jouer dans l’idée d’usage raisonné des technologies numériques.

Qu’est-ce qu’un usage raisonné des technologies numériques ? La diffusion progressive des technologies numériques, qui intéresse tous les âges de la vie, pénètre tous les moments et les lieux du quotidien, suscite de nombreuses interrogations, ainsi qu’espoirs, craintes, et parfois mythes. Au sein de la communauté pédagogique, ce questionnement a souvent pour objet l’usage raisonné de ces technologies. D’un côté, l’idée d’usage raisonné renvoie à celle d’usage intelligent, efficace : il s’agit d’apprendre à utiliser les nouvelles technologies pour en ti rer un maximum d’avantages, de la simplification des tâches communes de la vie quotidienne à la montée en puissance des instruments pour la recherche et le travail. Même dans des domaines à basse technologie comme la philosophie, ou l’éducation, l’accès facilité aux sources transforme la pratique et les contenus de la recherche : il est désormais possible d’accéder à d’énormes quantités de données, mais aussi à des synthèses de ces mêmes données – les méta-analyses, de vrais outils de recherche secondaire. Ce rôle des technologies est certes plus évident lorsque

P30- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

e-éducation

l’on se tourne vers d’autres domaines de recherche, tels la physique des particules. Le world wide web naît au CERN pour faciliter les échanges de données entre physiciens des particules dispersés aux quatre coins de la planète (le CERN est cependant, en même temps, un lieu physique, siège d’un appareillage technologique mastodontique pour détecter des particules qui ne "vivent" qu’à très grandes énergies et où ces mêmes chercheurs se donnent rendez-vous).

Accompagnés par leurs enseignants, les enfants sont amenés à explorer ces questions, à mettre en place des expériences, des observations "de terrain". Ils développent ainsi une meilleure compréhension de certains aspects de fonctions cognitives telles que la perception, l’attention, la mémoire, les émotions, la communication, … C’est à ce moment que l’enseignant leur demande de faire un petit pas en arrière, de réfléchir aux usages et aux effets des écrans.

D’un autre côté, l’idée d’usage raisonné renvoie à celle de sagesse dans l’utilisation. Bien que d’énormes quantités d’information soient à la portée de quelques frappes sur un clavier, personne ne peut espérer exploiter toute cette connaissance. Si les limites ne sont plus imposées par l’espace et par le temps, elles le sont par notre nature : limites d’attention, d’intégration des connaissances dans l’espace mental, de pensée. Il est donc nécessaire de comprendre ce qu’on peut faire avec les technologies, non pas en vertu de leurs caractéristiques, mais des nôtres : développer une compréhension plus approfondie de notre cerveau et de ses fonctions, de ses possibilités et limites.

Par exemple, à partir de la nouvelle compréhension qu’ils viennent d’acquérir sur les limites de l’attention, ils vont réfléchir à la difficulté de faire plusieurs choses en même temps. Après avoir travaillé sur la perception du temps, et sur la difficulté d’estimer correctement le temps passé à faire quelque chose, ils vont transposer la compréhension nouvellement acquise au cas des écrans.

La compréhension "scientifique" des phénomènes cognitifs crée ainsi les conditions pour un usage des écrans plus raisonné, réfléchi.

Les sciences cognitives ont un rôle à jouer dans l’idée d’usage raisonné des technologies numériques.

Un projet pédagogique En 2013, la fondation "La main à la pâte" a produit un ouvrage, fruit de plus de 2 ans de réflexion et de mise à l’épreuve dans les classes. "Les écrans, le cerveau… et l’enfant" s’adresse en particulier aux élèves des cycles 2 et 3, et a pour but de les amener à réfléchir à l’usage des écrans et à leurs effets. Ceci à partir d’un point de vue qui n’est pas celui de la technologie, mais celui des sciences de la cognition et du cerveau. Qu’est-ce qui se passe lorsque notre attention est focalisée sur une tâche particulière, ou quand nous cherchons à prêter attention à plusieurs choses en même temps ? Qu’est-ce qui influence notre perception du temps qui passe ? Et nos émotions ? Comment reconnaissons-nous les émotions sur le visage des autres, comment surgissent-elles en nous ? Dans quelles conditions percevons-nous des images statiques comme étant en mouvement, comment donnons-nous une signification à ces mêmes images et aux sons qui les accompagnent ?

La compréhension "scientifique" des phénomènes cognitifs crée ainsi les conditions pour un usage des écrans plus raisonné, réfléchi. Cette compréhension peut aussi être transmise de l’école à la maison. Dans le cadre du projet "Les écrans, le cerveau … et l’enfant", il est proposé aux enseignants de faire réaliser aux enfants des expositions, des démonstrations publiques, pour permettre d’ouvrir le dialogue autour de l’usage des écrans au-delà de l’école en direction des familles.

Quelle recherche pour devancer les innovations ? La recherche en sciences cognitives est susceptible de contribuer de plusieurs manières à un usage raisonné des écrans. Si la recherche empirique rigoureusement conduite permet d’établir l’effet des écrans sur des fonctions telles que l’attention, la mémoire, ou l’impact des écrans sur les comportements addictifs, violents, elle ne nous éclaire pas sur les causes des effets observés. C’est plutôt la recherche fondamentale qui, en ouvrant une fenêtre sur les possibilités et les limites de notre cerveau, permet d’émettre des prévisions et de généraliser les effets des nouvelles technologies sur la cognition. Il est donc crucial que les deux lignes de recherche soient poursuivies de manière intégrée si l’on souhaite devancer les innovations plutôt que d’en évaluer les effets après coup. © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P31

Colloque international

Une question qui, à titre d’exemple, mérite d’être envisagée à partir de cette double démarche, concerne les raisons pour lesquelles nous nous sentons attirés par certains usages du numérique : jeux vidéo, réseaux sociaux, shopping sur Internet… Qu’estce qui les rend tellement séduisants – au point de craindre d’en abuser ? Lesquelles de leurs composantes peuvent-elle être utilement réinvesties pour imaginer des situations éducatives motivantes, engageantes ? Nous savons que notre cerveau a un "goût naturel" pour les stimuli perceptifs, les surprises, les quêtes, la recherche des causes, mais aussi pour la socialisation, le gossip, les émotions, les récompenses… Ces ingrédients, présents de façon variable dans les jeux vidéo, et notamment dans ceux en ligne, pour multiples joueurs, excitent dans notre cerveau des réponses automatiques, difficiles à contrôler car ils stimulent des préférences et des réactions profondément enracinées dans notre nature. Dans cette perspective, qui prend inspiration de la théorie de l’évolution pour mieux comprendre le fonctionnement de la cognition, les nouvelles technologies n’ont pas besoin de changer notre cerveau pour nous plaire, mais sont faites pour activer un certain nombre de "boutons darwiniens". Raison pour laquelle il peut être difficile, sans recourir à de bonnes stratégies, de résister à certains abus. Mais raison aussi pour exploiter la puissance de ces mêmes ingrédients à des fins pédagogiques.

e-éducation

Natifs du numérique ? Promouvoir un usage raisonné des technologies numériques signifie aussi évaluer correctement la compréhension que différents types d’utilisateurs en ont. Souvent, on considère a priori les jeunes utilisateurs comme étant "naturellement" compétents (en tant que "natifs du numérique"). On peut aussi se méprendre sur la maîtrise pratique de certains usages (les bébés qui savent faire tourner les pages d’une tablette numérique) ou la familiarité avec le marché (le fait que les adolescents ont des connaissances plus étendues que les enfants et les adultes concernant les nouveautés commerciales et leurs applications) pour une forme authentique de littératie numérique. Pourtant nous savons, grâce à des recherches en sciences cognitives, que le fait de savoir faire fonctionner un certain dispositif ne se traduit pas en une compréhension profonde des mécanismes impliqués, et que la facilité d’usage peut provoquer l’illusion de comprendre ces mêmes mécanismes.

(...) Nous savons, grâce à des recherches en sciences cognitives, que le fait de savoir faire fonctionner un certain dispositif ne se traduit pas en une compréhension profonde des mécanismes impliqués.

Si on considère qu’elle doit faire partie du bagage culturel de la "génération numérique", la littératie numérique doit donc être activement promue, grâce notamment à l’enseignement de l’informatique en tant que science.

Références • • • •

Académie des sciences. L’enfant et les écrans, Le Pommier, Paris, 2013. British Library, UCL, JISC : Information Behavior of the researcher of the future, 2007. Pasquinelli, E., Zimmermann, G., Bernard-Delorme, A., Descamps-Latscha, B. Les écrans, le cerveau … et l’enfant. Le Pommier, Paris, 2013. Pinker, S. Comprendre la nature humaine, Odile Jacob, Paris, 2005.

P32 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Au fil de la conférence... #eeduc14 : qu'est-ce qu'un usage raisonné des technologies ? Quels impacts sur les enfants ?

#eeduc14 : usage raisonné du numérique = usage intelligent ? Mais comment définir cette intelligence ?

#eeduc14 : usage intelligent à l'école = permettre la répétition, simplification des tâches, aide pour les élèves dys.

#eeduc14 : on gagne un sens de culpabilité car contraintes d'élaboration de l'info.

#eeduc14 : en quoi la tablette constitue une ressource ou une contrainte dans l'activité d'apprentissage ?

#eeduc14 : teaching machines dès 1954.

#eeduc14 : pour un usage réfléchi des neurosciences en pédagogie.

#eeduc14 : le cerveau a des limites que ne connaît pas l'ensemble des informations sur Internet.

#eeduc14 : question de l'écriture prédictive (clavier automatique) chez les élèves du premier degré. Une contrainte, erreurs non maîtrisées.

#eeduc14 : témoignages d'expériences d'utilisation du numérique en pédagogie : mon support de présentation ici : http://fr.slideshare.net/Laujuin/colloque-eeducation-eeduc14?qid=ac24d015-95c5-4c72-ac7741160af45abc&v=qf1&b=en orthographe ?

Retrouvez la conférence d'Elena Pasquinelli et de François Villemonteix en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/0W6Pq7lp

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P33

Colloque international

s e g a n g i Témo

e-éducation

Au fil du colloque présentation des témoins (suite de la page 28)

DES COULISSES D’UN MOOC À LA SALLE DE CLASSE Stéphanie Delpeyroux Blog : http://laprofdunet.com/

Mooc GDP 2015 : http://mooc.gestiondeprojet.pm/ ou QR Code

PROJET ITEC Stéphane Lebaron http://www.cndp.fr/itec/ ou QR Code

CONFORT ET DOMOTIQUE / VIRTUAL TEACH Jacqueline Bonnard

Retrouvez le support de sa présentation en ligne http://huit.re/r13rEVqj ou QR Code

Suite page 56 P34 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Le numérique, une nouvelle façon d'apprendre Émission spéciale d’Échafaudages, le magazine radio de l’ESENESR, avec : Elena Pasquinelli, Antonine Goumi, Jean-Michel Perron.

Retrouvez l'émission Émission animée par Olivier Dulac.

en mp3 :

Régie : Cécile Pires et Olivier Kappes.

http://huit.re/ eeduc14_WR2

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P35

"La question de la pertinence des usages pédagogiques numériques est essentielle, au même titre que d’autres innovations ou pédagogies."

Rémi THIBERT à propos de

Rémi

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Enseignant de lettres-anglais en lycée professionnel, il a passé 15 ans dans la banlieue lyonnaise avant de rejoindre l’Institut français de l’Éducation (IFÉ) en tant que chargé d’études au service Veille & Analyses. Il s’est aussi spécialisé sur les questions du numérique à l’école avec notamment la publication du dossier d’actualité intitulé "Pédagogique + Numérique = Apprentissages 2.0", en novembre 2012. ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview de Rémi en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/ eeduc14_itwRT

Le numérique à l'école pour donner du pouvoir d'agir Quels usages numériques les enseignants ont-ils dans le cadre de leur travail ? Comment les élèves s’emparent-ils du numérique à l’école ? Le numérique n’est pas en soi porteur de transformations pédagogiques, mais pour qu’il puisse être utilisé de manière pertinente dans le cadre de l’enseignement/apprentissage, des changements de regard, de posture, de paradigme s’avèrent nécessaires. Notre rapport au savoir est modifié par la pénétration des usages numériques dans nos vies quotidiennes : tout est à la portée de notre doigt, pour reprendre l’image de Michel Serres avec Petite Poucette. Ce sont conséquemment non seulement les rapports entre les enseignants et les élèves qui sont bousculés, mais aussi le rapport entre le savoir et les individus. De nouvelles façons d’apprendre, plus réticulaires, se font jour, que l’aménagement de nouveaux lieux (classes, CDI, etc.) peut favoriser. Mais alors, comment mesurer les effets du numérique sur les apprentissages ? Sûrement pas en gardant les mêmes grilles d’analyse. D’autres critères sont à formaliser, qui relèvent notamment de compétences plus transversales, pour mesurer les changements qui sont déjà en train de s’opérer. Des freins objectifs à l’utilisation du numérique en classe existent, qui peuvent relever de l’organisation scolaire, des locaux ou encore du matériel. D’autres raisons expliquent ces freins aussi : pour que l’alchimie prenne, la technologie doit être adaptée aux pratiques des élèves, des enseignants et aux habitudes de travail préexistantes. Si le numérique peut faire évoluer la culture professionnelle dans le monde de l’éducation, cela ne peut pas se faire contre cette

P36- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

tion soit pérenne dans le temps. Motivation due à la nouveauté (qui est forcément éphémère) ne rime pas forcément avec engagement (qui n’est valable que s’il s’inscrit dans la durée). La notion d’empowerment, terme Mais ce n’est pas seulement la anglais difficile à traduire (poupédagogie qui est interrogée voir d’agir  ; capacitation ; autopar le numérique. Les usages nomisation ; pouvoir-faire ; etc.) numériques sont fonction aussi permet de dépasser cet écueil : (et surtout  ?) de la façon dont le but du numérique serait alors de donner du Le but du numérique serait alors pouvoir aux de donner du pouvoir aux élèves élèves pour que leurs appour que leurs apprentissages prentissages deviennent signifiants à leurs yeux, d e v i e n n e n t signifiants à notamment en misant sur des situa- leurs yeux, notamment tions de travail plus collectives. en misant sur des situations de travail plus les établissements, sur un plan collectives. plus collectif, intègrent cette dimension dans leur quotidien : Le numérique réaffirme le rôle dans le projet d’établissement, primordial de l’école et des enseignants, notamment dans la dans les curricula, dans la communication entre les différents perspective de lutte contre la fracture numérique qui prend acteurs (y compris les parents et les partenaires extérieurs), de nouveaux visages : le fossé etc. Les rôles du chef d’étaculturel devient plus important blissement, de l’équipe de que les fossés générationnel ou direction, des échelons intersocial. En effet, tous les élèves médiaires participant au leaont des usages qui relèvent dership et au management de du divertissement, mais une l’établissement sont essentiels opposition apparaît entre ceux à une intégration numérique qui sont issus de milieux socioréussie, c’est-à-dire qui ne soit culturels défavorisés et ceux pas cantonnée à un usage pluissus de milieux plus favorisés tôt administratif orienté vers qui développent d’autres types le contrôle des élèves, mais qui d’usages, notamment éducatifs. développe la coopération, le partage, l’expression, la créaCe travail d’émancipation, aution, l’innovation. Ce sont ces quel le numérique permet de dimensions qui font l’intérêt du donner un écho plus impornumérique à l’école. tant, de réduction des inégaliLes travaux sur le numérique tés face aux usages nouveaux, sont relativement unanimes sur relève bien de la responsabilité de l’école. l’effet positif du numérique sur la motivation des élèves. Mais rien n’indique que cette motivamême culture. La question de la pertinence des usages pédagogiques numériques est essentielle, au même titre que d’autres innovations ou pédagogies.

Au fil de la conférence... #eeduc14 : quelle interaction entre pédagogie et numérique ?

#eeduc14 : comment l'intégrer facilement : projet, établissement, flexibilité, communication, implication, formations.

#eeduc14 : un colloque qui parle des écrans avec des écrans.

#eeduc14 : 3 fossés (génération et social, ils se comblent) - mais fossé culturel : sur l'usage éducatif.

#eeduc14 : de nouvelles façons d'apprendre hacker le savoir multitasking.

#eeduc14 : aujourd'hui j'ai appris un nouveau mot : capacitation.

#eeduc14 : quelle pédagogie dans l'établissement ?

#eeduc14 : l'échange entre pairs, la combinaison de projets... J'aime bien le mot nénupharisation :)

Retrouvez la conférence de Rémy Thibert et d'Eddie Playfair en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/qDEhOnjR

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P37

"L’incorporation technologique nécessite un temps de scepticisme, d’expérimentation et de réflexion. "

Eddie PLAYFAIR à propos d'

Eddie

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Principal de Newham Sixth form College (établissement en réussite dans un environnement défavorisé), Londres (Grande-Bretagne). Blogueur sur l'éducation, la politique et la culture. http://eddieplayfair.com/

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Socrate et le numérique Il y a 2 400 ans en Grèce antique, quand le principal moyen de transmission culturelle et d’apprentissage était la langue parlée, le philosophe Socrate avait prévenu que la parole écrite posait de graves risques pour la société. Dans une culture orale, l’écriture était une nouvelle technologie et Socrate avait plusieurs soucis quant à son impact possible :

1. il considérait que la parole écrite était inflexible : le discours "vivant" est dynamique et prêt à être découvert et interrogé par le dialogue. Dans le discours "mort" de la parole écrite, les mots semblent nous parler comme s’ils étaient eux-mêmes intelligents. Une fois écrits, ils continuent à raconter la même chose pour toujours, quoi que nous en pensions. Les mots écrits sont susceptibles d’être confondus avec la réalité et les lecteurs peuvent obtenir la fausse impression de bien comprendre quelque chose quand ils ne font que commencer à le comprendre ;

2. il considérait que l’écriture détruirait la mémoire : l’effort de Retrouvez l'interview d'Eddie en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/ eeduc14_itwEdP

mémoire permet la transmission orale et préserve une mémoire culturelle tout en améliorant la compréhension personnelle de chacun. Le lecteur ne peut pas s’approprier le texte sur une page comme il le peut avec celui qu’il a mémorisé ;

3. il considérait que nous perdrions la maîtrise de la langue : la lecture représente une perte de contrôle de nos connaissances. On ne peut pas savoir qui va lire notre texte et comment cette lecture sera interprétée. Une fois qu’une chose est écrite elle

P38- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

peut tomber dans les mains de ceux qui la comprennent tout aussi bien que de ceux qui n’en comprennent rien. Le texte ne peut pas s’adapter pour répondre aux différents besoins des différents publics et quand il est maltraité, il ne peut pas se défendre. Les dérives sont possibles de tous les côtés. Socrate ne nous a pas laissé d’écrits, mais heureusement que son disciple Platon avait moins de scrupules, ce qui nous permet d’avoir un compte-rendu des meilleurs arguments Socratiques. Plus de deux mille ans plus tard, sommes-nous en mesure de répondre aux préoccupations de Socrate ? L’écrit est devenu un élément essentiel de la transmission culturelle et nous dépendons tellement de la parole écrite qu’il est impossible d’imaginer notre monde sans elle. Face à un Socrate du XXIe siècle, nous pourrions commencer par rappeler qu’il est inconcevable aujourd’hui qu’un individu ou même un groupe puisse acquérir toutes les connaissances humaines. Nous pourrions lui expliquer la nécessité absolue d’avoir des textes écrits pour pouvoir rassembler la totalité de nos connaissances contemporaines dans une forme capable d’être partagée et comprise par nos concitoyens de la république humaine des connaissances. Nous pourrions également lui démontrer que l’avancée de l’écrit n’a étouffé ni le dialogue ni le débat, il en est en fait le principal moyen. C’est généralement en langue écrite que nous proposons, que nous partageons et que nous contestons nos idées nouvelles. On pourrait convenir que l’écrit est sujet aux abus, y compris ceux que l’auteur n’aurait pas pu prévoir, mais on pourrait aussi montrer que le développement de l’alphabétisation généralisée et la lecture critique peuvent protéger contre ces abus.

e-éducation

une chanson ou une citation préférée par cœur est toujours à notre disposition, et même si nous ne récitons plus les grands poèmes épiques, notre mémoire nous sert quotidiennement dans toutes sortes de situations complexes. L’inquiétude de Socrate au sujet de l’impact négatif d’une nouvelle technologie de communication a été réitérée à chaque cycle suivant de révolution en communication. L’imprimerie encouragerait-elle une propagation de l’hérésie et appauvrirait-elle la culture ? La photographie et puis le cinéma entraîneraient-ils la fin de la peinture et du théâtre ? Le téléphone et l’e-mail détruiraient-ils l’art d’écrire ? À chaque étape, certains craignent que les pertes l’emportent sur les gains, mais une fois qu’une nouvelle technologie de communication s’implante et mûrit, nous trouvons éventuellement qu’elle renforce les interactions humaines et qu’elle permet aux anciennes technologies de s’adapter et de trouver un nouveau rôle.

À chaque étape, certains craignent que les pertes l’emportent sur les gains, mais une fois qu’une nouvelle technologie de communication s’implante et mûrit, nous trouvons qu’elle renforce les interactions humaines.

Bien que la mémoire n'ait pas été détruite, nous apprenons beaucoup moins par cœur qu’autrefois et la pratique routinière de la mémoire est bien moins valorisée, hormis à des fins très spécifiques. Nous avons remplacé la mémoire par une gamme de compétences de recherche sophistiquée qui nous aide à sélectionner précisément ce dont nous avons besoin parmi la masse des sources écrites disponibles et à en évaluer la validité. Le plaisir d’apprendre un poème,

Nous sommes aujourd’hui en pleine révolution de la communication. La connectivité mondiale à grande vitesse entre les individus, la création de ressources accessibles, interrogeables et interactives intégrant l’image, le son et l’écrit ; tout cela nous offre de merveilleuses possibilités éducatives. Les enseignants ont toujours été soucieux d’appliquer les nouvelles techniques pour renforcer l’apprentissage, mais il faut du temps pour percevoir leurs avantages. Ceux d’entre nous qui ont vécu l’introduction des premiers ordinateurs en classe se souviendront qu’ils nous offraient très peu de valeur éducative. L’incorporation technologique nécessite un temps de scepticisme, d’expérimentation et de réflexion. En tant qu’enseignants, nous devons incorporer ces nouvelles technologies dans notre boîte à outils, tout en posant le même genre de questions que poserait Socrate : Que risque-t-on de perdre ? Quels aspects des anciennes technologies faudrait-il préserver ?  

Dans leur essai Questions for a Reader dans la collection Stop what you’re doing and read this (Vintage 2011) Maryanne Wolf et Mirit Barzillai décrivent certains des défis du numérique pour le lecteur contemporain : © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P39

Colloque international

"Les lecteurs de demain apprendront-ils à ne réclamer que la simplicité, la rapidité et l’explication par un autre ? Ou seront-ils plongés dans l’innovation technologique, devenus habiles à faire le triage et l’évaluation critique de différents types de lecture en fonction de leurs intérêts et de leur but : recherche, compréhension ?... La souplesse du texte numérique…pourrait-elle améliorer l’expérience de la lecture pour les lecteurs, les propulsant vers un engagement plus profond avec le texte, ou estce que tout cela ne fera que multiplier les distractions ?"

e-éducation

se servir du numérique pour partager leurs bonnes pratiques pédagogiques et éviter de réinventer la roue. Tout en faisant cela, nous devons rappeler que pour un apprentissage réussi il faut pouvoir se concentrer, penser, parler, écouter, lire et écrire en profondeur. Par conséquent, nos objectifs pour le numérique doivent être ambitieux. Nous voulons que nos étudiants puissent naviguer sur internet pour les commentaires et les sommaires de livres, mais aussi qu’ils puissent lire des livres entiers et en former leurs propres opinions. Nous voulons qu’ils puissent tweeter mais aussi qu’ils puissent écrire une bonne rédaction, qu’ils puissent critiquer leurs études avec leurs camarades tout en s’engageant dans un effort personnel soutenu. Bref, nous devons développer des étudiants qui peuvent maîtriser tous les moyens à leur disposition pour enrichir leur apprentissage et leur vie.

Nous ne voulons pas niveler vers le bas pour atteindre une génération en-ligne avec sa prétendue courte durée d’attention. (...) Nos objectifs pour le numérique doivent être ambitieux.

Selon Wolf et Barzillaï, pour réussir leur apprentissage, les étudiants auront besoin de "connecter des compétences de lecture profonde aux compétences de traitement de l’information afin d’être en mesure d’utiliser les ressources et les plates-formes du XXIe siècle judicieusement. La tâche est de comprendre comment le faire".

Le numérique n’est pas une mode passagère ou une tentative de pertinence. Nous ne voulons pas niveler vers le bas pour atteindre une génération en-ligne avec sa prétendue courte durée d’attention. Les enseignants qui connaissent bien leur sujet, qui ont des objectifs clairs et qui comprennent l’apprentissage doivent développer et sélectionner les meilleurs matériaux possibles et s’en servir intelligemment pour renforcer l’acquisition des connaissances et de la compréhension approfondie. Ils doivent également

P40 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Il se pourrait bien que l’exploitation du numérique par des enseignants experts et créatifs puisse les libérer et leur permettre d’engager leurs étudiants de plus en plus en dialogue "Socratique". Le grand philosophe approuverait certainement.

Au fil de la conférence... #eeduc14 : qu'est-ce qu'il ne faut pas changer  ?

#eeduc14 : Eddie Playfair présente son établissement - lycée anglais NewVIc.

#eeduc14 : Socrate avait prédit que la parole écrite posait pb destruction mémoire perte maîtrise langue ?

#eeduc14 : pourquoi comment éduquer ?

#eeduc14 : Eddie Playfair présente le modèle DOES, compétences nécessaires aux élèves : Determination / Organization / Enquiry / Social

#eeduc14 : les projets : exemple des projets Jules Verne http://ow.ly/CN9by

#eeduc14 : le numérique n'est finalement qu'un miroir de la façon dont le système gère le reste.

#eeduc14 : citation de Hannah Arendt, l'éducation c'est le moment que nous décidons.

Retrouvez la conférence d'Eddie Playfair et de Rémi Thibert en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/qDEhOnjR

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P41

"S’ il n’existe à ce jour aucune définition officielle de la littératie électronique, on peut néanmoins dresser quelques critères non exhaustifs sur les spécificités de la compréhension de l’écrit électronique ."

Antonine GOUMI à propos d'

Antonine

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Maître de conférences en psychologie cognitive à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. Membre du laboratoire de recherche CHArt-UPO 4004 (Cognition Humaine et Artificielle – Université Paris Ouest). Thèmes de recherche - actuellement sur le SMS - : langage SMS et adolescents, potentiel créatif des scripteurs, usages et motivation dans la communication chez le jeune adulte. ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview d'Antonine en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/ eeduc14_itwAG

Le numérique transforme-t-il l'écriture ? L’utilisation massive des outils technologiques, dont les adolescents comptent parmi les plus gros utilisateurs, fait peser dans les esprits l’idée d’une dégradation du niveau de qualité des compétences alphabétiques d’un point de vue général, et de l’écriture plus particulièrement. Les résultats de la recherche de terrain en psychologie cognitive apportent des pistes de réponse. Une première illustration permet de caractériser certains processus à l’œuvre chez les élèves lors d’une tâche très utilisée par les enseignants : la recherche d’informations sur le Web. Rouet, Ros, Goumi, Macedo-Rouet et Dinet (2011) ont ainsi montré que les jeunes élèves, lorsqu’ils cherchent une information, ne s’engagent pas dans un traitement profond du matériel, mais ont tendance à s’appuyer sur des indices de surface, comme la typographie des mots-clefs. Or, certaines compétences pourraient être enseignées afin que les élèves apprennent à se servir du Web comme d’une source d'information utile : par exemple sensibiliser les élèves aux notions d’indices ou chercher à favoriser l'élaboration préalable du thème avant que les élèves ne se lancent sur le Web. Les résultats montrent également à quel point la maîtrise des compétences de base en lecture reste une condition préalable à l'acquisition de stratégies efficaces de recherche sur le Web. Rechercher de l’information sur Internet constituerait ainsi une activité de lecture-compréhension "finalisée" (Rouet & Britt, 2011). L’enseignement des compétences alphabétiques devrait donc se poursuivre en s’étendant vers de nouvelles compétences à l’entrée au collège : recherche d’informations, prise en compte d’indices

P42- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

textuels, des sources d’informations, et de la lecturecompréhension de document multiples. Si la lecture a longtemps été conçue comme relevant d’une capacité de décodage et de compréhension, cette définition semble aujourd’hui limitée car non fonctionnelle. La définition de la compréhension de l’écrit selon l’OCDE et PISA relève d’ailleurs de "la capacité de comprendre, d'utiliser et de réfléchir sur des textes écrits, afin de développer ses connaissances et prendre une part active à la vie en société". Cette définition est plus actuelle car renvoyant à l’utilité culturelle, sociale et professionnelle de la lecture. Quelles sont les compétences dont les élèves ont besoin dans une société connectée ? Depuis 2009, PISA évalue les compétences en compréhension de l’écrit électronique. C’est lorsqu’il s’agit de naviguer entre plusieurs sites et d’y analyser de façon détaillée les textes, qu’une majorité d’élèves échoue (cf. figure 1). Or, il s’agit pourtant d’une compétence hautement importante afin de pouvoir utiliser les outils électroniques. Lire à l’heure du numérique, c’est lire sur Internet, c’est y rechercher de l’information, et c’est donc devoir lire, comprendre et intégrer des informations issues de différents environnements. Second constat, les élèves les plus en difficulté (12,9%), ne sont capables de localiser de l'information explicite que dans un texte court, simple et familier.

e-éducation

lité de l’écrit réduite pouvant affecter la lisibilité à l’écran ; une quantité d’informations disponible, une présentation de l’information et des outils de navigation différents ; des documents multimédias et interactifs, et enfin, une communication écrite accrue. D’un point de vue cognitif, si les processus de bas niveau (reconnaissance des mots) et de haut niveau (compréhension) restent inchangés quel que soit le type de document, ce sont les processus de très haut niveau qui sont les plus impactés par les documents électroniques : intégration d’informations issues de sources multiples, évaluation de la crédibilité, prise en compte des organisateurs et utilisation des outils de navigation. Plus récemment, la psychologie cognitive s’est également penchée sur une pratique différente, très répandue chez les élèves hors du contexte scolaire : l’écrit SMS. L’inquiétude majeure des acteurs de l’éducation (enseignants comme famille) étant le soupçon de la pollution de l’écrit traditionnel par le langage texto. Les premiers résultats en langue française accréditent que pourtant c’est le niveau en orthographe qui détermine la forme des SMS (Bernicot, Goumi, Volckaert-Legrier & Bert-Erboul, 2014). Les scientifiques sont nombreux à pencher pour une même explication à ce phénomène. Plester et Wood (2009) expliquent ainsi que les compétences à texter seraient liées aux compétences alphabétiques des élèves de deux manières : la pratique du SMS implique une plus grande "exposition à l’écrit" et le niveau de "conscience phonologique" sous-tend de nombreuses abréviations textuelles utilisées dans les SMS. Ces deux phénomènes, biens connus de la psychologie cognitive, se révèlent donc utiles afin de repenser le rapport aux compétences alphabétiques imprimé par le numérique.

D’un point de vue cognitif, si les processus de bas niveau (reconnaissance des mots) et de haut niveau (compréhension) restent inchangés quel que soit le type de document, ce sont les processus de très haut niveau qui sont les plus impactés par les documents électroniques.

La "conscience phonologique" (phonological awareness en anglais) relève de la capacité à manipuler intentionnellement des unités de segmentation plus petites que les mots : rimes, syllabes, phonèmes. Il s’agit d’une compétence primordiale dans l’acquisition et l’apprentissage de la lecture (reconnaissance de l’écrit, décodage et fluidité en lecture) et dans l’entrée dans l’écrit. C’est en effet le meilleur et le plus fort prédicteur de la réussite ultérieure en lecture (Stanovich et al., 1997). S’il n’existe à ce jour aucune définition officielle de la littératie électronique, on peut néanmoins dresser quelques critères non exhaustifs sur les spécificités de la compréhension de l’écrit électronique : une qua-

Le concept d’"exposition à l’écrit" (print exposure en anglais) concerne l’influence des pratiques de lecture familiale sur les habiletés précoces d’enfants d’âge préscolaire. Les travaux relatifs au print exposure décrivent l’impact de l’exposition à l’écrit sur l’acquisition de la langue écrite. Il est admis, notamment grâce aux travaux de Cunningham et Stanovich © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P43

Colloque international

e-éducation

phabétiques des élèves en particulier, notamment en (1997), que ce facteur, qui relève de l’expérience ce qui concerne l’écrides enfants hors du contexte scolaire, L’état actuel des connaissances scientifiques ture. Les résultats des contribue au développermet d’affirmer que les technologies n’ont recherches conduites pement, à la précision en psychologie cognipas d’effet négatif sur les apprentissages en tive, comme dans et au stockage des représentations orthogénéral et sur les compétences alphabé- d’autres disciplines graphiques. scientifiques, peuvent tiques des élèves en particulier, notamment permettre d’aider les Quelle que soit la techéquipes pédagogiques en ce qui concerne l’écriture. nologie étudiée, les à une meilleure prise résultats de la recherche de terrain en psychologie en compte des processus qui s’opèrent chez les élèves cognitive montrent qu’il n’y a pas d’effet magique lors de leur utilisation de supports numériques. des technologies sur les apprentissages. L’état actuel des connaissances scientifiques permet d’affirmer que les technologies n’ont pas d’effet négatif sur les apprentissages en général et sur les compétences al-

Annexe Figure 1. Pourcentage d’élèves français à chaque niveau de compétence sur l’échelle de compréhension de l’écrit électronique. Source : OCDE (2014). Résultats du PISA 2012 : Savoirs et savoir-faire des élèves : Performance des élèves en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences (Volume I). PISA : Éditions OCDE. Et : OCDE (2011). Résultats du PISA 2009 : Élèves en ligne : Technologies numériques et performance (Volume VI). PISA : Éditions OCDE.

P44 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Références et bibliographie • Bernicot, J., Goumi, A., Bert-Erboul., A. & Volckaert-Legrier, O. (2014). How do skilled and less-skilled spellers write text messages? A longitudinal study of sixth and seventh graders. Journal of Computer Assisted Learning. • OCDE (2014). Résultats du PISA 2012 : Savoirs et savoir-faire des élèves : Performance des élèves en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences (Volume I). PISA : Éditions OCDE. • OCDE (2011). Résultats du PISA 2009 : Élèves en ligne : Technologies numériques et performance (Volume VI). PISA : Éditions OCDE. • Plester, B., & Wood, C. (2009). Exploring Relationships Between Traditional and New Media Literacies: British Preteen Texters at School, Journal of Computer-Mediated Communication, 14, 1108-1129.

Au fil de la conférence... #eeduc14 : le numérique transforme l'élève "écrivain" en élève "publiant" : l'acte d'écriture acquiert un statut supplémentaire.

• Rouet, J.-F., & Britt, M.A. (2011). Relevance processes in multiple document comprehension. In M.T. McCrudden, J. P. Magliano, & G. Schraw (Eds.), Text Relevance and Learning from Text (pp. 19-52). Greenwich, CT : Information Age Publishing. • Rouet, J.-F., Ros, C., Goumi, A., Macedo-Rouet, M., & Dinet, J. (2011). The influence of surface and deep cues on primary and secondary school students' assessment of relevance in Web menus. Learning and Instruction, 21 (2), 205219. • Goumi, A. (2012). Réseaux numériques d’enseignants : comment réussir ? Que dit la recherche ? Agence des Usages des TICE. http://www.cndp.fr/agenceusages-tice/que-dit-la-recherche/reseaux-numeriques-d-enseignants-comment-reussir-56.htm • Goumi, A., Volckaert-Legrier, O., Bert-Erboul, A., & Bernicot, J. (2011). SMS length and function: a comparative study of 13 to 18 year-old girls and boys.

#eeduc14 : l'orthographe des ados indépendante de leur addiction aux SMS.

#eeduc14 : le textisme est une transformation de l'orthographe d'un mot.

#eeduc14 : pratique SMS implique plus grande exposition à l'écrit.

European Review of Applied Psychology, 61 (4), 175-184.

Conseils de lecture

#eeduc14 : pratique du SMS : étudier également les registres des langues.

• Goumi, A., & Bernicot, J. (2012). Le langage SMS chez les adolescents, faut-il s’en inquiéter ? L’École numérique. La revue du numérique pour l’éducation, n° 12, 34-35. • Ministère de l’Éducation Nationale - Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (2013). L’évolution des acquis des élèves de 15 ans en compréhension de l’écrit et en culture scientifique, Premiers résultats de l’évaluation internationale PISA 2012. Note d'information n°13.30. • OCDE (2013). Les stratégies d’apprentissage peuvent-elles réduire l’écart de performance entre élèves favorisés et élèves défavorisés ? PISA à la loupe, 30.

#eeduc14 : le SMS ou la démocratisation de l'acte d'écrire.

#eeduc14 : être sur Internet c'est beaucoup lire.

• Rouet, J.-F., & Goumi, A. (2010). L'entraînement des stratégies de compréhension en lecture : Apports des technologies numériques. Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l'Enfant, 107-108, 191-198.

Retrouvez la conférence d'Antonine Goumi en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/WpNIbchN

Quelques SMS extraits du diaporama projeté par Antonine lors de sa conférence.

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P45

Colloque international

Les soirées du colloque

e-éducation

Suite de la page 18

15 octobre : ateliers découverte à l'ESENESR Trois ateliers, auxquels s’ajoutait une dernière session de témoignages avec Laurence Juin, étaient proposés aux participants : Jean-Paul Moiraud, de l’Université Lyon 1, a proposé un atelier "Legos – de la main à la pensée", avec deux objectifs : • scénariser spatialement une situation pédagogique en groupe de travail collaboratif, • analyser de quelle façon l’introduction du numérique modifie nos spatialisations sociales.

Jacques Rodet, de l’Université de St Quentin en Yvelines, a proposé la découverte du jeu Scenoform, déclinaison de l’outil du même nom dédié à la scénarisation pédagogique et tutorale d’une formation hybride ou à distance - voir https://sites.google.com/site/jacquesrodet/scnenoform

Simon Fau, consultant et auteur, a proposé un atelier de réflexion sur la question de la responsabilité éducative des écrans.

P46 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

e-éducation

Jeudi 16 octobre 2014 Après avoir défini et mesuré les enjeux, puis nous être intéressés aux interactions entre numérique et pédagogie, considérer l’avenir semble une suite logique. Avec Marc Durando, directeur du European School Net et créateur du Future Classroom Lab, et Lionel Formentelli, architecte, nous nous sommes donc intéressés au devenir des espaces scolaires et du "lieu école" de l’âge numérique.

rnée 3 u o J

Vers l'école du futur

Interventions de clôture C’est à Jean-François Cerisier, vice-président de l'université de Poitiers, en charge du numérique et de la documentation et directeur du laboratoire TECHNE, qu’est revenue la tâche de prononcer l’intervention de clôture du colloque et d’interroger le futur de l’éducation et sa place dans l’univers numérique. Le colloque s’est terminé par une allocution d’Olivier Dulac, responsable de l'innovation pédagogique et du numérique à l’ESENESR, qui en a livré les premières conclusions et dressé quelques pistes d’avenir. Retrouvez l'intervention de Jean-François Cerisier : http://huit.re/PZXxvAbF ou QR code :

Retrouvez l'intervention d'Olivier Dulac : http://huit.re/Gmupme38 ou QR code :

Retrouvez à partir de la page 61 les synthèses des ateliers de réflexion qui se sont tenus à l'ESENESR et au sein du réseau Canopé. © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P47

"Un des enjeux principaux réside dans la définition du rôle de l’enseignant. (...) Les dix prochaines années seront certainement cruciales pour investir, soutenir et valoriser cette profession."

Marc DURANDO à propos de

Marc

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Directeur exécutif du "European Schoolnet", Bruxelles (Belgique). Créateur du laboratoire d’expérimentation sur les espaces d’apprentissages du futur "Future Classroom Lab".

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Retrouvez l'interview de Marc en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/ eeduc14_itwMD

Quels espaces pour apprendre à l'ère du numérique ? "Un enfant né aujourd’hui obtiendra son diplôme dans un monde complètement différent de celui d’aujourd’hui. En 2030, simplement connaître des faits n’aura pas de grande valeur. Nos systèmes éducatifs ont besoin d’équiper les apprenants à penser de manière créative, indépendante, rigoureuse et collaborative. Nos enseignants les plus capables et les plus engagés s’efforcent de préparer les étudiants pour les défis du XXIe siècle, tout en travaillant dans le cadre de modèles éducatifs développés pour le XIXe siècle."

European Schoolnet – réseau de ministères de l’éducation engagé dans la transformation des processus d’enseignement et d’apprentissage Depuis sa création par les ministères de l’Éducation en 1997, l’association European Schoolnet s’est imposée en tant que plateforme européenne pour encourager les établissements scolaires à optimiser l’utilisation des technologies dans l’enseignement, promouvoir la dimension européenne dans les écoles et dans l’éducation, et améliorer la qualité de l’enseignement en Europe en s’appuyant sur l’usage des TICE. Aujourd’hui, European Schoolnet coopère avec 31 ministères de l’Éducation, plusieurs centaines de milliers d’enseignants et écoles et une cinquantaine de sociétés impliquées dans le secteur éducatif. Plus particulièrement, European Schoolnet intervient sur trois domaines stratégiques : • apporter des résultats concrets ("évidence"), des données dans l’innovation en éducation pour permettre l’élaboration de recommandations politiques au niveau des différents ministères ;

P48- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

• soutenir les écoles et les enseignants dans leurs pratiques. European Schoolnet s’est vu confier par la Commission l’animation des réseaux eTwinning et Scientix ainsi que Insafe ; • développer et soutenir un réseau d’établissements engagés dans des approches innovantes en matière d’enseignement et d’apprentissage. Dans ce contexte, European Schoolnet s’est vu confier la coordination de la plus grande initiative en Europe au niveau du projet iTEC (Innovative Technologies for an Engaging Classroom) pour concevoir l’apprentissage et l’enseignement de la classe du futur (http://itec.eun.org). Ce projet est soutenu par le programme FP7 de la Commission européenne et implique 17 ministères de l’éducation. Plus de 9,45 millions d’euros ont été financés par le programme-cadre FP7, et cela permet à plus de 50 000 élèves de 2 500 classes pilotes dans 19 pays de travailler sur le développement et la réalisation de nouveaux scénarios pédagogiques, de nouvelles approches en matière d’enseignement et d’apprentissage. Dans les problématiques d’intégration des technologies dans les processus d’apprentissage, l’une des questions récurrentes était de savoir si l’approche devait être dirigée par les technologies ou bien par la pédagogie. L’approche adoptée par le projet iTEC repose sur les deux principes suivants :

e-éducation

En raison du très large intérêt manifesté par les différents acteurs impliqués, notamment les autorités régionales et locales chargées de l’éducation, cette initiative s’est développée. Le Future Classroom Lab n’a pas pour objet de travailler sur les technologies du futur, mais bien de présenter les technologies actuelles et comment ces dernières peuvent être intégrées dans les processus d’enseignement et d’apprentissage. 25 partenaires industriels soutiennent le Future Classroom Lab, et un écosystème s’est développé, où chaque année sont organisés 15 workshops pour décideurs, 40 workshops pour les enseignants (plus de 5000 enseignants ont déjà été formés). Le Future Classroom Lab a aussi permis l’émergence et la création d’une dizaine d’autres labs en Europe sur le modèle initié par European Schoolnet.

Ne jamais penser technologie sans se préoccuper des enseignants – les enseignants avec la technologie feront la différence avec leurs élèves.

• si nous définissons la pédagogie correctement et incorporons la technologie en conséquence, l’apprentissage deviendra plus simple, meilleur et plus engageant ; • ne jamais penser technologie sans se préoccuper des enseignants – les enseignants avec la technologie feront la différence avec leurs élèves.

La création du Future Classroom Lab Les travaux menés par le projet iTEC se sont inscrits dans le souci de pérenniser l’ensemble des activités pilotes et expérimentales menées avec les écoles impliquées. C’est dans ce contexte qu’en partenariat avec l’industrie, European Schoolnet a créé le Future Classroom Lab. Ce nouvel espace d’enseignement et d’apprentissage a été conçu afin de présenter des scénarios pour l’enseignement et l’apprentissage dans la classe du futur, mis au point dans le cadre du projet iTEC.

Le Laboratoire a été conçu de manière très futuriste et son organisation spatiale casse les stéréotypes habituels attachés à une salle de classe traditionnelle. Si cela est très utile pour encourager les visiteurs à adopter une attitude innovante, cet aspect n’est pas le plus important : il s’agit avant tout de faciliter les discussions autour des évolutions pédagogiques à encourager dans les écoles. La réorganisation spatiale de la salle de classe peut aussi se faire dans les environnements actuels. Le développement d’une approche de plus en plus collaborative et active dans l’acquisition de connaissances et de compétences implique une réflexion sur l’organisation de la classe, que ce soit au primaire ou au secondaire. La question de l’infrastructure technologique est également essentielle pour optimiser l’utilisation des technologies déjà disponibles et préparer celles du futur. Il ne s’agit pas forcément d’investir massivement dans des solutions coûteuses mais de rationaliser la mise en place des technologies et impliquer toute l’équipe éducative en amont lorsque que des transformations sont prévues. L’objet n’est pas de proposer un modèle spécifique devant être suivi, mais de proposer des espaces différents où l’enseignant peut tester de nouvelles approches et valider avec ses pairs les possibilités développées et les approches dans le cadre de leurs activités quotidiennes.

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P49

Colloque international

L’innovation en éducation – un processus complexe L’ensemble de ces activités doit s’inscrire dans une réflexion plus globale liée à l’importance de valoriser l’innovation en éducation. Les défis majeurs en matière d’innovation peuvent s’articuler autour de trois grandes composantes :

e-éducation

la moitié des enseignants. Cela met en perspective l’importance à accorder à la formation initiale de nos futurs enseignants et à la valorisation de la profession d’enseignant, car grand nombre de nouveaux enseignants quittent aussi la profession après moins de trois années d’exercice. Les dix prochaines années seront certainement cruciales pour investir, soutenir et valoriser cette profession. Cela s’inscrit dans le deuxième défi qualitatif de préparer de nouveaux professionnels et de mettre en place de nouveaux modèles de formation préparant à de nouvelles pratiques. "L’enseignant du XXIe siècle devrait être plus celui qui apprend de son enseignement plutôt que celui qui a fini d’apprendre comment enseigner[...]" (Linda Darling-Hammond - Stanford Graduate School of Education).

• la nécessité d’avoir des enseignants novateurs, et cela est déjà le cas : nous souffrons essentiellement du fait qu’il est difficile de capturer cette innovation, de la faire connaître et ensuite de la diffuser pour envisager une adoption à plus grande échelle des innovations au niveau de nos systèmes éducatifs ; • le deuxième élément est lié à la nécessité d’avoir des écoles innovantes et c’est l’un des défis Grand nombre d’initiatives innovantes se déveactuels – pouvoir soutenir les établissements loppent et beaucoup d’expérimentations permettent scolaires dans la gestion du changement et les de tester de nouvelles approches globales L’objet n’est pas de proposer un modèle approches, de nouvelles à mettre en œuvre pratiques pédagogiques au niveau de l’étaspécifique devant être suivi, mais de liées à l’intégration des blissement ; proposer des espaces différents où l’entechnologies dans les • la dernière comseignant peut tester de nouvelles ap- processus éducatifs. posante en maToutefois, l’une des diftière d’innovation proches et valider avec ses pairs les pos- ficultés rencontrées concerne la nécessité de voir aussi sibilités développées (...) dans le cadre de consiste à mettre en place les mécanismes nos systèmes éduleurs activités quotidiennes. appropriés pour un décatifs devenir plus ploiement à grande échelle des innovations réussies. innovants. Cela peut concerner de nouvelles apQuatre critères majeurs peuvent être retenus pour proches en matière d’évaluation, ou en matière intégrer technologie et pédagogie dans les procesde ressources numériques... sus d’enseignement et d’apprentissage : Il conviendra dans ce contexte de gestion de l’in• en premier lieu, la technologie doit être vraiment novation en éducation de prendre en compte les attractive et engageante pour les élèves et les mécanismes liés à la gouvernance de l’innovation, enseignants, ce qui rendra l’apprentissage plus l’indispensable formation des acteurs ainsi que les facile et plus intéressant ; mécanismes permettant un déploiement à grande • la technologie doit être beaucoup plus efficace échelle des innovations. et facile d’utilisation ; Un des enjeux principaux réside dans la définition • la technologie doit être omniprésente pour perdu rôle de l’enseignant  : quels enseignants nos sysmettre un accès permanent (24h/24h, 7 jours par tèmes doivent-ils avoir pour relever et préparer la semaine) ; formation des générations actuelles et futures  ? • l’ensemble des processus pédagogiques Nous sommes confrontés à un défi quantitatif doivent être ancrés dans la résolution de (déficit de plus de trois millions d’enseignants dans problèmes de la vie quotidienne, et cela est le monde – UNESCO). Le défi est aussi européen, d’autant plus vrai dans le domaine lié à de essentiellement au niveau de l’âge moyen de la pronouvelles manières d’enseigner les sciences, fession enseignante. Plus de 60 % des enseignants s'agissant des problèmes que nous rencontrons en Europe ont plus de 40 ans. Une analyse plus fine par rapport à l’attractivité qu'exercent sur les révèle que plus d’un tiers des enseignants en Europe jeunes les filières scientifiques et techniques. ont plus de 50 ans, et dans certains pays, comme l’Allemagne et l’Italie, cela peut atteindre jusqu’à P50 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Il convient de ne pas se centrer sur la technologie en tant que telle, mais sur son usage approprié, et de pouvoir interroger chaque nouvelle technologie quant à son potentiel à servir des objectifs éducatifs. Trois facteurs critiques de succès des innovations peuvent être identifiés : • en premier lieu, faire connaître les innovations et donner des preuves ("évidences") démontrant que le changement est possible ; • donner de la reconnaissance et du temps aux enseignants ; • appuyer l’ensemble de ces deux premières composantes par une décision politique nécessaire permettant d’assurer qu’aucun retour en arrière ne soit possible au niveau des développements et de la mise en œuvre des innovations. La classe du futur relève plus d’un défi pédagogique que technologique. La coopération et la comparaison entre pays est indispensable et il importe de conserver ce laboratoire de pratique et d’analyse permettant l’échange d’expériences et de pratiques. Enfin, la recherche et l’évaluation sont plus que jamais nécessaires pour guider une évolution majeure de nos systèmes éducatifs.

Au fil de la conférence... #eeduc14 : imaginer l'école du futur, c'est penser les structures immobilières et mobilières.

#eeduc14 : le numérique mettrait-il les apprenants au centre du "dispositif" d'apprentissage ?

#eeduc14 : "la classe du futur est un défi pédagogique plus que technologique" Durando

#eeduc14 : en France les personnes qui décident du changement ne sont pas forcément celles qui les mettront en œuvre.

#eeduc14 : pas de pensée sans corps, pas de corps sans espace, pas d'espace sans temps qui passe...

Retrouvez la conférence de Marc Durando et de Lionel Formentelli en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/mg9gX2TE

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P51

"Rendre intelligible un processus, ce n’est pas une lubie de communicant, c’est anticiper le travail collaboratif, c’est anticiper le travail d’aujourd’hui et de demain."

Lionel FORMENTELLI à propos de

La conception des espaces d’enseignement : "de la machine à éduquer aux espaces des apprentissages"

Lionel

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

Architecte diplômé par le gouvernement (DPLG), atelier FCL ARCHITECTURE. Spécialiste de la réhabilitation de bâtiments publics et du développement urbain - Ville de Marseille.

I - Introduction Avant de concevoir un bâtiment, il faut tenter de connaître au mieux le contexte d’intervention, qu’il soit physique comme l’état du sol, ou qu’il soit moral comme les modes de fonctionnement des futurs usagers du lieu. Vouloir bâtir nécessite donc avant tout un travail d’investigation, d’écoute, d’imprégnation. Bien avant de prendre un crayon en main, il faut donc lire, regarder, sentir, interroger, faire parler, écouter, discuter, chercher du sens, chercher des fondements et se faire une opinion. Prendre son crayon nécessite d’avoir déjà forgé un point de vue, une orientation, d’avoir discuté avec ses interlocuteurs d’un parti pris. Concevoir un bâtiment, quel qu’il soit, n’a pas pour but de résoudre une équation mathématique dans l’optique d’un résultat unique et intangible. Concevoir un bâtiment c’est fédérer une équipe pour apporter une solution répondant aux attentes les plus pertinentes d’un mode de fonctionnement, d’un programme au service d’usagers, d’un contexte.

P52- © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

L’enseignement est une discipline complexe qui doit se positionner pour trouver un dénominateur commun cohérent et intéressant pour une classe d’élèves ou d’étudiants, tout en tenant compte des spécificités de chacun, de l’environnement social, politique et technologique de plus en plus complexe de nos jours. En réponse, l’acte de bâtir, et plus particulièrement l’architecture doit apporter une réponse sous forme d’un projet pragmatique et innovant pour passer des fabriques de cerveaux à des pépinières intellectuelles, techniques et sociales pour les générations du XXIe siècle. Telle est notre mission : politiques, équipes d’enseignants, programmistes, concepteurs, … : elle n’a qu’un objectif : préparer les générations futures à alimenter leurs sociétés du futur et vivre avec elles. Pour illustrer ces propos, nous pourrions aborder quatre points qui m’ont paru essentiels pour envisager les pistes de l’enseignement de demain à travers le prisme de la conception et de la construction de bâtiments.

II - Point historique

teur arrive dans les écoles - 6 Décembre 1978 – 3min 43s : http://www.ina.fr/video/CAB7801971001/l-informatique-et-l-ecole-video.html • La Maison de l’An 2000 , 30 Octobre 1979, 07 min 48s : http://www.ina.fr/video/CAA7901376201 • La définition d’un ordinateur par le créateur du terme : 25 septembre 1969 - 12min 58s : http://www.ina.fr/video/CAF86015321/notre-ordinateur-quotidien-video.html

III - Constats On peut naturellement classer les espaces d’enseignement en deux catégories d’un point de vue "patrimonial" :

Décloisonner les espaces, c’est aussi dématérialiser les usages : dans l’espace, dans le temps, dans les classes d’âge. Travaille-t-on à sa table d’école du lundi 8h00 au vendredi 16h00 ?

Sur quels fondements avons-nous bâti l’école jusqu'à nos jours ? Du siècle des lumières à la fin des trente glorieuses, l’enseignement a souvent eu à se confronter à des thèmes politiques produisant des courants comme l’hygiénisme, le constructivisme, le positivisme, mais aussi sociaux comme la reconstruction après la seconde guerre mondiale, la pression démographique des trente glorieuses, l’avènement de l’ère tertiaire et l’informatisation de masse. Quelques vidéos des années 1970 pour illustrer cette informatisation, à visionner sur le site de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) : • journal télévisé du 1er décembre 1978 – Antenne 2 – 1min 28sec : http://www.ina.fr/video/CAB7800038501/informatique-video.html • "Soyons heureux, ce n’est pas une catastrophe mondiale, une pandémie, c’est juste l’arrivée de l’informatique dans notre quotidien !" L’ordina-

e-éducation

• les lieux existants, bâtiments hérités du XXe siècle, doivent faire l’objet de diagnostics précis et adaptés à un panel hétéroclite. Rénover, tirer parti d’un patrimoine bâti est un défi hautement motivant ;

• les bâtiments à venir : il faut impérativement orienter les futurs décideurs et programmistes qui donnent la marche à suivre aux équipes de concepteurs. Attention, le cadre réglementé national et européen en matière de marchés publics ne permet pas à une équipe de concepteurs (architectes, bureaux d’études) de déroger à un programme donné dans le cadre d’un concours de maîtrise d’œuvre. En conséquence, si le programme n’est pas adapté, il est peu probable que la "réponse" de l’équipe de conception soit innovante. En effet, et en caricaturant, si le programme d’un bâtiment est trop directif, la marge de manœuvre des équipes de concepteurs est réduite à "habiller" une carcasse de belles façades et une toiture à haute valeur techno-écologique, et y ajouter quelques "gadgets-geek" dont l’obsolescence programmée et fatale rendra leur utilisation éphémère. D’autre part, force est de constater que l’enseignement "unifilaire" a de moins en moins de place  : c’est-à-dire qu’un professeur dispensant un cours "magistral" à des élèves qui prennent des notes in© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P53

Colloque international

dividuellement, à mon sens, se réduit et est voué à disparaître. En effet, la vie sociale, politique, les connaissances et le travail de nos jours sont basés sur la collaboration, la transversalité, la communication, l’interaction. Rendre intelligible un processus, ce n’est pas une lubie de communicant, c’est anticiper le travail collaboratif, c’est anticiper le travail d’aujourd’hui et de demain. L’Homme n’est plus un maillon d’une chaîne produisant une force de travail, c’est un individu au milieu de "clusters" qui interagit, s’adapte, se remet en question, évolue et se transforme. L’Homme doit maîtriser la technologie (les NTIC) pour passer de l’état de spectateur à l’état d’acteur, briser tout asservissement pour disposer d’outils et non de chaînes.

IV - Pistes Les pistes sur les formes : • comment faire évoluer les universités, les espaces de type amphithéâtres fermés ? • quelles pistes pour rénover d’anciennes unités bâties de la fin du XIXe siècle ? • si l’on parle de transition énergétique, pourquoi ne pas aussi envisager une transition numérique concrète et pragmatique pour les espaces d’enseignement ? • quels sont les travers d’une programmation de bâtiment amenant ensuite à figer les conceptions des lieux d’enseignement ? • l’importance de l’audit, de la concertation, de l’écoute pour créer un programme de bâtiment. Ne pas tomber dans la "liste" exhaustive, mais présenter une ligne conductrice, un parti pris, un point de vue ; • tirer parti de l’environnement, du contexte, dans

P54 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

e-éducation

une construction : un "programme-type" obère toute innovation dans la conception architecturale ; • fédérer des industriels, les associer aux processus d’enseignement : si les bureaux avec un trou pour poser l’encrier ont fait le bonheur des élèves des années 50 et ont intrigué les élèves des années 80, on rêverait d’équiper désormais toutes nos salles avec des plans de travail câblés en courants forts et faibles. Les pistes sur le fond : • décloisonner les espaces, ce n’est pas seulement une question de murs et de planchers. Un campus avec de grands grillages entre les écoles répond-il finalement à cette image des lieux pluridisciplinaires des modèles américains des années 50-70 ? • décloisonner les espaces, c’est aussi dématérialiser les usages : dans l’espace, dans le temps, dans les classes d’âge. Travaille-t-on à sa table d’école du lundi 8h00 au vendredi 16h00 ?

V - Prospectives • Vers une école dématérialisée ? • Vers des enseignants transversaux ? • L’évaluation au fil de l’eau, les contrôles et les évaluations en continu ? • L’école à tous les âges ? • L’école poly-forme ? • De l’école au monde du travail : vers une transition naturelle ? Enseignants, concepteurs, architectes, aiguisons nos neurones, retroussons nos manches, le défi pour demain est aujourd’hui à nos pieds.

Au fil de la conférence... #eeduc14 : facilitateurs : accepter l'usage des techno (les tel.), coopération chef/profs, changer le temps.

#eeduc14 : la technologie au service des apprentissages. 4 critères la simplicité avant tout.

#eeduc14 : doit-on spécialiser des lieux alors que les usages numériques ont lieu partout à tout moment ?

Retrouvez la conférence de Lionel Formentelli et de Marc Durando en streaming grâce au QR code ou à l'URL courte http://huit.re/mg9gX2TE

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P55

Colloque international

s e g a n g i Témo

e-éducation

Au fil du colloque présentation des témoins (suite de la page 34)

APPLICATION GUIDIGO Antoine Gouritin

http://www.guidigo.com ou QR Code

ENSEIGNER EN PRIMAIRE AVEC UNE TABLETTE Michèle Drechsler

Retrouvez le support de sa présentation en ligne : http://huit.re/yd27fBIM ou QR Code

Suite page 58 P56 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Les espaces d'apprentissage de l'ère numérique Compte tenu du planning des invités, ce n'est pas une, mais deux émissions spéciales d’Échafaudages, le magazine radio de l’ESENESR, qui se sont déroulées ce jour-là, l'une avec Marc Durando et Jean-Paul Moiraud, l'autre avec Eddie Playfair et Lionel Formentelli.

Retrouvez les émissions en mp3 :

Émissions animées par Olivier Kappes. Régie : Cécile Pires.

http://huit.re/ eeduc14_WR3a

http://huit.re/ eeduc14_WR3b

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P57

Colloque international

s e g a n Témoig USAGES DES MOOCs Jacques Dubois

e-éducation

Au fil du colloque présentation des témoins (suite de la page 56)

Retrouvez ses supports de présentation pour le colloque en ligne sur SlideShare :

Utiliser un MOOC pour former ses équipes : http://tiny.cc/hgkavx

Des MOOCs pour le secondaire ? http://tinyurl.com/nqefeyp

ENGLISH FOR SCHOOLS Donner l’envie d’apprendre l’anglais

2

AVANT LA CLASSE Préparation du cours par l’enseignant depuis l’accès

PENDANT LA CLASSE , des ressources multimédia et des activités attrayantes, ludiques et interactives pour s’immerger dans la culture et l’actualité anglophones

L’ESSENTIEL Cible : les élèves de CE2, CM1, CM2 (cycle 3) et leurs intervenants en anglais Un service gratuit pour toute la communauté éducative (en accès libre pour les élèves et sur inscription pour les enseignants) Un service ayant pour ambition de développer l’envie d’apprendre l’anglais grâce à une approche originale, ludique et interactive Un service donnant accès à des ressources du web anglophones (vidéos, articles, jeux…) sélectionnées et éditorialisées par les experts du CNED Un service disponible à la rentrée 2013 pour l’ensemble des écoles, avec une préinscription dès le mois de juin pour les enseignants

À LA MAISON Consultation des ressources pédagogiques par l’élève via l’accès

À retrouver sur http://kids.englishforschools.fr/ P58 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Pour y accéder : englishforschools.fr

© ministère de l’éducation nationale - juin 2013

Colloque international

e-éducation

NUMÉRIQUE ET ÉVOLUTION PÉDAGOGIQUE Laurence Juin

Blog : https://maonziemeannee.wordpress.com/ Retrouvez son support de présentation pour le colloque en ligne sur SlideShare : http://tiny.cc/3f59ux ou QR code :

NUMÉRIQUE ET FLE David Cordina

Retrouvez son support de présentation pour le colloque en ligne sur SlideShare : http://tinyurl.com/o3sessp ou QR code :

e r o c n e i c r e M tous ! à © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P59

Colloque international

e-éducation

Photo collective en fin de colloque. P60 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Colloque international

e-éducation

Ateliers

Les ateliers de réflexion et de proposition sont devenus, au fil des éditions, une des composantes essentielles du colloque e-éducation. Ces séances permettent à l’ensemble des participants venant de l’enseignement scolaire, supérieur, de l’interministériel et de l’international de croiser leurs regards sur les thématiques abordées au cours du programme et d’enrichir les interventions en vue d’une mise en pratique sur le terrain. Pour cette quatrième édition, la tenue des 4 séances d’ateliers s’est étendue à l’ensemble du réseau Canopé : chacune des structures relayant les interventions du colloque était également invitée à animer un atelier et à en remonter les résultats en vue de leur synthèse et de leur intégration aux actes numériques.

Ateliers

Présentation, méthodologie, synthèse

4 thèmes : 1. 2. 3. 4.

Société numérique Numérique et apprentissages : relations avec la recherche Numérique et apprentissages : mise en pratique pédagogique Numérique et espaces d’apprentissages Un travail en amont a donc été conduit pour déterminer la forme de cette remontée, et s’est étendu à la formalisation des modalités d’animation, des questions posées et des propositions, en utilisant une plateforme technique dédiée aux enquêtes d’évaluation régulièrement menées par l’ESENESR. Cette méthodologie solide a permis de recueillir plus de 500 propositions provenant de 15 ateliers répartis sur l’ensemble du territoire. Pour chacun des ateliers, la consigne était, sur la base des questions posées aux intervenants pour les mêmes thématiques, de formuler au moins trois propositions, assorties d’indications sur les leviers à utiliser, les freins à lever et les points d’attention. Élisabeth Schneider, intervenante sur le colloque, et Yaël Briswalter, DANE de l’académie de Grenoble, ont accepté de superviser les ateliers localisés à l’ESENESR et de réaliser la synthèse de l’ensemble de ces réflexions, avec l’appui des ressources du Pôle innovation de l’ESENESR pour le traitement des données. © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P61

Colloque international

r e i l e t A

e-éducation

Société numérique

Un bouleversement culturel sans précédent a lieu en ce moment dans notre société, qui, inéluctablement, devient numérique. Comment l’École est-elle impactée par ce changement ? Doit-elle intégrer sans recul les pratiques sociétales qui relèvent du quotidien ? En 2015, bon nombre d’usagers du métro sont captivés par leur écran : est-ce une raison suffisante pour généraliser les écrans en classe  ? La culture numérique ne serait-elle pas une sousculture populaire, émanation d'une stratégie commerciale des grands lobbies informatiques ? L’École n'aurait alors pas obligation à se mettre au diapason des pratiques consommatrices, voire consuméristes, sauf à le faire avec recul et clairvoyance. La société numérique interroge donc directement l’École, en opposant pratiques sociales et transmission culturelle, savoir savant et savoir populaire, usages des médias commerciaux et littératie numérique. Cette problématique interroge. Tout d’abord, y at-il véritablement une culture numérique ? La notion même de culture renvoie explicitement aux rites communs, aux pratiques partagées par une société. Les conférences ont montré que cette culture n’était pas une "culture jeune". Mettre fin au mythe des digital natives ouvre de nouvelles perspectives  : la révolution numérique est une révolution culturelle, en cela qu’elle prend une dimension anthropologique forte. Elle s’inscrit dans l’évolution de l’humanité — communication orale, communication écrite sont des fondements de notre culture — et dépasse largement l’échelle d’une génération. Les usages — pratiques de communication, d’échanges d’informations, d’accès au Savoir — sont profondément bouleversés par le numérique. Notre culture change, et l’École se doit de partager les nouvelles valeurs qui émergent. Dès lors, quelles règles régissent ces pratiques et modèlent les us et coutumes de la société numérique ? Force est de constater que le temps juridique n’est pas en phase avec la violence du tsunami numérique : l’École doit s’adapter au plus vite pour rester en phase avec la société, mais le cadre juridique ne nous permet pas toujours ni de développer les usages, sans distorsion entre les P62 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

pratiques et la loi, ni d’éduquer nos élèves à un usage raisonné et citoyen des médias numériques : respect des droits, construction et maîtrise de son identité numérique, étayage de l’esprit critique. L’esprit critique (ou "bon sens" ?) est sans doute l’une des qualités qui devraient être des mieux partagées au monde. C’est dans tous les cas une arme indispensable pour appréhender le numérique, au vu de la place qu’il semblerait prendre dans notre culture et notre société. Internet en général et plus particulièrement les réseaux sociaux soulèvent des enjeux capitaux en termes d’information. L’actualité du début de cette année 2015 confirme cette nécessité : il faut accompagner nos élèves pour qu’ils soient en mesure de distinguer le vrai du faux. Dans une société numérique, la connaissance des médias sociaux est un rempart des valeurs de la République. Les compétences liées au numérique sont un élément clé de la cohésion sociale : la fracture numérique n’est plus tant dans l’équipement que dans les usages. L’École doit donc, pour donner les mêmes chances à chacun, développer la culture numérique de tous.

Propositions 1. Développer le BYOD Régler l’urgence absolue des problèmes d’équipement et de maintenance. Ne plus interdire le téléphone portable et développer l’utilisation des terminaux personnels connectés par le Wifi. Trop souvent encore l’École semble coupée du monde : manque de matériel, machines obsolètes, connexion internet pour 300 ordinateurs plus lente qu’une connexion domestique… L’un des facteurs d’accélération de l’équipement de l’École est la mise en œuvre du Bring Your Own Device (BYOD). Au lycée dans un premier temps, on doit envisager que les élèves puissent utiliser leurs terminaux mobiles en classe. Cela implique entre autres que la connexion wifi soit disponible et qu’un cadre juri-

Colloque international

dique clair soit établi.

2. Prendre en compte le bouleversement du numérique dans les programmes et examens Les compétences liées à la culture numérique ne sont pas prises en compte dans les programmes et examens. Cela ne permet pas aux usages pédagogiques du numérique de se développer en classe, et bon nombre d’élèves ne sont pas formés à l’éducation aux médias numériques. On propose donc : • la prise en compte et la valorisation des compétences transmédias des jeunes dans les apprentissages scolaires (littératie numérique, accompagnement de projets de recherche et production documentaire, développement de compétences et définition de limites (droit, libertés individuelles), développement de l’esprit critique, éducation à la citoyenneté… • l’appui sur le numérique pour mettre en œuvre une pédagogie renouvelée : learning by doing, pédagogie de projet, travail collaboratif, classe inversée…

3. Mettre en place une formation massive au numérique Modification des programmes, modification des pratiques, bouleversements sociétaux, bouleversements culturels : ces mutations d’importance nécessitent une formation de tous les acteurs de l’Éducation. Elle doit prendre appui sur les apports de la recherche. Cette formation doit elle-même mettre en œuvre une andragogie renouvelée par le numérique, sur le même modèle que pour les élèves : learning by doing, pédagogie de projet, travail collaboratif, classe inversée…

e-éducation

objectif majeur, on visera à étayer cette culture au sein des communautés existantes (équipes d’écoles ou d’établissements par exemple).

4. Développer une culture numérique Développer une culture numérique nécessite partage et collaboration : c’est à l’échelle de l’école ou de l’établissement que peuvent se fédérer des communautés d’enseignants, d’élèves, de cadres, de parents, qui pourront partager une même culture. Une définition claire du pilotage du numérique dans l’établissement est donc nécessaire : volet numérique du projet d’établissement, projet d’établissement, projet d’école, conseil d’administration, conseil pédagogique sont des leviers majeurs où le numérique doit être traité. La formation des personnels de direction au numérique apparaît alors comme un enjeu capital. Un accompagnement national est nécessaire pour essaimer cette culture numérique au niveau local : définir des missions en mettant à disposition les moyens nécessaires : • un référent pour les usages pédagogiques du numérique (à amplifier), • un référent technique (à définir et financer), • un administrateur ENT (à financer).

5. Aspects juridiques Les freins juridiques sont nombreux. Il est nécessaire, pour que les enseignants puissent développer les usages, d’étendre l'exception pédagogique et d’assouplir le cadre institutionnel et administratif.

La construction d’une culture numérique étant un © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P63

Colloque international

r e i l e t A

e-éducation

Numérique et apprentissages : relations avec la recherche

Bon nombre des ateliers ont commencé par proposer des pistes de définition du numérique, pour cerner avec le plus de précision possible l’empan de la problématique. Sans doute ce besoin de clarification est-il symptomatique : l’évolution des concepts, passant de l’informatique aux TICE (ou TUIC), puis au numérique, pose question. En effet, nous sommes passés d’une informatique "dure", avec le plan Informatique Pour Tous, centré sur la programmation et la compréhension de l’informatique, aux technologies de l’information et de la communication qui s’intègrent aujourd’hui à un "numérique" omniprésent. Cette évolution nécessaire a permis de valoriser davantage le contenu (le numérique au service des apprentissages) par rapport au contenant (connaissance et pratique de "l’outil" numérique). Cette première approche restait somme toute assez technocentrée ; il s’agissait bien — et la première mouture du B2i qui valorisait des habiletés manipulatoires allait bien dans ce sens — d’apprendre aux élèves à utiliser des outils pour se documenter (apprendre le numérique). L’évolution constatée depuis le début des années 2000 tient sans doute à trois facteurs : l’évolution des outils eux-mêmes, devenus de plus en plus simples d’accès, l’évolution du public avec une aisance collective grandissante, et, sans doute, les premiers résultats des travaux de recherche qui ont montré comment les dispositifs technico-pédagogiques pouvaient avoir une influence sur les apprentissages. C’est ici que se situe précisément le point d’équilibre qui, lorsqu’il a été franchi, a constitué le point de bascule pour "faire entrer l’école dans l’ère du numérique" : l’outil est devenu stratégie et non plus objectif, on s’est de nouveau pleinement intéressé aux acquis des élèves, et à des acquis ne relevant pas seulement de l’habileté informatique, mais de l’ensemble des compétences. Dans cette perspective, le numérique est apparu comme un levier pour étayer l’ensemble des compétences de l’élève : pratique des langues, culture scientifique et humaniste, citoyenneté, autonomie…

P64 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Pour l’heure, le numérique — c’est ce que suggère l’avènement de ce terme et dans la société et dans le langage institutionnel — engloberait donc l’ensemble des domaines évoqués depuis Informatique Pour Tous : • le numérique support (pdf, vidéoprojection), qui n’est pas retenu comme essentiel pour les apprentissages ; • le numérique objet d’apprentissage (codage, informatique "dure") ; • le numérique prothèse d'apprentissage (aide pour le handicap notamment) ; • le numérique vecteur et moyen d’apprentissage : apprendre à apprendre, développer des postures réflexives, partager, créer dans et par le numérique. La dimension cognitive est un élément capital, au moins autant que la dimension didactique : ces deux entrées sont à privilégier pour éviter l’écueil d’une approche trop centrée sur les outils et répondre à des questions telles que : le numérique fait-il écran aux apprentissages ? Le jeu vidéo, même sérieux, est-il nuisible ou utile ? Quelles démarches pédagogiques mettre en œuvre avec le numérique pour favoriser les apprentissages ? Le numérique étayerait par ailleurs des compétences nouvelles : culture numérique, digital skills, littératie. Sans doute est-ce là un des premiers besoins adressés aujourd’hui à la recherche : définir le champ du numérique dans sa relation avec les apprentissages. Dans quelle mesure le numérique permet-il de mieux apprendre ? Quelles compétences peut-on évaluer et comment ? Ces questions sont adressées à la recherche ; toutefois, c’est un travail en synergie qui permettra aux chercheurs, à l’Institution et aux enseignants d’avancer conjointement dans ces domaines. C’est le sens des trois séries de propositions présentées ci-après, issues de la synthèse des travaux en atelier.

Colloque international

Propositions 1. Faciliter l'accès des chercheurs dans les structures scolaires Créer ou renforcer des instances de liaison entre l’École et la recherche (observatoires, incubateurs) pour proposer des terrains d’observation, impulser des expérimentations, favoriser la diffusion de pratiques intéressantes. Dégager du temps pour observer les situations d’apprentissage et permettre des analyses collectives de pratiques associant professeurs sur le terrain, inspecteurs, chefs d'établissement et chercheurs. Innover en implantant des laboratoires dans des établissements scolaires. Un laboratoire pourrait disposer d’un espace dans un lycée et serait en contact avec les collèges et écoles du secteur. Cette implantation sur le terrain favoriserait par ailleurs les échanges entre enseignants et chercheurs.

2. Faciliter le transfert (diffusion dans le monde enseignant ?) Créer une plateforme de partage de connaissance, pour renforcer et rendre plus visibles auprès des enseignants les retours d’expériences, par les CARDIE et les DAN en académie, par la DNE au niveau national (plateforme nationale / MOOC, etc.) : il est nécessaire de rassembler les ressources, en évitant davantage de dispersion encore. Créer une plateforme collaborative, pour organiser le transfert de la recherche en établissement par la présence de référentsrecherche : animation des réseaux de professeurs

e-éducation

relais, et participation des chercheurs. Créer une commission recherche de proximité, pour développer le travail collaboratif et la mutualisation (entre les enseignants, entre équipes disciplinaires, entre équipes écolescollège). Cette démarche de mutualisation des connaissances universitaires peut être mise en place au niveau de la structure scolaire, mais aussi au niveau du bassin, avec, si possible, un lien avec les chercheurs.

3. Intégrer la recherche dans la formation des enseignants, des formateurs et des cadres Définir une stratégie de formation de tous les personnels, qui intègre la recherche. Favoriser l’accès des enseignants aux savoirs universitaires (colloques académiques, retransmissions à distance, vidéos en ligne, etc.), mais aussi les dispositifs de recherche-action, par exemple. Mettre en place une démarche de valorisation d’une formation continue diplômante : un outil tel que le portfolio numérique permettrait de consigner les expériences et les acquis, avec un volet en lien avec la recherche. Il est nécessaire en la matière de dépasser le C2i2e, dont les atermoiements décrédibilisent la valeur du certificat. Dans le cadre de la mastérisation (master MEEF et master PIF) de l’accès à la profession d’enseignant, encourager les mémoires consacrés au numérique : les professeurs stagiaires pourraient ainsi à la fois renforcer leurs compétences liées à la pédagogie "numérique" en observant le terrain, et impulser la réflexion au sein de leur école ou de leur établissement.

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P65

Colloque international

r e i l e t A

e-éducation

Numérique et apprentissages : mise en pratique pédagogique

Poser la question du numérique et des apprentissages conduit à trouver des angles d'attaque liés aux compétences et aux notions en jeu. Lire et écrire, en tant qu’enjeux fondamentaux de l'école, sont interrogés par le développement du numérique comme dans les pratiques privées des jeunes. Dans cette perspective, et contrairement à un discours convenu, la recherche montre bien que les compétences langagières ne s'appauvrissent pas dans l'utilisation des SMS, des réseaux sociaux ou autres outils de publication en ligne. Dans le même mouvement, la valeur sociale et individuelle de la lecture et de l'écriture sont réaffirmées : on lit et on écrit davantage dans des formes nouvelles, qu'il convient de ne pas caricaturer pour en prendre la juste mesure. Pour développer des compétences linguistiques, l'expertise des enseignants reste plus que nécessaire, mais il n'y a pas de déterminisme de la technique sur le niveau des élèves : le numérique, en la matière, ne provoque ni retard ni dérive, mais un simple décalage des usages, qui doit être reconnu et pris en compte. Cependant, comme à d'autres moments de l'histoire de l'école, se posent les questions de l’intégration du numérique dans le cursus scolaire, des élèves en difficulté, du choix des pratiques les plus pertinentes pour apprendre et comprendre dans une conception équilibrée de la norme linguistique, etc. Mais c'est bien en premier lieu la littératie qui focalise la réflexion. L'écriture multimédia, en réseau ou collaborative, la lecture, la sélection et l'évaluation des informations en ligne comme dans les médias traditionnels, sans oublier le retour en force de l’oral à travers le multimédia, la vidéo, l’univers des jeux, valorisent d’abord la lecture, et une lecture qui se présente selon des modalités et dans des conditions tellement différentes du canon imposé depuis des siècles par la forme du codex qu’il serait facile de passer à côté... Ces pratiques informelles et empiriques de cette littératie nouvelle nécessitent une démarche réflexive et un accompagnement de l'enseignant pour évoluer vers des pratiques expertes. L'enseignant lui-même, qui depuis 1996 est chargé par les programmes, quelle que soit sa discipline, de contribuer à la maîtrise de P66 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

la langue, doit prendre la mesure du potentiel des outils du numérique pour faire lire et écrire, et plus largement aujourd'hui comprendre et créer. La mise en œuvre d’une pédagogie visant la réussite des élèves dans les apprentissages s'ancre donc dans la prise en compte de cette littératie numérique, qui ne doit pas être réduite à ses dimensions techniques. Elle peut ainsi se définir comme "l'ensemble des clés de compréhension du monde numérique à des fins de production et de partage de savoirs", à l'instar de la littératie construite autour de l'ordre du livre et qui organise la littératie scolaire, même s'il ne s'agit pas de les opposer mais bien de réfléchir à leur articulation. À travers les retours des différents ateliers, nous avons identifié à travers les différentes propositions les axes d’action suivants.

Propositions 1. Développer l'expertise en didactique et l’enseignement de la littératie Les pratiques enseignantes doivent prendre en compte les formes d'écriture numérique dans les processus d'enseignement-apprentissage. Cela implique de porter attention à la valeur sociale de l'écrit dans une perspective élargie afin d’exploiter au plan pédagogique les compétences correspondantes en matière de création, de travail éditorial et de publication. La démarche et le processus d'écriture sont au cœur des compétences culturelles et linguistiques à développer, ce qui suppose de repenser les formes d'écrits travaillés à l'école et les formes d'évaluation correspondantes. Qu'entend-on réellement par "productions attestant de compétences en littératie numérique" ? Ce travail de caractérisation est à faire selon les disciplines ou les savoirs auxquels elles seront liées.

Colloque international

La didactique et l'enseignement de la littératie devront prendre en compte les enjeux d'un développement des usages réflexifs de la langue en s'appuyant sur les spécificités et la diversité des écrits comme des productions multimédia. Ainsi, il ne s'agit pas de donner une place nécessaire, par exemple, au microblogging, aux e-portfolios, aux SMS et aux messages postés sur les réseaux sociaux, sans une réflexion sur les genres littéraires ou éditoriaux comme on a pu le faire pour les formes de l'imprimé.

2. Mener une réflexion et une politique de choix à forte valeur ajoutée éducative À l’échelle de la France, on constate un déficit de propositions d'applications éducatives facilement accessibles et qui offriraient les fonctionnalités comparables à des outils grand public. Cet état de fait conduit souvent les enseignants à un dilemme entre les risques éthiques et cognitifs liés à de tels outils, ou à une posture d’attente. Une partie de la solution pourrait cependant résider, au-delà des préconisations institutionnelles complétées par la formation et par une offre en adéquation avec les besoins supposés, d’abord dans la co-construction de ressources entre enseignants, et en deuxième lieu en favorisant la production de ressources ou de supports par les élèves eux-mêmes, à travers des pratiques d’écriture collaborative ou de productions multimédias individuelles ou collectives. Cette démarche, qui suppose par elle-même une prise de risque, s’accompagne de corollaires intéressants en termes de valeur ajoutée :

e-éducation

• travailler avec les élèves à une littératie appuyée sur la maîtrise "suffisante" des outils en vue d’un réinvestissement immédiat dans le sens et les contenus, installant ainsi une démarche d’apprentissage réflexif abordant de front plusieurs niveaux de la pyramide de Maslow. On trancherait ainsi la question des supports tout en abordant celle de la publication en ligne et de la valorisation des productions des élèves que l'on souhaite variées, mais centrées sur les apprentissages et une socialisation réfléchie. Reste qu’il serait regrettable que les ressources comme les productions scolaires soient instrumentalisées par les grands groupes qui pourraient en exploiter les données, et qu’il semble urgent qu’une offre de ressources avalisées par l’institution puisse bénéficier à de nombreux enseignants en demande.

3. Évaluer les apprentissages en littératie numérique La remise en question de la note et le socle commun de connaissances et de compétences sont des jalons pour interroger plus précisément le sens de l'évaluation. En effet, comment évaluer les pratiques collaboratives, transmédiatiques et le développement de compétences translittératiques ? Les évaluations pourraient porter sur des productions de groupe et s'attacher aux démarches individuelles avec un cahier des charges des productions et un pilotage de projet. Ces éléments demandent d'interroger nos pratiques d'évaluation.

• travailler la co-formation, l’expertise technique et pédagogique des enseignants ; © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P67

Colloque international

r e i l e t A

e-éducation

Numérique et espaces d’apprentissage

Être utilisateur d'un ordinateur portable, d'un smartphone, signifie travailler, lire, écrire, partager dans des lieux qui ne sont pas forcément dédiés à ces activités. On peut par exemple accéder aux contenus d'un cours en ligne sans pour autant se trouver dans un lieu de formation. Les jeunes sont dans des configurations plus ouvertes d'accès à des contenus éducatifs. Par ailleurs, ces pratiques se conçoivent dans le cadre d’une socialisation : lire c'est aussi annoter et partager sur un réseau social, pouvoir entrer dans la conversation sur les contenus pour écrire à nouveau. On voit alors combien le développement des usages du numérique pose la question des espaces, conjointement avec celle des temps de l'apprentissage. On peut convenir que les espaces physiques doivent être plus ouverts et appuyés aux outils nomades, à un Wi-Fi de qualité et généralisé. Les lieux dédiés considérés comme lourds et peu performants semblent dépassés, et les contraintes budgétaires et spatiales doivent être dépassées, susciter des adaptations pour ne pas être des obstacles à la réussite même des élèves. La notion même d'espace se précise tout en ne se limitant pas à un environnement, mais est composée des activités, des interactions des acteurs de l'établissement avec des outils, des supports d'apprentissages indépendamment de la localisation physique d’un point géographique précis où cela se réalise. Via la portabilité des outils et la centralisation des données, les activités numériques dilatent l'espace et le temps scolaires hors de la salle de classe, hors de l'établissement, dans des lieux réputés informels comme les halls, les domiciles, les espaces publics, les médiathèques, les transports…

Propositions 1. Des espaces au-delà des environnements Les CDI des établissements scolaires semblent des lieux qui permettent d'imaginer ce que peut être cet espace d'apprentis-

P68 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

sage, mais il faut envisager d'aller plus loin encore. Dans l'établissement, le besoin est réel d'espaces modulables et ouverts qui permettent la polyvalence, la flexibilité des usages, l'accès à des ressources de natures diverses (papier comme numériques) dans lesquels les apprentissages pourront se mettre en place de manière variée selon les compétences à développer et les savoirs à construire, ce qui reste bien à déterminer par l'institution éducative. Les enquêtes sur les usages des jeunes montrent qu'ils se saisissent des outils du numérique en particulier pour des pratiques créatives. Cette créativité doit trouver sa place dans l'école dans l'évolution des espaces et le développement d'espaces plus innovants comme les fab-labs. Mais c'est aussi une réflexion nécessaire à mener sur l'outillage même des jeunes : leur laisser utiliser leur matériel dans la lignée du BYOD leur permettrait de profiter de leur environnement de travail, des applications qui leur sont destinées, de leurs éléments de stockage, mais aussi de les enrichir des propositions de l'école. Ce qui permettrait de dépasser au moins partiellement le hiatus entre pratiques privées et pratiques scolaires et permettait aussi d'ouvrir le dialogue sur les équipements et choix d'applications.

2. Une pédagogie qui démultiplie l'espace d'apprentissage en tirant parti du potentiel transmédiatique du numérique De la même manière que dans des pratiques privées, lire et écrire aujourd'hui signifie interagir avec une pluralité de plateformes, de dispositifs techniques et sociaux en ligne mais aussi hors ligne. Les élèves sont amenés comme les adultes à lire, copier-coller, déposer, commenter, taguer (étiqueter), publier, enregistrer, imprimer, annoter, etc., selon un continuum d'activités qui profite de l’interopérabilité des systèmes techniques et d’outils nomades et polyvalents. Ces pratiques d'écriture et de lecture sont multimedia par essence et s'inscrivent dans des processus de socia-

Colloque international

lisation des informations et des savoirs en lien direct avec l'évolution des espaces. Mais chacun se rend compte que leur potentiel ne peut se déployer que si et dans la mesure où les espaces scolaires formels ou informels s'y accordent. Synchrone et asynchrone, formel et informel s'articulent de fait mais peinent à démontrer leur pertinence dans les apprentissages scolaires dans un contexte de rigidité – des espaces comme des programmes disciplinaires.

3. Un espace et un temps professionnel réévalués Si les acteurs, enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs ont besoin d’être accompagnés en termes de formation et d’information sur les usages innovants, il est nécessaire qu'ils soient aussi destinataires d'une offre d’espaces et de temps de travail propices à l'expérimentation et à la mutualisation. Élaborer des scénarios d'apprentissage hybrides, les faire évoluer, produire ou sélectionner des ressources pertinentes, mais aussi les déposer sur une plateforme de mutualisation, échanger, se concerter avec ses pairs demande du temps et des lieux équipés et ergonomiques. Ainsi, pour permettre le nécessaire développement des compétences professionnelles, il faudra prendre en compte le temps nécessaire pour la préparation des cours, la mutualisation… en parallèle, innover, mutualiser, évaluer les pratiques s'inscrit dans une utilisation des plateformes de formation avec une reconnaissance de ces pratiques professionnelles comme temps de travail hors classe.

e-éducation

4. Le professeur documentaliste, référent dans ces évolutions Cet enseignant, responsable du CDI et de la formation en information-documentation des élèves du secondaire, s'est emparé des questions d'apprentissage hors la classe et des usages du numérique, en particulier la recherche d'information en ligne depuis les débuts du Web. Ses missions, encore trop peu connues, le conduisent aujourd'hui à être une personne sur laquelle s'appuyer pour ces évolutions et la réflexion sur l'espace d'apprentissage. La politique documentaire dans le cadre du projet d'établissement doit ainsi prendre en compte les différentes dimensions de l'intégration du numérique : les outils, les ressources, les activités pédagogiques, les lieux et leur organisation, l'articulation de ceux-ci avec les supports et outils plus traditionnels. Un travail de communication et d'évaluation continuée sera nécessaire pour permettre une réelle efficience.

5. Communiquer sur les évolutions à destination des parents et des partenaires de l'école Les formes traditionnelles de l'enseignement et de l'apprentissage étant inscrites dans notre histoire sociale et nationale, il sera nécessaire d'expliquer les choix stratégiques et les transformations des pratiques des enseignants, des activités scolaires, des formes du travail demandé aux élèves que ces choix entraînent. D'autant plus au regard du développement de la pédagogie inversée et des activités en ligne qui bouscule la représentation que l'on pouvait se faire du travail scolaire à la maison.

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P69

Colloque international

e-éducation

Une organisation partenariale Le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, administration de tutelle des organisateurs du colloque, est également représenté au sein du comité scientifique de cette manifestation, avec la participation de :

• la DNE - Direction du numérique pour l'éducation, • l'IGEN - Inspection générale de l'éducation nationale • l'IGAENR - Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. Le 4e colloque e-éducation prend ainsi sa place dans la stratégie ministérielle qui vise, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi sur la refondation de l'école de la République, à faire entrer l'école dans l'ère du numérique. http://www.education.gouv.fr/ L'école supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESENESR) est chargée de la conception, du pilotage et de la mise en œuvre de la formation des personnels d'encadrement pédagogiques et administratifs, des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des personnels des bibliothèques du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à l'exception de ceux gérés par le service de l'action administrative et de la modernisation. Elle concourt à des actions de réflexions et d'échanges sur le système français d'enseignement et de formation. En 2013, l'école a délivré près de 44 000 journées de formation dont 29 400 en présentiel et 14 500 en distanciel. Disposant de 67 permanents (ingénieurs de formation, personnels administratifs et techniques), l'école s'appuie sur un réseau d'environ 1100 formateurs et intervenants provenant d'horizons divers. http://www.esen.education.fr/ Canopé est le réseau de création et d’accompagnement pédagogiques, ex-Scérén CNDP (Centre national de documentation pédagogique). Opérateur du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, il conçoit, édite et diffuse des ressources pédagogiques multiformats et transmédias répondant aux besoins de la communauté éducative. Qu’il s’agisse d’éclairages, d’approfondissements ou d’outils pour agir, les ressources produites par le réseau Canopé poursuivent le même objectif : répondre aux nouvelles attentes des enseignants et de la communauté éducative (médiateurs, éducateurs, parents…), pour la réussite de tous les élèves. Partout en France, Canopé déploie "les ateliers Canopé", lieux de créativité, d’échange, d’expérimentation et de formation, pour accompagner les nouvelles pratiques pédagogiques et particulièrement celles induites par le numérique. Acteur majeur de la refondation de l’école, Canopé œuvre chaque jour, au côté de ses partenaires (rectorats, collectivités, ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation), associations d’éducation populaire, parents d'élèves…) pour faire entrer l’École dans l’ère du numérique. http://www.reseau-canope.fr Établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le CNED (Centre national d'enseignement à distance) a pour mission d'assurer, pour le compte de l'État, le service public de l'enseignement à distance (extrait du décret n° 2009-238 du 27 février 2009) et de former tout au long de la vie tous ceux qui ont un projet de formation, quels que soient leur âge et leur situation (enseignement supérieur, formation professionnelle, concours). Plus de 220 000 personnes se forment tous les ans avec le CNED. Au cœur de l’innovation pour permettre à chacun d’apprendre et de se former avec les technologies d’aujourd’hui, le CNED est également un des acteurs majeurs de la politique éducative numérique du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, avec deux services opérationnels depuis la rentrée 2013 : D’COL et English for Schools. http://www.cned.fr L'Institut français de l’Éducation est une composante de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon. Il prend le relais de l'Institut national de recherche pédagogique dont il assure toutes les missions et toutes les obligations, à l'exception de la mission muséographique. L'IFÉ est une structure nationale de recherche, de formation et de médiation des savoirs en matière d'éducation, fondée sur une interaction permanente avec les communautés éducatives, grâce au recrutement de professeurs détachés et de professeurs associés. Sur le plan international, l'Institut français de l’Éducation est inséré dans tous les grands réseaux de recherche, de l'UNESCO à l'OCDE. Grâce à ses ressources documentaires et à un dispositif d'accueil aussi simple qu'efficace, il est la porte d'entrée des chercheurs étrangers travaillant sur le système éducatif français. L'Institut français de l’Éducation va progressivement couvrir l'ensemble du champ de l'éducation, de l'école maternelle à l'université, de l'enseignement formel à la formation continue. Il s'intéresse aux "éducations à " (à la santé, à la ville, aux nouvelles technologies, etc.), qui s'adressent à des publics de tous âges et de tous capitaux sociaux culturels. Il a en outre pour mission de nourrir le débat public sur les grands enjeux contemporains de l'éducation, et de mettre à disposition du public des ressources scientifiques et technologiques. http://ife.ens-lyon.fr

P70 - © ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014

Programme de l'édition 2014 MMardi 14/10 : société numérique 8h15-8h45 : accueil 8h45-9h15 : ouverture du colloque par les dirigeants des établissements partenaires : • Jean-Marie PANAZOL (ESENESR) • Jean-Marc MERRIAUX (Canopé) • Serge BERGAMELLI (CNED) 9h15-9h45 : Catherine BECCHETTI-BIZOT (DNE) : Pourquoi questionner le numérique ? Faire entrer l’école dans l’ère du numérique. 9h45-11h15 : Emmanuel DAVIDENKOFF & Evgeny MOROZOV, journalistes et auteurs : Quels enjeux pour l’éducation dans une société numérique ? Une vision des défis qui attendent l’éducation de demain. 11h15-12h30 : témoignages d’expériences d’utilisation du numérique en pédagogie.

14h00-15h30 : Divina FRAU-MEIGS, enseignante-chercheure, Université Paris 3, directrice scientifique du CLEMI & Élisabeth SCHNEIDER, docteure en géographie, université de Caen : Quelle place pour l’individu dans la société numérique ? Analyse de la place de l’individu dans un corps social, à travers l’usage d’outils et d’applications numériques. 15h30-17h00 : ateliers : comment intégrer l’éducation dans la société numérique ? 17h30-19h00 : Ghislaine AZEMARD, professeur, université Paris 8 & Patrick TREGUER, responsable Le Lieu Multiple, Poitiers : L’émotion est-elle compatible avec le numérique ? Numérique et émotion culturelle : frein, complément ou nouveau paradigme ? 20h45-22h00 : soirée récré'active proposée par le réseau Canopé : visite de l'atelier Canopé (site du Futuroscope), émission de Webradio en direct et en public, ateliers Webéducatifs...

MMercredi 15/10 : apprentissages et numérique 8h30-10h00 : Elena PASQUINELLI, membre associé Institut Nicod & Francois VILLEMONTEIX, maître de conférences, université de Cergy-Pontoise : Quel est l’impact du numérique sur les apprentissages ? Analyse de l’influence de l’usage des technologies numériques sur les apprentissages, de la recherche à la pratique quotidienne. 10h00-11h15 : témoignages d’expériences d’utilisation du numérique en pédagogie. 11h15-12h45 : ateliers : comment le numérique peut-il favoriser les apprentissages ?

14h00-15h30 : Eddie PLAYFAIR, principal du NewVIc college à Londres & Rémi THIBERT, IFÉ : Quelles interactions entre pédagogie et numérique ? En quoi une approche numérique de la pédagogie permet-elle les progrès de tous, et dans quelles conditions ? 16h00-16h45 : Antonine GOUMI, enseignante-chercheure, maître de conférences, université Paris 10 : Le numérique transforme-t-il l’écriture ? Une vision de l’évolution des pratiques d’écriture induites par le numérique et leur niveau de qualité. 17h00-18h30 : ateliers : comment aller vers une littératie numérique ? 20h00-22h00 : soirée ESENESR - Ateliers découverte & rencontres informelles.

MJeudi 16/10 : vers l'école du futur 8h30-10h00 : Marc DURANDO, directeur exécutif European Schoolnet, Bruxelles (Belgique) & Lionel FORMENTELLI, architecte, cabinet FCL Architecture : Quels espaces pour apprendre à l’ère du numérique ? Une vision des possibilités d’évolution induites par le numérique sur les modèles d’espaces d’apprentissages.

13h30-14h30 : conférence de clôture : Jean-Francois CERISIER, vice-président de l'université de Poitiers, directeur du laboratoire TECHNE 14h30-15h00 : Clôture du colloque.

10h30-12h00 : ateliers : comment penser les espaces pour apprendre avec le numérique ?

© ESENESR, Colloque international e-éducation, 2014 - P71

Colloque international

e-éducation Le numérique en questions

Du 13 au 16 octobre 2014 ESENESR - POITIERS

Téléchargez les actes numériques :

http://huit.re/eeduc14_actesnum

Réalisation Olivier KAPPES Ingénieur de formation [email protected] Sophie LETERRIER Secrétaire d’édition numérique [email protected] Marine GÉRARD Chargée de la communication du colloque SUPERVISION Olivier DULAC Responsable de l'innovation pédagogique et du numérique [email protected] © ESENESR, juin 2015 sur une maquette "Liner Communication" Jean-Marie PANAZOL Directeur de publication